L'octavonne

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L'OCTAVONNE

—- C’est à cause de ma peau, qui est plus foncée que la sienne... et que celle de sa fille... Je suis un quarteron... Eux sont des octavons... Ils tirent vanité de ce qu’ils sont presque blancs... M. Despointes, principalement, en est infatué... Il veille à n’avoir pas de petit-fils moins clair que lui... Il en serait navré... Son rêve doit être, au contraire, que sa postérité achève de se blanchir... Oui, papa... c’est parce que j’ai une ou deux gouttes de sang noir de plus que lui dans les veines, qu’il ne veut pas de moi pour gendre... Quelle stupidité !... Ah !... Cette interjection, Romuald la poussa comme un cri... Cri de rage, cri de souffrance... Le dédain de Despointes l’avait touché si profondément, lui faisait si mal, que même en présence d’un étranger,il aurait manqué d’énergie pour taire ou seulement dissimuler sa douleur. Et pourtant, ce n’était pas la première fois qu’il était atteint dans son amour-propre d’homme de couleur. Durant son enfance et son adolescence à Fort-de-France même, au Lycée, des condisciples békés l’avaient souvent traité de « mal blanchi ». A Paris encore, à l’école Coloniale,


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