Guide du manifestant 2013

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MANIFESTANt

arrĂȘtĂ©

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Édition 2013


SOMMAIRE 04 - Vous ĂȘt es cont rĂŽlĂ© 05 - Les contrĂŽles d’identitĂ© 07 - La procĂ©dure de vĂ©rification d’identitĂ© 08 - La palpation de sĂ©curitĂ©, les fouilles 09 - Les menottes 10 - Conseils 11 - Focus – ContrĂŽles au faciĂšs : la lutte continue ! 12 - Vous ĂȘt es arrĂȘtĂ© 13 - Garde Ă  vue : vos droits 16 - Conseils lors des gardes Ă  vue 19 - Focus – Garde Ă  vue : chiffres et rĂ©alitĂ© 20 - Vous ĂȘt es accusĂ© 23 - Conseils 23 - Focus – Policiers-citoyens : un rapport de force inĂ©gal 24 - Vous ĂȘtes jugĂ© en comparut ion immĂ©diate 25 - Vos droits durant cette procĂ©dure 27 - Conseils 28 - Focus – Les dĂ©pĂŽts 29 - Focus – Les « peines planchers » 30 - Vous ĂȘt es fichĂ© 30 - Le STIC 32 - Le FNAEG 34 - Conseils 35 - Focus – Militantisme et refus de prĂ©lĂšvement ADN 2


E

n avril 2005, alors que le pouvoir s’était installĂ© dans une frĂ©nĂ©sie lĂ©gislative et policiĂšre ayant pour consĂ©quence, et parfois pour finalitĂ©, la rĂ©pression de nombreuses formes d’expression collective, le Syndicat de la magistrature, fidĂšle Ă  sa tradition d’accompagnement des luttes et des revendications du mouvement social, rĂ©digeait son premier « Guide du manifestant arrĂȘté ».

Les annĂ©es qui ont suivi, marquĂ©es par une pĂ©nalisation toujours accrue de toutes les formes de mobilisation (dĂ©cret « anti-cagoules », loi contre les « bandes » ), ont justifiĂ© une premiĂšre mise Ă  jour de ce guide en dĂ©cembre 2009. Puis il y eut l’alternance
 Mais l’arsenal rĂ©pressif est toujours en place mĂȘme si, sous la pression de la jurisprudence europĂ©enne puis nationale, une loi du 14 avril 2011 encadre dĂ©sormais plus strictement les conditions de placement en garde Ă  vue et renforce les droits des personnes qui la subissent. Et les premiers mois de la gauche sĂ©curitaire dĂ©complexĂ©e, aux manettes place Beauvau, ne laissent guĂšre augurer un changement sur le terrain. En tĂ©moigne l’interpellation Ă  Marseille le 17 aoĂ»t dernier – sur le fondement du dĂ©cret « anti-cagoules » du prĂ©cĂ©dent gouvernement – de plusieurs manifestants dĂ©filant sous des masques de carnaval pour protester contre la condamnation des « Pussy Riot » en Russie
 La rĂ©Ă©dition actualisĂ©e du « Guide du manifestant arrĂȘté » Ă©tait donc nĂ©cessaire. Rappelons cependant que le prĂ©sent guide n’a pas vocation Ă  se substituer aux conseils des professionnels du droit intervenant dans le cadre de la procĂ©dure pĂ©nale. Il n’a d’autre ambition que d’exposer les droits et devoirs des citoyens et de la puissance publique dans l’une des expressions majeures de la dĂ©mocratie que constitue la manifestation. 3


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La question des contrĂŽles d’identitĂ© et des fouilles est absolument stratĂ©gique pour la police et peut se rĂ©vĂ©ler dĂ©sastreuse pour les manifestants.

StratĂ©gique parce que les fouilles et contrĂŽles d’identitĂ© sont Ă  la source de la constatation de trĂšs nombreuses infractions, en l’occurrence les plus «  rentables  » en termes de statistiques policiĂšres. Ainsi, les infractions Ă  la lĂ©gislation sur les Ă©trangers, les petites dĂ©tentions de stupĂ©fiants, les ports d’armes (bombes lacrymogĂšnes, couteaux), sont presque toujours rĂ©vĂ©lĂ©s par des contrĂŽles d’identitĂ© et / ou des fouilles. Plus gĂ©nĂ©ralement, ces procĂ©dures peuvent ĂȘtre utilisĂ©es lors des manifestations, pour Ă©carter ou isoler certains manifestants. 4


DĂ©sastreuse pour les manifestants parce qu’à n’en pas douter, pressĂ©e par une politique du chiffre, la police se distingue en ces matiĂšres par un respect variable des procĂ©dures, contrĂŽlant parfois des individus en dehors du cadre posĂ© par la loi. DĂ©sastreuse aussi parce que fouilles et contrĂŽles d’identitĂ© dĂ©gĂ©nĂšrent souvent en procĂ©dures d’outrages et de rĂ©bellion. DĂ©sastreuse enfin parce que quelle que soit la façon dont se dĂ©roule votre contrĂŽle ce sont les policiers qui rĂ©digent la procĂ©dure, et vous aurez bien du mal Ă  faire la preuve contraire de leurs dĂ©clarations.

 Les contrĂŽles d'identitĂ© Les policiers ne peuvent pas contrĂŽler les identitĂ©s Ă  leur guise, mĂȘme si le cadre lĂ©gal actuel – bien trop large – ne permet pas d’éviter des pratiques discriminatoires que le Syndicat de la magistrature dĂ©nonce, avec d’autres, depuis de nombreuses annĂ©es. L’article 78-2 du code de procĂ©dure pĂ©nale prĂ©voit qu’un « contrĂŽle d’identitĂ© est possible sur une personne Ă  l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner : ‱ qu’elle a commis ou a tentĂ© de commettre une infraction ou se prĂ©pare Ă  commettre un crime ou un dĂ©lit ; ‱ qu’elle est susceptible de fournir des renseignements sur une enquĂȘte pĂ©nale en cours ; ‱ qu’elle fait l’objet de recherches judiciaires. Par ailleurs, le procureur de la RĂ©publique (art. 78-2 alinĂ©a 2 du C.P.P.) peut aussi prescrire aux policiers, par des rĂ©quisitions Ă©crites, de contrĂŽler des identitĂ©s pour des infractions prĂ©cises : infractions Ă  la lĂ©gislation sur les stupĂ©fiants, ports d’arme
 Dans ce cas, le procureur doit indiquer de façon extrĂȘmement prĂ©cise le lieu et l’heure 5


Ă  laquelle l’opĂ©ration de contrĂŽle se dĂ©roulera. TrĂšs concrĂštement, c’est la police qui demande au procureur de l’autoriser Ă  pratiquer de tels contrĂŽles et, dans certains parquets, le procureur de la RĂ©publique n’a plus qu’à signer la demande. Ce type de contrĂŽle a Ă©tĂ© mis en place dans le cadre de la politique migratoire et prĂšs de 90% des procĂ©dures de reconduite Ă  la frontiĂšre commencent par un contrĂŽle d’identitĂ©. Ces contrĂŽles sont ciblĂ©s, les lieux susceptibles d’ĂȘtre frĂ©quentĂ©s par telle ou telle population Ă©tant privilĂ©giĂ©s (stations de RER, de mĂ©tro, transports publics, mais aussi lieux de pĂšlerinage ou de culte). Mais, l’identitĂ© de toute personne peut Ă©galement ĂȘtre contrĂŽlĂ©e, quel que soit son comportement, pour « prĂ©venir une atteinte Ă  l’ordre public » (article 78-2 alinĂ©a 3 du code de procĂ©dure pĂ©nale) 
 critĂšre trĂšs vague ! En outre, des dispositions sont prĂ©vues pour les contrĂŽles d’identitĂ© aux abords des frontiĂšres ou dans les lieux ouverts au trafic international. Les motifs du contrĂŽle sont donc trĂšs larges, mais ils doivent nĂ©cessairement rĂ©pondre Ă  l’un de ces critĂšres, sous peine d’annulation de la procĂ©dure. Par exemple, pour en revenir aux manifestations, le fait de porter un autocollant ou une banderole avec un sigle syndical ou associatif, ou une inscription licite quelconque, ne justifie en aucun cas un contrĂŽle d’identitĂ©. Plus gĂ©nĂ©ralement, la police n’a pas le droit de vous demander de retirer un autocollant que vous portez, car c’est une atteinte Ă  la libertĂ© d’expression. De mĂȘme, vous avez le droit de photographier ou de filmer une manifestation et rien n’interdit de filmer les policiers dans des lieux publics. Ceux-ci n’ont pas le droit de confisquer votre matĂ©riel ou le film. Enfin, en dehors de la procĂ©dure de contrĂŽle d’identitĂ© prĂ©cĂ©demment Ă©voquĂ©e, la jurisprudence encadre les possibilitĂ©s de contrĂŽle de la situation administrative d’un Ă©tranger en application des dispositions de l’article L 611-1 du code de l’entrĂ©e et du sĂ©jour des Ă©trangers et du droit d‘asile. Il faut alors que « des Ă©lĂ©ments objectifs dĂ©duits des circonstances extĂ©rieures Ă  la personne mĂȘme de l’intĂ©ressĂ© soient de nature Ă  faire paraĂźtre sa qualitĂ© d’étranger ». En un mot, la couleur de la peau, l’accent d’une personne, le fait qu’elle parle une langue 6


Ă©trangĂšre ne permettent pas Ă  eux seuls de vĂ©rifier la rĂ©gularitĂ© de la situation administrative d’une personne. Toutefois, le juge admet comme valables des motifs de contrĂŽle de plus en plus nombreux : le fait de circuler dans une voiture immatriculĂ©e Ă  l’étranger, le fait d’entrer ou de sortir d’un foyer de travailleurs immigrĂ©s...

 La procĂ©dure de vĂ©rification d'identitĂ© Lors du contrĂŽle d’identitĂ©, deux situations peuvent se prĂ©senter, selon que vous aurez ou non sur vous de quoi justifier de votre identitĂ©. ‱ Si vous ĂȘtes de nationalitĂ© française, vous pouvez Ă©tablir votre identitĂ© par tout moyen, il n’est en effet pas obligatoire d’avoir sur vous une piĂšce d’identitĂ©. ‱ Si vous ĂȘtes de nationalitĂ© Ă©trangĂšre, vous devez, en principe, toujours avoir avec vous le titre ou les documents vous autorisant Ă  circuler ou Ă  sĂ©journer en France (une carte de sĂ©jour, un passeport avec un visa datant de moins de 3 mois, un rĂ©cĂ©pissĂ© de demande d’asile ou de titre de sĂ©jour ou encore une convocation Ă  la prĂ©fecture, etc...). Mais, si vous ne possĂ©dez pas de document d’identitĂ©, les policiers pourront dĂ©clencher une procĂ©dure de vĂ©rification d’identitĂ©, prĂ©vue par l’article 78-3 du code de procĂ©dure pĂ©nale. Cet article prĂ©cise que vous pouvez ĂȘtre retenu par la police qui souhaite vĂ©rifier votre identitĂ© pendant 4 heures au maximum Ă  partir du dĂ©but du contrĂŽle. Ce dĂ©lai ne peut servir qu’à dĂ©terminer ou vĂ©rifier votre identitĂ©. Vous devez ĂȘtre remis en libertĂ© dĂšs que votre identitĂ© est certaine. Au dĂ©but de cette procĂ©dure, vous avez le droit de faire aviser le procureur de la RĂ©publique de votre rĂ©tention. Si vous ĂȘtes mineur, le procureur de la RĂ©publique doit ĂȘtre informĂ© dĂšs le dĂ©but de la rĂ©tention et votre reprĂ©sentant lĂ©gal doit vous assister. Par ailleurs, vous pouvez faire aviser un membre de votre famille ou la personne de votre choix. 7


Si vous refusez de collaborer Ă  la vĂ©rification de votre identitĂ© (en faisant des dĂ©clarations manifestement fausses, par exemple), vos empreintes et des photographies peuvent ĂȘtre prises, sur autorisation du procureur de la RĂ©publique. Si vous refusez de vous soumettre Ă  cette mesure, vous pouvez ĂȘtre puni de 3 mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende (art. 78 5 du CPP).

 La palpation de sĂ©curitĂ©, l e s f o u i ll e s Lors d’une interpellation et Ă©ventuellement d’un contrĂŽle d’identitĂ©, la police peut seulement accomplir sur vous une palpation de sĂ©curitĂ©. Il s’agit d’une recherche extĂ©rieure, au-dessus des vĂȘtements, d’objets dangereux pour la sĂ©curitĂ© du porteur ou d’autrui. Cette palpation doit ĂȘtre accomplie par un policier du mĂȘme sexe et ne peut en aucun cas consister en des attouchements ou une fouille Ă  corps. La fouille, c’est-Ă -dire la recherche de preuves d’une infraction dans un sac ou dans des poches, ne peut ĂȘtre faite que par un officier de police judiciaire (et non par un agent de police judiciaire, tel qu’un agent de police municipale ou un gardien de la paix non habilitĂ©), pendant les heures lĂ©gales et dans le cadre d’une enquĂȘte. Elle est en effet assimilĂ©e par la jurisprudence Ă  une perquisition. Le nouveau code de dĂ©ontologie des forces de l’ordre, dont l’entrĂ©e en vigueur est prĂ©vue en avril 2013, prĂ©cise que ces palpations de sĂ©curitĂ© ne doivent pas revĂȘtir un caractĂšre systĂ©matique et doivent ĂȘtre rĂ©servĂ©es aux cas que les policiers et gendarmes « jugent nĂ©cessaires Ă  la garantie de leur sĂ©curitĂ© ou de celle d’autrui ». Mention Ă  part doit ĂȘtre faite de ce que la loi appelle les « visites de vĂ©hicules ». En effet, sauf lorsqu’il s’agit d’un vĂ©hicule d’habitation (caravanes notamment), la police peut fouiller un vĂ©hicule y compris le coffre, si elle a des « raisons plausibles de soupçonner qu’un crime ou un dĂ©lit flagrant a Ă©tĂ© commis par l’un des occupants » (art. 78-2-3 du C.P.P.). 8


La police peut aussi fouiller, avec l’accord du conducteur, tout vĂ©hicule « pour prĂ©venir une atteinte grave Ă  la sĂ©curitĂ© des personnes et des biens ». En cas de refus du propriĂ©taire, la police a le droit d’immobiliser le vĂ©hicule pendant trente minutes au maximum, en attendant les instructions du procureur de la RĂ©publique qui pourra autoriser la visite du vĂ©hicule (art. 78-2-4 du C.P.P.). Les contrĂŽles des vĂ©hicules peuvent enfin s’effectuer sur rĂ©quisitions Ă©crites du procureur de la RĂ©publique dans les conditions strictes de l’article 78-2-2 du C.P.P.

 Les menottes L’article 803 du Code de procĂ©dure pĂ©nale, issu de la loi du 4 janvier 1993, prĂ©voit que « nul ne peut ĂȘtre soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considĂ©rĂ© soit comme dangereux, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ». Ainsi, un contrĂŽle d’identitĂ©, s’il se dĂ©roule dans de bonnes conditions, ne devrait pas permettre le port des menottes. Toutefois, la pratique de la quasi-totalitĂ© des policiers consiste Ă  mettre les menottes de façon systĂ©matique Ă  toutes les personnes interpellĂ©es ou ramenĂ©es au poste de police. La raison en est simple : ces policiers craignent de voir leur responsabilitĂ© mise en cause, notamment par leur hiĂ©rarchie, en cas de fuite de la personne interpellĂ©e et jugent utile de prendre le moins de risques possibles. La pratique en la matiĂšre est donc trĂšs loin d’ĂȘtre conforme Ă  la lĂ©gislation.

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Conseils ‱ Si vous participez Ă  une manifestation, il vous est Ă©videmment conseillĂ© d’avoir sur vous vos papiers d’identitĂ©, afin d’éviter d’ĂȘtre emmenĂ© au poste de police au moindre contrĂŽle. N’ayez rien dans vos poches qui ressemble Ă  une arme. N’oubliez pas que les couteaux, les bombes lacrymogĂšnes sont considĂ©rĂ©s comme des armes. ‱ Si les policiers sont agressifs lors d’un contrĂŽle d’identitĂ©, restez poli, ne les tutoyez pas, mĂȘme s’ils vous tutoient. Ne faites aucun geste violent Ă  leur Ă©gard, car cela peut entraĂźner des procĂ©dures d’outrage, de rĂ©bellion ou de violences sur personne dĂ©positaire de l’autoritĂ© publique. Sachez que la nullitĂ© d’un contrĂŽle d’identitĂ© n’a pas d’incidence sur une procĂ©dure d’outrage ou de rĂ©bellion commis Ă  l’occasion de ce contrĂŽle. Prenez les coordonnĂ©es de toutes les personnes qui peuvent tĂ©moigner de la scĂšne, ou distribuez des petits papiers avec vos coordonnĂ©es aux personnes qui pourraient tĂ©moigner en votre faveur. ‱ Si vous ĂȘtes tĂ©moin d’un contrĂŽle ou d’une interpellation oĂč vous estimez que les policiers ne font pas correctement leur travail, n’hĂ©sitez pas Ă  la filmer, notamment avec vos tĂ©lĂ©phones portables. Ce film est un mode de preuve tout Ă  fait recevable devant un tribunal.‹Ne tentez pas de vous soustraire par la force Ă  un contrĂŽle d’identitĂ©, c’est un dĂ©lit de rĂ©bellion. ‱ Si la procĂ©dure de vĂ©rification a Ă©tĂ© enclenchĂ©e, donc que vous avez Ă©tĂ© emmenĂ© au commissariat, exigez une procĂ©dure Ă©crite et le respect de vos droits. Exercez notamment le droit de faire prĂ©venir le procureur de la RĂ©publique. ‹Une copie du procĂšs-verbal de contrĂŽle d’identitĂ© doit vous ĂȘtre remise aprĂšs les 4 heures de la vĂ©rification, s’il n’y a pas de garde Ă  vue Ă  la suite. Exigez ce document. ‹Avant de signer un procĂšs-verbal, relisez-le attentivement. Si vous n’ĂȘtes pas d’accord avec le contenu des procĂšs-verbaux contenant vos dĂ©clarations, vous devez demander Ă  ce qu’ils soient modifiĂ©s.‹En cas de refus, refusez de les signer et Ă©crivez pourquoi au bas du procĂšs-verbal. 10


Focus ContrĂŽles

au faciùs :

la lutte continue ! Pour mettre fin au dĂ©ni de la rĂ©alitĂ© de contrĂŽles d’identitĂ© multiples et discriminatoires dont sont victimes certaines populations, des rĂ©flexions et des enquĂȘtes ont Ă©tĂ© menĂ©es, de nature Ă  objectiver ces dĂ©voiements (Ă©tude d’Open Society Justice International et du CESDIP, rapport de Human Rights Watch, 
). Pourtant, malgrĂ© un engagement de campagne de François Hollande – qui avait suscitĂ© l’espoir – et un rapport du DĂ©fenseur des droits confirmant la nĂ©cessitĂ© d’une rĂ©forme, rien n’est Ă  ce jour mis en oeuvre pour lutter contre ces pratiques. De nombreuses organisations, dont le Syndicat de la magistrature, se sont donc mobilisĂ©es pour exiger le respect de cette promesse impliquant une rĂ©forme globale des contrĂŽles d’identitĂ© (cadre lĂ©gal plus restrictif, rĂ©cĂ©pissĂ© de contrĂŽle, formation des policiers, mise en place d’un dialogue police/citoyens au niveau local, 
). Une initiative mĂ©rite Ă©galement d’ĂȘtre soulignĂ©e, qui consiste dans la mise en place d’une action nationale contre les contrĂŽles abusifs. Pour y participer, rien de plus simple : il suffit, si vous ĂȘtes contrĂŽlĂ©, d’envoyer «  ContrĂŽle  » par SMS au 07 60 19 33 81. Vous serez recontactĂ© dans les 24 heures par une personne qui vous demandera de prĂ©ciser la date, l’heure, le lieu, le contexte et le motif annoncĂ© du contrĂŽle et le comportement des policiers. Pour plus d’informations, vous pouvez vous connecter au site : www.stoplecontroleaufacies.fr 11


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ĂȘt e s ARRÊT Ă© AprĂšs votre interpellation, vous serez prĂ©sentĂ© Ă  un officier de police judiciaire (OPJ) qui a seul le pouvoir de vous placer en garde Ă  vue. La procĂ©dure de garde Ă  vue a Ă©tĂ© modifiĂ©e par la loi du 14 avril 2011.

L’OPJ peut dĂ©cider de vous placer en garde Ă  vue s’il soupçonne que vous avez commis ou tentĂ© de commettre une infraction punie d’une peine d’emprisonnement – en pratique, presque tous les dĂ©lits et tous les crimes. Cette mesure doit dĂ©sormais rĂ©pondre Ă  certains objectifs (permettre l’exĂ©cution d’investigations nĂ©cessitant la prĂ©sence de la personne, garantir sa reprĂ©sentation devant le procureur de la RĂ©publique, prĂ©server des preuves ou indices, empĂȘcher les pressions, faire cesser l’infraction
). 12


La durĂ©e de la garde Ă  vue est en principe de 48 heures maximum. Elle se calcule toujours Ă  partir de l’heure de votre interpellation par la police (les 4 heures Ă©ventuelles de rĂ©tention pour la vĂ©rification d’identitĂ© Ă©tant incluses). TrĂšs concrĂštement, la garde Ă  vue consiste dans une rĂ©tention au sein du poste de police. Elle est composĂ©e de pĂ©riodes de « repos » dans une salle exiguĂ«, souvent sale et rarement lumineuse, entrecoupĂ©es par des interrogatoires et divers actes (prise d’empreintes, photographies
). La garde Ă  vue se termine nĂ©cessairement sur instruction du procureur de la RĂ©publique, qui par ailleurs contrĂŽle son dĂ©roulement. Celui-ci peut alors vous faire remettre une convocation en justice, vous laisser libre sans suite judiciaire, ou vous faire amener par la force publique au palais de justice : c’est le dĂ©fĂšrement et souvent, la comparution immĂ©diate.

 Garde Ă  vue : vos droits ‱ DĂšs le dĂ©but de la garde Ă  vue, vous devez ĂȘtre immĂ©diatement informĂ© de vos droits (avocat, mĂ©decin, avis Ă  votre famille) dans une langue que vous comprenez (art. 63-1 du CPP). Si l’interprĂšte ne peut se dĂ©placer, cela pourra se faire par les moyens de tĂ©lĂ©communication autorisĂ©s. ‱ Vous avez le droit de savoir quelle infraction vous est reprochĂ©e. Vous devez demander que ce soit Ă©crit sur le procĂšs-verbal. ‱ Vous avez le droit de rencontrer un avocat que vous avez choisi ou un avocat qui est mis Ă  votre disposition si vous n’en connaissez pas. Les policiers disposent d’un dĂ©lai de 3 heures pour mettre en Ɠuvre ce droit, mais l’avocat, lui, ne dispose d’aucun dĂ©lai pour venir vous voir. Si votre garde Ă  vue est prolongĂ©e, l’officier de police judiciaire vous demandera si vous voulez de nouveau vous entretenir avec 13


un avocat. En matiĂšre de stupĂ©fiants, l’avocat n’interviendra toutefois qu’à partir de la 72e heure. ‱ Depuis la loi du 14 avril 2011, l’avocat peut assister Ă  vos interrogatoires. Son rĂŽle est donc beaucoup plus important qu’auparavant, oĂč son intervention se limitait Ă  un entretien d’une demi-heure maximum avec la personne gardĂ©e Ă  vue. DĂ©sormais, il peut mĂȘme poser des questions ou faire des observations Ă  l’issue de chaque interrogatoire. Il peut aussi se faire communiquer vos auditions ainsi que les procĂšs-verbaux qui mentionnent la notification de vos droits. Dans de trĂšs rares cas, le procureur de la RĂ©publique pourra dĂ©cider de reporter l’arrivĂ©e de l’avocat pendant une durĂ©e maximum de 12 heures. L’avocat n’a en aucun cas le droit de faire Ă©tat Ă  un tiers de ce dont il a eu connaissance dans le cadre de son intervention auprĂšs de vous. ‱ Autre Ă©volution essentielle : les policiers sont tenus de vous dire, au dĂ©but de la garde Ă  vue, que vous avez le droit de garder le silence, donc de ne pas rĂ©pondre Ă  leurs questions. ‱ DĂšs le dĂ©but de la garde Ă  vue, sauf si le procureur de la RĂ©publique s’y oppose, vous pouvez faire prĂ©venir, par l’intermĂ©diaire d’un policier, par tĂ©lĂ©phone, un proche (la personne avec qui vous vivez habituellement, un membre de votre famille ou votre employeur). À tout moment de la garde Ă  vue, Ă  votre demande ou Ă  celle d’un membre de votre famille, vous pouvez ĂȘtre examinĂ© par un mĂ©decin. AprĂšs 24 heures de garde Ă  vue, vous avez le droit de demander une seconde fois Ă  voir un mĂ©decin. Si vous avez moins de 16 ans, un mĂ©decin est dĂ©signĂ© dĂšs le dĂ©but de la garde Ă  vue pour vous examiner. Si on vous reproche une infraction Ă  la lĂ©gislation sur les stupĂ©fiants, un mĂ©decin doit vous examiner dĂšs la premiĂšre heure de garde Ă  vue, puis toutes les 24h, en plus des examens que vous pouvez personnellement demander. Vous pouvez ĂȘtre retenu au maximum 48 heures (96 heures lorsque des stupĂ©fiants sont en cause, selon l’art. 63-1 du CPP). La prolongation 14


d’une garde Ă  vue de 24 heures Ă  48 heures doit ĂȘtre autorisĂ©e par le procureur de la RĂ©publique. Cette garantie reste limitĂ©e : il est en pratique assez rare que celui-ci refuse une prolongation demandĂ©e par les policiers. En revanche, depuis la loi du 14 avril 2011, le procureur de la RĂ©publique est tenu, sauf motif exceptionnel, de vous recevoir avant de prolonger cette garde Ă  vue – l’exception risque toutefois de se banaliser
 Si vous ĂȘtes mineur, la prolongation de la garde Ă  vue sera en revanche obligatoirement dĂ©cidĂ©e aprĂšs un entretien avec le procureur de la RĂ©publique. Par ailleurs, vos « civilement responsables » (les parents) doivent ĂȘtre nĂ©cessairement avisĂ©s de la mesure. Un arrĂȘtĂ© du 9 juin 2011 est venu limiter les possibilitĂ©s de fouilles au moment de la garde Ă  vue. En particulier, les mises Ă  nu intĂ©grales sont dĂ©sormais prohibĂ©es par principe. Les mesures de sĂ©curitĂ© ne peuvent plus dĂ©sormais comprendre qu’une palpation de sĂ©curitĂ©, l’utilisation de moyens de dĂ©tection Ă©lectronique, le retrait d’objets pouvant constituer des dangers pour la sĂ©curitĂ© de la personne ou d’autrui ou encore le retrait de vĂȘtements, mais de façon non systĂ©matique. Du reste, les objets dont le port est nĂ©cessaire Ă  la dignitĂ© de la personne (lunettes, soutiens gorge
) doivent lui ĂȘtre remis lors des auditions. Cette derniĂšre disposition dĂ©coule d’une revendication ancienne (premier rapport pour l’annĂ©e 2008) du contrĂŽleur gĂ©nĂ©ral des lieux de privation de libertĂ©. L’article 63-7 du Code de procĂ©dure pĂ©nale rĂ©serve un seul cas oĂč une fouille intĂ©grale peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e : Ă  titre exceptionnel, pour les nĂ©cessitĂ©s de l’enquĂȘte et si les autres mĂ©thodes ne peuvent ĂȘtre utilisĂ©es. La rĂ©alisation de cette fouille doit impĂ©rativement ĂȘtre consignĂ©e sur procĂšs-verbal. Elle ne peut avoir lieu que dans un local confinĂ© et ĂȘtre faite par un policier du mĂȘme sexe que vous. Enfin, les policiers doivent vous donner la possibilitĂ© de boire lorsque vous le dĂ©sirez ; par ailleurs, des plateaux doivent vous ĂȘtre proposĂ©s aux moments des repas.

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Conseils lors des gardes Ă  vue ‱ Au moment de votre interpellation, il peut ĂȘtre utile d’avoir sur vous les coordonnĂ©es d’un ou plusieurs avocats lorsque vous participez Ă  une manifestation. ‱ Il est trĂšs important pour vous de faire appel Ă  un avocat. Les enquĂȘteurs essaieront peut-ĂȘtre de vous en dissuader au motif que cela rallongera votre garde Ă  vue : ne vous laissez pas impressionner par ces intimidations et exigez la venue d’un avocat. Sachez que si vous demandez un avocat, votre interrogatoire ne pourra pas avoir lieu avant un dĂ©lai de 2 heures aprĂšs l’appel Ă  l’avocat, afin de laisser Ă  celui-ci un temps minimal pour arriver. ‱ Si vous ne connaissez pas d’avocat, n’hĂ©sitez pas Ă  dire que vous sollicitez la dĂ©signation d’un avocat commis d’office. ‱ Si l’exercice d’un de vos droits vous a Ă©tĂ© refusĂ© ou ne vous a pas Ă©tĂ© signifiĂ© par le policier, faites noter sur le procĂšs-verbal que vous avez demandĂ© ce droit, ou notez le vous-mĂȘme avant de le signer. Parlezen impĂ©rativement Ă  votre avocat, car le non-respect de vos droits rend toute la procĂ©dure nulle. ‱ Relisez trĂšs attentivement les procĂšs-verbaux : une incomprĂ©hension ou une mauvaise interprĂ©tation par le policier de ce que vous avez voulu dire est toujours possible. Sachez que vos procĂšs-verbaux d’audition auront une importance majeure pour la suite de la procĂ©dure. Si le procĂšs-verbal ne vous semble pas correspondre Ă  ce que vous avez voulu dire, demandez au policier de modifier les points litigieux. S’il refuse, vous pouvez refuser de signer le procĂšs-verbal. Dans ce cas, Ă©crivez le plus prĂ©cisĂ©ment possible, en bas de ce procĂšs-verbal, 16


la raison pour laquelle vous refusez de le signer et les propos retranscrits avec lesquels vous n’ĂȘtes pas d’accord. ‱ La garde Ă  vue doit aussi servir Ă  faire rĂ©aliser des auditions et vĂ©rifications allant dans votre sens si vous contestez les faits. N’hĂ©sitez donc pas Ă  les demander, notamment dans le cadre des auditions afin que cela soit inscrit dans les procĂšs-verbaux. ‱ Il peut arriver que des policiers vous conseillent instamment d’avouer les faits afin d’obtenir une dĂ©cision plus avantageuse ou pour ĂȘtre plus rapidement remis en libertĂ©. Vous devez savoir que ce « marchandage » n’est absolument pas lĂ©gal. RĂ©flĂ©chissez bien car en pratique, si vous avez avouĂ© les faits sur procĂšs-verbal, quelles qu’en soient les raisons, vous n’aurez par la suite quasiment plus aucune chance d’ĂȘtre cru par le juge ou le procureur, si vous revenez sur vos aveux. ‱ Les policiers n’ont Ă©videmment pas le droit de vous faire subir des violences, ni physiques, ni morales, au cours de la garde Ă  vue (art. 222-13 du CP et art. 3 de la Convention europĂ©enne des droits de l’homme). Si c’est le cas, mentionnez Ă  la fin de votre procĂšs-verbal, au moment de la signature, que vous avez Ă©tĂ© victime de violences. Parlez-en au commissariat Ă  tous les policiers que vous rencontrez, Ă  d’autres gardĂ©s Ă  vue, Ă  l’avocat (qui pourra faire des observations jointes dans la procĂ©dure) et, bien sĂ»r, au procureur de la RĂ©publique lors de la prolongation ou si vous ĂȘtes conduit au tribunal. Le principe est de se constituer un maximum de preuves au soutien d’une plainte future Ă©ventuelle. ‱ Lorsque vous sortirez du commissariat, vous aurez la possibilitĂ© de porter plainte. Si les infractions que vous prĂ©tendez avoir subies ont Ă©tĂ© commises par des policiers Ă  Paris ou dans la petite couronne, vous devez dĂ©poser plainte Ă  l’Inspection GĂ©nĂ©rale des Services, 30, rue HĂ©nard, 75012 Paris (tĂ©lĂ©phone : 01 56 95 11 57). Donnezleur le maximum de preuves de vos dĂ©clarations. Sinon, il faut dĂ©poser plainte au commissariat de police, dans une gendarmerie, ou en Ă©crivant directement au procureur de la RĂ©publique. 17


‱ En cas de manquement Ă  la dĂ©ontologie d’un policier, d’un gendarme, d’un surveillant de prison, vous avez aussi la possibilitĂ© de saisir le collĂšge de la dĂ©ontologie de la sĂ©curitĂ© du DĂ©fenseur des droits. Celui-ci fera procĂ©der Ă  une enquĂȘte et pourra adresser des observations au gouvernement. Cette saisine peut s’ajouter Ă  une plainte pĂ©nale. Deux possibilitĂ©s de saisine s’offrent Ă  vous : soit en vous connectant sur le site du dĂ©fenseur, soit en lui Ă©crivant un courrier motivĂ© Ă  l’adresse suivante : Monsieur le DĂ©fenseur des Droits, 7 rue saint Florentin, 75049 Paris. ‱ Enfin, vous pouvez prendre contact avec la commission nationale Citoyens-Justice-Police composĂ©e de la LDH, du Syndicat des Avocats de France et du Syndicat de la Magistrature. Il faut lui adresser un courrier pour information en joignant une copie de la plainte, ainsi que le dossier contenant l’ensemble des documents qui la fondent, au 138 rue Marcadet 75018 Paris (tĂ©l. 01 56 55 51 00 fax 01 42 55 51 21). Cette commission, non officielle, pourra rĂ©aliser une enquĂȘte qui aura pour vocation de mettre en Ă©vidence les dysfonctionnements policiers et interpeller les autoritĂ©s. ‱ N’oubliez pas que la garde Ă  vue consiste gĂ©nĂ©ralement en un face Ă  face entre vous et la police et que votre parole aura toujours moins de valeur que celle du policier : il est donc clairement dans votre intĂ©rĂȘt que celle-ci se passe le mieux possible. Vous serez d’autant plus Ă©coutĂ© que vous serez poli et respectueux.

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Focus Garde

Ă  vue

:

chiffres et rĂ©alitĂ© Initialement prĂ©vue pour rĂ©pondre aux nĂ©cessitĂ©s d’une enquĂȘte, la garde Ă  vue Ă©tait progressivement, depuis les annĂ©es 2000, devenue un des indices principaux de l’activitĂ© de la police. Ainsi, les officiers de police judiciaire recevaient de leur hiĂ©rarchie la consigne de placer de façon quasiment systĂ©matique en garde Ă  vue les personnes qui leur Ă©taient prĂ©sentĂ©es. Il n’était donc pas surprenant, dans ces conditions, que le nombre des gardes Ă  vue explosĂąt. Ainsi, selon les statistiques du ministĂšre de l’intĂ©rieur, elles sont passĂ©es de 336 718 Ă  562 083 entre 2001 et 2007, soit une augmentation de 67% – et encore, sans compter toutes celles prises pour des infractions routiĂšres. La rĂ©forme du 4 avril 2011, qui a Ă©tĂ© imposĂ©e au gouvernement par la jurisprudence europĂ©enne puis nationale, a incontestablement eu pour effet de faire baisser le nombre de gardes Ă  vue. Ainsi, le comitĂ© de suivi de la rĂ©forme a mis en Ă©vidence que ce nombre avait chutĂ© de 22,6% entre juin et novembre 2011 par rapport Ă  la mĂȘme pĂ©riode de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, soit 150 000 gardes Ă  vue de moins. En revanche, ce comitĂ© de suivi a rĂ©vĂ©lĂ© en janvier 2012 que seuls 35% des personnes gardĂ©es Ă  vue faisaient appel Ă  un avocat, et que, lorsqu’ils Ă©taient sollicitĂ©s, les avocats ne se dĂ©plaçaient que dans 85% des cas.

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De nombreuses infractions peuvent ĂȘtre reprochĂ©es Ă  des manifestants. Certaines sont spĂ©cifiques Ă  l’acte de manifester, la plupart sont des infractions « classiques », mais frĂ©quemment commises par – ou utilisĂ©es contre – des manifestants. Petite revue de dĂ©tail. La rĂ©bellion et les violences. La rĂ©bellion consiste Ă  « opposer une rĂ©sistance violente » Ă  des personnes dĂ©positaires de l’autoritĂ© publique (policiers ou gendarmes) ou chargĂ©es d’une mission de service public (contrĂŽleurs de bus, par exemple) agissant dans l’exercice de leurs fonctions. Ce dĂ©lit se distingue des violences pures, car il ne suppose pas que des coups soient portĂ©s. Il suffit juste que la personne ne se laisse pas faire durant une interpellation ou un contrĂŽle d’identitĂ©. La rĂ©bellion « simple » est punie de 6 mois d’emprisonnement et d’un an d’emprisonnement lorsqu’elle est commise en rĂ©union (Ă  plusieurs), de 3 ans lorsqu’elle est commise avec une arme et de 7 ans lorsqu’elle est le fait de plusieurs personnes 20


armĂ©es. Le fait, par des cris ou des Ă©crits, de demander Ă  d’autres de se rebeller est un dĂ©lit puni de 7 500 euros d’amende. Par ailleurs, toute violence sur une personne dĂ©positaire de l’autoritĂ© publique, quelle que soit sa gravitĂ©, est un dĂ©lit puni d’emprisonnement. L’outrage consiste en des « paroles, gestes ou menaces, des Ă©crits ou images, l’envoi d’objets quelconques, de nature Ă  porter atteinte Ă  la dignitĂ© ou au respect dĂ» Ă  la fonction » d’une personne protĂ©gĂ©e par la loi. De nombreuses professions sont protĂ©gĂ©es : les dĂ©positaires de l’autoritĂ© publique, les inspecteurs et contrĂŽleurs du travail ou de la formation professionnelle, les agents d’un rĂ©seau de transport public (6 mois d’emprisonnement encourus), les personnes chargĂ©es d’une mission de service public (professeurs, infirmiers : 7 500 euros d’amende encourus). À noter que, depuis une loi du 18 mars 2003, le drapeau et l’hymne national sont susceptibles d’ĂȘtre victimes d’un outrage (7 500 euros d’amende encouru si l’auteur agit seul, mais 6 mois d’emprisonnement si plusieurs personnes agissent de concert). D’autres infractions concernent la participation Ă  une manifestation illicite. Le dĂ©cret-loi du 23 octobre 1935 dispose que « sont soumis Ă  l’obligation d’une dĂ©claration prĂ©alable tous cortĂšges, dĂ©filĂ©s et rassemblements de personnes et, d’une façon gĂ©nĂ©rale, toutes manifestations sur la voie publique ». ConcrĂštement, la dĂ©claration est faite, contre rĂ©cĂ©pissĂ©, auprĂšs du maire, du prĂ©fet de police Ă  Paris, ou du prĂ©fet ou du sous-prĂ©fet en zone de police d’État, au moins trois et au plus quinze jours francs avant la manifestation. Elle est signĂ©e par trois des organisateurs qui indiquent le but, la date, l’heure du rassemblement ainsi que l’itinĂ©raire projetĂ©. L’autoritĂ© peut interdire la manifestation si elle est de nature Ă  troubler l’ordre public. L’organisation d’une manifestation non ou inexactement dĂ©clarĂ©e ou interdite est punie de 6 mois d’emprisonnement ; la participation Ă  une manifestation en Ă©tant porteur d’une arme est punie de 3 ans d’emprisonnement. S’agissant maintenant des attroupements, c’est-Ă -dire « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public », la loi autorise la police Ă  les disperser par la force aprĂšs des sommations infructueuses (articles R.431-1 Ă  431-3 du Code pĂ©nal). Plusieurs infractions dĂ©coulent de ces textes. Tout d’abord, 21


le fait de participer Ă  un attroupement en Ă©tant porteur d’une arme est puni de 3 ans d’emprisonnement ; quant au simple fait de continuer de participer Ă  un attroupement aprĂšs les sommations de dispersion, il est puni d’un an d’emprisonnement (3 ans si le participant a le visage dissimulĂ© et 5 ans si le participant est porteur d’une arme). La provocation Ă  l’attroupement armĂ© (le fait, par paroles ou Ă©crits, de tenter d’organiser un attroupement) est, quant Ă  elle, punie d’un an d’emprisonnement, mais de sept si la provocation a Ă©tĂ© suivie d’effet. Les entraves «  par menaces, coups, violences, voies de fait, dĂ©gradations » Ă  la libertĂ© du travail, d’association, de rĂ©union ou de manifestation sont punies de 3 annĂ©es d’emprisonnement (une seule pour l’entrave Ă  la libertĂ© d’expression). DerniĂšre venue des infractions relatives aux manifestations, la contravention de cinquiĂšme classe (c’est-Ă -dire punie de 1 500 euros d’amende et insusceptible de conduire en garde Ă  vue) qui consiste Ă  « dissimuler volontairement son visage afin de ne pas ĂȘtre identifiĂ© dans des circonstances faisant craindre des atteintes Ă  l’ordre public, au sein ou aux abords immĂ©diats d’une manifestation sur la voie publique » (art. R.645-14 du Code pĂ©nal). Il s’agit du fameux dĂ©cret « anti-cagoules » du 19 juin 2009. Le procureur de la RĂ©publique devra donc prouver, pour que vous soyez condamnĂ© : ‱ que vous avez dissimulĂ© votre visage afin de ne pas ĂȘtre identifiĂ© (et non parce que vous avez froid ou pour ne pas transmettre la grippe) ; ‱ que cette dissimulation faisait craindre des troubles Ă  l’ordre public (et donc que vous vous apprĂȘtiez Ă  commettre du vandalisme, ou Ă©tiez en compagnie de personnes qui le faisaient). Enfin, la loi du 2 mars 2012 « relative au renforcement de la lutte contre les violences de groupe » punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende « le fait pour une personne de participer sciemment Ă  un groupe, mĂȘme de façon temporaire, en vue de la prĂ©paration de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou de dĂ©gradations de biens ». Cette proposition, Ă©manant du maire de Nice Christian Estrosi, a fait suite Ă  l’opportune « rĂ©vĂ©lation » d’un rapport 22


« confidentiel » du ministĂšre de l’IntĂ©rieur dĂ©nombrant, avec une prĂ©cision forçant l’admiration, la prĂ©sence de 222 bandes violentes sur le territoire national, sans que l’on sache exactement ce qu’est une « bande »  Évidemment, le libellĂ© de la loi rendra la preuve de l’infraction extrĂȘmement difficile Ă  rapporter et – espĂ©rons-le – les poursuites rares.

Conseils Si des violences contre des biens ou des personnes, ou des outrages vous sont reprochĂ©s, il est trĂšs important d’avoir pris les coordonnĂ©es des personnes pouvant tĂ©moigner en votre faveur. Avant de manifester, ayez sur vous des petits papiers oĂč vous avez Ă©crit votre nom et votre tĂ©lĂ©phone, pour pouvoir les distribuer en urgence aux tĂ©moins au moment oĂč la police vous emmĂšne et tĂąchez de prendre les coordonnĂ©es des tĂ©moins. Ces tĂ©moignages pourront se rĂ©vĂ©ler cruciaux si vous contestez la version des policiers.

Focus Policiers-citoyens : un rapport de force inĂ©gal

L’article 430 du Code de procĂ©dure pĂ©nale dispose que « les procĂšs-verbaux constatant les dĂ©lits ne valent qu’à titre de simples renseignements ». La loi considĂšre donc que ce qui est affirmĂ© par un rapport de police n’a pas une valeur probante supĂ©rieure Ă  un autre Ă©lĂ©ment d’enquĂȘte et notamment aux dĂ©clarations d’un tĂ©moin ou d’un mis en cause. Beaucoup de policiers – ou mĂȘme de professionnels du droit – l’ignorent et pensent qu’un procĂšs-verbal de police vaut jusqu’à preuve contraire, voire jusqu’à inscription de faux (c’est-Ă -dire jusqu’à ce qu’une plainte pour faux ait Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e). En pratique toutefois, et souvent par dĂ©faut, les juges ont clairement tendance Ă  faire prĂ©valoir la parole d’un policier sur tout autre mode de preuve. De trĂšs nombreuses condamnations prononcĂ©es pour outrage et rĂ©bellion ne sont basĂ©es que sur les dĂ©clarations de la police, fussent-elles contredites par celles des personnes poursuivies. 23


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Si, Ă  la fin de votre garde Ă  vue, le procureur de la RĂ©publique estime disposer de suffisamment d’indices dĂ©montrant que vous avez commis une infraction, il est trĂšs vraisemblable qu’il dĂ©cide de vous faire juger selon la procĂ©dure de comparution immĂ©diate.

MĂȘme si la circulaire de politique pĂ©nale de la nouvelle garde des sceaux rappelle le principe d’individualisation des dĂ©cisions de poursuite et demande de prendre le temps nĂ©cessaire Ă  cela, la procĂ©dure de comparution immĂ©diate reste Ă  ce jour trĂšs largement utilisĂ©e. HĂ©ritiĂšre des cĂ©lĂšbres « flagrants dĂ©lits », cette procĂ©dure est placĂ©e sous le signe de la rapiditĂ©, qui confine d’ailleurs souvent Ă  une certaine brutalitĂ© (passage des geĂŽles de garde Ă  vue au palais de justice et accompagnement par des 24


policiers jusqu’à une salle d’audience, temps trĂšs rĂ©duit pour prĂ©parer sa dĂ©fense, caractĂšre expĂ©ditif de l’audience, frĂ©quent manque d’imagination dans le choix de la peine requise par le procureur
). La comparution immĂ©diate permet donc un jugement « à chaud », immĂ©diatement aprĂšs la garde Ă  vue, par le tribunal correctionnel. La seule condition est que la peine encourue pour l’infraction soit supĂ©rieure, en matiĂšre de flagrance, Ă  6 mois d’emprisonnement : autant dire que l’immense majoritĂ© des dĂ©lits est concernĂ©e. Par exemple, si vous avez commis des dĂ©gradations, un outrage ou une rĂ©bellion, vous pouvez ĂȘtre jugĂ© selon cette procĂ©dure. L’autre avantage – pas vraiment pour vous – de cette procĂ©dure est que le tribunal peut vous incarcĂ©rer quel que soit le quantum de la peine prononcĂ©e. En pratique, Ă  votre arrivĂ©e au tribunal, vous serez reçu par le procureur de la RĂ©publique qui vous indiquera les infractions qu’il vous reproche et recueillera de sommaires observations. Vous rencontrerez ensuite votre avocat (celui que vous aurez choisi ou un avocat commis d’office si vous ne connaissez pas d’avocat ou n’avez pas les moyens de le payer ; Ă  noter que l’avocat commis d’office ne sera pas nĂ©cessairement celui qui vous aura rendu visite en garde Ă  vue) et un travailleur social. Ce n’est qu’un peu plus tard que vous serez jugĂ© par un tribunal composĂ© de trois magistrats. Par ailleurs, si votre garde Ă  vue prend fin un week-end ou un jour fĂ©riĂ©, vous pourrez ĂȘtre placĂ© par un juge en dĂ©tention provisoire pendant quelques jours (trois au maximum), jusqu’à votre comparution devant un tribunal.

 Vos droits durant cette procĂ©dure Au dĂ©but de l’audience, le prĂ©sident vous demandera si vous souhaitez ĂȘtre jugĂ© immĂ©diatement ou si vous prĂ©fĂ©rez bĂ©nĂ©ficier d’un dĂ©lai 25


pour prĂ©parer votre dĂ©fense. Il faut absolument que vous ayez tranchĂ© cette question avant l’audience avec votre avocat. Si vous refusez d’ĂȘtre jugĂ© immĂ©diatement, le tribunal pourra alors dĂ©cider de vous placer en dĂ©tention. ThĂ©oriquement, les motifs qui peuvent jouer en votre dĂ©faveur sont limitatifs (risque de concertation avec d’autres co-auteurs, risque de pression sur la victime, risque de renouvellement des faits ou de fuite). En rĂ©alitĂ©, la perception qu’auront les juges de la gravitĂ© de l’affaire risque de jouer un rĂŽle essentiel dans leur dĂ©cision. Parlezen avec votre avocat. Il pourra, avant l’audience, obtenir une preuve de votre activitĂ© professionnelle et Ă©ventuellement une promesse de logement si le tribunal souhaite votre Ă©loignement d’ici Ă  l’audience. La dĂ©tention provisoire, si elle est ordonnĂ©e, durera alors au maximum six semaines et au minimum deux semaines. Vous avez le droit de faire appel de la dĂ©cision du tribunal qui vous condamne. En revanche, si l’affaire est renvoyĂ©e et que vous ĂȘtes placĂ© en dĂ©tention provisoire, vous pourrez Ă  tout moment formuler une demande de mise en libertĂ©. 26


Conseils ‱ Il peut ĂȘtre opportun de connaĂźtre un nom et le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone d’un avocat afin d’ĂȘtre dĂ©fendu au mieux de vos intĂ©rĂȘts, mĂȘme si la dĂ©fense dite d’urgence n’est pas nĂ©cessairement mauvaise, contrairement Ă  ce qu’il se dit parfois. ‱ Devant le travailleur social, vous avez intĂ©rĂȘt Ă  montrer que vous avez une vraie stabilitĂ© professionnelle et familiale et Ă  donner tous les Ă©lĂ©ments possibles Ă  ce professionnel pour qu’il puisse contacter ceux qui pourront attester de cette insertion. Cela ne pourra que jouer en votre faveur, surtout si vous ĂȘtes rĂ©cidiviste et que vous encourrez les fameuses « peines planchers ». ‱ Devant le tribunal soyez calme et poli. Écoutez les conseils de votre avocat, dont la prĂ©sence est obligatoire, sur l’attitude Ă  avoir et surtout sur les dĂ©clarations Ă  faire au tribunal.

27


Focus Les

dépÎts

Si vous avez Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© sur le ressort des tribunaux de Paris, Bobigny ou CrĂ©teil, vous aurez peut-ĂȘtre Ă  passer la nuit dans un des tristement cĂ©lĂšbres « dĂ©pĂŽts » des tribunaux, oĂč, selon la loi, vous pouvez rester 20 heures au maximum entre la fin de votre garde Ă  vue et votre entretien avec le procureur. UtilisĂ©s au dĂ©part dans la plus grande opacitĂ© juridique, les dĂ©pĂŽts ont Ă©tĂ© « lĂ©galisĂ©s » par la loi du 9 mars 2004. Vous devez savoir qu’à votre arrivĂ©e dans ces accueillants locaux, les policiers ont l’obligation de vous notifier des droits (prĂ©venir un membre de votre famille, mĂ©decin, avocat). Vous avez toujours intĂ©rĂȘt Ă  utiliser le maximum de droits, ne serait-ce qu’au cas oĂč un problĂšme surviendrait entre le moment oĂč vous avez demandĂ© Ă  voir un avocat et le moment oĂč celui-ci arrive. Du reste, si les policiers ont omis de vous donner connaissance de vos droits, signalez-le Ă  l’avocat que vous rencontrerez le lendemain, car il s’agit d’une cause de nullitĂ© propre Ă  vous faire recouvrer la libertĂ© immĂ©diatement. En 2008 et 2009, les tribunaux de Paris et de CrĂ©teil ont Ă©tĂ© amenĂ©s Ă  annuler plusieurs procĂ©dures dans lesquelles des personnes avaient passĂ© la nuit dans les dĂ©pĂŽts, considĂ©rant que les conditions de rĂ©tention Ă©taient contraires Ă  la dignitĂ© humaine. La Cour d’Appel de Paris a infirmĂ© ces annulations, mais les dĂ©pĂŽts de ces tribunaux ont Ă©tĂ© partiellement rĂ©novĂ©s. En revanche, le Conseil constitutionnel a apportĂ©, dans une dĂ©cision du 17 dĂ©cembre 2010, une rĂ©serve Ă  l’utilisation des dĂ©pĂŽts. 28


D’une part, il a imposĂ© que le magistrat qui a demandĂ© le dĂ©fĂšrement soit effectivement informĂ© de l’arrivĂ©e de la personne dans les locaux du tribunal. Surtout, il a estimĂ© que, lorsque la garde Ă  vue avait Ă©tĂ© prolongĂ©e par le procureur, la personne devait ĂȘtre prĂ©sentĂ©e Ă  un juge du siĂšge dans le dĂ©lai de 20 heures, et non plus au procureur comme c’était auparavant le cas.

Les « peines

planchers »

Promesse de campagne du candidat Sarkozy, les peines planchers ont Ă©tĂ© mises en Ɠuvre par la loi du 10 aoĂ»t 2007. SchĂ©matiquement, si vous ĂȘtes en rĂ©cidive, vous risquez d’ĂȘtre condamnĂ© Ă  une peine minimale, fixĂ©e en fonction du maximum de la peine encourue pour le dĂ©lit que vous avez commis (1 an si la peine encourue est de 3 ans, 2 ans si la peine est de 5 ans, 3 ans si la peine maximale encourue est de 7 ans, 4 ans si la peine encourue est de 10 ans). Vous ne pourrez Ă©chapper Ă  ces peines planchers qu’en fonction « des circonstances de l’infraction, de la personnalitĂ© de l’auteur ou des garanties d’insertion ou de rĂ©insertion prĂ©sentĂ©es » . TrĂšs contestĂ©e dĂšs l’origine pour son effet dĂ©lĂ©tĂšre sur la surpopulation carcĂ©rale, cette loi est entrĂ©e dans les mƓurs judiciaires. Toutefois, le candidat Hollande s’est prononcĂ© contre les peines planchers au cours de la campagne prĂ©sidentielle 2012 et, dans l’attente d’une abrogation annoncĂ©e, la Garde des Sceaux rappelle dans sa circulaire de politique gĂ©nĂ©rale du 19 septembre 2012 le principe gĂ©nĂ©ral d’individualisation de la rĂ©ponse pĂ©nale. 29


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Accessoires

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« kit du condamnĂ© et du soupçonné », les fichiers policiers et judiciaires ont une tendance Ă  se multiplier, sans que personne ne s’en inquiĂšte vraiment.

La CNIL a pointĂ©, dans des rapports aussi successifs qu’ignorĂ©s par les gouvernements, les dangers induits par cette multiplication. Deux fichiers intĂ©ressent particuliĂšrement le manifestant interpellĂ©, en ce qu’ils peuvent avoir des consĂ©quences bien plus pĂ©nibles sur sa vie quotidienne que la condamnation elle-mĂȘme.

 L e STIC Fichier policier par excellence, le SystĂšme de Traitement des Infractions ConstatĂ©es a connu une consĂ©cration rĂ©glementaire par le dĂ©cret du 5 juillet 2001. Il s’agit 30


d’un fichier censĂ© « faciliter la recherche des auteurs d’infractions » et qui rassemble des donnĂ©es Ă  caractĂšre personnel (identitĂ© complĂšte, alias, infractions commises, suites pĂ©nales). Toute personne contre laquelle existent des indices graves ou concordants qu’elle ait participĂ© Ă  la commission d’un crime, d’un dĂ©lit ou d’une contravention de cinquiĂšme classe, est inscrite dans le STIC. Par ailleurs, les victimes font l’objet d’un fichage Ă  part. Les gendarmes ont un fichier spĂ©cifique appelĂ© le JUDEX, qui rĂ©pond quasiment aux mĂȘmes pratiques. Un projet en cours vise Ă  unifier les deux fichiers. Trois problĂšmes majeurs affectent ce fichier au regard des libertĂ©s individuelles. Tout d’abord, la durĂ©e de la conservation des donnĂ©es. S’agissant des personnes majeures, cette durĂ©e est de 20 ans. Toutefois et par dĂ©rogation, elle est de 40 ans pour une liste d’infractions extrĂȘmement longue (dans laquelle figurent notamment toutes les violences et les menaces, les infractions relatives aux stupĂ©fiants et les infractions sexuelles). S’agissant des mineurs, elle est en principe de 5 ans, mais trĂšs souvent de 10 ans (pour les vols aggravĂ©s, les infractions Ă  la lĂ©gislation sur les stupĂ©fiants) ou de 20 ans. Mais surtout, en cas de commission d’une nouvelle infraction au cours du dĂ©lai, « le dĂ©lai de conservation restant le plus long s’applique pour l’ensemble des infractions ». Ensuite, la liste des personnes qui peuvent consulter ce fichier et l’utilisation qui peut en ĂȘtre faite ont souvent des consĂ©quences fĂącheuses pour l’insertion professionnelle des personnes fichĂ©es. En effet, outre les autoritĂ©s judiciaires, certaines autoritĂ©s administratives habilitĂ©es par le prĂ©fet ont accĂšs Ă  ce fichier, notamment afin d’autoriser les personnes Ă  travailler dans certains domaines (la sĂ©curitĂ© ou les aĂ©roports, par exemple). Or, une mention au STIC obĂšre de façon presque systĂ©matique une demande d’habilitation professionnelle. Enfin, l’absence de connexion efficace entre les systĂšmes informatiques 31


policiers et judiciaires a pour effet que le STIC contient un pourcentage d’erreurs trĂšs important, mis en Ă©vidence tant par la CNIL que par diverses missions d’information parlementaires. D’aprĂšs la CNIL, seuls 17% des fiches se trouvant dans le STIC sont exemptes d’erreurs. Ces erreurs handicapent parfois considĂ©rablement les usagers, le temps – souvent long – que les mentions fausses soient corrigĂ©es, Ă  la diligence du parquet.

 L e FNAE G Le Fichier National AutomatisĂ© des Empreintes GĂ©nĂ©tiques a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par une loi de 1998 et son domaine a Ă©tĂ© depuis, Ă  de nombreuses reprises, Ă©tendu. CrĂ©Ă© Ă  l’origine pour ficher le code gĂ©nĂ©tique des personnes condamnĂ©es pour infractions sexuelles, il a Ă©tĂ© Ă©tendu par la loi du 15 novembre 2001 Ă  de nombreux autres dĂ©lits, puis, par la loi du 18 mars 2003, aux suspects, pour une liste de 137 infractions, Ă  l’exception notable de la plupart des infractions dites « financiĂšres ». Le principe en est simple : le fichier contient le profil gĂ©nĂ©tique d’individus de plus en plus nombreux, soit soupçonnĂ©s pour la commission d’une infraction, soit condamnĂ©s. Ces profils sont en permanence comparĂ©s Ă  toutes les traces gĂ©nĂ©tiques retrouvĂ©es sur les scĂšnes de crimes. La durĂ©e de l’inscription est de 40 ans pour les personnes condamnĂ©es et de 25 ans pour les personnes seulement soupçonnĂ©es. Le spectre des infractions rendant obligatoires un prĂ©lĂšvement d’ADN a Ă©tĂ© constamment Ă©largi. Sont dĂ©sormais concernĂ©s – pour se limiter aux infractions les plus frĂ©quentes lors de manifestations – tous les vols, les dĂ©gradations, les menaces et les violences. Ainsi, le nombre de profils gĂ©nĂ©tiques enregistrĂ©s au FNAEG Ă©tait de 40 000 en 2004, 806 356 au 1er octobre 2008, et de plus de 1 700 000 en 2010 – l’immense majoritĂ© correspondant Ă  des personnes simplement mises en cause. 32


Le principe fondamental de respect de l’intĂ©gritĂ© corporelle s’oppose Ă  ce qu’un prĂ©lĂšvement d’ADN soit effectuĂ© malgrĂ© le refus d’un individu. En revanche, la loi a prĂ©vu que le prĂ©lĂšvement pouvait ĂȘtre constituĂ©, sans l’accord de la personne, avec « du matĂ©riel biologique qui se serait naturellement dĂ©tachĂ© du corps de l’intĂ©ressé » (cheveux tombĂ©s, trace de salive sur un mĂ©got de cigarette, par exemple). S’agissant des individus condamnĂ©s dĂ©finitivement et refusant le prĂ©lĂšvement d’ADN, la loi, dĂšs l’origine, avait prĂ©vu une sanction pĂ©nale de 6 mois d’emprisonnement. Par la loi du 18 mars 2003, le lĂ©gislateur a Ă©tendu le champ de l’infraction au motif qu’il Ă©tait plus efficace de prĂ©lever l’ADN au moment de la garde Ă  vue, quitte Ă  effacer a posteriori du FNAEG les personnes enregistrĂ©es puis relaxĂ©es. A donc Ă©tĂ© incriminĂ© le refus, par une personne simplement soupçonnĂ©e, de se soumettre Ă  un prĂ©lĂšvement gĂ©nĂ©tique; la peine encourue est d’un an d’emprisonnement. TrĂšs longtemps, la consĂ©quence la plus importante et la plus inconnue d’une telle condamnation a consistĂ©, en cas d’incarcĂ©ration, dans le retrait de toute rĂ©duction de peine pour l’ensemble des infractions portĂ©es Ă  l’écrou – ce qui, pour des personnes condamnĂ©es Ă  de lourdes peines, pouvait correspondre Ă  des annĂ©es d’emprisonnement supplĂ©mentaire. Heureusement, dans la foulĂ©e de la jurisprudence europĂ©enne, la Cour de cassation a dĂ©finitivement jugĂ©, le 23 janvier 2012, qu’une telle disposition, prĂ©vue dans la loi dite « Perben 2 » de 2004, Ă©tait manifestement excessive. Par ailleurs, le refus de se prĂȘter Ă  la prise d’empreintes digitales ou Ă  la prise de photographies est puni, lui aussi, d’un an d’emprisonnement. De la mĂȘme maniĂšre, il est possible de demander l’effacement de votre empreinte gĂ©nĂ©tique du FNAEG lorsque vous avez Ă©tĂ© relaxĂ© ou si vous avez bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un non-lieu, par requĂȘte auprĂšs du procureur de la RĂ©publique, service de l’exĂ©cution des peines.

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Conseils Vous pouvez demander, sous rĂ©serve de respecter les conditions dĂ©veloppĂ©es ci-dessous, l’effacement de votre nom du STIC, par simple courrier auprĂšs du procureur de la RĂ©publique, service de l’exĂ©cution des peines. Le dĂ©cret de 2001, qui met ce fichier sous le contrĂŽle du parquet, ne donne au procureur le pouvoir d’ordonner un effacement du STIC que pour des motifs limitativement Ă©numĂ©rĂ©s (en pratique, lorsque l’affaire a Ă©tĂ© classĂ©e sans suite pour absence d’infraction ou infraction insuffisamment caractĂ©risĂ©e, ou lorsque l’auteur a Ă©tĂ© relaxĂ© ou a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’un non-lieu). Tous les autres modes d’extinction de l’action publique et les autres suites judiciaires (notamment le simple rappel Ă  la loi ou le classement pour prĂ©judice mineur) ne permettent nullement un effacement du STIC. Ainsi, une personne interpellĂ©e pour un simple usage de cannabis et rappelĂ©e Ă  la loi par le policier, restera inscrite dans le fichier pendant 40 ans, sans qu’aucune autoritĂ© n’ait le pouvoir d’y remĂ©dier et avec les consĂ©quences Ă©videntes pour elle, si elle passe un concours de la fonction publique ou postule pour une profession nĂ©cessitant un agrĂ©ment prĂ©fectoral.

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Focus

Militantisme et refus de prĂ©lĂšvement adn La logique ayant prĂ©sidĂ© Ă  l’incrimination, par la loi du 15 novembre 2001, du refus de prĂ©lĂšvement ADN semble avoir atteint une limite majeure. En effet, cette infraction sert dĂ©sormais Ă  punir principalement des acteurs du mouvement social placĂ©s en garde Ă  vue et poursuivis pour des infractions « politiques » (faucheurs volontaires, « dĂ©boulonneurs » anti-pub, manifestants Ă©nervĂ©s). Le comble est atteint lorsque, Ă  l’issue d’une garde Ă  vue, le procureur estime qu’il n’existe aucune charge contre une personne, mais que celle-ci a refusĂ© de donner son ADN Ă  la police : les tribunaux doivent alors juger un individu qui a refusĂ© de se prĂȘter au prĂ©lĂšvement nĂ©cessitĂ© par la commission d’une infraction
 qu’il n’a pas commise ! Pourtant, une circulaire de 2004 du ministĂšre de la justice prĂ©cise aux procureurs de la RĂ©publique que les poursuites de refus de prĂ©lĂšvement ADN doivent ĂȘtre systĂ©matiques et que chaque mise en cause d’une personne fichĂ©e fait repartir le dĂ©lai de conservation de son ADN au FNAEG. Le Syndicat de la Magistrature apporte rĂ©guliĂšrement son tĂ©moignage lors des procĂšs des personnes poursuivies pour cette infraction.

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Maquette : Laurent Cottin ÂƠ Syndicat de la magistrature


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