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L’élevage des Bergeries, d’un continent à l’autre

CHEZ NOS ÉLEVEURS L’élevage des Bergeries, d’un continent à l’autre…

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Philippe Jadot élève ses chevaux dans l’ancienne ferme familiale.

Avec LAZY QUEEN DES BERGERIES et MADISON DES BERGERIES

Quand nous rencontrons Philippe Jadot, éleveur à Grandhan près de Durbuy, il est encore sous l’émotion de son voyage à Wellington en Floride, où sa jument SBS COLERAINE DES BERGERIES (Canturo x Oberon du Moulin), montée par la cavalière australienne Amy Graham, s’est illustrée en février 2020 dans le cadre des CSIO4*/CSIO5*. Avec un total de 4 points dans la Coupe des Nations, une troisième place pour l’Australie et de belles places d’honneur, la fille de Canturo a montré tout son potentiel.

De nombreux cavaliers internationaux se retrouvent chaque année en Floride pour une tournée hivernale, de janvier à mars, rassemblant des CSI2,

CSI3, CSI4, CSI5, Coupe des Nations et étapes de Coupe du Monde. Dans un décor paradisiaque, entre les palmiers, Wellington est une ville dotée de magnifiques propriétés équestres. Ici, le cheval est roi. Des centaines d’écuries sont réparties en différents quartiers. « C’est la première fois que j’allais à Wellington », raconte Philippe Jadot. « C’est une ville qui vit pour et par le cheval, dédiée à l’équitation, avec de nombreuses écuries privées et professionnelles, et accueillant régulièrement de beaux concours, 4 ou 5 étoiles. Il y avait 15 à 20 pistes, c’est incroyable, ça tourne partout. Ma cavalière ayant une entraîneuse américaine, Julie Ulrich, nous avons pu visiter les écuries 5* dont les entrées sont contrôlées par des gardiens. C’est impressionnant, ce fut une expérience extraordinaire. C’est la même chose que nos circuits mais en plus grand et en mieux, avec beaucoup de types de chevaux et une importance particulière donnée aux chevaux de

« hunter ». Le concept est très particulier : l’aspect immobilier très développé. Il y a une habitude aux Etats-Unis : la classe aisée descend en Floride durant l’hiver, par exemple des gens habitent à Boston et descendent l’hiver à Palm Beach.»

Philippe Jadot voyage régulièrement pour assister aux performances de ses chevaux :

« Je pars souvent avec ma fille, Marine, on va un peu partout, c’est gai. Généralement un éleveur ne conserve pas son cheval jusqu’à un tel niveau, on a de la chance. Mais la cavalière de Coleraine, Amy Graham, est également contente d’avoir un cheval qui la ramène dans le Global et en 5*. Avoir à la fois une très bonne jument et une très bonne cavalière, c’est une grande chance. »

© Filippo Gabitti Comment notre éleveur a-t-il réussi à collaborer avec des cavaliers de haut niveau ? Il faut savoir que Philippe Jadot est consultant indépendant (Consult and Management Int). Il a aidé de nombreux cavaliers étrangers à obtenir une carte professionnelle en Belgique. « Durant ma carrière de consultant, j’ai aidé beaucoup de grands cavaliers à s’établir en Belgique. Dans notre pays il faut obtenir la carte professionnelle, qui permet de s’établir comme indépendant. Avant c’était une matière fédérale, c’est devenu une compétence régionale. Il faut démontrer un intérêt économique. A ce moment-là, les cavaliers obtiennent un permis pour deux ans, comme indépendant en Belgique. Dans la mesure où ils payent leurs lois sociales, la TVA, etc., ce permis est renouvelé. J’arrivais à les aider et à démontrer l’intérêt économique. Certains cavaliers rentrent un petit dossier de 4 pages, avec moi c’est l’équivalent d’un mémoire universitaire, avec par exemple des attestations d’éleveurs qui vont collaborer avec eux s’ils obtiennent la carte professionnelle. Parmi les cavaliers internationaux que j’ai aidé à s’installer en Belgique et à régulariser leur situation professionnelle figurent Bernardo Alves, Marlon Modolo Zanotelli, Cassio Rivetti, Kara Chad, Jaime Gueirra, Pedro Junqueira Muylaert, le vainqueur du GP de La Baule, et plusieurs autres. » « Ce qui veut dire quand j’appelle le champion de La Baule, par exemple, c’est plus facile, il me dit oui car j’ai sympathisé avec la plupart des cavaliers pour lesquels j’ai travaillé. Par exemple avec Marlon Modolo Zanotelli, qui est la star brésilienne du moment, on échange des messages. Quand il a gagné les jeux Panaméricains, je l’ai félicité et il m’a répondu : « merci beaucoup, je t’invite très rapidement pour fêter ça, tu as une part de la médaille ». Parce que je lui ai permis de s’installer en Belgique, dans le Limbourg. J’ai aussi organisé la venue de son Papa. » « Certains grands cavaliers sont donc devenus des amis et continent à passer un petit coup de fil pour me demander conseil pour tel ou tel problème administratif ou fiscal… Ils peuvent me rappeler tout le long de leur parcours professionnel, on reste en contact, je continue à leur rendre service. » « Avec Amy Graham, on a eu pendant plusieurs années un cheval ensemble Cali des Bergeries (SBS par Baloubet du Rouet) avec lequel elle a eu pas mal de résultats en 3 et 4*. Et ensuite avec Coleraine, c’était très particulier. Un jour elle m’a appelé et m’a demandé : « Connais-tu un bon cheval pour sauter un jour de bonnes épreuves ? ». Je lui ai répondu : « Accessoirement, j’ai une bonne jument, tu ne veux pas faire quelque chose avec elle ? » Elle m’a dit ok, je lui ai envoyé des vidéos de COLERAINE. Quand elle a l’a eue, pendant les deux premiers mois elle a été particulièrement dubitative ! Mais comme Amy est très gentille, elle ne me l’a pas dit... Au bout de deux mois, la jument avait tout à fait changé de comportement. Et donc, c’est parti comme ça... »

Une ferme dédiée au cheval de trait ardennais

Philippe Jadot a conçu sa maison et son élevage dans les bâtiments de la ferme de ses parents. « A l’endroit de mon habitation, il y avait précédemment des étables et des écuries. Mes parents étaient agriculteurs et mon papa était en outre éleveur de chevaux de trait ardennais. Durant des années, il a été juge de chevaux de trait ardennais. C’est donc venu naturellement. Lors de l’Expo Universelle de Bruxelles en 1958, notre jument ardennaise, Sibelle de Grand’han, fut même sacrée Championne, une récompense suprême. »

« Je pense qu’il y a eu deux étapes dans l’histoire de mon élevage. Le fait d’avoir grandi dans une ferme avec des chevaux et d’avoir de bonnes souches, comme l’origine de Coleraine, ça c’était une grande chance. Et puis il y a eu ma collaboration avec Nelson Pessoa, ce qui m’a permis d’avoir de très bons chevaux. J’ai un second cheval à Royan qui vient de la fameuse Wanda que montait Rodrigo Pessoa et qui a gagné beaucoup de prix… Au départ, j’ai aidé les Pessoa et leurs amis d’un point de vue administratif et c’est ainsi que notre collaboration a débuté. J’ai même été vice-président du jumping de Bruxelles à la demande de Neco ».

Quatre souches principales

Dans son élevage, Philippe Jadot a développé quatre souches principales.

La souche de Judith (Starter/ Fulminant)

La mère de Coleraine est GOLDENDREAM DES BERGERIES (Oberon du moulin et Relfe du Blanc Caillou par Elf III et Judith par Starter,). « GOLDEN-DREAM n’a jamais été débourrée et on l’a gardée à la maison pendant des années. On l’a juste amenée une fois à Durbuy pour le concours des 3 ans. C’était particulier : elle était en tête ex-aequo avec un autre et on les a fait resauter pour les départager… L’autre cheval travaillait, était ferré, il a gagné. GOLDEN n’a donc sauté une seule fois en liberté et elle a terminé deuxième, alors qu’elle sortait de prairie et n’avait jamais travaillé ! Elle a donné le jour à toute une série de produits parmi lesquels au moins 5 d’entre eux ont sauté minimum 1.50m et 1.60m : C’est beaucoup et c’est assez rare ! »

• MALICE DES BERGERIES (Voltaire), championne d’Espagne indoor 1.60m, a remporté le trophée du Président • QUARTZ DES BERGERIES (Kannan), 1.60m • RIMBAUD DES BERGERIES (Heaume des Malais), 1.50m, GP et Coupes des Nations pour l’Italie

• COLERAINE DES BERGERIES (Canturo), 1.60m, Coupes des Nations pour l’Australie • DREAMER DES BERGERIES (Ugano

Sitte), 1.60m Coupes des Nations pour la Colombie, exporté aux Etats-Unis, qui fut son dernier poulain. Parmi la nombreuse descendance de Golden-Dream figurent aussi Kweene L des Bergeries, recommandée obstacle, poulinière dans les élevages d’Yvan EVRARD et de Stephan JEANFILS, et l’étalon approuvé Nickname des Bergeries. Nous y reviendrons. La souche de WANDA (Watzmann x Sansibar), bien connue sous la selle des Pessoa et mère de sept étalons admis et de très nombreux performers. HANNA DES BERGERIES (Wandor van de Mispelaere) est une petite-fille de WANDA.

La souche d’AYMARA DE LIGNY

(Canturo/Cavalier Royale) échangée pouliche avec Nelson Pessoa et grande gagnante en CSI 4 et 5* qui a donné HAYMA DES BERGERIES, recommandée obstacle, par Tinka’s Boy.

La souche de GRENN-PEARL IL

(Wadango x Bajar), accidentée à 9 ans après avoir déjà gagné de bonnes épreuves dont le Grand Prix de Vejer avec l’américaine Kerri Potter. Elle est notamment la mère de CALI DES BERGERIES (Baloubet du Rouet).

(Ndlr : informations détaillées sur www. sbsnet.be rubrique « Rechercher un cheval »).

Savoir perdre et ne pas s’obstiner

« Cela fait donc 4 souches. Je n’exploite en principe que mes propres chevaux. Je ne vends rien, je ne vends pas de poulains, j’essaye tout. Mon plaisir, quand j’élève un cheval, c’est de lui donner sa chance, avec toutes les déceptions que cela représente, au niveau de la santé, du caractère… Mon rêve après COLORAINE, je le répète à Amy, est d’avoir un autre cheval pour faire pareil et lui confier. Ce n’est pas facile mais le moule est là, et la cavalière aussi. Elle est géniale. Pour bien élever, il faut avoir beaucoup de patience et de la chance, et tomber sur un bon cavalier ou une bonne cavalière. Il faut aussi savoir perdre très vite, avec les chevaux, et s’arrêter tout de suite, ne pas s’obstiner sur un cheval qui ne donnera pas les résultats espérés. C’est une des grandes clés : ne pas s’obstiner et savoir perdre. A partir du moment où l’on commence à avoir des doutes, c’est mal barré. » « Il ne faut pas aller trop vite. Bernardo Alves m’a donné un jour ce conseil et c’est la ligne de conduite que j’essaye de suivre : les débourrer à 4 ans, à 5 ans leur montrer des pistes, et à 6 ans préparer les 7 ans. Il ne faut pas aller plus vite que ça. Donc le côté Cycle Jeunes Chevaux et tout ça, ce n’est pas trop mon truc… Je fais naître deux ou trois poulains par an. Cette année j’en ai deux. En vieillissant, j’essaye de ne plus mettre que de très bons chevaux, avec de très bons étalons, je joue la sécurité. Je prends des étalons dont on connaît la production. Je préfère en avoir moins. Je n’ai plus trop envie de faire des transferts d’embryons et tout ça. »

© pixelsevents.com

COLERAINE au Grand Prix CSI de la Ville de Reims en 2019

Député-shérif en Louisiane !

Mais comment notre éleveur est-il passé du cheval de trait au cheval de sport ? « Pour le plaisir, pour avoir un cheval à monter. J’ai eu un premier cheval de sport pour partir en promenade et pour sauter un peu… Avec les années, j’ai senti que j’avais progressivement poursuivi des objectifs différents dans ma vie. Au départ, gagner avec un poulain à Libramont c’était un must. L’étape suivante c’était sauter en liberté. Puis on oubliait les poulains. Après on faisait sauter les 4 ans. Ensuite, on voulait gagner avec un jeune cheval. Et après on voulait gagner un 4 étoiles et un 5 étoiles… J’ai eu encore quelques chevaux lourds, dont une qui a été championne de Libramont ». « Le déclic, ce fut également mon expérience aux USA. J’ai vécu trois ans en Louisiane, au pays des cow-boys, où j’étais député-shérif ! C’était dans le cadre des programmes bilingues en Louisiane, j’avais une vingtaine d’années et je vivais dans un bled qui s’appelait Ville Plate, où j’étais bien intégré. J’ai participé à des épreuves à cheval qui consistaient à aller très, très vite et à attraper des anneaux, chacun des anneaux représentait un ennemi du coton (les inondations, etc.). Les Cajuns étaient très contents d’avoir un cavalier qui parlait français, qui allait à la chasse avec eux, et ils m’ont proposé d’être membre de la patrouille du shérif à cheval qui secoure les gens qui se perdent dans le Bayou, ou quand quelqu’un s’est échappé… J’avais une étoile de shérif, la Winchester 30-30 et tout ! C’était tellement rare qu’à l’époque, la RTBF avait envoyé une équipe pour filmer mon intronisation. Honnêtement, la cérémonie c’était surtout un grand barbecue et un bourbon mais c’était sympa… Bref, j’ai passé trois années là-bas, à attraper au lasso (expérience qui me sert encore …), à vivre la vie de cow-boy, je n’étais pas le plus doué mais ils étaient contents d’avoir un francophone qui s’intéresse à leur mode de vie. Et à mon retour, j’ai continué à avoir des chevaux. » A l’issue de notre interview, nous visitons évidemment la dizaine d’hectares qui entourent la ferme des Bergeries, où plusieurs juments et leurs poulains vivent en prairie toute l’année, dont OBERON DES BERGERIES (Dulf van den Bisschop x Untouchable 27) et OPALE DES BERGERIES (Dulf van den Bisschop x Baloubet du Rouet). La relève de Coleraine est assurée…

 Christine Rasir

COLERAINE DES BERGERIES (E.O.)

(CANTURO x OBERON DU MOULIN (10.27%)

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