SALAMNEWS N° 51 / mars-avril 2015
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Tête d’affiche
Booder & Paul Séré
© Nicolas Lartigue
Ils viennent du stand-up, ont la tchatche des jeunes qui veulent percer dans cette société qui ne leur ouvre pas toujours ses portes. Et c’est par l’humour que Wahid Bouzidi, Booder et Paul Séré s’affirment sur scène. Dans La Grande Évasion, ils rendent hommage au théâtre avec leur gouaille bon enfant. Entretien avec deux des acolytes.
« Pour tous tes projets, pars d’un kiff » Comment vous est venue l’idée du spectacle ? Paul Séré : On est de la même
génération, on vient du stand-up. L’idée est partie à trois, il y a un an et demi, dans un carré de TGV en direction de Grenoble. Physiquement, on ne se ressemble tellement pas, ça nous avait sauté aux yeux [rires] ! À l’origine, c’était plus mon truc, mais on discutait en réunion et on écrivait ensemble. On a la notion du partage : on n’a pas la même méthode car on ne vient pas de la même école, mais on se complète à trois.
Le fait de jouer à trois est-il une histoire d’amitié ? Booder : On se connaissait du
fait de nos parcours similaires ; même sans se voir, on suivait le parcours de chacun et on se retrouvait maintes fois dans des festivals. De là est née cette amitié. S’il n’y a pas une amitié, s’il n’y a pas de plaisir, cela se ressent sur scène. On était parti sur un
délire de se dire : on part tous les trois faire des festivals où on joue 15 minutes de nos sketchs chacun et des sketchs à trois. Et puis je leur ai dit : « Les gars, je suis en train de vivre un truc avec Édouard Baer, avec la pièce À la française, qui s’appelle le théâtre. » Justement, votre pièce n’est-elle pas un hommage au théâtre ? Booder : Vu que le théâ-
tre, ça barbe tous les jeunes ‒ même nous, quand on était jeunes, ça nous barbait d’aller voir Richard III qui durait 5 heures et des comédiens qui cachetonnaient plus qu’ils ne jouaient et qu’il fallait ensuite faire une dissertation ! ‒, on s’est dit : « Pourquoi on partirait pas de trois mecs qui revisitent tout le théâtre classique ? » Paul : Parce qu’on aime le théâtre aussi. Cyrano de Bergerac, Roméo et Juliette, L’Avare, Hamlet… Ce sont des pièces que j’ai lues et que j’ai adorées.
par jouer du Koltès, du Shakespeare : dans la cité en bas de chez moi, il y avait un théâtre où j’ai fait mes premières armes. C’est pour ça que j’avais du mal à jouer est en ancien français ou mes propres textes car j’avais en langage soutenu, ce sont ce complexe par rapport aux des pièces encore valables grands auteurs. aujourd’hui, hypermodernes. L’Avare : on connaît D’où vient votre basculement tous dans notre entourage du théâtre classique quelqu’un très porté sur l’ar- au one-man-show ? gent, pingre et radin. Cyrano : Paul : Le monde du théâtre c’est le roi de la vanne, et on est fermé. C’était compliqué, est dans l’ère de la chirurgie avec mon physique de sportif esthétique où l’importance et mon phrasé un peu de ban(ou non) du physique est lieue, d’entrer dans la sphère toujours d’actualité. Quand des théâtreux. Et c’est l’hules deux personnages de mour qui m’a ouvert les bras. Paul et de Wahid disent de Roméo et Juliette que c’est Et toi, Booder, comment comme Rohff et Bouba, ils êtes-vous entré sur scène ? expliquent la relation avec Est-ce un pis-aller, une volonté, une rencontre ? les mots d’aujourd’hui. Booder : Mon premier spectacle est d’abord venu d’une Avec ces références au théâtre frustration. Je suis comptable et au cinéma, est-ce une façon de formation et je n’ai pas de dire que votre culture est profondément française ? trouvé de travail, on ne m’a Paul : En tout cas, on est très jamais donné ma chance en respectueux. J’ai commencé compta. En 1995, j’ai renLa force comique du spectacle est de faire jouer des textes classiques par des protagonistes ayant la tchatche des quartiers. Booder : Même si la langue