Œuvres de Léonard. Tome III

Page 79

DE

DEUX

AMANTS.

75

mois. Dans six mois, chère cousine ! c’est le terme qu’on fixe à mon mariage ! Était-ce donc pour cette fatale union que j’éloignais Faldoni, et que je me privais de sa vue? Hélas! il s’en allait tristement, sans ami, sans guide, sans consolation, seul, à pied, aux approches de la nuit; et tandis qu’il traversait des déserts pour m’obéir, j’arrosais ma couche de mes larmes, je le regrettais, je l’appelais, je maudissais ma rigueur : que dis-je? rigueur! je devrais la nommer cruauté, tyrannie ! Ah ! mon amie ! que mes efforts me coûtent cher ! être obligée d’affecter l’indifférence et la froideur ! étouffer jusqu’à mes soupirs ! défendre à mes yeux de le voir !... Que les hommes crient contre l’orgueil, ils ont bien raison : c’est le tyran de la nature. Je voudrais fuir dans une cabane, et m’y cacher sous l’humble vêtement de la misère, pour échapper aux préjugés qui me poursuivent. Mon père m’a menacée du cloître, et c’est l’unique asyle qui me convienne : en effet, dois-je préférer de former des liens qui me blessent ? Je ne sais si je m’abuse, mais j’ai du mariage l’opinion la plus sublime ; je le regarde comme le comble de la félicité humaine, quand il est


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.