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L’ANATOMIE DU PROTON, PLUS COMPLEXE QUE PRÉVU

Vue d’artiste de l’intérieur d’un proton. Les trois quarks de valence sont représentés en plus gros (deux u et un d) tandis que ceux de la mer de quarks virtuels sont plus petits. Les gluons sont représentés par les boucles.

Comment se répartit la masse à l’intérieur du proton ? En sondant cette particule, des scientifiques ont mis en évidence une structure à trois couches.

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Dans ses premiers instants après le Big Bang, l’Univers était une soupe chaude de particules élémentaires. En se refroidissant, les quarks se sont combinés pour former les protons et les neutrons, qui se sont à leur tour associés pour donner les premiers noyaux atomiques. Si la plupart de la masse visible de l’Univers est contenue aujourd’hui dans les protons et les neutrons des atomes, une énigme demeure. La masse des trois quarks du proton ne représente qu’environ 1 % de la masse de ce dernier. Au cours des décennies passées, l’image de l’intérieur du proton s’est affinée : les trois quarks baignent dans une mer agitée, remplie de gluons et de paires quark-antiquark qui surgissent du vide et disparaissent aussitôt. L’essentiel de la masse du proton provient ainsi, en vertu de la célèbre formule E = mc2, de l’énergie cinétique des particules et de laboratoire américain d’Argonne, et ses collègues ont levé le voile sur cette question Ils en ont déduit une première idée du rayon moyen de la distribution de la masse du proton, ou « rayon de masse » celle associée à l’interaction forte, qui assure la cohésion du proton et dont les gluons sont les messagers.

Jusqu’à présent, les physiciens utilisaient une autre grandeur pour définir la taille du proton : le rayon moyen de la distribution de la charge électrique du proton, ou « rayon de charge ». En effet, les quarks ont une charge électrique et, en s’agitant dans le proton, ils forment une sphère, chargée et aux bords flous, pour laquelle on détermine un rayon moyen. Par exemple, en bombardant des protons avec des électrons, les spécialistes ont mesuré un rayon de charge de l’ordre de 0,88 femtomètre (10 – 15 mètre).

Mais comment la masse se répartitelle au sein du proton ? Burcu Duran, du

Qu’en est-il du rayon de masse ? Les électrons ne sont pas une bonne sonde pour étudier cette caractéristique du proton, car ils ne sont pas sensibles à l’interaction forte et donc aux gluons En revanche , les quarks , porteurs d’une charge de « couleur » (l’équivalent de la charge électrique pour l’interaction forte), sont sensibles aux gluons L’idée est alors d’utiliser le méson J/Psi comme sonde Cette particule est composée d’un quark et d’un antiquark c (il existe six saveurs de quarks, le proton est constitué des deux saveurs les plus légères avec deux u et un d, les quatre quarks plus lourds sont le c, le s, le t et le b). Les physiciens sont d’abord partis d’un faisceau d’électrons qui, en percutant une cible de cuivre, produit des photons En s’approchant d’un proton dans de l’hydrogène liquide, le photon se convertit en un J/Psi, dont les quarks interagissent avec les gluons du proton Le méson a une durée de vie très courte et se désintègre au final en une paire électron-positron.

Les physiciens n’ont accès qu’à ces deux dernières particules. À partir des mesures sur les électrons et les positrons menées au Jefferson Lab pendant un mois en 2019, ils ont déterminé deux grandeurs nécessaires pour calculer le rayon de masse du proton Pour estimer ce rayon, les chercheurs ont utilisé plusieurs modèles théoriques différents liés à la chromodynamique quantique ou QCD (la théorie quantique des champs qui décrit l’interaction forte). Puis, ils ont comparé leurs résultats à une technique numérique, la QCD sur réseau. Ils ont constaté qu’un des modèles et la QCD sur réseau donnaient des résultats très similaires, avec un rayon de masse de l’ordre de 0,75 femtomètre.

Le rayon de masse associé aux gluons est plus petit que le rayon de charge Ce résultat est surprenant et signifie que l’essentiel de la masse venant du contenu en gluons est concentré dans une sphère au centre, mais que les quarks circulent au-delà et forment la sphère de charge Plus étonnant, l’étude des gluons permet de définir également un autre rayon, le « rayon scalaire », qui serait de l’ordre de 1 femtomètre. Les gluons étendraient ainsi leur rôle dans le confinement des quarks un peu plus loin que le rayon de charge

Constituant essentiel de la matière, le proton se dévoile sous la forme d’une structure complexe à trois couches. Cette représentation reste à confirmer et à affiner. De futures expériences, plus précises, avec le J/Psi, sont à l’étude, ou avec un autre méson, plus lourd, le Y, constitué d’une paire quark-antiquark b n

Sean Bailly

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