Aurore-Niezsche

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Il y a tant d'aurores qui n'ont pas encore lui. Rigveda

Avant-propos

§1 Dans ce livre on trouvera au travail un être «souterrain», qui perce, creuse et ronge. On verra, en admettant que l’on ait des yeux pour un tel travail des profondeurs —, comme il s’avance lentement, avec circonspection et une douce inflexibilité, sans que l’on devine trop la misère qu’apporte avec elle toute longue privation d’air et de lumière; on pourrait presque le croire heureux de son travail obscur. Ne semble-t-il pas que quelque foi le conduise, que quelque consolation le dédommage? Qu’il veuille peut-être avoir une longue obscurité pour lui, des choses qui lui soient propres, des choses incompréhensibles, cachées, énigmatiques, parce qu’il sait ce qu’il aura en retour: son matin à lui, sa propre rédemption, sa propre aurore?... Certainement, il reviendra: ne lui demandez pas ce qu’il veut là en bas, il finira bien par vous le dire lui-même, ce Trophonios1, cet être d’apparence souterraine, dès qu’il se sera de nouveau «fait

1 Trophonios, divinité béotienne, sans doute identique à l'origine avec Zeus

Chthonios (souterrain), détaché ensuite de la personnalité du dieu suprême pour devenir un héros du monde infernal. Il rendait des oracles au sein de la Terre; son sanctuaire était à Lébadée où il formait avec Déméter et Persephoné un groupe dont le culte était administré par Hercyna nymphe du ruisseau qui coulait aux portes de la ville, elle-même divinité chtonienne, identique à Orcina (Orcus = enfer). Pour d'autres, Trophonios ne serait autre qu'un Hermès souterrain, celui qui dispose des trésors enfouis et qui en fait part aux humains. L'oracle de Lébadée passait pour être une émanation de celui d'Apollon à Delphes; il était en grand renom dès les guerres médiques. On le consultait de préférence dans les cas de maladie; ce qui fit que Trophonios et Hercyna furent confondus avec Asclepios et Hygie. Le côté mystérieux de ce culte ne fut pas sans susciter les railleries des comiques et même les censures des philosophes; cependant la croyance fut la plus forte, et la Descente chez Trophonios fit partie des pratiques les plus habituelles de la dévotion jusque sous l'empire romain. On en peut voir le cérémonial détaillé chez Pausanias (IX, 39 et 40). (D'après J.-A. Hild).

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