Mémoires sur le brinvilliers et le mancenillier vénéneux

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SECOND MÉMOIRE.

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M. Descourtilz le pense, d’après l’assertion formelle de M. de Tussac, entrait dans la composition de la fameuse poudre de Castillon, qui a eu tant de succès pour la guérison des diarrhées scorbutiques, à Saint-Domingue ? Je suis convaincu que toute plante mucilagineuse et rafraîchissante ne peut être que salutaire dans le traitement de l’empoisonnement par le Mancenillier, contre lequel je ne pense pas qu’il y ait précisément d’antidote, quoique le Nhandiroba en approche beaucoup, et en serait un, plutôt que beaucoup d’autres plantes auxquelles on attribue cette vertu, sans avoir fait la moindre expérience : tel est le Cèdre blanc (Bignonia leucoxillon. Linn.), ainsi qualifié d’antidote du Mancenillier dans le Journal de pharmacie de Paris (Janvier 1822) ; sans doute d’après ce qu’en a dit le docteur Chisholm (1), qui ne dit point avoir fait d’expériences, ni observé aucun cas, dans sa pratique, où cet arbre eût été salutaire. Mais voilà encore de quoi chercher, et c’est ce que je ne conseille point aux savans d’Europe de faire, sans passer le tropique. Quant à nos savans des Antilles françaises, je crois qu’ils cherchent depuis bien longtemps, sans encore avoir pu trouver quelque chose de présentable pour les progrès des sciences. Le Médicinier multifide (Jatropha multifida. Linn.) est encore vanté comme un antidote du Mancenillier ; c’est cette plante , qui, dans l’Histoire du soldat piémontais d’Orfila, empoisonné en Turquie, fut donnée en décoction aqueuse (sous le nom d’avellana purgatrix), et c’est de même, ce Jatropha multifida, dont les feuilles furent administrées en décoction par un nègre, à la Guadeloupe, au même soldat piémontais , suivant le Dictionnaire des sciences médicales, qui lui procurèrent des évacuations très-abondantes, et contribuèrent à sa guérison ; mais cette plante étant encore au nombre de celles auxquelles je n’ai pas une grande confiance, je n’ai point cherché à faire aucune expérience : d’autres les feront, ainsi que pour beaucoup d’autres remèdes dont je ne parlerai point.

(1) Voici le passage du docteur Chisholm, dans la page 26 de l’introduction de son ouvrage déjà cité : « Or the White trampetflower tree extends its branches, and intermingling them with those » of its enemy, interposes its antidotal power. » Et voici où le docteur anglais a puisé ce qu’il avance : « On trouve, dit le révérend M. Griffith-Hugues (Histoire naturelle de la Barbade), auprès » du Mancenillier, a white-wood ( ce qui veut dire un arbre à bois blanc), or a fig-tree (ou un fi» guier) ; le suc de l’un ou de l’autre de ces arbres est un antidote infaillible contre le poison du » Mancenillier » (pag 124). Et c’est de ce white-wood, ou bois blanc, que le docteur Chisholm a fait le Cèdre blanc, ou la Bignonia leucoxillon. Ainsi, voila la source de ce prétendu antidote trouvée ; et l’on voit le degré de confiance qu’on doit y ajouter : aussi, n’ai-je pas pris grand peine pour trouver la Bignonia leucoxillon, et faire des expériences. — Un autre les fera à ma place, car je ne me dissimule point qu’un seul homme ne peut pas tout faire dans un travail si étendu,


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