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Édito

La beauté des images

Difficile de ne pas penser à Jean-Luc Godard au moment d’ouvrir ces 23es Rencontres Cinéma et Vidéo à Nice, qui mettent l’image au centre de leur programmation. Images justes ou juste des images, l’auteur de Pierrot le fou n’a pas manqué de formules sur le sujet, aphorismes émergeant d’une longue réflexion qui aura constitué la colonne vertébrale de son œuvre. Je ne doute pas que nombre des artistes que nous avons programmés pour ces trois journées de novembre y soient sensibles. Prenons Annie Ernaux (désormais prix Nobel de littérature) pour Les Années Super 8 réalisé avec son fils David Ernaux-Briot. En utilisant ses films de famille, tournés dans les années 70, elle cherche la vérité de la femme qu’elle était alors dernière la façade innocente, banale, de ces images à l’aspect fragile. C’est une démarche du même genre que mène le cinéaste autrichien Martin Arnold dans Alone. Life Wastes Andy Hardy. Il manipule de façon impitoyable les images de films hollywoodiens des années trente pour y chercher un autre sens. Derrière les images lisses d’une comédie familiale produite à la MGM, Arnold révèle la frustration, la solitude, la violence et le désir. Prenons Patrick Bokanovski, Vicki Bennett, Chris Kennedy, Zbigniew Rybczynski, Peter Tscherkassky et Vivian Ostrovsky, qui pourra échanger avec le public niçois depuis New York.Chacun et chacune, à sa manière, travaillent la matière même des images, qu’ils en soient les créateurs ou qu’ils les recyclent à de nombreuses sources. La création musicale, sous la forme du cinéconcert, est aussi une façon de dégager un autre sens au film support. Une nouvelle fois, c’est Julie MansionVaquié qui proposera une composition originale sur le film Science-Friction de Stan Vanderbeek, un classique du cinéma expérimental qui joue avec ironie sur l’imaginaire de la course à l’espace en 1960.

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L’image c’est aussi ce support argentique que Regard Indépendant défend et pratique depuis de nombreuses

années. Nous nous voulons passeurs d’œuvres atypiques qui élargissent notre livre d’images. Nous avons ainsi mis les yeux sur une superbe version de la nouvelle de Poe, La Chute de la maison Usher, poème sombre et morbide, qui est ici filmée en 1928 par les américains Melville Webber et J.S. Watson Jr, entre Jean Epstein et Roger Corman. Défendre l’argentique, c’est d’abord, pour nous, créer avec. Une quinzaine de réalisatrices et de réalisateurs ont relevé le défi de faire un film de trois minutes, en Super 8, dans le cadre d’une collection qui porte bien son nom : « Hors Normes ». Quelles images vont en naître ? Réponse le 26 novembre. Créer, mais aussi former à travers les films d’ateliers dont nous présenterons un panorama avec le musée Fernand Léger, le Forum Jacques Prévert et le lycée Bristol. Et pour joindre l’acte à la théorie, l’utile et l’agréable, nous vous proposons un atelier de pratique du Super 8, de la réalisation au développement, en passant par des expériences de grattage de pellicule, le vendredi 25, et le film sera présenté le lendemain.

L’image, c’est aussi l’échange. Ce partage prendra cette année la forme de la programmation éclectique « Folie ! », dans le cadre de notre partenariat avec le festival OVNi, mettant en valeur la créativité des artistes et étudiants de la Villa Arson, à l’initiative de Pia Maria Martin. Ce sera enfin les programmations de nos partenaires des Straight 8 et du festival Super 8 de Cambridge qui démontrent avec brio que ce goût de l’image argentique est partagé un peu partout dans le monde. Percera-t-on le secret du charme ineffable de ces images ? Le Super 8 en particulier, avec son léger tremblé, sa lumière vibrante, évoque irrésistiblement le souvenir, l’intime, le familier et possède, comme dans le poème de Verlaine, l’inflexion des voix chères qui se sont tues. Cette édition 2022 est dédiée à Teresa et à Marianne

Vincent Jourdan Président de Regard Indépendant

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