Entretien avec Thémis Apostolidis Groupe de Recherche en Psychologie Sociale (GRePS - UR 4163), Université Lumière Lyon 2
Résumé : L’occasion nous a été donnée de rencontrer Thémis Apostolidis lors de sa venue à Lyon en décembre 2018, dans le cadre d’une soutenance de thèse de doctorat au sein du laboratoire. Ce n’est pas un hasard s’il est largement sollicité comme membre de jury de thèse en psychologie sociale. En effet, l’entretien que nous proposons révèle le parcours d’un chercheur engagé dans le champ de la psychologie sociale de la santé, depuis son entrée en thèse et ses travaux sur le Sida. Il a abordé avec nous son parcours de jeune chercheur au sein de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), où il a fait la rencontre de Denise Jodelet et Serge Moscovici, dont les travaux et le regard ont nourri sa réflexion sur la psychologie sociale actuelle. Au cœur de son discours, nous retrouvons la nécessité d’une vraie connaissance de la psychologie sociale, au sein des sciences humaines et sociales. L’aspect historique, culturel et anthropologique apparaissent comme constitutifs de sa pensée. Thémis Apostolidis met en évidence l’intérêt de l’interdisciplinarité notamment dans la prise en compte d’objets sociaux et complexes, du VIH/Sida à la schizophrénie, marquant son appétence pour les populations précaires et stigmatisées qui sont au cœur de ses travaux de recherche. Toujours sous l’influence de Moscovici et Jodelet, il nous invite à penser l’inscription de la psychologie sociale au sein des sciences humaines et sociales comme plurielle, diverse et variée. Il manifeste un intérêt pour la psychologie clinique et la philosophie notamment, mettant en évidence qu’au-delà de l’apparente perception d’une discipline scindée, il tend vers une unification de la discipline, au travers d’une posture épistémologique ancrée dans le réel. L’approche sociogénétique des représentations sociales, et le regard multifocal induit par cette dernière lui permet d’appréhender la complexité de ses objets de recherche, et notamment le VIH/Sida. Non loin de se contenter d’une psychologie sociale mainstream, il existe, pour lui, des psychologies sociales. C’est en appuyant sur l’histoire de la discipline et son épistémologie, qu’il s’intéresse à la contradiction et aux objets en tension comme peut l’être la sexualité, où il met en lumière l’intérêt de questionner les évidences et ses propres pré-conceptions en tant que chercheur. Dans sa perceptive d’unité, il concilie fondamental et application, en articulant les représentations sociales aux questions de santé publique. Il pose un regard critique sur l’état actuel de la discipline, remettant en question les tendances monomaniaques actuelles, qu’elles soient théoriques ou méthodologiques, en invitant à repenser l’historicité de la psychologie sociale qui se voulait dynamique et revendicative. Ces constats font sens à la lumière des enjeux de publication de plus en plus normatifs et conformistes, calqués sur le modèle anglo-saxon des sciences naturelles. Tout en ayant conscience des pressions et injonctions actuelles, il prend davantage plaisir à des pratiques de vulgarisation, soulignant la richesse d’être au plus proche des terrains et des réalités, en engageant un regard réflexif avec les personnes concernées par ses objets de recherche. Enfin, à l’instar de Lagache, il reconnaît la complémentarité de la diversité en tant que richesse plus que de limite, invitant les futures générations à une connaissance pointue et élaborée du cadre épistémologique de la discipline pour appréhender toujours plus finement les phénomènes complexes, passés et à venir. Dans cet entretien, Thémis Apostolidis nous transmet une passion disciplinaire et un engagement citoyen qui ne peuvent que stimuler les pensées des actuel·les et futur·es chercheur·euses. Mots-clefs sur la psychologie sociale : complexité, laboratoire social, société, multi-niveaux, contexte, idéologie, conflit individu, société et passion.
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