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ANNALES DES ANTILLES
FRANÇAISES
vivre en bonne intelligence avec elle. D u P o n t l e u r témoigna tous ses r e g r e t s d u m a l h e u r qu'ils s'étaient si t é m é r a i r e m e n t attiré et leur prouva, en maintes occasions, qu'il avait sincèrement à coeur de sauvegarder leurs intérêts comme les siens propres. « Il peut en être toujours ainsi, leur disait-il avec bonté. Cela d é p e n d de vous. Nous sommes v e n u s de loin en conquérants, comme firent j a d i s vos p è r e s , mais non en b o u r r e a u x . Il y a place a u x îles pour nous tous d u r a n t des siècles. Soyons amis ; vivons h e u r e u x et t r a n q u i l l e s . Entr'aidons-nous : à vous la pêche, q u e vous préférez; à nous les c u l t u r e s , que vous dédaignez ; à tous, les plaisirs de la chasse. E n retour de vos services, vous recevrez chez nous abondamment nos produits, nos étoffes, de la p o u d r e , des l
armes et nos coulloucolis ( ) d ' E u r o p e , aussi p r é c i e u x que les caracolis des Allouages ! » Les Caraïbes p r i r e n t l ' e n g a g e m e n t de cesser la g u e r r e et de n e plus t e n d r e de pièges n u l l e part, n i dans les limites ni m ê m e en dehors des limites actuelles des colons. L a paix se conclut ainsi, à la satisfaction des d e u x peuples, vers la fin de l ' a n n é e 1636. Quoique l'expérience eût appris q u e la parole des sauvages était mobile et légère comme le sable d u r i v a g e , cependant la terrible leçon qu'ils avaient reçue au pied du F o r t avait dû les impressionn e r , pouvait-on croire. D ' a u t r e part, les habitants étaient en état de t e n t e r des e x c u r sions dans divers quartiers de l'île. L a joie de la paix avec l'ennemi du dedans et le sentiment de leurs progrès encourageaient les colons. D u Pont, à la pensée que la nouvelle de cette paix conclue avec les Caraïbes serait agréable à d ' E n a m b u c , et a y a n t , du reste, à conférer avec lui sur l'avenir de la colonie, s'embarqua pour se rendre à Saint-Christophe. Mais à peine avait-il appareillé, q u ' u n coup de v e n t l'entraîna à Hispaniola (Saint-Domingue). L e s Espagnols, auxquels les boucaniers et les flibustiers français étaient redoutables et qui avaient déjà éprouvé la v a l e u r des colons de
1. Coulloucoli ou Garacoli : c'était le bijou le plus estimé d e s Caraïbes, qui l e u r venait, disaient-ils, des Allouages, une tribu de la Côte F e r m e .