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DES ARCHIVES DE CALCAIRE

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À l’instar des glaces polaires, les stalagmites et les stalactites sont des enregistreurs naturels du climat terrestre. Une exposition photographique rend hommage à ces témoins du temps qui passe.

Stalagmite ? Stalactite ? Vous avez toujours hésité, ne sachant bien faire la différence . La solution est de les regrouper sous le terme de spéléothèmes, c’est-à-dire les concrétions de calcaire qui ornent de nombreuses grottes Schématiquement, elles se forment ainsi : riche en dioxyde de carbone, de l’eau de surface dissout le carbonate de calcium (sous la forme de bicarbonate) qu’elle croise à mesure qu’elle percole dans le sol ; une fois dans une grotte, le CO2 est relargué, tandis que le carbonate de calcium, ou calcite, précipite à la pointe d’une stalactite et au sommet d’une stalagmite Au gré des siècles et des millénaires, ces cristaux s’accumulent et constituent les concrétions Ce scénario sous-tend toute la variété des spéléothèmes et la diversité des formes qu’ils peuvent prendre.

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Mais il y a plus. Inscrit dans le temps long (les stalagmites croissent au mieux d’un millimètre par an), le mécanisme de fabrication de ces édifices en fait les témoins des conditions atmosphériques qui se sont succédé sur de longues périodes. Ils sont comparables en cela aux carottes de glace forées en Antarctique, et dans une moindre mesure, aux cernes de croissance des arbres.

Dominique Genty, directeur de recherches CNRS au laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (Epoc), à l’université de Bordeaux, porte sur ces spéléothèmes un double regard, à la fois esthétique et scientifique. Avec son collègue Ludovic Devaux, ils ont conçu une exposition qui donne à voir la beauté de ces concrétions à travers des photographies tout en transparence de coupes fines de stalagmites (voir page ci-contre), mais aussi la richesse des informations sur les climats du passé que l’on peut en tirer. Plus besoin d’aller au pôle Sud, les grottes du sud de la France suffisent !

Les indicateurs sont les différents isotopes des atomes de la calcite (CaCO3). Par exemple, dans les précipitations, la proportion d’oxygène lourd 18O, en comparaison avec l’isotope le plus fréquent (16O), est d’autant plus faible qu’il fait froid. Ainsi la mesure à un niveau donné d’une stalagmite du rapport 18O/16O renseigne-t-elle sur la température à une époque précise.

Comment déterminer celle-ci ? Grâce à d’autres isotopes, en l’occurrence ceux de l’uranium et de thorium dont la désintégration radioactive de l’un en l’autre est métronomique. Le rapport isotopique des deux est une mesure du temps écoulé.

Ainsi équipé, un paléo-spéléo-climatologue est à même de reconstituer l’évolution du climat des millénaires passés, les grands cycles climatiques liés aux variations de l’orbite terrestre, les refroidissements abrupts liés aux changements de la circulation océanique, le réchauffement dû aux activités anthropiques… D’autres activités humaines ont aussi laissé leur empreinte dans les stalagmites, comme les feux préhistoriques, ceux des premiers touristes dans les grottes, quand l’électricité n’y avait pas encore pénétré et, plus surprenant, les essais nucléaires atmosphériques des années 1950 et 1960 !

Démonstration avec les deux échantillons montrés page ci-contre. La stalagmite Clam-stm7 (seuls 25 centimètres sont montrés sur une longueur totale de 1,5 mètre) a été trouvée, brisée naturellement, dans la grotte de Clamouse, dans l’Hérault. Entre 377 000 et 240 000 ans, elle a enregistré les variations liées à plusieurs grands cycles climatiques et à des périodes interglaciaires chaudes et humides (notamment entre 340 000 et 335 000 ans), en parfaite adéquation avec les informations tirées de l’analyse des carottes de glace prélevées en Antarctique dans le cadre du programme Epica, et remontant jusqu’à 800 000 ans.

La stalagmite GLD-stm2 (de 35 centimètres de hauteur), datée de 6 200 à 4 000 ans, vient de la grotte de Gueldaman, en Algérie. Les zones noires, dues à de la cendre, de la suie… trahissent les périodes d’occupation humaine.

Rendez-vous dans quelques milliers d’années pour voir de quelle façon notre société actuelle et ses particularités se seront inscrites dans les spéléothèmes ! n

D. Genty, Spéléothèmes, Archives du climat, Hartpon, 2022. Exposition « Spéléothèmes et paléoclimats », jusqu’au 12 juin 2023, à la Maison écocitoyenne de Bordeaux Métropole. https://bit.ly/Bord-speleo

L’auteur a publié : Pollock, Turner, Van Gogh, Vermeer et la science… (Belin, 2018)

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