HISTOIRE DE LA GUADELOUPE
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Le 14 mai, une nouvelle proclamation fut publiée dans ce but ; il y était dit que les trois magistrats composant le gouvernement de la Guadeloupe, étaient : Richepance, capitaine-général, Lescallier, préfet, et Coster, commissaire de. justice. Cette nouvelle proclamation répétait toutes les assurances de pardon et d’oubli contenues dans la précédente. Or, c’était encore un mensonge. Richepance avait des instructions précises également sur ce point. Il était et devait rester général en chef de l’armée de la Guadeloupe, se contentant scrupuleusement de rétablir dans ses pouvoirs le capitaine-général Lacrosse. Il ne pouvait pas, il ne voulait pas intervertir les rôles. Il trompait donc de propos délibéré. Mais, là ne s’arrête pas cette autre tentative. A la Basse-Terre, l’Agence municipale était composée des citoyens Mondésir Grippon, Artaud, Bernier, Edouard Lamode et Boniface. Des deux noirs qui entraient dans sa composition, Mondésir Grippon, capitaine de la Garde nationale, et Bonifaee, lieutenant de ce corps, un seul, Mondésir Grippon, avait suivi Delgrès dans sa résistance. Artaud s’était caché dès qu’il avait connu les événements. Restaient donc, représentant l’Agence municipale : Boniface, Bernier et Lamode. Richepance se servit d’eux pour commettre l’acte le plus mauvais qui soit : « L’Agence municipale imagina d’envoyer au fort la proclamation « des trois magistrats par une députation composée des mères, des « épouses et des sœurs des insurgés. » — A. Lacour. Les combattants du fort Saint-Charles reçurent ces femmes désolées et pleurantes, les portes de la citadelle se refermèrent sur elles, et elles ont partagé la mort de leurs héros. On ne répondit même pas à l’invite de l’Agence municipale. Boniface qui s’était prêté à cette manœuvre, plus tard, après la défaite des siens, dépouillé de ses droits de citoyen et ne pouvant s’en consoler, perdit la raison, devint fou furieux, dut être tenu enchaîné, ne pouvant souffrir aucun vêtement, et mourut dans l’état le plus misérable. « Le but de Richepance, en rédigeant sa nouvelle proclamation « avait été bien certainement, en rassurant les hommes de cou« leur, de les amener à déposer les armes ». — A. Lacour. La journée du 13 et celle du 14 mai s’étaient écoulées à ces piètres combinaisons. Voilà où en était réduit le héros de Hohenlinden. Les troupes de l’invasion se contentaient d’occuper une partie de la ville de la Basse-Terre et de presser le fort par un de ses côtés. Delgrès et ses compagnons n’en étaient pas plus inquiétés. Au contraire, ils constituaient une menace perpétuelle.