Regards Été 2016

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MALTRAITANCE AU MUSÉE

Photo cc Marc Feldmann

Illustration Alexandra Compain-Tissier

« On s’est fait voler notre travail alors qu’on l’adorait », confient-ils au journaliste du Républicain lorrain. C’est la situation absurde qu’ont vécue en mai dernier des salariés du Centre Pompidou-Metz. Des salariés, ou plutôt des sous-salariés, exactement des “sous-traités” comme ils se sont eux-mêmes surnommés. Et désormais ex-salariés car sur quinze médiateurs, huit ont été remerciés, ceux-là même qui s’expriment ici. Depuis l’ouverture en 2010 de cette antenne du musée parisien, première décentralisation d’une grande institution culturelle nationale, de nombreuses fonctions ont

bernard hasquenoph Fondateur de louvrepourtous.fr

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été externalisées sur décision du conseil d’administration – composé majoritairement d’élus locaux (surtout socialistes) et de représentants de l’État. Pas seulement la sécurité et le nettoyage, comme déjà nombre d’établissements nationaux, mais des missions qu’on imaginerait essentielles pour un lieu culturel comme celui-là : accueil, surveillance en salle, médiation et visites guidées pour adultes comme pour enfants. Une situation qui a généré des problèmes dès le départ, les intéressés dénonçant de mauvaises conditions de travail, une ambiance de flicage et de faibles rémunérations pour un profil qualifié exigé. Les grèves se sont enchaînées, courageuses vu la précarité de ces personnels passionnés par leur métier, demandant leur intégration. Ils bénéficièrent du soutien local de la CGT et du PCF qui appelait « à créer les conditions pour que la modernité du Centre se décline également au plan social ». MALAISE MUSÉAL Malgré les promesses d’élus embarrassés et la bienveillance d’Aurélie Filippetti, ministre de la Culture de l’époque, le marché fut reconduit en 2012 avec le même prestataire, à la consternation des salariés qui

dénoncèrent ensuite « de graves pressions morales, des avenants non respectés, un management incompétent ». L’un d’eux, viré, gagna aux prud’hommes, pour licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». Ambiance. Quatre ans plus tard, la situation ne s’est pas apaisée. D’autant que début 2016, suivant l’avis de la Chambre régionale des comptes, Pompidou-Metz internalisa les prestations d’accueil et de billetterie, mais pas celles des médiateurs et conférenciers. Lesquels apprirent qu’en mai, à la reprise de leur marché par un nouveau prestataire, l’équipe en place ne serait pas automatiquement reconduite. S’ils voulaient rester – la plupart étaient là depuis six ans –, chacun devait passer un nouvel entretien d’embauche. Et s’ils avaient la chance d’être repris au bout de deux humiliants mois d’essai, ils perdaient leur ancienneté. Rebelote : grève, embarras de la direction du Centre qui n’a aucun pouvoir de décision en la matière, déclarations outrées et interventions d’élus comme Aurélie Filippetti, cette fois en tant que députée de Moselle. Pour au final, aucun résultat. Dans le paysage muséal français, cette situation n’est malheureu-


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