Amérique latine - Comment renforcer les activités des gouvernements locaux et régionaux

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AMéRIQUE LATINE

Comment renforcer les activités des gouvernements locaux et régionaux pour les compétences de sécurité publique

Dialogue et renforcement des capacités des autorités locales et régionales des pays partenaires de l'UE dans les domaines du développement et de la gouvernance locale 2015


Comment renforcer les activités des gouvernements locaux et régionaux pour les compétences de sécurité publique PLATFORMA – 2015 DIBA – 2015 Auteurs : Manuel Ballbé et Yaiza Cabedo Ce document a été élaboré en tant que document d’appui pour le séminaire « Dialogue et développement des capacités des autorités locales et régionales en Amérique Latine dans les domaines de la gouvernance et du développement local » qui s’est tenu à Iguaçu les 10 et 11 juin 2013. PLATFORMA Partenaires du projet : Dialogue et renforcement des capacités des autorités locales et régionales des pays partenaires de l’UE dans les domaines du développement et de la gouvernance locale Conseil des Communes et Régions d'Europe (CCRE) Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) Association française du CCRE (AFCCRE) Agence pour la coopération internationale de l’Association des Communes Néerlandaises (VNG International) Association suédoise des autorités locales et des régions (SKL) Fédération Espagnole des Municipalités et Provinces (FEMP) Cités Unies France (CUF) Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM) Association des Régions Frontalières Européennes (ARFE) Association internationale des maires francophones (AIMF) Forum des administrations locales du Commonwealth (CLGF) Ville de Paris Province de Barcelone Régions Unies – FOGAR Clause de non-responsabilité : La présente publication a été élaborée avec l’assistance de l’Union européenne. Les contenus de cette publication relèvent de la responsabilité exclusive de PLATFORMA et de DIBA et ne peuvent en aucune manière être considérés comme reflétant les points de vue de l’Union Européenne. Design : acapella.be ­­– Impression : Daddy Kate – Photo : EuropeAid Photo Library  Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.


Table des matières Introduction

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Les avantages compétitifs du Gouvernement Local : l’esprit d’entreprise et la créativité pour l’innovation en matière de prévention et de sécurité

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Les Gouvernements entreprenants et créatifs favorisent l’activisme de la communauté

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Le gouvernement local en tant que laboratoire d’expérimentation pour la sécurité

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Avantages compétitif du gouvernement local face au gouvernement central

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La gestion communautaire, le système de gouvernement le plus efficace

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Le droit fondamental à la sécurité et le nouveau concept de sécurité humaine

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Quelques causes de la criminalité et domaines d’action du gouvernement local pour les détecter et les prévenir

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Manque d’affection pendant l’enfance et abandon par les parents

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Lésion du cortex préfrontal

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L’importance des six premier mois de grossesse

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Contamination par le plomb

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La rééducation nutritionnelle, une opportunité préventive pour le gouvernement local

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Les succès du modèle de sécurité préventive face à l’échec du modèle répressif

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Le modèle espagnol de prévention en matière de sécurité publique face au modèle répressif des États-Unis

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Comparaison des nombres d’homicides

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Comparaison du nombre de policiers en Espagne et aux États-Unis

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Comparaison du nombre de prisonniers

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Brown contre Plata, l’échec des systèmes carcéraux centralisés et la formule décentralisée de prévention

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Les nouveaux défis de la sécurité préventive

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Les femmes, la garantie d’une sécurité et d’une prévention meilleures

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Les aînés, une institution qui porte de l’affection

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Le volontariat comme formule pour la sécurité

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Réflexions finales

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I. Introduction Les expériences volontaristes et novatrices de nombreux gouvernements locaux et régionaux en Amérique Latine démontrent que l’on peut avancer vers l’objectif d’une plus grande sécurité au moyen de politiques de prévention de la violence sur de multiples fronts. À l’avenir, les stratégies de sécurité devront être basées sur des citoyens qui développent l’activisme et les valeurs communautaires, abandonnant les positions exclusivement individualistes. C’est sur cette ligne que confluent les politiques de sécurité et de police de proximité qui représentent une rupture par rapport aux politiques caduques de répression. Les pratiques de prévention que développent les municipalités et les régions répondent à cet esprit défini par l’économiste Richard Florida comme villes et régions créatives, qui s’appuient sur les citoyens et sur une classe travailleuse novatrice qui imprègne la société dans son ensemble : les activités sociales, d’entreprise, scientifiques, culturelles, etc. Comme le souligne cet économiste américain, cet esprit est la clé du développement économique et culturel et aussi de la sécurité 1. Il faut souligner que les trois gouvernements de Pernambouc, Peñalolén et Guadalajara, possèdent cet esprit entreprenant et ont la volonté d’expérimenter des systèmes de sécurité novateurs qui couvrent de nouveaux domaines tels que la violence domestique, la sécurité routière ou la sécurité environnementale. C’est là la raison de leur succès dans la baisse des indices de criminalité. Les citoyens perçoivent que l’administration et le gouvernement sont attentifs et engagés à garantir leur sécurité, y compris d’un point de vue plus vaste en y englobant la prévention des risques qui affectent leur santé d’une façon qui n’est pas directement liée à la criminalité. Un exemple de ces expériences qui peuvent servir de leçon pour d’autres gouvernements locaux est l’action de la police de Recife dans un cas qui a eu lieu cette semaine. Un jour de forte pluie, de nombreuses attaques armées se sont produites, et l’initiative de la garde municipale, qui est un corps de proximité non armé, fut de patrouiller dans les rues à pied et sans armes, mais avec des gilets pare-balles, et parmi eux se trouvait le Directeur de la sécurité de Recife, le journaliste connu Eduardo Machado. Ceci a permis de vérifier l’effet immédiat qu’une telle initiative a sur la perception de ce corps par les citoyens. La population comprend immédiatement que les policiers sont là pour les protéger contre les attaquants armés et se montre très reconnaissante pour une proximité qu’ils apprécient et parce qu’elle sent que l’on veille et que l’on s’occupe d’elle. C’est là la base pour de meilleurs niveaux de sécurité : les citoyens font confiance à la police et celle-ci se sent reconnue. « Le crime n’est pas un choix individuel, il émerge de la psychologie sociale d’une communauté. Le gouvernement local possède les instruments pour transformer cette culture et cette psychologie en une autre plus solide, plus civique et plus coopérative 2.

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F lorida, R. The Rise of the Creative Class: And How It's Transforming Work, Leisure, Community, and Everyday Life.Paidos, 2010. W ilson, J.Q., Kelling, G.L. Broken Windows, 1982.

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II. LES avantages compétitifs du gouvernement local : l’esprit d’entreprise et la créativité pour l’innovation en matière de prévention et de sécurité 1.

L es Gouvernements entreprenants et créatifs favorisent l’activisme de la communauté

La baisse de la criminalité dans les villes où cette étude a été réalisée est due à l’action de gouvernements entreprenants et à des initiatives novatrices. Ils ont compris que l’activisme de la communauté est nécessaire pour permettre la cohésion de la société. C’est là l’avenir de la sécurité, l’activisme par lequel le citoyen comprend les avantages qu’il y a à collaborer avec les corps de sécurité car il constate que ceux-ci travaillent à garantir sa sécurité, à détecter les problèmes et les nouveaux risques émergents. C’est une vision dynamique et en constante évolution de la sécurité et des domaines d’action des administrations locales face au concept étatique traditionnel de l'ordre public. Obama est un exemple de ce profil car, comme il le souligne dans son autobiographie, il a appris plus en tant qu'organisateur communautaire dans une banlieue de Chicago qu'à la faculté de droit de Harvard. Actuellement il existe un master d’organisation communautaire dans de nombreuses universités américaines. Il luttait contre l’amiante, qui est aujourd’hui interdit et qui tuait par cancer du poumon plus de personnes que tous les gangsters de Chicago. C’est là la nouvelle vision de la sécurité intégrale comme sécurité humaine. 3 Dans les propres mots d’Obama, « lorsque j’ai commencé mon travail d’organisateur communautaire dans les églises catholiques de Chicago [concrètement dans l’Église de la Vierge du Rosaire] ils m’ont appris qu’aucun programme de gouvernement ne peut remplacer une bonne communauté de voisins civique, unie et activiste ni les gens qui luttent en leur nom 4. »

2.

L e gouvernement local en tant que laboratoire d’expérimentation pour la sécurité

La méthode scientifique se base sur le principe « du tâtonnement » et chaque nouvelle tentative d’amélioration comporte un nouvel essai... C'est cette chaine d'essais qui produit progressivement le moins d'erreurs et qui génère les innovations qui se matérialisent en des améliorations et des avancées scientifiques, juridiques et sociales. La certitude scientifique et technologique a priori n’existe pas. La certitude scientifique et technologique maximale s’obtient uniquement à travers ces processus d’expérimentation, d’innovation, et d’améliorations constantes qui sont accompagnées d’un certain nombre d’incidents qui permettent de détecter et de corriger les niveaux de sécurité pour créer une société disposant de plus grandes avancées technologiques liées à la sécurité. La technique de l’expérimentation est un principe juridique qui est constamment présent dans la jurisprudence des ÉtatsUnis et qui est devenu un des piliers constitutionnels qui constituent le modèle de « L’État Composé ». C’est ce qui découle la fameuse opinion du juge Brandeis dans le cas New State Ice Co v. Liebmann (1932), dans laquelle il se réfère à la valeur du système fédéral et décentralisé des États-Unis comme exemple de cohésion entre la pluralité des modèles dans laquelle chaque entité (état, région, municipalité) dispose de la capacité et de l’autonomie pour expérimenter et pouvoir ainsi innover :

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I nterview de Manuel Ballbé. La Vanguardia 9-7-2010. M cGurn. Community Organizers Sue Obama. Wall Street Journal. 9-7-2012.

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« La négation du droit à expérimenter peut entrainer des conséquences sérieuses pour la Nation. Un des incidents heureux du système fédéral est qu’un seul état valeureux peut servir de laboratoire et essayer de nouvelles expérimentations sociales et économiques sans risque pour le reste du pays. »5 Cette capacité d’expérimenter pour innover que constatait le juge sert aussi pour les administrations publiques, les corps de sécurité, les communautés ou les entreprises. Dans la perspective comparée, il apparait que les pays les plus novateurs sont ceux qui, en plus de ne pas freiner l’expérimentation et d’encourager la recherche de solutions nouvelles, s’appuient sur les valeurs d’autonomie et de décentralisation pour la prise de décisions. La décentralisation permet que chaque centre de pouvoir (gouvernement fédéral, gouvernement de l’état, gouvernement local) dispose d'une autonomie et d’une capacité propres pour décider et expérimenter. Si nous analysons les différents systèmes de prises de décisions étatiques, nous constatons que ceux-ci sont basés sur deux axes : Le système décentralisé et le système centralisé et uniformisateur ou centralisateur. Les états qui ont le plus progressé sur tous les plans (économique, social, politique et de la sécurité) sont ceux qui pratiquent le premier système de prises de décisions, le système décentralisé, basé sur l’expérimentation et les « essais et erreurs ». De là que les solutions macro-étatiques dans lesquelles il y a une certaine tentation d’union dans l’uniformisation et qui prévoient une solution unique et « venue d’en haut » comme objectif pour atteindre un ordre parfait – une sécurité et une prévention parfaites –, puissent commettre les erreurs typiques des systèmes centralistes qui rendent impossibles la flexibilité et le dynamisme nécessaires pour innover grâce à des expérimentations permanentes et diverses. Il ne faut pas oublier que ce sont les administrations locales, du fait de leur proximité avec la société, qui connaissent le mieux les besoins de leurs municipalités, tant du point de vue préventif que de celui des stratégies pour la sécurité, et que pour cette raison elles deviennent l’entité idoine pour chercher des solutions plus efficaces que celles qu’impose un gouvernement centralisé qui propose des « recettes » standardisées pour tous les points du territoire sans tenir compte de leurs particularités. L’expérimentation dans le cadre des administrations locales comporte de grands avantages car elle permet de multiplier les possibilités d’innover de façon exponentielle sur l’ensemble du tissu juridique et social. Les expériences qui fonctionnent avec succès sur un territoire concret pourront être imitées et importées par les autres localités qui présentent des problèmes similaires. L’inconvénient d’une règlementation qui aspire à agglutiner un éventail de territoires à la typologie très différente est l’éloignement qui se produit par rapport à la réalité de la gestion d’une localité concrète qui finit par ignorer des risques qui peuvent aboutir à des problèmes majeurs s’ils ne sont pas détectés par les services de police préventive de proximité. Chaque nouvelle expérience acquise dans les municipalités ou les régions doit servir de moteur pour l’innovation et permettre de promouvoir une amélioration qui empêchera qu’un accident similaire puisse se produire à l’avenir, tant sur leur territoire que sur celui des autres localités qui appliqueront des techniques similaires. La méthode expérimentale signifie que les solutions ne proviennent pas de la découverte a priori de la solution correcte par les experts, mais que toute avancée nécessite des essais préalables. De par sa nature scientifique, le système expérimental comporte une succession d’essais et d’erreurs qui conduiront à des améliorations. Le système d’avancement expérimental nécessite donc une unité régionale ou locale pour que l’impact négatif n’entraine pas de répercussions générales. C’est dans ce contexte que les gouvernements locaux constituent le laboratoire d’expérimentation idéal pour l’innovation, car une erreur localisée représente un coût bien inférieur à tous les niveaux qu’une erreur à grande échelle, surtout dans les domaines de la santé et de la sécurité. « Innovation et droit sont des concepts qui sont rarement mis en relation. Il existe un manque de conscience de ce que l’innovation est une des valeurs centrales du système constitutionnel pluraliste et, en réalité, le véritable moteur du système administratif et politique. » 6 Dans ce sens, le professeur Stewart de la New York University of Law examine l’interaction entre réglementation et innovation du point de vue du Droit Administratif et il conclut que, dans de nombreuses occasions, l’innovation a été freinée par des mesures règlementaires uniformisatrices, généralistes et centralisées.7 2 85 U.S. 262, 311. B allbé, M. Principios de Derecho Administrativo en el Estado Pluralista. Tomo I. P. 114. 7 Stewart, R. B. Regulation, Innovation and Administrative Law: a conceptual framework, California Law Review. Vol. 69, 1981. 5 6

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3.

vantages compétitifs du gouvernement local face au A gouvernement central

Le développement économique des pays met en concurrence les entreprises, mais cette concurrence en matière de qualité touche aussi les administrations publiques, les corps de sécurité, les tribunaux et en général la capacité, l’activisme et la passion de ses citoyens qui cherchent toujours à innover et détectant de nouveaux risques et de nouveaux objectifs d’action. Les pouvoirs locaux présentent différents avantages compétitifs face au pouvoir central, et il faut qu'ils en soient conscients car ils peuvent leur servir à continuer de générer des initiatives dans cette course compétitive pour la qualité ou race to the top 8. D’une part, le gouvernement local est le plus proche de tous les pouvoirs vis-à-vis du citoyen. Cela lui confère la possibilité de recueillir de première main toutes les informations relatives aux nouveaux défis pour la sécurité et lui permet d’être le premier à proposer des politiques actives concernant les besoins nouveaux et changeants de la société. Cette politique de proximité est héritière du modèle policier démocratique qui avait été lancé en 1829 par la police métropolitaine de Londres, Scotland Yard, et qui a été un succès par rapport au modèle de police répressive et distante qui perd la possibilité d’apprendre de l’évolution de la société elle-même. Un autre des avantages concurrentiels du pouvoir local face au pouvoir central est sa capacité d’appliquer des politiques de prévention, car les unités de quartier sont les premières à connaitre les nouveaux risques. En définitive, les administrations locales sont les premières à détecter les changements sociaux ou les risques tels que les foyers de contamination, ou l’augmentation des flux migratoires, et c’est donc à elles de proposer des politiques de prévention. Si le gouvernement local n’agit pas et attend que le gouvernement central le fasse, il perdra sûrement l’opportunité d’appliquer un traitement préventif et c’est a posteriori, lorsque le conflit social ou les dommages se seront produits, qu’il faudra agir. Le concept de sécurité humaine, beaucoup plus ample que le concept classique de sureté, se caractérise par le fait qu’il est centré sur le citoyen et non sur l’État, et l’administration et la police locales ont l’opportunité d’apparaitre beaucoup plus comme des institutions au service du citoyen face aux administration centrales qui travaillent au service de l’État. La dernière démonstration du succès du modèle de police de proximité vient des techniques employées par les corps de sécurité des États-Unis après le 11 S qui, après avoir constaté l’échec de leurs corps d’élite déconnectés de la réalité de la rue et incapables de détecter la menace terroriste qui pesait sur le pays, ont choisi de créer des Task Force ou groupes de collaboration dans lesquels le FBI et la CIA unissent leurs efforts à ceux des polices locales. Ils se sont rendu compte de ce que les corps d’élite, par leur distance, perdent la nécessaire connexion avec le citoyen. Les Task Force de lutte contre le crime organisé à New York ou contre le terrorisme à Chicago ou à Los Angeles sont des exemples de cette collaboration. La participation conjointe et permanente dans les quartiers leur permet de détecter les risques à temps et d’employer des politiques préventives.

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B allbé, M. Padrós, C. Estado Competitivo y Armonización Europea. Ariel, 1997.

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III. L a gestion communautaire, le système de gouvernement le plus efficace Elinor Ostrom est la première femme à avoir reçu le Prix Nobel d’économie. Son travail se centre sur les mécanismes d’autogouvernement au travers d’associations décentralisées qui opèrent dans différentes sociétés. 9 Elle a étudié les économies publiques locales, en particulier les services de police municipale, la gestion de l’approvisionnement en eau, les nappes phréatiques, la sylviculture et le développement dans le monde le moins avancé. Son étude se centre sur les règles qui gouvernent le comportement des individus dans leurs interactions tant avec la nature qu’avec les autres individus. Ostrom, de l’école du « Public Choice », ou choix public, est allée au-delà des théories classiques toujours opposées qui défendent, l’une la perfection du marché et la main invisible d’Adam Smith et celle qui s’y oppose, le besoin de l’intervention de l’État pour corriger les défaillances du marché. Elle proposait la possibilité que le marché puisse défaillir et qu’en plus les politiques correctrices du gouvernement puissent ne pas fonctionner. Son travail sur les économies publiques locales et les ressources d’usage commun s’est centré sur les règles réelles sur lesquelles les individus décentralisés et les groupes associatifs se basent pour prendre des décisions et coordonner leur comportement pour dépasser les dilemmes sociaux. Elle a découvert que le pouvoir d’autogouvernement pouvait réussir à résoudre même des situations très complexes. Elle a analysé comment, au travers des associations volontaires, les groupes sont capables de transformer une « tragédie des ressources communes » en une « opportunité des ressources communes ». 10 La lauréate du Prix Nobel explique que les groupes décentralisés come les associations volontaires ou l’activisme de la communauté sont un instrument pour faire surgir de nouveaux systèmes d’organisation par le biais de la coopération sociale. Elle étudie la façon dont les personnes prennent des décisions lorsqu’il s’agit de biens d’utilisation commune et elle arrive à la conclusion que la gestion la plus efficace est celle des biens communaux à travers ces associations décentralisées. Cette efficacité est due à ce que la collectivité finit par créer des normes d’usage qui sont respectées et appliquées (comme c’est le cas pour la propriété privée), mais ces normes sont plus efficaces car elles sont perçues par les individus comme étant plus légitimes, du fait qu’ils se sentent impliqués dans la conservation de ces biens qui, étant communaux, leur appartiennent aussi. 11 Les gouvernements locaux ne doivent pas perdre ces connaissances et cette opportunité de transformer les moments de crise économique comme l’actuel en une occasion pour que les citoyens prennent une part plus active à la stratégie communautaire de sécurité. La promotion et la collaboration des associations collectives est le meilleur scénario pour l’innovation en matière de prévention, ce qui conduira à une meilleure garantie de sécurité. C’est seulement si les citoyens sentent que la stratégie de sécurité de leurs municipalités les implique tous collectivement, et que dans une certaine mesure elle leur appartient, que l’on obtiendra une efficacité maximale dans les systèmes de détection des dangers, que l’on évitera les risques et que l’on implantera des systèmes de prévention qui fonctionnent réellement. Ostrom a démontré que les biens qui atteignent les plus hauts niveaux d’innovation sont ceux dont l’usage est communal car ils bénéficient de l’implication active des citoyens. En plus, ce système de gestion communautaire est le moteur d’une vision plus durable de l’utilisation des ressources et il imprègne la communauté d’un esprit plus civique, plus respectueux et plus préservateur. Comme nous pouvons l’observer : « Les succès en matière de sécurité passent par des politiques moins voyantes et moins répressives, et par un travail actif avec le tissu associatif et la reconnaissance envers les professionnels et les citoyens qui savent que notre sécurité dépend moins de l’alarmisme et plus de l’activisme et de l’intégration communautaire. Celui qui fut doyen de l’école Kennedy de Gouvernement de Harvard, Robert Putman, a démontré dans tous ses travaux que l’activisme de la communauté et le travail conjoint avec les policiers et autres serviteurs publics sont des facteurs décisifs pour la qualité de la sécurité et la réduction de la sensation d’insécurité. » 12 strom, E. Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action. Cambridge University Press, 1990. O B oettke, P. Ostrom: Pourquoi ceux qui valorisent la liberté devraient se réjouir. Tribuna Libre. 16-11-2011. 11 O strom E. Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action. Op. Cit. 12 B allbé, M. Un buen modelo de seguridad. El Periódico. 3-5-2007. 9

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Dans le moment actuel de crise financière toutes ces directives deviennent encore plus importantes car la gestion communale, en plus d’être plus humaine et plus efficace, est aussi une ressource très économe. Il s’agit d’un nouveau pas dans l’évolution des systèmes d’organisation de l’État. Le centrisme individuel avait cédé le pas au centralisme dans lequel l’État est devenu une entité paternaliste qui doit protéger les citoyens contre tout danger, et le nouveau paradigme consiste à faire un pas de plus vers un État centré sur la communauté dans lequel le centre du pouvoir résidera dans la communauté et s’appuiera sur son activisme.

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IV. Le droit fondamental à la sécurité et le nouveau concept de sécurité humaine

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme13 établit le caractère inhérent et fondamental du droit à la sécurité pour toutes les personnes. « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. » Le concept classique de sécurité se référait uniquement aux risques associés à la criminalité violente et aux homicides. Par conséquent, la sécurité était laissée uniquement entre les mains des forces de l’ordre public. Au-delà de ce concept de sécurité, l’Organisation des Nations Unies a créé le terme « Sécurité Humaine » dans le Rapport sur le Développement Humain de 1994 14, qui a un caractère beaucoup plus global et intègre des aspects aussi liés et interdisciplinaires que les droits de l’homme, le contrôle des armes, la sécurité environnementale, la sécurité alimentaire, la sécurité au travail, la responsabilité sociale des entreprises, entre autres. La nouvelle conception de la sécurité prend en charge la prévention de tous les risques qui affectent la vie humaine 15. C’est dans ce cadre que s’est configuré ce que l’on appelle « l’État régulateur » qui se préoccupe de garantir ces nouveaux droits civiques, environnementaux, raciaux, contre la discrimination, de santé et sécurité au travail, de sécurité routière, etc. Ce mouvement pour la sécurité comprise d’une façon globale a généré une vague réglementatrice qui atteignit son apogée dans les années 70. On remarque l’énorme règlementation environnementale issue des mouvements écologistes et de défense des consommateurs, conduits par Ralph Nader, reconnu comme artisan et régulateur global des droits de prévention du risque et de la sécurité environnementale, alimentaire, routière et au travail qui s’étend partout dans le monde. 16 L’objectif de cette abondante législation a été de rendre juridique cette protection à travers la règlementation de tous les secteurs qui affectent le droit à la santé et à la vie des citoyens, alors que le nombre des victimes mortelles était très supérieur à celui de la criminalité commune. Auparavant, ces victimes étaient méconnues ou relativisées dans une économie basée sur la productivité et les bénéfices et non sur la sécurité de ses travailleurs, de ses consommateurs et, en définitive, de ses citoyens.

rticle 3 Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. A P NUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), 1994. Rapport sur le Développement Humain 1994: Nouvelles dimensions de la sécurité humaine. Fondo de Cultura Económica. Mexico. 15 F ernández, J. P. Thèse doctorale. La sécurité humaine. Directeur : Ballbé, M. juin 2005. 16 B allbé, M. Seguridad Humana: del estado anómico al estado regulador. Prólogo a la edición española. Ariel, 2006. 13 14

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C’est aussi dans les années soixante-dix que furent crées des administrations qui, comme l’Ocupational Safety and Health Agency (OSHA), allaient implanter des règlementations très spécifiques pour la prévention des risques au travail, comme résultat des revendications des syndicats et de ces nouvelles préoccupations collectives pour la sécurité sur tous les fronts de la vie humaine, et bien sûr aussi dans le domaine du travail. Les entreprises établirent des services de prévention de ces risques, avec des délégués à la prévention et des techniciens spécialisés. Il devint obligatoire de se soumettre à des audits externes, à des systèmes de certification et d’accréditation, etc., ce qui aboutit à plus de sécurité et de qualité. En définitive, il y eut une extrapolation du modèle administratif conçu par les professeurs Landis et Frankfurter pour la prévention des risques financiers, avec des audits externes, aux risques du travail puis, ultérieurement, à d’autres domaines de l’entreprise (risques environnementaux, prévention de la discrimination raciale et sexuelle, etc.). La Corporate Responsability est aujourd’hui un instrument imposé dans d’autres domaines (social, droits de l’homme, etc.) et elle a ses origines dans ces mouvements sociaux, que les entreprises les plus dynamiques ont su assimiler et même rentabiliser 17. Actuellement, c’est un signe d’identité incontournable pour les entreprises les plus modernes et compétitives. Comme nous l’avons déjà signalé, il est actuellement obligatoire de disposer d’un système d’autorégulation (qui en réalité est réglementé) à travers la création d’un délégué à la prévention des risques au travail et des risques environnementaux (environmental officer) comme une institution interne d’autocontrôle et de vigilance préventive qui est complémentaire des fonctions de l’Administration Publique inspectrice 18. Ces délégués (officers) représentent, au sein de l’entreprise, un personnel qui est jusqu’à un certain point indépendant du chef d’entreprise et qui veille à la sécurité et à l’intérêt public (environnemental, du travail, etc.) 19. La nouvelle conception de la sécurité humaine garantit le droit à la sécurité au sens le plus large, comme droit fondamental inhérent à la vie humaine, et elle offre une vision plus large dans laquelle, à travers diverses réglementations, ces « contrôles » imprègnent notre société et entrent dans des domaines exclus auparavant tels que l’environnement, la violence familiale, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, la toxicité de certains pesticides cancérigènes, etc. Comme nous l’avons déjà signalé, la compétitivité des administrations locales et sa projection dans l’avenir dépend de cette nouvelle préoccupation pour une sécurité comprise d’une façon intégrale.

Vogel, D. The market for virtue. The Potential and Limits of Corporate Social Responsibility, Brookings, 2005. Cité dans Ballbé, M. El futuro del derecho administrativo. R evesz. Sands. Stewart. Environmental Law the economy and sustainable development. The United States, the European Union and the International Community, Cambridge University Press, 2001. Cité dans Ballbé, M. El futuro del derecho administrativo… op. cit. 19 B reunung, L. y Nocke, J. «Environmental Officers: A viable concept for Ecological Management?», en Teubner, Farmer y Murphy, Environmental Law and Ecological Responsability. The Concept and Practice of Ecological Self-Organization, Wiley and Sons, 1994. Voir aussi les travaux du spécialiste allemand Rehbinder, E. «L’audit environnemental et la transparence des entreprises», CEPAL (Commission économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes), LC/R. 1572, du 2 août 1995. Voir aussi les travaux sur l’autorégulation et la gestion des risques d’Esteve Pardo, J. 17

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V. Q uelques causes de la criminalité et domaines d’action du gouvernement Local pour les détecter et les prévenir « Il existe définitivement une corrélation entre les politiques de sécurité humaine 20, de santé publique 21 et la règlementation pour la prévention et la réduction de la criminalité violente 22 ».

1.

anque d’affection pendant l’enfance et abandon par les M parents

Les 7 premières années de l’enfance marquent le caractère d’une personne. L’attitude de ce futur adulte pendant toute sa vie dépendra de la quantité d’affection qu’il reçoit. Le manque d’estime, ou des évènements traumatisants comme l’abandon par le père ou la mère, sont des causes qui augmentent la possibilité future de vandalisme ou de criminalité. Partant de ces données, nous devons nous demander ce que nous pouvons faire pour prévenir cette violence et cette inadaptation futures. Le neurologue et psychiatre Boris Cyrulnik, le plus grand expert des traumatismes infantiles, a théorisé sur la résilience affective. Son histoire personnelle est révélatrice de son intérêt pour l’étude approfondie de cette capacité humaine de surpassement de l’adversité. « Les parents de Boris Cyrulnik sont morts dans un camp de concentration nazi et il a réussi à y échapper alors qu’il n’avait que 6 ans. Après la guerre, il a erré dans des centres d’accueil jusqu’à finir dans une ferme de bienfaisance. Par chance, des voisins lui inculquèrent l’amour de la vie et de la littérature et il put avoir une éducation et grandir en surmontant son passé ». 23 « La résilience se définit comme la capacité des êtres humains soumis aux effets d’une adversité, de la surmonter et même de sortir renforcés de la situation ». 24 Dans son livre Les vilains petits canards il explique comment les enfants, s’ils reçoivent de l’affection, peuvent surmonter ces mauvaises expériences et éviter le risque d’exclusion sociale, d’inadaptation ou de délinquance. Les cas d’Obama et de Clinton sont très significatifs. Le premier, Obama, a grandi sans son père. Ce fut grâce à la tendresse de sa mère, et surtout de ses grands-parents, qu’il trouva un appui suffisant pour vouloir étudier, se former et montrer une forte empathie pour les problèmes de la société. Avant de se consacrer à la politique il avait travaillé dans un des quartiers les plus problématiques de Chicago, le South Side, en tant qu’organisateur communautaire. Le cas de Clinton est semblable, peut-être même plus traumatisant. Il a grandi sans son père, mais sa mère avait refait sa vie avec M. Clinton, qui était alcoolique et les maltraitait et qui lui a donné son nom. Avec ce panorama familial déstructuré, la statistique annonçait un adulte qui pourrait avoir des problèmes d’intégration sociale, mais un professeur de musique a trouvé qu’il jouait bien du saxophone et l’a motivé pour continuer d’avancer. La reconnaissance et l’estime de la part du professeur qui avait détecté les dons positifs de l’enfant, servirent de moteur pour la résilience. Le législateur, dans les cas où le père ou la mère qui abandonne l’enfant est vivant, doit prendre en compte ce risque qui affecte la sécurité et il doit établir des sanctions administratives pour les parents qui se désintéressent de leurs enfants. Au-delà d’un drame familial, l’abandon des enfants est un élément de risque pour la société. Les pouvoirs publics locaux et les autorités d’assistance sociale ont un rôle actif dans la détection de ces situations ainsi que pour freiner les situations de mauvais traitements dans les foyers. Le gouvernement local doit être rapide dans la détection et la législation doit prévoir les instruments pour freiner ces risques potentiels.

I l se réfère au concept de sécurité humaine des Nations Unies, voir Fernández, P., Seguridad Humana. Ariel, 2006. H emenway, D. Private Guns. Public Health. University of Michigan Press, 2007. 22 B allbé, M. Martínez, R. Global Administrative Law: towards a Lex Administrativa. Robalinos-Orellana, J., Rodríguez-Arana, J. Cameron May.London, 2010. page 182. 23 A ldo Melillo. Sobre resiliencia. El pensamiento de Boris Cyrulnik. http://www.redsistemica.com.ar/melillo.htm 24 A ldo Melillo. Sobre resiliencia. El pensamiento de Boris Cyrulnik. http://www.redsistemica.com.ar/melillo.htm 20 21

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Les Nations Unies reconnaissent dans la Convention des Droits de l’Enfant 25 leur droit à être entendus dans les procédures judiciaires dans lesquelles sont jugées des affaires qui affectent leurs intérêts. C’est là une opportunité pour que les tribunaux et l’administration puissent détecter des souffrances chez les enfants et les adolescents. Ce type d’outils légaux a déjà une première utilité en tant qu’élément dissuasif. De nombreuses familles, sachant que leurs enfants peuvent témoigner, seraient peut-être plus rigoureuses dans le contrôle des comportements susceptibles d’affecter la stabilité émotionnelle et affective et conditionner la personnalité future de leurs enfants. L’affection et la reconnaissance sont deux éléments fondamentaux pour la prévention de la criminalité chez les enfants qui ont subi des situations violentes, des traumatismes pendant l’enfance ou qui ont vécu dans des familles déstructurées et à problèmes. Ce sont les femmes et les personnes âgées qui ont la plus grande capacité de prodiguer la reconnaissance et l’estime. Elles sont le facteur clé des stratégies de prévention face au stéréotype de la dureté des hommes. Nous commenterons plus loin des initiatives de pouvoirs locaux pour mettre à profit tout le potentiel de ces groupes pour accompagner les jeunes et les remettre à flot comme système actif de prévention.

2.

Lésion du cortex préfrontal

Le cortex préfrontal est la partie du cerveau dans laquelle les émotions sont inhibées et il a un rôle essentiel dans notre comportement. Un coup sur cette zone peut provoquer des dommages très graves et, faute de pouvoir contrôler leurs émotions, les personnes qui souffrent d’une lésion du cortex préfrontal peuvent devenir des criminels violents ou des psychopathes car ils ne sont pas capables d’empathie. Certaines études montrent des images du scanner cérébral de personnes violentes à cause de lésions visibles dans cette zone. Cet effet est plus clair chez les enfants. La structure osseuse et crânienne des enfants est moins résistante que celle des adultes. C’est pourquoi, un coup sur la tête d’un enfant peut facilement provoquer une lésion du cortex qui en fera un criminel violent pour le restant de ses jours. Si la lésion est moins grave, l’enfant présentera certainement des troubles du comportement, même s’ils sont de caractère moins grave. Cela entrave aussi leur capacité d’attention et d’apprentissage. Dans ce sens, la prévention doit se centrer sur la formation des parents et des enseignants sur ce sujet pour qu’ils soient conscients des conséquences très graves que peuvent avoir les châtiments corporels et par ailleurs il est nécessaire que l’administration tente de prévenir ces situations et sanctionne éventuellement la violence physique contre les enfants (qui sont plus facilement blessés) pour éviter qu’elle bénéficie d’une « impunité sociale ». Certaines règlementations ont abouti à des avancées dans ce domaine, par exemple l’obligation de porter un casque sur les chantiers de construction ou sur des motocyclettes, ce qui a eu pour effet une réduction de la criminalité violente, comme cela a été aussi le cas pour l’interdiction du plomb dans l’essence.

3.

L’importance des six premier mois de grossesse

Il est fondamental que, pendant les six premiers mois de grossesse, la mère reçoive une bonne alimentation, ne soit pas stressée et bénéficie d’un suivi médical approprié. Des études récentes ont démontré l’importance de cette première période de la gestation. Pendant ces six premiers mois, une situation traumatisante pour la mère se traduit par un enfant qui a des problèmes d’adaptation, un déficit d’attention à l’école et parfois même une future vie criminelle. C’est pourquoi les pouvoirs locaux, qui sont les plus proches du citoyen, peuvent proposer des politiques du travail concrètes pour éviter que les femmes enceintes n’occupent des postes dangereux ou stressants pendant ces six premiers mois, en proposant des rotations dans l’entreprise qui lui permettent d’occuper un poste à moindre risque psycho-social ou physique au sein de l’entreprise et de récupérer ses anciennes fonctions après cette période.

25

Nations Unies. Convention sur les Droits de l’Enfant. En vigueur depuis septembre 1990.

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Raine, dans son livre Crime and Schizophrenia 26, a publié les résultats d’une étude réalisée sur les populations des Pays-Bas pour lesquelles le rationnement alimentaire avait été implanté après la seconde guerre mondiale. Ces études ont permis de constater que les carences en vitamines pendant la grossesse, et particulièrement pendant les six premiers mois de celle-ci, génère de la criminalité violente. Quinze ans après, à l’âge où les niveaux de testostérone augmentent la violence chez les garçons, une importante augmentation de la criminalité violente a été enregistrée dans ces zones. Cela était dû à la carence en vitamines des mères de ces enfants pendant leur grossesse. Cela a pu être vérifié grâce aux registres des cartes de rationnement 27. La pauvreté est souvent associée à la criminalité, mais il est maintenant irréfutable que les carences vitaminiques génèrent de la violence et de la criminalité, et nous savons donc qu’avec des vitamines génériques nous pouvons obtenir une réhabilitation nutritionnelle. La mise en œuvre de politiques locales dans ce sens fera baisser la violence dans les communes et évitera l’énorme coût de la réhabilitation carcérale. Une autre mesure que peuvent prendre les pouvoirs locaux est le suivi vitaminique des femmes enceintes. C’est là une politique de prévention très peu coûteuse car les vitamines génériques son bon marché et qu’elles peuvent générer de très fortes économies si nous évitons les problèmes de concentration chez les enfants, l’échec scolaire ou des problèmes avec la loi. Par ailleurs, il est aussi très important que les gouvernements locaux offrent aux mères parturientes une bonne assistance de santé pendant l’accouchement, à cause des graves implications que peut avoir une complication : « Il a été constaté que les dommages cérébraux et le fonctionnement déficient du cerveau prédisposent à la violence, et les complications pendant l’accouchement sont l’une des causes des dommages cérébraux. Les études indiquent qu’une meilleure assistance de santé avant et après l’accouchement pour les mères ayant peu de ressources économiques aide à réduire les complications et à réduire la violence. » 28

4.

Contamination par le plomb

« On a longtemps soupçonné que l’exposition à la pollution, en particulier aux métaux qui ont des effets toxiques, pouvait conduire à des degrés légers de lésion cérébrale qui à leur tour prédisposent à des comportements antisociaux et agressifs. » 29 Une des études les plus importantes en cette matière est celle qu’a présentée Wrhight, qui avait recueilli des échantillons d’os de 301 garçons de onze ans. 30 Il a constaté que : « Les garçons qui présentaient les niveaux de plomb les plus élevés étaient ceux qui présentaient aussi le plus de conduites délictueuses et agressives envers les professeurs, le plus de conduites délictueuses et agressives envers leurs parents et le plus fort niveau de conduites délictueuses autoévaluées. » 31 L’étude définitive fut menée par l’université de Cincinnati entre 1979 et 1984 en faisant le suivi des niveaux de plomb dans le sang de 2.000 femmes enceintes. Certaines d’entre elles étaient contaminées par du plomb et l’ont transmis au fœtus. Des années plus tard, en réalisant un suivi, les scientifiques ont pu vérifier que 55 % des enfants contaminés par le plomb avaient fait l’objet d’au moins une arrestation pendant leur adolescence 32. Les filles contaminées par le plomb ne sont pas violentes mais elles présentent des problèmes de concentration et d’échec scolaire. Ceci s’explique par le fait que c’est le mélange de testostérone (dont les niveaux sont beaucoup plus élevés pour le sexe masculin) et de plomb qui produit les conduites violentes. aine. Crime And Schizophrenia: Causes And Cures. R Neugebauer, R., Wijbrand Hoek, H., Susser, E. Prenatal Exposure to Wartime Famine and Development of Antisocial Personality Disorder in Early Adulthood. http://jama.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=190990 . 28 R aine, A. The biological Basis of Crime. Dans le livre Crime. ICS, 2002. Cité dans Ballbé, M., Martínez, R. … op. cit. 29 R aine, A. The Biological… pages 65-66. Voir aussi Rosner, D. Markowitz, G. Standing up to lead Industry: an interview with Herbert Needleman, Special Report on Lead Poisoning in Children in Public Health Reports. Volume 120. 2005. Cité dans Ballbé, M., Martínez, R., …op. cit. 30 Wrhight, J.P. et al. The Association of prenatal and childhood blood lead concentrations with criminal arrests in early childhood . 31 Needleman, 1996. Cité dans Ballbé, M., Martínez, R. …op. cit. page183. 32 C incinnati University. Childhood Lead Exposure Associated With Criminal Behavior in Adulthood. http://healthnews.uc.edu/news/?/6986/ voir aussi Ballbé, M., Martínez… op. cit . 26 27

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« De fortes concentrations de plomb dans le sang en situation prénatale et postnatale, sont directement liées à des indices plus élevés d’emprisonnement et/ou d’arrestations pour des actes de violence. Il s’agit de la première étude qui démontre le lien entre l'exposition au plomb pendant l'étape de développement et les comportements criminels chez les adultes. En 1978, 13,5 millions d’enfants aux États-Unis avaient un niveau de plomb dans le sang cinq fois supérieur au niveau fixé par l’US Centers for Disease Control and Prevention comme niveau maximum acceptable. La soudure et la peinture au plomb furent interdites en 1986 et 1978 respectivement par le gouvernement Fédéral, l’essence au plomb fut finalement écartée du marché en 1996. En 2002 ce taux de plomb 5 fois plus élevé que le maximum admissible n’a été trouvé que chez 310.000 enfants aux États-Unis. » 33 De toute façon, les garçons exposés à des taux de plomb inférieurs à ceux des garçons qui avaient ingéré des particules ou de la poussière de vieilles peintures, par exemple, pouvaient présenter des problèmes dans leur développement intellectuel (diminution du quotient intellectuel, déficit de l’attention dû à l’hyperactivité et à des problèmes de comportement, y compris des comportements violents. 34 Comme le dit le professeur Lacey, dans l’analyse des aspects régulateurs du droit pénal, il faut penser à un « espace régulateur » occupé par un nombre élevé de différents agents régulateurs (l’un d’entre eux est le gouvernement local, qui doit être particulièrement vigilant car c’est celui qui a le contact le plus direct avec le citoyen) et de différentes disciplines régulatrices avec différents objets à réguler. 35 « Selon cette vision préventive du droit régulateur, la diminution constante et notoire des niveaux élevés de plomb dans le sang est due, en grande partie, aux interventions régulatrices et aux programmes fédéraux et locaux. Le droit continue d’avoir un rôle fondamental dans la lutte pour mitiger les effets dommageables du plomb dans les foyers. Alors que traditionnellement les interventions de la santé publique se centraient sur la correction des risques environnementaux qui affectent la santé, une réponse efficace de la part du système de santé contre l’intoxication par le plomb dans l’enfance nécessite de modèles régulateurs innovants et des politiques qui comportent des dispositions solides pour qu’elles soient respectées. » 36 Le résultat de tout cela est un climat et une culture de respect du droit à la vie et à la santé de tous les citoyens. Ce climat est considéré par l’école de la criminologie situationnelle ou Environmental Criminology comme un des éléments clé pour parvenir à une société empreinte de culture de la sécurité préventive et du respect des droits de l’homme. 37 La contamination par le plomb peut être évitée par des règlementations qui limitent son usage, mais elle peut aussi être éliminée du corps par une rééducation nutritionnelle. L’algue chlorelle, par exemple, ou les aliments riches en pectine contribuent à l’élimination du plomb. Il est donc important que les institutions les plus proches des citoyens s’occupent de prévenir ces risques d’augmentation de la violence et d’échec scolaire dans leurs communautés moyennant une analyse qui permette de vérifier si un adolescent est contaminé par le plomb ou d’autres métaux lourds qui, en plus de provoquer une augmentation de l’agressivité, génèrent à long terme des maladies comme le Parkinson ou l’Alzheimer.

5.

L a rééducation nutritionnelle, une opportunité préventive pour les gouvernements locaux

« Des études récentes suggèrent que certaines parties de notre cerveau (comme c’est le cas du cervelet) subissent des dommages à cause de la malnutrition et que ces effets peuvent être inversés par la rééducation nutritionnelle. » 38 Cela ouvre un vaste champ d’action pour les pouvoirs publics, qui peuvent rééduquer les personnes qui ont été mal nourries pendant l’enfance ou même pendant la grossesse, en leur fournissant des vitamines génériques qui ne sont pas chères et aussi des suppléments d’acides gras tels que l’Oméga 3.

rhight, J.P. et al. The Association of prenatal and Childhood Blood Lead Concentrations with Criminal Arrests in Early Adulthood. Cité dans Ballbé, W M., Martínez, R. …op. cit. Page 183. Wrhight, J.P., …op. cit. Cit en Ballbé, M., …op. cit. page 183. 35 L acey, N. Criminalization as Regulation: The role of Criminal Law, Regulationg law. Parker, Scott, Lacey, Braithwaite. Oxford. Page 147. 36 R ansom, M., Thombley, M., Ekechi, C. Toward eradication: How law and Public Health practices Can be used to prevent childhood lead Poisoning. Tulane Environmental Law Journal, 22, winter 2008. 37 B allbé, M. Seguridad Humana: del estado anómico al estado regulador. Prólogo al libro Hood, C. The Government of Risk. Oxford University Press, 2001. Traduction à l’espagnol, Ariel, 2006. 38 L iu, J. Raine, A. et al. “Malnutrition, Brain dysfunction and Antisocial Criminal Behavior”. In Raine, Crime and Schizophrenia. Nova Science Pub., 2006. Cité dans Ballbé, M., Martínez, R. op. cit. page 182. 33

34

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Une étude publiée par le British Journal of Psychiatry a démontré que chez un groupe de jeunes prisonniers violents, les niveaux d’agressivité et de violence étaient réduits en leur administrant des acides aminés, des vitamines et des omégas 3-6-9. 39 « Les récentes conclusions scientifiques et les travaux sur les effets des suppléments alimentaires dans la rééducation de comportements antisociaux et agressifs chez les prisonniers vont à l’encontre de la vision traditionnelle qui assurait que les effets négatifs de la malnutrition en bas âge étaient permanents. » 40

VI. Les succès du modèle de sécurité préventive face à l’échec du modèle répressif 1.

L e modèle espagnol de prévention en matière de sécurité publique face au modèle répressif des États-Unis

Il a été démontré que les systèmes répressifs ne fonctionnent pas et que l’élément fondamental pour atteindre le maximum de sécurité est le modèle préventif. Nous prendrons pour exemple un pays de chacun de ces deux modèles pour faire une analyse comparative du nombre d’homicides, du nombre de policiers et du nombre de prisonniers. Ces conclusions, qui se basent sur l’Espagne comme exemple de modèle qui met l’accent sur la prévention et sur les États-Unis comme modèle qui a traditionnellement centré ses efforts sur la répression, peuvent être élargies à n’importe quel autre pays pour voir quel est son modèle.

2.

Comparaison des nombres d’homicides

L’Espagne a 1 homicide pour 100.000 habitants alors que les États-Unis en ont 10 pour 100.000 habitants, bien qu’ils disent qu’il n’y en a que 6 41. D’autres pays comme le Mexique ont 25 homicides par 100.000 habitants 42, le Brésil en a près de 30 pour 100.000 habitants (avec des états comme celui de Pernambouc, avec près de 60, qui avec le gouvernement de Campos a réussi à faire baisser ce chiffre) ou le Guatemala avec 41 pour 100.000 habitants. Le Chili, qui n’avait que 4 homicides pour 100.000 habitants et il a réussi à faire baisser ce chiffre à 3, est un exemple de sécurité préventive. Il faut mettre ces chiffres en relation avec d’autres pour en connaitre les causes.

esch, C.B., Hammond, S. M., Hampson, S.E., Eves, A., Crowder, M. J. Influence of Supplementary Vitamins, Mineral and Essential Fatty Acids on the Antisocial G Behavior of Young Adult Prisoners. The British Journal of Psychiatry, 181, 2002. Cité dans Ballbé, M. Martínez, R.... op. cit. R aine, A. op. cit. 41 L es 6 homicides par 100.000 habitants sont un chiffre maquillé, car il ne tient pas compte de toutes les victimes qui sont mortes alors qu’elles étaient armées. Les statistiques ne tiennent pas compte de ces personnes car elles sont considérées comme victimes de l’autodéfense et non comme des homicides. 42 U NODC Homicide Statistics. 2011 Global Study on Homicide. http://www.unodc.org/unodc/en/data-and-analysis/statistics/crime/global-study-onhomicide-2011.html 39

40

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3.

omparaison du nombre de policiers en Espagne et aux C États-Unis

En ce qui concerne le nombre de policiers, il est important de signaler qu’il s’agit d’un chiffre important, mais que l’efficacité de ceux-ci dépend de leur niveau de salaire, de reconnaissance par la société et de la non-corruption. L’Espagne a 1 policier pour 200 habitants. Le Chili a 1 policier pour 250 habitants. En revanche les États-Unis ont 1 policier pour 300 habitants. Le Mexique a environ 1 policier pour 370 habitants et le Brésil 1 pour 400. Dans une première approche, nous pouvons observer que l’Espagne est le pays avec le moins d’homicides et le plus grand nombre de policiers par habitant. Nous observons qu’il s’agit d’une donnée importante qui affecte les niveaux de sécurité. Mais comme nous le signalions, il faut aussi tenir compte de ce qu’en Espagne, la police est peu corrompue et qu’elle est bien payée. Cela fait que la population fait confiance aux corps de sécurité et qu’elle collabore et contribue à l’améliorer. Lorsque l’on crée cette culture, la sensation de celui qui veut commettre un délit est que chaque citoyen est un policier potentiel, ce qui contribue à améliorer la sécurité. Une des politiques que les gouvernements locaux peuvent développer est celle de la motivation pour que les policiers suivent des formations. La police doit avoir le même niveau de formation que la moyenne de la société, et il est bon que les policiers aillent à l’université car, en plus de la reconnaissance de leur travail et de leurs connaissances, il est prouvé qu’un corps de police ayant un bon niveau de formation est moins répressif et améliore beaucoup les techniques d’investigation, qui sont aussi des techniques de prévention. Le policier est un professionnel qui veille à la sécurité du citoyen et il doit recevoir la même reconnaissance pour cela que celle que reçoivent l’avocat, le juge ou le médecin. Ce sont des professions qui cherchent à sauver des vies. Comme le signalait un professeur américain de droit administratif, la police est l’administration qui dispose de plus de facultés discrétionnaires, et ces pouvoirs discrétionnaires ne reposent pas sur le haut de la pyramide de commandement, mais sur les agents de base. Ce sont ces policiers qui sont les premiers dans la rue et qui rendent la justice (ou l’injustice) par leurs actions. Ils doivent donc être bien formés, bien rétribués et leur travail de prévention au service de la communauté doit bénéficier d’une reconnaissance sociale.

4.

Comparaison des nombres de prisonniers

Le nombre de prisonniers en Espagne est de 140 pour 100.000 habitants et le niveau d’impunité face à la justice est presque nul. Les États-Unis ont 740 prisonniers pour 100.000 habitants. Cela représente 5 fois les coûts pénitentiaires espagnols. C’est à dire que les États-Unis ne peuvent pas dépenser en prévention car ils dépensent 5 fois plus qu’ l’Espagne en prisons, fonctionnaires pénitentiaires, juges pénaux, bourreaux, etc. Dans le cas de l’Amérique Latine, la majorité des pays se trouve autour de 200 prisonniers par 100.000 habitants. Cela est dû au haut niveau d’impunité ou de non résolution des délits. Ce chiffre qui peut sembler alarmant a en réalité une lecture positive car, s’il y a une volonté politique d’intervenir en prévention pour la sécurité, ces pays disposent de l’argent qu’ils ne destinent pas à la répression pénitentiaire pour le consacrer à l’amélioration des facteurs préventifs : système de santé gratuit et universel, programmes d’assistance sociale, police préventive bien rémunérée, suivi vitaminique adéquat, etc. En réalité, une société axée sur la répression pénitentiaire n’a aucun avenir, car le coût d’un prisonnier est trop élevé pour que tous les délinquants soient enfermés. La seule solution viable est d’investir dans un système de prévention transversal et pluridisciplinaire, qui est moins cher et plus efficace.

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5.

rown contre Plata, l’échec des systèmes carcéraux B centralisés et la formule décentralisée de prévention

La sentence Brown contre Plata de mai 2011 est exemplaire et elle représente un avant et un après dans le droit pénal, c’est la dernière preuve du succès des politiques préventives face aux politiques de répression. La Californie a 37 millions d’habitants, un chiffre similaire à celui de l’Espagne, qui est de 47 millions. L’Espagne compte 50.000 prisonniers et la Californie 150.000. Étant donné que le niveau d’impunité est presque nul dans les deux pays, bien qu’il soit supérieur en Californie – entre 5 % et 2 % concernant la criminalité violente en Espagne, et 10 % en Californie –, ces données reflètent le fait que le travail de sécurité préventive en Espagne a évité près de 200.000 délits. La sentence de la Cour Suprême des États-Unis analyse le cas d’une prison de Californie dans laquelle les prisonniers sont entassés et sans l’espace, l’hygiène et les conditions nécessaires pour pouvoir vivre d’une façon raisonnable et salubre. Plata et d’autres prisonniers avaient dénoncé les conditions dans lesquelles on les obligeait à vivre, qui étaient inhumaines. La sentence inclut pour la première fois des photographies sur lesquelles on peut voir que même le gymnase était plein de couchettes. Cela est dû à ce que la prison en question était prévue pour accueillir la moitié du nombre de prisonniers qui s’y trouvaient en réalité pour y purger leur peine. La Cour Suprême a donné raison à Plata, considérant que le traitement qui était réservé à ces prisonniers représentait une peine ajoutée à celle qui était prévue dans leur condamnation. Cette sentence est contondante et elle a obligé les autorités californiennes à libérer environ 50.000 prisonniers en deux ans en raison des conditions insalubres dans lesquelles ils vivaient, qui représentaient une peine ajoutée. Cette sentence conduit à une réflexion importante pour ceux qui soutiennent que les pays d’Amérique Latine comme le Brésil doivent améliorer leur système répressif pour condamner tous ceux qui commettent un délit et en finir avec l’impunité. Emprisonner tous les délinquants qui ont commis des actes violents mènerait ces pays à une situation économiquement insoutenable car, si les États-Unis, avec 10 homicides pour 100.000 habitants ont 740 prisonniers, le Mexique qui a environ 20 homicides pour 100.000 habitants devrait avoir 1.480 prisonniers pour 100.000 habitants et le Brésil en aurait 2.120 Il est évident que le coût de ce système répressif entrainerait la faillite de l’État.

VII. Les nouveaux défis de la sécurité préventive 1.

L es femmes, une garantie d’une sécurité et d’une prévention meilleures

L’avenir de la sécurité passe par la pleine incorporation des femmes en tant que professionnelles de la sécurité et que membres actifs de la communauté préventive. Les femmes ne commettent que 5 % des délits violents (contre 95 % pour les hommes) et seulement 30 % des délits non violents dans le monde entier (contre 70 % pour les hommes) 43. Ces chiffres sont applicables à tous les domaines de la sécurité et de la prévention. Par exemple, en matière de sécurité routière, les femmes commettent 70 % moins d’infractions que les hommes. Il en est de même pour la corruption, qui est de la criminalité non violente : seules 30 % des femmes peuvent potentiellement avoir des pratiques de corruption contre 70 % pour les hommes. Le fait de connaître ces chiffres permet aux gouvernements de mener des politiques d’insertion équitable des femmes dans la prévention des délits et dans les corps de sécurité de l’état. 43

Interview de Manuel Ballbé : Le moment est arrivé de combattre l’insécurité.

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Dans le cas hypothétique d’un corps de police qui ne serait constitué que d’hommes, si l’on y introduisait 50 % de femmes, les pots de vin (dans le cas du Mexique) seraient directement réduits de 35 %. Si ce corps n’était constitué que par des femmes, ces pots de vin baisseraient de 70 %. Des études neurologiques basées sur des clichés du cerveau comme celles que présente la neurologue Brizendine 44, révèlent que les femmes ont une plus grande capacité d’observation et qu’elles sont plus précises lorsqu’elles se concentrent sur les détails. Elle explique aussi que les femmes ont un plus grand nombre de ce que l’on appelle neurones miroirs qui sont ceux qui rendent possible l’empathie entre personnes. Cette plus grande capacité fait que les femmes peuvent comprendre avec plus de précision ceux qui les entourent et qu’elles peuvent être d’une très grande importance pour la détection et la prévention des risques possibles. Étant donné qu’elles ont une capacité d’empathie plus développée dans leurs circuits neuronaux, les femmes sont de meilleures conciliatrices que les hommes. De plus, elles sont moins contaminées par le dangereux prototype de l’homme dur et agressif qui a été historiquement associé de façon erronée à l’image du policier. Il est déjà démontré que les systèmes de répression reposant sur le modèle du policier froid, violent et éloigné du citoyen n’atteignent pas les résultats espérés, car 80 % des informations nécessaires pour éclaircir un délit proviennent des citoyens eux-mêmes. Si la société perçoit le policier comme une personne distante ou si elle ne lui fait pas confiance car elle pense qu’il fait partie d’une organisation corrompue, elle ne lui transmettra pas ces informations si utiles. Le policier « Rambo » perd ces 80 % d’informations nécessaires, alors qu’une femme dotée d’une plus forte empathie aura plus de facilité pour la détecter et la recueillir. C’est cet esprit qui a poussé la police américaine à commencer à appliquer des politiques de community policing avec des techniques de rapprochement du citoyen, d’insertion d’immigrants dans le corps, etc., après avoir constaté l’échec de son ancien modèle. Il s’agit de créer un modèle de sécurité centré sur l’humain, connaissant les problèmes et les risques de la société, face au modèle obsolète de sécurité distante et centrée sur l’État.

2.

Les aînés, une institution dispensatrice d’affection

Les ainés sont un des groupes, avec les femmes, qui ont une plus grande prédisposition à donner de l’affection. Aux États-Unis on a déjà activé des programmes locaux auxquels collaborent 200.000 personnes âgées qui se proposent pour accompagner des enfants et des adolescents. Cet esprit reprend les idées de Putman lorsqu’il parlait du besoin de créer des institutions locales dotées d’affection. « L’ingrédient clé pour générer du capital social est l’éducation des leaders de la communauté et la création d’administrations dotées d’affection. Il est nécessaire de stimuler les liens entre générations pour compenser le déficit de capital humain et social de notre époque. » 45 Ce sont des méthodes efficaces et très économiques qui rejaillissent sur la santé émotionnelle des personnes et, à moyen et à long terme, sur la sécurité publique de la société. Les gouvernements locaux ne doivent pas perdre l’occasion de s’appuyer sur cette « armée » de personnes disposées à collaborer avec de l’affection pour le bien de la communauté.

3.

Le volontariat comme formule pour la sécurité

L’esprit de volontariat est la graine sur laquelle se base l’activisme de la communauté. Obama est un exemple de la capacité d’atteindre des objectifs tels que l’interdiction de l’amiante à travers des mouvements qui travaillent pour la protection de la communauté sans attendre une rémunération, car leurs intérêts vont au-delà de l’effet immédiat d’une contrepartie et qu’ils poursuivent des objectifs qui bénéficient à l’ensemble de la société.

44 45

rizandine, L. El cerebro femenino. RBA, 2007. B P utnam, R., Feldstein, L. Better Together: Restoring the American Community. Simon & Schuster, 2005.

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Plusieurs criminologues défendent l’idée que le crime est le résultat de l’échec de la communauté, Braithwaite affirme que : « La communauté se récupérera par l’implication entre familles, écoles, réseaux communautaires, salles de sport et services publics qui défendent la société face aux drogues, aux abus sexuels ou la Maltraitance. » 46 Le Brésil a dans les Jeux Olympiques de Barcelone de 1992 un bon exemple de la quantité d’activités qu’une ville peut préparer grâce à la collaboration indispensable des volontaires qui ont offert leurs services pour préparer cet évènement historique pour leur ville. Un gouvernement local qui sait impliquer les individus dans des travaux de volontariat aboutira à la cohésion des citoyens et à un fort sentiment d’identité avec leur commune, leur ville, leur région et leur pays. Le volontariat est une option entre la police publique de proximité et la police privée, et en plus d’être moins chère, elle est aussi plus efficace et elle projette des valeurs plus civiques et coopératives.

VIII. Réflexions finales Comme nous l’exposons dans ce rapport, la baisse de la criminalité est liée à de nombreux facteurs, principalement aux nouvelles politiques de prévention guidées par le concept de sécurité humaine avec des institutions affectueuses et une communauté active qui cherche à détecter tous les risques qui peuvent mettre en danger la vie et la santé des personnes. Certaines des réussites de ces communautés actives ont été des règlementations de prévention telles que l’obligation du port du casque en moto ou sur les chantiers, qui ont évité de nombreuses lésions crâniennes qui aurait pu se traduire par de la criminalité violente, ou l’interdiction du plomb dans l’essence, qui a évité que des millions de personnes soient exposées à de forts niveaux de pollution qui se traduisent par de l’échec scolaire, des troubles de la conduite et des comportements violents chez les garçons. Devant cette réalité, les gouvernements locaux, qui sont ceux qui sont en contact direct avec les citoyens, doivent profiter de cet avantage compétitif face au pouvoir de l’État pour canaliser des politiques novatrices de prévention telles que la rééducation nutritionnelle qui, en plus d’être bien moins chères que les systèmes répressifs et pénitentiaires, sont aussi plus efficaces. Comme le signalait le professeur Mary Parker Follett dans The Giving of Orders dès 1926. « Tous les systèmes de gestion et de management peuvent se différencier entre deux propositions : gouverner « avec » ou gouverner « sur ». Les gouvernements locaux peuvent choisir entre gouverner avec les citoyens ou sur les citoyens, gouverner avec la police ou sur la police. De leur choix dépendra le degré de légitimité de leurs décisions et le degré de reconnaissance qu’ils recevront des citoyens. En définitive, il s’agit de choisir un modèle de sécurité plus humain.

46

B raithwaite, J. Youth Development Circles. Oxford Review Education, 2001.

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