Sciences et technologie du numérique grenoble

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LES PROJETS D’AVENIR DE L’UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES

SCIENCES ET TECHNOLOGIES DU NUMÉRIQUE

UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES

Grenoble est très investie dans cinq laboratoires d’excellence qui mènent des recherches et conduisent des projets dans le domaine des sciences et technologies du numérique. Leurs missions sont variées et très ambitieuses : améliorer les performances de la microélectronique, construire des systèmes physico-numériques, promouvoir les mathématiques et les mathématiciens auprès des étudiants et des entreprises, renforcer la formation des chirurgiens face aux nouvelles technologies des gestes médicalement assistés par ordinateur ou encore concevoir des logiciels pour permettre de grandes avan cées en ce q u i co n cern e l e s thérapies ciblées.


AMIES : les mathématiques dans leurs usages A l’origine de la conception d’un produit intelligent, il y a des algorithmes. Derrière la gestion d’une forêt, il existe des modèles. Informatique, biologie, environnement, énergie… Dans tous ces domaines se cachent des problèmes de modélisation. Alors que les mathématiques sont partout, dans l’esprit des gens cette science n’est pas un outil opérationnel du quotidien. AMIES s’est donné pour mission de changer l’image des mathématiques notamment auprès des entreprises en encourageant leurs interactions avec les chercheurs et les étudiants.

aux étudiants la possibilité de rencontrer leurs futurs recruteurs. Ces initiatives mettent aussi en évidence la rigueur méthodologique et scientifique à l’origine de toute démarche mathématique et la culture pluridisciplinaire de cette science qui reste plus que jamais à la croisée de tous les chemins. www.agence-maths-entreprises.fr

Des correspondants régionaux Ce réseau national regroupe tous les laboratoires de mathématiques et interagit avec les initiatives équivalentes à l’étranger, les agences de financement nationales et les collectivités locales. Il s’appuie sur des correspondants régionaux qui servent de relais dans les universités et qui facilitent la prise de contact entre chercheurs et industriels. Certaines sociétés ont besoin des mathématiques pour développer un produit, mais elles n’identifient pas ce besoin. Le Labex fait connaître aux entreprises et aux structures de médiation régionales (pôles de compétitivité, Chambres de commerce...) quelles sont les ressources disponibles dans les laboratoires de mathématiques. En améliorant ainsi leur visibilité en France, il permettra dans le futur de multiplier les collaborations industrielles.

AMIES finance aussi des projets exploratoires entre laboratoires et industriels et provoque des rencontres entre mathématiciens, étudiants et entreprises à l’instar de semaines de modélisation pour sensibiliser les étudiants et les enseignants à l’emploi en entreprise. Depuis deux ans, il co-organise avec deux sociétés savantes (SMAI et SFdS) un Forum Emploi Mathématiques qui montre la diversité des débouchés en maths et offre

Cryptanalyse, correction d'erreurs de positionnement GPS, optimisation de forme en aéronautique : des exemples de mathématiques à l'œuvre sur des applications à forts enjeux technologiques. ©Dassault Aviation, DGA, Helileo, École Polytechnique, Université Joseph Fourier et Université de Toulouse

MINOS Lab : toujours plus de compétitivité pour la micronanoélectronique Depuis trente ans, Grenoble est une place forte de la microélectronique mondiale. Cette excellence repose sur les laboratoires académiques de recherche appliquée qui préparent le futur, sur la R&D pré-industrielle chargée du développement des concepts et enfin, sur diverses entreprises pour assurer la production et la commercialisation des outils développés.

Miniaturisation et performance Le but de MINOS Lab est de renforcer chacun de ces différents échelons. Le programme de recherche du Labex s’organise autour de trois thématiques stratégiques : la diminution de la taille des transistors de type FD SOI de 22 à au moins 11 nm, l’intégration dans ces transistors de nouveaux matériaux et le développement des nouvelles technologies de mémoire embarquée. La miniaturisation des dispositifs électroniques qui se trouvent dans tous les équipements multimédias (téléphones, appareils photos, consoles de jeu…) va permettre d’améliorer leurs performances. Ces nouvelles technologies devraient également entraîner de véritables ruptures dans les domaines de l’imagerie et du diagnostic médical.

Au plus près de l’industrie Les chercheurs de Minos Lab travaillent sur les mêmes équipements que les industriels, d’où une recherche en amont de haut niveau fortement connectée aux applications industrielles. Ce projet de nanoélectronique va faciliter le transfert de savoir-faire et des innovations vers les grands groupes français comme ST Microelectronics tout en stimulant les activités de R&D chez les fabricants d’équipements. Il

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Forum Emploi Maths

s’agit d’un enjeu de taille notamment pour le bassin grenoblois où la nanoélectronique représente 26 000 emplois.

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PERSYVAL-lab : la convergence des mondes physique et numérique Le transfert d'une simulation biomécanique de référence (à gauche) produisant le gonflement d'un muscle, vers un nouveau personnage (à droite). © IMAGINE (INRIA /LJK-CNRS)

La science du logiciel est au cœur des systèmes physiconumériques que bâtit le Labex. Maîtriser la conception et le contrôle de nouveaux systèmes informatiques combinant des dispositifs « intelligents » interconnectés et des objets virtuels interactifs au service de l’Homme, c’est tout l’enjeu de PERSYVALlab. Le Labex fédère dix laboratoires grenoblois couvrant un large spectre des sciences du numérique : l’informatique, le traitement du signal, l’architec ture des machines, l’automatique et les mathématiques.

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Défis scientifiques

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PERSYVAL-lab fait face à quatre défis pour construire une nouvelle génération de systèmes physico-numériques : concevoir l’infrastructure « de base » (architectures matérielles, réseaux de capteurs, logiciels embarqués...), « fouiller » les flux de données échangées pour extraire

l’information pertinente, trouver une nouvelle approche de la réalité augmentée pour des interactions virtuel-réel plus riches et plus faciles à déployer et enfin développer la modélisation et la simulation en utilisant les techniques les plus avancées d’optimisation et de calcul. Les applications visent des grands enjeux sociétaux, comme l’habitat intelligent, la gestion de l’énergie et la médecine.

Quand réel et virtuel se rejoignent La convergence physique/numérique consiste par exemple à plonger l’humain dans un environnement virtuel qui enrichit le réel, lui permettant de percevoir des situations et d’agir à distance sur de vrais objets. Pour cela, il faut équiper les objets physiques de capteurs, créer des objets virtuels et les doter d’actionneurs en prise sur le monde réel, rendre possible la diffusion de flux d’informations entre ces objets physico-numériques et faciliter leur interaction avec des humains et leur contrôle. Avec ce système, un chirurgien peut opérer un malade intransportable à l’autre bout du monde. https://persyval-lab.org/

CAMI : repousser les limites de la chirurgie Pionniers en gestes médico-chirurgicaux assistés par ordinateur (GMCAO), technique qu’ils développent depuis vingt-cinq ans, les chercheurs grenoblois passent à la vitesse supérieure avec le Labex CAMI qui fédère à l’échelle nationale six unités mixtes de recherche d’universités, du CNRS et de l’INSERM – Brest, Grenoble, Montpellier, Paris, Rennes et Strasbourg. L’objectif de la fédération : coopérer avec les cliniciens et les industriels pour proposer des innovations médicalement utiles, économiquement viables et largement diffusables.

Insérer une vis dans une vertèbre Comment utiliser l’imagerie médicale en guidage pour repousser les limites de la chirurgie ? C’est pour répondre à cette question que s’est constituée l’équipe GMCAO en 1984 avec l’idée d’associer les sciences, la médecine et l’industrie. Des centaines de milliers de patients ont déjà profité de ces traitements. Et si les premières applications étaient spécifiques, - insérer une vis dans une vertèbre en suivant le bon axe ou obtenir l’alignement parfait pour une prothèse du genou -, elles se sont ensuite généralisées. La neurochirurgie, l’urologie, la radiothérapie, la radiologie interventionnelle et bien d’autres spécialités utilisent aujourd’hui les GMCAO. ECCAMI/ ©P. Avavian

Ancrage industriel Le Labex a défini cinq orientations de recherche qui permettront aux chirurgiens d’être mieux formés, de voir au-delà du visible, d’être assistés dans la prise de décisions vitales, d’accéder à une dextérité augmentée et de démontrer le service médical rendu. Outre le développement de nouvelles

filières d’enseignement ou de formation continue pour les médecins, étudiants en sciences ou ingénieurs, le Labex s’intéresse aussi à l’apprentissage lui-même et réfléchit à de nouvelles méthodes pédagogiques utilisant la réalité augmentée et la modélisation. Fort de son ancrage dans le monde industriel, le Labex est déterminé à poursuivre cette dynamique, multipliant des brevets, créant des start-ups ou opérant des transferts industriels afin de développer des solutions viables qui démocratiseront l’accès aux soins. http://cami-labex.fr/

ECCAMI/ ©P. Avavian


TOUCAN : vers une thérapie génique Passer du prêt-à-porter au « sur-mesure » en matière de prévention et de médicaments, l’objectif de TOUCAN est ambitieux.

Image issue de http://string-db.org/ Associations fonctionnelles de protéines v-akt murine thymoma viral oncogenes (AKT) mitogen-activated protein kinases (MAPK) phosphoinositide-3-kinases (PIK3). Les protéines figurant sur l'image se trouvent dans 16 pathways différents de la base de données KEGG - http://www.genome.jp/kegg/

Équipex EQUIP@MESO : plus de puissance de calcul Grâce au projet national Equip@Meso (lauréat Équipex 2010), à la région Rhône-Alpes (CPER CIRA) et au Labex OSUG@2020, une plateforme de calcul Bull d’une puissance nominale de 46 Tflops (1 Tflop = 1012 opérations par seconde) répartie sur 2176 cœurs de calcul est accessible aux chercheurs et ingénieurs de la communauté scientifique grenobloise. Ces nouveaux moyens de calcul, qui multiplient par 2,5 la puissance cumulée du mésocentre CIMENT, serviront à de nombreux projets de recherche fondamentale et appliquée (en physique de la matière, environnement, chimie, écologie, sciences de l’Univers...) ainsi qu’à des projets industriels dans le cadre de l’initiative HPC-PME. La nouvelle plateforme de calcul, appelée Froggy, avec son système de refroidissement innovant a été inaugurée le 3 juillet 2013. Installée dans les locaux du Département de chimie moléculaire, sur le campus de Saint-Martin d'Hères-Gières au sein de l'infrastructure mutualisée de l'UJF, elle est accessible aux chercheurs et ingénieurs de la communauté scientifique grenobloise.

La plateforme Froggy inaugurée le 3 juillet 2013.

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Porté par la Fondation Recherche et innovation thérapeutique en cancérologie (RITC), le Labex élabore des thérapies ciblées capables d’atteindre les cellules cancéreuses que l’on ne réussit pas à éliminer avec la chimiothérapie. Travaillant à la mise au point d’un traitement génique, les biologistes cherchent notamment à connaître le fonctionnement des cellules cancéreuses en sachant quels sont les gènes associés aux différents cancers. Or il y a 21 000 gènes dans le génome humain. Pour se faire une idée du nombre de combinaisons possibles, il faut savoir qu’il est beaucoup plus important que le nombre de nanosecondes écoulées depuis la création de l’Univers. Afin de contourner « cette malédiction du nombre », les mathématiciens de Grenoble conçoivent des logiciels sur lesquels les biologistes s’appuient pour progresser. Grâce à cette approche pluridisciplinaire, le Labex donne à la recherche de nouvelles possibilités de parvenir à une séquence du génome permettant de déduire des profils géniques.

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Trois questions à CHRISTIAN JUTTEN, ERC 2012

« L’art du ‘traiteur de signal’ : extraire l’information utile dans les mesures très bruitées. » Vous êtes spécialiste du traitement du signal. De quoi s’agit-il ?

ou des flux d’oxygène (imagerie en résonance magnétique) : les mesures sont fonction de l’activité du cerveau, mais au travers de phénomènes

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physiques différents. La conception d’un cadre méthodologique général Le traitement du signal est un pilier méconnu des sciences du numérique, car il est à l’interface de nombreux domaines d’applications. Lorsqu’on fait des mesures, celles-ci contiennent de l’information utile qui est toujours masquée par des informations inutiles qu’il faut éliminer. Par exemple, les capteurs électro-encéphalographiques mesurent l’activité électrique du cerveau, mais le signal recueilli est un mélange très complexe des activités cérébrales de diverses régions. De même, le signal reçu par votre téléphone mobile est très perturbé lors de vos déplacements en ville ou dans un TGV. L’art du « traiteur de signal » consiste à extraire l’information utile dans les mesures très bruitées. Pour cela, il faut concevoir des méthodes et des algorithmes. Actuellement, un challenge réside dans le fait que l’on dispose d’un nombre très important de capteurs, souvent hétérogènes, qui fournissent des informations complémentaires, mais dont l’analyse combinée est très complexe.

pour traiter conjointement ces mesures permettrait de localiser de façon précise et non invasive l’origine de signaux cérébraux particuliers : les régions épileptiques pourraient ainsi être localisées précisément sans recourir à l’implantation d’électrodes intracérébrales. Un second défi est de proposer un cadre méthodologique général pour extraire uniquement les signaux utiles notamment quand on reçoit des flots de données énormes. Enfin, le troisième défi consiste à élargir ces méthodes de séparation et d’extraction des sources à des mélanges non linéaires comme ceux produits par les capteurs chimiques.

Quels sont les domaines touchés par vos travaux ? Les techniques de traitement du signal sont utilisées dans de très nombreux domaines. Deux secteurs sont plus particulièrement visés par mes

A quoi s’attaque plus spécifiquement votre projet de recherche ?

travaux : la santé où l’on peut espérer des progrès dans les méthodes d’imagerie médicale, d’extraction de l’électrocardiogramme du fœtus, ou dans les interfaces cerveau-machine et l’environnement avec la

Le premier défi aborde le traitement de signaux provenant de capteurs

conception de réseaux de capteurs chimiques pour l’analyse de l’eau ou

hétérogènes. Reprenons l’exemple de l’imagerie cérébrale, qui peut être

de fluides biologiques, ou de nouvelles méthodes d’imagerie hyperspec-

obtenue au travers de l’activité électrique (électro-encéphalogramme)

trale utiles pour l’agriculture ou la surveillance de pollution.

Christian Jutten est professeur à l’UJF et chercheur au laboratoire Gipsa-lab (CNRS/Grenoble INP/UJF/Université Stendhal). Il est depuis septembre 2012 directeur scientifique adjoint de l’Institut INS2i au CNRS, en charge du traitement du signal et des images. Il est membre senior de l’Institut universitaire de France depuis 2008 et a reçu de nombreux prix internationaux pour la qualité de ses recherches. Contact : christian.jutten@gipsa-lab.grenoble-inp.fr

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Trois questions à GÉRARD BESSON, ERC 2012

Sur quoi portent vos recherches de mathématicien ? Je fais des mathématiques fondamentales. Mon domaine de recherche principal, c’est la géométrie. J’essaie de comprendre la structure des espaces, en particulier celui dans lequel nous vivons. Le projet de recherche pour lequel j’ai reçu une bourse ERC porte sur les espaces à trois dimensions qui ne sont pas limités. Contrairement à des espaces comme la surface d’une sphère qui se referme sur elle-même, ils sont infinis dans toutes les directions : nous les appelons les espaces ouverts. L’une des questions que se posent les astrophysiciens en géométrie et topologie de l’Univers est justement de savoir si le monde dans lequel nous vivons est ouvert ou fermé. Certains de ces espaces ouverts ont des structures assez exotiques que l’on essaie de comprendre en utilisant des outils géométriques : par exemple, en les munissant d’un moyen de mesurer des distances et des angles. C’est ce que nous appelons une « métrique Riemannienne », du nom du grand mathématicien allemand du XIXème siècle, Bernhard Riemann. Une fois que cet outil est en place, on peut espérer mieux comprendre la structure de ces espaces.

Quel est le lien entre vos travaux et la résolution de la conjecture de Poincaré ? Une partie de mes recherches s’appuie sur des techniques qui ont aussi été utilisées par Grigori Perelman dans sa résolution de la célèbre conjecture de Poincaré. C’est une question posée en 1904 par le mathématicien, physicien et philosophe français Henri Poincaré. Le problème consiste à reconnaître une hypersphère à trois dimensions parmi tous les autres espaces grâce aux propriétés des courbes tracées sur elle. Il a fallu une centaine d'années pour le résoudre car Grigori Perelman a

Gérard Besson est chercheur au CNRS. Il dirige l’Institut Fourier (UJF/CNRS) depuis janvier 2011. Avant d’étudier les espaces ouverts dont la géométrie est encore en grande partie inconnue, il s’est intéressé à l’entropie, une fonction en rapport avec la géométrie et liée à la dynamique d’un système de particules. Il faisait partie des équipes internationales chargées de décrypter les résultats de Grigori Perelman après sa résolution en 2003 de la conjecture de Poincaré.

posté sa preuve sur la Toile entre décembre 2002 et juillet 2003. Cela a eu un écho important dans le grand public en raison de la personnalité originale de Grigori Perelman qui a refusé plusieurs prix prestigieux et bien dotés. Il a rédigé ses résultats de manière assez elliptique et, avec quatre collègues, nous avons passé cinq ans à écrire un ouvrage qui en décrit les détails. L’idée est de déformer l’espace afin de le rendre plus régulier. Pour cela, une technique a été inventée au début des années 1980 par le mathématicien américain Richard Hamilton qui permet de rendre les objets plus « ronds ». C’est une méthode d’analyse mathématique très délicate dont j’ai acquis une certaine expertise et que je compte exploiter dans le cadre de l’ERC. Il est à noter qu’elle a eu des applications importantes en imagerie, pour le « débruitage » des images, en plus de son utilité pour la recherche fondamentale.

Cela a permis la classification des espaces à trois dimensions fermés. Vous faudra-t-il autant de temps pour arriver à un résultat sur les espaces ouverts? On peut viser différents niveaux de résultats. J’ai réfléchi à une gradation des difficultés et j’ai quelques pistes qui devraient déboucher rapidement. Dans mon projet de recherche, il y a une question très fondamentale dont la difficulté est du même ordre que celle de la conjecture de Poincaré. Il y a aussi de nombreux problèmes plus accessibles. Pour pouvoir poser une bonne question en mathématiques, il faut déjà bien connaître le domaine de recherche et celui que j’étudie est totalement ouvert dans le sens où il est très mal connu. Nous sommes donc dans une phase où nous essayons de comprendre des exemples afin de mieux cerner la situation. C’est un sujet émergent que je trouve riche d’avenir.

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« J’essaie de comprendre la structure des espaces infinis avec des outils géométriques. »

Contact : g.besson@ujf-grenoble.fr

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Trois questions à DAVID MONNIAUX, ERC 2012

« J’attends un impact sur l’efficacité des procédures de vérification des logiciels. » Quel est votre domaine de recherche ?

développés, par exemple chez Microsoft, et sont déjà déployés indus-

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triellement, mais ils ne fonctionnent pas si bien que ça. Ils peuvent

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Je conçois des méthodes d’analyse statique de logiciels. Avant qu’un logiciel

notamment renvoyer des avertissements au sujet de problèmes qui en

ne soit déployé, on recherche ses « bugs ». On peut tester un certain

réalité n’existent pas. Vérifier ces listes d’erreurs potentielles peut

nombre de cas et se dire qu’au bout de suffisamment de tests probants,

demander énormément de temps et mobiliser beaucoup de personnes.

le logiciel fonctionne, mais faire cela rigoureusement est coûteux et, de

Je cherche donc à trouver de nouvelles approches qui permettront de

toute façon, non exhaustif. On teste moins les jeux que les logiciels de

lever certaines de ces limitations et de faire des analyses plus précises,

bureautique et moins les logiciels de bureautique que les logiciels de

c’est-à-dire produisant moins de fausses alarmes, tout en restant per-

pilotage automatique d’avion. Une autre possibilité est d’écrire une

formantes. Bien entendu, en raison des résultats de Turing, il sera impos-

preuve mathématique qui montre que le système marche à tous les

sible de garantir à la fois l’absence de faux négatifs et de faux positifs,

coups. Faire des preuves en logiciel, cela existe, mais c’est fastidieux si

mais nous pouvons nous en approcher.

on le fait manuellement. Les travaux de Turing dans les années 1930 ont démontré qu’il ne peut pas exister de méthode d’analyse automatique qui dirait à coup sûr si un programme informatique obéit ou non à ce

Y a-t-il des retombées directes découlant de vos travaux ?

que l’on attend de lui. C’est impossible en général, mais on peut y arriver dans de très nombreux cas utiles en pratique. Les approches que nous concevons sont basées sur la logique, l’arithmétique et la géométrie algorithmique.

Quels sont les défis à relever dans votre projet ? Des outils d’analyse statique existent déjà. Moi-même, j’ai co-développé Astrée (CNRS/École normale supérieure, Paris), en collaboration avec Airbus, actuellement commercialisé par la société Absint. Ce projet était axé sur le code de pilotage d’avion. D’autres outils ont également été

Nous ne développons pas des outils industriels, mais des prototypes de recherche : c’est la même différence qui existe entre développer le principe du moteur à explosion et construire toute la voiture. Je vais cependant développer un outil d’analyse statique sous forme de logiciel libre, qui permettra à d’autres spécialistes de collaborer sur ce sujet : on est plus efficace si chacun n’a pas à tout redévelopper depuis le point de départ… À plus long terme, j’attends un impact sur l’efficacité des procédures de vérification des logiciels. Dans certains domaines comme la santé, concernant le matériel médical, ou l’industrie automobile, il y a des besoins critiques et on ne peut pas se permettre d’avoir des outils qui font des faux négatifs, c’est-à-dire qui ne voient pas le « bug ».

David Monniaux est directeur de recherche au CNRS et professeur chargé de cours à l’École polytechnique (Palaiseau). Il conduit ses recherches au laboratoire VERIMAG (CNRS/UJF/Grenoble-INP) qui est reconnu mondialement pour son expertise en matière de vérification de systèmes critiques. Contact : david.monniaux@imag.fr


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