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2 Enjeux
2.1 Les pays émergents d’Afrique subsaharienne
Comme nous l’avons vu, les pays d’Afrique subsaharienne connaissent une forte croissance de leur population. La part de jeunes dans ces pays est donc très importante comparativement à leur population totale
Sources : World Population Prospectives 2022 (ONU)
Ce sont également ces pays où on observe une situation économique dégradée. En effet, la région est – et de loin – la plus défavorisée du monde sur le plan économique et social. En 2021, son revenu par habitant en parité de pouvoirs d’achat internationaux courants (PPAIC)16 5 830, 11$ (avec de grandes disparités entre revenues très élevés et plus petits). Par comparaison, le revenu par habitant en PPAIC est 51.072,12$ dans la zone euro17 (avec 59.460 $ pour la Belgique et de 51.850 $ pour la France) soit près de 10 fois supérieur.
De manière corrélée, ces pays ont la plupart du temps un indice de développement humain qui, même s’il s’améliore, reste très faible ces dernières décennies18
Ces conditions socio-démocratico-économiques ne leur permettent pas de répondre aux défis et aspirations de leur population notamment en termes d’accès aux droits fondamentaux (éducation, soins de santé, travail). Cette situation pousse une partie des jeunes adultes à prendre la route de l’exode.
2.2 Les pays développés de l’UE
Les pays développés tels la Belgique ou la France connaissent, quant à eux, des enjeux liés à leur démographie d’une tout autre nature. Comme nous l’avons vu, ces pays dits riches connaissent un ralentissement de l’évolution de leur solde naturel qui freine la croissance de leur population. Le flux migratoire est pour ces pays, dont la Belgique, le principal moteur de leur croissance démographique.
16 Pour pouvoir procéder à des comparaisons internationales de données économiques exprimées dans des monnaies différentes, les parités de pouvoir d’achat (PPA) permettent ces comparaisons de prix. C’est pourquoi, l’OCDE et d’autres organisations internationales utilisent fréquemment cet indicateur dans leurs études. Les PPA sont des rapports de prix en monnaie d’un même bien ou service dans différents pays.
17 Données extraites de la banque de données de la BIRD – Banque mondiale.
18 Ces pays ont une part non négligeable de leur population (part plus importante que pour les pays riches) vivant sous le seuil de pauvreté. Or selon la Banque mondiale, le nombre d’individus en situation d’extrême pauvreté dans le monde (vivant avec moins de 1,9 dollars par jour) est passé de 1,9 milliards en 1990 à 730 millions en 2020. Ceci étant, toutes ces personnes peinent à vivre et il y a encore beaucoup à faire pour leur assurer une vie décente.
Les enjeux qui se posent à ces pays développés sont davantage liés au vieillissement de leurs citoyens. En effet, ces pays doivent souvent mettre en place des politiques sociales et économiques afin que leurs citoyens vieillissent bien c’est-à-dire en bonne santé. Pour ce faire, il est nécessaire d’avoir de bonnes conditions de travail, une qualité de vie améliorée, une pension décente qui assure un pouvoir d’achat réel et en phase avec la société dans laquelle ils vivent. Il est également primordial pour ces pays de penser à des structures d’accueil et de soins au long court pour accompagner les seniors en perte d’autonomie ainsi que des politiques de soins ambulatoires efficaces.
En parallèle, ils doivent également prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la pérennité de leur sécurité sociale. En Belgique, l’une des sources financières principales de ces deux systèmes de solidarité interpersonnelle sont les cotisations sociales ordinaires des travailleurs et des employeurs. Selon le comité d’étude du vieillissement, ce coût total du système de sécurité social passerait de 24,5 %du PIB en 2019 à 29,7 % en 2050. Les dépenses en soins de santé, elles, passeraient de 7,8 % à 10,5 % du PIB. Pour envisager donc de manière plus sereine l’avenir, il faut pouvoir faire entrer de manière régulière, rapide et pérenne des jeunes sur le marché du travail.
Par ailleurs, des institutions internationales tels que le FMI et l’OCDE concluent depuis longtemps sur les retombées économiques positive de l’immigration sur les pays d’accueil. De manière générale en effet, l’immigration (de nature principalement économique) vers les pays les plus riches améliore leur croissance économique et leur productivité19
Accueillir ces personnes représente un gain pour le pays qui les reçoit. Néanmoins, ça doit pouvoir s’accompagner de politiques d’emploi active, d’accompagnement et de formation de ces migrants mais également des autochtones qui ne parviennent pas à s’insérer sur le marché du travail faute souvent d’un manque de qualifications. Et cet enjeu ne paraît pas insurmontable.
2.3 Enjeux transnationaux
Nous pensons ici aux enjeux environnementaux où les dérèglements climatiques que nous connaissons vont accentuer les pressions migratoires sur les pays moins impactés pour l’instant par ces dérèglements ou qui ont une plus grande résilience du fait de ressources financière plus importantes pour y faire face.
Des populations entières n’auront plus d’autres choix que d’émigrer pour assurer leur survie. En l’absencedemesuresconcrètes,desfoyersdemigrationclimatiquepourraientapparaîtredès203020 Cette situation forcerait 32 millions de personnes en Afrique de l’Ouest à migrer à l’intérieur de leur pays d’ici 2050. Les estimations sont encore plus élevées pour la région du bassin du lac Victoria qui risque de compter 38,5 millions de migrants internes sur la même période.
Enfin, l’immigration touche également une question plus fondamentale du droit à la dignité humaine. Tout être humain devrait pouvoir bénéficier d’un égal accès à l’éducation, aux soins élémentaires. Bref aux droits fondamentaux leur permettant de vivre dignement. C’est ce que nombre de migrants viennent chercher dans les pays riches. Comme le rappelle le groupe de travail mené par Thomas Piketty sur les inégalités dans le monde : la question de savoir comment financer ces services essentielsestentièrementpolitiqueetdépenddoncdel’ensemblederèglesetd’institutionsquese donneront les sociétés du monde entier21
Il en résulte que les pays plus riches et les pays émergents ont tout intérêt à collaborer au niveau de leur politique immigratoires vs émigratoire. Et ce, dans le respect l’un de l’autre et surtout des populations de part et d’autre.
19 FMI, Perspectives de l’économie mondiale – chapitre 4, avril 2020 et OCDE, Perspectives des migrations internationales 2013 – chapitre 3 «L’impactfiscaldel’immigrationdanslespaysdel’OCDE ».
20 Banque mondiale, rapports Groundswell Africa, 27 octobre 2021.
21 Rapport sur les inégalités mondiales, 2022, Lucas Chancel, Thomas Piketty, Emmanuel Saez, Gabriel Zucman (dir.), Seuil, 22 avril 2022