Archi 2.0

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REMI LAPOSTOLLE ARCHI 2.0



Rémi Lapostolle 11250

Juin 2013

ARCHI 2.0 Quelle Architecture de la réalité augmentée?

Ecole Nationale d’Architecture de Paris La Villette

Séminaire Régénération des Milieux Habités Chris Younes - Xavier Bonnaud



SOMMAIRE L’ARCHITECTURE À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE

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DE NOUVEAUX COMPORTEMENTS

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Communications et Connections Un nouvel espace-temps Virtuel et Réel

MISE EN TENSION AVEC L’ARCHITECTURE

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Le virtuel et les grandes théories architecturales La réalité augmentée

VERS UNE ARCHITECTURE DE LA RÉALITÉ AUGMENTÉE

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Le mur et l’image Le mur augmenté La mise en réseau

CONCEPTION ARCHITECTURALE

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RÉFÉRENCES

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Corpus Publications Films Liste des illustrations

Remerciements

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Ère numérique , Virtuel , Réel , Réalité augmentée , Interface


L’architecture à l’ère du numérique

Maison Dom-Ino, Le Corbusier, 1914


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«Une grande époque vient de commencer. Il existe un esprit nouveau. Il existe une foule d’œuvres d’esprit nouveau ; elles se rencontrent surtout dans la production industrielle. L’architecture étouffe dans les usages. Les « styles » sont un mensonge. Le style, c’est une unité de principe qui anime toutes les œuvres d’une époque et qui résulte d’un esprit caractérisé. Notre époque fixe chaque jour son style. Nos yeux, malheureusement, ne savent pas le discerner encore.» ¹ Le Corbusier. L’un des plus grands enseignements de Le Corbusier est que l’architecture n’est pas une affaire de styles millénaires qui doivent à tout prix être respectés dans le but de créer une oeuvre harmonieuse et réussie. L’architecte a le devoir de créer une oeuvre en relation avec son temps et en adéquation avec la société qu’elle abrite. C’est ce principe qui a conduit Le Corbusier à imaginer «La machine à habiter» en réaction à la société du début du XXe siècle et aux nouvelles techniques industrielles. C’est ce principe qui doit nous conduire à penser l’architecture à l’ère du numérique. Notre société contemporaine est confrontée depuis une quarantaine d’années à de nouveaux bouleversements culturels et sociologiques, la révolution numérique. Alors que ¹ Le Corbusier, Vers une architecture, éd. G. Crès, 1924, p. 67


L’architecture à l’ère du numérique

les architectes avaient été des acteurs majeurs de la révolution industrielle, puisque celle-ci avait permis d’apporter de nouvelles réponses architecturales, l’apparition de nouvelles techniques telles que les très grandes portées, l’utilisation de l’acier, ou l’invention de systèmes de préfabrication a permis de repenser la conception de l’espace par les architectes. Il faut malheureusement constater qu’aujourd’hui ces derniers restent relativement passifs face à aux nouveaux changements dus au numérique. L’une des causes les plus évidentes est que cette révolution, contrairement à la précédente, a une dimension culturelle qui dépasse souvent l’importance de la technique. Elle vise donc plus indirectement des domaines comme la construction. On peut légitimement se demander quelle est la place de l’architecte dans ce mouvement global. Car jusqu’à aujourd’hui, l’architecture n’est pas actrice de cette révolution et en subit les conséquences sans pouvoir se l’approprier. L’architecture se retrouve donc au centre d’une dualité récurrente entre réel et virtuel. Elle devient le meilleur exemple d’une supposée incompatibilité de ces deux mondes. En effet, l’architecte façonne l’espace physique tandis que la révolution numérique démultiplie les espaces virtuels. Sans avoir la prétention de pouvoir apporter une réponse aussi pertinente que Le Corbusier en son temps, il s’agit dans ce mémoire de réfléchir à l’intégration d’espace virtuels dans le monde de l’architecture. L’objet de cette recherche n’est pas d’étudier l’architecture du virtuel dans le sens de l’organisation ou de la construction de l’espace virtuel mais de l’architecture à l’ère du


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virtuel. En d’autres termes, quels peuvent être les apports du virtuel dans la conception architecturale d’aujourd’hui? Comment l’architecte du XXIe siècle peut-il concevoir un espace physique en utilisant l’espace virtuel? Quelle application architecturale de la révolution numérique? En prenant en compte l’importance culturelle et sociale du phénomène, ce texte débute par une analyse critique des nouvelles pratiques qu’engendre l’apparition du virtuel dans nos sociétés. Cette étude, très large, me permettra de prendre la mesure de l’impact du numérique mais aussi de faire ressortir les termes importants qu’implique le sujet. Cette première phase doit conduire à comprendre les causes de cette dualité implicite qui existe dans l’esprit de nos contemporains entre architecture et virtuel. Mais plus largement, l’architecture représente l’espace physique construit, autrement dit : le réel. Il faut alors définir la relation complexe qui existe entre virtuel et réel, laquelle ne se limite pas à une simple opposition. Ces définitions permettront de comprendre les interactions actuelles entre virtuel et architecture. Ainsi j’entreprends de mettre en tension les grands concepts philosophiques qui ont défini l’architecture jusqu’à aujourd’hui et se trouvent bouleversés par l’arrivée du virtuel. Que faire de notions comme l’«Habiter» ou le «Bâtir» caractérisées par une forte prégnance dans l’espace physique? Il faut référencer les propriétés qui subsistent et celles qu’il faut réviser pour véritablement comprendre l’influence du virtuel sur l’architecture telle que nous la concevons aujourd’hui. Il est également nécessaire d’évaluer l’apport possible du virtuel


L’architecture à l’ère du numérique

à l’architecture. Cet apport peut-il se comparer à des notions déjà exprimées comme l’«Hétérotopie»? Le virtuel peut-être considéré comme un monde supplémentaire apporté à l’espace physique. Cette étude doit permettre de prendre la dimension de cette part supplémentaire apportée à l’architecture par le virtuel. Elle doit donc faire émerger des thèmes plus spécifiques à l’architecture, comme la réalité augmentée. Il sera alors temps de répondre à l’objectif de ce texte ; quelle architecture de la réalité augmentée? L’enjeu est de trouver une application architecturale à l’émergence du virtuel. De la même manière que l’apparition de l’automobile a bouleversé l’organisation de la ville moderne, le virtuel doit avoir une influence plus profonde que de simples gadget étant donné l’importance du phénomène sur la société et la culture d’aujourd’hui. C’est en me focalisant sur un élément particulier et primitif de l’architecture, le mur, que je vais pouvoir illustrer une application du virtuel à l’architecture. Le mur est l’objet architectural par excellence puisqu’il construit l’espace physique. Il délimite et protège un espace et défini donc l’apparition d’une architecture. Mais qu’en est-il aujourd’hui? Le mur est-il toujours cette limite entre deux espaces? Grâce à l’aide de références architecturales, je pourrai saisir la complexité du mur de la réalité augmentée. Pour conclure, je ferai la synthèse de toutes les notions importantes que j’aurai mis en lumière au travers des exemples étudiés. Ces notions seront alors mis en pratique dans mon Projet de Fin d’Études, puisque l’un de mes objectifs dans ce


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travail était de pouvoir confronter mes recherches au principe de réalité et au processus de conception de projet en architecture afin de trouver quelle place peut occuper l’architecture dans la révolution numérique. Ce travail de mémoire étant selon moi une introduction théorique au projet je l’utiliserai pour exposer mes observations face à la pratique des nouvelles données du virtuel à l’intérieur du projet d’architecture. Ce projet sera donc envisagé comme l’expérimentation de mes recherches et me permettra de conclure mon mémoire par un dernier retour sur ce travail théorique.


De nouveaux comportements

La vie Normale, Gad Elmaleh, 2001


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«(...)On va être tranquille pour parl... (sonnerie) Ah pardon. Quoi?!? Tout l’ monde il a le portable et moi j’ai pas l’ droit? Vous avez cru que j’allais laisser passer l’an 2000 et moi j’ reste derrière! (...) Il est bien ce portable. L’appareil avec lequel tu peux joindre tout l’ monde quand tu veux si t’as envie, et tout le monde il peut t’ joindre quand il veut même si t’as pas envie. (...) D’ailleurs les gens ils disent même plus bonjour avec le portable, ils disent «Allô» et après « Tu es où?». Mais qu’estce que tu t’en fous je suis où?! T’as besoin de m’imaginer pour savoir comment tu vas m’ parler ou quoi? Mais ça va pas... Alors les gens ils font plus confiance, y’a plus de confiance avec le portable. Comme avant ils t’appelaient chez toi , à la maison, ils étaient sûr t’étais dedans, tu vois? Mais comme maintenant ils savent que tu peux bouger avec le portable ils ont peur que tu les feintes... (...) De temps en temps je l’éteins le portable, parce que des fois il me monte à la tête, j’en ai marre. Et même quand je l’éteins les gens ils peuvent me laisser les messages dans la messagerie, la boîte vocale. Ah elle est bien cette boîte vocale, des fois j’aimerais la voir en vrai. Avec les gens je voudrais avoir une boîte vocale des fois. Quand je rentre à la maison fatigué, stressé, énervé, que ma femme elle continue encore avec «Va faire ça, regarde ça, et regarde celui-là...» Y’a des jours, ma parole, j’aimerais lui dire «Chérie, je suis pas là pour le moment, laisse moi un message, je te réponds tout à l’heure». (...) Le vrai problème, le seul problème, c’est que depuis que les enfants ils m’ont offert ce portable ils viennent plus me voir. Sous prétexte qu’on est joignable en permanence ils viennent plus. Grâce à la communication, on parle plus. Alors je leur dis mais c’est pas ça! Même si on doit se disputer, qu’on se dispute en vrai! Moi j’en ai marre des «je t’embrasse très fort», viens


De nouveaux comportements

les faire les bisous! Et attention avec le portable tout le monde ils s’embrassent, bisous, je t’embrasse fort, plein de baisers... Et quand ils se voient, attention, bonjour mais on reste loin. (...) Alors on se voit plus avec les enfants. En plus ils font le truc avec l’ordinateur, comment ça s’appelle déjà? L’internet! Qui aurait cru que mes enfants ils feraient l’internet? Nous au Maroc on marchait dans l’Oued, eux en France ils surfent dans l’ web. (...)»¹ Sous les traits d’un grand-père marocain, l’humoriste Gad Elmaleh caricature de nouveaux comportements face aux technologies numériques. En effet, notre société contemporaine est caractérisée par l’omniprésence de la technologie et la démultiplication des espaces virtuels. Il met en évidence l’apparition soudaine de nouvelles pratiques sociales et spatiales avec l’utilisation de systèmes comme internet, les téléphones ou la télévision. L’objectif de cette première phase est d’analyser en profondeur ces nouveaux comportements. Compte tenu de l’importance de l’aspect culturel de la révolution numérique, comprendre les nouvelles pratiques qu’engendre l’apparition du virtuel dans nos sociétés est primordial pour espérer pouvoir ensuite les relier à l’architecture. Car comme l’a souligné Serge Wachter², les nouvelles technologies ont entrainé l’avènement de la société de

¹ Elmaleh Gad. extraits du sketch Le Portable, in La vie normale, France, 2001,1h38 ² Wachter Serge, La Ville Interactive : L’architecture et l’urbanisme au risque du numérique et de l’écologie, Paris, L’Hamarttan, 2010


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l’information et de la communication. Mais il est vain de vouloir à tout prix chercher une influence du numérique sur l’architecture ou l’urbain sans se pencher d’abord sur l’individu. Car le propre de la révolution numérique est qu’elle change d’abord l’individu, qui change lui-même ensuite l’architecture et l’urbain. Cette analyse se déroule autour de sources et d’exemples très variés. À partir de l’étude de textes, d’articles mais aussi de recherches, l’objectif est de pouvoir prendre la mesure de l’impact du numérique mais aussi de faire ressortir les termes importants qu’implique le sujet. La mise en évidence et la définition de ces termes, notamment «virtuel» et «réel» me permettra de définir la relation complexe qui lie architecture et virtuel.

Le développement des technologies numérique a permis de faire évoluer notre société autour d’un duo : communication et connexion. Ce phénomène est d’ampleur considérable comme le montre l’article La Vie Numérique parut dans l’hebdomadaire Télérama. La télévision, l’ordinateur, le téléphone portable et la console de jeu rythment notre quotidien. On compte en 2008 près de 12 écrans pour une famille de quatre personnes, qui passe alors près de la moitié de son temps de loisir devant l’un d’eux. Les deux journalistes montrent que ce phénomène redéfinit entièrement Anizon Emmanuelle et Marzolf Hélène, La vie numérique. in Télérama n°3074, 2008, p.28 à 34


Communication et Connexion

La Vie Numérique, Télérama, 2008


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nombre de notions de notre vie quotidienne. Tout d’abord, les limites entre espace public et espace privé s’estompent. Ces écrans sont autant de fenêtres sur le monde qui permettent d’y voyager mais aussi de le faire rentrer chez soi à tout moment. Donc pour naviguer à travers l’espace numérique il faut que j’accepte aussi l’intrusion de ce monde dans mon espace privé. Il modifie également les rapports sociaux à l’intérieur de la famille puisque chacun réorganise son propre espace, tourné vers l’extérieur, grâce aux outils numériques. Ces écrans réorganisent l’espace vital et son attribution puisque les pièces n’ont plus de fonction précise mais sont une addition de multiples possibles. Grâce à tous ces possibles à l’intérieur de chaque pièce de la maison chaque membre de la famille se crée son propre environnement virtuel. Ces écrans deviennent alors le prolongement de leur propriétaire qui lui permet de s’étendre hors de son logement sans se déplacer physiquement. Au delà de la démultiplication des outils technologiques, il est maintenant nécessaire de se concentrer sur l’usage en lui-même. Pour mieux comprendre cet impact sur nos vies, il est évident qu’il faut considérer l’usage de l’objet pour comprendre son effet sur nos comportements. Pour cerner ce phénomène, nous allons nous concentrer sur l’utilisation du téléphone portable à l’aide de l’étude réalisée par Cyril Burget en 2008. «Je m’engageai sur le terrain, à la rencontre de ces «usagers équipés». Lorsque ceux-ci amorçaient une séquence de communication, je tentais d’enregistrer tous les événements produits le temps de la communication, en notant à la fois la


Communication et Connexion

forme de la trajectoire, le temps de la trajectoire, le récit de la déambulation et les postures de corps, les regards fonctionnels, les interactions non focalisées avec les voisins protéiques… sans jamais intervenir dans le cours de l’action. Recourant à l’association de plusieurs techniques (notes, croquis, photos), je parvins à recueillir 52 séquences de trajectoires. Ce corpus me permit de mettre à jour d’une part la présence de codes et de normes multiples cachés au creux de mon terrain, et , d’autre part, de nouveaux comportements induits par l’appropriation du téléphone mobile. Synthétisons à présent les données en fonction de focales d’observations suscitées : -les formes de trajectoires -les modes de communication de ces échanges interindividuels -la gestuelle des corps et les formes d’attention et d’inattention du communicant avec son voisinage protéique et les ressources des espaces.» ¹ Dans cette étude, Cyril Burget démontre de manière scientifique les observations de l’humoriste Gad Elmaleh relevées plus haut. On peut noter que la communication par téléphone mobile entraine plusieurs types de déplacements. En dehors d’un déplacement normal, les plus significatifs sont l’errance et le stationnement. Ces comportements montrent que lors d’une communication notre esprit a besoin de s’imaginer dans un ailleurs virtuel. Il peut être représenté par le lieu où se situe notre interlocuteur ; c’est de notre besoin de visualiser ce lieu qu’émerge la question soulevée par l’humoriste «Tu es où?». Le lieu de la conversation téléphonique est donc totalement virtuel mais rattaché aux lieux ¹ Burget Cyril, Ethnographie de la téléphonie mobile dans le métro parisien, in Regards sur les mondes hypermobiles, mythes et réalités, Paris, éditions L’Harmattan, 2008. p146.34


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par le biais des interlocuteurs. Cyril Burget note également que la plupart de ces sujets n’ont aucunement conscience de leurs comportements, ils ont même l’impression de mieux contrôler l’espace et le temps grâce à la technologie sans se rendre compte qu’elle modifie complètement leur rapport à ces deux notions. Le téléphone donne la possibilité d’atteindre l’autre et de pouvoir être joint n’importe où. Il redéfinit donc complètement l’idée de mobilité puisqu’en restant totalement immobile physiquement je peux être partout à la fois et donc hypermobile virtuellement. Cette hypermobilité virtuelle est également présentée par Diego Barajas dans son étude réalisée dans le cadre d’Archilab 2004¹. Il expose l’exemple des populations immigrantes utilisant des centres d’appel pour rester en contact avec leurs familles. Par le biais de ces centres, les personnes peuvent alors voyager virtuellement à des milliers de kilomètres tout en restant dans leur quartier. Ce phénomène redéfinit entièrement la géographie telle qu’elle est ressentie grâce au virtuel. L’hyper-mobilité, l’hyper-communication et l’effet d’extension du corps de l’usager par la technologie numérique se rapproche du terme de cyborg. Cette notion de nouvel être hybride apparait parallèlement à l’émergence des nouvelles technologies et du numérique. Ce concept est analysé par Antoine Picon. «Hybride d’homme et de machine, individu parfait parce que rendu pleinement autonome par la technologie, le cyborg est bien sûr une fiction. L’homme générique de la Renaissance en était une autre. Toute fiction comporte une part de réalité. Le cyborg ¹ Diego Barajas, Dispersion : Une étude sur la mobilité et les dynamiques d’un urbanisme fictif (Archilab 2004), Orléans, éditions HYX, 2004


Communication et Connexion

est aussi un mixte d’imaginaire, de pratiques et de réalisations concrètes. C’est cette imbrication qu’il faut commencer par évoquer. Cyborg : le terme apparait vers 1960 afin de désigner une intégration de type nouveau entre l’homme et la machine. La thématique du cyborg s’inspire initialement des recherches menées dans le cadre de la guerre froide et des débuts de la conquête spatiale. L’intégration de l’homme et de la machine doit permettre de piloter plus efficacement les avions et les chars, de guider les missiles et d’envisager des voyages interplanétaires de longue durée. Au début des années 1960, cette perspective de couplage entre l’homme et la technologie doit beaucoup au développement de l’informatique. Au-delà des outils de calcul et de prévision qu’ils fournissent, les ordinateurs induisent une nouvelle lecture du sujet humain en terme de stockage et de traitement de l’information, de feed-back et de contrôle. C’est cette lecture popularisée par la cybernétique, puis par le cognitivisme, qui rend possible le cyborg. […] Le temps des humanoïdes truffés de technologie n’est pas encore venu. Une ambition de fusion entre l’homme et la machine n’en est pas moins à l’oeuvre dans la thématique du cyborg. Le caractère de plus en plus technologique de l’environnement quotidien contribue à la populariser. Le développement de la société de consommation multiplie les cyborgs en puissance, à commencer par l’automobiliste, ce mixte de chair et de mécanique, qui tient une place grandissante dans les discours de l’époque.»¹ L’idée du cyborg comme hybride d’Homme et de machine est évidemment une fiction. Mais elle représente de nouvelles pratiques puisqu’elle illustre le fait que l’homme moderne est indissociable de la technologie, tant le grand-père et son ¹ Antoine Picon, La ville territoire de cyborgs, Editions de l’imprimeur, 1998, p11-12


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pacemaker que l’étudiant en architecture et son ordinateur dont il ne peut se séparer plus de deux heures. La technologie altère en profondeur l’image que l’homme se fait de lui-même, la frontière entre naturel et artificiel se dissout donc en de nombreux endroits. Ce changement de l’image que se fait l’Homme de lui-même grâce à la technologie lui permet, comme à chaque nouvelle ère, de se rêver en être maitrisant toujours plus son environnement. Après les rêves de la société industrielle du 18e siècle, celui de la société du numérique est incontestablement l’omniscience. Le projet récent qui illustre parfaitement ce rêve de l’Homme numérique, c’est le Project Glass de l’entreprise Google. Ce prototype de lunettes permet à son utilisateur d’obtenir des informations en temps réel sur son environnement. Ce dispositif est une évolution des fonctions aujourd’hui offertes par les «smartphones». Mais l’intérêt principal de cet objet est la relation qu’il entretient avec le corps humain. Aucun exemplaire n’a encore été distribué au public mais la firme américaine a beaucoup communiqué sur les capacités de ces lunettes. Elles permettraient d’exécuter des tâches de «loisir» comme prendre des photos ou des vidéos, mais aussi d’informer l’utilisateur sur son environnement grâce à une connexion internet. Ainsi, le porteur des lunettes peut disposer d’un GPS, d’un système de messagerie et de vidéo conférence, et d’une fonction de recherche d’information sur internet à commande vocale. Cette nouvelle interface permet au porteur de ces lunettes, en ajoutant à ses yeux une technologie numérique, de voir tout ce que son


Un Nouvel Espace-Temps

Glass Project ou l’avènement du cyborg omniscient.


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corps biologique ne peut pas voir. Les lunettes autrefois utilisées pour pallier à des déficiences physiques sont utilisées pour faire de l’Homme un être plus abouti. Ce cyborg du numérique peut alors naviguer à travers l’espace virtuel et devient toujours plus hypermobile comme l’ont défini Cyril Burget et Diego Barajas.

Cette hypermobilité entraine l’apparition d’un nouvel espace-temps. Le voyage virtuel de millions d’individus redéfinit la géographie mondiale. Comme le montrent Paul Virilio et Raymond Depardon dans leur exposition Terre Natale¹, la surabondance de technologie qui caractérise notre société contemporaine entraine une implosion de l’espace-temps. En effet, la possibilité offerte par l’informatique, internet ou les téléphones de se transporter de façon quasi-instantanée à l’autre bout de la planète modifie entièrement notre rapport à l’espace. L’espace et la distance n’ont alors plus aucune importance, ils se virtualisent complètement et n’ont plus aucun impact sur le réel. La mesure du monde est totalement modifiée. La mesure de l’espace et des distances ne s’effectue alors plus que par le temps. Aujourd’hui je suis proche d’un lieu seulement si le temps qui m’est nécessaire pour y accéder est court. Réciproquement, un lieu proche dans l’espace mais dont l’accès serait plus long sera caractérisé comme plus lointain.

¹ Virilio Paul et Depardon Raymond, Terre Natale, ailleurs commence ici, Fondation Cartier, Paris, exposition du 21 novembre 2008 au 15 mars 2009


Un Nouvel Espace-Temps

New City, Représentation de l’espace-temps du numérique


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Il est assez simple de se représenter ces notions à l’échelle de sa propre vie et de son propre habitat, mais lorsque ces questions sont rapportées à plus grande échelle il devient difficile pour chacun de se faire une représentation mentale du phénomène. C’est ce qu’a tenté de réaliser l’architecte et philosophe américain Greg Lynn dans son projet New City¹. L’objectif de ce projet est de trouver une nouvelle représentation du monde dans lequel nous vivons. La terre a été autrefois représentée comme plate, puis comme un globe, mais qu’en est-il aujourd’hui? New City est conçu comme un monde parallèle et simultané au nôtre qui prend en compte l’avènement des technologies numériques et notre nouvelle perception de l’espace temps. Ce monde ne prend pas place en 2D ou dans une ville ou même sur Terre mais dans l’espace afin d’éviter toute contrainte pour se concentrer uniquement sur les symptômes. Il se développe sous la forme d’anneaux de Möbius (qui présentent la particularité d’être une géométrie reconfigurable). Chaque continent est représenté par un anneau et ils créent alors des surfaces de contact entre eux en fonction des interactions. Les éléments se déplacent selon les flux d’information. Le résultat formel de New City correspond à ce que chacun reçoit et envoie comme informations. L’intérêt pour Greg Lynn est de superposer ces informations à l’espace de la ville pour figurer l’expérience que chacun en fait. Ce nouvel espace-temps est alors particulier à chaque individu. Il se tord et se déforme suivant les actions de chacun.

¹ Lynn Greg, Maltzan Micheal, Poli Alessandro, Autres Odyssées de l’Espace, Montréal et Baden, Centre Canadien d’Architecture et Lars Müller Publishers, 2010


Virtuel et Réel

Cette torsion de l’espace-temps s’illustre par la dilution des frontières et des limites. Nous pouvons reprendre les exemples présentés dans l’article de Télérama. La dilution des frontières et des limites implique une dilution des espaces et des fonctions. Nous avons notamment montré que les pièces de la maison n’ont plus de fonction unique, mais sont une addition de fonctions possibles. Le même constat peut être établi avec nos temps de vie. Il n’existe plus de temps destiné à une tâche unique. Aujourd’hui je peux regarder la télévision tout en consultant mes emails, je peux aussi passer un appel en circulant dans le métro comme Cyril Burget.

L’espace et le temps définissent les mesures par lesquelles nous appréhendons le réel. Afin de se confronter ensuite plus spécifiquement à l’architecture, il convient maintenant de définir précisément le rapport entre virtuel et réel. Il existe une relation complexe entre le virtuel et le réel. Le virtuel est souvent présenté en opposition au réel. Mais cette vision est erronée, puisqu’elle part du mauvais constat que le virtuel n’aurait pas de présence vérifiable dans le réel. Mais cette interaction est plus subtile comme l’explique Pierre Lévy. «Considérons pour commencer l’opposition facile et trompeuse entre réel et virtuel. Dans l’usage courant, le mot virtuel s’emploie souvent pour signifier la pure et simple absence d’existence, la «réalité» supposant une effectuation matérielle, une présence tangible. Le réel serait de l’ordre du «je le tiens» tandis que le virtuel serait de l’ordre du «tu l’auras», ou de l’illusion, ce qui


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permet généralement l’usage d’une ironie facile pour évoquer les diverses formes de virtualisation.(…) Le mot virtuel vient du latin médiéval virtualis, lui-même issu de virtus, force, puissance. Dans la philosophie scolastique, est virtuel ce qui existe en puissance et non en acte. Le virtuel tend à s’actualiser, sans être passé cependant à la concrétisation effective ou formelle.»¹ Le virtuel est trop souvent comparé à l’imaginaire. Il représente un monde de possibles infinis qui ne serait pas palpable dans le réel. Or le virtuel n’a rien de comparable avec le rêve qui lui ne répond à aucune contrainte si ce n’est celle de l’imagination. Le virtuel n’est pas l’irréel puisqu’il répond à des contraintes bien précises. Ma navigation sur internet n’est possible que parce je tiens dans mes mains un ordinateur relié par un réseau de câbles et d’ondes à une salle de serveurs dans la Sylicon Valley. Et tous ces éléments sont bien réels et représentent l’effectuation matérielle du virtuel. Certaines notions comme la dématérialisation sont totalement faussées. La dématérialisation est perçue comme la fin de la présence matérielle des objets et des savoirs. Or est immatériel ce qui ne se rattache à aucune matérialité, et je viens de montrer que pour exister le virtuel doit s’ancrer dans le réel. La dématérialisation est souvent confondue avec un fantasme de disparition matérielle. Mais le virtuel n’entraine pas la dématérialisation du monde, simplement un transfert vers d’autres supports. Ce que je possédais autrefois sous forme d’un livre se trouve aujourd’hui sous forme de fichier dans mon ¹ Pierre Lévy, Qu’est-ce que le virtuel?, Paris, Editions de la découverte, 1995, p11


Virtuel et RĂŠel

Peter Pan survolant le pays imaginaire


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ordinateur ou sur un serveur. Il a simplement changé de matérialisation, de réalité, mais il reste tout aussi réel. Selon moi, et je prendrai cette définition pour acquise, le virtuel fait partie intégrante du réel. Afin d’exister, le virtuel se doit d’être ancré, de trouver un point d’attache dans le réel. Le virtuel n’a donc rien à voir avec l’abstrait, l’irréel ou l’imaginaire. Ce n’est qu’une nouvelle forme de réalité à laquelle je peux accéder par différentes portes : ordinateur, téléphone, télévision… L’architecture est absolument contrainte par toutes les lois de la réalité, notamment celle de la physique. Une méprise est souvent faite en imaginant que le virtuel y échappe, alors qu’il en est tout aussi dépendant. Le virtuel fait alors partie du réel.


Mise en tension avec l’architecture

La vie Numérique, Télérama


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Suite à une observation large des différents comportements entrainés par le virtuel, j’ai pu comprendre les influences des technologies numériques sur notre quotidien, ou encore notre nouveau rapport à l’espace-temps notamment par sa perception et sa mesure. Ces observations ont pu conduire à la définition d’un lien indéniable entre virtuel et réel. Grâce à ces constats, il est maintenant possible de mieux saisir l’impact du virtuel sur l’architecture. L’architecture est une expression on ne peut plus matérielle du réel. Elle travaille l’espace physique, déplace ou construit des limites pour adapter le réel aux besoins de l’homme. Or il a été admis que le virtuel était partie inhérente du réel. Il convient alors de l’utiliser pour une mise en tension avec l’architecture. Le virtuel modifie notre perception de l’espace-temps, il modifie notre perception des espaces architecturaux. Notre perception de l’architecture étant modifiée il devient nécessaire de réfléchir à notre manière de la penser et de la concevoir. La partie suivante a pour objectif d’analyser les conséquences des pratiques du numérique dans le domaine de l’architecture. Cette étude débute par un point de vue uniquement théorique et philosophique. L’intérêt est de mettre en tension les termes et les constats mis en évidence jusqu’ici avec des textes


Le virtuel et les grandes théories architecturales

philosophiques formant l’héritage théorique des architectes d’aujourd’hui. Je m’appuie sur deux textes. Le premier, de Martin Heidegger, représente l’établissement de concepts constituant la base de nombre de réflexions architecturales. Pour comprendre l’influence exercée par le virtuel sur l’architecture, il est donc nécessaire de souligner les propriétés qui subsistent et celles qui doivent être révisées pour des notions comme l’«habiter» ou le «bâtir». Le deuxième texte, Les Hétérotopies de Michel Foucault, développe certaines des idées ayant nourri les fantasmes d’un grand nombre d’architectes. Certaines de ces idées étant restées jusqu’à aujourd’hui difficilement rattachables aux réalités de la construction architecturale, il peut être intéressant de leur confronter la notion de virtuel. Puisque le virtuel est une partie du réel, il faut saisir ce qu’il apporte de nouveau à l’architecture. L’étude de ces deux textes a donc pour but de comprendre et de préciser la relation entre architecture et virtuel. Plus largement, elle permet d’approfondir la compréhension de la relation entre virtuel et réel. En cherchant à définir l’apport du virtuel à l’architecture on étudie également l’apport du virtuel au réel en général. Apparait alors une notion essentielle pour la suite : la réalité augmentée. Puisque le virtuel fait partie du réel, il lui apporte donc une nouvelle dimension. Cette dimension définit la réalité augmentée. Il faut alors l’étudier car c’est certainement dans cet aspect du virtuel qu’une application architecturale viable peut être pensée.


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Pour débuter cette mise en tension entre le virtuel et les grandes théories architecturales, il faut relire l’un des textes les plus importants de la deuxième partie du XXe siècle. Bâtir, Habiter, Penser de Martin Heidegger a régi la pensée de l’espace architectural, notamment parce qu’il définit le terme d’«habiter». «Nous ne parvenons, semble-t-il, à l’habitation que par le «bâtir». Celui-ci, le bâtir, a celle-là, l’habitation pour but. Toutes les constructions, cependant, ne sont pas aussi des habitations. Un pont, le hall d’un aéroport, un stade ou une centrale électrique sont des constructions, non des habitations ; une gare ou une autostrade, un barrage, la halle d’un marché sont dans le même cas. Pourtant ces constructions rentrent dans le domaine de notre habitation : domaine qui dépasse ces constructions et qui ne se limite pas non plus au logement. L’homme du tracteur devant ses remorques se sent chez lui sur l’autostrade, mais il n’y loge pas ; l’ouvrière se sent chez elle dans la filature, pourtant elle n’y a pas son habitation ; l’ingénieur qui dirige la centrale électrique s’y trouve chez lui, mais il n’y habite pas. Ces bâtiments donnent une demeure à l’homme. Il les habite et pourtant n’y habite pas, si habiter veut dire seulement que nous occupons un logis. […] Que veut dire maintenant bâtir? Le mot du vieux haut-allemand pour bâtir, buan, signifie habiter. Ce qui veut dire demeurer, séjourner. Nous avons perdu la signification propre du verbe bauen (bâtir) à savoir habiter. Elle a laissé une trace, qui n’est pas immédiatement visible, dans le mot Nachbar (voisin). Le voisin est le Nachgebur, le Nachgebauer, celui qui habite à proximité. Les verbes buri, büren, beuren, beuron veulent tous dire habiter ou désignent le lieu d’habitation. Maintenant, à vrai ¹ Martin Heidegger, Bâtir, Habiter, Penser in Essais et conférences, Paris, Gallimard 1958, p.170 à172


Le virtuel et les grandes théories architecturales

dire, le vieux mot buan ne nous apprend pas seulement que bauen est proprement habiter, mais en même temps il nous laisse entendre comment nous devons penser cette habitation qu’il désigne.»¹ Heidegger explicite ici la relation entre habitation et construction. Selon lui, toutes les habitations sont donc des constructions, mais toutes les constructions ne sont pas des habitations. Or, depuis l’apparition du virtuel, on pourrait penser qu’il ne suffit plus de bâtir pour habiter. En réalité, le virtuel redéfinit l’espace physique, l’habiter, considéré jusqu’ici par Heidegger comme un espace délimité. Or nous avons constaté que le virtuel a pour propriété de diluer les frontières qui font le monde physique. Nous n’habitons pas véritablement le virtuel, mais on pourrait comparer son utilisation à celle de la route, de la filature ou de la centrale électrique ; nous habitons le virtuel, mais nous n’y habitons pas. Mais l’analogie est très limitée, le virtuel ne peut pas être comparé à ces bâtiments puisque nous y accédons par le biais de notre habitation. Le virtuel se rattache donc à l’espace bâti, c’est un nouvel habiter qui vient se brancher à l’espace physique. Il en crée une extension virtuelle et détruit ainsi les limites du bâti définies par Heidegger. Heidegger définit cette notion de limite de l’espace, et notamment comment l’espace est créé par la limite qui ménage un espace libre. «Ce que désigne le mot Raum, Rum une place rendue libre ¹ Martin Heidegger, Bâtir, Habiter, Penser in Essais et conférences, Paris, Gallimard 1958, p.170 à172


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pour un établissement de colons ou un camp. Un espace est quelque chose qui est «ménagé» , rendu libre, à savoir l’intérieur d’une limite […]. La limite n’est pas ce où quelque chose cesse, mais bien comme les grecs l’avaient observé, ce à partir de quoi quelque chose commence à être. […] L’espace est essentiellement ce qui a été «ménagé», ce que l’on a fait entrer dans sa limite. Ce qui a été ménagé est chaque fois doté d’une place et de cette manière inséré, c’est à dire rassemblé par un lieu.» ¹ Si on rapporte nos observations sur le virtuel à cet extrait, on constate encore un fois l’explosion de l’espace que Heidegger appelle «ménagé». L’espace ménagé, Raum, est défini par la limite qui crée un espace de liberté. Cette limite est modifiée par l’espace virtuel en reconsidérant ce qui rentre à l’intérieur de la limite. On peut aussi considérer que l’introduction du virtuel dans l’habiter représente l’extension à l’infini de la limite de Raum puisque le virtuel permet de faire rentrer tout l’extérieur dans la limite de son habitat. L’espace architectural s’en trouve bouleversé du fait que l’extérieur investissant l’habitat a une autre réalité. L’espace ménagé est alors un espace de protection contre les éléments naturels de la réalité physique. Mais grâce au numérique, la séparation physique qu’entrainait ce besoin de protection disparaît dans la dimension virtuelle.

Si on poursuit cette confrontation, on peut se demander ce qu’implique d’un point de vue théorique l’arrivée d’une réalité ¹ Martin Heidegger, Bâtir, Habiter, Penser in Essais et conférences, Paris, Gallimard 1958, p.183


Le virtuel et les grandes théories architecturales

Le jardin à la française et le circuit imprimé, deux hétérotopies


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virtuelle à l’intérieur de l’espace physique de l’habitat. Ce phénomène peut se rapprocher de certaines grandes idées philosophiques que les architectes ont eu des difficultés à construire jusqu’à aujourd’hui. Le virtuel peut représenter une réalisation des hétéropies décrites par Michel Foucault. «Il y a donc des pays sans lieu et des histoires sans chronologies; des cités, des planètes, des continents, des univers, dont il serait bien impossible de relever la trace sur aucune carte ni dans aucun ciel, tout simplement parce qu’il n’appartiennent à aucun espace. Sans doutes ces cités, ces continents, ces planètes sont-ils nés comme on dit dans la tête des hommes, ou à vrai dire, dans l’interstice de leurs mots, dans l’épaisseur de leurs récits, ou encore dans le lieu sans lieu de leurs rêves, dans le vide de leurs coeurs ; bref, c’est la douceur des utopies. Pourtant je crois qu’il y a - et ceci dans toute société - des utopies qui ont un lieu précis et réel, un lieu qu’on peut situer sur une carte ; des utopies qui ont un temps déterminé, un temps qu’on peut fixer et mesurer selon le calendrier de tous les jours. Il est bien probable que chaque groupe humain, quel qu’il soit, découpe, dans l’espace qu’il occupe, où il vit réellement, où il travaille, des lieux utopiques, et, dans le temps où il s’affaire, des moments chroniques.»¹ Le virtuel correspond à ce type de pays sans lieu et d’histoires sans chronologies grâce à sa relation particulière avec l’espacetemps de la réalité physique. On observe que la connexion du réel au virtuel permet à chaque individu de réaliser son espace idéal en y faisant entrer toutes les parties du monde qu’il souhaite. Le virtuel permettrait donc la réalisation d’autant d’hétérotopies que ¹ Michel Foucault, Les Hétérotopies, conférence du 21 décembre 1966, in Le corps utopique, Les hétérotopies, Paris, ed. Lignes, 2009, p.23


La réalité augmentée

d’individus. Chacun peut faire entrer à l’intérieur de son espace physique ménagé d’autres parties du monde séparées de lui par l’espace ou le temps. Le virtuel correspond à un monde supplémentaire ajouté à l’espace physique, sous la forme d’une nouvelle réalité. Grâce à cette hétérotopie réalisée par le virtuel, par la pénétration du monde extérieur à l’intérieur de l’espace ménagé, on voit apparaitre l’idée d’une réalité étendue par le virtuel, une réalité occupant un plus grand espace par l’addition d’une réalité virtuelle à la réalité physique déjà existante.

Les innovations technologiques modernes pourraient donc constituer autant de nouvelles hétérotopies dans le virtuel. Le virtuel est une nouvelle partie du réel modulable pour et par chacun. Ce constat peut être relié à une nouvelle notion: la réalité augmentée. Ce terme est issu de l’explosion des technologies numériques suite à la démocratisation des outils informatiques dans les années 70. Ce phénomène, d’ampleur réduite au départ, a permis le développement d’une contreculture axée sur la liberté et le choix individuel. Ce terme de réalité augmentée correspond au phénomène d’imbrication du virtuel dans le réel démontré plus haut, comme le décrit Antoine Picon. «La montée en puissance de la culture numérique est inséparable des spectaculaires progrès enregistrés par les interfaces homme-machine et plus généralement par l’articulation entre mondes physique et électronique. Visuels pour l’essentiel au


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départ, ces interfaces font de plus en plus souvent appel à la voix, au toucher et au mouvement. Nous sommes d’ores et déjà habitués à la reconnaissance vocale et aux écrans tactiles. (…) Dans ce contexte, l’opposition entre le réel et le virtuel perd progressivement de sa pertinence au profit de notions comme la réalité augmentée qui repose sur l’hybridation de ces deux registres.»¹ La démocratisation des outils informatiques a donc entrainé un développement extraordinaire des interfaces entre homme et machine. Ces interfaces correspondent aujourd’hui aux outils permettant de passer de la réalité physique à une réalité électronique et font apparaitre la réalité augmentée. Elles représentent l’accomplissement du lien entre virtuel et réel dans sa capacité à faire appel aux sens qui nous servent à appréhender la réalité physique. Mais par la connexion au virtuel les individus ne font pas seulement appel à leurs sens. Ils les utilisent et sont en même temps en train de changer leurs sensations et leurs perceptions. Le virtuel modifie le réel puisqu’il l’étend. Mais cette extension ne répond pas aux mêmes caractéristiques que la réalité physique. En conséquence, la perception du réel, composé d’une réalité physique et d’une réalité virtuelle, est modifiée. Je ne perçois pas de la même manière une image de paysage et ce paysage vu dans la réalité physique. En conséquence, la vision se modifie et s’adapte à ces nouveaux stimuli. Mais ces phénomènes restent encore variables selon les ¹ Antoine Picon,Culture numérique et Architecture, Bâle, Birkhauser, 2010, p.50


La réalité augmentée

personnes puisque l’implication dans ce processus a notamment pour principe l’individualisation. «La montée en puissance de l’informatique et la réalité augmentée rejoignent aussi l’évolution des structures de la vie quotidienne. La question des modes de vie est inséparable de celle du sujet contemporain et de son caractère de plus en plus individualiste. (…) Des suggestions faites par les serveurs en se fondant sur les achats passés des clients aux dizaines de millions de blogs publiés sur le web, la personnalisation du commerce en ligne et l’expression individuelle constituent les deux versants d’une seule et même évolution de très grande ampleur»¹ L’individu et la personnalisation sont des éléments essentiels de la philosophie du virtuel. La réalité augmentée doit être à géométrie variable selon les utilisateurs. Ce passage confirme l’hypothèse émise plus haut d’après Michel Foucault d’une possibilité pour chacun de se créer sa propre hétérotopie dans la réalité virtuelle. La réalité augmentée est donc éminemment individualiste et varie selon chacun. Elle doit permettre à chaque individu de réaliser son espace virtuel à ajouter à sa réalité physique. Cet aspect individuel pose donc le problème de l’organisation de la réalité virtuelle en général et surtout de sa matérialisation dans la réalité physique. «Certes la réalité physique s’efface fréquemment au profit du virtuel, mais l’organisation du cyberespace constitue un défi permanent. Dans de nombreux cas, le virtuel se trouve réinjecté ¹ Antoine Picon,Culture numérique et Architecture, Bâle, Birkhauser, 2010, p.51


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dans le monde physique sous la forme d’une augmentation. Dans de telles situations, il devient nécessaire de reconfigurer la réalité physique.»¹ La réalité augmentée est cette nouvelle réalité comportant à la fois la réalité physique et la réalité virtuelle. On peut alors préciser la relation déjà établie entre le réel et le virtuel. Le virtuel appartient au réel, puisqu’il doit y trouver un ancrage pour exister. Mais la relation entre réalité physique et réalité virtuelle se définit plus comme l’addition de la deuxième à la première. L’ajout d’une réalité virtuelle en périphérie de la réalité physique engendre l’extension de la surface occupée par la réalité. C’est la réalité augmentée. Comme l’affirme le chercheur californien Ronald Azuma, pour qu’il y ait réalité augmentée il faut que le dispositif réponde à trois règles. La réalité augmentée doit «combiner le réel et le virtuel de manière interactive (en temps réel) et en respectant l’homogénéité perspectiviste»². On comprend très explicitement qu’ici l’interface entre la réalité physique et réalité virtuelle devient alors le point central de la réalisation de cette réalité augmentée. L’architecture a donc un rôle évident à jouer dans cette interface à créer pour rendre la réalité augmentée possible. Aujourd’hui les interfaces sont relativement limitées (téléphone, ordinateur). C’est celles-ci qui tendent à se développer aujourd’hui, nous l’avons vu avec l’exemple de Glass Project. Mais leur ¹ Antoine Picon,Culture numérique et Architecture, Bâle, Birkhauser, 2010, p.54 ² Simon Gilles et Decollogne Julien, Intégrer images réelles et images 3D, post-production et réalité augmentée, Paris, Dunot, 2006, p.123


La réalité augmentée

Représentation cartographique du réseau internet


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développement n’en est encore qu’à ses balbutiements, ce qui limite encore le phénomène de réalité augmentée. Après avoir joué son rôle protecteur dans la création d’un espace ménagé, l’architecture de l’ère numérique doit trouver sa nouvelle place comme interface, comme point de passage dans la relation entre réalité physique et réalité virtuelle et c’est probablement elle qui peut permettre l’avènement de la réalité augmentée.


Vers une architecture de la réalité augmentée

L’enjeu de ce travail est d’esquisser une application architecturale à l’émergence du virtuel. Étant donné l’importance de la révolution numérique, le virtuel doit avoir sur l’architecture une influence équivalente à l’influence de l’automobile sur la planification de la ville moderne. Cette troisième phase de recherche se focalise sur l’évolution de l’architecture de la réalité physique vers une architecture de la réalité augmentée. Le développement des technologies numériques a déjà influencé le monde de l’architecture en de nombreux points, mais il est encore trop tôt aujourd’hui pour déterminer si un mouvement architectural durable ressortira de telle ou telle tendance. Jusqu’à aujourd’hui, l’intégration du numérique à l’intérieur de l’objet architectural même se limite souvent à des éléments de domotique. La domotique rassemble toutes les techniques mettant en oeuvre l’électronique, la physique du bâtiment, l’informatique ou les télécommunications. Autant dire que ces techniques allant du simple interrupteur au home cinéma choisissant un film à la place de l’utilisateur ressemblent encore aujourd’hui à une accumulation de gadgets plus qu’à une véritable intégration prenant part d’une pensée architecturale plus large. D’autres techniques ont été développées en direction de la conception architecturale. Les plus connues restent encore


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les techniques de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) ou de Dessin Assisté par Ordinateur (DAO). Mais d’autres expérimentations ont lieu sur le terrain de la performativité, c’est-à-dire l’expérimentation formelle sur la base de recherches géométriques au moyen de la programmation de scripts ou d’algorithmes. Mais selon moi, l’utilisation de l’informatique dans la production de nouvelles formes architecturales ne constitue qu’un aspect d’une plus grande dynamique, de la même manière que l’invention de la perspective s’inscrivait dans un contexte de recherche plus large sur la géométrie et l’ordre dans l’architecture pendant la Renaissance italienne. L’architecture se doit d’être en adéquation avec son temps. L’émergence d’une réalité virtuelle offre de nouvelles potentialités à l’architecture qu’elle se doit de faire siennes afin de ne pas subir l’évolution de la société pour laquelle elle est produite. L’architecture de la réalité augmentée peut devenir une architecture d’interface entre la réalité physique et la réalité virtuelle comme je l’ai montré précédemment. La réalité augmentée ne peut exister que par le développement des interfaces permettant de passer de l’une à l’autre de ces deux réalités. Nous avons vu que les interfaces existantes jusqu’à aujourd’hui (téléphone mobile, ordinateur…) modifiaient nos comportements et nos rapports avec l’espace physique. Mais ces phénomènes sont encore limités, notamment parce que le développement des interfaces n’en est encore qu’à ses balbutiements. Les outils utilisés aujourd’hui par la grande majorité des utilisateurs comme les claviers ou les écrans


Vers une architecture de la réalité augmentée

restent une limite au développement de la réalité augmentée. Le développement suivant se trouve peut-être dans l’émergence d’une architecture de l’interface. Nous avons constaté que le développement du virtuel entrainait une dilution des limites physiques qui définissait notre réalité physique et notre rapport avec le monde extérieur. Si nous souhaitons appliquer cette évolution à l’architecture, il nous faut prendre comme terrain d’expérimentation la matérialisation architecturale la plus signifiante. «MUR : • Ouvrage en maçonnerie, en terre, en pan de bois ou de fer, en panneaux divers, qui, dans un plan généralement vertical, sert à enclore un espace, à soutenir des terres, à constituer les côtés ou les divisions d’un bâtiment et à en supporter les étages. (Outre les murs de clôture et ceux de soutènement, les bahuts et les murs d’appui, on distingue les gros murs, ou murs porteurs, et les murs de refend, les murs gouttereaux et les pignons.) •Tout ce qui fait office de cloison, de barrière, de séparation : Nos deux bureaux sont séparés par un mur de livres. •Paroi naturelle, pente abrupte : Les murs d’un précipice. •Ce qui isole, sépare, sert de limite : Le mur de la vie privée.»¹

¹ Source : Dictionnaire Larousse en ligne (www.larousse.fr)


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Le mur représente donc la matérialisation architecturale de la limite par excellence. C’est grâce au mur que l’architecture crée l’espace ménagé théorisé par Martin Heideger. C’est par le mur que commence l’histoire d’une architecture comme création humaine. Le mur est une paroi, il isole, il sert de limite, de cloison, il détermine l’intérieur et l’extérieur. Il protège l’espace privé de l’habitat de l’ailleurs. Et nous l’avons vu, le propre du numérique est de pouvoir faire entrer l’ailleurs chez soi à tout instant. Il est alors nécessaire de comprendre ce que peut devenir ce mur dans un monde où les limites de l’espace physique s’estompent et les interfaces avec l’extérieur s’accroissent. En s’appuyant sur des projets architecturaux récents, réalisés ou non, nous pourrons tenter de comprendre les nouvelles caractéristiques du mur de l’ère numérique. Nous étudierons l’apparition de nouvelles typologies de mur où l’image et l’enveloppe définissent le rapport du mur avec son environnement. Cette typologie de mur présente aujourd’hui de nombreux exemples. L’analyse de ces exemples permettra d’envisager une typologie de mur augmenté réalisant une véritable interface pour la réalisation d’une réalité augmentée. Nous verrons également que ce nouveau type de mur est indissociable d’une architecture prenant part à une vaste mise en réseau des objets architecturaux. L’architecture de la réalité augmentée comprendrait alors la conception de deux espaces. La réalité virtuelle et ce réseau deviennent donc aussi importants dans le processus de projet que la création de l’architecture comme interface pour accéder à ce réseau.


Le mur et l’image

Times Square, New York


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L’émergence des technologies numériques et la démocratisation des outils informatiques dans le monde de l’architecture ont donné une nouvelle place au mur et à l’enveloppe en particulier. Le phénomène décrit ici correspond également à la très forte prégnance de l’image dans nos sociétés. Une importance nouvelle est donc donnée à l’enveloppe pensée en termes de motif. On voit alors apparaitre une association entre le mur et l’image. Cette évolution est souvent ressentie comme un retour à l’ornement lorsqu’elle est uniquement considérée en termes esthétiques. Mais d’un point de vue urbain, cette relation initie une nouvelle relation entre l’architecture et la rue. L’architecture et le mur deviennent alors un nouveau media. On voit apparaitre une nouvelle typologie de façade : les façadesmédias. L’enveloppe et le rapport qu’une architecture entretient avec son environnement s’en trouvent changés. De nombreux exemples, notamment dans les grandes villes occidentales peuvent illustrer ce propos. Picadilly Circus à Londres ou Times Square à New York sont des espaces caractéristiques de ce propos. Les façades deviennent autant de murs de media. La façade d’un bâtiment sur l’une de ces places ne répond plus aux modes de références connus. Elle ne sont plus autoréférentes, n’ont plus de références symboliques. Aujourd’hui la symbolique de chacun de ces murs est celle qui est projetée sur l’écran qui l’habille. Je ne dialogue plus avec le bâtiment en me demandant ce qu’il m’évoque dans sa symbolique ou dans sa géométrie. Ce mur n’existe plus seulement pour et par luimême, mais il prend toute sa dimension uniquement lorsque les


Le mur et l’image

Jean Nouvel, Tour Phare à la Défense


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écrans fonctionnent. Le dialogue établi entre l’architecture et le passant est alors déterminé par l’image projetée. Cette image projetée peut correspondre à une prémisse d’interface avec une réalité virtuelle. Le mur utilisé comme media renvoie à un espace virtuel ou à des informations générées ailleurs. La rue et les façades peuvent donc devenir des interfaces de la réalité augmentée. Ce phénomène, relativement ancien dans certains des quartiers de grandes métropoles destinés à la consommation de masse, peut se retrouver appliqué et intégré dans des projets architecturaux. Deux projets conçus récemment par l’architecte Jean Nouvel à la Défense, la tour Phare et la tour Signal, représentent ce constat. Dans le projet de la tour Phare, réalisé pour un concours en 2006, il utilise l’image comme base de conception du projet. L’image et le mur sont confondus. Par ces immenses écrans disposés sur les façades, il ne donne plus à voir l’architecture ni même son intérieur, il projette l’architecture entière vers une réalité virtuelle. Il utilise le mythe de la séduction par l’image et une référence à la «ville-publicité» pour réagir aux édifices qui l’entourent pour créer une architecture de l’image instantanée, qui informe et qui fascine. Il la conçoit comme une réaction à la multitude d’édifices muets l’environnant. Le bâtiment est donc conçu comme un media puisqu’il s’adresse tout entier à la ville et projette cette ville dans une réalité virtuelle. Ce projet illustre parfaitement la fin du mur comme limite, au moins d’un point de vue visuel. Lorsque je regarde la skyline


Le mur augmentĂŠ

Bayer, Architecture promotionnelle


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et que mon regard se pose sur cet édifice, je regarde son mur mais je regarde également l’image qu’il me diffuse et je rentre donc dans la réalité virtuelle qu’il propose. D’autres projets font du dispositif de façade-média l’élément central de leur architecture. C’est le cas de la rénovation de l’ancien siège du groupe pharmaceutique Bayer à Leverkusen en Allemagne. Le projet utilise la structure de l’ancienne tour de bureau du groupe comme structure de support à un dispositif d’écrans. La façade-média devient alors un objet purement esthétique et promotionnel. Beaucoup d’autres technologies spécifiques aux façades médias se développent chaque jour permettant notamment de réaliser des façades réactives à leur environnement, créant ainsi une nouvelle dimension dans l’interface entre le chaland et l’architecture. La façade ne diffuse plus seulement une information mais réagit à l’action que peut avoir l’usager comme un miroir numérique.

Ces exemples évoqués sont éloquents mais on peut rapidement en voir la limite. Alors que les écrans de Times Square ont un but informatif, ceux des tours de Jean Nouvel sont évidemment plus esthétiques. Nous avons vu précédemment que la pertinence d’une réalité augmentée réside entre autre dans sa capacité à créer un lien fluide entre réalité physique et réalité virtuelle. Or ces exemples, comme encore beaucoup d’architectures influencée par le numérique aujourd’hui, restent


Le mur augmenté

Tesco, Supermarché virtuel, Séoul


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focalisés sur une dimension informationnelle (publicité) ou esthétique. Le mur d’image peut représenter une première étape vers le mur augmenté. Mais pour véritablement exister, celui-ci doit être pensé à la base du processus de projet en existant en temps que seule solution à la réalisation d’un concept établi. La fin du mur comme limite ou frontière implique que ce mur soit rempli de nouvelles fonctions qui lui permettent ensuite de devenir cette interface entre réalité physique et virtuelle pour obtenir une réalité augmentée. Ces nouvelles propriétés qui transforment le mur d’une limite à une interface confèrent au mur une qualité de fenêtre vers la réalité virtuelle. En juillet 2010, la compagnie britannique Tesco a placardé sur les murs du métro de Séoul des images d’étalages de supermarché. Les usagers du métro peuvent faire leurs courses en scannant avec un téléphone portable des étalages virtuels placardés aux murs avant de se faire livrer le soir même à leur domicile. En dehors du coup publicitaire, cette démarche s’inscrit dans le phénomène de mur augmenté. Le mur du quai de métro était jusqu’ici une limite, une barrière de protection entre le quai et les rails. Il possède aujourd’hui une fonction supplémentaire. L’interface se réalise par deux conditions : l’utilisation du téléphone portable et les affiches. Ces deux objets associés permettent l’augmentation de l’espace du quai de métro et le déplacement dans l’espace du rayon de supermarché par l’introduction de la réalité virtuelle. Cet exemple renvoie à la notion d’espace multi-fonctions évoqué plus haut. Quelle est la fonction de cet espace, est-ce un quai de métro ou un rayon de supermarché?


Le mur augmenté

I-City, exposition augmentée


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L’augmentation de l’espace physique par la réalité virtuelle crée donc une hybridation de ces deux fonctions. Le même type de dispositif a été souvent utilisé dans des expositions récentes. La plus éloquente selon moi est l’installation I-City réalisée par les architectes Tchoban et Kuznetsov pour le pavillon russe de la biennale d’architecture de Venise en 2012. L’intérêt de ce projet réside dans l’utilisation de la réalité virtuelle pour la présentation de projets architecturaux. L’exposition présente les projets de Skolkovo, cluster technologique dans la région de Samara en Russie. La présentation des projets se réalise par le biais de tablettes où sont projetés les projets . Les murs du pavillon sont recouverts de Q-Codes revoyant chacun à un projet en particulier. En dehors de l’aspect didactique, la combinaison du mur et de la tablette constitue une interface entre le réseau de projets et la pièce du pavillon ou le visiteur. Sans cette interface, le dispositif n’est qu’un simple choix esthétique et l’architecture ne dévoile toute sa dimension que lorsque celle-ci est réalisée. L’architecture de cette exposition est donc un tout formé par l’association du pavillon (réalité physique), de l’exposition (réalité virtuelle) et de l’interface créée par le mur et les tablettes. On observe donc ici une esquisse d’architecture de la réalité augmentée où si l’une des parties du projet n’existe pas le projet perd tout son sens. On peut aussi noter que l’interface, et donc l’architecture, forme la pierre angulaire de ce trio. En créant ce lien, le mur de Q-Code représente ce type de mur augmenté qui place l’architecture dans une nouvelle dimension.


Le mur augmentĂŠ

New York Stock Exchange, architecture infinie


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D’autres exemples peuvent aider à comprendre cette possibilité de «mur augmenté». Certains projets prennent en compte tous les aspects de la réalité dans leur conception à savoir la réalité physique, la réalité virtuelle et leur interaction. Le projet réalisé par l’agence Asymptote pour la bourse de New York est emblématique de ce point de vue. Ils conçoivent leurs projets comme une «architecture infinie». L’architecture n’est plus permanente et statique mais évolutive. Le projet se compose de deux éléments, un projet de réalité physique et un projet de réalité virtuelle. Le premier se situe dans une des salles de la bourse de New York. Cet espace permet aux opérateurs de la bourse d’accéder à l’espace virtuel par le biais des écrans disposés dans la salle. L’espace physique, relié par ces écrans, réagit aux flux ayant cours dans l’espace virtuel. Plus les échanges sont nombreux et intenses, plus l’espace est animé. L’interface se réalise alors puisque l’espace physique se trouve modifié, augmenté par les apports de l’espace virtuel. Le mur n’est donc plus une limite entre extérieur et intérieur ou entre public et privé mais il devient le lieu de l’interaction avec le monde, une nouvelle fenêtre. Il trouve tout son sens dans cette utilité.

La pertinence de cet exemple est double. En dehors de l’illustration d’une prémisse de mur augmenté, il montre l’importance de la mise en réseau dans la réalisation de la réalité augmentée. La mise en réseau permet l’existence de cette augmentation.


La mise en rĂŠseau

New York Stock Exchange, 3D Trading Floor


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Le second niveau de ce projet, le 3D Trading Floor, est l’espace de réalité virtuelle qui se compose comme un paysage de données (data-scape) réunissant des flux d’informations et des modélisations de données. Cet espace virtuel est une modélisation en temps réel qui présente aux utilisateurs l’activité de la bourse. Les différents événements se retrouvent sous la forme d’un espace navigable entièrement interactif, doté de possibilités infinies de mouvement et d’affichage. La qualité de l’espace virtuel, la maîtrise des formes, de la navigation et des méthodes d’affichage apporte aux opérateurs une compréhension plus poussée et plus précise des nombreuses variables et situations complexes qui surviennent durant les séances. Il est par ailleurs intéressant de noter que chronologiquement le projet de réalité virtuelle a été conçu dans un premier temps. La bourse de New York a ensuite demandé aux architectes de créer le projet d’une salle leur permettant d’accéder plus intuitivement à cet outil. Cette démarche montre bien l’imbrication des trois éléments de la réalité augmentée : réalité physique, réalité virtuelle et interface. L’efficacité d’une telle augmentation n’a plus de sens si elle n’est pas reliée à un réseau plus large. Si l’espace virtuel créé est fermé sur lui-même, l’extension et la dilution des limites de l’espace physique est dérisoire. C’est grâce à ce système que l’espace virtuel du New York Stock Exchange peut réagir aux mouvements boursiers. De façon analogue, l’efficacité des systèmes proposé par Tesco sur le quai du métro de Séoul ou par


La mise en rĂŠseau

Organigramme de la conception du projet Dreamhamar


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Tchoban et Kuznetsov dans I-City ne peuvent exister que parce qu’ils s’appuient sur la préexistence d’un réseau. C’est parce qu’il utilise le réseau de téléphonie mobile que le supermarché virtuel fonctionne, sans cela, les murs ne seraient que des panneaux publicitaires comparables à ceux présents dans tous les métros du monde. Par cette mise en réseau, l’hybridation de deux fonctions est possible. Le réseau peut donc être envisagé comme une part du projet au même titre que d’autres éléments de programme plus classiques. Mais l’utilisation du réseau peut aussi être étendue à d’autres niveaux du processus de projet. Le projet Dreamhamar, réalisé par l’agence madrilène Ecosistema Urbano à Hamar en banlieue d’Oslo représente cette possibilité d’intégrer une mise en réseau dans le développement du projet. L’objet initial du projet est le réaménagement d’un espace public. Les architectes ont utilisé comme prétexte ce sujet pour proposer une nouvelle manière de penser la conception d’un espace architectural mais aussi pour expérimenter l’idée d’espace public dès la genèse de celui-ci. Dreamhamar est un processus qui vise à la création d’une communauté de travail (Design Network) dont l’architecte coordonne les activités. Les architectes ont utilisé une grande partie du budget du projet pour la mise en place du processus de conception. Le but de ce processus est de décider de manière participative et en réseau le futur de cet espace public. Dreamhamar visait à engager à la fois la communauté locale et un réseau international. On peut observer l’organisation mise en place sur l’organigramme du projet. D’une part le Physical


La mise en rĂŠseau

Dreamhamar


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Lab, un espace physique donnant sur la place et transformé en bureau temporaire, a servi de plateforme d’action pour entrer en contact avec les citoyens et la communauté locale. Et d’autre part, un espace numérique, participatif et décentralisé le Digital Lab, servait d’instrument de gestion et de coordination d’une communauté internationale engagée dans le projet, composée d’étudiants en architecture, de designers et d’écoles. Le travail de l’agence était alors de dessiner des pré-requis à soumettre ensuite au Digital Lab et au Physical Lab. Les réactions engendrées ont été centralisées par les architectes pour arriver finalement au projet d’espace public attendu. L’intégration d’un réseau dans la conception du projet montre qu’au delà de l’influence du numérique sur l’objet architectural, il peut influencer la façon d’envisager et de concevoir le projet autrement que du seul point de vue performatif. Dans le cas de la réalisation d’un projet d’espace public, le fait d’intégrer ce réseau a permis d’initier l’idée de l’espace public avant l’existence du projet. L’utilisation du réseau dans la volonté d’impliquer les habitants dans la démarche de projet a permis d’installer le projet dans une vraie dynamique de prospective. Cette démarche a donc modifié de manière créative la perception de l’espace, afin d’alimenter un sentiment d’appartenance de la communauté à cet espace. Ce dispositif permet également d’envisager les processus de participation avec une dimension plus productive et innovante que de simples réunions de concertation. La mise en réseau dans le projet de la bourse de New York comme pour Dreamhamar montre que l’architecture de l’ère


La mise en réseau

numérique n’appartient plus à un lieu unique mais possède plusieurs ramifications dans le monde grâce au virtuel. Le lieu physique du projet n’est plus qu’une porte d’accès à toutes ces ramifications. L’ensemble des dispositifs étudiés dans cette partie montre l’étendue de l’application possible d’une architecture de la réalité augmentée. Au delà de choix souvent purement esthétiques, le numérique peut faire partie d’une réflexion globale à l’intérieur du projet. Je retiendrai deux éléments essentiels. Tout d’abord l’architecture de la réalité augmentée doit être pensée comme un triptyque. La réalité physique, la réalité virtuelle et l’interface doivent être assemblés à l’intérieur du concept architectural pour permettre une navigation optimale à l’intérieur de la réalité augmentée. Chacun de ces éléments devient un élément de programme architectural à part entière. Ensuite, les technologies numériques peuvent permettre d’inventer de nouvelles manières de concevoir le projet d’architecture. Le réseau peut-être utilisé comme partie de programme architectural mais aussi utilisé dans le processus de projet. En plus des possibilités déjà connues d’assistance par ordinateur, le numérique peut aider à la pensée du projet, notamment grâce à la mise en réseau.


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Conception architecturale

L’enjeu de ce travail de recherche était de proposer une application de la révolution numérique dans la conception architecturale. L’idée sous-jacente est que l’architecture est encore en retard dans ce domaine par rapport aux évolutions de la société pour laquelle elle est construite. Les seules véritables avancées du numérique dans le domaine de l’architecture se trouvent aujourd’hui plus dans les champs de la représentation ou de la recherche formelle que dans une manière de penser l’architecture. Or les transformations de nos sociétés par le virtuel représentent un défi théorique majeur qui nous oblige à reconsidérer la définition implicite qui nous avait été transmise par les architectes et les penseurs de la modernité. L’analyse des nouveaux comportements entrainés par l’émergence des technologies numériques nous a permis de faire ressortir les enjeux et les grandes notions que cette révolution implique. La relation entre virtuel et réel illustre le fait que ce virtuel fait partie de notre réalité d’aujourd’hui. Il n’est pas un fantasme ne se rattachant à aucun lieu, à aucune loi physique, pouvant représenter enfin l’irréel. De cette relation entre virtuel et réel nait le concept de réalité augmentée. C’est selon moi cette part de l’ère numérique qui doit faire l’objet d’une théorisation architecturale. C’est ici que l’architecture a un rôle à jouer, puisque la réalité augmentée


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ne peut exister que par des interfaces entre réalité physique et réalité virtuelle. L’architecture doit créer ces interfaces mais aussi les intégrer dans un triptyque les unissant à la réalité physique et à la réalité virtuelle, pour créer une nouvelle pensée de l’espace de l’ère numérique. Jusqu’à aujourd’hui la fabrication de la réalité augmentée est cantonnée à des objets rapportés qui souffrent toujours de l’inadaptabilité des lieux dans lesquels ils sont. Les outils utilisés aujourd’hui pour réaliser cette interface par la grande majorité des utilisateurs comme les claviers ou les écrans restent une limite au développement de la réalité augmentée. C’est par l’architecture que cette interface doit prendre forme. Les applications proposées aujourd’hui sont encore limitées dans leur augmentation du réel. Le mur de la réalité virtuelle, le mur augmenté peut illustrer une première étape dans la création d’une architecture d’interface. Cette interface doit permettre le lien avec la réalité virtuelle et la mise en réseau avec d’autres objets architecturaux. L’architecture de réseau permet le déploiement des utilisateurs hors des limites physiques du bâti. L’utilisation de réseaux, qu’ils soient existants ou en devenir, dans l’architecture de la réalité augmentée est cruciale pour la maximisation de l’espace virtuel. Si l’espace virtuel auquel j’accède par l’interface est limité à lui-même, l’impact de cet espace est minime. Son effet est comparable à une simple photographie, avec certainement plus de gadget, mais sans grand impact. Nous avons également vu que ce réseau peut être intégré de deux manières différentes, en tant qu’élément de programme comme dans les projet de la bourse de New York


Conception architecturale

ou dans I-City, mais aussi comme part du processus de projet pour imprimer l’implication dans l’idée du projet avant qu’il soit réalisé. L’objectif depuis le début de ce travail de recherche était de pouvoir établir des préceptes théoriques à appliquer ensuite à mon Projet de Fin d’Études. Car comme je l’ai écrit dans ce texte, il est primordial de trouver quelle place peut prendre l’architecture dans le phénomène de la révolution numérique. Ce travail de mémoire est pour moi l’introduction théorique au travail de projet. Il est essentiel de pouvoir confronter les idées présentées ici au principe de réalité par l’expérience du projet. Ma volonté était alors de réaliser un projet où je puisse intégrer le plus grand nombre de sujets évoqués ici. Parmi les plus importants, la création d’un triptyque de réalité augmentée en concevant un programme intégrant un projet d’architecture physique et un espace de réalité virtuelle m’obligeant à créer une architecture permettant la meilleure interface entre ces deux espaces. L’autre objectif est de pouvoir utiliser la double possibilité évoquée plus haut par la création d’un réseau, en intégrant un réseau participatif et un réseau de présentation. Le réseau participatif permettrait d’impliquer les habitants dans la conception du projet. Le réseau de présentation permettrait de présenter le projet en utilisant les éléments de la réalité augmentée. En utilisant ces éléments j’ai décidé d’utiliser comme prétexte l’un des projets les plus importants en France actuellement, le Grand Paris. Le rayonnement et l’ampleur du projet me


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me permettent de réaliser un projet manifeste sur les nouvelles façons d’appréhender l’architecture. Il est souvent question d’innovations dans la conception des projets d’architecture, dans l’implication des habitants, dans l’insertion de l’architecture dans un processus plus large de réinvention de la société. Mais tous ces thèmes restent la plupart du temps à l’état d’idée et la réalité est souvent plus floue. Le Grand Paris en est un exemple flagrant. La grande majorité de la population parisienne imagine le Grand Paris comme un projet de rénovation des transports, sans prendre la mesure des enjeux du projet. Les lieux qui y sont dédiés sont souvent inconnus, je prends pour exemple les Ateliers Internationaux du Grand Paris, dissimulés au fond des couloirs du Palais de Tokyo. Ce projet est donc un espace de conception et de communication autour du Grand Paris. Le projet se développe autour de deux réseaux : un réseau de conception et un réseau de présentation au public. Les projets présentés sont exposés au public dans des salles aux murs couverts d’écrans. Le public accède au réseau grâce à une table centrale et visite virtuellement les projets projetés sur les écrans. Ce réseau est également relié à des ateliers qui gèrent les projets présentés. Ces ateliers sont également reliés à un deuxième réseau : le réseau de conception. Ce réseau regroupe des ateliers physiques et numériques. Les projets sont alors conçus à l’intérieur de ce réseau puis présentés au public dans le même lieu afin d’exposer autant le projet que son processus. En réalisant ce projet, j’ai pu constater l’importance de considérer chaque niveau de l’architecture de


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la réalité augmentée. L’interface peut sembler être l’élément essentiel de cette architecture. Mais elle est souvent guidée par les possibilités offertes par les technologies disponibles. Ceci implique évidemment un développement en accord avec les entreprises et les architectes. Les autres niveaux, la réalité physique et la réalité virtuelle donnent souvent plus de liberté créative. L’espace de réalité virtuelle pose malgré tout la question de la référence spatiale, en d’autres termes, à quoi va ressembler cet espace. Pour des raisons didactiques, j’ai choisi dans mon projet de réaliser un alter-égo virtuel du projet physique afin que les visiteurs se retrouvent plus facilement à l’intérieur de celuici. Il me semble évident que ces espaces doivent utiliser des références architecturales, de la même manière que les jeux vidéos par exemples. Du point de vue de la conception, il a été essentiel pour moi de considérer le triptyque réalité physique - réalité virtuelle interface comme un élément total dont chaque partie doit faire l’objet d’une pensée architecturale. En dehors des évolutions technologiques à poursuivre de manière évidente il faut donc que les architectes concevant les espaces de la réalité augmentée pensent l’architecture de la réalité augmentée comme un tout formé par ces trois éléments sans quoi le projet architectural reste un objet auquel on a adjoint des gadgets domotiques. Je suis convaincu tant par ce travail de recherche que par mon travail de projet que les architectes peuvent trouver une place dans les changements initiés par la révolution numérique. Pour cela, ils doivent accepter de faire évoluer leurs schémas conceptuels, leur manière d’envisager l’espace et l’étendue des espaces qu’ils ont à concevoir.


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Dennis Crompton, Computer city, 1964


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Remerciements : Je souhaite remercier ma famille et mes proches pour leur soutien. Je tiens également à remercier les professeurs qui m’ont accompagné dans ce travail et plus particulièrement Anne Tüscher, Catherine Zaharia, Jean Magerand, Claire Bailly et Antoine Picon pour leurs conseils depuis plus de deux ans.


A l’ère de la révolution numérique, la société se trouve bouleversée en de nombreux points. L’architecture jusqu’à aujourd’hui ne se nourrit que très peu de ces phénomènes. L’analyse de ces différents bouleversements conduit à l’établissement de définitions fortes. Relation entre réel et virtuel, requalification de l’espace-temps, modification des limites. Tous ces constats conduisent à la recherche d’un champ d’action pour une conception architecturale de l’ère numérique. L’architecture ne doit pas se contenter d’utiliser les technologies numériques comme de simples outils de conception ou de recherche formelle. L’apparition de notion comme la réalité augmentée permet d’envisager une recherche théorique et conceptuelle sur l’intégration du virtuel dans la production architecturale. L’objet de ce travail est donc d’amener à réfléchir sur quelle peut être l’architecture de la réalité augmentée. Ère numérique , Virtuel , Réel , Réalité augmentée , Interface


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