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L'épopée de Chabag, du Léman au Liman

1820: début d'une épopée vaudoise Chabag, du Léman au Liman

Il y a deux siècles, débutait la plus incroyable des aventures du vignoble suisse. A l’invitation du tsar de toutes les Russies, Alexandre Ier, des vignerons de Lavaux vont fonder une colonie sur les bords de la Mer Noire. Pendant 120 ans, ères de prospérité et périodes de développement alternent avec épidémies de peste et soubresauts géopolitiques. Chabag en tant que colonie viticole helvétique disparaîtra en 1944, mais cette épopée sans équivalent aura des conséquences perceptibles aujourd’hui encore dans les vignobles ukrainiens et vaudois.

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Chasselas blanc, chasselas hâtif, chasselas de Provence, chasselas rouge, chasselas rose, chasselas royal et blanquette: voici les six premiers cépages décrits dans «Viticulture et vinification». Cet ouvrage en cyrillique publié à Odessa en 1854 fera autorité dans les vignobles russes pendant près d’un demi-siècle. Selon l’auteur, Karl Tardent, la blanquette, un clone de chasselas que l’on connaît en Suisse sous la dénomination de blanchette, est aussi appelé telti-kuruk, un terme turcophone signifiant «queue de renard». Lorsque le Mondial du Chasselas a appris que l’entreprise ukrainienne Shabo commercialisait un Telti-Kuruk Réserve, une certaine excitation s’est emparée des organisateurs de ce concours aiglon. L’héritage de ceux que le journaliste Olivier Grivat a baptisé «les vignerons suisses du tsar» aurait-il survécu pen-

Two centuries ago, Alexander 1, the Emperor of All Russia, invited wine-growers from the Lavaux region to settle on the shores of the Black Sea. For 120 years, periods of prosperity and development alternated with periods of plague and geopolitical upheavals. The wine-making settlement known as Shabag disappeared in 1944, but its extraordinary story has left traces that are still visible today in the vineyards of Ukraine and the region of Vaud. dant plus d’un demi-siècle au sud-est de l’Europe? Le docteur José Vouillamoz, spécialiste de l’ADN des cépages et Commandeur des Vins Vaudois, répondra hélas par la négative. Il n’y aucun lien de parenté entre le telti-kuruk, variété autochtone, et le grand cépage

Le parcours effectué par le premier convoi en 1822. (Musée Shabo, concept et réalisation Hugo Schaer)

Shabag – The Saga of Settlers from Vaud

blanc lémanique.

White Chasselas, Early Chasselas, Provence Chasselas, Red Chasselas, Rosé Chasselas, Royal and Blanquette Chasselas: these are the first grape varieties described in Viticulture and Wine-Making, a book by Karl Tardent, published in Russian, in Odessa in 1854, and long recognised by Russian wine producers as an authoritative guide. Chasselas prospered in Shabag for over a century.

A rural commune situated in the Odessa Oblast, in Ukraine, Aşa-abag, which means ‘lower gardens’ (as vineyards were called in those days), was founded in the sixteenth century by the Tatars. Following the 1812 Treaty of Bucharest, the Budjak region, which was part of the Ottoman Empire, came under Russian control and was renamed Bessarabia. The czar Alexander l, who had just defeated Napoleon, had maintained close ties with his former priLe Guillon 56_2020/1 43

De g. à dr. Partie de chasse en plein hiver russe. Les colons prévoyants n'oublient pas d'emporter un petit tonneau de vin Des colons devant une de leurs maisons dans les années 1920

vate tutor from Vaud, Frédéric César de Laharpe, who became one of his leading political advisors. The czar therefore granted significant privileges to the Swiss who came to settle in Shabag: religious freedom, a ten-year exemption from all forms of tax and exemption from military service (which at the time lasted for 25 years!). Above all, each family of settlers received just over 65 hectares of agricultural land. With Europe in ruins after the Napoleonic Wars, this was a the Lavaux wine-growers entrusted Louis-Vincent Tardent, a notable citi-

Du Léman au Liman

Pendant plus d’un siècle, le chasselas a pourtant prospéré à Chabag. Commune rurale de l’oblast d’Odessa, en Ukraine, Acha-Abag, qui signifie «les vignes d’en bas», est fondée au 16e siècle par les Tatars. Suite au traité de Bucarest, signé en 1812, la région du Boudjak, une province de l’empire ottoman, passe sous contrôle russe qui la rebaptise Bessarabie. Comme souvent, à cette époque, les perdants sont priés de déguerpir tandis que l’on repeuple les zones nouvellement conquises par des habitants plus en adéquation avec le nouveau régime. Alexandre Ier, vainqueur de Napoléon, entretient des liens étroit avec le Vaudois Frédéric-César de Laharpe, qui fut son précepteur et qui reste l’un de ses principaux conseillers politiques. Le tsar accorde donc aux Suisses qui viendraient s’établir à Chabag des avantages importants: liberté de religion, exemption de zen of Vevey, a wine-grower, an adventurer and a scholar, with the mission of carrying out a survey of the land. He came back full of enthusiasm for that area situated around the Liman Lagoon of Dniestr (Lower Danube).

The Russian century

On June 18th, 1822, six household heads signed an agreement that would govern the functioning of the future settlement. This document provided for the formation of a municipal authority and a general council made up of all members of the colony over the age of twen-

tout impôt pendant dix ans et dispense du service militaire (qui dure à l’époque 25 ans!). Surtout, chaque famille de colon reçoit 60 déciatines de terres cultivables, soit un peu plus de 65 hectares. Dans une Europe ruinée par les guerres napoléoniennes, l’offre se révèle tentante. Le 13 août 1820, des vignerons de Lavaux chargent une personnalité de Vevey, Louis-Vincent Tardent, d’aller reconnaître le terrain. Vigneron, aventurier, érudit – il tissera des liens d’amitié avec Pestalozzi comme avec Pouchkine – ce personnage revient enthousiasmé des bords du Liman (une lagune spécifique au bas-Danube) du Dniestr.

Le siècle russe

Le 18 juin 1822, à Vevey, six «chefs de famille» signent une convention qui règle le fonctionnement de la future colonie. Ce document prévoit la création

tempting offer. On August 13th, 1820,

d’une municipalité et d’un conseil généty-three. It stipulated that every family must bring a Bible and a rifle! Swiss domestic servants, who had served satisfactorily for six years, could become full members of the colony, if they married. Finally, future settlers would include only “Swiss nationals who were recognised as being honest people and good farmers and possessed some skill that could be useful to the community”. One month later, a group of some 30 people, half of whom were children, left Vevey on a 2,500-kilometre voyage. The first few years were not easy: communication routes were impracticable and ad-

ral, composé de tous les membres de la colonie de plus de 23 ans, dès l’arrivée à Chabag. Il stipule que chaque famille doit emporter une bible et une carabine! Il précise que les domestiques suisses qui auront servi à satisfaction pendant six ans pourront devenir, s’il se marient, membres de plein droit de la colonie. Enfin, ne sera accepté comme futur colon que «tout Suisse reconnu honnête et bon agriculteur ou pouvant être utile par quelque art à la communauté». Un mois plus tard, un cortège d’une trentaine de personnes – dont la moitié se compose d’enfants – quitte Vevey pour un périple de quelque 2'500 kilomètres. Les premières années se révèlent assez difficiles: les voies de communication sont peu praticables, l’administration tsariste se montre aussi tatillonne qu’ubuesque. Et lorsque les embûches initiales semblent surmontées, la petite communauté vaudoise doit faire face à la peste, ramenée ministrative red tape was a burden. No sooner had the initial difficulties been overcome, the little community from Vaud was faced with the plague brought by Russian soldiers who were staying in the village at the time of the 1828-1829 Russo-Turkish war. Faithful to their motto Ora et labora, the settlers prayed and worked. According to a Ukrainian document, in 1825 the fifty-two Swiss inhabitants of Shabag owned 104,000 vines. One generation later the number rose to 200,000 and the founders’ grandchildren had as many as three million. One wine-grower, Charles, or

par les armées russes logées dans le village lors de la guerre de 1828-1829 contre les Ottomans. Fidèle à leur devise «Ora et labora», les colons vaudois prient et travaillent. Selon des documents ukrainiens

Ci-dessus photo et dessin: vigne grande échalassée, production jusqu'à 100 litres de vin par cep (Tardent, 1854)

les 52 Suisses de Chabag possédaient Karl, Tardent, made a name for himself: he created different new grape varieties and was recognised as one of the leading Russian experts in viticulture and wine-making. With the abolition of serfdom (1861) and the withdrawal of the privileges granted by Alexander I (1871), the Swiss wine-making colony became a Russian commune inhabited by Swiss people. Shabag continued to prosper for half a century despite the upheavals caused by the death throes of the tsarist empire. Some settlers left Russia in search of more welcoming lands. Some twenty Shabag settlers arrived in Sydney in 1885, while others tried their luck on the American continent. Among these exiles, Henry Tardent was undoubtedly the most famous. Born in Ormonts in 1853, he arrived in Shabag in 1872, disembarked in Brisbane in 1887 and went on to become the director of the first state farm in Queensland. Closely connected to the first Labour prime minister, he had a considerable influence on drafting the Australian Constitution.

The Romanian interlude

According to the Treaty of Versailles of June 28th, 1919, Bessarabia was ceded

Verre vaudois et foudres de vinification: les classiques de Lavaux ont pris racine dans les caves de Bessarabie

Les photos sont tirées du livre «Les vignerons du Tsar» d'Olivier Grivat

104'000 ceps de vigne en 1825. Ils en cultivaient 200'000 une génération plus tard et les petits-enfants des fondateurs soignaient près de trois millions de plants. Des vignerons se distinguent à l’instar de Charles, ou Karl, Tardent. Ce dernier crée divers nouveaux cépages et est reconnu comme l’une des autorités russes en matière de viticulture et de vinification. On peut aussi citer Daniel Dogny, spécialiste de l’élaboration de vins effervescents, dont la réputation dépasse largement les frontières de l’Empire russe. L’abolition du servage (1861) et la suppression des avantages accordés par Alexandre Ier (1871) transforment la colonie viticole helvétique en une commune russe peuplée de Suisses. Pendant un demi-siècle, Chabag prospère malgré les soubresauts de la lente agonie de l’Empire tsariste. Certains colons décident d’ailleurs de quitter la Russie pour trouver une terre plus accueillante. En 1885, une vingtaine de colons de Chabag débarquent à Sydney.

Avec les mains... et le cœur!

D’autres préfèrent tenter leur chance sur le continent américain. Le plus célèbre de ces exilés est sans doute Henry Tardent. Né aux Ormonts en 1853, arrivé à Chabag en 1872, il accoste à Brisbane en 1887 et devient directeur de la première ferme d’Etat du Queensland dix ans plus tard. Proche du premier travailliste à devenir premier ministre, ce correspondant de la Gazette de Lausanne et de plusieurs journaux australiens décédé en 1929 aura une influence non négligeable sur la rédaction de la constitution australienne. Plusieurs rues à Canberra et dans le Queensland portent aujourd’hui son nom.

L’intermède roumain

Le traité de Versailles du 28 juin 1919 rétrocède la Bessarabie à la Roumanie. Chabag devient Şaba. Si la colonie helvétique échappe aux atrocités de la guerre civile et de l’Holodomor (l’extermination par la faim orchestrée par le régime soviétique qui fera plusieurs millions de victimes en Ukraine), la fermeture du marché russe signifie la fin de la prospérité. Vingt et un ans plus tard, jour pour jour, l’Armée Rouge entre dans Chabag. Les Suisses ont reçu un télégramme lapidaire des autorités consulaires helvétiques la veille en fin de soirée: «Faites vos valises!» Certains partent pour Bucarest, d’autres ont suivi les colons allemands de Bessarabie (autorisés à rentrer dans le Reich suite à la signature du Pacte germano-soviétique de 1939), les plus avisés rentrent en Suisse. Toutefois, la guerre est loin d’être terminée. La belle amitié to Romania. Shabag became Şaba. Even though the Swiss settlement escaped the atrocities of the civil war and the Famine-Genocide (the famine orchestrated by the Soviet regime that killed millions of Ukrainians), the closure of the Russian market marked the end of prosperity. Twenty-one years later to the day, the Red Army entered Shabag. The evening before, the Swiss received a curt telegram from the Swiss consular authority: “Pack your bags!” Some left for Bucharest, others followed the German settlers from Bessarabia, who were authorised to return to the Reich after officialisée par Molotov et Ribbentrop est rompue en 1941 et la Roumanie, alliée de l’Axe, reconquiert la Bessarabie. En janvier 1942, le gouvernement du roi Michel annonce que «les réfugiés suisses de Bessarabie peuvent rejoindre librement leurs foyers». Une année plus tard, on recense à nouveau 140 habitants dans un village qui a énormément souffert des combats et des pillages.

Un vignoble ukrainien

L’épopée vaudoise connaît son point final en août 1944 lorsque les troupes soviétiques font leur retour sur les rives du Dniestr. La plupart des ressortissants helvétiques reviennent en Suisse «plus pauvres que leurs aïeux n’étaient partis jadis», tandis que beaucoup de ceux qui n’ont pas pu ou pas choisi de faire leurs valises connaîtront la déportation. Le rideau de fer s’entrouvre en 1988 lorsque qu’un groupe d’anciens habitants de Chabag revient à la «cave départ», pour citer les mots d’Olivier Grivat, le journaliste de 24 Heures qui les accompagne. Celui-ci termine son ouvrage «Les vignerons suisses du tsar» qui a largement inspiré cet article par ces mots: «Le nouveau Chabag? Il appartient aux seuls Ukrainiens de l’entretenir ou de le reconstruire. D’y créer peut-être un musée à l’intention des anciens colons suisses et allemands et de leur descendants…» Mais ça, c’est une autre histoire que nous vous conterons dans un prochain article de cette série sur la plus grande épopée

Chariot Tardent à Chexbres, à la mémoire des vignerons suisses fondateurs de Chabag. Œuvre réalisée par l'artiste Hugo Schaer

du vignoble vaudois. the signing of the Nazi-Soviet Pact in 1939, while those who were most aware of the political situation went back to Switzerland. But the war was far from ended. Romania, a member of the Axis, took over Bessarabia. In January 1942, king Michael’s government declared that “the Swiss refugees from Bessarabia can return freely to their homes”. So, a year later, after enduring fighting and pillage, the village once again had a population of 140 inhabitants.

The final act of the saga of the settlers from Vaud took place in August 1944 when Soviet troops returned to the shores of the Dniester river. Most of the Swiss left for Switzerland “poorer than their ancestors had been when they departed”, while many of those who were unable or chose not to pack their bags were deported. In 1988, when cracks appeared in the Iron Curtain, a group of former inhabitants of Shabag made the journey home, accompanied by the 24 Heures journalist Olivier Grivat. This article was largely inspired by his book, The Tsar’s Swiss Winemakers.

Texte: Eva Zwahlen Photos: Pascal Besnard

Villeneuve, bis!

Pour la troisième fois consécutive, les Lauriers de Platine de Terravin consacrent un vin du Chablais! Le Villeneuve grand cru du Domaine des Hospices cantonaux a décroché le titre, soit la plus haute distinction qui récompense un chasselas vaudois. L’humain derrière le produit? Une femme! C’est une première.

«Nom de bleu, on a gagné?!» Abasourdie, elle répète plusieurs fois cette phrase. Elle, c’est Marjorie Bonvin, qui, à l’annonce que «son» chasselas a remporté les 12e Lauriers de Platine, regarde avec de grands yeux incrédules Philippe Meyer, le directeur des domaines cantonaux. Il confirme. Elle laisse éclater sa joie.

Un chouïa meilleure

«Ça a duré quelques jours avant que j’y croie vraiment», raconte, beaucoup plus tard, Marjorie. Depuis 2014, la Valaisanne travaille comme maître caviste chez Badoux à Aigle, où, au début, elle ne s’occupait «que» de vinifier les vins des Hospices cantonaux de Villeneuve. Depuis, elle est également en charge de la vinification des prestigieux vins du Clos de Chillon et de toute la gamme Badoux. Deuxième (eh oui, seulement…) femme à avoir achevé la formation de maître caviste, elle a attrapé le virus dans les vignes de son grand-père: «Pour moi, il était totalement inimaginable de ne pas travailler dans la branche!» Même si, comme jeune femme, il faut encore savoir s’imposer pour être respectée… Marjorie se souvient trop bien des stupides commentaires entendus à Bordeaux du style «une femme n’a rien à faire dans une cave»: «Cela m’a seulement stimulée et démontré qu’en tant que femme il fallait être un chouïa meilleure que les hommes.» Aujourd’hui elle jouit pleinement de la confiance de ses supérieurs: «Je discute naturellement beaucoup avec Philippe Meyer et Daniel Dufaux, le directeur de Badoux, mais tous les deux me laissent parfaitement libre.»

Philippe Meyer, Alsacien d’origine, formé comme œnologue à Reims et ancien œnologue cantonal vaudois, vinifie les vins du Domaine de Marcelin, où il est aussi chargé d’enseignement. Responsable des domaines cantonaux, à Villeneuve, il a un rôle de superviseur. «Marjorie et moi avons toute confiance l’un en l’autre, nous nous comprenons complètement, affirme-t-il. Il n’y a que pour les rouges, où nous avons chacun un style différent.» Et en quoi consiste cette différence? Il explique en riant: «Marjorie préfère des vins très extraits, masculins, tandis que moi, je les aime plus ronds, plus féminins.» Pour ce qui est des blancs, ils partagent la même vision. «Nous laissons beaucoup de temps à notre chasselas, détaille la maître caviste, d’abord le moût est débourbé durant quatre à cinq jours, soit plus longtemps que d’habitude, puis la fermentation alcoolique se fait par 16 à 18 degrés, extrêmement lentement. Le vin est élevé sur lies fines dans des foudres de bois de

(de g à d): Les vainqueurs, Marjorie Bonvin et Philippe Meyer et leur Villeneuve grand cru, Chablais AOC, des Hospices Cantonaux

Louis et Jean-Luc Blondel, 3e

2e et 4e places pour la Commune de Bourg-en-Lavaux, représentée par Daniel Lambelet, Nicole Gross (municipale), Christophe Lehmann et Gaël Cantoro Nouveau triomphe pour Villeneuve En présence du conseiller d’Etat Philippe Leuba et du parrain de la manifestation, le chef étoilé Frank Giovannini, un jury composé d’une trentaine de professionnels du vin, sommeliers et journalistes spécialisés, a désigné, le 21 novembre 2019 à Crissier, les vainqueurs de la 12e édition des Lauriers de Platine de Terravin. Les 16 finalistes du millésime 2018 (6 Lavaux, plus 3 Calamin, 5 du Chablais, 1 de La Côte, 1 des Côtes de l’Orbe) restés en lice sur les 409 «coqs» (qui avaient obtenu le Label d’Or Terravin durant l’année) ont été dégustés et notés par séries de quatre, selon un système de coupe. Comme l’an dernier, le vainqueur est un Villeneuve, mais cette fois-ci, il ne s’agit pas du chasselas de l’ex-coopérative.

6’300 litres. «C’est un produit vivant et cela ne lui fait aucun bien d’être stressé – comme à nous non plus – c’est pour cela que nous ne mettons jamais notre vin en bouteilles avant le mois d’avril», explique Marjorie.

Double victoire

Le vainqueur (6’000 bouteilles à 14 fr. 30) est un vif chasselas plein d’éclat, porté par une fine acidité et une légère note structurante d’amertume en finale. Ses raisins ont poussé à Villeneuve sur des sols caillouteux; 5 hectares en tout. Les vignes sont cultivées par des vignerons-tâcherons dont l’un, Adrien Gosteli, s’avère le mari de Marjorie. Au temps où le futur lauréat sommeillait encore dans son fût (vase N° 26), il plaisait déjà beaucoup à Marjorie. «Elle me disait: tu vas voir, celui-là, il ira loin, raconte Philippe Meyer, et elle avait raison!» Après le palmarès, le téléphone s’est déchaîné. De futurs nouveaux clients voulaient déguster le vin, et puis beaucoup en ont immédiatement recommandé. Mais le meilleur client reste le propriétaire des vignes, le CHUV à Lausanne, qui achète en gros 40% de la production. Pas tant pour les patients que pour agrémenter certains banquets…

Philippe Meyer a eu presque mauvaise conscience de voler la victoire à la commune de Bourg-en-Lavaux – qui effectivement a deux vins (vinifiés par les Frères Dubois à Cully) classés parmi les quatre premiers. Mais pour Marjorie comme pour Philippe, les Lauriers de Platine sont le nec plus ultra, la plus prestigieuse des distinctions pour un chasselas. Et encore plus dans ce magnifique millésime 2018, alors qu’il était «impossible de faire un mauvais vin», comme le souligne Marjorie, et oui, la concurrence était rude. «Et en plus, c’est le premier vainqueur à être vinifié par une femme!», dit-elle doublement heureuse.

1er Villeneuve Grand Cru Domaine des Hospices cantonaux, Villeneuve (Chablais AOC) 2e Calamin Grand Cru Commune de Bourg-en-Lavuax, Cully (Calamin AOC) 3e Pré-Lyre Jean-Luc Blondel, Cully (Lavaux AOC) 4e Villette Grand Cru Commune de Bourg-en-Lavaux, Cully (Lavaux AOC)

Le Graal pour la Cave de la Côte

Après avoir remporté tous les autres titres, la Cave de La Côte devient Cave Suisse de l’année lors d’une treizième édition du Grand Prix du Vin Suisse de tous les records. Si le canton de Vaud remporte pour la troisième fois le titre suprême, il réussit aussi une remarquable performance d’ensemble dans les rouges.

En 2019, la Cave de la Côte fêtait ses nonante ans. Cette coopérative, regroupant 1800 parcelles appartenant à 300 producteurs, a fêté son anniversaire de belle manière en s’adjugeant, fin octobre 2019, le titre le plus convoité du Grand Prix du Vin Suisse, celui de Cave de l’Année. Après le Domaine de la Ville de Morges en 2015 et les Frères Dutruy en 2017, la «vieille dame» de Tolochenaz a confirmé le potentiel de la plus grande des AOC vaudoises. En préambule, il semble intéressant de rappeler quelques chiffres, surtout à ceux qui aiment susurrer au Café du Commerce que «les médailles tuent les médailles» et qu’il y a «trop de concours». En dix ans, cette compétition organisée par le magazine VINUM et l’association VINEA a vu le nombre de crus inscrits In 2019, the Cave de La Côte cooperative that brings together 300 producers and their combined 1,800 parcels, celebrated its 90th anniversary in style. At the end of October, at the Grand Prix du Vin Suisse (GPVS), they were awarded the most coveted distinction of Cellar of the Year. In the footsteps of Domaine de la Ville de Morges in 2015 and Frères Dutruy in 2017, the Tolochenaz cooperative confirmed the potential of the largest AOC in Vaud. Some figures are passer de 2715 vins (en 2010) à 3259. A l’inverse, la proportion de distinctions décernées n’a pas varié. Ce qui signifie que 2300 concurrents sont repartis sans la moindre médaille, que 3219 vins n’ont pas reçu de trophée lors du gala de Berne et que près de 500 producteurs auraient aimé être à la place de Julien Hoefliger et de son équipe le 24 octobre.

Des chasselas triomphants

2018 avait déjà été une bonne année en termes de résultats dans les grands concours pour la Cave de la Côte. Dans notre édition de printemps, Rodrigo Banto, l’œnologue en chef et son adjoint, Fabien Coucet, posaient fièrement avec le Prix Vinissimo Rouge reçu au GPVS 2018. Ce coup de cœur du jury a été

Près de 3'500 bouteilles ont été ouvertes lors du Grand Prix du Vin Suisse 2019

Top Awards for Cave de La Côte

attribué au Gamaret Inspiration 2015, worth mentioning here, especially for people who like to complain that there are too many competitions. In the ten years since 2010, the GPVS which is organised by the VINUM magazine and the VINEA Association, saw the number of entrants rise from 2,715 wines to 3,259, while the proportion of distinctions awarded remained unchanged. That means that in 2019, 2,300 competitors left the competition without a medal, that 3,219 wines did not receive a trophy at the gala in Bern, and that on 24th October about 500 producers would have liked to be in the place of the winner, Julien Hoefliger and his team.

Two Cooperative wines, Coteau d’Aubonne Esprit Terroir 2018 and Luins Bravade Esprit Terroir 2018 beat the other 436 Chasselas contestants to win first and second prize. In addition, together with 19 other wines that were awarded both gold and silver at the competition, they obtained a national dis-

L'équipe de la Cave de La Côte (Gilles Cornut, Michael Widmer, Julien Hoefliger, Sylvie Camandona, Fabien Coucet et Rodrigo Banto), célèbre le titre suprême, celui de Cave Suisse de l’année

© VINEA

vainqueur de la catégorie «Gamaret, Garanoir et Mara purs». En automne, Julien Hoefliger et Sylvie Camandona (responsable des ventes) dévoilaient le trophée de «champion du monde» du Mondial du Chasselas 2018 qui couronnait le Mont-sur-Rolle La Montoise Esprit Terroir 2017. A l’occasion, le directeur expliquait que «ce magnifique résultat démontre notre savoir-faire dans ces vins symboliques qui iltinction which is based on three criteria: the ratio between the number of wines presented and gold and silver medals obtained; the number of wines nominated; and the number of wines taking first to third place.

A collective triumph

By definition, a cooperative is an association that is owned and democratically governed by its members. That implies that the triumph of Cave de La Côte is based on the talents of the cellar and vineyard workers. This quality message has been communicated for lustrent la diversité de la région». Julien Hoefliger rappelait aussi que: «ce Montsur-Rolle côtoie dans la gamme Esprit Terroir six autres chasselas, donc le Morges Vieilles Vignes. Celui-là même qui a remporté le Mondial du Chasselas 2016». Ce qu’il ne savait pas encore, c’est que deux des quatre autres crus estampillés Esprit Terroir allaient s’imposer dans la catégorie Chasselas du Grand Prix du Vin Suisse 2019. Devançant 436 some years now by Rodrigo Banto, the talented Swiss-Chilean oenologist who has been overseeing vinification since 2003. He has the support of a dozen or so collaborators, Fabien Coucet his assistant explains: “The winemaking is headed by Rodrigo Banto, with Giles Cornut as technical director. Each cellar has a master. At Nyon, Pierre Framorando has two employees to help him. At Tolochenaz, the cellar master is Marc-Henri Demont, who has four qualified assistants and three apprentices”. These individuals are all involved in the winemaking process, from the arrival of autres chasselas, fendant ou Gutedel, le Coteau d’Aubonne Esprit Terroir 2018 et le Luins Bravade Esprit Terroir 2018 ont offert à la Cave de la Côte un magnifique doublé. Ils ont également – associés en cela aux 19 autres vins qui ont glané une médaille d’or et d’argent lors du GPVS 2019 – offert à la coopérative le titre national qui dépend de trois critères: le rapport entre vins pré-

52 sentés et vins médaillés (or et argent), le the harvested grapes, through fermentation and ageing, right up to the bottling. They vinify Premiers Grand Crus as well as vin du pays. The grapes come from an area of 450 hectares, that is almost a quarter of the La Côte vineyards. Cave de la Côte markets almost three million bottles of Chasselas, a variety that only represents half the grapes vinified by the cooperative. That goes to prove that, in the world of wine, quantity and quality and are not necessarily incompatible.

Les lauréats vaudois L’édition 2019 du Grand Prix du Vin Suisse a vu s’affronter 3259 vins venus de 21 cantons viticoles parmi lesquels Jura, Glaris, Uri et Bâle-Ville. Avec 778 crus en compétition, Vaud tenait largement son rang de deuxième région viticole du pays. Outre le titre suprême et la victoire dans la catégorie gamay, les vignerons vaudois sont montés sept fois sur le podium, et ce, dans cinq des treize catégories du concours national. Contrat parfaitement réussi dans les chasselas puisque le Champ-Noé du Domaine Blondel rejoint le duo de la Cave de la Côte. Belle satisfaction aussi du côté des gamay puisque le Combaz-Vy 2017 du Domaine des Afforêts monte sur la deuxième marche du podium. Doublé aussi, mais à la deuxième et troisième place, dans la catégorie «Gamaret, Garanoir et Mara purs» grâce au Gamaret Soliste 2017 des Artisans Vignerons d’Ollon et au Gamaret de Novembre de Bolle et Cie. Autre preuve de la qualité des rouges lémaniques: la troisième place de l’Excellence 2017 de la Cave de la Rose d’Or dans les assemblages rouges. Et pour fêter tout ça? Pourquoi ne pas choisir un La Capitaine Biodynamie 2017 du domaine éponyme qui s’est emparé de la médaille de bronze chez les vins effervescents. L’intégralité des résultats et des médailles sont consultables sur le site: www.grandprixduvinsuisse.ch

nombre de vins nominés et le nombre de vins lauréats (1ère à 3e place du podium).

Une victoire collective

Par définition, une coopérative est une association où la propriété est collective et le pouvoir est exercé démocratiquement. Ce qui implique que la victoire de la Cave de la Côte repose sur les talents de nombreux acteurs à la cave comme à la vigne. Pour des raisons de communication, ce message de qualité est incarné depuis plusieurs années par Rodrigo Banto, le talentueux œnologue helvético-chilien qui a pris la direction de la vinification en 2003. Il peut s’appuyer sur une douzaine de collaborateurs que nous présente son adjoint. «Dans le pôle œnologique proprement dit, qui dépend du directeur technique Gilles Cornut, on trouve au sommet Rodrigo Banto secondé par son bras droit, ou parfois gauche, moi-même, rigole Fabien Coucet. Ensuite, il y a un responsable par cave. A Nyon, Pierre Framorando dispose de deux employés pour l’aider. A Tolochenaz, le chef de cave s’appelle Marc-Henri Demont. Il peut compter sur le soutien de quatre cavistes qualifiés et de trois apprentis.» Cette douzaine de personnes s’occupe de la vinification – de la réception de la vendange jusqu’à la mise en bouteilles, en passant par la gestion des fermentations et l’élevage – de quelque 450 hectares, soit près d’un quart du vignoble de La Côte. Vinifiant aussi bien des Premiers grand crus que du vin de pays, La Cave de la Côte met sur le marché près de trois millions de cols de chasselas, un cépage qui représente encore la moitié des raisins encavés par la coopérative. Ce qui prouve que, parfois, dans le monde du vin quantité et qualité peuvent cohabiter. www.cavedelacote.ch

Gamay: autre classique, autre victoire

«Parler de situation difficile pour le gamay n’est pas tout à fait exact, nuance Charles Rolaz, l’administrateur de la maison Hammel. Il y a en effet surabondance de gamay lambda. Cependant, lorsque le vigneron, le terroir et la qualité de la vinification apportent une réelle plus-value, ces «gamay plus» trouvent leur public.» Et ce sont bien deux «gamay plus» qui ont séduit le jury du GPVS 2019. Arrivé deuxième, le gamay Combaz-Vy 2017 du Domaine des Afforêts a été élevé en barrique. Quant au vainqueur, Les Ecots Clos de la George 2018, c’est, comme l’explique Charles Rolaz: «un gamay planté en gobelet à haute densité, 12'000 pieds à l’hectare, sur des terrasses du Clos de la George à Yvorne. Les fermentations, relativement longues, ont lieu dans des cuves tronconiques en chêne. Le vin est ensuite élevé en partie en cuve et en partie en barriques de chêne français pendant douze mois.» Si la précision apportée par l’entreprise de Rolle dans la vinification de ses rouges est largement reconnue, Charles Rolaz précise que: «ce vin naît d’un terroir particulier. Les terrasses du Clos de la George sont construites sur de la moraine rhodanienne très calcaire. Elles bénéficient d’une excellente exposition. Il faut aussi insister sur le côté très artisanal de notre travail à la vigne et à la cave. Les vendanges, bien entendu manuelles, se font dans des petites caisses pour préserver l’intégrité du fruit. Au final, la vinification ne fait que traduire la qualité du fruit et du terroir.» www.hammel.ch 53

The Grand and Small Councils

The Confrérie de Guillon, with its membership of over 4,000 men and women, is governed by a Grand and a Small Council. The fifty-strong Grand Council has clearly defined objectives. Its members include Chantres and Clavendiers who are in charge of presenting the wines and the meals, and introducing notable personalities; Commissioners who are in charge of event timing; a Maisonneur in charge of selecting the caterers; a Columnist in charge of informing the Guillon’s wine review of our activities; Chief Heralds, who are the masters of ceremony of our banquets; a Cellar Master who is in charge of wine procurement; and Prefects who act as the Confraternity’s ambassadors to the other Swiss cantons and neighbouring Savoie. All these activities are organised by the Small Council made up of eight executive members. They include the Governor of the Confraternity, accompanied by two Lieutenants, one of whom bears the title of Constable (a sort of prime minister in charge of the overall organisation); a Legate, the head of the Prefects; a Chancellor, in charge of external communication; a Notary, our secretary; a Treasury Advisor, who manages the fi nances; and finally, a Provost who is in charge of the welcoming and thanking protocols.

Claude Piubellini, Provost

Grand Cru – AOC Lavaux / Vin du château de ChillonTMGrand Cru – AOC Lavaux / Vin du château de ChillonTM Chasselas et assemblage de trois cépages : Gamaret, Chasselas et assemblage de trois cépages : Gamaret, Garanoir et Merlot. Garanoir et Merlot.

Vinifi é par Badoux-Vins dans la cave de la forteresse, Vinifi é par Badoux-Vins dans la cave de la forteresse, ce vin est à déguster à l’espace « La Verrée Vaudoise » ce vin est à déguster à l’espace « La Verrée Vaudoise » dans la salle du Châtelain. dans la salle du Châtelain.