Histoire générale des Antilles Tome 5 et 2 de la 2ème série. Suite

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— 377 — Ce fut donc avec tous ces éléments de ruine, que Chanvalon put enfin mettre à la voile, le 14 novembre 1763. Précédé par deux bâtiments chargés de porcs, de mulets, de bestiaux et de livres, Chanvalon pouvait espérer que les quatorze cent vingtneuf colons qu’il menait avec lui trouveraient l’abondance sur celle plage à coloniser. Lui-même, à la tête d’un convoi composé de onze vaisseaux de toutes dimensions, se trouvait abondamment pourvu. Préfontaine, prévenu de sa prochaine arrivée par quelques colons qui l’avaient rejoint sur les bâtiments porteurs des provisions qu’on destinait à la nouvelle colonie, lui préparait sans doute une réception digne de sa mission. Malgré les ennuis que lui avaient occasions les rouages d'une adminis» ne tienne, venez. — Je le voudrais bien, Monsieur, mais mon maître » va m’attendre. — Eh bien ! ma fille, mettez là votre cruche, et en» trons dans la première église ; vous savez que nous n’avons pas besoin » de bans, les prêtres ont ordre de marier, au plus vite, tous ceux qui se » présentent pour l’établissement de Cayenne. Ils vont à Saint-Louis ; » un des vicaires achevait la messe de onze heures ; les futurs se pren» nent par la main, marchent au sanctuaire, donnent leurs noms au prê» tre, sont mariés à l’issue de la messe, et s’en retournent faire leurs » dispositions pour le voyage. La cuisinière revient un peu tard chez » son maître, et lui dit en posant sa cruche : — Monsieur, donnez-moi, » s’il vous plaît, mon compte. — Le voilà, ma fille, mais pourquoi veux» tu t’en aller ? — Monsieur, c’est que je suis mariée. — Mariée ! et » depuis quand ? — Tout-à-l’heure, Monsieur, et je pars pour Cayenne. » — Qu'est-ce que ce pays-là ? — Oh ! Monsieur, c’est une nouvelle dé» couverte ; on y trouve des mines d’or et d’argent, des diamants, du » sucre, du café, du coton ; dans deux ans on y fait sa fortune ! — C’est » fort bien, ma fille, mais d’où est ton mari ? — De la Flandre autri» chienne, à ce que je crois. — Depuis quel temps avez-vous fait con» naissance ? — Ce matin, à la fontaine. Il m’a parlé de mariage ; nous » avons été à Saint-Louis ; M. le vicaire a bâclé l’affaire, et voilà mon » extrait de mariage. » On le conçoit, des cas exceptionnels réclament l'exception ; mais on l’avouera, une pareille imprévoyance devait entraîner bien des maux, Pour fiuir cette histoire, nous saurons néanmoins, que dans ce cas, le Mariage fut heureux, et que les mariés survécurent aux malheurs qui enlevèrent tant d'émigrants ; qu’ils restèrent dix ans à la Guyane, y ramassèrent une fortune, et revinrent en France où ils enjouirent paisiblement.


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