Questions relatives à l'abolition de l'esclavage

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DEUXIÈME PARTIE. neurs, chaque maître aurait des comptes à rendre. Quel est celui qui serait sûr, capable ou non, de conserver cette tutelle en paix, et l’autorité qui y serait attachée? Quel est celui qui, sachant le Gouvernement dominé par les philanthropes, aurait l’imprudence de la garder? La reddition des comptes serait rigoureuse et le devrait être; la multitude des tutelles, en rendant les placements difficiles, compromettrait presque toujours la fortune des tuteurs. L’application d’un tel système fourmillerait d’abus de toute sorte. Il est vrai que M. Malavois n’a donné que des idées, et n’a formulé aucun projet de loi; ce qui nous met dans l’impossibilité de pousser plus loin cet examen. Le plan proposé par M. Villemain est plutôt l’exposé des préliminaires nécessaires d’un projet d’abolition que le développement d’un système particulier d’émancipation ; nous n’avons donc à le citer ici que comme une œuvre dont il est à désirer que le mérite et la portée soient bien sentis. M. Granier de Cassagnac, si bien éclairé sur la question de l’esclavage , et si profondément versé dans son histoire, a cru qu’en laissant le noir sous la dépendance du maître, comme travailleur non salarié, il pouvait sans danger proposer la collation des droits civils à l’esclave. Il remarque fort bien qu’un homme qui jouit des droits civils n’est point un esclave ; que, l’obligation du travail étant pour l’homme de précepte divin, il n’y a point tyrannie à empêcher qu’il n’élude cette loi générale de l’humanité ; que l’obligation de secourir le malheureux par l’aumône implique, pour le pauvre valide, l’obligation de travailler. Il a donc dû espérer que sa théorie avait de quoi satisfaire les philanthropes et le Gouvernement, l’humanité et la justice. Malheureusement, il n’a pas pensé que rien ne garantissait au colon la conservation de son autorité sur son ancien esclave et la conservation de l’administration dont il reste investi. Comment un homme aussi éclairé et aussi bien placé pour juger les philanthropes a-t-il pensé qu’ils supporteront longtemps l’idée de laisser le noir libre, le citoyen français dans les liens d’une véritable servitude? Il est évident que cet état de choses n’aurait aucune durée, et que 232


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