SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

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FÉVRIER 2012 - N°13 - Ne peut être vendu

SCOOP Le magazine des métiers du journalisme

LES NOUVEAUX JOURNALISTES

SPÉCIALISTES ET

TOUCHE-À-TOUT GRANDS MÉDIAS

VONT-ILS DISPARAÎTRE ? PRESSE QUOTIDIENNE RÉGIONALE

DERNIER BASTION DU JOURNALISME GÉNÉRALISTE JOURNALISTES POLITIQUES UNE ÉLITE SOUS SURVEILLANCE RUE89, SLATE, MÉDIAPART...

LA RÉSISTIBLE ASCENSION DES SITES D’INFORMATION

Publication réalisée par les étudiants de l’ISCPA-Paris



EDITORIAL Michel Baldi

E

_PZ[L [ PS \U WYVĂ„S type de journaliste que les rĂŠdactions recherchent? Quelles sont les compĂŠtences les plus prisĂŠes qui font la diffĂŠrence lors de l’embauche ? Dans ce contexte de mutations constantes, quelle est la part du dĂŠveloppement du numĂŠrique et de l’Êvolution sociĂŠtale et ĂŠconomique ? On savait dĂŠjĂ que les journalistes actuels doivent ĂŞtre polyvalents, mais doivent-ils ĂŞtre essentiellement gĂŠnĂŠralistes ou se spĂŠcialiser dans un domaine ? Dans ce numĂŠro de SCOOP, des ĂŠtudiants en troisième annĂŠe de journalisme Ă l’ISCPA se sont penchĂŠs sur un thème qui leur parle, puisqu’ils devront bientĂ´t affronter le marchĂŠ du travail avec leur titre de journaliste en poche. C’est donc avec une curiositĂŠ mĂŞlĂŠe d’intĂŠrĂŞt qu’ils ont dressĂŠ cet ĂŠtat des lieux de la profession et de son ĂŠvolution. Un constat lucide dans lequel l’implication personnelle ne l’emporte pas sur l’objectivitĂŠ, dĂŠmonstration

que l’on peut informer sans prendre parti. Ce n’est pas toujours le cas des journalistes politiques - en cette pÊriode Êlectorale il fallait bien se pencher sur cette Êlite de la profession - souvent rÊduite à l’autocensure et accusÊe de connivence avec ses sources (lire p. 20 à 23.) La presse quotidienne rÊgionale (PQR) est le dernier secteur de la presse Êcrite oÚ le gÊnÊraliste a toujours sa place, à l’inverse de la plupart des mÊdias dans lesquels le journaliste d’aujourd’hui doit être à la fois spÊcialiste et multifonctions (voir dossier p. 18 à 27.) Mais il n’est pas toujours bon de trop se spÊcialiser dans un domaine, car la presse professionnelle et spÊcialisÊe, qui a longtemps ÊtÊ une ruche d’emplois pour de nombreux journalistes, est dÊsormais confrontÊe elle aussi à la concurrence du Web (lire p. 28 à 31.) La lecture de ce numÊro de Scoop vous permettra de comprendre les enjeux que doivent affronter les futurs journalistes pour pouvoir exercer sereinement leur mÊtier. Car le journalisme n’est pas mort, loin de là , mais la profession Êvolue et ses changements sont porteurs de nouvelles opportunitÊs. L’enseignement que nous dispensons prend en compte ces mutations.

SCOOP Une publication rĂŠalisĂŠe par les ĂŠtudiants de l'ISCPA- Paris

Institut des MĂŠdias 12, rue Alexandre Parodi 75010 Paris Tel: 01 40 03 15 56 Fax +33(0)1 40 03 15 31 Direction Directeur de la RĂŠdaction: Jean Savary Directeur de la Publication: Michel Baldi RĂŠdacteur en chef Pierre le Goupil Maquettiste: Gary Assouline avec FrĂŠdĂŠrique de Runz SecrĂŠtariat gĂŠnĂŠral de rĂŠdaction: Hicham Barrouk et Geoffrey Priol

Journalistes Akaiz Boussayna Assouline Gary Azlag Najoua Barrouk Hicham Deze Fabien Durel JĂŠrĂ´me Grimaux Emmanuelle Lahera Henri Lanen Marie Marie Perrin Priol Geoffrey Le Goupil Pierre Mazelier Sarah Salvat Jean-Baptiste Sekkai Kahina Sudre Sarah Vilsalmon Corentin

Retrouvez toutes les ĂŠditions de SCOOP sur notre site Internet http://www.iscpa-paris.com

FÊvrier 2011 - N°12

Directeur pĂŠdagogique ISCPA Paris

! $

Quels enjeux pour nos mĂŠtiers ?

L’eurojournalisme se fait attendre

" La presse fĂŠminine rĂŠsiste en beautĂŠ

# Les mĂŠdias pris dans la toile

Publication rÊalisÊe par les Êtudiants de l’ISCPA- Paris

La saga de LibĂŠration

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SOMM A 1

MÉDIAS

Les grands paquebots de l'information dans la tourmente 6 Les grands médias vont-ils disparaître ? Par Pierre le Goupil, Jérôme Durel et Marie Lanen

De TF1 au Monde en passant par L’Express et RTL, tous les grands médias traditionnels sont confrontés à l’érosion de leur audience et de leurs revenus. Le lectorat vieillit et les abonnés sont de plus en plus chers à recruter. Attaqués par les petites chaînes qui montent ou par le Web, ils peinent à se défendre.

12 La PQR dernier bastion des infos générales Par Jean-Baptiste Salvat

La PQR est le dernier secteur de la presse écrite où le journaliste généraliste a [V\[L ZH WSHJL V WHY KtÄUP[PVU PS MH\[ ­ [V\JOLY n [V\[ ® -HP[Z KP]LYZ PUMV SVJHSL politique, Même si les spécialistes (sport, éco surtout) sont recherchés.

14 Rue 89, Slate, Médiapart, ... nouveaux carrefours de l’info Par Kahina Sekkai, Geoffrey Priol et Sarah Mazelier

On les accuse de tuer les grands quotidiens mais on ne connaît pas le mobile du crime. L'information sur Internet menace le modèle économique de la presse, mais cherche encore le sien.

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M AIRE

SOMMAIRE

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RÉDACTIONS Le journaliste "couteau suisse" 18 Spécialistes et touche-à-tout Par Boussayna Akaiz Autrefois, un journaliste était par définition un généraliste qui, à l’exemple d’Albert Londres, se mêlait autant de politique que de grand reportage ou de fait divers. Après les globe trotters, place aux experts.

20 Journalistes politiques: une élite sous surveillance Par Kahina Sekkai, Marie Perrin et Gary Assouline

Ils sont spécialistes… de la matière la plus généraliste qui soit : la politique.

22 Portraits de quatre "princes qui font l'élection" Six journalistes politiques "ténors" à la loupe.

24 Se spécialiser, un travail d'experts Par Corentin Vilsalmon Les journalistes experts : une spécialité pour la vie ?

26 Journalistes multi-tâches

La polyvalence dans le cahier des charges Par Hicham Barrouk Rédacteur et SR, JRI et monteur, plus aucun journaliste ne peut ignorer les autres fonctions de sa profession.

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SUPPORTS Presse spécialisée: les fruits amers de la passion 28 Tous journalistes ? Plus de journalistes... Par Henri Lahera Le pire ennemi du journaliste : son lecteur, quand il se pique d'informer lui aussi

30 Presse pro, presse spé, ce qui marche, ce qui résiste, ce qui ne marche plus Par Fabien Dezé

La presse professionnelle et spécialisée est elle aussi concurrencée par le Web. Comment résister ? Le déclin n'est pas une fatalité et des titres trouvent toujours leur lectorat.

32 Les sept familles des lecteurs Par Najoua Azlag

Dans la famille "enchaînée à son canard", vous avez demandé...

34 Le nouveau courrier des lecteurs Par Emmanuelle Grimmaud Il y a les trolls, les janots, les paraphraseurs, les toujours critiques... Tout un petit monde que le journaliste ne peut plus ignorer.

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MÉDIAS

Information générale

Les grands paquebots de l'in f Les grands médias vont-ils disparaître ? ,U HJJHWHYHU[ K\ ­ [LTWZ KL JLY]LH\ KPZWVUPISL ® LU proposant une information toujours plus ciblée et transversale, Internet sonne-t-il le glas des grands médias ? Par Pierre le Goupil

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MÉDIAS

n formation

dans la tourmente A

vec l’apparition d’Internet en 1995 et sa montée en puissance depuis les années 2000, les grands médias font face à un nouveau défi. Les ventes ne cessent de baisser depuis l’entrée dans l’ère du numérique. Libération qui diffusait à 170 000 exemplaires par jour en 2000, plafonne aujourd’hui à 120 000. De leur côté, les grandes chaînes de télévision généralistes sont menacées par la multiplication des chaînes de la TNT et voient leur audience baisser. TF1, qui enregistrait des records d’audience à 40 millions de téléspectateurs en 1990, ne plafonne plus "qu’à" 20 millions en 2010. Seuls résistent les JT de la chaîne toujours très suivis, avec en moyenne 6,6 millions de téléspectateurs chaque soir, pas moins qu’il y a dix ans. Mais pour voir une progression, il faut regarder du côté des sites Internet d’information générales qui sont en augmentation. Selon O·2-' 2IÀFH GH -XVWLÀFDWLRQ de la Diffusion), le Figaro revendiquait 40 millions de visites sur son site en décembre 2011 contre 35 millions en janvier 2011, et Libération 20 millions en décembre 2011 contre 18 millions en janvier 2011. «L’info générale a besoin de se renouveler, elle doit trouver sa place entre le besoin d’immédiateté et celui de la spécialisation», constate Cégolène Frisque, sociologue des médias. Crédit: Geoffrey Priol

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MÉDIAS

Les grands hebdomadaires gĂŠnĂŠralistes tentent de tirer leur ĂŠpingle du jeu. Alors que le Nouvel Observateur maintient depuis 2000 ses 500 000 exemplaires par numĂŠro en moyenne, abonnements inclus, Marianne est quant Ă lui passĂŠ de 184 000 exemplaires vendus en 2000 Ă 264 000 en 2010. Paris Match a par contre vu son nombre de ventes chuter de 40% depuis 2000. La presse magazine menacĂŠe elle aussi Autre secteur qui connaĂŽt des fortunes diverses, la presse spĂŠcialisĂŠe. Selon CĂŠgolène Frisque, ÂŤla presse "mag" est de plus en plus spĂŠcialisĂŠe, les presses professionnelles et techniques sont mĂŞme hyperspĂŠcialisĂŠes. En tĂŠlĂŠ on voit bien que les chaĂŽnes spĂŠcialisĂŠes se dĂŠveloppent, alors que celles d’infos gĂŠnĂŠrales rencontrent des difĂ€FXOWpVÂŞ. L’essor d’Internet a ĂŠgalement permis Ă des passionnĂŠs de crĂŠer de nouveaux sites dans un domaine bien prĂŠcis. Jeuxvideo.com est l’exemple type de site d’amateurs passionnĂŠs, devenus professionnels depuis, ayant dĂŠpassĂŠ en terme d’audience les mĂŠdias professionnels. Il est aujourd’hui un des 20 sites les plus visitĂŠs du web français. AllocinĂŠ a connu le mĂŞme succès durant la dernière dĂŠcennie, faisant chuter la diffusion des ÂŤ historiques Âť Pariscope HW 2IĂ€FLHO GHV 6SHFWDFOHV

HQ JRQĂ DQW VRQ &$ j millions d’euros. Dans le mĂŞme genre, le Nouvel Observateur a rachetĂŠ Rue 89, un de ses plus gros concurrents du Web. La radio elle aussi tire son ĂŠpingle du jeu malgrĂŠ une baisse d’audience vertigineuse depuis l’apparition d'Internet. A titre d’exemple, en 1990, RTL rassemblait près de 26 millions d’auditeurs en moyenne par jour, alors qu’elle n’atteint "que" la moyenne de 6,6 millions en 2011. Mais la radio reste tout de mĂŞme le mĂŠdia prĂŠfĂŠrĂŠ des Français avec 40 millions d’auditeurs par jour dans la semaine, toutes radios confondues. Une presse gĂŠnĂŠraliste qui tente de survivre sur le Net Tous les grands quotidiens ont leur site. Le journal semble n’être plus qu’un supplĂŠment pour approfondir l’actualitĂŠ. C e r t a i n s journaux c o m m e France-Soir ne survivent que sur Internet. Le Web est une nouvelle façon de consommer l’information, permettant au lecteur non plus de lire son journal, mais d’avoir directement une interaction avec le journaliste, et souvent entre lecteurs, via le système de commentaires. Le site Lemonde.fr, par exemple enregistre en moyenne 1, 8 millions de visites par jours, alors que la version papier ne se vend qu’à 286 000 exemplaires. Le Figaro lui, tourne Ă 1, 2 millions de visites par jour sur son site pour 317 000 ventes papier. La presse gĂŠnĂŠraliste ne meurt pas, elle se transforme et migre sur la Toile. Reste Ă y trouver de quoi remplacer les recettes de diffusion qu'apportait l'ĂŠdition papier. Autrement dit rĂŠpondre Ă la question : Comment IDLUH SD\HU O LQWHUQDXWH " ‡

La presse mag est de plus en plus spĂŠcialisĂŠe voire hyperspĂŠcialisĂŠe

Racheter pour rĂŠsister La baisse d’audience des chaĂŽnes gĂŠnĂŠralistes ne signifie pas forcĂŠment une fin pour elles. TF1 a rachetĂŠ certains de ses concurrents de la TNT comme NT1 et TMC et a rĂŠalisĂŠ 11% de EpQpĂ€FHV VXU FKLIIUH G¡DIIDLUH

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FEMININ, LE DÉBUT DE LA FIN ? par Marie Lanen

RTL reste la première radio de France, avec plus de 6 millions d’auditeurs chaque matin. MalgrĂŠ le fait que ce mĂŠdia ait perdu 75 % de ses auditeurs en 20 ans, elle reste, en tant que radio gĂŠnĂŠraliste, la plus ĂŠcoutĂŠe de France.

Jusqu’en 2010, la grosse entreprise de la presse fĂŠminine ne connaissait pas la crise. Avec le lancement cette annĂŠe de trois nouveaux titres (Envy, Be et Grazia), le marchĂŠ du fĂŠminin faisait Ă€JXUH GH FRQWUH H[HPSOH Malheureusement, Envy GX JURXSH 0DULH &ODLUH QŇ‹\ D SDV VXUYpFX )DOODLW LO \ YRLU XQ VLJQH DYDQW FRXUHXU d’un dĂŠbut de crise ? Une chose est sĂťre, les chiffres 2012 de l’OJD sont lĂ , )HPPH $FWXHOOH 0DULH &ODLUH RX HQFRUH *ODPRXU n’y ĂŠchappent pas. Quant aux deux petits nouveaux %H HW *UD]LD LOV DIĂ€FKHQW UHVSHFWLYHPHQW HW 8QH EDLVVH VLJQLĂ€FDWLYH TXL GpPRQWUH que la presse fĂŠminine ne IDLW SOXV Ă€JXUH GŇ‹H[FHSWLRQ Une presse qui lasse ? Outre les incontournables marronniers comme "perdre du poids" (avant l’ÊtĂŠ, après NoĂŤl, pour la rentrĂŠe), les unes et les sommaires dĂŠclinent les mĂŞmes thèmes, et ne personnalisent que le dosage du cocktail sexe, sĂŠduction, shopping et SV\FKR WHVWV /H PLURLU TXH tend la presse fĂŠminine: une femme belle, mince, heureuse dans son couple et en recherche d’une sexualitĂŠ harmonieuse ODVVH W LO " ÂŤCertains articles culpabilisent les femme: il faut ĂŞtre jolie quoi qu’il arrive et surtout mince et sympa en toutes circonstancesÂť, lance


MÉDIAS

(PHOLQH Ă€GqOH OHFWULFH de magazines fĂŠminins. Trois euros pour se sentir grosse et moche, on peut Ă€QLU SDU WURXYHU FHOD WURS cher. Les rĂŠsistants On peut dĂŠgager trois modèles de fĂŠminins qui rĂŠsistent tout de mĂŞme j OD FULVH &DXVHWWH OH magazine fĂŠminin ÂŤqui ne prend pas les femmes pour des quichesÂť, aurait multipliĂŠ par cinq ses ventes depuis son ODQFHPHQW HQ &Ň‹HVW en proposant une ligne ĂŠditoriale originale, ÂŤun magazine fĂŠminin du cerveau plus que du capitonÂť TXH &DXVHWWH parvient Ă ĂŠquilibrer ses comptes tout en ne prenant que très peu de pages de publicitĂŠ. Autre modèle, sans doute plus lucratif,Vogue Paris qui DIĂ€FKH XQH KDXVVH GH /H PDUFKp GX OX[H fait toujours autant rĂŞver. &H PDJD]LQH Qp LO \ D SOXV de 90 ans ne fait pas son

âge! Mais le record, avec XQH KDXVVH GH est attribuĂŠ Ă Top SantĂŠ, considĂŠrĂŠ comme un magazine fĂŠminin. Les nombreux scandales liĂŠs Ă la santĂŠ (MĂŠdiator, prothèses PIP), n’y sont sans doute pas ĂŠtrangers. FI GH YHQWH DX numĂŠro payĂŠe par acheteur A l'opposĂŠ l'un de l'autre, Causette et Vogue enregistrent des hausses importantes depuis 2010. C'est l'inverse pour le magazine Glamour.

ÉVOLUTION DE LA DIFFUSION DE 2000 À 2010 LES NEWS MAGAZINES (en diffusion France payÊe) Paris Match 1990: 1 000 000 ex. 2010: 626 178 ex. Courrier International 2002: 150 433 ex. 2010: 202 557 ex. Le Nouvel Observateur 2000: 471 000 ex. 2010: 503 401 ex. L’Express 1990: 700 000 ex. 2010: 432 418 ex.

RADIO (en % audience) RTL 2000 15,1% 2010 12,3% France Inter 2000 10,9% 2010 10% Europe 1 2000 10,9% 2010 9,7% France Info 2000 11,5% 2010 8,2%

LES QUOTIDIENS NATIONAUX (en diffusion France payĂŠe) Le Figaro 2000: 360 909 ex 2010: 318 909 ex. LibĂŠration 2000: 169 011 ex. 2010: 115 952 ex. Le Monde 2000: 392 772 ex. 2010: 269 990 ex. Le Parisien 2000: 486 145 ex. 2010: 285 400 ex.

TÉLÉVISION (en % audience) TF1 2000: 32% 2010: 25% France 2 2000: 21% 2010: 18% France 3 2000 18% 2010: 10%

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iPad : Pourquoi la presse ne met pas les pieds sur la tablette ? A la sortie de l’iPad en 2010, la presse écrite avait beaucoup misé sur cette nouvelle façon de consommer l’information. Bilan deux ans après. Par Jérôme Durel et Geoffrey Priol

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ur tablette on connaissait déjà l’application qui permet de lire le site web de son journal préféré. Il est maintenant possible de s’abonner pour recevoir chaque matin un exemplaire de son quotidien au format électronique. Le modèle a partiellement convaincu aux Etats-Unis, où l’étude du MPA (Magazine Publisher of America) montre que 41% des possesseurs de tablettes déclarent s’être abonnés à un journal. De plus, avec le lancement de l’IOS 5 en septembre dernier, l’achat de journaux et la possibilité de les stocker avec l’application kiosque incite les utilisateurs à mettre la main à la poche. En revanche, l’ensemble des syndicats de la presse française ont décidé de boycotter l’iPad en précisant dans un communiqué commun que: "Les conditions commerciales imposées par Apple sont aujourd’hui inacceptables. Elles fragilisent le modèle économique de la presse et réduisent à terme les choix proposés aux internautes.” Ils dénoncent notamment l’impossibilité d’offrir des abonnements couplés comprenant papier, web et tablettes. Les éditeurs regrettent également de ne plus avoir les coordonnées des clients, les organes de presse étant ainsi privés de données marketing essentielles. iCher Cette brouille ne doit pas occulter le fait que le format électronique

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MILLIONS, C'EST LE NOMBRE D'IPAD VENDUS SUR TERRE EN 18 MOIS

pourrait bien être l’avenir de la lecture des quotidiens et magazines comme du livre. Le lecteur y gagne en terme d’archivage, de poids, de multimédia (vidéo et/ou son) et, en principe, de prix. Car pour l’éditeur, si développer une version iPad représente un investissement, les coûts de fabrication disparaissent, tout comme ceux d’envoi aux clients. Mais si l'on n'assiste pas au déferlement annoncé des abonnements à des journaux sur iPad, c'est que

la tablette est d'avantage utilisée comme accès facile et maniable à Internet que comme liseuse. Pourquoi payer pour s’abonner à un magazine si son contenu est disponible pour l'essentiel gratuitement sur le Web à partir du même outil ? Poser cette question, c'est poser celle du modèle économique des quotidiens et magazine et de leurs sites web: peut-on vendre d'un côté ce qu'on donne de l'autre ?

La presse sur tablette est un marché potentiel énorme. A condition de se soumettre aux conditions d'Apple : l’iPad à lui seul, représente 66% des tablettes vendues.


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La PQN peut-elle se passer de l'iPad ? En dix ans, près des trois quarts des titres de la presse quotidienne nationale ont vu leurs diffusions totales payĂŠes chuter. Si l’HumanitĂŠ rĂŠsiste (-4,36%) LibĂŠration, Le Monde et Le Figaro sont Ă la peine avec respectivement -30,18%, -22,26% et -10,88% de baisse en 10 ans. Parmi les quotidiens qui sortent leur ĂŠpingle du jeu, La Croix s’offre une progression de presque 15%. Les journaux qui ont une baisse assez faible, voire nulle pour certains, sont des journaux marquĂŠs par une ligne ĂŠditoriale ELHQ GpĂ€QLH TXH FH VRLW OD UHOLJLRQ pour La Croix ou bien encore l'engagement comme l’HumanitĂŠ. Pour certains quotidiens comme France-Soir, la baisse de plus de moitiĂŠ a eu raison du support papier dont le dernier numĂŠro est sorti en dĂŠcembre 2011. La baisse des recettes publicitaires a accentuĂŠ la crise de la presse. En 2009, la publicitĂŠ a reculĂŠ de 10% Ă 30% en moyenne selon les WLWUHV ‡

"L'ARRĂŠT DU PAPIER EST PLUS QU'ENVISAGEABLE" Par Geoffrey Priol

&RPPHQW H[SOLTXH] YRXV OD FKXWH des quotidiens nationaux ? L’une des raisons est la perte du lien qui unissait un titre de presse nationale à son lecteur. Un journal, via ses articles, Êtait un mÊdia WHXU HW H[SOLTXDLW GHV IDLWV DÀQ GH donner à son lecteur une opinion. Aujourd’hui, les quotidiens natio naux sont plus dans une optique Êconomique et commerciale. Les

Diffusion 2001

Diffusion 2011

Evolution

513 585 372 661 415 324 174 310 153 048 102 097 91 662 82 314 51 518

462 535 332 120 322 872 121 707 121 203 75 070 105 363 71 290 49 271

- 9,94% -10,88% -22,26% -30,18% -20,81% -26,47% 14,95% -13,39% -4,36%

chefs d’Êditions sont plus intÊres sÊs par la vente à court terme. Ils proposent des articles qui vont faire le buzz. Il y avait une volontÊ d’informer dans les articles qu’on Êcrivait auparavant alors que maintenant nous sommes plus dans une optique de divertisse PHQW 4XҋHVW FH TXL YD LQFLWHU XQ lecteur à prendre le journal ? Il n’y a plus de grands articles de fond, ni de reportage de qualitÊ qui Êtaient vecteurs d’un lien politique et social. Le support papier pour la PQN SHXW LO VXUYLYUH HQFRUH ORQJWHPSV " L’arrêt du papier est plus qu’envi sageable. Il n’est pas dans les possibilitÊs des titres quotidiens de supplanter les plateformes Internet et tablettes. L’activitÊ

(Source: OJD)

(cc Ophelia Noor/Owni.fr)

Vincent Truffy, journaliste Ă 0HGLDSDUW HW FR DXWHXU GH OŇ‹DUWLFOH SXEOLp HQ MDQYLHU &ULVH GH la presse : de quoi les journaux PHXUHQW LOV " GRQQH VRQ DYLV VXU OD PQN qui meurt Ă petit feu.

Le Parisien Aujourd hui en France Le Figaro Le Monde LibĂŠration Les Echos La Tribune La Croix France-Soir L HumanitĂŠ

papier perd systÊmatiquement son lectorat qui va vers le sup SRUW QXPpULTXH &HWWH EDLVVH GHV ventes des quotidiens ne permet plus d’Êquilibrer les comptes et toutes les principales rÊdactions doivent penser à un basculement complet vers le numÊrique. Et certains titres de presse y pensent dÊjà comme LibÊration.

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La PQR: dernier bastion des infos gÊnÊrales ? Les nouvelles gÊnÊrations de journalistes se spÊcialisent de plus en plus. Une Êvolution qui touche Êgalement la Presse Quotidienne RÊgionale (PQR), mais KHUZ \UL TVPUKYL TLZ\YL 3H 789 YLM\NL K\ QV\YUHSPZ[L ­n SHUJPLUULŽ &

Par Jean-Baptiste Salvat

La Presse quotidienne rĂŠgionale parvient Ă se maintenir en tant que grand mĂŠdia gĂŠnĂŠraliste et se pose en dernier refuge des journalistes d'"info gĂŠnĂŠ". CrĂŠdit: JB. Salvat

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e phĂŠnomène de spĂŠcialisa- se dĂŠveloppent, alors que celles tion concerne l’ensemble du d’info gĂŠnĂŠraliste rencontrent des monde mĂŠdiatique, tous supports GLIĂ€FXOWpVÂŞ explique CĂŠgolène confondus, mais Frisque, MaĂŽtre s’est accĂŠlĂŠrĂŠ AVEC PRĂˆS DE 760 000 de confĂŠrence en depuis les deux EXEMPLAIRES PAR JOUR, sociologie Ă l’Unidernières dĂŠcĂŠOUEST FRANCE FAIT AUSSI versitĂŠ de Nantes. nies. L’arrivĂŠe La PQR rĂŠsiste Ă des nouvelles BIEN QUE LE FIGARO, ce phĂŠnomène, car technologies a LE MONDE, LIBÉRATION ET ÂŤ mĂŞme s’il existe rendu l’informa- L’HUMANITÉ RÉUNIS. aussi des grosses tion encore plus rĂŠdactions en rĂŠimmĂŠdiate et le public, de mieux gion, oĂš l’on observe une forme en mieux informĂŠ, est devenu de spĂŠcialisation thĂŠmatique, plus exigeant. ÂŤEn tĂŠlĂŠ on voit HOOH Q¡HVW SDV IRUFpPHQW ULJLGH ÂŞ bien que les chaĂŽnes spĂŠcialisĂŠes poursuit-elle. Si la PQR se porte

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mieux que la PQN au regard des tirages, (Ouest France, est le seul titre français dans les 100 premiers quotidiens payants mondiaux, Ă la 76ème place), le manque de PR\HQV Ă€QDQFLHUV HW G¡HIIHFWLIV IDYRULVH OHV SURĂ€OV GH UpGDFWHXUV capables d’Êcrire vite et bien sur diffĂŠrents thèmes. Yannick Jouan-Jan, fondateur du site Orleansinfos.fr il y a trois ans, FRQĂ€UPH Š On reste touche-Ă -tout, on n'a pas forcĂŠment les moyens de sortir tous les jours un papier ĂŠcrit par un spĂŠcialiste. Mais on ne


MÉDIAS

s’interdit pas de faire appel Ă des journalistes spĂŠcialisĂŠs, notamment pour des piges en sport ou HQ FXOWXUH ÂŞ Dans le mĂŞme temps, il dĂŠfend l' aspiration Ă une forme de libertĂŠ qu’offre encore la profession, une certaine vision du journalisme, et se montre formel : ÂŤ Je ne pourrais pas rester toujours sur la mĂŞme thĂŠmatique ! Cela ne me dĂŠrange pas de faire un fait divers. Un des avantages du mĂŠtier est qu’on ne sait pas toujours de quoi est fait QRWUH DJHQGD ÂŞ renchĂŠrit-il. La journĂŠe du journaliste de PQR ne commence pas toujours par la lecture des leads de l’AFP ou de Reuters comme dans une rĂŠdaction nationale. Il faut se tenir au courant de tous les ĂŠvènements et connaĂŽtre le who’s who local. Dans une mĂŞme journĂŠe, le journaliste peut interviewer l’entraineur de l’Êquipe de foot local qui monte d’une division, rencontrer un ĂŠdile j PLGL SRXU Ă€QLU HQ FRXYUDQW OH conseil municipal du chef-lieu. /D Ă€Q G¡XQ P\WKH Pour CĂŠgolène Frisque, on observe en rĂŠalitĂŠ ŠOD Ă€Q GX P\WKH G¡XQ PpWLHU FRPPXQÂŞ ce que Denis Ruellan dĂŠcrit comme ÂŤune fragmenWDWLRQ GX PpWLHU GH MRXUQDOLVWH ÂŞ Albert Londres, Joseph Kessel, Ernest Hemingway‌ ou mĂŞme Tintin (!), c’est du passĂŠ ! Le tra-

La presse rĂŠgionale se KP]LYZPĂ„L L[ propose son contenu sur les tablettes tactiles. DR

­ *ÂťLZ[ \U avantage et un dĂŠsavantage d’être O`WLYZWtJPHSPZtÂŽ Nicolas Desroches, Journal de SaĂ´neet-Loire

LE WEB RÉGIONAL, UN EXEMPLE Ă€ SUIVRE 3DU -HDQ %DSWLVWH 6DOYDW ÂŤ Internet nous offre les outils nĂŠcessaires pour rendre l’information accessible. Âť Il y a trois DQV <DQQLFN -RXDQ -DQ ODQoDLW Orleansinfos.fr, et le succès est DX UHQGH] YRXV SXLVTXH OHV VHXLOV de rentabilitĂŠ commencent Ă ĂŞtre atteints. Il part d’un constat simple: ÂŤOn a du Web tout le temps dans sa poche ! Âť, avec le dĂŠveloppe

vail du journaliste n’est plus aussi homogène que le laisse penser la reprĂŠsentation que la profession se fait d’elle-mĂŞme. Aujourd’hui, et de plus en plus, une plume est au service d’une rubrique, parfois d’une sous-rubrique, oĂš les journalistes spĂŠcialistes sont cantonnĂŠs. Les infos gĂŠnĂŠrales elles, donnent le tempo de l’actualitĂŠ chaude et Ă€[HQW XQ FDGUH KLpUDUFKLVp GDQV lequel chaque ĂŠlĂŠment prend sa place. Š 2Q IDLW XQ SHX RIĂ€FH G¡DJHQFH de presse pour la Presse QuotiGLHQQH 1DWLRQDOH ÂŞ ironise Nicolas Desroches, journaliste au Journal de SaĂ´ne et Loire et vainqueur du TrophĂŠe du Scoop 2011 aux Victoires de la presse, organisĂŠes par l’Association mondiale des journaux (Wan-Ifra), pour son article qui lancera l’affaire MĂŠdiator, près d’un mois avant que le Figaro ne le reprenne (sans avoir d’ailleurs

ment des smartphones et autres tablettes numĂŠriques. Il s’agit presque d’un mariage de raison : le Web permet la proximitĂŠ avec le lecteur, et cette proximitĂŠ est jus tement une des forces de la PQR. La presse ĂŠcrite a d’abord trans posĂŠ le journal et ses contenus en ligne, mais quel intĂŠrĂŞt d’acheter le papier dès lors ? Depuis, la plupart des titres ont compris qu’il faut diffĂŠrencier l’info, exploiter la richesse du Web 2.0 et que l’offre Web doit ĂŞtre complĂŠmentaire du papier. Le journaliste a la possi

la dĂŠlicatesse de le mentionner.) ÂŤC’est un avantage et u n d ĂŠ s a v a n t a g e d ’ ĂŞ t re K\SHUVSpFLDOLVp ÂŞ, lance-t-il. Le journaliste d’infos gĂŠnĂŠralistes a l’avantage d’avoir une approche transversale, moins restrictive, GH SRXYRLU WRXW UHOLHUÂŞ Si près de 60% de ses articles concernent l’Êconomie, il ĂŠcrit aussi en santĂŠ ou en culture et rĂŠalise des interviews en dehors de son domaine de prĂŠdilection. ÂŤJ’ai fait ce boulot parce que je suis curieux et que j’aime UHQFRQWUHU OHV JHQVÂŞ expliquet-il. ÂŤOn est de plus en plus cross-media, on ĂŠcrit pour le Web qui nous permet de faire de la photo, de la vidĂŠo et du son, on publie sur les rĂŠseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. On est au plus proche des gens, c’est ça qui est LQWpUHVVDQW ÂŞ ‡

bilitÊ de faire de la vidÊo, du son, du texte, de la photo, mais aussi d’être prÊsent sur les rÊseaux sociaux et d’interagir avec le lec torat. Le principal, c’est d’innover. La par ticularitÊ d’Orleansinfos.fr? Rendre l’info accessible aux malvoyants. 8QH GLIÀFXOWp VXSSOpPHQWDLUH mais un atout Êgalement puisque l’offre de PQR pour malvoyants est quasi inexistante. Le Web permet plus de proximitÊ, plus de rÊactivitÊ, et un enrichissement considÊrable du contenu.

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La rÊsistible ascension des sites gÊnÊralistes L’assassinat de la presse Êcrite par Internet est annoncÊ depuis des annÊes. 3H JO\[L KL SH ]LU[L KLZ X\V[PKPLUZ UH[PVUH\_ JVUÄYTL JL ZJtUHYPV THPZ le mobile du crime reste inconnu : les sites peinent à trouver leur Êquilibre ÄUHUJPLY L[ TvTL SL\Y TVKuSL tJVUVTPX\L Par Kahina Sekkai

D

epuis le dĂŠbut des annĂŠes 2000, les sites d’information gĂŠnĂŠraliste sur Internet croĂŽssent et se multiplient, tandis que la diffusion des grands quotidiens ne cesse de se rĂŠduire. Pourtant, qu’il s’agisse des sites ÂŤ pure players Âť, dont l’activitĂŠ est menĂŠe uniquement sur la Toile, ou bien des sites de titres de presse existants, le succès d’audience n’a pas dĂŠbouchĂŠ sur la rĂŠussite Ă€QDQFLqUH (Q FDSWDQW OHFWRUDW HW publicitĂŠ, ces sites tuent le modèle ĂŠconomique de la presse ĂŠcrite, mais sans en proposer de nouveau en remplacement. Si les sites spĂŠcialisĂŠs dans l’automobile, le cinĂŠma, l’immobilier ou la musique sont SURĂ€WDEOHV JUkFH j OD SXEOLFLWp ou aux petites annonces, marchĂŠ qu’ils ont littĂŠralement phagocytĂŠ, les sites dits ÂŤ gĂŠnĂŠralistes Âť sont presque tous Ă la recherche de leurs revenus. Seul Lemonde.fr dit ĂŞtre rentable, avec une formule semipayante : pour six euros par mois, l’internaute a accès Ă des articles plus complets et aux archives. Mais le site existerait-il encore sans l’appui du quotidien du soir? De quoi remplirait-il sa home et ses newsletters quotidiennes s’il n’Êtait pas adossĂŠ Ă l’Êquipe d’un des quotidiens les plus vendus ? DĂŠlivrer de l’information au moindre coĂťt, c’est le dilemme des sites pure players qui, eux,

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ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Tendance montante, les internautes en deviennent les auteurs, bĂŠnĂŠvoles RX SUHVTXH &HULVH VXU OH JkWHDX ce système crĂŠe un sentiment d’appartenance, comme Rue89 et ses ÂŤriverainsÂť, communautĂŠ de lecteurs-blogueurs. Dernier-nĂŠ gĂŠnĂŠraliste, le Plus, addition participative au Nouvelobs.com, compte 24 000 inscrits depuis son ouverture, en mai 2011. Pourtant, la

rĂŠdactrice en chef, Aude Baron, dit ŠSULYLOpJLHU XQ Ă X[ TXDOLWDWLI j XQ Ă X[ TXDQWLWDWLIÂŞ. Le travail des ĂŠquipes du Plus se divise en trois axes : ÂŤd’abord la sĂŠlection parmi les articles envoyĂŠs, [‌], ensuite la UHFKHUFKH GH WDOHQWV HW HQĂ€Q O¡pGLWLRQ et la mise en forme. Le participatif est une autre façon de faire du MRXUQDOLVPH ÂŞ Le site prĂŠvoit mĂŞme de mettre en place un ÂŤsystème pour rĂŠcompenser les meilleurs SDUWLFLSDQWV OHV SOXV Ă€GqOHVÂŞ. Rien GH Ă€QDQFLHU SUpFLVH W HOOH ÂŤdes bons

CrĂŠdit: J.B Salvat


MÉDIAS

FDGHDX[ GHV DERQQHPHQWVÂŞ. Pour la journaliste, le problème de ces sites est qu’ils sont trop gĂŠnĂŠralistes : ÂŤLa diffĂŠrence entre un site spĂŠcialisĂŠ et un site gĂŠnĂŠraliste, c’est la valeur ajoutĂŠe. Aujourd’hui, sur Internet, il vaut mieux ĂŞtre très bon sur deux ou trois choses que PR\HQ SDUWRXW ÂŞ Cette envie de ne louper aucun secteur de l’actualitĂŠ SRXVVH SDUIRLV DX EkWRQQDJH GH dĂŠpĂŞche, pratique qui ÂŤne marche SDV VXU OH :HEÂŞ, de plus en plus demandeur d’une information de qualitĂŠ, crĂŠdible et approfondie. /¡DWWDFKH GH OD Š PDLVRQ PqUH ÂŞ La question de la crĂŠdibilitĂŠ se pose diffĂŠremment pour les sites issus de rĂŠdactions papier. ÂŤUn site adossĂŠ Ă une maison PqUH SURILWH GH VRQ LPDJHÂŞ explique Johan Hufnagel, rĂŠdacteur en chef de Slate.fr. ÂŤLa maison mère est une marque, HW GLVSRVH G¡XQH FRQĂ€DQFH DVVH] IRUWH ÂŞ auprès des lecteurs. Les lecteurs qui ont dĂŠcouvert Slate, Rue89 ou MĂŠdiapart accepteraient de sauter dans l'inconnu alors que ceux de Liberation.fr ou Lemonde.fr savaient ce qu'ils allaient trouver. Du cĂ´tĂŠ des sites attachĂŠs Ă un titre de presse existant, la question du modèle ĂŠconomique reste la mĂŞme. Certains magazines proposent des offres d’achat de publicitĂŠ liĂŠes papier et Web. Mais cette synergie n’est qu’une façon de camoufler un phĂŠnomène de vases communicants : toujours plus de pub sur la Toile, de moins en moins sur le papier. Pour Aude Baron, rĂŠdactrice en chef du Plus, l’appui d’une maison mère est fondamental :ÂŤOn ne pourrait pas exister sans l’Obs. Au quotidien, nous sommes sept, ce qui serait impossible sans le soutien GX PDJD]LQH ÂŞ La jeune femme poursuit : ÂŤAujourd’hui, tout l’enjeu, c’est exister seul, c'est très compliquĂŠ. Il n’y a pas de vrai modèle ĂŠconomique sur

LE HUFFPO.FR SE LANCE AVEC LE MONDE

OH 1HWÂŞ , dĂŠplore-t-elle. Du coup, le rachat de Rue89 par le ÂŤ Nouvel Obs Âť, sonne comme un aveu d’Êchec de la nouvelle ĂŠconomie, incapable de trouver seule les moyens de son ĂŠmancipation. Car tout se vend et tout s’achète sur le Web‌ sauf l’information.

Par Sarah Mazelier

AFP, Martin Bureau

3D\HU UHVWH PLQRULWDLUH VXU Internet Pour Johan Hufnagel, ÂŤrĂŠussir Ă faire payer les gens sur ,QWHUQHW F¡HVW H[FHSWLRQQHOÂŞ de par la fonction première du Web, ÂŤun lieu de circulation de l’information sans le mur GX SD\DQWÂŞ. Mediapart, qui se GpĂ€QLW VXU VRQ VLWH FRPPH ÂŤun journal d’information numĂŠrique, LQGpSHQGDQW HW SDUWLFLSDWLIÂŞ, coĂťte neuf euros par mois. Dans ÂŤLe projet MediapartÂť, l’Êquipe DIĂ€UPH V¡DGUHVVHU Š j XQH FOLHQWqOH que ni l’offre papier existante ni l’offre en ligne ne satisfont aujourd’hui Âť. Et les journalistes d’Êvoquer cette pĂŠriode entre crise de la presse papier et croissance du Web, en manque de modèle ĂŠconomique stable. Un modèle de dĂŠveloppement payant, tentĂŠ par de nombreux titres de presse, mais qui a ĂŠchouĂŠ Ă de nombreuses reprises, y compris outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, le ÂŤNew York TimesÂť et le ÂŤWall Street JournalÂť, deux mastodontes amĂŠricains GH O¡LQIRUPDWLRQ RQW PLV Ă€Q j leurs tentatives après des ĂŠchecs

Arianna Huffington a crĂŠĂŠ le Huffington Post en 2005 CrĂŠdit: trulyrightview.com

Un nouveau site d’information a fait son DSSDULWLRQ OH MDQYLHU dans le paysage du web IUDQoDLV OH +XIĂ€QJWRQ3RVW fr. Fruit d'un partenariat entre le banquier Mathieu Pigasse, Arianna +XIĂ€QJWRQ OD IRQGDWULFH GX site amĂŠricain et le journal /H 0RQGH OH +XIISR IU D fusionnĂŠ avec Le Post, site participatif du quotidien. Il est calquĂŠ sur le modèle DPpULFDLQ GX +XIĂ€QJWRQ 3RVW &H VLWH QRYDWHXU repose sur la participation bĂŠnĂŠvole de contributeurs, DPDWHXUV j HW DXVVL de journalistes. Si ce site avait pour vocation de donner la parole Ă tous les partis politiques on lui a un temps reprochĂŠ sa proximitĂŠ avec le Tea Party, aile droite du parti rĂŠpublicain. De nombreuses cĂŠlĂŠbritĂŠs RQW pFULW SRXU OH +XII WHO que Barack Obama, David &DPHURQ 0LFKDHO 0RRUH RX HQFRUH +LOODU\ &OLQWRQ 3RXU OD YHUVLRQ IUDQoDLVH Anne Sinclair est devenue directrice ĂŠditoriale, David Kessler le directeur de la publication et Paul Ackermann le rĂŠdacteur en chef. De mĂŞme que pour la version amĂŠricaine du +XIĂ€QJWRQ 3RVW OH VLWH mĂŠlangera informations, divertissement, opinions et blogs ĂŠcrits par toutes sortes d'intervenants, dont des cĂŠlĂŠbritĂŠs. Il traitera l'actualitĂŠ et la politique, mais aussi la culture, les mĂŠdias ou le "lifestyle".

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Ă DJUDQWV 0DLV OH WHUPH G¡pFKHF comme celui de succès restent Ă GpĂ€QLU (TXLOLEUHU VHV FRPSWHV est-il un succès ? La question se pose ĂŠgalement en France, depuis qu’Edwy Plenel, prĂŠsident et directeur de la rĂŠdaction de Mediapart, a annoncĂŠ ÂŤne plus perdre d’argentÂť depuis l’automne dernier. Plus de 47 000 personnes sont dĂŠsormais abonnĂŠes au site lancĂŠ par l’ancien du Monde.

Un canard pas enchaĂŽnĂŠ Ă la Toile

Les derniers instants du papier ? Internet, coupable dĂŠsignĂŠ dans la chute des ventes des journaux, devrait les pousser Ă l’Êvolution selon Aude Baron, rĂŠdactrice en chef du Plus. ÂŤIl faut trouver une valeur ajoutĂŠe. Il faut que le papier s’adapte, avec des articles peut-ĂŞtre SOXV DSSURIRQGLVÂŤÂŞ. Le problème posĂŠ est ĂŠgalement celui de l’immĂŠdiatetĂŠ ÂŤqui est maintenant VXU ,QWHUQHWÂŞ, causant du tort aux quotidiens. ÂŤMais des titres comme "XXI" montrent qu’avec une forte valeur ajoutĂŠe, il y a des acheteurs. La pratique de la presse ĂŠcrite ne disparaĂŽtra pas, parce que la lecture sur Internet n’a pas cette facilitĂŠ, ni PRELOLWp GRQW GLVSRVH OH SDSLHU ÂŞ Et pour l’ancienne journaliste du Post. fr, le prix des tablettes et liseuses en fait un produit que tout le monde ne DĂŠlivrer de peut possĂŠder. MalgrĂŠ l’absence l’information au de pĂŠrennitĂŠ ĂŠ c o n o m i q u e moindre coĂťt, pour les sites web, les journaux c’est le dilemme meurent. La d i s p a r i t i o n des sites pure d’un quotidien emblĂŠmatique, players ÂŤFrance SoirÂť, en est encore une SUHXYH Ă DJUDQWH ÂŤC’est une pĂŠriode GLIĂ€FLOH 0DLV F¡HVW DXVVL FH TXL HVW EHDX GDQV FHWWH SpULRGHÂŞ, perçoit Johan Hufnagel, optimiste. Mais selon lui, ÂŤĂŠriger des modèles tout payant ou tout gratuit est une erreur, LO IDXW LQYHQWHU VRQ SURSUH PRGqOH ÂŞ *URVVH PLVVLRQ HQ SHUVSHFWLYH ‡

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Louis-Marie Horeau, rÊdacteur en chef adjoint au Canard EnchaÎnÊ, lors d'une perquisition au siège du journal, dans le cadre de l'affaire Cleastream, le 11 mai 2007. CrÊdit: AFP

48(67,216 ­ /RXLV 0DULH +RUHDX rĂŠdacteur en chef DGMRLQW GX &DQDUG EnchaĂŽnĂŠ Sans revenus publicitaires FRPPHQW OH Š&DQDUG (QFKDvQpÂŞ YLW LO " Le coĂťt de fabrication est très faible: pas de papier glacĂŠ, seulement huit pages. Ensuite, nous sommes une petite ĂŠquipe de rĂŠdaction. Avec un million d'abonnements et de ventes en kiosque, le journal s'en sort très bien. &RQWUDLUHPHQW j G DXWUHV mĂŠdias, nous sommes EpQpĂ€FLDLUHV DYHF XQ taux de marge sur chiffre GŇ‹DIIDLUH GH VRLW millions d'euros en 2011. 3RXUTXRL OH &DQDUG EnchaĂŽnĂŠ refuse une version Web ? Tous les sites d'informations sont dĂŠficitaires, pas forcĂŠment en dĂŠficit grave, mais dĂŠficitaires tout de mĂŞme. Nous n’avons pas envie de nous lancer GHGDQV &RQVWLWXHU XQH ĂŠquipe de spĂŠcialistes

informaticiens, agrandir l'Êquipe de rÊdaction nous coÝterait plus cher. Or, on sait que les journaux qui dÊclinent une version Web sont doublement perdants : les lecteurs se contentent de la version Web au dÊtriment des journaux papiers. Même si on ne mettait qu'une personne sur le site, il n'y a pas de garantie que la personne suive la ligne Êditoriale. Un article engage toujours le journal oÚ il paraÎt. Trop risquÊ... Les nouveaux sites dits d’investigation tels que 6ODWH 5XH RX 0pGLDSDUW UHSUpVHQWHQW LOV XQH concurrence dangereuse ? Non, absolument pas. Leur apparition n’a en rien affectÊ nos ventes. Si on regarde la courbe de nos ventes, ces sites ne nous font aucun tort. L’information dite d’investigation est comme une fête, plus on est nombreux sur ces sujets, plus ont rit. $X FRQWUDLUH oD SURGXLW XQ HIIHW GҋpPXODWLRQ oD nous stimule ! Par Sarah Mazelier


MÉDIAS

RUE89: DU SITE AU MAG Par Boussayna Akaiz

&Upp HQ SDU GHV anciens de LibĂŠration, le site web d’information ZZZ UXH FRP D ODQFp en juin 2010 un magazine mensuel. ÂŤNotre motivation est d’espĂŠrer toucher un lectorat diffĂŠrent avec le magazineÂť dĂŠclare Yann GuĂŠgan, rĂŠdacteur en chef adjoint. Le contenu ne diffère pas vraiment d’un support Ă un autre: ÂŤIl y a un travail de rĂŠadaptation des textes du Web au magazine, mais le contenu est le mĂŞme. On a une

première partie composĂŠe d’articles Ă venir sur le site et une seconde d’articles dĂŠjĂ parusÂť SUpFLVH W LO Du fait de cette similitude de contenu seulement trois personnes ont rejoint OŇ‹pTXLSH GH MRXUQDOLVWHV DĂ€Q GH GpYHORSSHU FHWWH version papier : un ĂŠditeur/ maquettiste, un iconographe et un correcteur. Et ce ne sont pas les ventes qui permettront d’Êtoffer cet effectif : ÂŤLe nombre de ventes pour le magazine varie entre 16 000 et 20 000 par mois, c’est assez stable mais on a du mal Ă dĂŠpasser ce chiffreÂť avoue Yann GuĂŠgan. &UpGLW %ULFH %RQQHDX

TWITTER, NOUVEAU SUPPORT D’INFORMATION ? Par Geoffrey Priol

PLOOLRQV d'utilisateurs, dont PLOOLRQV GH )UDQoDLV 7ZLWWHU HVW devenu en Ă peine six ans un sĂŠrieux concurrent des sites Internet gĂŠnĂŠralistes d’information. En une semaine le nombre de tweets envoyĂŠs dĂŠpasse le milliard. Ici les journalistes ne sont plus les principaux acteurs de l’information, mais de simples spectateurs qui tentent de dĂŠnicher de l’information dans GHV PHVVDJHV GH caractères. ÂŤPour les journalistes, Twitter est une source d’informations et comme toute source RQ YpULĂ€H VD YpUDFLWp C’est devenu un

vĂŠritable support de travail Âť, FRQĂ€H (ULF Mettout directeur ĂŠditorial du site l’Express.fr. Le procès de Dominique Strauss Kahn est le parfait exemple d’une des utilisations de Twitter par les journalistes. Durant le jugement de OŇ‹H[ SDWURQ GX )RQGV MonĂŠtaire International, les journaux tĂŠlĂŠvisĂŠs des chaĂŽnes comme , WpOp IDXWH GŇ‹DYRLU XQ journaliste Ă l’intĂŠrieur du tribunal mĂŞme, suivaient les tweets des personnes prĂŠsentes dans la salle. A la tĂŠlĂŠvision, le journaliste dĂŠcouvrait l’information en mĂŞme temps que le spectateur, une première. Face Ă cette dĂŠferlante, les journalistes doivent prendre la vague mais avec prĂŠcaution. Pour Eric Mettout, ce rĂŠseau social est ÂŤun moyen d’attirer

les lecteurs vers les caractères. ÂŤC’est une articles des sites utilisation de Twitter gĂŠnĂŠralistes mais c’est qu’il faut apprendre surtout un immense comme par exemple carnet d’adresses. Ici comment retweeter, plus besoin d’inviter une IL N’EXISTE PAS UNE ÉCRITURE personne Ă JOURNALISTIQUE PROPRE Ă€ dĂŽner pour TWITTER OĂ™ L’ON NE PEUT maintenir ÉCRIRE QUE 140 CARACTĂˆRES son contact, LO VXIĂ€W de retweeter ses suivre des twittos de messages et ĂŠtablir qualitĂŠ et tweeter Ă des une relation, une personnes prĂŠcises. Âť DIĂ€QLWp DYHF OH WZLWWRV L’une des principales (la personne qui GLIĂ€FXOWpV TXH envoie des tweets). rencontre le journaliste, Cela permettra au lorsqu’il a un compte Ă€QDO GŇ‹DYRLU GHV Twitter professionnel, informations sur cette est de prendre du recul personne qu’elle nous face Ă ce qu’il ĂŠcrit. donnera en privĂŠ ou ÂŤTwitter est un lieu bien qu’elle rĂŠvèlera oĂš l’on prend plaisir Ă Ă tous ses followers ĂŠchanger des messages (les abonnĂŠs Ă son mais il faut faire compte ) Âť. De plus attention Ă ce que ce pour l’Êditorialiste du soit le journaliste et non site Internet, il n’existe la personne qui tweete. pas en soit une ĂŠcriture Il ne faut pas que le journalistique propre personnel prenne le pas Ă Twitter oĂš l’on ne sur le professionnelÂť, SHXW pFULUH TXH FRQĂ€H (ULF 0HWWRXW

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Pointus et multifonctions

Les journalistes

Spécialistes et touche-à-tout Alors qu’autrefois le journaliste se devait d’être cet étonnant dilettante capable de parler de tout et de traiter tous les sujets, on lui demande à présent de devenir un expert dans son domaine, tout en étant capable de remplir toutes les fonctions de son métier. Par Boussayna Akaiz 18

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"cou t


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u teau suisse" A

l’Êpoque oĂš les grands mĂŠdias traditionnels dominaient, le reporter se devait d’être ÂŤ gĂŠnĂŠraliste Âť, capable de pouvoir intervenir sur diffĂŠrents domaines. C’Êtait mĂŞme la dĂŠfinition du mĂŠtier. Il devait pouvoir ĂŠcrire aussi bien sur la politique, que la mode, les faits divers ou de VRFLpWp $OEHUW /RQGUHV Ă€JXUH tutĂŠlaire du journaliste français, incarnait parfaitement ce clichĂŠ. Du Tour de France Ă la guerre en Chine, en passant par le bagne de Cayenne, les asiles, le terrorisme Balkanique ou la prostitution, il a tout traitĂŠ. Il y a trente ou quarante ans encore, le journaliste spĂŠcialisĂŠ ĂŠtait rare, c’Êtait le laborieux qui, Ă longueur d’annĂŠe, essayait des voitures ou commentait les cours de la Bourse. Si les domaines d’intervention du journaliste gĂŠnĂŠraliste ĂŠtaient multiples, en revanche la polyvalence, elle, ne faisait pas partie de ses qualitĂŠs : il ĂŠtait un homme de presse ĂŠcrite, de radio ou de tĂŠlĂŠvision et s’y cantonnait. On pardonnait Ă un journaliste de presse ĂŠcrite de bafouiller face Ă la camĂŠra et au journaliste de tĂŠlĂŠ ou de radio d’Êcrire un français parlĂŠ. On leur pardonnait surtout d’être des pachas. L’homme de plume dictait son article au tĂŠlĂŠphone ou tendait nĂŠgligemment ses feuillets manuscrits Ă une secrĂŠtaire dactylo. Taper Ă la machine ĂŠtait XQH WkFKH REVFXUH Š VSpFLDOLsĂŠe Âť et mĂŞme rĂŠdiger un chapĂ´ ou une lĂŠgende ĂŠtait du ressort d’une autre race de secrĂŠtaire : le secrĂŠtaire de rĂŠdaction. Quant au journaliste de tĂŠlĂŠvision, pour la moindre interview, il partait avec chauffeur, preneur de son et camĂŠraman. Si on lui avait dit qu’un jour, son successeur parti-

rait seul Ă scooter et s’occuperait du montage au retour, il ne l’aurait pas cru. /D SRO\YDOHQFH FRPPH FUpGR A prĂŠsent le journaliste tend Ă devenir un spĂŠcialiste Ă qui l’on demande d’avoir des connaissances assez pointues sur un, voire deux thèmes : de l’Êconomie au sport, en passant par la culture, la santĂŠ, les transports, le high tech. Ce ÂŤ rubriquage Âť des ĂŠquipes de rĂŠdaction n’est pas nouveau mais l’Êmergence du Web et la place qu’y prend le lecteur via les forums ou les ÂŤ rĂŠagir Ă cet article Âť font que le journaliste ne dominant pas son sujet est immanquablement jetĂŠ aux fauves. A la tĂŠlĂŠ et Ă la radio aussi, le lecteur/tĂŠlĂŠspectateur/auditeur est aujourd’hui plus prĂŠsent et ne se prive pas de pouvoir rĂŠagir instantanĂŠment Ă une information donnĂŠe, parfois de manière virulente. Cette irruption du lecteur, et pire, du lecteur ÂŤ spĂŠcialiste de son sujet Âť oblige les mĂŠdias Ă faire appel Ă des journalistes ayant une parfaite maĂŽtrise de leur(s) domaine(s) de prĂŠdilection. Du coup, l’Êcole de journalisme ou l’apprentissage par la pige ne sont plus des viatiques : beaucoup ont des diplĂ´mes provenant d' univers aussi divers tels que sciences humaines, mĂŠdecine, cinĂŠma, ĂŠconomie ou ingĂŠnieur. Le casque et la plume En mĂŞme temps qu’il devient spĂŠcialiste d’un domaine, le journaliste doit devenir un gĂŠnĂŠraliste dans sa profession, et en maĂŽtriser toutes les fonctions. Un rĂŠdacteur doit ĂŠcrire aussi bien pour la version papier que la version web, savoir prendre des photos

par nĂŠcessitĂŠ ĂŠconomique, des vidĂŠos pour le Web. Un journaliste radio ou tĂŠlĂŠ doit aujourd’hui pouvoir tenir son blog ou ĂŠcrire pour un site. Le rĂŠdacteur fait de l’editing sur le logiciel de PAO, le JRI du montage. Tout journaliste doit dĂŠsormais maĂŽtriser les outils techniques mis Ă sa dispostion. Un secteur en crise Cette nĂŠcessitĂŠ de polyvalence est d’origine essentiellement ĂŠconomique : les ventes sont en baisse tout comme les recettes publicitaires, ce qui entraine des rĂŠductions d’effectifs . Aux quelques grandes rĂŠdactions aux effectifs plĂŠthoriques d’autrefois ont succĂŠdĂŠ des myriades de micro ĂŠquipes. Dans ces rĂŠdactions peau GH FKDJULQ OHV WkFKHV VSpFLDOLVpHV telles que secrĂŠtaire de rĂŠdaction et photographe n’ont guère d’avenir. Les rĂŠdacteurs font de plus en plus leur editing et cherchent ou prennent les photos. L’omniprĂŠsence d’Internet est aussi pour beaucoup dans ces changements. Les sites web dĂŠlivrent aussi bien du texte, que du son ou de l’image. La presse traditionnelle tente de suivre cette surenchère sur ses sites, sans pour autant avoir les moyens de recruter. On est donc passĂŠ d’un modèle Ă un autre. Pour surnager, le journaliste doit possĂŠder plusieurs aptitudes, tout en ĂŠtant spĂŠcialiste dans un domaine. Cette nĂŠcessitĂŠ se ressent jusque dans la formation des journalistes de demain, les ĂŠcoles ayant le devoir de jonJOHU DYHF FH QRXYHDX SDUDGR[H ‡

LE JOURNALISTE, EXPERT DE SON DOMAINE ET MULTI-FONCTIONS

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RÉDACTIONS

Journalistes politiques, une ĂŠlite sous surveillance Entre tutoiement, dĂŠjeuners informels et SMS, les relations entre journalistes et politiques sont parfois ambigĂźes. A l'approche des ĂŠlections prĂŠsidentielles, la question de la connivence se pose plus que jamais. Par Marie Perrin

ÂŤC

¡HVW XQ DERXWLVVHPHQW ÂŞ dĂŠclare Michel Revol, journaliste politique au magazine Le Point, ÂŤ pour un journaliste politique, couvrir les ĂŠlections du futur prĂŠsident de la rĂŠpublique F¡HVW OH EXW XOWLPH ÂŞ. Bertrand Delais, journaliste politique pour France Culture compare cette ĂŠlection au plus grand ĂŠvĂŠnement sportif : ÂŤC’est comme les Jeux Olympiques pour un journaliste sportif, c’est le mĂŞme enjeu pour nous. Ce n’est pas le plus important, mais c’est le plus intense GDQV QRWUH FDUULqUH ÂŞ Mais les journalistes politiques peuventils traiter librement des informations concernant les hommes du pouvoir ? Tous s’accordent Ă dire que l’auto censure est de mise dans ce milieu. ÂŤ Il faut savoir se retenir. Si on ne divulgue pas certaines

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informations gĂŞnantes sur leur vie, les politiques nous en sont reconnaissants et n’hĂŠsiteront pas j VH FRQĂ€HU GH QRXYHDX ,OV QRXV donneront plus facilement des informations. C’est un cercle fermĂŠ R LO \ D EHDXFRXS G¡K\SRFULVLHÂŞ dĂŠclare Michel Revol. Certains RQW GpĂ€p j OHXUV IUDLV FHV KRPPHV puissants. C’est le cas de Bertrand Delais. En 2002, le journaliste s’entretient avec Lionel Jospin, alors Premier Ministre et candidat Ă la prĂŠsidentielle : ÂŤJe parlais avec lui de manière informelle. A un moment il m’a dit qu’il faisait un très bon bilan de ces derniers mois. Je lui ai rĂŠpondu qu’un bon bilan ne garantissait pas qu’il se fasse ĂŠlire en tant que PrĂŠsident. Il s’est braquĂŠ et n’a plus rien dit. Mais les consĂŠquences de mes paroles ont ĂŠtĂŠ immĂŠdiates. Quelques jours plus tard, un petitdĂŠjeuner de presse ĂŠtait organisĂŠ

et je n’Êtais pas conviĂŠ. Je n’ai plus jamais ĂŠtĂŠ invitĂŠ et Lionel Jospin m’a clairement mis Ă l’Êcart. Nous sommes face Ă des gens puissants, qui ont du pouvoir et peuvent dĂŠcider de notre FDUULqUH ÂŞ Maintenir un rapport de FRQĂ€DQFH Cette anecdote montre que la libertĂŠ n’est pas le maĂŽtre mot de cette profession oĂš le compromis est permanent. Le lien qu’Êtablissent les journalistes avec les hommes politiques nĂŠcessite un UDSSRUW GH FRQĂ€DQFH TX¡LO IDXW absolument conserver. ÂŤ C’est un ĂŠquilibre fragile, il faut savoir donner autant qu’il faut savoir UHQGUH ÂŞ, explique Michel Revol. Pour autant, les journalistes ne privilĂŠgient pas forcĂŠment leur carrière : ÂŤJe ne ferais pas le choix de ma carrière si j’avais

EntrÊe de SÊgolène Royal puis de Laurent Fabius au Marriott à Paris le 25 mars 2008 CrÊdit photo: tibotanguy/Flickr


RÉDACTIONS

laisse parfois Ă dĂŠsiUHUÂŞ, regrette Michel Revol.

­3LZ prĂŠsidentielles pour nous c’est comme les Jeux Olympiques pour un journaliste sportif, c’est le mĂŞme enjeuÂŽ. Michel Revol, journaliste politique au Point.

Un manque de recul pour les journalistes Pour Bertrand Delais, le manque de distance qui caractĂŠrise les relations entre journalistes et politiques reste le point faible du mĂŠtier. ÂŤLe vouvoiement qui ĂŠtait de mise avant ne l’est plus aujourd’hui. On se tutoie tous, quelles que soient nos fonctions. Il n‘y a plus de respect, mais une grande brutalitĂŠ, une trop grande franchise dans nos paroles. La pression est ĂŠnorme sur nous, les journalistes, car quelque part nous devenons les FKDUJpV GH FRP GHV SROLWLTXHVÂŞ, dĂŠclare Michel Revol. Mais ce qui dĂŠrange le plus ces professionnels de l’information politique, c’est le manque de libertĂŠ des hommes politiques eux-mĂŞmes. Toutes leurs paroles et leurs moindres faits et gestes sont contrĂ´lĂŠs. ÂŤ Les politiques ont une ĂŠnorme maĂŽtrise d’eux-mĂŞmes. Avant de nous parler ils endossent leur

citoyens, responsables associatifs, politiques et syndicaux, intellectuels Par Kahina Sekkai et chercheurs, journalistes, voulons &Upp HQ $FULPHG rĂŠagir Ă la manière $FWLRQ &ULWLTXH dĂŠtestable dont la MĂŠdias) se donne plupart des rĂŠdactions pour mission d’être des grands mĂŠdias un observatoire des rendent compte de mĂŠdias. L’association la rĂŠalitĂŠ. Âť Depuis, s’est lancĂŠe après Acrimed ne manque un appel suite aux PDQLIHVWDWLRQV GH pas de relever chaque irrĂŠgularitĂŠ dans la et qui dĂŠbute ainsi: presse, sur tous les ÂŤNous soussignĂŠs, ACRIMED, LE GENDARME DU JOURNALISME

CrĂŠdit photo: tibotanguy/Flickr

une info en exclusivitĂŠ. Après bien sĂťr, tout dĂŠpend de l’information. Par exemple je ne vois pas l’intĂŠrĂŞt de parler des frasques sexuelles de DSK, ça ne va pas faire avancer les choses de savoir que cet homme a un comportement sexuel dĂŠviant. Il fait ce qu’il veut avec qui il veut. Tant qu’il ne se serait pas prĂŠsentĂŠ, jamais je n’en aurais parlĂŠ. Par contre dès qu’il devient candidat, lĂ c’est intĂŠresVDQW GH OH VRXOLJQHU ÂŞ Les journalistes politiques, bien que spĂŠcialistes dans leur domaine, sont amenĂŠs Ă traiter toutes sortes de sujets, de l’ONU aux impĂ´ts en passant par les mĹ“urs, la sĂŠcuritĂŠ ou encore les retraites. Ils sont donc des gĂŠnĂŠralistes spĂŠcialisĂŠs en politique. Michel Revol dĂŠplore d’ailleurs ce cĂ´tĂŠ si hĂŠtĂŠrogène du mĂŠtier : ÂŤQuelque part, c’est dĂŠcevant car on nous demande vraiment tout et rien. On ne fait pas forcĂŠment que suivre tel ou tel parti. Il faut qu’on soit apte Ă parler de n’importe quel VXMHW j Q¡LPSRUWH TXHO PRPHQW ÂŞ Autrefois considĂŠrĂŠ comme l’Êlite du journalisme, ils sont dĂŠsormais de moins en moins perçus comme les meilleurs. La dĂŠpolitisation et la crise du journalisme sont passĂŠes par lĂ et le mĂŠtier a perdu l’aura qu’il avait autrefois. ÂŤLe prestige du journaliste disparaĂŽt. En mĂŞme temps la qualitĂŠ des professionnels

blindage car ils ne veulent faire DXFXQH JDIIHª FRQÀH OH MRXUQDliste de France Culture. Mais la question la plus rÊcurrente pour les journalistes politiques est celle de l’objectivitÊ. Est il rÊellement possible pour ces spÊcialistes de mettre de côtÊ leurs opinions personnelles et de garder une parfaite neutralitÊ face aux diffÊrents partis qu’ils côtoient ? La plupart sont tentÊs de rÊpondre  oui , mais tous l’avouent, la neutralitÊ n’existe pas. On prend forcÊment un peu parti dans nos DUWLFOHV ª ‡

sujets, encore plus à l’occasion d’Êlections politiques. Pour 2012, comme pour 2002 et OҋDVVRFLDWLRQ HVW en veille permanente et n’Êpargne aucun mÊdia. Depuis les six derniers mois, LeMonde.fr , VSD ou encore l’Êmission de Laurent Ruquier On n’est pas couchʝ, ont ÊtÊ ÊpinglÊs pour leur traitement de l’actualitÊ politique. L’association

reproche à l’animateur de France 2 d’avoir "tournÊ en ridicule" le candidat du NPA Philippe Poutou. Le site d’Acrimed consacre même une rubrique intitulÊe Journalisme et politique à propos du  journalisme de rÊvÊrence , oÚ l’association dÊnonce les tentatives de dÊformations de l’information au service d’entitÊs politiques.

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Portrait de quatre "princes qui font l'Êlection" A l’approche de l’Êlection prÊsidentielle, quelques journalistes politiques sortent du lot. Dans le mÊtier depuis des dizaines d’annÊes, ils ont su durer et naviguer entre les mÊdias malgrÊ des parcours diffÊrents. Zoom sur quatre tenors. Par Kahina Sekkai

l’hebdomadaire ÂŤPolitisÂť après une maĂŽtrise en droit public et un diplĂ´me de journalisme Ă l’IUT de Bordeaux. Avant de devenir directeur adjoint de la rĂŠdaction de RTL, il est passĂŠ par diverses rĂŠdactions prestigieuses: LibĂŠration, Le JDD, L’Express, Le Monde et France Inter. Il est aujourd’hui le plus connu des journalistes politiques et a mĂŞme sa propre marionnette aux Guignols de l’Info. 6\OYLH 3LHUUH %URVVROHWWH

Jean-Michel Aphatie Du matin jusqu’au soir, JeanMichel Aphatie ne pense qu’à la politique. De l’antenne de RTL pendant la matinale au Grand Journal de Canal+, le journaliste à l’accent basque reconnaissable est devenu un passage incontournable pour

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les politiques. Pour autant, le parcours de Jean-Michel Aphatie est Ă part dans le journalisme, car il n'est pas issu de la pĂŠpinière Sciences Po, dont provient nombre de ses collègues. Le natif des PyrĂŠnĂŠes-Atlantiques n’a obtenu son bac qu’à 24 ans, après avoir abandonnĂŠ l’Êcole Ă 14 ans. Il est entrĂŠ Ă

La rĂŠdactrice en chef du service politique du ÂŤ Point Âť a un parcours atypique. Avant de rejoindre ÂŤ L’Express Âť en 1976, toute droit sortie de Sciences Po, elle ĂŠtait en charge des relations avec la presse de Françoise Giroud durant un an, quand la co-crĂŠatrice du news magazine ĂŠtait ministre de la Condition fĂŠminine. Elle l’a ensuite suivie au ministère de la Culture en tant que conseillère technique. RĂŠdactrice en chef de la rubrique France-actualitĂŠ jusqu’en 2007, elle est devenue chef du service politique du ÂŤ Point Âť après le dĂŠpart de Catherine PĂŠgard, devenue conseillère du prĂŠsident nouvellement ĂŠlu Nicolas Sarkozy. Jean-Pierre Elkabbach Intervieweur politique d’Europe 1, dont il a ĂŠtĂŠ le patron pendant trois DQV LO HVW XQH GHV Ă€JXUHV OHV SOXV anciennes du journalisme politique. DiplĂ´mĂŠ de Sciences Po Paris et de l’Institut Français de Presse, il

Jean-Michel Apathie Copyright site Internet MĂŠdias Sylvie Pierre-Brossolette copyright DR Jean-Pierre Elkabbach copyright Eric FougereVIP Images- Corbis


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devient correspondant de la Radio française Ă Alger en 1960. Dix ans plus tard, il devient le prĂŠsentateur du journal de la Première chaĂŽne. Il entre Ă Europe 1 après la prĂŠsidentielle de 1981 et obtient le poste de directeur d’antenne en 1987. Six ans plus tard, cet AlgĂŠrien de naissance est ĂŠlu prĂŠsident de France 2 et France 3. En 1999, il fonde la chaĂŽne Public SĂŠnat et en devient prĂŠsident. Il occupe ce mĂŞme poste Ă Europe1 en 2005 mais est contraint de le quitter en 2008 pour avoir annoncĂŠ par erreur la mort de Pascal Sevran. Alain Duhamel Journaliste multi-mĂŠdias, Alain Duhamel entame en 2012 sa neuvième couverture d’une ĂŠlection prĂŠsidentielle, ou plutĂ´t sa huitième car il a, en 2007, ĂŠtĂŠ ĂŠcartĂŠ de l'antenne pour avoir pris parti en faveur de François Bayrou devant ses ĂŠtudiants.

DiplĂ´mĂŠ de Sciences Po en 1962, il devient ĂŠditorialiste pour Le Monde dès 1963. Sept ans plus tard, le jeune prodige est aux commandes de l’Êmission tĂŠlĂŠvisĂŠe ÂŤ A armes ĂŠgales Âť, sur la Première chaĂŽne. Depuis la Ă€Q GHV DQQpHV LO RSqUH VXU France 2 pour diverses ĂŠmissions (ÂŤCartes sur tablesÂť, ÂŤL’heure de vĂŠritĂŠÂť, ÂŤMots croisĂŠsÂť) et participe occasionnellement au ÂŤGrand JournalÂť. Après des passages Ă Europe 1 et France Culture, Alain Duhamel rejoint RTL en 1999. Ses talents de chroniqueur le mènent dans de nombreux titres : ÂŤ LibĂŠration Âť, ÂŤLesDernièresNouvellesd’AlsaceÂť, ÂŤNice-MatinÂť et ÂŤLe PointÂť. La politique est le cĹ“ur de ses papiers et de ses livres. Un de ses derniers ouvrages, Cartes sur table*, traite des relations HQWUH SROLWLTXH HW WpOpYLVLRQ ‡ ‡ $YHF 3DWULFH 'XKDPHO HW Renaud Revel, Editions Plon, 2010 Alain Duhamel, source CAPE

JOURNALISTES ET POLITIQUES: LES LIAISONS DANGEREUSES Par Gary Assouline

&RQQLYHQFH Q I Š&RPSOLFLWp intellectuelle et morale, qui peut amener Ă faire abstraction d’entorses Ă la morale commises par l’autre.Âť &HWWH GpĂ€QLWLRQ WLUpH du Larousse pourrait VHUYLU GH VRXV WLWUH Ă certains articles d’analyse politique. Les relations entre journalistes et hommes politiques SDVVHQW GLIĂ€FLOHPHQW l’examen de la critique, notamment sur les

forums de discussion en ligne oĂš l’on dĂŠnonce allègrement le ÂŤcul et chemiseÂť des uns et des autres. S’ils exercent chacun un mĂŠtier intrinsèquement diffĂŠrent, l’un ne peut vivre sans l’autre et les deux s’alimentent voire s’aimantent. La connivence HVW VRXYHQW Ă€OOH de proximitĂŠ. Les journalistes qui suivent au quotidien les partis et hommes politiques dĂŽnent dans les mĂŞmes restaurants et dorment dans les mĂŞmes hĂ´tels lors de leurs dĂŠplacements. A force de vivre ensemble, le rapprochement est

inĂŠvitable. Tutoiement, vouvoiement, la frontière est assez mince, au risque que les relations ĂŠvoluent. RĂŠcemment, ValĂŠrie Trierweiler, Audrey Pulvar ou encore BĂŠatrice Schonberg, liĂŠes respectivement j )UDQoRLV +ROODQGH Arnaud Montebourg HW -HDQ /RXLV %RUORR ont dĂť mettre entre parenthèse leur carrière de journaliste politique le temps de la campagne prĂŠsidentielle. Entre la liaison amoureuse et amicale, le public a l’impression que journalistes et politiques sont

redevables les uns des autre. La connivence, c’est l’histoire d’une rencontre qui vise à sÊduire l’autre dans un dessein professionnel et qui suit son propre intÊrêt. Le risque de proximitÊ ne caractÊrise toutefois pas les seuls journalistes politiques mais tous les journalistes spÊcialisÊs. Voyages tous frais payÊs pour des tests et confÊrences à l’Êtranger, Êtroitesse du milieu professionnel, tout concourt à favoriser le syndrôme de la connivence.

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Se spĂŠcialiser, un travail d De plus en plus de journalistes se dirigent vers le journalisme spĂŠcialisĂŠ. Le choix de la passion, ou de la raison, Ă condition de ne pas s'enfermer. Par Corentin Vilsalmon

Q

ue choisir ? Presse gĂŠnĂŠraliste ou presse spĂŠcialisĂŠe ? Si le journalisme politique ou gĂŠnĂŠraliste dans un grand quotidien reste la voie royale, beaucoup de dĂŠbutans choisissent d’exercer dans le secteur spĂŠcialisĂŠ, reprĂŠsentĂŠ en grande majoritĂŠ par des magazines mensuels. C’est le cas de nombreux ĂŠtudiants en journalisme, passionnĂŠs par la Ă€OLqUH VSRUWLYH 8QH Ă€OLqUH VL SULsĂŠe que l’Ecole du Journalisme, basĂŠe Ă Nice, a crĂŠĂŠ une formation VSpFLDOH HQ Ă€Q GH FXUVXV SRXU OHV ĂŠtudiants qui veulent se diriger vers la presse sportive pour rejoindre des magazines comme l’Equipe Mag ou encore So Foot. La passion, c’est ce qui a motivĂŠ OH FKRL[ GH 3DVFDO *ROĂ€HU DQFLHQ ĂŠtudiant Ă l’ISCPA Paris et actuellement journaliste pour le bimensuel Moto Revue. PassionnĂŠ par ce domaine, il s’est instinctivement dirigĂŠ vers la presse spĂŠcialisĂŠe : ÂŤC'est plus agrĂŠable qu’un support de presse gĂŠnĂŠraliste parce qu’on bosse sur ce qu’on aime, mais c'est quand mĂŞme parfois rĂŠpĂŠtitif justement parce qu’on traite toujours OH PrPH VXMHW ÂŞ Selon lui ÂŤ la première raison qui pousse les journalistes Ă choisir la presse spĂŠcialisĂŠe c’est qu’elle est le secteur le plus ĂŠpargnĂŠ par la crise de la presse ĂŠcrite par rapport aux autres supports comme les quotidiens et hebdomadaires JpQpUDOLVWHV ÂŞ Il insiste sur le fait que le turn-over dans les rĂŠdactions ĂŠtant important, il est plus facile pour de nouveaux rĂŠdacteurs d’intĂŠgrer un support spĂŠcialisĂŠ. Il relativise pourtant et

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insiste sur le fait qu’il reste malgrĂŠ tout du travail dans les rĂŠdactions gĂŠnĂŠralistes. ÂŤPar contre si on cherche Ă rester stable il faut plutĂ´t DOOHU GDQV OD SUHVVH VSpFLDOLVpH ÂŞ Trop pointu, pas assez pointu ? Pour Jean-Michel Bossuet, journaliste pour la revue Aviation & Pilote depuis une dizaine d’annĂŠes, ÂŤla spĂŠcialisation permet de consolider sa place dans le mĂŠtier. Si l'on est très pointu il y a plus de chances de se faire contacter par d’autres journaux pour un avis d’expert ou PrPH SRXU XQH SLJH ÂŞ Dès lors il s’agit de faire attention Ă la spĂŠcialisation Ă outrance.

Travailler au sein d'un magazine spÊcialisÊ est un bon moyen de commencer une carrière pour les jeunes journalistes. DR

A terme, le journaliste spĂŠcialiste et/ou passionnĂŠ peut risquer de perdre le recul et l’objectivitĂŠ nĂŠcessaires pour traiter l'information. Il risque ĂŠgalement de devenir trop pointu pour le lecteur profane qui ne suit pas forcĂŠment de façon assidue la parution des magazines. Le rĂ´le du journaliste ĂŠtant d’expliquer clairement, de vulgariser un sujet, le risque d’une spĂŠcialisation Ă outrance serait alors de perdre le lecteur lambda avec un jargon trop VSpFLĂ€TXH YRLUH G¡DOOHU MXVTX¡j GHvenir le porte-parole de son secteur. ÂŤ Il ne faut pas voir la spĂŠcialisation comme quelque chose d’exclusif, explique Jean-Michel Bossuet. Il faut regarder l’actualitĂŠ, observer tous


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l d’expert les domaines et ne pas ĂŞtre mono sujet, contrairement Ă la presse professionnelle d’entreprise. Mais il faut VDYRLU rWUH SRLQWX GDQV VRQ VXMHW ÂŞ C’est d’ailleurs ce que cherchent les employeurs, Ă savoir des salariĂŠs pointus qui ont les contacts et les connaissances appropriĂŠes dans un domaine mais qui demeurent capables de se convertir Ă un autre. Mais le principal risque est de tomber dans la connivence avec les acteurs de son secteur d'activitĂŠ, ce qui peut aboutir Ă l’auto-censure, soit par peur de dĂŠplaire Ă une relation soit dans le but de favoriser ou caresser dans le sens du poil tel ou tel annonceur. Comment rĂŠussir Ă se reconvertir lorsque l’envie prend de changer G¡KRUL]RQV " 3RXU 3DVFDO *ROĂ€HU la reconversion est possible, mais il faut pour cela montrer qu’on peut ĂŠgalement ĂŠcrire sur d’autres sujets qui ne font pas partie de sa spĂŠcialitĂŠ. ÂŤ Faire des piges en GHKRUV GX PDJD]LQH SHXW DVVXUHU une porte de sortie vers un mĂŠdia plus gĂŠnĂŠral. Les journalistes qui gardent plusieurs domaines d'action VRQW IDYRULVpV SRXU VH UHFRQYHUWLU ÂŞ La clĂŠ est donc de possĂŠder plusieurs domaines d’expertise. ÂŤJe pense que je ne ferai pas ça toute ma vie, explique Pascal qui ĂŠvoque une possible reconversion dans plusieurs annĂŠes. Peut-ĂŞtre que je me tournerai vers l'enseignement comme activitĂŠ annexe en plus de me diriger vers un mĂŠdia plus gĂŠnĂŠraliste. Dans mon milieu (NDRL : la moto) les journalistes qui cherchent Ă se reconvertir partent le plus souYHQW GDQV OD FRPPXQLFDWLRQ FKH] les importateurs de moto notamPHQW ÂŞ ‡

Exemple d'une infographie rÊalisÊe à partir d’informations extraites d’une base de donnÊes.

DATA : ENTRE SPÉCIALISATION ET GÉNÉRALISME 3DU &RUHQWLQ 9LOVDOPRQ Le data journalisme, c'est l’art de savoir dĂŠcoder des donnĂŠes chiffrĂŠes pour en extraire de l’information et l’organiser sous forme d’infographies parfois interactives. Pas encore très dĂŠveloppĂŠe dans les rĂŠdactions de presse ĂŠcrite, cette pratique s’est nettement ancrĂŠe dans les pages des sites web. Pour Nicolas Patte, data journaliste pour le site internet Owni.fr, ÂŤle data journalisme est un procĂŠdĂŠ ĂŠditorial qui me paraĂŽt dĂŠpasser la question du spĂŠcialiste opposĂŠ au gĂŠnĂŠraliste. Un journaliste de donnĂŠes peut tout aussi ELHQ FRXYULU OD Ă€QDQFH internationale que le hockey sur glace.Âť Une question ÂŤcentraleÂť du data journalisme et qui pourrait voir se transformer les rĂŠdactions web est le mĂŠtissage possible entre le journaliste qui rĂŠcolte les donnĂŠes, les recoupe et en tire une information, et le graphiste, qui met en forme ces informations. Un mĂŠtissage entre deux professions qui pourrait accoucher d’un nouveau type de journaliste, qui oscille toujours entre spĂŠcialitĂŠ web et gĂŠnĂŠralisme dans les sujets abordĂŠs.

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([SHUWV PDLV WRXFKH j WRXW La pÊnurie d’embauches et les exigences des mÊdias ont poussÊ les journalistes à devenir à la fois polyvalents et de plus en plus spÊcialistes d’un sujet. Par Hicham Barrouk

I

l y a encore une dizaine d’annĂŠes, un journaliste de tĂŠlĂŠvision ĂŠtait accompagnĂŠ d’un preneur de son et d’un camĂŠraman lors de ses dĂŠplacements sur le terrain. Un ĂŠquipage devenu obsolète avec le dĂŠveloppement du nombre de chaĂŽnes de tĂŠlĂŠvision et de la puissance des outils numĂŠriques. DorĂŠnavant le journaliste reporter d’images (JRI) assure de plus en plus la fabrication complète de son sujet. Tournage, prise de son, montage, le JRI se doit d’être autonome mais surtout polyvalent. Dans les grandes rĂŠdactions audiovisuelles telles que TF1 ou France TĂŠlĂŠvisions, le JRI n’est chargĂŠ que de

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la prise de vue et parfois du commentaire, mais la rĂŠalitĂŠ est toute autre dans les petites rĂŠdactions. Cette nouvelle polyvalence exigĂŠe des journalistes n’est pas seulement le fait du JRI. La capacitĂŠ Ă occuper toutes les fonctions tend Ă devenir la règle dans un mĂŠtier en crise. Au sein mĂŞme des rĂŠdactions ÂŤ papier Âť, le journaliste ne se contente plus de rĂŠdiger ses articles. De plus en plus, il en ĂŠcrit WLWUH FKkSR OpJHQGH QH ODLVVDQW DX secrĂŠtaire de rĂŠdaction (SR) que la coupe et la correction. Quand il y a correction... La plupart des sites d’informations se passent de cor-

recteurs et la tolÊrance aux fautes et coquilles semble peu à peu gagner les versions papier. Quel est le destin du SR ? Pas rose. Leurs effectifs fondent dÊjà comme neige au soleil.  S’ils n’Êtaient pas aussi syndiquÊs, leur nombre GDQV OD SUHVVH PDJD]LQH DXUDLW ÊtÊ encore plus rÊduit, FRQÀH FH DRH d’un grand groupe de presse. Aujourd’hui, nous nous posons la question de leur reconversion en journalistes rÊdacteurs. Au delà de l’Êditing, un journaliste de la presse Êcrite se doit dÊsormais de maÎtriser les outils du Web. L’Êcriture d’un article sur Internet est bel et bien diffÊrente

Les rÊdactions sont de plus en plus hÊtÊroclites. Cette image d'illustration extrapole le phÊnomène des journalistes polyvalents. Photo: Geoffrey Priol


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de celle du “papier“ mais le dĂŠveloppement de ce “nouveau mĂŠdia“ oblige les journalistes Ă s’adapter et Ă faire le saut. Plus qu’une alternative, c’est une nĂŠcessitĂŠ. Š /H MRXUQDOLVWH ZHE F¡HVW XQH VRUWH GH FRXWHDX VXLVVH ÂŞ Avec la multiplication des sites Internet, le journalisme web est devenu un mĂŠtier Ă part entière oĂš il faut maĂŽtriser les outils multimĂŠdias tout en ayant les capacitĂŠs rĂŠdactionnelles d’un journaliste de outils 2.0, Gary voit le journalisme presse ĂŠcrite. web comme un mĂŠtier d’avenir. Gary Assouline, ĂŠtudiant en 3ème ÂŤ Avec le Web, je ne me suis plus annĂŠe de journalisme a rĂŠalisĂŠ contentĂŠ de faire de la rĂŠdaction, de nombreux stages sur des j’ai aussi fait du montage vidĂŠo et sites tels que 20minutes.fr et est des retouches photos. Le journaliste bien conscient de cette nouvelle web, c’est une sorte de couteau demande. ÂŤJ’ai suisse. vraiment appris Av e c l e sur le Web Ă "SAVOIR ĂŠTRE AUTONOME, problème me servir de q u e nouveaux outils COMPÉTENT ET POLYVALENT" c o n n a ĂŽ t informatiques la presse que je ne pensais jamais avoir Ă ĂŠcrite, le Web est devenu un utiliser. Et l’Êcriture n’est pas la acteur majeur dans le traitement mĂŞme que dans la presse papier. GH O¡LQIRUPDWLRQ ÂŞ On nous demande de traiter l’information plus rapidement, Savoir faire le lien entre le Web il n’y a pas forcement d’analyse et le papier comme pour le "papier". C’est de Cette polyvalence prĂŠsente l’information brute et instantanĂŠe. dans le journalisme web et qui Le travail n’est donc pas le mĂŞme s’Êtend aux autres mĂŠdias est de mais ce fut vraiment enrichissantÂť. plus en plus enseignĂŠe dans les Maquettiste et utilisateur assidu des ĂŠcoles de journalisme. Savoir LA FORMATION CONTINUE INDISPENSABLE POUR ÉVOLUER Par Hicham Barrouk Encore un luxe il y a quelques annĂŠes, la polyvalence est devenue indispensable aujourd’hui. L’entrĂŠe dans le journalisme 2.0 a accĂŠlĂŠrĂŠ la formation aux nouveaux outils technologiques. Ancien ĂŠtudiant Ă l’EFJ, Walid Dziri, aujourd’hui

reporter free lance, a connu cette nouvelle exigence du mĂŠtier. ÂŤJe pensais faire de la presse ĂŠcrite au dĂŠpart mais j’ai dĂť me spĂŠcialiser dans la tĂŠlĂŠ car si je voulais trouver du boulot, on m’a fait comprendre qu’il fallait savoir ĂŞtre multitâchesÂť. Pas forcement disposĂŠ Ă faire du documentaire, Walid Dziri a dĂť se former Ă cette spĂŠcialisation bien particulière. ÂŤLes ĂŠcoles

ĂŞtre autonome, compĂŠtent et polyvalent, voilĂ les nouveaux dĂŠfis des futurs journalistes. Pour Ludovic Blecher, rĂŠdacteur en chef du site Liberation.fr, cette nouvelle demande ĂŠtait encore impensable il y a 10 ans. ÂŤLe mĂŠtier a vraiment changĂŠ. Avec l’Êmergence d’Internet, les attentes ne sont plus les mĂŞmes. Il faut savoir faire le OLHQ HQWUH OH SDSLHU HW OH :HEÂŞ. Ne pas confronter ces deux mĂŠdias n’est pas simple et les tenants du "papier" ne voient pas toujours d’un bon Ĺ“il l’Êmergence de ce journalisme web. ÂŤLe Web est souvent perçu comme u n c o n c u r re n t p o u r l e s journalistes de la presse ĂŠcrite mais en rĂŠalitĂŠ, il est de plus en plus difficile de GLVVRFLHU O¡XQ GH O¡DXWUH ÂŞ ‡

de journalisme forment de plus en plus Ă tous les mĂŠdias. Grâce Ă cette multi formation, j’ai pu m’orienter vers la tĂŠlĂŠ et plus particulièrement vers le mĂŠtier de reporterÂť. Une opportunitĂŠ qui a permis Ă ce jeune journaliste de 25 ans de partir en reportage en Libye, en pleine guerre civile. Mais Walid Dziri n’est pas un cas Ă part. De plus en plus de jeunes journalistes

Les Êlèves journalistes de l'ISCPA sur le terrain lors de l'exercice Coalition à l'Ecole Militaire en avril 2010. CrÊdit: Victor Ponti

qui ont connu cette multiformation se retrouvent dÊsormais sur un marchÊ du travail qui exige d’eux une polyvalence à toute Êpreuve. Même s'il est conseillÊ aux journalistes de demain de se spÊcialiser dans un domaine, tel que la politique, le sport ou encore l’Êconomie, il faut savoir être capable de travailler sur tous les supports.

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SUPPORTS

Presse spécialisée

Une presse qui récolte les fru i

Si la santé actuelle de la presse généraliste inquiète, la presse professionnelle et la presse spécialisée sont, elles aussi, confrontées à la concurrence du Web. Comment résister ? Avec une information à forte valeur ajoutée. Par Henri Lahera

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u its amers de la passion A

vec presque 1400 publications imprimées, la presse professionnelle représente un gros pourcentage du paysage de l’information. Elle pèse plus de deux milliards d’euros de chiffre d’affaire et emploie 15 700 salariés. Si la presse écrite subit un revers important, et souffre de la concurrence d’Internet, la presse professionnelle subit cette crise de manière disparate. Certains secteurs ont vu leur nombre de parutions chuter, d’autres arrivent à maintenir des chiffres de vente satisfaisants (magazines juridiques, touristiques ou industriels). Catherine Chagniot, directrice de la communication à la FNPS (Fédération Nationale de la Presse d'Information Spécialisée) apporte des précisions sur ce marché hétéroclite : «Il est certain qu’Internet a touché la presse de manière générale. De nombreux annonceurs ont diminué leurs budgets publicitaires. Les pure player (sites d’informations œuvrant uniquement sur le Web) proposent un modèle économique nouveau, alors que les sites de nos journaux professionnels ne font souvent office que de vitrines.»

d’agriculteurs en France. En revanche, il est vrai que la presse Informatique et Electronique a vraiment subi une forte baisse du papier (- 35, 55 % sur l'année 2011) et que plusieurs journaux ont mis la clé sous la porte. Encore une fois, c’est explicable. Les passionnés de High-tech sont naturellement passés sur le média Internet » L’IDG (pour International Data Group), un immense groupe de presse américain qui possède de nombreuses parutions informatiques s’est d’ailleurs retiré de plusieurs d’entre elles. $ORUV TXL V·HQ VRUW YUDLPHQW " «De nombreux secteurs se maintiennent bien. La presse juridique est un bel exemple de constance. C’est évidemment dû à un sujet très technique, où les connaissances nécessaires ne sont pas à la portée de tous. Mais aussi grâce à des articles précis et sans cesse renouvelés.» Les chiffres de l’OJD (Organisme de Justification de la Diffusion) permettent même de voir de belles progressions. La presse technique et industrielle croît de 20%. Un secteur qui remonte même la pente après quelques années moroses. Le Journal du textile, Voyages d’affaires… autant de publications qui ont la côte auprès des cadres. Un bilan moins alarmiste que celui de la presse spécialisée grand public qui souffre d’avantage de la gratuité du Net. La presse informatique n’est hélas pas un cas isolé. Le sport et l’automobile subissent également le désaveu du

L E S PA S S I O N N É S DE HIGH-TECH SONT N AT U R E L L E M E N T PASSÉS SUR LE MÉDIA INTERNET

Mais cette crise ne semble pas uniquement liée à Internet. «Chaque secteur n’est pas touché de la même façon, de nombreux éléments entrent en jeu. La presse agricole, riche de 150 titres, voit sa diffusion baisser inexorablement, et ce n’est pas seulement à cause du Net. Cela s’explique aussi par la diminution du nombre

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public. Jadis prospères, les magazines automobiles ont divisĂŠ leurs diffusions par deux et peinent Ă accrocher un lectorat qui trouve l'information technique gratuitePHQW VXU OH 1HW 'H PrPH Ă RULVsantes il y a une dizaine d’annĂŠes, les revues cinĂŠmatographiques se comptent dĂŠsormais sur les doigts de la main. Au delĂ de la presse gratuite cinĂŠma (KinĂŠmag, IllimitÊ‌) il faut bien sĂťr compter sur la Toile. VoilĂ dĂŠjĂ une vingtaine d’annĂŠes que des sites sur le 7ème art existent, mais ils ne sont plus seulement consultĂŠs pour les bandes annonces ou les horaires des sĂŠances. Ils concur- LA VALEUR AJOUTÉE: rencent directement UN CONTENU DENSE, le mĂŠdia papier en DES INTERVIEWS offrant fiches des- EXCLUSIVES, DES criptives, critiques, ANALYSES DE reportages et surtout PROFESSIONELS avis de spectateurs. Avec plus de six millions de visites mensuelles, Allocine.fr est le principal acteur de ce bouleversement. RachetĂŠ en 2007 par un fonds amĂŠricain pour 120 millions d’euros, le site rĂŠunit des membres passionnĂŠs et consommateurs de cinĂŠma et vit d’une publicitĂŠ ciblĂŠe vers ce "lectorat" recherchĂŠ car jeune et nomade. De mĂŞme, les nombreux blogs indĂŠpendants sont venus agrĂŠmenter le contenu dĂŠjĂ prĂŠsent. Ces passionnĂŠs ajoutent OHXU SLHUUH j O¡pGLĂ€FH HW FRQWHQWHQW aussi les cinĂŠphiles. Comment lutter ? ÂŤ Il faut proposer un contenu plus dense, des analyses qu’un amateur ne pensera pas Ă suggĂŠrer. Mais surtout proposer une valeur ajouWpH TXH VHXO XQ PDJD]LQH UHFRQQX pourra obtenir : mettre en avant une interview exclusive, un festival ou un colloque rĂŠservĂŠ aux pros, du conteQX SKRWR VSpFLĂ€TXHÂŤ Âť explique Catherine Chagniot. Une diffĂŠrenciation qui semble actuellement le seul moyen de conserver ses clients, mais qui semble aujourd’hui Ă la portĂŠe GHV JUDQG DFWHXUV GX :HE‡

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Le Web peut ĂŞtre l'alliĂŠ du papier Pour le spĂŠcialiste des mĂŠdias Jean-Marie Charon, le passage de l'ĂŠcrit du papier Ă l'ĂŠcran n'est pas un drame. Propos recueillis par Fabien DezĂŠ

SCOOP : Dans quel ĂŠtat se trouve la presse imprimĂŠe franoDLVH DXMRXUG¡KXL " J.M. Charon : De nombreux secteurs se dĂŠgradent. La plupart des contenus sont attaquĂŠs par Internet comme la presse TV ou les magazines fĂŠminins populaires. Des hebdomadaires sont devenus bimensuels, les contenus ont dĂť ĂŞtre repensĂŠs. Le basculement s’est fait encore plus rapidement en ce qui concerne la presse professionnelle. Cela signifie-t-il la fin de la presse papier ? Non, il y a toujours de la place pour certains contenus. Par exemple les nouveaux magazines fĂŠminins arrivent Ă se faire une place au soleil car les thĂŠmatiques VH GLYHUVLĂ€HQW (Q JpQpUDO OH SXblic accorde plus de crĂŠdibilitĂŠ aux infos sur le papier qu'Ă celles que l’on trouve sur Internet mĂŞme si cela a tendance Ă changer avec la nouvelle gĂŠnĂŠration. Quelle stratĂŠgie doivent adopter les groupes de presse dans les annĂŠes futures ? Ils doivent davantage jouer sur la complĂŠmentaritĂŠ entre le numĂŠrique et l’imprimĂŠ en couplant les abonnements papier avec le Web. Un groupe comme Lagardère a mis du temps Ă se mettre Ă Internet mais depuis 2006, il rachète de nombreux sites pure player.

Quel est votre sentiment face à cette Êvolution ? Ce n’est pas un drame que la presse papier bascule sur le numÊrique. Des sites comme MÊdiapart ou Rue 89 dÊveloppent une vraie information, travaillÊe avec un contenu fort. LES TOP ET FLOPS EN 2011

Presse ĂŠcrite +8,27% de ventes +19,27% de ventes -23% de ventes -10,46% de ventes

Web

+62,59% de visites +30,98% de visites -3,84% de visites -16,26% de visites


La presse spécialisée face à la crise Du sport à la culture, en passant par la mode, presque tous les secteurs sont sous le feu du Web. Ou s'en servent...

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L’AJE, POUR UNE INFORMATION EUROPÉENNE DE QUALITÉ

Par Fabien Dezé

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ans la crise que traverse la presse écrite, les magazines spécialisés ne sont pas épargnés. Seuls certains secteurs arrivent encore à se faire une place au soleil. C’est le cas de la presse culinaire avec des magazines comme Régal, Maxi Cuisine ou encore Marmiton (issu du site du même nom) dont les courbes de vente persistent à grimper. La cuisine est devenue l'un des premiers loisirs et un des principaux centres d'interêt des français commme le montre le succès de plusieurs émissions de télévision. Ce n’est pas le cas de la presse automobile qui doit se résoudre à la diminution de la passion portée à la chose automobile, mal qui frappe bien d'autres secteurs de cette presse dite à «centre d’intérêts». Les centres d’intérêts vont et viennent. Qui se souvient qu’il y eut un magazine consacré aux Pin’s ? La presse auto, comme la presse moto, bateaux, vélo est en prime confrontée à l’éclosion de nombreux sites attirés par le lucratif marché des petites annonces. Des sites qui ont peu à peu étoffé leurs actus et essais et VRQW GHYHQXV DX ÀO GX WHPSV GH véritables concurrents de l’Auto Journal, l’Automobile Magazine

et consorts. La presse sportive est pJDOHPHQW HQ WUqV JUDQGH GLIÀFXOWp (France Football baisse de 23, 45% en 2011 et Onze Mondial de 29, 83 %).

9LFWLPH GH O·H[SORVLRQ GHV VLWHV spécialisés. Moins concurrencée par le web gratuit, l’information professionnelle pure conserve sa valeur marchande. Là, le danger ne vient pas des amateurs éclairés, ni de sites «pure-player» (nés sur Internet) mais des entreprises, associations et syndicats du secteur qui trouvent sur la Toile un moyen très peu onéreux de diffuser leur bonne parole tout en délivrant gratuitement l’essentiel de l’actualité du secteur. Ainsi, dans le domaine du poids-lourds, des magazines comme les Routiers ont affaire au site de la chambre syndicale des fabricants de camions, à celui des syndicats de conducteurs et de patrons, aux newsletters des affréteurs, charJHXUV HWF«

L’AJE est la section française de l’AEJ (Association of european journalists), association née en 1961 qui rassemble des professionnels des médias de tout l’Europe. La mission de l’AEJ est de sensibiliser les journalistes, les étudiants en journalisme, aux questions européennes et de promouvoir une information européenne de qualité dans les médias. En France, l’AJE organise des séminaires dans les écoles de journalisme, le prix Louise Weiss du journalisme européen, des conférencesdébats, et une mise en réseau des compétences. Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, a été élu président en 2008. L’AEJ est aussi engagée dans le combat pour la liberté de la presse en Europe, et a publié le rapport «Goodbye to media freedom ?» Avec plus d’un millier de membres et 27 sections nationales (janvier 2011), l’AEJ peut être considérée comme le plus grand club de journalistes d’Europe. Elle est reconnue par le Conseil de l’Europe et par l’Unesco, et a le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe.

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/H MHX GHV IDPLOOHV GH OHFWHXUV Dresser un panorama des lecteurs de presse à travers des portraits, des clichÊs du lecteur d’aujourd’hui: un vrai exercice de style et d’observation. Et vous, quel type de lecteur êtes-vous ?

Par Najoua Azlag

Le radin Le radin a souvent l’œil dans le LibĂŠration de son voisin. S’il lit son propre journal, c’est MĂŠtro, Direct Matin ou 20 Minutes car le radin ne lit "que" la presse gratuite et ces journaux n’ont plus de secret pour lui. Il lit tout dans ces trois quotidiens, absolument tout, mĂŞme la rubrique l’inconnu du mĂŠtro. Il ĂŠcoute aussi la radio et regarde la tĂŠlĂŠ. Son budget info: l’ÊlectricitĂŠ et la redevance. Il est tellement pingre qu’il n’abandonne pas ses prĂŠcieux journaux dans le mĂŠtro, comme le font certains, histoire de faire tourner l’info. Oh non, il les rapporte chez lui pour allumer le feu ou emballer les ĂŠpluchures. /¡HQFKDvQp j VRQ FDQDUG Comme son nom l’indique il ne lit qu’un seul journal, le seul qu’il FRQVLGqUH FRPPH Ă€DEOH OH &DQDUG EnchaĂŽnĂŠ bien sĂťr, auquel il est abonnĂŠ depuis le lycĂŠe. En vrai

passionnĂŠ, il lui est impossible de jeter un seul numĂŠro. Il lit son canard parce qu’il trouve un traitement diffĂŠrent de l’information. DiffĂŠrent de quoi ? Il ne sait pas, il ne lit que le Canard. Mais il est sĂťr que le sarcasme des auteurs et le sens de l’humour avec lequel est traitĂŠ un sujet aussi grave que l’affaire Karachi ne se trouve ÂŤnulle part ailleursÂť. Son canard il l’aime au point d’y dĂŠcouper des articles, des citations, des illustrations qu’il met dans son album collector. Un jour, il a mĂŞme ĂŠcrit Ă la rĂŠdaction pour dĂŠnoncer les agissements de son maire et les turpitudes de son patron. Sa correspondance dĂŠbutait par: ÂŤmon cher CanardÂť. 1,20 â‚Ź ce n’est pas excessif. /¡K\SHU EUDQFKp VXU FRQQHFWp Casque ultra design vissĂŠ sur les oreilles, il est informĂŠ en continu par des alertes infos sur son smartphone. Les alertes c’est bien,

Son Canard EnchaÎnÊ, il le chÊrit et attend chaque semaine son seul et unique journal pour trouver les vÊritables informations avec toujours la pointe de sarcasme qu’il aime tant. CrÊdit: Najoua Azlag

CrĂŠdit: Najoua Azlag

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mais après, les articles il les lit directement sur sa tablette. Ultra connectĂŠ, il se promène avec son iBook dans l’attachĂŠ case et le moindre temps mort est une plage GH VXUI VXU OH Ă€JDUR IU PHGLDSDUW fr, jelistout.org, jeminforme.net, sans oublier twitter bien sĂťr. Au courant de tout, mais ne comprenant rien, il aimerait avoir le temps GH UpĂ pFKLU j WRXW FHOD PDLV LO QH veut pas prendre de retard dans la lecture de ses newsletters. L’hyper branchĂŠ sur-connectĂŠ surfe sur la vague d’info mais celle-ci lui passe souvent au-dessus dans un grand buzz d'ĂŠcume. La curieuse Adepte de la presse people, elle ĂŠpluche plus qu’elle ne lit Be, Closer, Public, Voici et autre Oops. Lorie, Sharon ou Kelly, ne rate aucun ĂŠpisode de la vie des stars, mais lorsqu’on lui demande qui est le prĂŠsident des Etats Unis elle rĂŠpond ÂŤ Brad Pitt, euh, non, Georges W. ClooneyÂť ! HabillĂŠe comme ses icĂ´nes, elle est avide de potins, de photos divertissantes, et de tĂŠlĂŠ-rĂŠalitĂŠ.


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La presse fĂŠminine est devenue accro Ă ce lectorat autant attirĂŠ par la vie des stars que par le nouveau sac Ă la mode. Ni Elle ni MarieClaire ne se permettent plus de faire l’impasse sur les ĂŠmois de Nolwenn ou le nouveau nez de Scarlett. Le procrastinateur Comme son nom l’indique, le procrastinateur lira demain ce qu’il ne peut lire aujourd’hui, Ă moins qu’il ne lise ce qu’il devait lire hier, ou avant hier. Le procrastinateur rĂŞverait d’ ÂŤavoir le tempsÂť et que l’on instaure des journĂŠes de 48 heures. Le procrastinateur amasse, entasse, accumule, empile magazines et journaux, leur greffe des post-it et les laisse en vue, ouverts Ă la page qu’il faudra absolument lire. Il vit dans un vĂŠritable capharnaĂźm entre les piles des divers titres de presse qu’il achète. Mais pourquoi les achète-t-il sans les lire ? Parce qu’en vacances, il aura le temps. Le bon cĂ´tĂŠ de la FKRVH F¡HVW TXH VD WkFKH V¡DOOqJH avec le temps. Ainsi, depuis que l’armĂŠe amĂŠricaine a quittĂŠ l’Iraq, ça fait un paquet de quotidiens Ă jeter sans remords. /H SDS\ Baguette sous le bras, pipe au bec, VLIĂ RWDQW GX 0LFKHO 6DUGRX OH papy a cette habitude quotidienne, non, plutĂ´t cette tradition quasi religieuse, de se rendre tous les matins Ă la mĂŞme heure, chez son marchand de journaux. Il le connaĂŽt depuis toujours, papote volontiers pluie et beau temps, dernière collection presse spĂŠciale 2CV, et demande ÂŤ Alors qu’est-ce qu’il y a de bon aujourd’hui Ă lireÂť. Il regarde la Une de son journal, y dĂŠcouvre les gros titres et se dit que devant son bol de cafĂŠ et sa tartine il aura

de quoi s’occuper l’esprit jusqu’au dĂŠjeuner. Le papy est un amateur de faitsdivers, surtout lorsque ceux-ci se dĂŠroulent dans sa commune de 3000 kPHV HW TX¡LO FRQQDvW O¡XQ GHV SURtagonistes. Chez lui, il commente chaque article Ă sa compagne qui apprĂŠcie sa concision dans l’analyse pendant qu’elle ĂŠpluche les pommes de terre.

Ne laissant rien passer des actualitĂŠs people du moment, la curieuse ne perd pas une miette sur les amours et les petits dĂŠfauts de ses idoles. CrĂŠdits DR

Le dĂŠcorateur Dans le kiosque de la place de la Madeleine, le dĂŠcorateur, bien habillĂŠ bien coiffĂŠ, balaye d’un coup d’œil les prĂŠsentoirs et arrĂŞte son choix sur Beaux Arts Magazine. Il sait Ă l’avance que le dossier sur les ÂŤ grandes expositions de 2012 Âť ne l’intĂŠresse pas plus que cela, mais ça en jette. Le dĂŠcorateur aime dĂŠcorer son intĂŠrieur de jolies revues, celles que l’on appelle ÂŤ coffee table magazine Âť. Sa table basse, envahie de XXI, de Magazine du Monde, d’ArchĂŠologia et de GĂŠo, dĂŠcrit celui qu’il aimerait ĂŞtre, cultivĂŠ, curieux et JOREH WURWWHU ‡

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Le courrier des lecteurs revient en force Avec l’info en ligne, le journaliste ne peut plus ignorer son lecteur. Ce dernier le commente en bas de page, l’interpelle, le critique. Trolls, paraphraseurs et autres jamais contents apportent-ils un plus à l’information ? Parfois oui. Par Emmanuelle Grimaud

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aston Lagaffe, qui croule sous le courrier des lecteurs et en fait des cocottes, c'est une ĂŠpoque rĂŠvolue. DĂŠsormais, le courrier GHV OHFWHXUV QH Ă€QLW SOXV DX IRQG du placard ou Ă la poubelle. Le lecteur ĂŠtant devenu rare et cher, son courrier mĂŠrite donc la plus grande considĂŠration. L'hebdomadaire Marianne en fait mĂŞme une rubrique vedette sur quatre pages. Mais c’est sur la Toile que le lecteur a vraiment pris le pouvoir avec les commentaires au bas des articles. VĂŠritable baromètre du succès ou de l’Êchec d’un article, le nombre de rĂŠactions dĂŠtermine sur certains sites le hit parade de ce qu’il faut lire. /H WUROOLQJ XQ SKpQRPqQH rĂŠcurrent Calomnier les journalistes par le biais de commentaires incongrus est devenu monnaie courante. Les auteurs ne peuvent plus ignorer les trolls qui critiquent Ă tout va et polluent le dĂŠbat. Mais qu’est-ce qu’un troll ? Ă€ l’origine, le terme fait allusion au trolling, une technique de pĂŞche utilisĂŠe par les chalutiers qui consiste Ă attraper le plus de poissons possible en laissant WUDLQHU GHV DSSkWV GHUULqUH OH QDYLUH En argot Internet ce n’est ni plus ni moins qu’un lecteur qui vient casser une discussion, tuer le dĂŠEDW RX QRXUULU DUWLĂ€FLHOOHPHQW XQH polĂŠmique. Le plus souvent dans un français approximatif. Ainsi Ă en croire ÂŤ OSEF Âť (acronyme de ÂŤOn s’en fout Âť), ÂŤ les journalistes devraient un peu plus chercher la

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petite bête avant de vÊhiculer au mieux des informations imprÊcises, au pire des manipulations , ou encore  pourquoi traiter de ce sujet alors que des gens meurent en IndonÊsie . Pour GrÊgoire de Villepoix, rÊdacteur en chef du site meltyStyle.fr,  deux types de commentaires dÊrangent la rÊdaction: les spams qui sont des liens vers des pubs et les critiques parfois insultantes. Dans les deux cas les internautes sont immÊdiatement bannis du site. Comment gÊrer les commentaires ? Internet Êtant un espace de libertÊ quasi absolue, le dilemme se pose: faut-il privilÊgier le volume et laisser en ligne les commentaires stupides ? Ou bien faut-il supprimer les commentaires qui n’apportent ni fond ni discussions, ou qui n’ont rien à voir avec le sujet. Reuters a crÊÊ un statut de commentateur VIP. Les commentateurs passent

3L ­;YVSSMHJLŽ le visage du troll, symbolise la critique non constructive et est devenu le personnage rÊcurrent du net. Le site français jetetroll.com regroupe tous les comics rÊalisÊs sur le web dÊdiÊ au trollface. CrÊdit photo: Geoffrey Priol

des niveaux et obtiennent des ÂŤpouvoirs Âť au fur et Ă mesure de leur progression. Au dĂŠbut, ils sont de ÂŤnouveaux utilisateursÂť et leurs commentaires sont systĂŠmatiquement modĂŠrĂŠs par la rĂŠdaction. Ils gagnent des points Ă chaque fois qu’un commentaire est validĂŠ. Au bout d’un certain nombre de points, ils deviennent ÂŤutilisateurs reconnusÂť. A partir de lĂ , leurs commentaires sont validĂŠs sans intervention du modĂŠrateur. Les commentaires sur le site d’information Rue89 sont, quant Ă eux, soumis Ă un classement. La rĂŠdaction sĂŠlectionne les commentaires les plus intĂŠressants. Ceux-ci V¡DIĂ€FKHQW VRXV OH FRQWHQX DORUV que les autres demeurent moins visibles. Les internautes peuvent ĂŠgalement voter pour une rĂŠaction. Slate.com a, pour sa part, choisi de ne pas publier de commentaires QRQ LGHQWLĂ€pV /HV OHFWHXUV RQW la possibilitĂŠ de commenter les DUWLFOHV HQ V¡LGHQWLĂ€DQW j SDUWLU GX compte de leur choix (Facebook, Twitter, Google, Yahoo !, etc). Une chose est sĂťre, le journaliste ne EpQpĂ€FLH SOXV GH VRQ DXUD G¡DXWUHfois. Mais est-ce un mal ? GrĂŠgoire GH 9LOOHSRL[ FRQĂ€H Š il nous est dĂŠjĂ arrivĂŠ d’Êtoffer un article grâce aux connaissances d’un lecteur aguerri. C’est fabuleux. Le journaliste doit accepter que le lecteur en sache parfois plus que lui sur certains sujets pointus. Qu'il puisse amĂŠliorer un article est une des plus grandes ĂŠvolutions apportĂŠes par le Web ÂŞ ‡


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