Graffiti, Street Art, Post-Graffiti, en France, de 1980 à 2013 : État des lieux - Volume des annexes

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Université Paul Valéry – Montpellier III Master Histoire – Histoire de l’art Spécialité Histoire contemporain

de

l’art

moderne

et

Graffiti, Street Art, Post-Graffiti, en France, de 1980 à 2013 : État des lieux. Volume des annexes, sources et illustrations Soutenu par Mlle Sabella Augusto

Sous la direction de M. le Professeur Jean-François Pinchon et Mme Hélène Trespeuch, maître de conférences.

Session de Septembre 2013


Tableau des annexes Annexe 1 : Delisle Gilles, « La SNCF a trouvé son bon tagger », Paris Match, date inconnue. ............................ 5 Annexe 2 : S. de S., « Daze, Valeurs sûres », Le Figaroscope, 17.03.1993. ........................................................... 6 Annexe 3 : Bonardin Sandrine, « Un art venu du métro », La Cote des Arts, Janvier 1992. .................................. 7 Annexe 4 : Binet Stéphanie, « Paris du tac au tag », Libération, 27.03.09. ............................................................. 8 Annexe 5 : Binet Stéphanie, « Un jeune Chartrain veut vendre des graffitis », ..................................................... 9

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Tableau des sources Source 1 : entretien avec Willem Speerstra, fondateur de la Speerstra Gallery. Réalisé par skype, le 30/06/13. . 10 Source 2 : Questionnaire soumis par mail à différents FRAC. .............................................................................. 16 Source 3 : réponses de M. Emmanuel Latreille, directeur du Frac Languedoc-Roussillon, de Mme Béatrice Josse, directrice du Frac Lorraine, et de M. Olivier Michelon, directeur du Frac Midi-Pyrénées. 17 Source 4 : Lettre de réponse M. Jean-Charles Vergne, directeur du Frac Auvergne à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down. ................................................................................................................... 19 Source 5 : Lettre de réponse M. Dominique Boudou, directeur du Frac Nord-Pas de Calais à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down ...................................................................................................... 20 Source 6 : Lettre de réponse Mme Béatrice Josse, directeur du Frac Lorraine à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down. ........................................................................................................................................ 21 Source 7 : Lettre de réponse M. François Quintin, directeur du Frac Champagne-Ardenne à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down. 22 Source 8 : Lettre de réponse Mme Laurence Gateau, directeur du Frac Pays de la Loire à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down. .................................................................................................................. 23 Source 9 : Lettre de réponse M. Emmanuel Latreille, directeur du Frac Languedoc-Roussillon à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down. 24 Source 10 : Lettre de réponse M. Alain Mousseigne, directeur du Frac Midi-Pyrénées à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down. ................................................................................................................... 25 Source 11 : Lettre de réponse M.Catherine Elkar, directeur du Frac Bretagne à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down ......................................................................................................................................... 26 Source 12 : Lettre de réponse M.Liliane Lombard, directeur du Frac Aquitaine à M. Philippe Lefèvre, fondateur de la galerie At Down..................................................................................................................................... 27

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Table des illustrations Pl. I, ill 1 : CHALFANT Henry & COOPER Martha, Subway Art, New York, Thames & Hudson, 1984……. 28 Pl. I, ill 2 : Bando, Terrain vague de Stalingard, Paris, date inconnue. ................................................... 28 Pl. II, ill 3 : Mode 2, Mean Disposition, 1995, peinture aérosol sur toile, 195x130. Collection Gallizia ....... 29 Pl. III, ill 4 : The Chrome Angels, palissade, Paris, date inconnue ........................................................ 30 Pl. III, ill 5 : Terrain vague de Stalingrad, boulevard de la Chapelle, Paris, photo de Ludo Dehy ................ 30 Pl. IV, ill 6 : Jay One, Hero 2, Terrain vague de Stalingrad, Paris, date inconnue .................................... 31 Pl. IV, ill 7 : Ben, Dee Nasty, Webo, Joyeux Noël, peinture aérosol sur un wagon de métro, Paris, 1984 ..... 31 Pl. V, ill 8 : Bando, couverture de 1Tox n°6, date inconnue ................................................................ 32 Pl. V, ill 9 : Banksy, Kate Moss, 2005, sérigraphie, 20,7x20,7 cm, ....................................................... 32 Pl. VI, ill 10 : John « Crash » Matos, Movement n°2, 1989, acrylique et aérographe sur toile, assemblage de planches et miroir ................................................................................................................... 33 Pl. VII, ill 11 : Banksy, Slave Labour, 2012, pochoir, 122x152cm, Londre ........................................... 34 Pl. VII, ill 12 : Crash, Hervé Di Rosa,............................................................................................ 34 Pl. VIII, ill 13 : Jonone, Acid Ink 2, 2005, techniques mixtes, 64x49cm ............................................... 35 Pl. IX, ill 14 : vue de la Speerstra Gallery, Bursins (Suisse). Visite du 08.06.13 ..................................... 36 Pl. X, ill 15 : vue de l’exposition « Graffiti Art : artistes américains et français, 1981 -1991 », Musée National des Monuments Français, Paris .................................................................................................. 37 Pl. XI, ill 16 : flop de Amaze, « Né dans la rue – Graffiti », vue de la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, 2009 ................................................................................................................ 38 Pl. XI, ill 17 : vue d’une salle d’exposition, « Né dans la rue – Graffiti », Fondation Cartier pour l’Art Contemporain, 2009. ............................................................................................................... 38 Pl. XII, ill 18 : Futura 2000, Sur sa peau était marqué ticket, campagne publicitaire « Ticket chic Ticket choc » pour la RATP, 1984 ....................................................................................................... 39 Pl. XIII, ill 19 : Megaton, campagne informative anti-graffiti par la RATP, 1992 ................................... 40 Pl. XIII, ill 20 : Campagne publicitaire réalisée par Dran pour Nissan Motor, 2007 ................................ 40 Pl. XIV, ill 21 : exemple de graffiti reverse, par Paul « Moose » Cutis, date/lieu inconnus ....................... 41 Pl. XIV, ill 22 : Zevs, Liquidated Logo, action in-situ, Hong-Kong, juillet 2009 .................................... 41 Pl. XV, ill 23 : action de Kidult contre la vitrine de la boutique parisienne Agnès b., Janvier 2011 ............ 42 Pl. XV, ill 24 : LASER Tag, action du Graffiti Research Lab à Rotterdam (Pays-Bas), Février 2007 .......... 42 Pl. XVI, ill 25 : Evan Roth, Propulsion Paintings, video et techniques mixtes, Detroit, 2012 ................... 43 Pl. XVI, ill 26 : Fuzi, Mermaid, peinture murale, Varsovie, 2013........................................................ 43 Pl. XVII, ill 27 : Smash 137, Malakid, peinture aérosol et acrylique sur toile, 2010 ................................ 44 Pl. XVII, ill 28 : Denys Riout, Dominique Gurdjian, Jean-Pierre Leroux, Le livre du Graffiti, éd. Alternatives, Paris, 1985 ............................................................................................................................ 44 Pl. XVII, ill 29 : Daniel Feral, Graffiti and Street art, diagramme, 2011 .............................................. 45 Pl. XIX, ill 30 : Daniel Feral, Graffiti and Street art : feral diagram 2.0, diagramme, 2012...................... 46

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Annexe 1

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Annexe 2

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Annexe 3

Culture 23

RAMMELZEE

VENDREDI 27 MARS 2009 | LIBÉRATION

tag

Paris du tac au

JAYONE

JAYONNE

Au Grand Palais, 150 maîtres de l’aérosol s’exposent. Panorama mondial d’un art en quête de reconnaissance.

CRITIQUE

Tag au Grand Palais, collection Gallizia Grand Palais, avenue Winston-Churchill 75008. Jusqu’au 26 avril de 11 heures à 19 heures.

D’abord, il faut chercher l’entrée de l’exposition comme l’accès caché à un terrain vague où, naguère, les graffiti-artists se réunissaient pour se faire un mur. Pendant un mois, 150 de ces vandales urbains, maîtres de la bombe aérosol, seront au Grand Palais, une institution de la culture française. «D’habitude, fait remarquer Bando, celui qui a importé cette expression calligraphique en France il y a vingtcinq ans, on est plus sur les monuments qu’à l’intérieur.» Une fois cette minuscule porte H repérée, l’exposition «Tag au Grand Palais» se trouve dans une salle à l’étage encore jamais ouverte. Un long hall avec pierres et parpaings apparents. «Quand je suis venu l’aménager, il y a trois semaines, raconte Tarak, ancien régisseur de la Fonderie, l’ex-squatt de graff de Bagnolet (SeineSaint-Denis), il y avait encore des fientes de pigeon partout.» Métro. Le dispositif de l’exposition est tel qu’on a l’impression d’être dans une station de métro, debout dans une rame avec, de chaque côté, un quai où quatre rangées de couleurs vous en mettent plein la vue. Il y a les tags (signatures) de soixante pionniers américains (Cornbread,

Musées et bombes font-ils bon ménage ? La réponse de trois artistes.

«Il faut sortir le graffiti du ghetto»

L

e tag a-t-il sa place au musée? Eternel débat. Libération a demandé à trois artistes de la culture graffiti ce qu’ils en pensaient: le Franco-Américain Jonone, le punk RCF1, et Onet –ce dernier ayant refusé de participer à l’exposition «T.A.G au Grand Palais». Jonone

«Ça fait trente ans qu’on nous pose cette question. Après toutes ces années, on ne devrait plus en être encore à ce stade-là. En France, les gens ne veulent pas changer, il y a une veille façon de penser et toujours pas d’endroits où des artistes comme nous puissent exposer, ni d’experts de notre peinture. Le ministère de la Culture donne toutes les subventions à des artistes comme Sophie Calle. «Je ne suis pas à plaindre, ça marche bien pour moi; j’ai mon public, mes collectionneurs. L’autre chose qu’on me demande souvent, c’est : n’est-ce pas mieux dans la rue ? Mais ce n’est pas

parce qu’on fait des graffs dans la rue qu’on est un artiste. J’ai peint des milliers de toiles avant que mon travail entre dans le circuit. Mon challenge, en tant qu’artiste, est de sortir le graffiti du ghetto. Or, à cet égard, il y a encore pas mal d’efforts de compréhension à fournir, autant chez les conservateurs que chez les artistes. Aujourd’hui, c’est un collectionneur privé qui a eu les couilles de miser sur notre peinture et qui la prête à ces flemmards du ministère de la Culture, qui n’ont jamais investi dans notre art.» RCF1

«Etre au musée, c’est gratifiant mais ça n’est pas la Légion d’honneur. Ça ne nous protège pas des tribunaux qui nous condamnent pour notre action dans la rue. J’ai toujours fait des graffitis comme des toiles, pour le plaisir. Mon musée à moi est à ciel ouvert. Pendant des années, ça a été le marché de Belleville, de Barbès, le quai 31 de la gare du Nord, à Paris. Quand on

dit“le graff finit au musée”, c’est faux, car il y a souvent une différence entre ce qu’on peint sur une toile et ce qu’on fait sur un mur. «Ce qui me gêne, aussi, c’est de me rendre compte que les conservateurs de musée, comme Pierre Cornette de Saint Cyr au Palais de Tokyo, ne connaissent de la culture graffiti que Jean Michel Basquiat et Keith Haring, qui n’ont jamais peint de graffiti à la bombe aérosol. Il est encore plus irritant de les entendre dire que les tags qu’ils voient sur les métros sont moches. Quelqu’un a-t-il vu un jour Cornette de Saint Cyr sur la ligne B du RER? Pour ma part, j’ai été gardien au Palais de Tokyo après avoir été condamné à 240 heures de travaux d’intérêt général pour avoir peint un train de la SNCF. Les conservateurs de musée se posent comme une institution, qui décrète ce qui est bien et ne l’est pas. «J’ai peint pour la collection Gallizia, car je voulais que mon tag soit exposé à côté de celui des copains,

mais cette exposition ne légitime pas notre travail. On existe déjà dans le marché privé de l’art.» Onet

«Le tag au musée, pourquoi pas? Mais ça dépend surtout de la manière dont on le présente. Là, je n’y vois aucune intelligence. On met en avant le collectionneur, enfin plutôt une personne qui a découvert le graffiti récemment et qui collectionne des noms. Il a imposé un thème, un format. L’exact contraire du graffiti. «Notre mouvement est encore jeune, ses pionniers sont vivants. C’est encore trop tôt pour pouvoir juger si s’il s’agit d’art ou pas. Certains graffiti-artists ont envie de montrer des choses intelligentes. Mais cette exposition ressemble à un fast-food, une sorte de cour des miracles où tout est possible mais où rien n’est esthétisant. Ceux qui ont vraiment du talent vont se retrouver noyés au milieu de plein d’autres.» Recueilli par • STÉPHANIE BINET

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Annexe 4

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Annexe 5

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Source 1 : entretien avec Willem Speerstra, fondateur de la Speerstra Gallery. Réalisé par skype, le 30/06/13.

- Vous êtes actif depuis 2001, date à laquelle vous avez ouvert votre première galerie à Paris. Pouvez-vous me donner quelques éléments contextuels de l’époque (contexte artistique ; économique ; socioculturel) ? Ma première activité tout d’abord a été de rentrer en tant que stagiaire à la Galerie Michel Gillet, en 1991, où j’ai fini par devenir curateur parce que je m’y connaissais bien en Graffiti. Michel Gillet était un partenaire de mon père, ils travaillaient ensemble et j’ai donc eu ma petite entrée dans cette galerie. Puis de 1994 à 2000 j’ai travaillé dans le milieu du dessin-animé dans lequel je suis arrivée par passion, au sein du groupe Canal Plus et d’une société qui s’appelait Rooster Studio. Est arrivée la crise dans ce milieu, j’ai réfléchi pendant 2 ans pendant mes années de chômage puis j’ai profité de mes économies pour ouvrir ma galerie dans le Marais au 4/6 rue du Perche. Je suis donc actif sous mon nom « Speerstra Gallery », à l’américaine, depuis octobre 2001, où j’avais ouvert avec Richard Di Rosa. En 1991-1992, personne n’attendait du graffiti, c’était en train d’émerger, même si le Graffiti était à Paris depuis 1984. En 1991, c’était la période de l’Hôpital Ephémère, avec les BBC, Skii, Ash, Sharp, JonOne, toute une bonne petite scène, Agnès b exposait Futura, et puis nous avec Michel Gillet. Le milieu était cependant assez fermé, et par exemple un tableau de JonOne valait 20.000 francs (environ 3000e aujourd’hui) tandis qu’aujourd’hui c’est aux alentours de 35.000 euros, de l’eau a donc coulé sous les ponts entre temps. Mais en remettant dans son contexte de l’époque, ce n’est pas que personne n’en voulait ! C’était du graffiti, donc un monde qui émergeait. En 2001, au niveau socio-culturel le graffiti était déjà bien ancré : MJC, culture du breakdance… Par contre, le mouvement n’était pas encore reconnu par le grand public, il n’y avait pas de publicités à la télé qui diffusait le graffiti en fond comme on peut le voir aujourd’hui. C’est la même chose sur le plan artistique, j’avais comme concurrents qui n’étaient pas vraiment concurrents Magda Danysz qui avait ouvert sa galerie plus tôt mais qui exposait aussi d’autres artistes contemporains, Agnès b. et Taxie Gallery tenue par Valériane Mondot. Nous n’étions donc pas beaucoup et de 2001 à 2005, tu pouvais avoir des évènements un peu éparpillés à droite à gauche dans la région parisienne. Artistiquement, ce n’était pas énorme, et puis, début des années 2000, Paris a lancé une campagne de propreté et beaucoup de murs n’ont pas résisté. Le graffiti n’était pas super bien vu, lorsque j’ai ouvert ma galerie, on m’a vu comme un alien. Quand j’ai exposé Daze en 2002, ça allait encore car c’est plutôt figuratif, juste après il y a eu Crash avec des toiles vraiment « spray ». Cette année là je n’ai vendu qu’une toile ! Economiquement c’était un peu difficile, mais j’avais prévu mon budget. C’est peu après que cela a un petit peu démarré avec les expos qui s’enchaînent, il fallait également prendre le temps de se faire connaître notamment dans les magazines « hype » du moment (Nova Mag par exemple). Il faut savoir que 2001 fût une année de crise avec les Twin Towers, l’année d’après le fût également. L’art a été touché bien évidemment par cette crise, la période était vraiment spéciale. Je me souviens que les artistes chinois contemporains venaient d’arriver sur le marché et que cela marchait plutôt bien.

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- Selon vous, le terrain était il favorable à la bonne réception de cet art à Paris ? en France ? C’était un challenge, nous étions 4 sur le marché, on y croyait, mais on y croyait tous seuls je crois ! Il n’y avait pas de collectionneurs et je vendais très peu. Une petite année ou deux avant que je parte (je suis resté 6 ans), c’était chaud, je perdais plus d’argent que j’en gagnais. C’était vraiment pour la gloire, je faisais mes artistes pendant ces 6 années, et j’ai continué parce que j’y ai toujours cru. Et j’ai bien fait parce que j’aurai pu abandonner. Mais si c’était pour la thune j’aurai abandonné depuis longtemps.

- Portiez-vous un regard sur ce qui marchait à l’étranger ? Internet était déjà là, mais pas non plus à fond, j’avais mon premier site. Il y avait peu de magazines à part Graff It !, Inner City, dans le fond on voyait pas trop ce qu’il se faisait. Il n’y avait pas grand chose, des fanzines, des blogs, c’était l’époque de Fotolog avant que cela ne devienne n’importe quoi... Ce site était un réel moyen de communication à travers la communauté graffiti, on se trouvait, on créait des liens avec les plus jeunes générations, c’était une bonne période qui a duré environ 2-3 années. En France, il existait un forum de discussion, « 90bpm », où on critiquait pas mal les expos etc.

- Justement, face à quel genre de critiques avez-vous dû faire face ? Je n’ai pas eu de critiques au niveau des critiques d’art, j’avais justement pas mal d’articles qui étaient tous positifs. Mais j’ai surtout eu de la critique de la part du public, des passants, de mes voisins. Et puis j’ai eu une fois ou deux peut être un passant qui est rentré pour me dire que c’était honteux d’exposer ça, que c’était du vandalisme. Aujourd’hui, je ne reçois toujours pas de critiques, mais je n’en vois pas non plus, il y a de galeries qui présentent du street art et du graffiti maintenant qu’ils ont peut être d’autres chats à fouetter. Pour ma part je critique mes concurrents. On pourrait me critiquer si je faisais chaque année le même artiste que je ré-exposerai, genre JonOne qu’il m’est arrivé d’exposer une fois par an à un moment. Mais je ne le fais pas, et je fais en sorte de me protéger de ce genre de critiques. Bien que la critique ne me fasse pas peur ! Ma femme Marie me critique, c’est peut être la seule à critiquer soit mon accrochage soit ma façon de travailler, mes choix.

- Quels rapports avec les médias ? Je suis passé deux fois à la télé, notamment sur RTS l’équivalent de TF1 en Suisse. L’émission « Nouvo » a réalisé un reportage à heure de grande audience le dimanche qui portait sur le graffiti-street art, le vandalisme (« Le Street Art : entre underground et mondanité » en Novembre 2011), ils interviewaient le maire qui était contre le graffiti, et j’ai été interviewé à propos de l’histoire de la galerie, des artistes. J’ai été plutôt satisfait par le reportage et son montage. Je viens également d’avoir un article dans un magazine économique suisse, plutôt axé sur le luxe, où il est question de la galerie, de la fondation et de la collaboration Futura avec la marque de whisky Henessy. J’ai de plutôt bons rapports avec les journalistes, ils sont généralement sympas mais ne sont pas en demande permanente non plus.

- et vos rapports avec la presse artistique? Le souci de la presse spécialisée est que la plupart des rédactions sont constituées de pigistes, que les contacts changent d’années en années. Il y a également beaucoup de rapports de copinage, des relations à entretenir. Si tu n’es pas en bon terme ou que tu ne vas pas dans leur sens, tu n’es pas dans leur magazine ! Mais

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il y aura toujours des galeries pour donner de l’info, Je me suis fait évincé et je leur en remercie par ailleurs. Mais le papier ne marche plus, tout se fait sur Internet. Si je veux être dans les magazines plus mainstream, il faut activer les publicités, se faire copain-copine, l’exemple de la Gallery Opera qui paye des pages de pub et des backcovers à 15 000 €, c’est juste pas possible ! Je pense que le mouvement pourra se passer de ce genre de magazines, chers, peu intéressants et peu objectifs. Internet, c’est le média d’aujourd’hui, même si ce n’est que mon opinion.

- Je me demandais quelles influences avaient eu les galeries pionnières new-yorkaises sur Paris. Etaientelles un modèle à suivre ? Personnellement j’ai suivi l’exemple de ces galeries old-school, c’est à dire soutenir l’artiste, l’aider financièrement, lui acheter les œuvres presque de chaque expo pour le soutenir. Ce qui est très rare aujourd’hui au niveau de la plupart des galeries à Paris, mis à part les plus grandes qui possèdent des collectionneurs qui investissent avant et après l’expo. J’ai suivi l’exemple de mon père qui lui vient d’une génération des années 80 (ouverture de sa galerie à Monaco en 1984), et en 1982, il travaillait déjà avec Yaki Kornblit à Amsterdam, en exposant Dondi White, Crash, Rammellzee… J’avais donc ce modèle à l’ancien de galeriste où il y avait une éducation vis à vis de l’artiste, de le soutenir le plus longtemps possible et aussi de le faire évoluer, de développer un réseau avec d’autres galeries qui partagent la même vision. Du côté des galeries plus street art, tu trouveras Magda Danysz qui est dans la même optique, Agnès b aussi qui est davantage galeriste par passion.

- Concernant l’évolution du graffiti et du street art, êtes vous satisfait du chemin parcouru ? Je suis super fier des artistes que j’ai pu exposé et de leur parcours jusqu’à aujourd’hui. Maintenant le mouvement il est tellement grand aujourd’hui, et il y a tellement de bons artistes originaux et qui ont des choses à dire. Cependant le buzz via internet peut amener à certains d’exploser également. Je suis le graffiti depuis qu’il est arrivé en Europe dans le début des années 80. Des gars comme Crash qui sont reconnus à l’international, mais qui peinent encore aujourd’hui à être exposé à certains endroits, qui ne sont pas encore dans les grandes collections ou qui n’ont pas encore atteint le seuil des 50 000 € (je ne parle pas de Seen ou de Taki qui sont deux artistes montés pour la thune malgré le fait que ce soit de vrais artistes avec un passé derrière eux), mais en général c’est surtout l’arrivée d’Internet qui a fait que les choses ont bougés. Il y a eu aussi l’engouement créée par l’expo que je n’ai pas aimé, « Tag au Grand Palais » par Gallizia, qui lui, par coup de chance, a réussi à créer le buzz et à partir de là, je le remercie pour ça mais uniquement pour ça. Personnellement, juste avant je venais d’exposer ma collection à Sète (l’Art Modeste sous les Bombes). A partir de ce moment là en France ça a fait exploser le truc ! Quitte à ce que des confusions se créaient.

- Que pensez vous lorsque l’un de vos artistes arrivent à pénétrer dans un musée, dans les collections publiques ? ce qui est le cas pour JonOne par exemple, récemment courtisé par le MuCEM de Marseille Proprement je trouve cela super, pour l’artiste et pour sa reconnaissance. Maintenant, derrière tout ça, il faut bien savoir que le MuCEM va acheter une toile officielle et en avoir deux sous le manteau pour les acheteurs… Il y a toujours de l’argent en jeu, et par moment cela devient super énervant cette histoire de conditions, de rapports de force. Ce n’est jamais ouvertement « enthousiaste ».

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Par ailleurs, la responsable de la collection graffiti au MuCEM, en 2003, a commencé par me soutirer des informations sur mes artistes, lorsqu’elle a voulu m’acheter une pièce de RCF 1, sauf qu’après lui avoir donné son contact, c’est à son atelier qu’elle a préféré acheter la pièce ! Je me suis senti « entubé ». J’ai pourtant accepté de faire une interview de 10 pages dans son bouquin, mais peu importe. Pour revenir aux artistes, je suis content de voir des types comme Crash, Daze, JonOne reconnus dans les musées, ils sont déjà dans des gros musées internationaux et là ce sont vraiment des choix, c’est vraiment propre et efficace. Marseille c’est Marseille et c’est pas encore un grand musée. On en revient à la question d’évolution, ce qu’il leur faut pour eux, pour ces artistes c’est des expositions dans des musées, des rétrospectives qui vont venir avec les années, c’est à partir du moment où on pourra considérer l’ensemble d’une carrière.

- Faut il attendre qu’ils soient morts pour autant… ? Non, il ne faut pas attendre qu’ils soient morts. Il y a l’exemple de Rammellzee, qui est mort il y a 2 ans maintenant, j’ai été contacté par une galerie l’année dernière pour prêter des œuvres. L’agent de Rammellzee organisait une expo rétrospective mais vente, donc une fois de plus, il y a de l’argent en jeu. Il y avait quelques pièces qui n’étaient pas à vendre, mais la spéculation s’est faîte très vite. On a vu aussi la même chose avec Dondi White. Tout ce que les musées peuvent faire ce sont des rétrospectives des artistes encore vivant, des in-situ, c’est ce qui se fait en ce moment et c’est ça que j’aime puisque ça amène vraiment du buzz à mon niveau. Par exemple si tu vois un Daze dans un musée, tu kiffes, tu tapes son nom sur internet et tu tombes sur les galeries qui le vendent, et c’est là où on travaille et puis pourquoi nous on se bat pour l’argent : pour que l’artiste puisse continuer à produire, et puis vendre pour lui, pour nous, pour faire avancer les choses. Les futurs collectionneurs, les clients, on les attends mais il faut travailler pour et c’est ce que je fais.

- Pensez vous qu’une éducation a été donnée afin de bien aborder le mouvement graffiti dans son ensemble ? Oui je pense. En ce moment je fais tourner une partie de ma collection en France à travers le réseau Spacejunk( Bayonne, Lyon, Grenoble), ça m’a couté peut être deux jours de travail, entre l’emballage des toiles, faire les listings de départ pour les douanes et tout ça, j’ai pas encore fait de ventes dessus, pas eu un client en deux mois, peut être qu’il n’y aura rien ! Mais je ne le fait pas pour ça non plus ! J’attends surtout qu’il y ait des retours, et même s’il n’y a rien, j’aurai encore fait une belle petite expo d’œuvres belles, classiques, c’est ce qui m’intéresse.

- Selon moi, il existe une réelle difficulté à comprendre les termes et donc à définir le mouvement, dû à l’existence de nombreux termes qui parfois mènent à des confusions. Êtes vous d’accord avec moi ? Quels sont les mots, les termes, les définitions auxquelles vous êtes attachés ? Quelles utilisations faîtes vous du terme « post-graffiti » par exemple ? et du terme « street-art » ? Sydney Janis a inventé le terme « post-graffiti ». Lorsque j’ai ouvert ma galerie, dans le milieu du graffiti parisien on ne parlait pas de street art encore, y avait des gars qui collait des trucs mais des types comme Shepard Fairey n’était pas reconnu en France encore. Il y a toujours eu du street art mais c’était du pochoir, on

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appelait ça plutôt l’art du pochoir, avec des artistes comme Miss Tic, Jean Faucheur. Puis est arrivé le terme « street art », de Londres et de Banksy. J’avoue avoir négligé dès le début, on vendait du graffiti on défendait des RCF, des gars américains qui viennent du train, et puis t’as des gars qui arrivent, qui font du pochoir même en journée, des trucs rigolos que tout le monde comprend, qui plus est, cela commençait à se vendre ! Ca a rapidement pris de l’ampleur, comme un mastodon, un concurrent et à ce moment là plus personne n’en parlait du graff ! Je ne m’y retrouvai pas trop là dedans, je trouvai ça contraire à ma religion du graffiti que je défendais depuis toujours. Dans certaines interviews je disais même que je ne ferai jamais de street-art dans ma galerie. Même entre artistes on en discutait, certains n’aimaient pas ce terme. Mais finalement j’ai dû accepter de m’y mettre et d’adopter le terme. Maintenant, le terme street art (qui englobe le graffiti, l’art urbain), j’ai plus le choix je suis contre ce terme. A l’entrée de ma galerie, j’ai installé un panneau avec inscrit « art contemporain-street art-graffiti ». Si je laisse « graffiti » c’est trop péjoratif, trop associé au vandalisme, donc je suis obligé de rajouter « street art » pour pouvoir travailler mon propre « street art ».

- A propos de son introduction dans une histoire de l’art en général… ? Pour moi il est bien ancré, on ne reviendra pas en arrière. Il y a encore de nombreux jeunes talents qui vont émerger, c’est à nous galeristes ou propriétaires d’espaces d’art, également aux musées, de donner un peu de chance à certains. D’autres ne le méritent pas car ils copient déjà les autres. Un artiste par exemple comme Jonas est issu d’une galerie qui a déjà sorti des faux Crash et des faux JonOne lors d’une vente d’art à Cannes. Jonas c’est le copieur de JonOne, dans son nom et dans ses signatures également. On s’en fout mais c’est histoire de dire et de l’encourager à trouver son style, malheureusement les clients sont prêts à acheter. Il y a donc un petit souci. Entre artistes et actifs c’est un gros sujet de discussion, c’est la légitimité de l’artiste. Qu’un artiste soit influencé est normal, mais il se doit de trouver sa marque de fabrique, son petit truc.

- Ce à quoi j’ajoute qu’il ne serait pas négligeable d’avoir, pour le bien du graffiti et du street art, des historiens d’art et des critiques capables d’émettre un avis sur tel ou tel artiste, de faire la part des choses entre l’un qui copie et le véritable créateur… j’ai l’impression d’un enjolivement permanent, qu’on trouve tout ce qui arrive comme frais… Tout est frais parce que tout le monde a intérêt aujourd’hui, les journalistes et les rédacteurs ont quelque chose à voir avec soit l’artiste dont il parle soit le galeriste, y a un conflit d’intérêt. Par exemple, nous avons eu un article dans un grand magazine artistique à propos de notre Fondation parce qu’on connaît le gars qui connaît untel… Je dois avouer qu’il manque un critique qui pourrait critiquer certains de ces mauvais artistes et cela ne sera pas moi d’ailleurs parce que je ne suis pas expert en art critique, mais ça manque un peu, et je pense surtout que personne ne s’y est vraiment essayé. Y a une critique, c’est Valériane Mondot de Taxie Gallery, c’est quelqu’un qui peut être très critique, et qui le fait bien. Elle en parle bien et prépare des projets par rapport à cette dimension. Depuis 20 ans que je connais et suit ce mouvement il n’évolue que en bien selon moi, je suis plutôt satisfait de ce qu’il se passe pour le graffiti en ce moment, je travaille et mes artistes travaillent surtout. L’important est de bosser tous ensemble main dans la main, entre gens qui connaissent et qui osent le faire surtout, entre vrais gens du milieu.

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- Une dernière question, plus personnelle cette fois ci. Comment percevez-vous mon initiative, mon étude ? Pensez-vous que je perde mon temps par exemple ? J’ai toujours aimé le travail des étudiants, parce que vous participez au niveau universitaire à l’évolution du truc, c’est à dire que vos papiers sont lus, sont consultés par des professeurs pas toujours connaisseurs du mouvement, par d’autres étudiants aussi. Je ne pense pas que tu perdes ton temps parce que tu travailles par passion sur ce sujet et que c’est plutôt positif. Vos démarches sont positives pour le futur.

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Source 2 : Questionnaire soumis par mail à différents FRAC.

- Le monde de l’art s’agite actuellement autour du graffiti et du street (multiplication des galeries spécialisées et des ventes aux enchères, publications consacrées au phénomène dans les magazines beaux-arts, croissance des expositions). En tant que directeur d’un FRAC et acteur majeur de l’art contemporain en France, y êtes-vous sensible ? Quelle est votre position à ce sujet ? - Si l’on saisit bien les missions d’un FRAC, nous devrions donc trouver dans au moins une structure, la présence d’œuvres d’art issues du graffiti et du street art. Pouvez-vous me le confirmer ? Dans le cas contraire, l’avez vous déjà envisagé ? - Aux Etats-Unis, le graffiti est entré dans les collections muséales, et les institutions reconnaissent peu à peu leurs propres pionniers. Selon vous, qu’est ce qui pourrait faire changer d’avis les institutions françaises ? - Enfin, comment percevez-vous les perspectives d’évolution des rapports entre les FRAC et le graffiti et le street art ? Est-il possible de douter encore longtemps de la dynamique de ce mouvement pictural et culturel qui existe depuis les années quatre-vingts en France ?

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Source 3 : réponses de M. Emmanuel Latreille, directeur du Frac LanguedocRoussillon, de Mme Béatrice Josse, directrice du Frac Lorraine, et de M. Olivier Michelon, directeur du Frac Midi-Pyrénées.

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