Nietzsche, La volonté de puissance

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353.

Notre connaissance est devenue scientifique dans la mesure où il est possible d'évaluer et d'apprécier. Il y aurait lieu de faire un essai pour voir si l'on ne pourrait pas édifier un ordre scientifique des valeurs simplement sur une échelle graduée des forces. Toutes les autres " valeurs " sont des préjugés, des naïvetés, des malentendus. - Ils sont partout réductibles à cette échelle graduée de forces. La hausse dans cette échelle signifie une augmentation de valeur: la baisse: la diminution de valeur. - Ici on a l'apparence et le préjugé contre soi.

354.

Histoire de la moralisation et de l'amoralisation

Première proposition: il n'y a pas du tout d'actes moraux: ceux-ci sont purement imaginaires. Non seulement ils ne sont pas démontrables (ce que Kant a concédé et le christianisme aussi), - mais ils sont même impossibles. On a inventé une opposition aux forces actives, par un malentendu psychologique, croyant ainsi désigner une autre espèce de ces forces; on a imaginé un mobile premier qui n'existe pas du tout. D'après ce mode d'évaluer qui a mis en cours l'opposition entre " moral " et " immoral ", il faudrait dire: il n'y a que des intentions et des actes immoraux. Deuxième proposition: Toute cette distinction entre " moral " et " immoral " part du principe que tant les actes moraux que les actes immoraux sont des actes de libre spontanéité, - bref qu'une telle spontanéité existe, ou, autrement dit: que l'évaluation morale ne se rapporte qu'à une seule espèce d'intentions et d'actes, l'espèce libre. Mais toute cette espèce d'intentions et d'actes est purement imaginaire: le monde auquel on pourrait appliquer seulement l'échelle morale n'existe pas du tout: - il n'y a ni actes moraux ni actes immoraux.


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