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en haut Federico Fellini avec Tonino Guerra

en bas Tonino Guerra avec Titta Benzi

la fraîcheur de la brise qui arrivait de derrière les persiennes qui donnaient sur la via Sistina. Puis il ramassa tous les pétales de rose qui étaient tombés, il s’approcha de moi et commença à jeter les pétales parmi les feuilles que nous avions écrites en disant: “Tu sais, il est compliqué ce travail, nous y repenserons. Je vais faire le Casanova”. “Mais moi je pars”- lui répondis-je. “Encore avec cette idée! Mais tu es fou… Il y a un contrat, quarante millions…”. “Je m’en fous, moi je pars”. Retour. Il avait fait un travail splendide parce que Le Casanova est un vrai chef-d’œuvre, et il me dit: “Tonino, écoute, je te veux dans ce film, écris-moi un poème un peu libre”. “Sur quoi?”, et lui: “Sur la figa (sexe féminin en dialecte romagnol)”. “Mais, Federico…”. Lui, il continua: “Ce doit être une vision douce, magique…”. Alors, j’écrivis le poème, il le mit dans le film puis il lui vint un doute et appela Zanzotto, un grand poète, et la figa devint la mona (sexe féminin en dialecte vénitien), et il l’inséra dans le film, dans le générique d’ouverture”. Les premiers temps, Federico avait une vieille voiture verte et il m’emmenait à Ostia pour voir deux maisons d’architecture fasciste vraiment exceptionnelles. Sur le moment, j’avais commencé à avoir des soupçons car, tout jeune, j’avais été proche des partisans et avais été pris des tracts en poche et sauvé par une femme, mais j’avais quand même fait pour ça une année de camp de concentration en Allemagne. En réalité, ces deux maisons étaient incroyablement belles: deux blocs carrés encadrés de grandes terrasses rondes comme les lèvres d’énormes nègres. Il a toujours été affectueux et plein de tendresse, profondément généreux, et non seulement avec moi, mais avec tout le monde. Il essayait d’appuyer tous ceux qui lui demandaient son aide. Même chez lui, il recevait et restait en compagnie de personnes un peu bizarres, un peu simples, sur lesquelles il répondit un jour à ma demande à leur sujet: - «Toi tu ignores que l’obscurité est pleine d’éclats lumineux». C’est depuis que j’ai un grand respect pour l’ignorance. Je voudrais aussi dire deux mots sur sa bonté. Le matin, on ne commençait pas tout de suite à travailler, avant, il y avait une heure d’appels téléphoniques de la part de personnes qui demandaient son aide. Et lui, il voulait aider tout le monde”.

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