Incroyables talents
Illustration Alexandra Compain-Tissier
Ce soir-là, les people se pressent au vernissage de la dernière exposition que le Centre des monuments nationaux (CMN) présente à la Conciergerie. Pas vraiment sa population habituelle. Mais celui qui investit les lieux est un ami, un collègue, une star de TF1, l’animateur très populaire Nikos Aliagas. Que vient-il faire ici ? Ses nombreux fans connaissent sa passion pour la photographie qu’il exerce en amateur, postant comme tant d’autres ses clichés sur Internet. Une brève expo dans une galerie et le voilà propulsé dans un monument national. De quoi faire pâlir n’importe quel artiste, débutant ou confirmé.
bernard hasquenoph Fondateur de louvrepourtous.fr
106 REGARDS ÉTÉ 2016
Philippe Bélaval, président du CMN, s’explique dans Le Parisien : « L’idée d’exposer Nikos à la Conciergerie ne fait pas forcément l’unanimité. J’ai appris par des amis communs qu’il faisait de la photo. Quand j’ai vu ses clichés, j’ai été frappé par la qualité de son travail… » Difficile, pourtant, de croire que ce fut le seul critère de choix. À côté d’un diaporama de clichés de stars était montrée une production plus personnelle, beaux portraits d’anonymes dans une veine humaniste noir et blanc très datée, sans aucun lien avec le CMN. Plus loin, le responsable de l’établissement public reconnaissait surfer sur la célébrité du présentateur de The Voice : « Si cela peut faire venir à la Conciergerie des gens qui n’y auraient jamais mis les pieds, j’en serais très heureux. Pour nous, c’est l’occasion de montrer que le patrimoine, ce n’est pas ringard (sic) ». L’intéressé rappelait humblement n’avoir fait que répondre à une invitation et être sans « prétentions artistiques ». Depuis, toute modestie envolée, il revendique 80 000 visiteurs pour cette exposition, feignant d’ignorer que la Conciergerie se visite surtout pour la prison où Marie-Antoinette passa ses dernières heures.
Se rapprocher du monde de la télé est une stratégie payante pour un établissement culturel. Il n’est pas nouveau que la petite lucarne, par son aura, soit prescriptrice dans ce domaine. On se souvient, dans les années 1980, de l’influence de l’émission Apostrophes sur les ventes de livres. Aujourd’hui, ce n’est pas André Malraux que les musées rêveraient de voir débarquer, mais Stéphane Bern, ami justement de Nikos. Les émissions culturelles qu’il présente, critiquées parfois pour leur vision héroïsante du passé qu’imposerait l’audimat, ont un réel impact sur la fréquentation des lieux montrés. Quand, en 2014, le Monastère royal de Brou est élu “Monument préféré des Français” par le public de France 2, c’est un coup de projecteur inespéré qui fait exploser son nombre de visiteurs. Même chose à l’été 2016, après une saison plutôt morose quand Secrets d’histoire se pose dans la maison de l’écrivaine George Sand à Nohant, gérée également par le CMN. Il en va ainsi pour d’autres émissions de découverte du patrimoine, comme Des racines et des ailes sur France 3, qui profite à tout le secteur du tourisme. On le comprend aisément, vu l’image de carte postale que ce