éprouver l'espace livre Jean Nouvel

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# 01 Jean Nouvel 2010

:

César Ramirez

perceptions et connotations sur l’architecture éphémère

Le pavillon du soleil rouge ou l’expérience de l’immersion dans la couleur

Serpentine Gallery


so mm ai re - 2 -


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Avant-propos

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Introduction

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Début du parcours

L’entrée du pavillon

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Les différents épisodes

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Conclusion

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Lexique

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La part anecdotique L'origine de ce projet se trouve lors d’une promenade, au sein des jardins de Kensington Gardens, petite partie de l'immense Hyde Park, lors de mes visites régulières à Londres. L'année 2010 marquait le dixième anniversaire de l'installation des pavillons d'été de la Serpentine Gallery, et je n'avais que de vagues références de cet événement. C'est ainsi que, de façon innatendue, j'ai mis les pieds, pour la première fois à la Serpentine Gallery, qui proposait cette année-là une exposition rétrospective du photographe allemand Wolfgang Tillmans. Ce fut donc à ce moment que j'ai pris connaissance du dispositif des pavillons d'été, qui commençaient à avoir une réputation internationale et à être une spécialité de la petite galerie londonienne. Comme la plupart des visiteurs, avertis ou non avertis, j'ai été surpris et fasciné par la découverte du Pavillon du Soleil Rouge de Jean Nouvel. J'ai essayé de comprendre les enjeux majeurs que l'architecte avait mis en place : l'utilisation étonnante de la couleur, l'agencement des espaces et des volumes, l'ergonomie des formes, et surtout la réception par le public. Mais ce jour-là, il ne faisait pas très beau et il n'y avait pas beaucoup de monde. Comme à mon habitude, à chaque fois que je me retrouve face à un objet architectural que j'estime intéressant, je l'ai photographié afin d'en garder une trace visuelle pour l'utiliser comme objet d'étude dans mes cours de sémiologie de l'espace auprès de mes étudiants en design d'espace. J'ai pris un certain nombre de clichés qui me semblaient rendre compte des aspects essentiels du travail de l'architecte, mais comme je n'avais pas d’appareil photographique, je n'ai eu d'autre solution que d'utiliser mon téléphone. De retour en France, et au moment de préparer mon cours sur le pavillon, je me suis documenté avec les informations de la galerie, des vidéos d'interviews et d'autres images trouvées sur internet. Je me suis rendu compte ainsi qu'il s'agissait d'un phénomène profondément intéressant et particulièrement riche. Ce qui m'a intéressé le plus, et que je n'avais pas tout à fait réalisé sur place, c'était d'abord la façon dont la galerie envisageait l'architecture en faisant un seul ensemble composé d'architecture, d'art contemporain et de design ; ensemble qui m'a toujours semblé aller de soi. Ensuite, la façon dont la galerie avait fini par créer un dispositif qui fait de cet événement un véritable phénomène de sociabilité car elle détermine les conditions de réception du public face à l'architecture : période estivale, installation dans un jardin, architecture éphémère, structures inattendues, etc. C'est ainsi que la galerie fait de l'architecture un objet à la fois esthétique, pratique, pédagogique, ludique et déclencheur de sociabilité. Je me suis à nouveau rendu à Londres l'été 2011 pour documenter le pavillon de Peter Zumthor, avec une grande curiosité alimentée par le sens de la sobriété dans le travail de l'architecte suisse, dont je ne connaissais que quelques réalisations à travers les médias. Cette fois-ci mon intention de rendre compte des enjeux mis en place par l'architecte était complétée par une envie de savoir comment la structure du bâtiment était réalisée, et quels moyens techniques constituaient l'ensemble. Je m'étais également intéressé aux matériaux de construction et à d'autres éléments en évolution comme le jardin que l'architecte avait disposé à l'intérieur du pavillon en tant que véritable objet de contemplation. Dans mon intention de rendre compte de la dimension sonore que caractérisait ce pavillon, ainsi que de sa réception auprès du public, j'ai réalisé quelques captations vidéo avec mon téléphone, afin de m'en servir comme support pédagogique supplémentaire pour mes étudiants.

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Avant-Propos

La part photographique Lors des premières années d'observation du pavillon de la Serpentine Gallery, utiliser un smartphone comme moyen de documentation me semblait tout à fait normal. Cela suffisait largement aux besoins de la vidéoprojection d'images dans le cadre de mon enseignement. J'ignorais l'ampleur que la régularité de ce travail allait prendre, ainsi que les exigences en termes de qualité d'image qu'un projet d'édition allait demander. Mais ce que j'ignorais surtout, c'était le rôle que la photographie allait prendre dans un travail de restitution d'une expérience vécue sur les architectures éphémères des pavillons, restitution qui se voulait de plus en plus systématique, objective et rigoureuse. Lors de l'été 2012 j'ai documenté le pavillon réalisé par les architectes suisses Herzog & De Meuron en collaboration avec l'artiste chinois Ai Weiwei. Par souci de professionnalisme et avec une éventuelle intention de proposer ce travail dans d'autres cadres que celui de mon enseignement, j'ai utilisé désormais un vrai appareil photographique afin de disposer d'images d'une certaine qualité. La petitesse anecdotique de cette histoire de moyens de documentation photographique est révélatrice d'un aspect important de ce projet : sa dimension évolutive. Ce qui a commencé en 2010 avec des photographies réalisées avec un smartphone, lors d'une balade et sans une véritable vision de projet, est devenu au fil du temps, un vrai projet de recherche et d'analyse de ce que l'architecture contemporaine peut proposer dans sa modalité éphémère. Dans l'évolution de ce projet, je me suis servi des moyens techniques d'enregistrement d'images qui sont à ma portée. Ainsi, pour documenter le pavillon 2014, conçu par l'architecte chilien Smiljan Radić, j'ai utilisé pour la première fois des photographies panoramiques réalisées avec une tablette. Paradoxalement, bien que le rendu de photographies panoramiques déforme l'image en fonction de ce que l'oeil humain perçoit, il me semble être un moyen assez pertinent pour ce projet à différents égards. D'abord, il donne un aperçu de la façon dont le pavillon s'intègre à son environnement proche, et notamment du dialogue qu'il établit avec l'architecture plutôt classique de la Serpentine Gallery. Ensuite, la photographie panoramique, avec sa vocation un peu déformante de la réalité, me semble intéressante justement parce qu'elle apporte une forme d'esthétisation digitale qui nourrit la plasticité des pavillons éphémères, car ceux-ci n'existent désormais qu'en image. Dans ce projet, par définition évolutif, à côté des photographies et vidéos, la photographie panoramique trouve sa place comme moyen de restitution d'un souvenir, par sa nature à la fois analogique et digitale, réelle et irréelle, et propose une autre perception de l'objet photographié.

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Mais au-delà des aspects techniques de documentation, la part de la photographie trouve dans ce projet une dimension fondamentale. Ce projet cherche à rendre compte d'une réalité empirique : la façon dont un observateur, averti ou non, est susceptible d’éprouver l'espace et les lieux des pavillons. Dans cette perspective, il m'a semblé important de ne proposer en tant qu'image, que les photographies que j'ai faites sur place. Ces images décrivent à la fois les espaces et structures de pavillons, mais également un certain nombre de réactions des visiteurs qui sont autant de formes d’appropriation des lieux. Dans leur vocation documentaire, les photographies constituent un ensemble complémentaire avec le récit textuel des expériences que chaque pavillon propose. A la différence des photographies que l'on retrouve dans les table book, ces images ne cherchent pas spécialement à séduire visuellement ; si elles ont une qualité esthétique quelconque ou une certaine plasticité, ce n'est pas leur vocation première. Un dernier mot est nécessaire concernant la part de la photographie. Il est question, en effet, d'une sorte de protocole qui s'est défini au fil du temps toujours dans un souci d'objectivité. Les images essaient de retracer le parcours d'un visiteur qui va à la rencontre du pavillon, qui se livre à sa découverte et à l'observation de ses détails. On peut identifier ainsi des images qui montrent le pavillon de loin, lorsqu'il est à peine perceptible dans le paysage, et qui commence déjà à définir les qualités de sa présence, pour ensuite se rapprocher de lui progressivement. Une fois le visiteur arrivé face au pavillon, les images décrivent comment le visiteur le contourne telle une sculpture, pour ensuite aller à l'intérieur et pratiquer ses espaces. J’essaie, avec les moyens de la photographie, de rendre compte des expériences pratiques et esthétiques que l'architecture propose, autant à l'intérieur qu’à l'extérieur. Sans oublier quelque chose qui est essentiel dans ce projet : la façon dont le public réagit face au pavillon, autrement dit, les situations qui font de l'architecture un vrai dispositif générateur de sociabilité. Ce récit en images pourrait prendre les dimensions d'un photoreportage et garder une certaine autonomie par rapport à ce qu'il dit sur le pavillon. Il s'agit finalement d'un discours à part entière qui rend compte d'une expérience vécue. Cette matière visuelle a été livrée à Lucas Potronnat qui, dans son statut de concepteur graphique, réalise un travail de mise en pages, dans lequel il se confronte à la question très délicate du rapport texte/image. De ce fait, le concepteur graphique opère un certain nombre de choix qui lui semblent pertinents et nécessaires pour véhiculer le contenu essentiel du discours avec des moyens propres au support imprimé. Il est donc fatalement, à nouveau, question de positionnement et d'interprétation. Force est de constater que la question de l'interprétation et le souci d'objectivité parcourent d'un bout à l'autre ce projet à différents niveaux.

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La part phénoménologique Dans l'intention de définir les enjeux que ce travail met en place, je me suis rendu compte qu'il s'agit, pour une bonne partie du discours, de questions liées à l'empirisme, à la perception, à la phénoménologie et à l'interprétation. Discours visuel et discours textuel se retrouvent ici tiraillés en permanence, entre la part de subjectivité propre à toute lecture personnelle d'un événement, et le souci d'objectivité de celui qui veut en rendre compte avec une certaine précision. L'opposition subjectivité vs objectivité prend une dimension très importante si l'on considère que l'objet d'étude de ce travail sont des architectures éphémères, lesquelles au moment de produire ces lignes n'existent déjà plus qu'en image. Dans son ouvrage Phénoménologie de la perception (Gallimard, 1945) Maurice Merleau-Ponty signale que la phénoménologie est « aussi » un compte rendu de l'espace, du temps et du monde « vécus » (p.10). Face à ce constat la question de l'opposition entre objectivité et subjectivité reste une question irrésolue, mais toujours présente dans un projet qui cherche à restituer un vécu face à un objet, de surcroît éphémère. Plus loin, Merleau-Ponty ajoute dans sa définition de la phénoménologie : « La plus importante acquisition de la phénoménologie est sans doute d'avoir joint l'extrême subjectivisme et l'extrême objectivisme dans sa notion du monde ou de la rationalité. » (p. XV). Intimement liés aux phénomènes de perception, l'étude des capacités connotatives que dégagent les différentes architectures porte sur les différents pavillons, mais aussi sur les phénomènes que ceux-ci suscitent dans leur réception par le public. Afin de présentifier ces objets architecturaux, que leur côté éphémère et contemporain rend extraordinaires, je mets en place une lecture très libre, intuitive, où je déploie une mise en relation associative avec d'autres architectures, des designers et des artistes. Cette mise en relation les reconstitue et les rend présents au lecteur par le biais de certains traits que les pavillons partagent avec d'autres objets esthétiques, avec lesquels ils sont mis en relation parfois de façon anachronique. C'est aussi une stratégie qui cherche à les (re)définir par rapport à leur positionnement face à d'autres conceptions de l'architecture et de l'esthétique. Il convient de citer à ce propos le concept de « bricolage » que Claude Lévi-Strauss développe dans son ouvrage La pensée sauvage (Plon, 1962). Parmi les définitions que donne l'anthropologue de cette modalité de pensée qu'il appelle bricolage, s’affirme l’idée de la réalisation d'un inventaire d'objets hétéroclites afin de les interroger pour comprendre quelle sera la contribution de chacun à un projet nouveau (p. 29-30). Ce sont ces objets hétéroclites convoqués intuitivement, issus de différents contextes, qui vont d'abord se définir en tant que signes, pour ensuite reconstruire les différentes couches de signification et redonner une nouvelle vie au pavillon. Mais la problématique posée par la phénoménologie ne concerne pas seulement l'auteur de ces lignes. Dans Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty affirme que « Descartes et Kant ont délié le sujet ou la conscience en faisant voir que je ne saurais saisir aucune chose comme existante si d'abord je ne m'éprouvais existant dans l'acte de la saisir » (p. III). Ainsi, le lecteur qui s'aventure dans ces pages, se lance également dans l'expérience phénoménologique d'éprouver l'espace que procurent ces pavillons. C'est vivre une expérience par procuration, mais en tant que sujet tout à fait conscient de ce qu'il est en train de saisir, cette façon d'éprouver l'espace le renvoie à lui-même ; en conséquence l'expérience elle-même devient d'autant plus singulière et enrichissante.

César Ramirez

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LE paviLlon conçu par Jean Nouvel POUR l'année 2010 représente le dixième anniversaire de la construction des pavillons de la Serpentine Gallery. Cela explique probablement le fait de proposer cette commande à un architecte de renommée internationale par rapport à d’autres architectes et artistes moins connus qui ont été sollicités dans les neuf années précédentes. Cela signifie en même temps que cet événement est consolidé comme un rendez-vous très attendu dans le monde du design, de l’expérimentation architecturale et de l’art contemporain en général. Bien que les pavillons n’ont pas systématiquement un nom, celui de Jean Nouvel appelé Pavillon du Soleil Rouge déclenche chez le visiteur un imaginaire tout en adéquation avec la saison, le lieu et les usages de la structure qu’il propose. Ainsi, soleil, lumière et couleur sont les éléments qui vont habiller l’architecture d’un éclat qui la rend inattendue et par là-même attirante, énigmatique. Inattendue par la façon dont la structure s’inscrit dans son environnement immédiat. Attirante par la fascination que ses qualités plastiques exercent sur les visiteurs. Enigmatique par les ques-

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tionnements que cette présence suscite au milieu des jardins. Bien que le propre de tous les pavillons est de se démarquer naturellement, au milieu de la masse végétale de Kensington Gardens, face à la Serpentine Gallery, et que certains sont plus visibles que d’autres, le Pavillon du Soleil Rouge établie un rapport d’opposition, voire de complémentarité, avec le jardin. D’un point de vue chromatique, le rouge est la couleur complémentaire du vert, et concernant la régularité des volumes géométriques de l’ensemble, ils sont opposés au naturel organique de la végétation environnante.


Au-delà de la proposition architecturale qui réunit déjà à elle seule un certain nombre d’éléments intéressants à déconstruire, il est aisé de dire que le pavillon de Jean Nouvel est également un discours sur la couleur rouge par les capacités connotatives et sensorielles que l’architecte lui accorde. Dans ce dixième anniversaire où le pavillon d’été de la Serpentine Gallery devient une référence incontournable dans l’expérimentation architecturale de constructions éphémères, l’architecture est avant tout un phénomène plastique qui mobilise volumes, matières, lumières, espaces, couleurs, etc. C’est dans ce sens que, par sa gestion de la couleur et par sa composition architectonique, le pavillon de Jean Nouvel constitue une expérience plastique, un véritable événement visuel et esthétique. - 9 -


Lorsque l’on arrive dans Kensignton Gardens à la recherche du pavillon ON EST saisi par la vision, étant encore loin du pavillon, d’un énorme carré rouge qui dépasse la hauteur des arbres environnants. Impossible de ne pas faire le lien, à partir de ce premier aperçu, avec le Carré rouge (1997), le tableau refuge inséré dans la nature imaginé par l’artiste plasticienne Gloria Friedmann. Ce qui frappe de loin c’est la monumentalité des volumes et la diversité des structures qui composent l’ensemble. Une fois en face on réalise qu’il s’agit d’une série de volumes assemblés de façon à garder une certaine contiguïté, mais surtout qu’il s’agit d’une construction totalement ouverte de part et d’autre. Le visiteur peut ainsi se faire une idée très précise des formes et fonctions de chaque espace et de la logique de leur agencement. Le visiteur a donc le choix : soit il contourne le bâtiment tel une sculpture pour bien saisir le fonctionnement de l’ensemble, soit il va vers l’intérieur. Mais le fait

apparemment simple de rentrer reste une action un peu floue puisque, d’un côté il à déjà commencé à éprouver depuis l’extérieur l’espace intérieur de la structure ne serait-ce que visuellement ; et d’un autre côté, l’architecte à voulu débarrasser le bâtiment d’un seuil d’entrée qui viendrait signifier la différence entre l’intérieur et l’extérieur. Sauf que, à y regarder avec attention, on repère un certain nombre de marquages au sol qui vont déterminer la frontière intérieur vs extérieur. En effet, installé sur la pelouse du jardin, le pavillon établie ses frontières avec les limites d’une moquette rouge et verte sur la totalité de ses espaces. C’est ainsi que l’on trouve une invitation à entrer que le bâtiment propose aux visiteurs.

Crédit : Ateliers Jean Nouvel


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- début du parcours -

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En effet, confronté dans une première approche aux épisodes sophistiqués du pavillon, le visiteur a tendance à ne pas prêter attention, si ce n'est que dans un deuxième temps, aux prescriptions d'usage que l'architecture établit. Si le visiteur suit les chemins destinés aux promeneurs dans Kensington Gardens, ces mêmes chemins qui mènent vers le pavillon sans marcher sur la pelouse, il finira par retrouver l'entrée signalée par une extension de la moquette rouge qui lie perpendiculairement le pavillon au chemin du promeneur. Mais la moquette rouge ne constitue pas à elle seule le seuil d'entrée car, en effet, il y a tout un dispositif assez intéressant de séduction visuelle mis en place pour accueillir le visiteur.


le visiteur perçoit au loin un énorme carré rouge dont la hauteur dépasse souvent quelques arbres à proximité. à ce moment-là, il ne sait pas que ce carré rouge n'a pas d'autre fonction dans l'ensemble ARCHITECTURAL que celui d'un mur-signal. à la manière du clocher d’une église de village, ce mur sert de repère visuel et annonce à distance la présence du pavillon. Ce mur incliné vers l’intérieur du pavillon, élaboré en polycarbonate avec une hauteur de 12 mètres, est le support principal du dispositif d’accueil du pavillon. Le pavillon s’annonce luimême avec ce mur-signal comme un repère dans l’environnement proche, et c’est ce même mur-signal qui va être l’élément principal lorsque, au bout d’un certain temps, le visiteur trouve l’entrée à proprement parler. Ainsi, ce mur prend en charge au moins deux fonctions à caractère plutôt symbolique : d’un côté, dans sa vocation signalétique, il se dresse en hauteur pour que le visiteur puisse repérer le pavillon de loin, d’un autre côté, par ses dimensions monumentales, il est l’élément principal du dispositif d’accueil à l’entrée du pavillon. De plus, par son degré d’inclinaison, à certains moments de la journée, il produit de l’ombre et par là, véhicule une idée d’abri. Mais ce qu’il y a de plus intéressant dans ce mur-signal est probablement une dimension mythique matérialisée par ses qualités monumentales et chromatiques. Nous parlons ici d’une dimension mythique dans le sens que Roland Barthes le fait dans Mythologies c’est-à-dire de la déconstruction

d’un archétype afin d’identifier certains éléments qui peuvent exister de façon autonome dans des grandes représentations collectives. Il faut se mettre à la place du visiteur qui vient à la recherche du pavillon, pour voir comment il est réceptif aux éléments visuels qui vont lui annoncer sa présence. Nous pouvons dire ainsi que, étant donné la disponibilité à la réception avec laquelle le visiteur vient à la recherche du pavillon, les premiers impacts visuels sont susceptibles de déclencher des scénarios narratifs et mythiques, pouvant être associés à des éléments figuratifs comme celui de la rencontre de l’enfant lorsqu’il perçoit de loin le chapiteau d’un cirque. Le pavillon de Jean Nouvel réunit les qualités plastiques nécessaires et suffisantes pour pouvoir susciter et (re)susciter ce genre de récit mythique : le chapiteau de cirque et le Pavillon du Soleil Rouge sont des architectures éphémères, tous les deux ont des qualités plastiques spectaculaires mises en avant.

Roland Barthes, Mythologies, Seuil, 1957

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- l’entrée du pavillon -


Crédit : Ateliers Jean Nouvel

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- l’entrée du pavillon -

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Un autre élément non moins riche visuellement fait partie de l'entrée du pavillon, il s'agit d'un autre mur en totale opposition au premier, plus petit et plus complexe, de 3m de largeur par 2m de hauteur. Il est fabriqué à partir d'un assemblage en mosaïque d'une multiplicité de modules en verre teintés de rouge et de forme convexe. C'est un objet précieux, voire noble par rapport à la complexité de ses formes et à la fragilité de sa matière. Si on analyse les qualités de la présence de cet objet énigmatique qui accompagne et dirige le visiteur vers l'intérieur du pavillon ; il s'agit d'un mur-tableau et, en tant qu'objet fondamentalement esthétique, il peut être associé au mur en marbre doré qui se trouve à l'intérieur du pavillon allemand de la foire internationale de Barcelone, conçu par Ludwig Mies van der Rohe en 1929. Son potentiel connotatif est riche, en ce qui concerne sa facture, ce « petit pan de mur rouge » renvoie également à l'aspect géométrique, coloré, fragile et lumineux de certaines fenêtres dans des intérieurs peints par Johannes Vermeer.


Disposés l'un par rapport à l'autre à la fois en décalage et en continuité, ces deux murs contrastés constituent les principaux éléments du dispositif d'accueil, caractérisé par une certaine complexité. Le mur-signal et le mur-tableau réunissent différents degrés d'opacité et de transparence, de reflets, de textures et de luminosité qui représentent un des enjeux principaux de l'ensemble du pavillon. Mis à part les deux murs et la moquette rouge qui introduisent le visiteur, le dispositif d'accueil est complété par une note d'intention de l'architecte installée discrètement sur un panneau qui se trouve sous l'angle d'inclinaison du grand mur-signal. Dans ce commentaire, Jean Nouvel évoque ses sources d’inspiration et explique l'axe principal de son programme : faire du pavillon rouge un réceptacle de sensations.

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Voici les propos de l’architecte : «I’ve always considered architecture to be a receptacle for sensations. As the answer to an unspoken question, architecture’s main role is to create and transmit these sensations. I immediately understood the Serpentine Gallery’s commission for a summer pavilion as a request to unearth little sparks of emotion. A summer pavilion in a sprawling park... Oriental memories float to the surface. Kensignton Gardens, Hyde Park: the simplicity and openness of these gently tamed expanses. Green grass as a backdrop. Stretches of leafy trees creating depth of field. An aura of calm freedom floats in the air. For me, each project is preceded by an exciting question: what can I do here that I can’t do somewhere else? What small pleasures can I propose in response to such a simple request? This is a tantalizing trail, discarding the thousand and one trivial temptations along the way: Too banal! Too vulgar! Too pretentious! Too predictible! Too conventional! Not mysterious enough! Then emotion steps in and words open the floodgates: DAZZLING... contrasting... complementary... RED... red is complementary (to green)... FLEETING SUMMER...

use summer... the sun... STARE AT THE SUN... filter the sun... a red filter... red as a conductor... RED SUN... a red glow... a red screen... a windbreaker... in the red... A HAZE OF RED... like closing your eyes against the sun... BLURRED... without end... see green through red... filter... sift... RED EXPLODING AGAINST GREEN... green agains red... INCORPORATE THE MYTH OF RED... mythical red objects get lost in the grass... familiar objects too... red berries, vegetables, flowers... red and more red... landscaped infiltrations of red... night time... THE RED NIGHT... dense and mysterious... like in a photo lab... hibernating to come alive in summer... The seed is planted. The birth of the project is assured. Now it’s just a matter of architecture.»

Jean Nouvel Paris, March 2010


- l’entrée du pavillon -


L'épisode de l'entrée ne finit pas avec la note des intentions de l'architecte écrite sur un mur protégé par l'ombre portée du mur-signal. Cette entrée devient un couloir se prolongeant toutau long du module le plus grand qui contient le bar et un nombre important de tables et chaises pour accueillir les visiteurs. Le prolongement de ce couloir s’arrête nettement avec un autre mur-tableau : un panneau de verre de dimensions modestes et qui se retrouve si on continue jusqu’au bout du couloir d’entrée ou lorsque l’on contourne l’ensemble ; il présente des impressions de images abstraites superposées en rouge et vert tout en gardant ses qualités de transparence. Ce couloir rejoint perpendiculairement ce que l’on peut identifier comme l’élément central de l’architecture où communiquent l’ensemble des volumes. En effet, bien que le pavillon soit accessible de tous les côtés étant donné ses nombreuses ouvertures, ce volume sert donc de

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passage pour le reste des espaces et est lui-même un passage d’une certaine façon obligé contenant la partie bar. C’est un élément central autour duquel les autres espaces s’articulent pour consolider l’ensemble ; par ses dimensions, il peut accueillir de nombreux visiteurs. Le visiteur peut également déambuler vers les autres espaces au gré de sa curiosité puisque l’architecture dévoile sa logique de fonctionnement et ses possibilités de transformation.


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- les différents épisodes -

En tant qu’élément phare dans l’ensemble des volumes, cet espace donne la tonalité du reste lorsqu’il affiche une large possibilité de transformations constantes : des rideaux en tissu rouge et en plastique transparent peuvent être utilisés en cas d’excès de lumière ou de pluie, ainsi que des auvents rétractables peuvent être utilisés selon les envies des visiteurs et les impératifs du bon ou mauvais temps. Par ailleurs, pour ce qui est de la disposition générale des différents volumes du pavillon, Julia Payton-Jones,

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directrice de la Serpentine Gallery déclare dans une interview avec Philip Jodido que la disposition de ceux-ci rappellent la disposition des espaces intérieurs de la galerie, et que cet agencement des espaces n’est pas évident pour des visiteurs non informés.

Philip Jodido, Serpentine Gallery Pavilions, Taschen, 2011


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- les différents épisodes -

Il est nécessaire ici de parler d'affordance (capacité d'un système à suggérer sa propre utilisation) car dans l’interaction qui s'établit entre le visiteur et la structure au moment où le visiteur se lance dans un parcours de découverte forcément empirique, tous les éléments sont mis en place pour comprendre le fonctionnement de chaque espace ainsi que de l'ensemble. L'aspect de l'affordance du pavillon peut être considéré selon deux points de vue. D'un côté, le mobilier, différent dans chaque espace, montre naturellement sa vocation de confort et sa dimension ludique : chaises, bancs, tabourets, tables de dimensions et d'usages différents, hamacs, coussins, meublent tous les espaces et sollicitent du visiteur des attitudes différentes. L'ensemble du mobilier, par ses formes, ses matériaux et la couleur rouge dans la quasi totalité, suggère des utilisations en extérieur et, avec les auvents rétractables que l'on retrouve régulièrement, évoque des ambiances de guinguette, dans l'acception la plus ludique et hédoniste du terme.

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En dehors du mobilier, l'affordance de l'architecture se manifeste sur des prescriptions d'usage également précises dans l'ensemble de l'architecture. Auvents rétractables, portes pivotantes, rideaux opaques et transparents, interconnexion entre tous les espaces, effacement des frontières entre extérieur et intérieur, ce sont des éléments constitutifs de l'architecture mis en avant de façon évidente pour que le visiteur puisse se laisser guider par les usages que l'architecture propose. Par beau temps, lorsque les auvents sont rétractés et les rideaux ouverts, l'architecture dévoile son ossature et ses possibilités modulables par un système de poutres et poteaux qui structurent les auvents. Cette souplesse de matériaux, et cette adaptabilité aux aléas des conditions météorologiques, impriment un changement, voire un mouvement permanent à l'ensemble du pavillon ; elles contribuent également à la plasticité établie déjà par le choix chromatique et par l'audace de ses formes géométriques.


Il reste à décrire deux espaces qui ont leur intérêt propre et gardent une certaine autonomie. Si l'on est face au module principal qui accueille la partie bar, le visiteur peut traverser vers l'arrière et rejoindre une autre partie meublée de tables pour quatre personnes, de tables basses et de tables pour jeux de société. La moquette du sol change du rouge au vert, et les auvents peuvent se déployer jusqu'à couvrir la totalité de l'espace, créant ainsi un microunivers à l’intérieur de l’ensemble. Dans un moment de soleil intense, cette malléabilité est intéressante car, lorsque le visiteur est à l'intérieur, il évolue dans une ambiance féerique et irréelle où l'environnement et les objets qui l'habitent baignent dans une lumière totalement rouge. En revanche, si le visiteur décide de faire le tour du pavillon pour observer cette partie de l'extérieur, il sera confronté à une continuité de panneaux rouges qui tombent vers lui en cascade. Pour susciter cet effet, l'architecte a prévu un petit monticule à l'arrière du pavillon où le visiteur aura un point de vue privilégié, en légère surélévation, intéressant à découvrir quelle que soit la position des auvents, ouverts ou fermés.

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- les différents épisodes -

Le dernier épisode qui nous reste à décrire est celui qui est consacré à l’amphithéâtre. Pendant l'installation du pavillon, la Serpentine Gallery organise des événements qui ont lieu le soir. Dans le cadre de ces Parc Nights, se succèdent lectures de poésie, rencontres avec des artistes, performances, concerts, et conférences avec des architectes et designers. Le théâtre de ces événements pour le pavillon de Jean Nouvel est un énorme cube de 7.2 mètres de hauteur, dont la structure porteuse est métallique et les parois sont en verre teinté de rouge transparent pour la quasi totalité. Comme pour le reste des espaces, les formes du mobilier sont différentes et la moquette change du rouge au vert. Le visiteur peut y accéder directement depuis la partie bar ou en venant de l'extérieur car ce cube est muni de deux panneaux pivotants en verre qui ouvrent l'espace vers l’extérieur. Ces deux grandes porte-miroir accentuent l'effet plastique du pavillon car elles contribuent aux effets de décomposition géométrique, de mouvement et de modularité.

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Une des parois de ce grand cube est constituée d'un rideau en tissu rouge qui se déplace de haut en bas selon les besoins du moment. Le reste des parois sont des panneaux de verre rouge transparents sur lesquels l'architecte a installé deux mots en gros caractères capitales transparents. Le mot GREEN à la hauteur de la pelouse, et le mot SKY en haut vers le ciel ; le premier devient vert, le deuxième devient bleu, il s’agit d’un geste graphique et déictique pour nommer le monde notamment selon ses qualités chromatiques. L'effet à l'intérieur de ce cube est saisissant parce que le visiteur baigne à nouveau dans une atmosphère entièrement rouge et l'effet des vitres teintés de rouge donne l'impression que non seulement l'environnement proche est rouge, mais le monde entier aussi.


" L'effet à l’intérieur de ce cube est saisissant. […] Les vitres teintés de rouge donnent l'impression que non seulement l'environnement proche est rouge, mais le monde entier aussi. "

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"Une autre gr réussite du pa JEAN Nouvel e généré par l’a en tant qu’évé les phénomèn sociabilité qu


rande avillon de est l’éclat architecture énement et nes de u’elle suscite."


Dans le programme de l’architecte, une dimension symbolique se détache naturellement qui nous permet de faire le lien entre le dixième anniversaire de la construction des pavillons de la Serpentine Gallery et la couleur rouge qui célèbre l’imagerie pop british que l’on retrouve dans des objets iconiques de la capitale londonienne : bus à deux étages, boîtes aux lettres, cabines téléphoniques, l’uniforme de la garde impériale de Buckinham Palace, etc. Au-delà de la complémentarité des couleurs rouge et vert qui définit le rapport de l’architecture avec son environnement, Jean Nouvel à recouvert son pavillon d’un rouge éclatant, festif, voyant, lumineux, qui plonge le visiteur dans une expérience sur la couleur et la lumière. La plasticité du pavillon se nourrit de plusieurs éléments : le visiteur peut accéder librement d’un espace à l’autre, et traverser visuellement le pavillon depuis plusieurs points de vue étant donné sa modularité et ses ouvertures généreuses. Grâce à la souplesse, à la transparence et à la luminosité de ses matériaux, le visiteur peut se retrouver fréquemment plongé dans un envi-

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ronnement totalement rouge. Ceci élargie le rôle de l’architecture pour la rapprocher de l’installation où le dispositif invite le spectateur à être à l’intérieur. Dans ce sens, le Pavillon du Soleil Rouge n’est pas sans rappeler certaines installations de James Turrell où l’artiste américain propose l’immersion totale dans une expérience synesthésique de couleur, lumière et volume. A plusieurs égards, le pavillon rouge est une pure expérience plastique. Mais la dimension plastique du pavillon est présente également dans l’audace de ses formes et de ses volumes, dans leur continuité fonctionnelle (les trois volumes périphériques se regroupent autour d’un espace fédérateur qui les dessert tous), dans leur discontinuité formelle (la proximité des volumes met en avant la différence radicale de leur formes) et dans la modularité des parois et des auvents toujours prête à s’adapter aux aléas de la météo. La contiguïté des volumes met en exergue l’hétérogénéité des formes qui composent l’ensemble. Dans ce sens, il est intéressant de faire un lien avec le déconstructivisme et notamment avec les Folies de Bernard Tschumi construites au Parc de la Villette, à Paris, entre 1983 et 1992. Au-delà de la ressemblance chromatique, et du fait que les deux architectes interviennent dans des parcs, les deux projets sont liés également par une volonté d’explorer la plasticité de l’architecture à travers l’intégration de compositions architectoniques radicales et inattendues dans le paysage urbain.


Une autre grande réussite du pavillon de Jean Nouvel est l’éclat généré par l’architecture en tant qu’événement et les phénomènes de sociabilité qu’elle suscite. Il existe des vidéos sur YouTube où l’on voit des visiteurs venir à la rencontre du pavillon, découvrir ses formes étonnantes et déambuler dans ses espaces sous le soleil de l’été. D’une façon générale, on voit que le pavillon propose des activités ludiques (tables de ping-pong, de jeux d’échecs), des loisirs (hamacs, grands poufs pour s’allonger où l’on veut), et même des activités esthétiques qui tiennent tout simplement à la contemplation de l’architecture et sa richesse plastique. Du fait que les tables de pingpong aient été installées à proximité du pavillon, du fait également que le pavillon propose de nombreuses ouvertures et chemins d’accès, et enfin, du fait qu’un certain nombre d’éléments du mobilier est déplaçable, l’architecture efface ses limites et élargie ses frontières. Le philosophe Stéphane Vial, dans son ouvrage Court traité du design évoque trois critères qui sont autant de composantes de l’effet design. Ces trois critères sont l’effet callimorphique : le sens de la recherche des formes qui définit le pavillon est incontestable. La souplesse du pavillon et sa modularité rejoignent l’impact visuel lors de sa découverte et son exploration en faisant une expérience synesthésique globale. L’effet d’expérience tient, dans le pavillon, à tous les vécus qui montrent l’architecture à partir de ses connexions avec l’installation et l’art contemporain en général, et qui élargissent le concept même d’abri, de lieu de rencontre et d’objet de contemplation.

Finalement, l’effet socioplastique est, pour le Pavillon du Soleil Rouge probablement un des aspects le plus réussis. Pour les visiteurs informés qui sont en grand nombre, le pavillon est un véritable lieu et une occasion attendue de se retrouver pour parler de design, d’architecture et d’art contemporain en général, nombreux sont également les visiteurs qui viennent documenter le pavillon avec des croquis et prise de vue photographiques. Enfin, lorsque le soleil d’été fait rayonner le pavillon rouge et que ses nombreuses entrées sont ouvertes, les limites sont effacées entre l’intérieur et l’extérieur ; les visiteurs s’allongent où bon leur semble sur des poufs mis à disposition à cet effet. A ce moment-là, l’architecture efface ses frontières et l’idée même de ses limites ; elles se dématérialisent, faisant que plasticité, expérience, et sociabilité se recoupent sans que le visiteur s’en aperçoive.

www.youtube.com/ watch?v=ElQtNNpiOY4 Stéphane Vial, Court traité du design, PUF, 2010

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abghpx - typographie -

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ABCDEFGHIJKL MNOPQRST UVWXYZ abcdefghijklm nopqrstuvwxyz àâéèêîôûùœæç ÀÂÉÈÊÎÔÛÙŒÆÇ 1234567890


A l’instar de la plupart des caractères typographiques crées par Neville Brody, Blur (1992) fait de l’irrégularité son principe de construction. Ce principe se manifeste à plusieurs niveaux : les lettres ne partagent pas la même épaisseur des fûts, ni le même rapport entre pleins et déliés. La hauteur des capitales n’est pas la même et toutes les lettres sont installées différemment sur la ligne de pied. Cette irrégularité prend une importance particulière au moment de la lecture, lorsque l’œil parcourt les lettres, guidé par la fluidité des formes rondes. C’est grâce à cette fluidité que Blur devient un caractère avenant malgré l’irrégularité de son corps. Blur est aussi une typographie-manifeste. Face à l’orthogonalité des typographies linéales, Blur est un caractère audacieux qui suggère un événement, et plus précisément un événement en train de s’accomplir. Au moment de parcourir visuellement les lettres, surtout lorsqu’elles sont déployées en gros titrages, nous sommes face à un phénomène qui ressemble à un processus de liquéfaction de la typographie, les lettres auparavant solides deviennent désormais liquides ; de plus elles sont en train d’être

absorbées progressivement par la surface sur laquelle elles sont installées. Cette dimension évènementielle qui caractérise la typographie fait d’elle un objet toujours en devenir. Blur est un caractère par définition instable qui, au fur et à mesure que notre œil se glisse sur son corps, suggère tantôt l’apparition de ses fûts, tantôt leur disparition. C’est à partir de cette vocation éphémère qu’il entre en résonnace avec une mise en pages consacrée à l’architecture éphémère, au design contemporain et au renouveau. Utilisé en gros caractères, installé au milieu d’une maquette qui favorise le vide et les éléments iconographiques, Blur se retrouve dans cette collection débarrasé de ses connotations eigthies & chip pour retrouver une certaine élégance tout en gardant l’audace de ses formes. Toute esthétique est une esthétique des formes, et la plasticité instable de Blur fait d’elle un caractère qui arbore sa matérialité insaisissable. Il est ici question de matière et de plasticité, deux des éléments principaux qui définissent les enjeux mis en place par les architectes dont on étudie le travail. - 33 -


Lexique Jean Nouvel Architecte français né en 1945, il reçoit le prix Pritzker 2008, ses réalisations en France et à l’étranger font de lui l’un des architectes français les plus renommés du monde.

Serpentine Gallery Galerie d’art contemporain installée au cœur de Hyde Park à Londres ; elle se distingue par une volonté de sensibilisation à l’art contemporain auprès du grand public. Elle est désormais connue par sa diffusion du design et de l’architecture.

Gloria Friedmann Artiste allemande née en 1950 à Kronach. D’un propos fort engagé, relevant parfois de l’acte militant, les œuvres de Gloria Friedmann soulèvent les incohérences de l’individu face à son environnement naturel.

Roland Barthes Né à Cherbourg en 1915 et mort à Paris en 1980, est l’un des représentants majeurs de la pensée structuraliste et de la sémiotique en France. Dans un de ses ouvrages les plus célèbres Mythologies (Seuil, 1957) il décortique les grandes représentations collectives en décrivant le mythe en tant que signe dans le contexte français de l’époque.

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Ludwig Mies van der Rohe

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Architecte allemand (18861969), il est considéré comme une des figures phare du Bauhaus et du Style International. Son travail se caractérise par une sobriété radicale de formes et par l’utilisation intensive du verre, de l’acier et du béton. Parmi ses réalisations les plus célèbres, on peut évoquer le pavillon allemand de la Foire Internationale de Barcelone en 1929, et la Neue Nationalgalerie de 1965 à Berlin.

Philip Jodidio Né en 1954, il est le directeur en chef du magazine français Connaissance des arts en 1979. Spécialiste de l’architecture et de ses acteurs, il publie de nombreuses études notamment dans la série Architecture now ! chez Taschen.

Johannes Vermeer Peintre baroque néerlandais (1632-1675) connu par ses tableaux de scènes de vie dans des espaces restreints intérieurs où il met en scène des personnages absorbés souvent dans des activités marquées par la concentration et la minutie. Son travail explore la représentation de la lumière dans des tableaux comme La laitière, La dentelière ou encore La liseuse à la fenêtre.

Julia Payton-Jones Née en 1952, co-directrice depuis 1991 de la Serpentine Gallery de Londres avec HansUlrich Obrist.

James Turrell Artiste américain né en 1943, son travail constitue une exploration exhaustive de la lumière, la couleur et l’espace. Dans une démarche non figurative, ses propositions, de dimensions souvent très importates sont connues dans le monde entier.

Bernard Tschumi Architecte franco-suisse (1944) il est associé au mouvement du déconstructivisme, il est connu par ses Folies au Parc de la Villette à Paris construites entre 1982 et 1998.


Ours Textes et photographies César Ramirez csr.rmz@gmail.com

Conception graphique Lucas Potronnat

lucas.potronnat@gmail.com

Remerciment Ateliers Jean Nouvel Collection éprouver L’espace

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