PIC n°1 : Art du papier

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la gazette culturelle de l’isbas

N°1 - Printemps 2018

PAPIER 1. Art du papier



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Sommaire Sommaire

n°1 - Printemps 2018

éditorial ● Asma Ghiloufi Présentation de l’ISBAS Plastikos ISBAS Club

Actuellement 6

à l’attention de Monsieur le Ministre des Affaires Culturelles

Il était une fois, le papier... ● Manel Romdhani La dichotomie du papier et du numérique ● Amel Zguem Papier et écologie ● Nadia Rjiba Le papier : artisanat et art ● Mouna Fradi

à la une : Art du papier 10 11 12 14

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Asma Ghiloufi

Reportages 16 19 20 23 24 25

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Atelier de recyclage artisanal de papier ● travail d’équipe Au bout du doigt ● Hana Mtir Paper resurrection ● Yasmine Chebil ...‫ ﺍﻛﺘﺐ‬،‫ﺭﺣﺎﺏ ﺑﻠﺒﺎﻟﻲ ● ﺍﻟﻮﺭﻗـﺔ ﺟﺎﻫﺰﺓ‬ Atelier de confection artisanale de carnets ● travail d’équipe Faufilure ● Hana Mtir

Lectures 26 30 32

Galerie de la BNT. Lecture dans l’histoire d’un lieu ● Asma Ghiloufi Sémiologie du délire chez Salvador Dali ● Ridha Jawadi Les paradigmes de l’art occidental ● Nadia Lajili

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Le Qui, le Quoi et l’Amour

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R ● Oussema Troudi Lorsque j’étais étudiante ● Samia El Echi Dessiner son ombre ● Imen Bahri

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Invité du club Ex-étudiants ●

Rayen Maaroufi

Pédagogie 42 44

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Pheggos Réforme ? le dessin d’abord

Interviews : d’Art et d’ISBAS

Oussema Troudi

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Interview avec Imen Bahri ● équipe d’interview Interview avec Slimen Elkamel ● équipe d’interview Interview avec Karim Sghaier ● équipe d’interview

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Le chat dépressif

Bande dessinée 66 67 67 68

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Nadia Rjiba

Est-ce que non est une bonne réponse ? Coulisses du n°1 Appel à contribution pour le n°2 équipe du n°1

Oussema Troudi

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éditorial éditorial

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PIC, se fera l’écho de l’établissement et Parce qu’une formation en domaine artistique n’est jamais exhaustive pour de son voisinage influant. C’est un projet pensé dans un objectif premier de faire qu’artiste soit fait, Parce qu’une institution d’art se veut valoir, autrement que par l’évaluation et le réflexive et se doit réfléchissante, tant de contrôle scolaire, un travail de recherche et de réflexion dont le mobile principal est de ses faiseurs que de ses prétendants, Parce que le mérite du savoir se construit vivifier l’expérience estudiantine. Notre gazette est donc un témoignage, à la marge de ce qui s’inculque et prend charge d’une volonté sauvage propre à un reportage, une critique et une aire libre et structurée à la fois, en hommage l’esprit libre, à l’art dans sa pratique, Parce que s’instruire en art exige la croyance « Le monde a besoin de son enseignement et en la perméabilité, sans ceux qui ont vocation son histoire, dans un universitaire quoi le choix de faire de à tenter de réveiller la contexte l’art se réduirait à l’infime conscience du monde à d’encadrement et de motivation spontanés. ambition d’exercer une l’intérieur du monde. » étudiants, enseignants profession sympathique, et cadre administratif, y Une envie est née, au Antoni Tàpies ont part de contribution. sein de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Sousse, d’étendre Prise en charge, exclusivement, par l’expérience artistique, celle didactique, Plastikos ISBAS Club, PIC est œuvre de pédagogique et culturelle, encore plus l’institut pour l’institut. Ses propos, fruits dans ce que la dimension humaine puisse de pluralité méthodologique et idéologique, sont à la disposition du désir fondamental enrichir. PIC, tel est le nom de la gazette culturelle, de participer au façonnage d’une culturalité projet originaire d’une résolution commune spécifique ouverte au partage et à la de faire vivre l’institut en dehors des salles communication. Asma Ghiloufi de cours et des programmes prévus.

Présentation de l’ISBAS Présentation de l’ISBAS Histoire L’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Sousse est un établissement étatique rattaché au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique. Le bâtiment principal de l’ISBAT se situe en face de la Gare de Sousse. Il a été construit en 1903 sous le protectorat français pour être une école primaire 4

cosmopolite ouverte à tous les élèves sans distinction de nationalité ou de religion. à l’aube du nouveau millénaire, ce bâtiment a été rénové et réaménagé pour être un institut d’art, il a ouvert ses portes aux bacheliers en Septembre 2000. Depuis quelques années, l’ISBAS dispose aussi d’un bâtiment annexe situé à Beb Jedid. L’institut compte aujourd’hui près de


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200 enseignants pour environ 1700 étudiants et il est dirigé depuis Décembre 2018 par Pr. Olfa Youssef. Formation L’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Sousse a adopté le système LMD (Licence, Master, Doctorat) depuis 2007. Les nouveaux bacheliers inscrits à l’ISBAS suivent d’abord une Licence (3 ans) et s’inscrivent, s’ils le désirent et dans la limite de la capacité d’accueil, en Master (2 ans) et en Doctorat (3 ans). L’ISBAS propose à ceux qui optent pour un cursus en Arts Visuels des Licences Fondamentales et Appliquées en Arts Plastiques et en Design, des Master de Recherche et des Master Professionnels en Arts Plastiques et en Design, ainsi qu’un

Doctorat en Esthétiques et Pratiques des Arts. Recherche L’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Sousse abrite, depuis 2014, une Unité de Recherche intitulée : Esthétiques et Pratiques des Arts. Référence : UR 13 ES 57 Activités culturelles L’ISBAS participe régulièrement à des manifestations culturelles sur le plan local et régional. Il encourage la création d’activités culturelles d’une manière autonome ou dans le cadre de partenariats avec la Municipalité de Sousse, les différents acteurs culturels et le tissu associatif et économique de la ville.

Plastikos Plastikos ISBASISBAS Club Club Plastikos est un club culturel créé au sein de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Sousse en Octobre 2015. Il propose d’enrichir l’expérience universitaire des étudiants et des enseignants de l’ISBAS par un rapport à la connaissance dont la rigueur et la créativité sont libérées du contrôle continu et de la rentabilité administrative immédiate. Il publie cette gazette à partir du mois de Mai 2018. Ouvert à tous, Plastikos élabore des projets théoriques et pratiques, à caractère transversal, qui privilégient le travail collectif ou en équipes, et où collaborent des participants de différents niveaux d’études et de différentes spécialités, favorisant ainsi un décloisonnement des disciplines et une ouverture sur de nouveaux champs de connaissances.

Plastikos encourage le bénévolat en prenant en charge, à l’ISBAS, des projets d’utilité commune. Alors que les programmes officiels se focalisent sur le savoir et le savoir-faire, Plastikos donne toute son importance au savoir être et travaille ainsi à une meilleure intégration des étudiants dans l’environnement universitaire, artistique et professionnel. à partir d’Avril 2018, Plastikos publie un site web accessible à tous, décrivant ses activités et ses différents projets. adresse : www.plastikos.jimdofree.com

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Actuellement

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àà l’attention de Monsieur le l’attention de Monsieur le Ministre des Affaires Culturelles Ministre des Affaires Culturelles

Originellement, les projets d’un état, soumis à ses ministères, sont la transcription intentionnelle du souffle du peuple pour le compte de la nation. Tout ce qui naît de ces projets, comme institutions et comme programmes, quelqu’en soit la spécificité, relève de l’intérêt public. Ce dernier se trouve être la raison-même de ce texte qui se veut plus appel que lecture. Aussi nouvelle soit la figure d’un état, en conséquence légitime d’une révolution dite de liberté et de dignité, elle gagnerait à laisser paraître l’aptitude au renouvellement par révérence aux citoyens. Et aussi basale soit la revendication d’un peuple qui se soulève pour son honneur, elle ne trouverait mémoire qu’à travers ce qui se préserve, ce qui se conserve et ce qui se réinvente d’un patrimoine culturel indispensable à toute définition sociale et essentiel pour toute prétention à l’espoir. Ce qui porte, malgré les accomplissements, les traits du chantier, portera toujours ceux du mérite. Parce que la révolution n’est pas une fin en soi, et que les voies qu’elle est censée ouvrir aux prétendants du développement civique, économique et intellectuel sont loin d’être exhaustives, il est tout à fait raisonnable de soumettre tout projet qui en découle à l’exigence de la réforme remédiant inlassablement au souci de l’adaptation. Politiser la culture, c’est ce qui ne devrait pas freiner son assujettissement à la critique. Que l’état prenne en charge 6

l’organisation et la promotion des affaires culturelles pour de bon, par une Tunisie qui peine encore à trouver et à réinventer ses marques, cela est plutôt prometteur. Mais encore faut-il qu’une voix se lève, parmi les concernés par la culture, qui soit susceptible d’attirer la bonne intention de nos élus, et qui soit surtout aux aguets de toute fausseté possible, de toute injustice et de tout détournement d’intérêt. Ce n’est pas La Cité de la Culture qui enrichira la Culture, en Tunisie, ce projet, au mieux, prendra en charge son institutionnalisation. Ce n’est pas mauvais en soi, sauf en cas d’extrême attachement à ce qui est connu et reconnu en termes d’expérience référentielle à compatibilité réduite, de compétences inappropriées et de figures clés du paysage culturel tunisien, habituellement à portée de main. L’espoir n’est pas tributaire de l’étendue de la promesse, comme se trompe toujours la classe politique à le penser. Il est plutôt dans ce que cette promesse fait preuve en matière d’écoute, de résolution et de collaboration véritables. Oui, un endroit voué à la pratique artistique, à sa diffusion, à son entretien et à sa conservation est nécessaire pour préserver au peuple, aspirant à la dignité, sa culturalité fondamentale. Oui, le questionnement autour du statut de l’artiste est tout à fait conforme au projet de conserver les droits et de circonscrire les devoirs sans quoi une liberté d’expression ne serait qu’une incitation au chaos stérile. Oui, un musée d’art moderne et contemporain est une bonne décision politique mettant au profit


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de la mémoire civique d’une nation un point d’ancrage patrimonial indéniablement essentiel pour la spécificité de son histoire. Oui, le recours aux compétences universitaires est normal, surtout quand il s’agit de valorisation substantielle, critique et de construction pour ce qui représentera le fond culturel de l’état. Maintenant, ce que doit une institution de culture à ses revendicateurs, c’est cette susceptibilité essentielle envers tout ce qui sèmerait le doute dans ses objectifs et/ou sa compétence. Il y a, certes, un ensemble de contraintes économiques et politiques qui donneraient toujours raisons aux déraillements, aux lacunes et parfois aux désistements, à coups de concessions et à mesures de priorités. Mais entre le réalisme d’un chef de projet, celui d’un commanditaire, celui d’un exécuteur et encore celui d’un récepteur gravement concerné par toute l’affaire, il y a de quoi rendre absurde l’idée de l’harmonie et celle de la satisfaction générale. Le projet de loi concernant l’artiste et les métiers d’art D’après ce qui nous est parvenu dans le texte de ce projet, cette loi a pour objectif de mettre en place un cadre juridique qui définit les droits et devoirs de l’artiste ainsi que la manière d’exercer les métiers d’art. Cette loi délimitera les mécanismes de promotion des activités culturelles et encouragera ses attributs. Nous trouvons ces résolutions honorables. En revanche, lorsqu’il s’agit de définir l’artiste, ainsi que les métiers d’art, l’activité artistique, les professionnels des métiers d’art et les techniciens et administrateurs de l’activité artistique, il nous semble que la nuance au niveau des arts-mêmes est gravement négligée, de telle manière à ce qu’on se

trouve avec une définition générique de l’artiste, pour le moins bancale. «Un artiste est toute personne physique créant ou participant, à travers sa prestation, à la production ou à la reproduction des œuvres d’art. Est artiste, toute personne qui considère son travail artistique comme élément principalement vital, qui contribue avec cela au développement de l’art et de la culture et qui soit reconnue en tant qu’artiste ou qui vise cette reconnaissance.»* Cette définition, présente au début du texte de loi, et modestement traduite de l’arabe, relève déjà un problème de taille, celui de tenter de soumettre tous les artistes, en dépit de leurs spécialités, à une seule est même acception. La reprise des chansons est totalement différente de la reprise des peintures par exemple, ou celle des pièces de théâtre, ou encore des films. Reproduire une œuvre d’art ne fait pas toujours du reproducteur, aussi doué soitil, un artiste, du moins pas dans les arts plastiques, en considérant évidemment un système de jugement propre au domaine dont la reconnaissance de l’œuvre devient, avec l’Art Contemporain, une affaire nébuleuse. N’est pas forcément artiste toute personne cherchant la reconnaissance, et ne cherche pas forcément la reconnaissance toute personne ayant une quelconque pratique artistique. L’art n’est pas un métier, c’est une vocation, une disposition dont les contraintes et les conditions sont parfois définies, en dehors d’un périmètre de reconnaissance auquel l’accès est validé par la possession d’une carte professionnelle. Une telle définition de l’artiste concerne peut être plus les personnes dont l’activité artistique n’est pas fondamentale de quoi 7


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que ce soit à part la distraction ou peut être la sensibilisation. Au même titre qu’un chanteur de mariages ou de cabarets, il existe le peintre de sous les ponts, pour qui le privilège de posséder une carte professionnelle est légitime. Par contre un musicien compositeur ou un artiste plasticien à projet personnel prononcé, ce n’est pas le professionnalisme qu’il chercherait à faire valoir, mais plutôt un type de reconnaissance qui le distinguerait déjà tant au niveau du domaine qu’au niveau de la qualité de la pratique artistique en soi. La confusion continue à opérer le long du texte de loi, notamment avec la définition des statuts professionnels de l’artiste. Trois statuts sont alors mis en exergue : «- l’artiste professionnel, celui qui travaille d’une manière continue ou discontinue et dont la rémunération constitue le revenu principal. - L’artiste non professionnel, celui qui travaille sans prétendre à la rémunération. - L’artiste dont la rémunération constitue un revenu supplémentaire, il en est assimilé au titre d’un agent public.»* La carte professionnelle est, selon cette classification, la condition pour qu’un artiste soit d’abord reconnu, aux yeux de l’Etat en tant que tel, et puis surtout qu’il puisse vivre de son art. Une personne lambda peut donc décider de devenir artiste de profession sans avoir forcément sur son compte une pratique artistique préalable. Pour ce qui est des arts plastiques, par exemple, il est quasiment impossible de savoir si l’on peut percer avant d’en tenter le coup. Le sort d’un prétendant au statut de l’artiste professionnel n’est pas du ressort de l’artiste-même. C’est tout un système d’adoption, de diffusion et de soutien, constitué essentiellement des 8

galeries d’art de renommée et du cercle incernable des collectionneurs, qui décide de cela, et ce, souvent, indépendamment du professionnalisme du proclamé artiste. Et une fois reconnu, tant au niveau national qu’international, le pratiquant d’une activité artistique est rarement ordonnateur du rythme de cette activité-là, car elle est souvent tributaire des projets pensés et proposés par les médiateurs du marché de l’art. Il appert de cette classification, une possible incitation à ce qu’un citoyen voulant faire de son activité artistique sa profession, ait un rapport essentiel avec l’état. Et pour imposer ce genre d’attachement, il faudrait peut-être soutirer le pouvoir accaparant des galeries privées et celui abusif parfois des organismes porte-paroles (associations, unions, etc.). Penser à promouvoir, idéologiquement et non seulement économiquement ou techniquement, des espaces d’art comme on peut trouver dans des centres culturels à travers tout le pays, est donc indispensable si un réel rapport de collaboration est voulu avec des artistes plasticiens ayant des visions critiques et des projets concrets à portée communicationnelle, pédagogique ou culturelle. Il y a, en effet, un déséquilibre apparent entre ce qu’entreprennent les espaces d’art privés et ce que proposent ceux étatiques en termes de manifestations. C’est ce qui décourage un artiste à croire en la possibilité de vivre pleinement et réellement son art en dehors du périmètre réduit des galeries élitistes de la banlieue nord de Tunis. Il y a, par ailleurs, le comité responsable de l’attribution des cartes professionnelles aux artistes. On aura beau constitué ce comité de compétences qualifiées selon chaque domaine artistique, mais toujours


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pour ce qui est des arts plastiques ou des arts visuels, juger la valeur d’un travail artistique est une problématique qui se trouve au cœur du brouillard pour ce qui représente désormais un Art Contemporain. C’est ce qui, d’ailleurs, provoque un perpétuel questionnement au sein de la pédagogie artistique dans les instituts d’art en général. Le problème n’est donc pas limité uniquement au marché de l’art, mais il alimente substantiellement le souci d’adapter les programmes d’enseignement en matière d’art. Le projet gagnerait, certes, à recourir à l’expérience des professeurs, mais ce qui lui donnerait plus de réalisme et d’efficacité, s’il y a raison d’en avoir, c’est bien la participation de tous les niveaux du corps enseignant : à savoir maîtres assistants, assistants, vacataires et contractuels. Le rôle d’un artiste ce n’est pas d’élever le niveau civique de son pays, celui d’un ministère oui, peut-être. Et contrairement à ce que cela a bien été noté dans le texte de loi en question, un artiste n’est pas censé promouvoir, à l’échelle nationale, la vie culturelle, sociale et économique. Ce que produit l’artiste, doit justement se détacher carrément de ce qui pervertirait l’acte de création, comme s’appuyer sur une cause

de nature étrangère à la pratique artistiquemême. L’œuvre de l’ensemble des artistes d’une même nation, pourrait en revanche faire l’objet d’un indicateur culturel, lorsqu’elle est collectée pour le but de faire partie d’un fond d’état. Les musées d’art sont, dans ce sens, des espaces à forte symbolique identitaire, où la mémoire d’une nation s’exprime à mesures de collection, de reconnaissance et de conservation. Si les acquisitions de l’état, jusque-là faites pour encourager les artistes, n’ont pas forcément fait objet de réflexion effective quant à l’exploitation muséale, elles doivent être soumises à l’étude, maintenant que le projet du musée est sur les rails. Tout ce que possède l’état ne doit pas obligatoirement figurer dans la collection du musée. Il y a donc nécessité de penser aux possibles formules pour mettre ce fond à profit de tous, sans compromettre l’image de l’art en Tunisie, telle qu’on voudrait qu’elle soit, et telle qu’elle pourrait encore devenir. Asma Ghiloufi Janvier 2018

* Essai de traduction, projet de loi concernant l’artiste et les métiers d’art.

Oussema Troudi, Le compromis, photomontage, Décembre 2016.

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DOSSIER : ART DU PAPIER

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était le papier… IlIlétait uneune fois, lefois, papier…

L’histoire du papier remonte à l’ère où l’homme a commencé à réfléchir à la manière de représenter ses pensées. L’invention d’un support d’écriture est apparue depuis l’antiquité à travers les égyptiens. Leurs techniques reposent sur les fibres végétales d’une plante particulière : le papyrus. Vecteur de la pensée, le papier remonterait au IIe siècle av. J.-C. comme les recherches archéologiques le prouvent en Chine. Et c’est justement entre le Japon et la Chine que se développe l’art de la fabrication du papier jusqu’au VIIIe siècle. Ce savoir-faire a été transmis aux arabes après la bataille de Talas et la prise de Samarkand en 751. Il a fait ensuite un long cheminement à partir de Bagdad en

passant par le Caire, le nord de l’Afrique, l’Espagne, la Sicile et l’Italie, avant d’arriver en France seulment au XIVe siècle. Il a progressivement remplacé le parchemin au Moyen-Orient, ensuite en Occident. Avec l’invention de la typographie par Gutenberg, le recours au papier est devenu de plus en plus important. La fabrication artisanale fut par conséquent dépassée par les moyens mécaniques. Du cylindre hollandais (XVIIIe siècle) à la machine de fabrication du papier « à grande étendue » inventée par le Français Louis-Nicolas Robert, l’histoire du papier observe un tournant avec l’industrie. De nos jours, la question de la matière première, de sa fabrication et de l’impact de celle-ci sur l’écologie fait l’objet de recherches permanentes, puisque la fabrication d’une tonne de papier nécessite trois tonnes de bois, donc autant d’arbres abattus, voire plus. Manel Romdhani

La machine de fabrication du papier « à grande étendue » inventée par le Français Louis-Nicolas Robert

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LaLa dichotomie du papierdu et du numérique dichotomie papier et du num Toute forme artistique est une manière d’exister dans le monde. Le papier a été inventé par les chinois pour remplacer les rouleaux de soie. Aujourd’hui, avec l’hégémonie du numérique, les documents papiers que l’ont croyait menacés semblent bel et bien perdurer à l’ère des nouvelles technologies. S’agit-il d’évolution, de mutation ou de véritable révolution ? La révolution du texte électronique est à la fois une révolution de la technique de production et de reproduction des textes, une révolution de la matérialité et des supports d’écriture. L’art a toujours évolué entre matière et dématérialisation, forme et incarnation. Les nouvelles technologies semblent plutôt entrainer les artistes dans la voie d’un «immatérialisme» de plus en plus radical. Certes, dans la seconde moitié du XXe siècle, les arts plastiques se sont largement ouverts aux nouvelles technologies. La vidéo et l’ordinateur sont devenus pour les artistes, aussi familiers que le pinceau, le burin, le papier ou l’argile. On assiste à l’apparition de musées et de galeries virtuels. Le rapport à l’œuvre d’art est donc immanquablement dématérialisé. Il s’agit d’une image plutôt que d’une œuvre d’art. La vidéo, le son, la musique, la voix, les animations sont des types d’informations qui restent l’apanage du numérique. À cela on peut ajouter la manipulation d’images en trois dimensions ou les visites virtuelles qui tendent à reproduire des univers d’une manière réaliste et immersive. Du côté de la lecture, le document numérique est caractérisé par le «multifenêtrage». En effet, il permet une flexibilité dans la possibilité d’afficher

plusieurs pages distantes dans un même espace sur écran, d’afficher une notice bibliographique, une définition ou une recherche supplémentaire. La superposition de différentes couches de textes ou de médias crée une transparence qui permet d’empiler les informations en donnant l’illusion d’une troisième dimension (la profondeur), qui vient s’ajouter à la deuxième dimension habituelle (celle du papier). Alors que cette flexibilité du document numérique permet la rapidité d’accès à l’information et par conséquent favorise un gain de temps, le document numérique, lui, est virtuel, avec comme corollaire, une abstraction accrue, une perte de matérialité et de tactilité du support. Par contre, un document-papier nous indique par sa forme et son encombrement l’étendue de son contenu, il permet un repérage rapide des parties suivantes ou précédentes à la partie consultée, tout en légitimant la possibilité de prendre note, de souligner des idées importantes, pour finalement se les approprier. Pour conclure, le papier reste indispensable dans la vie même avec la domination du numérique, il est partout autour de nous, pour l’écriture, le dessin ou l’emballage. Il est le médium qui unit par excellence plusieurs disciplines et formes artistiques tout en franchissant les frontières de la tautologie de l’art que Greenberg a défendue, car de nos jours un artiste visuel peut marier toutes les disciplines comme la gravure, la peinture, le dessin... avec un monde numérique basé sur le binaire 0 et 1. Amel Zguem

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Planches de Nadia Rjiba

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Le : artisanat et art. Lepapier papier : artisanat et art.

Les feuilles entre vos mains, vos carnets de notes, les livres dans votre bibliothèque, le billet que vous avez payé ce matin, les tissus qui décorent les murs chez vous... le papier est inévitablement partout. Il est aussi le véhicule par excellence de la communication, l’outil de conditionnement indispensable à l’activité industrielle et à la distribution. C’est l’une des premières créations humaines qui n’est plus un simple outil. Aujourd’hui le papier se sculpte. Avant de découvrir les fantasmes créés à partir du papier par les mains d’artistes, je vous propose de visiter l’atelier d’un artisan français que j’ai baptisé « The last Samuraï » (synonyme de bushi), vu qu’il est le dernier en Europe à fabriquer du papier japonais « le Washi » 1. Il s’appelle Benoit Dudognon.

Passionné par le papier, il a fait des études en fabrication du papier. Puis, après avoir découvert le papier Japon, il a voyagé au pays du soleil levant pour être formé auprès de deux maîtres papetiers japonais reconnus Patrimoine Immatériel de l’UNESCO. En 2010, Benoit Dudognon a monté son propre atelier de fabrication de papier Japon, en combinant les pratiques de différentes régions japonaises, dans le sud de la France, là où la plante principale de la composition du washi (Kozo) est présente. L’intérêt d’une facture manuelle est la complète maîtrise de chaque étape qui permet de produire un papier de haute qualité ; imperméable et résistant. Il faut aussi tenir compte de la météo et du terroir où pousse le Kozo surtout que « la pulpe du washi n’est pas issue du bois de 14

ces plantes, mais des fibres blanches de l’écorce qui entoure les branches.» 2 Le processus de fabrication dure en général deux à trois mois, de fin Novembre à Février. Après la récolte, on passe à la vapeur des branches, on écorche et on sèche les écorces. Ensuite on passe au grattage des parties sombres de l’écorce et au blanchissage des fibres au soleil. La phase suivante est le lavage des fibres dans l’eau froide, lesquelles seront par la suite bouillées pendant deux à trois heures dans une solution alcaline. Ultérieurement, l’ensemble est battu et cisaillé pour séparer les fibres et fabriquer la pulpe du papier. En dernière étape, le papier est façonné en collectant la pulpe en suspension dans un bac, à l’aide d’un cadre et d’un écran ajourné en bambou. On évacue l’excès d’eau par des mouvements de va-et-vient énergiques avant de renverser le cadre pour que le restant d’eau s’écoule. Cette technique s’appelle le Nagashi-suki. C’est un très long processus qui nécessite beaucoup de patience. Les maîtres japonais qui ont formé Benoit assurent qu’il a inventé un nouveau washi. Pour eux, ils le reconnaissent comme un papier Japon résistant, doux au toucher et très lumineux. Faisons maintenant la connaissance d’une artiste qui, elle aussi, a été fascinée par les nombreux types de papier présents dans sa vie quotidienne depuis son enfance : c’est Valérie Buess. Cette artiste suisse, qui vit en Allemagne, expérimente le papier depuis vingt ans. à partir de 1999, elle a participé à de gandes manifestations ayant pour objet le papier. Sur son site


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internet, on peut noter plus d’une trentaine d’expositions à l’échelle internationale, en Allemagne, en France, en Australie, aux états-Unis, en Corée, etc. Chez Buess, peu importe la nature du papier ou ce qu’il contient, il sera tricoté entre ses deux mains comme des fils de laines. Elle coupe, découpe, déchire, plie, tord, enroule, tourne, colle, couvre et délivre... mille et une manières pour nous donner à voir autrement son matériau préféré. Elle aime collectionner les petits trésors cachés dans la nature (des coquillages, des anémones de mer et d’autres formes organiques). Elle crée de même ses propres trésors cachés dans le monde du papier. C’est pour cette raison qu’on sent souvent l’aspect organique des

créatures sous-marines dans ses œuvres, surtout les installations comme «Out of the sea», «Wasserzeichen» (le signe de l’eau), Unda (dedans), la série Cloud, etc. Avec cette artiste, sculpter une feuille c’est sculpter aussi une idée, feuilleter une pile de papiers c’est feuilleter une mémoire et délivrer ses profondeurs comme un plongeur délivre celles d’un océan. C’est tout un monde sculptural au-dessus de la surface. à partir de ses titres, elle nous invite à penser, à imaginer et voir autrement les choses qui nous entourent. Je vous présente, ci-après, une œuvre de Valérie Buess et je vous invite vivement à en découvrir d’autres sur son site internet. Mouna Fradi

Valérie Buess, Catch it ! 1- Le washi ; un papier japonais issu d’une tradition séculaire et un matériau qu’on utilise dans la vie de tous les jours au Japon. 2- washibox.com propos recueillis dans les liens suivants : - Site de l’artisan Benoit Dudognon Atelier Papetier : atelierpapetier.com - Site de l’artisane Emilie Even Washi Box : washibox.com - Site de l’artiste Valérie Buess : valeriebuess.com

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REPORTAGES

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Atelier de recyclage artisanal de Atelier de recyclage artisanal d papier

papier

Pendant les vacances du printemps, s’est tenu à l’ISBAS, le 19 Mars 2018, un atelier de recyclage artisanal de papier. Cet atelier a été initié par Plastikos ISBAS Club et dirigé par les enseignants Oussema Troudi et Asma Ghiloufi, formés respectivement en arts plastiques et en design et ayant tous les deux expérimenté le matériau du papier recyclé dans leurs recherches universitaires. Ont participé à cet atelier une vingtaine d’étudiants de l’ISBAS de plusieurs niveaux d’études et de différentes spécialités. Les participants ayant collecté auparavant des papiers usés, se sont attelés à la tâche en exécutant les différentes étapes du recyclage, du tri des papiers jusqu’au couchage des feuilles formées. L’atelier s’est tenu de 9h à 16h. 1- La collecte Le papier est partout autour de nous, mais si on ne le réalise pas assez, c’est qu’il

papier collecté

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joue le plus souvent le rôle secondaire de support pour des informations utiles, ou celui d’emballage pour des produits plus précieux. Il est ainsi facile à jeter, mais du coup, beaucoup plus facile à collecter. Les participants ont été invités à développer, pour un temps, un nouveau réflexe, celui de conserver le papier au lieu de s’en débarrasser. Chacun est donc arrivé muni d’un sac rempli de papiers collectés de différentes provenances et de qualités diverses. 2- Le tri Une fois les sacs vidés sur de grandes tables, commence le travail collectif, principale valeur autour de laquelle fonctionne cet atelier. La totalité de la matière collectée est triée en fonction de la couleur et du grammage, formant ainsi des tas aux spécificités bien distinctes. Les feuilles présentant un glaçage sont écartées parce qu’elles ne conviennent pas aux étapes suivantes.

tri du papier


de

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3- Le découpage

5- Le mixage

Le papier est fait essentiellement de fibres. Dans un processus de recyclage, celles-ci participeront de nouveau à la formation de nouvelles feuilles. C’est pour cela qu’il faut les mettre en évidence en les découpant à la main. Et en prévision de l’étape du mixage, les feuilles sont découpées en petits morceaux de quelques centimètres carrés.

Quand le papier est assez trempé, les fibres qui le constituent sont prêtes à se désagréger, on peut alors faciliter le processus en remuant vivement la matière obtenue avec une grande cuillère en bois, ou alors en utilisant un mixeur. Le recours au mixeur constitue un énorme gain de temps, même s’il trahit à un certain point l’esprit artisanal, noteraient les puristes. Et pour ne pas griller un mixeur, de petites poignées de feuilles sont mixées avec un volume conséquent d’eau, cela varie selon la puissance de la machine. L’eau perd de sa transparence, jusqu’à devenir laiteuse. Le liquide devient progressivement homogène et on arrête le mixage, au gré de l’expérimentation, selon qu’on veuille obtenir un papier fin ou grossier. Le contenu du mixeur est alors régulièrement versé dans une bassine.

4- Le trempage Pour faciliter le mixage des papiers découpés (étape suivante), il convient souvent de tremper le papier découpé dans l’eau et de le laisser ainsi quelques heures, voire un jour ou deux. Dépendant du tri, certains papiers sont plus résistants que d’autres parce qu’ils ont subi un traitement spécifique pendant leur fabrication industrielle. Par exemple, le papier machine habituellement appelé « papier offset » est plus résistant que le papier journal, on peut alors procéder à l’étape du trempage avant même le découpage, le papier trempé étant plus facile à découper à la main. De même, on pourrait sauter l’étape du trempage si les papiers collectés ne sont pas résistants.

découpage du papier

6- Le moulage Une fois la bassine remplie, on procède au moulage de la feuille en utilisant un tamis rectangulaire (ou d’une autre forme). Le tamis est constitué de deux parties indépendantes, toutes deux de formes identiques, le premier cadre tend un tissu

mixage du papier

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PIC n°1 - ISBAS - Printemps 2018

moulage de la feuille

fin et non élastique, ou une moustiquaire, comme un châssis qui tend une toile, tandis que le deuxième est recouvert d’une gomme étanche. Les deux cadres sont alors tenus ensemble à l’horizontale, le premier en bas, le deuxième en haut de sorte que la gomme étanche soit plaquée contre le tissu tendu. Le tamis est plongé dans la bassine, dont on remue au préalable le contenu, avant d’en sortir horizontal ayant pris dans son volume (l’épaisseur du cadre d’en haut) une certaine quantité du liquide. 7- L’égouttage

égouttage

maintient la feuille de manière à coucher cette dernière sur un tissu absorbant préalablement mis en place. Une maîtrise de la vitesse du geste doit cependant être acquise par l’expérience pour réussir cette étape. 9- L’essorage Une fois la feuille couchée, il est possible d’en chasser l’eau à l’aide d’éponges ou de tissus absorbants, en les appliquant par dessus le tamis encore en place dans la phase du couchage, ou directement sur la feuille une fois entièrement livrée.

Les fibres baignant dans l’eau s’entassent à l’intérieur du tamis à mesure que celuici s’égoutte. Le tamis est maintenu à l’horizontale au dessus de la bassine qui récupère l’eau. Il est possible d’accélérer un peu cette étape en inclinant légèrement le tamis pour qu’il s’égoutte seulement de l’un de ses coins, ou en secouant légèrement le tamis à la verticale. 8- Le couchage Quand le fil d’eau qui s’égoutte devient interrompu, il est temps de coucher la feuille. On détache alors le cadre supérieur, et on renverse le cadre inférieur qui 18

essorage


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Au du doigt Aubout bout du doigt Usé, abandonné, ou prêt pour de nouveau, fait, Rejoignant le reste du peloton. Cet ensemble d’enchevêtrements découpés. Déchirures ; verbe, syllabes, jusqu’à la lettre maintenue, celle mue, décomposée,

essorage

10- Le séchage On laisse ensuite sécher la feuille, à l’ombre pour éviter le gondolage. Cela prend alors un jour ou deux selon la température ambiante. Pour ne pas conclure Cet atelier ne se limite pas à la démonstration d’une recette technique. Le papier, généralement support prêt pour une intervention ultérieure devient fait des éléments mêmes qui en composent le dessin. On ne dessine plus sur le papier mais dans le papier, au moment même du moulage de chaque feuille au tamis. Au carrefour des spécialités d’arts plastiques, et tenant autant de l’art, du design et de l’artisanat, la fabrication artisanale du papier est une pratique transversale, et cet atelier met cela en évidence en se projetant dans les différentes disciplines des étudiants participants.

Synthèse des reportages réalisés par les étudiants de la 1ère année Licence Fondamentale en Arts Plastiques : Ameni Ben Salem, Sarra Chatti, Chaima Harchi, Yasmine Hamrouni et Nada Methamem.

Éléments de bonheur différemment réunis pour se trémousser à nouveau, Flottant dans la couleur, par le bruit tranchant, Malaxés du silence mouillé. Tourbillon, frissons, mélange perturbant, Glissé sur le bout des doigts pour se plonger dans ce compost vivant, transparent. Nouveau-né, s’élevant, respirant, Bulles d’air, puis aimants. Immergé dans la profondeur de lui-même faisant flotter de vie ce qui de travail a disparu, Affamé d’harmonie savante, prenant souffle façonné. Veines colorées, infinitésimales, de fragilité humide. Gouttes aérées, délicatement reposées, Attendant chaleur enjouée Pour s’envoler. Commençons à penser, À l’être refermant le pouvoir tant obsédant qu’illimité. Ce labyrinthe affiné Prêt à fulminer, Formes en deviennent idées. Hana Mtir 19


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the support of some “paper examples” that Paper resurrection Paper resurrection were made by him. I have never seen a paper come to life until that day… It was a Monday, lovely, sunny, the faculty was almost empty (which augmented the percentage of perfection of that day) and I was rushing late… I still don’t know why the club was chosen to be on the 3rd floor, but that was the part I hated the most : climbing up there : to the 3rd floor ! Students were gathered, a good number, and unfortunately not everyone from his class (because the topic was seriously interesting, I mean, you don’t witness the birth of a paper everyday ! and you don’t, also, get to make papers from 0 all the time ! You can go watch stuff on YouTube or whatever but still, that satisfying feeling of seeing that final material all done, set, and created, the pleasure of following each detail of the process and the journey that a piece of paper would go through, in front of you, embracing your own eyes, hands, and efforts… I’ll just say YOU SERIOUSLY MISSED IT !). What I like the most about Mr. Troudi, is that he lets everything be, I was quite late, but welcomed, and reminded of what he and the rest of the club’s members were discussing, which I, completely forgot, by now, but I guess it was about paper making... anyway ! He headed to a board that was supported by a chair (art school issues), and started explaining the process that we will go through in order to make the papers, with 20

After the “theoretical” part on the board, he moved to his table, and sat across the vast half empty classroom, and started the “manual” part. Tapes of all qualities and sizes, scissors, blades, two wooden, rectangular frames for pictures, sponges, and a very lovely camera that took my breath away, were scattered all around the table, filling and bizarrely decorating it.

Students gathered all around their professor, and as soon as he started preparing the materials for making the paper, the majority of the group showered him with pictures and flashing lights (so did I honestly… but I needed that for the article, what can I say !).


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First, Mr.Troudi, as shown in the pictures, took two plain picture frames, joined them and inserted a thin tissue in one of them, these frames were the mold that held and shaped the papers. Then, he grabbed a handful of pieces of torn papers and put them in the mixer with adding around one and a half cup of water. The next process consisted of mixing the paper and the water until the papers melt into thin and barely visible fibers and dissolve in the water.

that melted in the blending process are all gathered up on the tissue that’s inserted in between the frames. I call this part «Bed Time» : Tables were joined and all covered with sheets in order to dry out the papers and put them to rest after the shaking and sinking journey. Mr.Troudi, then, held the “frame mold“ gently, as if he’s holding a baby bird, took the upper part of the mold (I will refer to it as Frame 1) and removed it, the tissue that’s holding the wet fibers that took the shape of the mold are left uncovered now. Finally, he quickly flipped the lower part of the mold, that’s holding the fibers, upside down onto the sheets ( The paper bed) and left the tired and blended paper to rest in its comfy bed until it all dried.

The next step consisted of pouring what’s in the blender (the magic mix of paper and water) in a tub. As the tub starts to fill with the “magic mix”, the “frame mold” is dipped in the tub, under the water, and slowly and gently taken out, and as we see the thin fibers Then all the process that was mentioned was repeated, but this time with the club Members. I, honestly, left before the papers dried, but saw the final results on the facebook group Plastikos, it was indeed a great result ! Yasmine Chebil 21


‫‪PIC n°1 - ISBAS - Printemps 2018‬‬

‫ﺑﺎﻟﺸﻤﺲ ﻭ ﻳﻜﺘﺸﻒ ﺳﺮﻫﺎ ﻭﻳﺘﺤﺪﺙ‬ ‫ﻟﻐﺘﻬﺎ ﻟﻴﻼﻣﺲ ﺍﻟﺘﺠﺮﺑﺔ ﺍﻟﺬﺍﺗﻴﺔ‬ ‫ﺑﺎﻟﺸﻤﺲ ﻭ ﻳﻜﺘﺸﻒ ﺳﺮﻫﺎ ﻭﻳﺘﺤﺪﺙ‬ ‫ﻟﻐﺘﻬﺎ ﻟﻴﻼﻣﺲ ﺍﻟﺘﺠﺮﺑﺔ ﺍﻟﺬﺍﺗﻴﺔ‬ ‫ﺍﻟﺠﻤﺎﻋﻴﺔ ﻓﻲ ﺍﻵﻥ ﺫﺍﺗﻪ ﻟﻴﻠﻤﺲ ﺷﻴﺌﺎ‬ ‫ﺑﺪﺍﺧﻠﻪ‪ ،‬ﻳﺘﺤﺮﻙ ﻭ ﻳﺨﺎﻃﺮ‪ ،‬ﻛﻲ ﻻ‬ ‫ﺗﺒﻘﻰ ﺍﻟﻮﺭﻗﺔ ﻋﻘﻴﻤﺔ ﺣﺒﻴﺴﺔ ﺍﻟﺼﻨﻊ‬ ‫ﻓﻘﻂ ﺃﻭ ﺣﺒﻴﺴﺔ ﺳﻠﻄﺔ ﺗﺴﻴﺮﻫﺎ‪.‬‬ ‫ﻫﺬﺍ ﻣﺨﻄﻮﻁ ﻳﺨﻄﻮﺍ ﺧﻄﻮﺍﺗﻪ ﻧﺤﻮ‬ ‫ﺃﻭﺭﺍﻗﻜﻢ‪ ،‬ﻓﺄ ﻛﺘﺒﻮﺍ ﻣﺎ ﺷﺌﺘﻢ‪.‬‬ ‫ﺍﻟﻮﺭﻗﺔ ﺟﺎﻫﺰﺓ‪ ،‬ﺍﻛﺘﺐ‪...‬‬

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‫ﺍﻛﺘﺐ‪...‬‬ ‫ﺟﺎﻫﺰﺓ‪،‬‬ ‫ﺍﻛﺘﺐ‪...‬‬ ‫ﺍﻟﻮﺭﻗـﺔﺟﺎﻫﺰﺓ‪،‬‬ ‫ﺍﻟﻮﺭﻗـﺔ‬ ‫‪PIC n°1 - ISBAS - Printemps 2018‬‬

‫ﻛﻠﻔﺖ ﻣﻬﻤﺔ ﺍﻟﻜﺘﺎﺑﺔ ﻭ ﺍﻟﺤﺮﻑ ﻣﻜﺘﻮﺏ‬ ‫ﻣﺬ ﺻﻨﻌﺖ ﺍﻟﻮﺭﻗﺔ‪ ،‬ﻓﻬﺬﻩ ﺍﻟﻤﺠﻤﻮﻋﺔ‬ ‫ﻗﺼﺪﺕ ﻣﺒﺎﺩﺭﺓ ﺇﻧﺠﺎﺯ ﻣﺸﺮﻭﻉ ﻭﺭﻗﻲ‪،‬‬ ‫ﻭﻫﻞ ﻟﻠﻮﺭﻗﺔ ﻣﻜﺎﻧﺔ ﺍﻟﻴﻮﻡ ؟ ﺇﻟﻰ ﻣﻦ‬ ‫ﺃﻛﺘﺐ ؟ ﻭ ﺇﻟﻰ ﻣﻦ ﺃﺗﻮﺟﻪ ﺑﺎﻟﻜﺘﺎﺑﺔ ؟‬ ‫ﻣﺎﺫﺍ ﺃﻛﺘﺐ ؟ ﻣﺎ ﺣﺎﺟﺘﻲ ﻟﻠﻜﺘﺎﺑﺔ ؟‬ ‫ﺃﺳﺌﻠﺔ ﻃﺮﺣﻬﺎ ﺍﻟﻘﻠﻢ‪ .‬ﻫﻢ ﺑﺤﺜﻮﺍ ‪،‬ﻫﻢ‬ ‫ﺑﺄﻧﺎﻣﻠﻬﻢ ﺍﻟﻤﺘﺸﺎﺑﻜﺔ ﺃﻧﺠﺰﻭﺍ ﻭﺍﺑﺘﻜﺮﻭﺍ‬ ‫ﻭ ﺑﺤﺒﻮﺭﻫﻢ ﺍﻟﺠﻤﻴﻞ ﺍﺭﺗﻔﻌﻮﺍ‪ ،‬ﻭﺭﻕ‪،‬‬ ‫ﺃﻟﻮﺍﻥ‪ ،‬ﺣﻴﺎﺓ ﻃﺒﻌﺖ ﺃﺷﻜﺎﻻ ﻓﺮﻳﺪﺓ‬ ‫ﻓﺮﺩﺍﻧﻴﺔ ﺟﻤﺎﻋﻴﺔ ﺗﺸﺎﺭﻛﻴﺔ ﻧﺴﺠﺘﻬﺎ‬ ‫ﻣﺎﺩﺓ ﻭﺭﻗﻴﺔ‪ ،‬ﻧﻌﻢ ﻗﺪ ﺃﻛﺮﺭ ﻛﻠﻤﺔ‬ ‫ﻭﺭﻕ‪ ،‬ﺃﻭﺭﺍﻕ‪ ،‬ﻣﺤﻤﻞ‪ ،‬ﺟﻠﺪ‪ ...‬ﻗﺎﻧﻮﻥ‬ ‫ﻳﺤﻤﻞ ﺭﺳﺎﻟﺔ‪ ،‬ﺧﻄﺎﺑﺎ‪ ،‬ﻣﻮﻗﻔﺎ ﻳﺘﻴﺢ‬ ‫ﻟﻸﺑﺠﺪﻳﺔ ﺃﻥ ﺗﺘﻨﺎﺛﺮ ﻓﻮﻕ ﺃﻭﺭﺍﻕ ﻣﺮﺕ‬ ‫ﻓﻲ ﺻﻨﺎﻋﺘﻬﺎ ﺑﻤﺮﺍﺣﻞ ﻛﺎﻧﺖ ﻓﻲ ﻛﻞ‬ ‫ﻣﺮﺓ ﺗﺤﻤﻞ ﺣﻜﺎﻳﺔ ﺃﻭ ﺭﻭﺍﻳﺔ ﺑﻞ ﻟﻮﺣﺔ‬ ‫ﻓﻨﻴﺔ ﻛﺎﻧﺖ ﻣﺒﻌﺜﺮﺓ ﻓﺠﻤﻌﻬﺎ ﺍﻟﻤﺎﺀ‬ ‫ﻭﺟﻔﻔﺘﻬﺎ ﺍﻟﺮﻳﺎﺡ‪ ،‬ﺭﻳﺢ ﺷﻬﺮ ﻣﺎﺭﺱ‪،‬‬ ‫ﺣﻤﻠﺖ ﺃﻣﻨﻴﺎﺕ ﻭ ﺿﺤﻜﺎﺕ‪ ،‬ﺃﻭﺭﺍﻕ‬ ‫ﻣﺮﺳﻜﻠﺔ ﺑﻞ ﻫﻲ ﺃﻛﺜﺮ ﻣﻦ ﺫﻟﻚ‪ ،‬ﻫﻲ‬ ‫ﺣﺎﻭﻱ ﺧﻂ‪ ،‬ﻧﺴﻴﻢ ﺣﺮﻛﺔ‪ ،‬ﻗﺎﻟﺖ ﻭﺑﻘﻮﺓ‬ ‫ﻟﻘﺪ ﺗﻌﻔﻦ ﻓﻴﻨﺎ ﺍﻟﻤﻠﻞ ﻓﻠﻢ ﻻ ﻳﻜﻮﻥ‬ ‫ﺍﻟﻮﺭﻕ ﺃﻣﺴﻴﺔ ﺷﻌﺮﻳﺔ ﺗﺮﺍﻗﺺ‬ ‫ﺍﻟﺠﻤﻮﻉ ﻭ ﺗﺒﻌﺚ ﺭﻭﺡ ﺍﻟﺘﻔﺎﺅﻝ ﻭ ﺗﺒﺪﺩ‬ ‫ﻣﺄﺳﺎﺓ ﺍﻟﺨﻮﺭ ﺍﻟﺠﺎﻣﻊ‪ ،‬ﺑﺼﻴﺺ‬

‫‪23‬‬

‫ﺃﻣﻞ‪ ،‬ﻫﻮ ﺣﻠﻢ ﻃﻠﺒﺔ »ﻣﻌﻬﺪ ﺍﻟﻔﻨﻮﻥ‬ ‫ﺍﻟﺠﻤﻴﻠﺔ ﺑﺴﻮﺳﺔ« ﻓﻠﻢ ﻳﻌﺪ ﺃﺣﺪ ﻳﻄﻴﻖ‬ ‫ﺑﺮﻭﺩﺓ ﻭ ﺑﻬﺖ ﺍﻷﻟﻮﺍﻥ ﺃﻭ ﻋﻠﻪ ﻫﺬﺍ‬ ‫ﺍﻟﺒﻬﺖ ﻫﻮ ﻣﺎ ﺟﻌﻠﻨﻲ ﺃﻛﺘﺐ ﻋﻦ ﻣﻌﻬﺪ‬ ‫ﺷﺎﺥ ﻭ ﺑﺪأﺕ ﺗﺠﺎﻋﻴﺪﻩ ﺗﺒﺮﺯ‪ ،‬ﻻﺑﺪ‬ ‫ﻟﻤﻮﻟﻮﺩ ﺟﺪﻳﺪ ﺃﻥ ﻳﺒﻌﺚ ﺇﻟﻰ ﺍﻟﻨﻮﺭ‬ ‫ﻭﻳﺤﻤﻞ ﺃﻣﻞ ﺃﻭﻟﺌﻚ ﺍﻟﻄﻠﺒﺔ ! ﺁﻩ !‬ ‫ﻟﻮﻋﺮﻓﻮﺍ ﺃﻥ ﺧﻄﻮﺓ ﻭﺍﺣﺪﺓ ﻛﻔﻴﻠﺔ ﺃﻥ‬ ‫ﻭﺭﻕ‬ ‫ﻛﺎﻣﻠﺔ‪،‬‬ ‫ﺃﻣﺔ‬ ‫ﺗﺴﺘﻨﻬﻆ‬ ‫ﺍﻟﺸﺒﺎﺏ ﻧﻀﺮﺗﻪ ﻭ ﺣﺪﺍﺛﺘﻪ‪ ،‬ﻫﻮ ﻣﻔﺘﺎﺡ‬ ‫ﺑﻤﺮﻭﺭ‬ ‫ﺗﺨﺘﻨﻘﻮﺍ‬ ‫ﻓﻼ‬ ‫ﻗﻔﻞ‬ ‫ﺍﻟﻴﻮﻣﻲ ﻭﺗﺤﺮﻛﻮﺍ ﻭ ﺗﺤﺮﺭﻭﺍ ﻣﻊ‬ ‫ﺍﻟﺨﻂ ﻭ ﺍﻟﺨﻄﻮﻁ‪ ،‬ﺗﻠﻚ ﻫﻲ ﺍﻟﻮﺭﻗﺔ‬ ‫ﺍﻷﺧﻴﺮﺓ‪ ،‬ﺍﻟﻮﺭﻗﺔ ﺍﻟﺮﺍﺑﺤﺔ ﻓﻲ ﻟﻌﺒﺔ‬ ‫ﺍﻟﻮﺭﻕ‪ .‬ﻭﺭﻕ ﻣﻘﻮﻯ‪ ،‬ﺃﻭﺭﺍﻕ ﻧﻘﺪﻳﺔ‪،‬‬ ‫ﺃﻭﺭﺍﻕ ﻣﺎﻟﻴﺔ‪ ،‬ﻭﺭﻕ ﺍﻟﻌﺠﻴﻦ‪ ،‬ﻭﺭﻕ‬ ‫ﺍﻟﺸﺠﺮ‪ ،‬ﻭﺭﻕ ﻛﺮﺗﻮﻥ‪ ،‬ﺍﻷﻭﺭﺍﻕ‬ ‫ﻛﺜﻴﺮﺓ‪.‬‬ ‫ﺩﺭﺳﺖ ﻓﻲ أﺣﺪ ﺍﻷﻳﺎﻡ ﻗﻮﻻ ﻟﺼﺤﻔﻲ‪،‬‬ ‫ﺷﺪﻧﻲ‪ ،‬ﻟﻢ ﺃﺫﻛﺮ ﺍﺳﻤﻪ ﻟﻜﻦ ﻣﻮﻗﻔﻪ ﺑﻘﻲ‬ ‫ﻋﻠﻰ ﻭﺭﻗﺘﻲ ﻳﻘﻮﻝ ‪ » :‬ﺍﻟﺤﻘﺎﺋﻖ ﻣﻘﺪﺳﺔ‬ ‫ﺃﻣﺎ ﺍﻟﺮﺃﻱ ﻓﻬﻮ ﺣﺮ «‪ ،‬ﻓﺎﻏﻨﻤﻮﺍ‬ ‫ﻵﺭﺍﺋﻜﻢ ﻭ ﺩﺍﻓﻌﻮﺍ ﻋﻦ ﺣﺮﻳﺘﻜﻢ‬

‫ﺍﻟﻘﻠﻤﻴﺔ‪ .‬ﻟﻢ ﻳﻜﻦ ﺍﻷﺟﺪﺭ ﺃﻥ ﻳﺘﺪﺧﻞ‬

‫ﻭﻳﺨﺮﺝ ﺣﺎﺛﺎ ﺍﻟﻄﻠﺒﺔ ﻋﻠﻰ ﺍﻟﻤﺒﺎﺩﺭﺓ‪،‬‬

‫ﻛﺎﻥ ﺍﻷﺟﺪﺭ ﻭﺍﻷﺟﻤﻞ ﻟﻮ ﻛﺎﻥ‬ ‫ﺻﻤﻴﻤﻬﺎ‬

‫ﻃﻠﺒﻲ‬

‫ﺑﺤﺖ‪،‬‬

‫ﻳﺤﺪﻕ‬

‫ﺃ‬

‫ﺑ‬ ‫ﻭ‬ ‫ﺃ‬ ‫ﻓ‬ ‫ﻣ‬ ‫ﻭ‬ ‫ﻳ‬

‫ﻓ‬


PIC n°1 - ISBAS - Printemps 2018

Atelier de confection artisanale de Atelier de confection artisanale de carnets carnets Toujours pendant les mêmes vacances du printemps, s’est tenu à l’ISBAS, le 21 Mars 2018, deux jours après l’atelier de recyclage de papiers, et accessoirement jour de l’inauguration de la Cité de la Culture à Tunis, un atelier de confection artisanale de carnets. La plupart des étudiants ayant participé au premier atelier sont revenus dès le matin, impatients de voir le résultat de leur travail de l’avant-veille dont l’étape finale consistait à laisser sécher les feuilles formées. En effet, celles-ci étaient parfaitement sèches et toutes prêtes pour une nouvelle vie.

manifestations de l’incapacité de l’esprit humain à tracer des idées droites et à s’organiser sans avoir recours à la matière, aussi minimalistes soit-elle.

Mais qu’en est-il de confectionner un carnet ? L’expérience, objet de cet atelier, consiste à poser certaines questions à l’envers. On ne se procure plus un objet de forme standard selon un besoin préexistant, mais on apprend d’abord à le fabriquer, et dans le temps nécessaire à la tâche, on redéfinit les besoins selon les moyens et l’aboutissement technique. Le rapport à l’objet «carnet fait main» devient d’une étroitesse telle qu’il semblerait que les idées y raisonnent plus fort et plus juste. Souvent, de trop connaître chaque recoin de l’objet, on ne l’aborde plus aussi facilement, mais on attend d’abord longtemps avant qu’un projet semble mériter de l’entamer. Ainsi, le carnet est étudié sous l’angle de la fonctionnalité, mais est aussi objet design, artisanal ou livre d’artiste.

Le carnet, objet incontournable pour l’étudiant des beaux-arts se prête à l’écriture et au dessin. Sa forme scolaire et son usage plutôt intime permet de l’aborder avec des contenus divers, plus ou moins sérieux, plus ou moins « rentables ». On l’achète d’habitude, ou pour lui donner une fonction précise qui répond à une commande scolaire, ou pour en faire un réceptacle pour les brouillons les plus insignifiants, la prise de notes, et autres 24


PIC n°1 - ISBAS - Printemps 2018

Faufilure Faufilure

Main, Accrochée passionnément, voulant se dessiner, Tellement dense, de peur de s’estomper S’estampillant, Battement s’interposant entre ces feuilles, Moelleuses, superposées, d’une fragilité appréciée, Appelant l’encre du sang à s’y plonger Se mijotant dans la chaleur de ces entailles, Taillées, revêtues d’une transparence éclatante, Effervescentes, Projetant l’esprit véhément de l’irrigant Ancré dans ses plis d’identité De l’empreinte amorphe, jusqu’au princeps recueilli, Œuvre accueillie, Est-ce une fin ou un début ! Est-ce la main ou le revu ! Pages nues, voltigeant au gré des pensées, Atelier, hâte de se promener À travers une peau humide, sensée Une soi-disant copie serait-elle visée ?

Synthèse des reportages réalisés par : Ameni Ben Salem, Sarra Chatti, Chaima Harchi, Yasmine Hamrouni et Nada Methamem.

Hana Mtir 25


LECTURES

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Galerie de la Bibliothèque Nationale Galerie de Tunisie.de la Bibliothèque Nationa de Tunisie. Lecture dans l’histoire d’un lieu

Spécificités

La Galerie de la Bibliothèque Nationale de Tunisie se trouve parmi les quelques espaces étatiques dédiés à l’art qui ont réussi, en quelques années, à se faire une réputation pour le moins louable. Ouverte depuis 2010, sous la direction de Mme Olfa Youssef, cette galerie a accusé à ses débuts l’image d’une activité artistique tunisienne dont l’effervescence porte l’ambition d’une société en voie de révolution. Elle a continué par la suite, toujours avec le soutien des directeurs de l’institution, Mr Kamel Gaha et Mme Raja Ben Slama, à se forger sa constance à travers les différents évènements voués aux arts plastiques, danse et performances. Tel que nous l’affirme la commissaire des expositions à la galerie Mme Nouhed Jemaiel, qui s’est engagée depuis l’ouverture de l’espace jusqu’aujourd’hui, à en construire une référence en termes de soutien et de promotion pour les artistes, l’objectif de transmettre et de faire vivre les arts visuels en Tunisie à l’originelle initiative de l’Etat, en dehors de ses sentiers battus, n’est pas chose facile. Penser l’évènement, dans sa thématique, sa logistique et sa communication reste, en effet, tributaire d’une grande persistance face à ce qui pourrait freiner l’avancement véritable d’un tel projet de diffusion artistique, comme par exemple le manque de ressources aussi bien financières qu’humaines consacrées à ce genre d’investissements étatiques. Le parcours de la galerie de la Bibliothèque Nationale, 26

en sept années d’activité et du haut d’une trentaine d’expositions d’arts plastiques, et autres évènements corrélés à des conférences et à des débats, est la preuve palpable que l’intérêt communautaire pour la culture artistique se contente parfois d’une volonté persévérante pour se livrer à l’évidence.

Il est à relever, en raison d’aborder la spécificité de cet établissement étatique, que son emplacement, sur l’avenue de 9 Avril, en est amplement l’origine. Attenant au fief des tribunaux et des hôpitaux et à un bon nombre d’universités, la galerie se trouve déjà en opposition avec l’atmosphère urbaine habituelle, en matière d’expositions d’art, à savoir la banlieue nord de Tunis. C’est ce qui a rendu réticents, certains artistes, par rapport à l’espace, surtout au tout début de son activité. L’emplacement de la galerie, n’a pas eu d’effet que sur les artistes, mais aussi sur le public. Ce dernier, contrairement à l’élitisme familier des grandes galeries, est aussi diversifié qu’un voisinage estudiantin ne puisse le provoquer. La galerie de la Bibliothèque Nationale se démarque en outre, des autres centres culturels et espaces d’art du centre-ville, par ses exigences en termes d’artistes exposants lesquels sont souvent représentés par des galeries privées de renommée, sinon des novices ayant des pratiques pensées. C’est à ce niveau, d’ailleurs, qu’un défi de taille s’impose à l’espace, à savoir garder un niveau qualitatif assez élevé, en fidélisant un certain nombre d’artistes au cachet avéré malgré


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le désavantage de n’espérer la vente qu’au passage d’une commission œuvrant pour le fond de l’état. Les expositions collectives et l’itération 2011 Extraits est la première exposition tenue à la galerie de la Bibliothèque Nationale affranchissant le lieu de l’exhaustivité de sa vocation principale : la recherche scientifique et universitaire. L’implantation d’un espace pour l’art, dans la bibliothèque, semble tirer ses raisons de l’intérêt que puisse procurer l’échange avec un public non moins proche de l’art que du livre, celui des lecteurs. Réunissant l’œuvre d’une douzaine d’artistes plasticiens, cette première expérience annoncerait, avec le recul des années d’activité, le penchant de l’espace aux expositions collectives. Au compte de la galerie de la Bibliothèque Nationale des expositions itératives, à savoir : Art et enfance (deux éditions 2016 et 2017), Corps et graphie (trois éditions de 2015 à 2017) et A dire d’elles (six éditions de 2012 à 2018). Le recours à l’itération s’avère être une résolution pratique afin d’établir une spécificité pour l’espace à travers une sorte d’ancrage thématique faisant office d’un refrain, d’une permanence. N’ayant pas l’étiquette d’exposer d’une manière exclusive un ensemble d’artistes précis, la galerie de la Bibliothèque Nationale possède en revanche la particularité de faire itérer certains thèmes devenus, de mémoire, identificateurs de l’espace. Après un démarrage avec trois expositions, dont une personnelle de l’artiste Oussema Troudi, la galerie de la Bibliothèque Nationale s’est tenue proche d’un contexte sociopolitique en agitation. 2011 Extraits, Asymptotes et Des artistes et des urnes, portent, en effet, les marques d’une imprégnation circonstancielle, tant

au niveau du sujet traité qu’au niveau de la manière de faire en termes de diffusion artistique. Le choix d’exposer des groupes d’artistes, s’inscrit dans une optique participative postrévolutionnaire. Si l’exposition Des artistes et des urnes, à l’initiative de la commissaire des expositions, a été organisée avec la fondamentale préoccupation de faire de cet espace public un élément déterminant d’une scène culturelle à l’image d’une démocratie en construction, lors d’Asymptotes, l’objectif était plus de donner chance à une démarche artistique spontanée, même si l’œuvre ainsi exposée, semble avoir une portée politique presque évidente. Organiser des expositions collectives à thème, est devenu la particularité de la galerie qui rapporte la légitimité de ce choix aux exigences et aux aspirations de son public. Cet espace d’expression artistique, contrairement aux galeries d’art privées, a le soin de mettre en avant les possibilités de correspondance entre la pratique artistique en Tunisie et la vulgarisation de sa diffusion, tout en maintenant proche cette diffusion d’une tendance de politisation propre au contexte culturel dont elle fait partie. En 2012 s’est tenue la première édition d’une série d’expositions collectives sous le thème de la femme. Le vernissage d’A dire d’elles 1 programmé le lendemain de la journée mondiale de la femme, a soumis au public de la Bibliothèque Nationale, l’œuvre de 18 artistes tunisiens et étrangers dont 14 femmes. L’appel à participation a été lancé aux artistes dans le but d’animer une manifestation artistique à l’honneur du féminin, non du féminisme. Le thème dans les expositions collectives, ou même individuelles, est parfois étouffant pour la création surtout lorsque l’artiste plasticien possède déjà une 27


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démarche établie en matière de pratique et de conceptualisation. La thématisation gagnerait donc à concerner plus l’exposition de l’art que sa pratique. C’est-à-dire, qu’il est, probablement, plus raisonnable de ramener le travail d’un artiste à une exposition à thème que de le faire travailler autour d’un sujet prédéfini. C’est d’ailleurs le cas, de la galerie de la Bibliothèque Nationale, qui collecte parmi les œuvres potentiellement disponibles, celles qui rentreraient dans un thème précis. Cecidit, il est propre à la responsable de la galerie de stimuler souvent l’inspiration parfois atrophiée, de certains artistes (surtout les débutants), par la proposition d’un mobile de création. Dans le cas d’A dire d’elles et celui d’Art et enfance, se sont respectivement la journée mondiale de la femme et celle de l’enfance qui constituent les thèmes itératifs d’exposition. à dire d’elles compte cinq éditions, la sixième se tient le 8 Mars 2018. Nous pouvons distinguer, au fil des éditions, une participation presque permanente de quelques artistes, devenus, par la force des choses, les fidèles. Ce rendez-vous, qu’est cette exposition, donne à l’espace, en plus de sa vocation de faire découvrir les novices, celle de suivre l’évolution des habitués, en dépit des parcours divergents et des démarches singulières, dans une harmonisation post création. La journée mondiale de la femme, est donc plus une date de rencontre artistique, qu’une thématique scellée d’expression plastique. Nous aspirons moins, lors de cet évènement itératif, à découvrir ce que l’idée de la femme suggère aux artistes, que ce que ces derniers ont la liberté d’exposer spontanément, à cette occasion. Cela en devient pratiquement un prétexte pour l’échange, la promotion 28

et la démocratisation de l’art en Tunisie, avec tout l’enrichissement que puisse procurer un établissement dédié originellement à la recherche. Tables rondes, conférences, présentations d’ouvrages et projections, constituent des évènements limitrophes aux expositions d’arts plastiques, permettant la mise en avant de la connectivité interdisciplinaire, notamment entre philosophie, art, littérature et sociologie. Si la galerie de la Bibliothèque Nationale s’engage à participer d’une manière effective à la définition d’une scène culturelle à l’image de son contexte spatiotemporel, son intérêt pour les journées mondiales semble émaner de la résolution de se frayer un chemin balisé à l’universel. Parce qu’un lieu d’exposition artistique est voué naturellement à l’ouverture et que l’ouverture stimule la rencontre, cette dernière ne se conçoit sans dialogue lequel gagnerait autant à être spécifique qu’à faire preuve d’adaptation universelle. Le rôle que puisse se donner une galerie d’art, publique soit-elle ou privée, n’est pas forcément ce que se donnerait l’artiste. C’est peut-être la raison pour laquelle il devient tout à fait concevable, pour une galerie, de se tenir à un engagement vis-àvis de la société, de la culture et parfois de la politique ; ce qui ne conviendrait souvent pas à l’essentielle liberté d’expression artistique dans sa pratique. Pour ce qui est de la Galerie de la Bibliothèque Nationale, nous discernons, effectivement, l’intention de collaborer avec les artistes tunisiens cautionnant une représentativité étatique, indépendamment des exigences posées par un marché de l’art. Comme il est su par tous, même si les expositions programmées par cet espace sont pour la plupart des expos-ventes,


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il n’existe pas vraiment un carnet d’adresses spécifique à l’établissement réunissant les acheteurs potentiels, comme c’est le cas avec les galeries privées. Par ailleurs, l’éventuel acquisiteur ici, c’est l’Etat. Ceci renforce, entre autres raisons, l’engagement de l’espace à assumer sa symbolique, pour sa représentativité, recourant au dessein de donner, à l’occasion et avec le plus de régularité possible, la parole à l’art. Les expositions personnelles et la réticence La disposition de la galerie de la Bibliothèque Nationale aux expositions personnelles n’est pas chose remarquable. Un entretien avec la commissaire des expositions nous révèle les raisons qui se trouvent derrière cette réticence, laquelle s’avère être de l’ordre de l’adaptation à des conditions essentiellement pécuniaires non favorables à ce genre de programmations. Lors d’une exposition personnelle, souvent l’artiste recourt à de l’aide financière à la production qui soit à la charge de l’espace exposant, autrement dit de la galerie, car l’autofinancement n’est pas toujours possible en raison du coût que le projet puisse atteindre depuis la fourniture, jusqu’au transport en passant parfois par l’encadrement ou autres sous-traitances. Dans le cas de la Galerie de la Bibliothèque Nationale, l’établissement est officiellement redevable de mettre à la disposition des artistes un espace intérieur aménagé de manière à pouvoir exposer des œuvres d’art. Il n’est donc pas habilité à produire de l’art. Si, par ailleurs, un artiste souhaite y exposer, individuellement, son travail, il doit non seulement se prendre en charge au niveau de la production, mais savoir aussi que l’unique acheteur potentiel est l’Etat via une commission dont le passage n’est pas régulier ni garanti.

Ce n’est donc pas vraiment une résolution émanant d’une stratégie propre à la galerie, de privilégier les expositions collectives. Il s’agit, en effet, d’une particularité de l’espace qui s’est presque imposée par la quasi absence des ressources matérielles. La galerie de la Bibliothèque Nationale reste, en revanche, ouverte à exposer, d’une manière individuelle, les artistes en résidence au Centre des Arts Vivants de Rades, en raison d’une convention officieuse avec l’établissement, dont les résidents ont souvent du mal à se faire entendre par les galeries privées de la banlieue nord de Tunis. Il s’agit d’artistes ayant développé des démarches pratiques précises lors d’un encadrement méthodologique assez pétri qu’un atelier de spécialité à l’institut des beaux-arts ne sait fournir. L’exigence de la galerie se fait, à ce niveau, voir, à travers les travaux exposés. Nous reposons le doigt sur la mission promotionnelle que se donne la galerie de la Bibliothèque Nationale qui œuvre plus pour offrir de la visibilité aux novices que pour s’approprier une liste d’artistes dont elle serait le représentant officiel. L’espace ne manque pas de caractère pour autant, et arrive à se positionner comme un tremplin pour ceux qui possèdent des ambitions de carrière. Car malgré son éloignement aussi bien géographique qu’idéologique de l’environnement habituel de l’élite artistique en Tunisie, cette galerie suscite de plus en plus l’intérêt des grands galeristes qui prennent désormais l’habitude d’y chercher du sang neuf. Asma Ghiloufi

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Sémiologie duchez délire chez Sémiologie du délire Salvador Dali Salvado Le délire, et notamment le délire paranoïaque, est de l’ordre de l’inconscient. Or « L’inconscient est toujours structuré comme un Langage » (Jacques Lacan). Dali, le peintre espagnol, a employé le délire paranoïaque comme force productrice des images. Il définit la paranoïa comme « délire d’association interprétative-critique comportant une structure systématique »1. L’imagerie de Dali incarne picturalement les images délirantes et la confusion. Mais ces images et cette confusion sont traitées chez Dali sous un angle systématique. Il s’agit « des images de l’irrationalité concrète ». à ce propos, Dali dit : « Toute mon ambition sur le plan pictural consiste à matérialiser avec la plus impérialiste rage de précision les images de l’irrationalité concrète. Que le monde imaginatif et de l’irrationalité concrète soit de la même évidence objective, de la même consistance, de la même dureté, de la même épaisseur persuasive, cognoscitive et communicable, que celle du monde extérieur de la réalité phénoménique »2. Dali ajoute : « Les nouvelles images délirantes de l’irrationalité concréte tendent à leur possibilité physique et réelle ; elles dépassent le domaine des fantasmes et représentations virtuelles psychanalysables » 3. Alors, il s’agit de la signification profonde du délire. En effet, Dali a réglé sa poïétique picturale délirante sur sa propre méthode baptisée « méthode paranoïaque- critique ». Celle-ci « méthode spontanée de connaissance irrationnelle fondée sur l’association interprétative–critique des phénomènes délirants »4 . Dali explique cela par le fait que « tout phénomène 30

délirant de caractère paranoïaque, même instantané et subit, comporte déjà en entier la structure systématique »5 . Du coup, l’activité critique intervient uniquement comme révélatrice des images pleines de sens et de signification. Cette méthode garantit à Dali un aspect phénoménologique propre à la paranoïa. En effet, « L’activité paranoïaque-critique organise et objective de façon exclusive les possibilités illimitées et inconnues d’association systématique des phénomènes subjectifs et objectifs qui se présentent à nous comme des sollicitations irrationnelles, à la faveur exclusive de l’idée obsédante »6. Cet aspect phénoménologique témoigne du sens et de signification du délire paranoïaque. En effet « Il suffit que le délire d’interprétation soit arrivé à relier le sens des images des tableaux hétérogènes qui couvrent un mur, pour que déjà personne ne puisse nier l’existence réelle de ce lieu. La paranoïa se sert du monde extérieur pour faire valoir, l’idée obsédante, avec la troublante particularité de rendre valable la réalité de cette idée pour les autres. La réalité du monde extérieur sert comme illustration et preuve, et est mise au service de la réalité de notre esprit »7. Le délire qui se matérialise en image multiple (Dali l’appelle phénomène paranoïaque) est digne d’une signification profonde. De cette signification Dali écrit : « Il me parait parfaitement diaphane, quand mes ennemis, mes amis, et le public en général prétendent ne pas comprendre la signification de mes images qui surgissent et que je transcris dans mes tableaux. (…) Le fait que moi-même au moment de peindre,


or Dali

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je ne comprenne pas la signification de mes tableaux, ne veut pas dire que ces tableaux n’ont aucune signification : au contraire leur signification est tellement profonde, complexe, cohérente, involontaire, qu’elle échappe à la simple analyse de l’intuition logique »8 . En définitive, l’image paranoïaque dalinienne se fait un signe dont le signifié est l’idée obsédante et le signifiant n’est autre que la poïétique picturale qui se manifeste en images multiples et à double figuration. Malgré son caractère anarchique et chaotique la conscience obsessionnelle se réalise sur la toile en plein sens et en pleine signification. Or qui organise

l’anarchie et la confusion délirante c’est la paranoïa. Pour cette raison, il est légitime de parler d’une sémiologie propre à cette psychose. Ridha Jawadi 1- S. Dali, La conquête de l’irrationnel, in Oui, éd. Denoël 2004, P 261. 2- Ibidem, p 259. 3- Ibidem, p 260. 4- Ibidem, p 261. 5- Ibidem, p 261. 6- Ibidem, p.p 262-263. 7- S. Dali, L’Ane pourri, in Oui, éd. Denoël 2004, p 154. 8- S. Dali, La conquête de l’irrationnel, in Oui, éd. Denoël 2004, p 258.

Salvador Dali, épreuve pour la couverture du livre de Maurice Sandoz ‘La Limite’, Lithographie, 1951.

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Les paradigmes paradigmes de l’artde occidental Les l’art occidental Dans son dernier ouvrage, Nathalie Heinich emprunte à Thomas Kuhn le terme « paradigme » afin d’étudier l’art contemporain sur le plan esthétique, économique, institutionnel et sociologique. La sociologue le définit, d’une manière simplifiée, comme un modèle commun qu’on suit, à un moment donné, consciemment ou inconsciemment. Ainsi, elle résume l’histoire de l’art occidental en trois principaux paradigmes chronologiquement successifs : le paradigme classique, le paradigme moderne et le paradigme contemporain. Jusqu’au milieu du XIXes, le paradigme classique est installé en louange au pouvoir politique et catholique, imposant des normes strictes à la création artistique, au point que toutes les œuvres se conforment. Au milieu du XIXes, l’art a subi une révolution transgressive au niveau des règles jusque-là en vigueur, avec le paradigme moderne. Nathalie Heinich désigne, à ce propos, l’Impressionnisme dont l’œuvre doit exprimer l’intériorité de l’artiste qui à son tour se distingue par un style propre à lui. Et c’est avec le « ready-made » de Duchamp vers 1960, que le paradigme contemporain a fait transgresser les frontières de l’art, jusqu’à s’interroger : qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Cette dernière ne réside plus, désormais, dans l’objet lui-même, mais dans l’idée et dans le discours qui en résulte. Ce discours est devenu le billet pour le vandalisme de l’Art Contemporain avec une génération d’artistes tels qu’Andy Warhol, Damien Hirst… qui s’appuient sur la culture populaire en produisant des œuvres en série et faciles d’accès. L’économie mondiale, avec ce dernier paradigme, est fortement bousculée par un marché de l’art de grande envergure. Nadia Lajili 32

Michel-Ange, Le David, 1501-1504.

Auguste Rodin, Buste de Saint Jean-Baptiste, 1880.

Marina Abramović, 7 Easy Pieces, 2005.


INVITé du Club

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Le Qui, le Quoi et l’Amour. Le Qui, le Quoi et l’A parmour. Rayen Maaroufi Est-il légitime de demander à notre partenaire de nous aimer non pas en tant qu’être doté de qualités, en tant que Quoi, mais en tant que parfaite singularité, en tant que Qui ?

Jacques Derrida médita sur la différence, dans l’amour, entre le Qui et le Quoi. Selon lui, la dichotomie conceptuelle, peut être même métaphysique, entre le Qui et le Quoi, trouve sa source dans les premières méditations philosophiques sur l’être. L’ontologie, la philosophie de l’être, est l’aventure philosophique la plus ambitieuse que l’homme ait jamais entreprise : sa fin n’est autre que la découverte de l’essence de l’être, c’est-à-dire ce à partir de quoi se manifestent toutes les apparences, tous les phénomènes. Pour Platon, cette essence fut les Eides, les formes platoniques ; pour Aristote, l’Ousia, l’essence de chaque être particulier. Le Quoi se trouvait apothéosé au rang d’être Suprême. Presque deux mille ans plus tard, René Descartes, grâce à son scepticisme radical, dénonça l’illégitime apothéose et exalta le concurrent : le Qui. Il affirma, ‘‘Je pense, donc je suis,’’ démontrant ainsi que la certitude épistémologique concernait non pas la substance, telle qu’elle eut été définie par les anciens philosophes, mais la pensée vécue. Le Qui fut couronné et trôné être Suprême à son tour. Ces considérations, quelque peu inouïes pour l’esprit moderne, peuvent être

reformulées de manière plus avenante : Le sujet ou l’objet est-il la réalité ultime ? Le Qui ou le Quoi ? Le but de cet humble article n’est cependant pas d’élucider une problématique d’une telle envergure. Je ne m’efforcerai d’étudier que le Qui et le Quoi vis-à-vis de l’amour. Définition Étymologique du Sujet L’étymologie de ‘‘sujet’’ nous sera utile pour comprendre sa relation avec l’objet dans l’amour. ‘‘Sujet’’ vient du Latin Subjectus, qui signifie celui qui est ‘‘établi dessous.’’ Subjectus, lui, dérive du préfix Latin sub—, signifiant ‘‘dessous’’ et du verbe Jacere, signifiant ‘‘jeter.’’ Le sujet a toujours été traité comme entité passivement affectée par des forces extrinsèques produisant des affections et des perceptions. Kant fut l’un des premiers à réfuter cette intuition. Il proposa l’existence de catégories, ou concepts à priori, qui permissent à l’entendement de façonner la réalité phénoménologique, c’est-à-dire la réalité perçue, selon des structures universelles. Par exemple, la loi de causalité n’est pas inhérente à l’univers ; au contraire, d’après la théorie des catégories, c’est notre entendement qui lui impose cette structure particulière. Le Qui devint donc non seulement le centre ontologique de la réalité, mais aussi le maître artisan de celle-ci. Cependant, le Qui de l’amour, le sujet 33


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de celui-ci, ne peut être ainsi. Ce sujet est différent ; il découle d’une conception plus timide, plus restreinte et plus passive du Qui. Le Qui de l’ontologie façonne la réalité ; le Qui de l’amour est façonné par celle-ci. Le Qui de l’amour, s’il devait être identifié à une des catégories d’Aristote, ferait partie de la catégorie de la Passion, car il subit passivement. En effet, lorsque l’on est amoureux, on est subjugué par la passion. Il nous est à présent possible de formuler une définition quant au sujet : Le sujet est ce qui se trouve établi en dessous de, et donc souffre passivement de l’effet de quelque chose. Mais qu’est-ce que ce ‘‘quelque chose’’ ? L’objet. Définition Étymologique de l’Objet ‘‘Objet’’ vient du Latin ‘‘Objectum’’ qui, à son tour, dérive du préfix ob-, signifiant ‘‘devant’’ ou ‘‘à travers’’ et de Jacere, la signification de ce dernier ayant été déjà établie. L’objet est donc ce qui se trouve jeté devant ou à travers le chemin de quelque chose, ce quelque chose étant le sujet. L’objet, il est utile de le noter, n’est ni ce qui se jette à travers, ni ce qui se trouve à travers le chemin du sujet ; l’un impute l’intentionnalité et la volition à l’objet, l’autre l’ubiquité, deux qualités qui lui sont étrangères. L’objet est ce qui se trouve jeté devant ou à travers le chemin du sujet ; cette description lui insuffle une qualité bien particulière : l’imprévisibilité. Derrida, dans le documentaire de Kirby Dick, distingue entre le futur et l’avenir : En général, j’essaie de distinguer entre le futur et l’avenir. Le futur c’est ce qui, demain, tout à l’heure, le siècle prochain, deviendra. Donc, il y a le futur des programmes, le 34

futur prévisible, tout ce qui, en quelque sorte, peut être prévu. Et l’avenir se réfère à ce qui vient, et qui venant, arrivant, n’est pas prévisible ; et pour moi, c’est ça le vrai futur : l’autre qui vient sans que je puisse m’y attendre. Donc s’il y a du vrai futur audelà du futur, c’est l’avenir en tant que la venue de l’autre, là où je ne peux pas le prévoir. Le futur, donc, n’est un vrai futur que dans la mesure où il n’est pas totalement prévisible. S’il m’est possible d’entrevoir clairement le futur, de le prédire même, il n’est plus futur, il devient présent ; il se manifeste, par exemple, dans mon anxiété anticipatoire. L’objet ressemble à l’avenir dans le sens qu’il n’est un vrai objet que lorsqu’il n’est pas complètement connu. Un objet connu et complètement dompté n’est plus un objet, il fait partie du sujet, tel une main. Il nous est maintenant possible de formuler une définition quant à l’objet : L’objet est ce qui se trouve jeté, imprévisiblement, devant ou à travers le chemin du sujet. Munis de définitions, nous pouvons désormais discuter d’amour. Qu’est ce que l’Amour ? L’amour est un effet contingent ; il ne peut exister qu’en vertu d’une cause imprévisible. Il est impossible de s’ordonner d’‘‘aimer,’’ car ce qui aime, en nous, est le sujet, la singulière passivité. On tombe amoureux ; on ne le choisit pas. De plus, on dit que quelqu’un est l’objet d’un amour, et non pas le sujet de celui-ci. L’amour est l’effet de quelque chose, et ce quelque chose dont il est l’effet ne peut être un sujet, car, comme nous


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l’avons démontré, le sujet est ce qui se trouve établi en dessous de, et donc souffre passivement de l’effet de, quelque chose. En tant que tel, il ne peut être la cause de l’amour. L’objet, donc, le Quoi imprévisible, est ce qui nous affecte et ce qui produit en nous l’amour.

une hiérarchie de valeurs idiosyncratiques chez chacun et chacune d’entre nous, déterminent l’importance de tel ou tel objet ; donc, quel objet est capable de produire en nous l’effet de l’amour et lequel ne l’est pas, est déterminé en grande partie par ces idéaux.

Beau baratinage, me direz-vous, mais de quelle utilité ? Lorsque quelqu’un nous demande de l’aimer pour qui il est, il nous demande de l’aimer non pas pour ses qualités, telles son intelligence, sa beauté, sa compassion, c’est-à-dire en tant qu’objet, mais de l’aimer en tant que sujet, en tant que Qui. Mais une personne dépouillée de ses qualités, de son objectivité, de son Quoi, n’est qu’un sujet passif, un Qui impotent, incapable de produire le moindre effet quelconque.

L’amour concerne donc, à son tout début, au moins quatre partis : le premier être, son lot d’idéaux, le deuxième être et son lot d’idéaux propre à lui. La maturation de l’amour consiste donc en l’exploration mutuelle des idéaux et du co-développement de ceux-ci. Un idéal est imparfait et faillible dans la mesure où il n’admet pas l’importance d’un objet crucial au bonheur et à la réussite de la relation. Deux idéaux différents peuvent donc se compléter. Le but final de l’amour est, pour cette raison, l’exploration des idéaux de chaque parti humain et leur fusion pour aboutir à un amour non pas à quatre partis, mais à trois. C’est pour cette raison que, lors du mariage, les deux mariés s’unissent devant un seul dieu. Ils s’unissent devant un seul idéal ; l’idéal synchrone, l’idéal parfait.

Le seul amour qui réponde à de tels désirs est l’amour universel désintéressé du Bouddhisme. Mais lorsque l’on demande à notre partenaire de nous aimer pour notre qui, ce n’est point l’amour Bouddhiste désintéressé que l’on a en tête. Nous demandons une sorte d’amour favoritiste, et, simultanément, désirons qu’il soit ressenti et donné au nom de ce qui est commun à tous, un Qui passif ; nous demandons à quelqu’un de nous aimer spécialement au nom de ce qui n’est point spécial en nous. Voici donc le paradoxe de l’amour. Le Sage Amour Il est nécessaire, avant toute autre chose, d’admettre que l’amour ne concerne jamais seulement deux partis, deux êtres amoureux isolés. L’amour est une orgie entre les personnes impliquées et les idéaux de celles-ci. Les idéaux, qui constituent

Il est donc clair que demander à quelqu’un de nous aimer pour qui l’on est décèle un désir immature de favoritisme impossible à exaucer ainsi qu’une incapacité de porter le fardeau nécessaire qu’est la responsabilité de s’ériger un idéal. Cela ne veut tout de même pas dire qu’il est nécessaire que l’on ampute notre partenaire pour l’ajuster à notre lit de fer, tel le brigand Procruste. Rayen Maaroufi Licence Fondamentale en Biologie Institut Supérieur de Biotechnologie de Monastir 35


EX-étudiants

«R»«R» Introduction

L’idée générale était une fiction. Une première trame fut composée d’un ensemble de faits puisés directement dans la réalité de l’époque. Par la suite, d’autres évènements imaginaires et fantastiques, relevant de la science fiction furent installés sur cette trame de manière à donner à l’étudiant de gravure que j’étais les prétextes nécessaires aux premières étapes du travail, lesquelles ont transformé à leur tour le cours même des évènements de la fiction.

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par Oussema Troudi

R est le titre d’un projet de gravure réalisé au printemps 2001 à l’ISBAT par Oussema Troudi, qui était alors étudiant en troisième année (spécialité Gravure) dans le régime de maîtrise (4 ans). Ce texte de présentation a été rédigé en Octobre 2001 (début de la 4ème année Gravure).

En troisième année à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Tunis, j’ai découvert la gravure. « R » est le titre que j’ai donné à mon projet du deuxième semestre dont le thème a été proposé par Mme Nadia Jelassi sous l’intitulé de « Lignes, Lettres, Métamorphoses » et dont la forme se situait quelque part entre le portfolio et le livre d’artiste.

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Le produit final était une vieille boîte d’archives (photo 1) qui renfermait un certain nombre d’enveloppes jaunes. Chaque enveloppe contenait des gravures (eaux fortes et aquatintes) et des textes (poétiques et poïétiques) et correspondait à une étape du projet. En ouvrant la boîte une première feuille apparaît (photo 2). La fiction En l’été 2000, une enquête est menée à l’I.S.B.A.T. suite à la disparition de deux peintures de la salle de lecture de la bibliothèque. Pendant l’enquête, la police scientifique découvre un certain nombre de phénomènes liés aux Rats. De nouvelles races de rongeurs dotés de diverses formes d’intelligence et qui s’attaquent aux livres de la bibliothèque d’une manière tout à fait singulière, voient le jour, suite à l’examen d’un certain nombre de prélèvements faits sur les


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livres en question. L’affaire est confiée à l’Institut Pasteur qui fait appel à un graveur (dont je joue le rôle) pour reproduire en taille douce les morsures trouvées sur les livres, pour fixer les étapes de décomposition de certaines pages en particulier et pour aider les scientifiques à classer les interventions des Rats selon la nature de leur intelligence. Au cours des travaux de recherche on découvre le virus « R », mais on sous-estime sa puissance. Ce dernier parvient à toucher l’équipe des chercheurs et le graveur lui-même qui en devient contaminé. Les recherches sont alors abandonnées, mais dans la boîte, quelque chose vit encore et continue, dans le noir, le travail commencé par les Rats. Les gravures Le support de départ est la page de garde d’un livre intitulé « Lettres choisies » de Nietzsche. L’été précédent j’avais travaillé bénévolement dans la bibliothèque de l’I.S.B.A.T. pour aider le personnel à reclasser et entretenir les 7000 titres disponibles à l’époque. Il ne s’était pas coulé beaucoup de temps avant qu’on découvre mes amis et moi l’existence de plusieurs nids de rats dans la bibliothèque, d’abord en trouvant des excréments derrière les rayonnages, mais ensuite en découvrant des traces de morsures sur de vieux livres abandonnés dans des cartons et destinés depuis longtemps à la reliure. Parmi ces livres, plusieurs exemplaires des « Lettres choisies » étaient dans un très mauvais état. En revenant quelques mois plus tard sur cette anecdote, j’avais trouvé les deux mots clés de mon travail : « Lettres » (mot du titre du livre que j’ai pris au sens premier de caractère) et « morsure » mot désignant

à la fois les traces laissées par les rats sur les livres et par l’acide ou le mordant en général sur les matrices métalliques en gravure. La fiction s’est donc installée progressivement et la première gravure fut une eau forte reproduisant le plus fidèlement possible l’état dans lequel était la page de garde d’un exemplaire endommagé que j’avais gardé. Par la suite, des interventions successives sur la même matrice faisaient évoluer l’état de la morsure et des épreuves d’états en faisaient le témoignage. Dans une deuxième étape, intervient la ligne, élément étranger à la nature des morsures trouvées jusque là, et c’est ainsi qu’au gré des compositions, de nouvelles races plus intelligentes de rats de bibliothèques apparaissaient… En Juin et Juillet 2000, bénévolement, OT, RK, IJ, NJ et RA se sont mis en petits groupes pour la classification de plus de 7000 titres dont 250 d’une récente acquisition. Le travail avançait comme le voulaient les conditions de l’espace : la chaleur excessive en l’abscence de climatisation, l’étroitesse du centre de prêt, la poussière, le manque d’éclairage, l’humidité... Bref, un espace qu’une pareille boîte d’archive pourrait résumer. En outre, de temps en temps, le groupe de bénévoles avait de la compagnie : en effet, quand tout se taisait, on pouvait apercevoir comme des fantômes passer, entre murs et armoires, des rats qui se nourrissent d’Art et de Philosophie, accompagnant l’Histoire de verres de Poésie ! extrait de la boîte d’archives

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exemples de gravures :

Recherches graphiques à l’encre de chine, photocopiées sur papier calque. L’encre de la photocopieuse se décolle facilement du papier calque pour adhérer au vernis qui couvre la plaque de cuivre. Cette technique de transfert est inédite, elle a été découverte dans ce projet et a facilité le travail de l’eau forte.

Lorsque Lorsque j’étais j’étais étudianteétudiante par Samia El Echi « Lorsque j’étais étudiante » ce titre très simple concluant de l’expérience de chacun de nous lors de son cursus universitaire mais pourquoi la partager (notre expérience) si ce n’est pour en tirer soi même une leçon ; la partager pour pouvoir la tirer de son contexte historique celui du passé et la revivre dans un actuel devenir. Lorsque j’étais étudiante, je ne rêvais pas de devenir artiste contemporaine visuelle plasticienne ou autre. Je rêvais juste de devenir enseignante. Parmi mes camarades, mêmes les plus doués, je ne suis pas la seule qui cherchais à être enrobeé dans un statut bien déterminé et très recommandé 38

par la société. Mais comment devenir ou rêver de devenir artiste ? Comment semer cette graine de créativité ou l’arroser si elle existe déjà ? La condition dépend de plusieurs paramètres (politiques, culturels, sociaux…) et s’avère assez critique selon ce que chaque individu fait partie prenante et songe à faire un pas vers l’art. Cependant un point très important à soulever selon mon humble avis fut d’enrichir les expériences de l’étudiant par des faits concrets de la scène artistique en Tunisie, de le situer par rapport à son histoire et à son vécu ; de lui proposer divers champs dont il pourra se ressourcer par lui-même. Mais comment


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faire s’il n’existe même pas une réelle scène artistique en Tunisie ou au moins pour une grande partie de la Tunisie (musée, foire, galerie, biennale, journée, …) à part quelques tentatives financées par l’état et animées par ses institutions culturelles (maisons des jeunes, centres culturels…) et qui dans la plus part du temps ne font que animer la scène culturelle par des actions « artistiques » qui se créent dans l’instant et n’auront pas d’effet postérieur. Ce qui confirme mes propos c’est que la majorité des artistes tunisiens pratiquant dans la scène artistique tunisienne ou mondiale ont fait leurs études ou une partie de leurs études à l’étranger, leur créativité est alimentée par un autre champ socioculturel. Lorsque j’étais étudiante, je cherchais à concevoir la pratique artistique et à comprendre ce que c’était l’art contemporain ; je cherchais à inscrire ma vision dans ce courant dit « contemporain ». J’étais initiée à la théorie, aux diverses déclinaisons de l’histoire de l’art, bref, à tous ce qui entoure l’art et définit sa périphérie mais pas son centre, son essence-même qui est son processus et sa relation avec la vie, selon ce que dit Robert Filliou : « l’art, est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ». Cette relation à la vie se forge, dans un premier stade, pour un jeune étudiant en se référant à l’autre, en se situant par rapport à un espace de création et à son environnement le plus restreint et le plus large à la fois. Ensuite, dans un second temps, vient le stade du miroir que je tiens du domaine de la psychanalyse et qui lui permet de se définir en tant qu’individu en perpétuel devenir « artiste » et de créer une conscience de soi et une constitution

de son être à travers l’image que lui offre l’autre. De ce fait, l’étudiant, rempli d’outils à rejouer et à mettre en scène son parcours, sera capable d’entamer le bon choix en terme de réflexion autour de la création contemporaine car selon Marcel Duchamp «Ce qui compte n’est pas l’œuvre mais le choix de l’artiste. ». Lorsque j’étais étudiante, cela fait plus que dix ans, nous ne disposions pas des mêmes outils dont disposent les étudiants actuellement. La scène artistique n’est plus la même, les structures universitaires dans les écoles d’art ont étés questionnées à plusieurs reprises mais la question d’art contemporain en Tunisie relève toujours d’une grande polémique surtout avec le lancement des journées d’art contemporain de Carthage et l’inauguration de la cité des arts récemment. Malgré tous les débats autour de la politique culturelle en Tunisie et ses divers mécanismes, la situation s’avère toujours ambiguë et émane de la fragilité du statut de l’artiste et de l’art dans notre pays. Je propose de ne pas errer dans ces diverses visions qui dépendent des fois des personnes qui les proposent et de leurs expériences, mais de partir de son expérience personnelle ; de faire un pas vers l’art pour produire une relation au monde en utilisant différents médias et processus. Pour conclure, je ne prétends pas proposer des solutions pour l’art contemporain en Tunisie, mais j’essaye d’éclairer selon mon expérience personnelle des pistes qui pourraient avoir une relation directe avec la situation critique de la scène artistique d’une manière générale. Samia El Echi

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«Dessiner son ombre» «Dessiner son ombre» par Imen Bahri En Novembre 2001, Imen Bahri était étudiante en 1ère année du Tronc Commun à l’Institut Supérieur des BeauxArts de Nabeul. Elle avait pour enseigante de Couleur Mme Nahla Dkhili, alors jeune enseignante et actuellement artiste peintre. Dessiner sa posture à travers son ombre est le titre d’un exercice que Imen Bahri a trouvé plus qu’intéressant.

Sujet : Dessiner sa posture à travers son ombre. Utiliser les gris colorés. Matériaux utilisés : au choix. À travers sa posture, on doit apprendre à mettre en œuvre sa propre vie. Le travail doit être soutenu par une recherche théorique comportant les raisons de votre choix (les matériaux, la posture...) Cela doit être un travail personnel écrit sous la forme d’une synthèse. Mon texte : Au début de cet exercice, je n’ai pas réfléchi à un problème qui me touche pour que je puisse verbaliser mon travail. Pour nous aider à commencer, notre enseignante a essayé de nous expliquer comment choisir son matériau et trouver un lien avec le problème. Commencer par le problème ou par le matériau, telle était la question. On a commencé par chercher le matériau. Un mot est sorti à mon insu : tissu. Ensuite, j’ai cherché des adjectifs qui peuvent-être attribués au tissu : Tissu déchiré, blessé, fragmenté, ouvert, etc. À partir de ce terme, j’ai pu aborder un sujet très important : l’ouverture, la blessure. Ce n’est pas ça qui était pour moi le plus important, mais plutôt le fait d’oser et de ne pas hésiter. Ainsi, j’ai travaillé ma posture avec le tissu déchiré pour dire que nous sommes 40

tous quelque part blessés. Le fait de savoir que tu n’es pas la même personne que ta mère, c’est une blessure. Être trahi par son ami(e) est une blessure. Tomber par terre, engendrera une blessure. Se blesser, c’est se regarder soi-même, s’ouvrir sur ce qui est occulte à nos yeux. Traverser la surface, partir du devant vers le dedans. Nous sommes blessés et nous serons encore déchirés. En regardant la posture déchirée, on se pose des questions : En quoi elle me concerne ? Pourquoi je la regarde mais elle est enfin de compte une partie de moi même. « Nous sommes bien entre un devant est un dedans. Et cette inconfortable posture définit toute notre expérience, quand s’ouvre jusqu’en nous ce qui nous regarde dans ce que nous voyons » 1 C’est à travers le regard qu’on perçoit la blessure, l’ouverture et la faille. C’est ce regard qui regrette d’avoir regardé. La blessure c’est cette impossibilité de retourner en arrière, de dire je n’ai pas regardé. C’est ainsi que le regard devient une blessure en soi. Comme le disait encore Hubermann : « (...) regard y implique en même temps d’être déchirés de l’autre et d’être déchirés de nous mêmes, en nous mêmes . Dans tous les cas, nous y perdons quelque chose. » 2 En regardant la posture déchirée, fissurée, on disait que le tissu est la porte et les blessures sont les seuils qu’il faut


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affronter. Ainsi « La porte est une figure de l’ouverture, mais l’ouverture conditionnelle, menacée ou menaçante, capable de tout donner ou bien de tout reprendre »3 En conclusion, l’artiste doit traduire sa vérité, sa complexité, ses angoisses ou ses pulsions et engager quelque chose de lui dans ses œuvres. À travers cet exercice, j’ai compris qu’il faut mettre sa vie en œuvre. C’est-à-dire, l’œuvre doit refléter ce que l’on pense, ce que l’on ne pense pas, ce que l’on aime, ce que l’on hait, ce que l’on voit. Qu’on le veuille ou non, l’œuvre d’art est le miroir de l’artiste. Imen Bahri ISBAN, novembre 2001 1. Georges Didi-huberman, Ce que nous voyons ce qui nous regarde, 1992, Collections critique, p. 185 2. Ibid, p.184 3. Ibid, p.185

Eduard Daege, L’invention de la peinture, 1832. d’après la légende de la fille de Dibutades.

Kumi Yamashita, Chair, curved wood, single light source, shadow. 2014.

(www.kumiyamashita.com)

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PéDAGOGIE

Pheggos Pheggos

une exposition de photographies à l’ISBAS, du 23 Avril au 5 Mai 2018.

« PHEGGOS », terme grec synonyme de lumière et de clarté, est le titre d’une exposition des travaux des étudiants en 2ème année de la Licence Appliquée en Arts Plastiques, spécialité Photographie. L’exposition investit les murs de l’ISBAS durant les deux dernières semaines de cours, clôturant ainsi l’année universitaire en couronnant les efforts des étudiants indépendemment de la reconnaissance administrative qui leur permettra ultérieurement le passage de classe. Les photographies exposées constituent l’aboutissement d’un exercice qui s’est étalé sur six semaines entières du 2ème

Affiche de l’évènement. (détail)

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semestre en raison de sa complexité. En effet, il n’est pas de toute évidence pour un étudiant en photographie de reproduire le travail d’un maître de la peinture classique. Cela aurait été plus simple pour un peintre de reprendre une peinture pour peu qu’il se tienne à l’agencement bidimensionnel des formes et des couleurs. En revanche un photographe se trouve dans l’obligation de recréer toute une scène, et pour ce faire, les contraintes se multiplient. Un autre lieu, une autre époque La plupart des oeuvres citées se situent autour du XVIIIe siècle européen dominé par un art classique qui puise ses thèmes dans l’histoire et la mythologie et qui respecte rigoureusement un mode


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de représentation aux codes clairement établis. Une connaissance de l’histoire de l’art de l’époque est alors indispensable pour mettre en place une première liste d’impératifs au niveau du réalisme, de la composition et de la gamme de couleurs, autour desquels la recherche photographique doit être structurée. Au-delà de la prise de vue Reconstituer une scène repose souvent également sur un ensemble d’accessoires qui sont propres à une culture différente et qui ne sont, le plus souvent, pas disponibles. Le choix de l’oeuvre picturale à reproduire dépend crucialement de ce gros détail et pousse l’étudiant à faire un travail de création d’accessoires ou de décors qui n’est pas proprement photographique, mais qui en reste étroitement lié, de quoi étendre le domaine de la photographie au-delà de la prise de vue, et faire appel si nécessaire à d’autres corps de métiers.

Dans l’oeil du peintre La recherche des contrastes et des couleurs est au centre de cet exercice où par l’impossibilité du copiage on comprend forcément que la reprise n’est pas la reproduction et qu’il faut compenser le manque de ressemblance formelle par une compréhension en profondeur de l’esprit de l’oeuvre. Dans la peau des personnages cet exercice fait également découvrir la nécessité du travail collectif, où à tour de rôle, on se trouve derrière et devant l’objectif, pour analyser une expression ou pour la jouer, voire la vivre. Un travail actif de casting jette un pont concret vers le monde du cinéma. Cette équipe - c’en est donc une, s’est fixée, dans le cadre d’un exercice technique en photographie, l’objectif de faire disparaître la technique photographique aux yeux du spectateur, comme faisaient disparaître les peintres classiques la trace de leurs pinceaux. En regardant autrement la peinture, elle nous en a fait voir autrement la photographie. Sur les murs de l’ISBAS, y a pas photo, c’est le cas de le dire. Oussema Troudi étudiants participants : Ilhem Abidi, Fatma Bel Haj, Ghada Ben Aicha, Mohamed Ali Ben Hafsia, Zied Ben Hassine, Kilani Ben Miled, Maher Ben Saad, Ons Chaieb, Mootaz Chihi, Mohamed Dhahri, Nour El Houda Ghanem, Salwa Hajlaoui, Yacine Hamila, Hasna Horrigue, Olfa Kerkeni, Salam Lahouar, Amira Lamti, Oussama Mahjoub, Oumaima Okbi, Ahmed Oueslati, Haroun Sekma, Khouloud Tilouche, Sonia Zardoub.

Nour el Houda Ghanem, L’homme riche de Rembrandt. (détail)

enseignants : Zakaria Chaibi, Safouene Jalloul.

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Réforme ? le dessin d’abord. Réforme ? le dessin d’abord. Le legs et l’acquis.

En 2001-2002, j’étais étudiant en gravure, en quatrième année du régime de maîtrise à l’Institut Supérieur des BeauxArts de Tunis. Cette année-là, Naceur Ben Cheikh alors directeur de l’Institut, avait conduit une expérience de réforme des programmes qui nous a permis d’avoir un précieux cours de méthodologie mais qui, à notre surprise, nous a privé de l’atelier de dessin. Nous avons alors passé une année sans la matière «dessin analytique», alors que celle-ci était programmée pour huit heures par semaine pendant les trois premières années d’études. Cela arrangeait évidemment les «mauvais» dessinateurs mais privait les «bons» de bonnes notes faciles à avoir. Dans un cours sur la sociologie et l’économie de l’art, Naceur Ben Cheikh avait soulevé les problèmes liés au cloisonnement de l’atelier de dessin, et a demandé à ceux qui regrettent la matière d’intégrer le dessin à leurs projets de spécialité c’est à dire aux besoins réels qu’une recherche en arts plastiques sait articuler. Cela avait déstabilisé une génération entière qui a appris que le dessin ne servait qu’aux recherches graphiques nécessaires à la création d’une peinture ou une sculpture. Tandis que les ateliers de dessin ne dispensaient qu’un apprentissage technique, la discipline elle-même était asservie à une hiérarchie qui donnait plus de légitimité aux traditionnelles spécialités. Pour peu qu’on se documente sur le dessin dans l’art contemporain, ou qu’on lise sur l’histoire de l’enseignement du dessin, on se rend-compte facilement 44

que Naceur Ben Cheikh n’avait même pas besoin d’argumenter. L’enseignement du dessin n’a pas beaucoup changé de principe depuis l’époque coloniale, qui avait mis en place des méthodes héritées d’une tradition française laquelle remonte au XVIIes. Mais alors qu’en France il avait une raison d’être historique, (que l’art moderne et contemporain ont d’ailleurs dépassées), il est resté, chez nous, figé donc voué à l’enfermement, faute de volonté de «transformer le legs en acquis». (en référence à Peindre à Tunis, livre de Naceur Ben Cheikh). Le dessin, autrement. Deux ans après, en 2003-2004, toujours à l’ISBAT - ce fut ma première année d’enseignement, sous la direction de Mohamed Guiga, j’ai fait partie d’un groupe d’enseignants qui ont essayé de réformer l’enseignement du dessin. Ce groupe a remis en question les différents réflexes qui fondaient l’enseignement propre à cet atelier et marginalisaient du coup ultérieurement toute une pratique dont l’autonomie a été pourtant acquise depuis plus d’un siècle. Ce groupe s’est d’abord attelé à la tâche de reféfinir la notion de modèle, en diversifiant les possibilités offertes par l’environnement immédiat. On pouvait alors voir en salle de dessin, en troisième année, en guise de modèle, un étalage de frippe ou des cajots de fruits et légumes... et à l’examen final ont été distribuées aux étudiants des boîtes d’allumettes. Ces derniers avaient aussi expérimenté de nouvelles organisations de l’atelier décentralisant le modèle ou favorisant des expériences de travaux


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collectifs, ainsi que de nouveaux traceurs et médiums généralement étrangers à l’atelier de dessin. Le dessin n’était pas seulement exécuté, mais aussi poétisé, raconté, argumenté, réfléchi, et il n’était pas rare de le faire accompagner d’un texte poïétique. L’expérience avait duré une seule année, avant d’être confrontée à une vague de mécontentement conduite par d’autres enseignants qui refusaient de débattre sur l’évaluation d’un dessin abstrait et par des étudiants trop habitués à la rentabilité de l’exécution bêtement technicienne. Cependant, l’expérience qui s’est conduite uniquement avec les classes de 3ème année a eu un écho positif dans les autres niveaux d’études et au courant de l’année suivante avant de s’estomper. Parmi les étudiants de l’ISBAT qui avaient vécu cette expérience de réforme on compte Thameur Mejri, Slimen Elkamel, Ali Tnani, Farah Khelil, Atef Maatallah, Hela Lamine, Nidhal Chamekh (et j’en passe) pour ne citer que des artistes reconnus à l’échelle internationale. Remarquons que leurs pratiques ont toutes en commun une affinité particulière avec le dessin, qui est engagé dans des démarches créatrices éloignées de son enseignement classique. Combien d’années universitaires connaiton dans l’histoire de nos instituts d’art qui peuvent se vanter d’avoir formé d’un coup autant de futurs artistes de renom ? Lorsque des efforts similaires ont été conduits à l’Institut Supérieur des BeauxArts de Nabeul, en 2006-2007, grâce à la réunion fortuite de quelques enseignants ayant participé à l’expérience de l’ISBAT, une promotion de graveurs a excellé au point de faire de la gravure la spécialité la plus demandée. Une dizaine d’étudiants ont

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Imen Ouadhene, exercice de dessin à l’ISBAS.

exposé leurs gravures en Janvier 2010 à l’Espace d’Art Mille Feuilles de la Marsa. L’ISBAN compte, depuis, trois ateliers de gravure et le plus grand nombre de presses de taille douce. Le programme ou l’étudiant ? Que l’on comprenne alors mon indignation, et je pèse le mot, lorsque près de quinze ans plus tard je me retrouve à enseigner dans un institut des plus créatifs mais qui dispense encore pour sa licence fondamentale en arts plastiques le même cours archaïque de dessin, et où les étudiants apprennent des techniques évidées de toute problématisation, dessinent des drapés sans savoir pourquoi, des bustes dont ils ignorent jusqu’aux noms et où la moindre réflexion est entièrement bannie. Que l’on arrête de blâmer les étudiants, qui, après avoir fini un dessin ressemblant, 45


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lui bricolent des lignes (dites de construction) pour valider des points dans le barème de correction. Que l’on arrête aussi de s’étonner du nombre des étudiants qui fuient les spécialités où le dessin passe pour primordial (comme la sculpture), et qui demandent du coup la spécialité Arts Médiatiques (spécialité de l’écran) alors qu’ils ne connaissent encore pratiquement rien à l’art contemporain, générant ainsi de véritables problèmes sur le plan administratif allant jusqu’à envisager de supprimer des spécialités. D’un autre côté, que fait-on de ces rares étudiants qui accèdent à l’ISBAS avec une passion prononcée pour le dessin et une grande disposition à en faire un projet de vie, et qui se retrouvent à l’étouffer dans des spécialités perçues comme plus importantes ? Que fait-on de ceux qui aimeraient réfléchir sur un «HB», un porte-mines, une ligne fine, un contour ouvert, une main salie par le graphite, le format d’une feuille de papier, le sens d’une ombre, la conséquence d’une posture, la portée d’un geste, la longueur d’un pas de recul, l’anamorphose d’un portrait, un gribouillis, un gommage hasardeux, une mine dite de plomb, un pantographe, un inutile taillecrayon, de la suie, du charbon, l’origine d’un pastel, le graphique d’une aquarelle... ? Sont-ils prédestinés à sacrifier toutes ces questions sur l’autel de la sacro-sainte discipline de spécialité ? La spécialité : une fausse nécessité On se souviendra tous, du moment de panique qu’on a vécu la première fois qu’une feuille d’orientation nous a été 46

tendue. C’est une panique naturelle et tout à fait légitime. La question du choix à verbaliser est aggravée par celle du non choix et on craint, à raison, un élagage sévère des possibilités de l’épanouissement créatif. Il est un fait que le système d’orientation est radicalement foireux, étant basé encore sur la sélection par moyenne, celle-ci ne reflétant souvent pas la prédisposition réelle à la branche demandée. Il est un autre fait que la répartition des possibilités créatrices en seulement cinq branches, à savoir : Arts médiatiques, Céramique, Gravure, Peinture et Sculpture (l’ordre alphabétique étant aussi discriminatoire qu’un autre), laisse perplexe un étudiant sain d’esprit. La liste des spécialités a été, elle aussi, héritée de la tradition académique française, ensuite adaptée, tant bien que mal, il ne faut pas avoir peur de le dire, aux besoins locaux. Cette adaptation n’a jamais fait l’objet d’un travail de fond qui s’offre le courage de refonder cette répartition sur la base d’une conception globale qui s’assume et qui se défend. Il en résulte du coup un bricolage, variable selon les instituts, et qui laisse beaucoup de questions sans réponses. Par exemple, pourquoi avoir (encore) une spécialité céramique en licence fondamentale, alors que le produit de la céramique est avant tout sculptural, surtout que la grande majorité des plasticiens céramistes de formation font plus tard des sculptures en céramique ou des installations (s’ils ne se recyclent pas dans le design produit ou la création artisanale) ? Pourquoi ne pas fondre les deux spécialités Sculpture et Céramique dans ce qui serait en gros le tridimensionnel et laisser le choix aux étudiants de travailler avec de la pierre,


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du bois, de la céramique ou tout autre matériau de base. L’atelier de Céramique pourrait rester à disposition des chercheurs et toujours encadré techniquement par les spécialistes... Est-ce qu’on ne s’étonnerait pas d’avoir à côté de la spécialité Peinture une autre spécialité pour seulement l’acrylique ?! Allons donc ! Au moment où, dans le monde entier, on assiste à un éclatement des genres et à une diversification inouïe des techniques de production des oeuvres d’art, cette répartition des disciplines sur ces cinq spécialités est mi-incongrue, mi-obsolète. Le seul moyen de résoudre ce problème réside actuellement dans l’abandon définitif de la désignation «spécialité», et dans le fait de considérer égales toutes les disciplines en matière d’apport pédagogique, dans le sens où elles permettent toutes aux étudiants d’expérimenter la conduction d’un projet de recherche en arts plastiques en fonction de contraintes techniques précises, parce qu’on n’a jamais que les idées de ses moyens. Et dans ce cas, le système d’orientation devrait être revu, le nombre de branches diminué et l’inévitable interdisciplinarité devrait être une liberté et non une idée se concevant comme libératrice mais qui prend forme dans une autre matière contraignante (Recherche et Transcréation) qui remplace accessoirement l’impossibilité ou l’inutilité (présumées) de faire des stages ! Un chantier en appelle un autre Quelque soit le bout par lequel on essaie de démêler ce grand noeud de problèmes, la question du dessin réapparait comme centrale. Et si l’on s’étonne de cette affirmation, c’est que le propre d’un dogme (ou d’un préjugé) est de ne pas apparaître comme tel. Cependant, aucun effort

collectif ne semble vouloir être entrepris dans ce sens, non pas par manque de moyens de réflexion, ni par manque d’audace, ni par refus ou appréhension de la masse considérable de travail à prévoir en conséquence, (à l’ISBAS c’est facile de prouver l’inverse), mais peutêtre parce qu’une vision globale nécessite l’engagement dans un projet à long terme, et que ce dernier a besoin d’une constance (au niveau des porteurs du projet) que le mouvement des mutations des enseignants et des successions sur les fonctions administratives n’arrête pas d’interrompre. Il devient donc primordial d’entreprendre à travailler dans la continuité au lieu de céder au confort des recommencements : une continuité qui n’est pas reconduction automatique du même. La responsabilité incombe aux enseignants de repenser les contenus des matières qu’ils enseignent en fonction d’une conception globale qui se respecte et de prendre les risques nécessaires à toute évolution. La responsabilité incombe aussi à l’administration de se donner les moyens, au-delà de la gestion du quotidien, de contribuer activement à la création, à l’encouragement et au maintien des structures nécessaires au travail de réforme, celle-ci ne pouvant pas se suffire d’un tableau technique, parachuté par une commission sectorielle. Dans un contexte où les instituts d’art se dotent de projets spécifiques et d’identités particulières, à l’instar des grandes entreprises, et où le nombre des étudiants des branches artistiques est en constante diminution, l’ISBAS, pour subsister, n’a que le choix de la créativité, celle de ses étudiants, de ses enseignants et de son administration. Oussema Troudi 47


INTERVIEWS

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D’Art et d’ISBAS : Série d’interviews

D’ A rt et d’ISBAS Interview avec Imen Bahri,

Ph.D en Sciences et Techniques des Arts, enseignante à l’ISBAS, artiste visuelle. Plastikos : Comment vous présentez-vous, et quel a été votre parcours ?

I. Bahri : Je suis assistante à l’ISBAS et j’enseigne la LFAP et la LAAP. J’ai eu un Bac Mathématiques en 2001. J’ai découvert le monde des arts dans les cours de philosophie et c’est là que j’ai décidé de faire à tout prix les beaux-arts, j’avais rempli alors toutes les cases de la fiche d’orientation avec des noms d’instituts d’art dans tout le pays. J’ai été acceptée à l’ISBAN, où j’ai fait deux années de tronc commun, ensuite deux autres années en peinture, avec la photographie comme option. J’ai donc eu la Maîtrise en 2005, un Master en Théories de l’Art en 2007 et j’ai soutenu une thèse aussi en théorie de l’art en 2016 à l’ISBAT. P : Vous êtes aussi artiste, exposez-vous souvent ? IB : Actuellement, l’enseignement prend tout mon temps, donc je réfléchis seulement en attendant de me consacrer plus tard à la pratique. En général, je n’expose pas régulièrement, j’expose de temps en temps, je n’ai pas encore monté une exposition personnelle mais je participe à des collectives. P : Est ce qu’il est plus facile d’enseigner en arts plastiques quand on est artiste ? IB : Rien n’est facile. En tant que plasticienne, enseigner les arts plastiques, c’est se projeter, se mettre à la place des étudiants, vouloir aussi transmettre plusieurs manières de penser et surtout plusieurs manières d’être vis-à-vis de ce qui nous entoure. P : Est-ce que vos choix personnels, votre sensibilité n’influencent pas votre évaluation des travaux des étudiants ? IB : Il faut dire que je suis sensible à plusieurs sujets, à plusieurs pratiques artistiques. Pendant l’évaluation, on ne peut pas être neutre donc on essaye d’évaluer les projets non pas seulement selon nos sensibilités mais selon des critères bien déterminés. J’essaie de l’être, mais forcément, je ne suis pas tout à fait neutre. C’est un exercice quotidien. P : Avez-vous des préférences en terme de niveaux d’études ou de matières ? IB : J’aime enseigner les 1ères classes, avec une préférence pour l’atelier Couleur. Pour moi, c’est l’année de base. Alors soit on peut acquérir les bases des arts plastiques, on découvre, on s’accroche… soit on abandonne… ou on se laisse aller dans le cursus sans savoir ce qu’on veut faire exactement. J’estime qu’à ce niveau, je peux changer des choses, en toute modestie. 48


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P : En tant qu’artiste, est-ce que vous visez la reconnaissannce à une échelle internationale ? IB : Eh bien, je participe à des expositions collectives et je rêve de monter des expositions personnelles. Je veux bien que mon travail soit reconnu à l’échelle internationale. Mais je ne vise pas trop haut pour le moment. Je veux bien être d’abord connue à l’échelle nationale. Ensuite on verra. P : Vous avez des galeries préférées ? IB : En Tunisie, il y en avait une que j’aimais bien mais qui n’existe plus maintenant : Artyshow. (ou qui a déménagé et qui a changé un peu d’esprit...). J’y allais beaucoup quand j’étais étudiante. Elle avait un sous-sol pour l’art et un étage pour la création artisanale, et elle innovait dans les Imen Bahri, ISBAS, Avril 2018. deux parties. C’était une des rares galeries à l’époque (2008 à 2011) à encourager les jeunes artistes sans chercher une assurance à travers les reconnus. à l’étranger, je ne sais pas trop, peut-être la Galerie Kamel Mennour. P : Quels sont les enseignants qui vous ont le plus marquée ? IB : Sans hésitation, il y en a deux : la première c’est Nahla Dkhili, c’est elle qui m’a initiée à l’art, à l’ISBAN. Elle était mon enseignante de Couleur en première année. Et puis un enseignant qui a accompagné les quatre années de mon parcours, en m’enseignant le dessin et la peinture : Monsieur Radhouen Ayadi. Nahla est engagée, dévouée et généreuse. Elle enseigne avec bcp de passion. Cet amour m’a été transmis avec lucidité. Elle m’a initié à la lecture, à la recherche et à la découverte des artistes et des mouvements artistiques. Quant à Radhouen, j’ai aimé le dessin en le regardant au travail avec sa fameuse ligne continue. C’était un «maître». Ces deux enseignants avaient en commun qu’ils étaient en Master de recherche à l’époque et le fait qu’ils soient eux aussi en pleines études m’a rapproché d’eux. P : Quels sont les artistes qui vous ont le plus inspirée ? IB : Miles Aldridge, David Lachapelle. P: Quels conseils pourriez-vous donner aux étudiants des beaux-arts ? IB : Un seul : être ouvert d’esprit. propos recueillis par Kawther Mahjoubi et Maha Labidi - Photo Amira Lamti

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Interview avec Slimen Elkamel, artiste visuel, enseignant à l’ISBAS. Plastikos : Comment vous présentez-vous, et quel a été votre parcours ? Slimen Elkamel : J’ai fait mes études aux Beaux-Arts de Tunis, ensuite j’ai été en résidence au Centre des Arts Vivants de Rades. J’ai aussi commencé une thèse que j’ai interrompue et que je reprendrai peut-être... Mais j’ai essayé d’enrichir ce parcours en lisant et en étant actif dans des clubs de cinéma, c’est à dire qu’une partie de ma formation est académique, et une autre s’est faite spontanément plus tard. Et c’est valable aussi pour la technique, parce qu’il est possible qu’on termine un parcours universitaire sans avoir abordé certaines techniques, comme la sérigraphie, ou le maroufalge, alors on les explore plus tard. P : Entretenez-vous un rapport constant avec votre pratique artistique ? Est-ce que vous travaillez à votre art tous les jours ou en fonction des projets ? SE : Je travaille régulièrement, et ma pratique ne dépend pas d’une exposition ou d’un évènement en particulier. Mais c’est important d’inscrire son travail dans ce qui dépasse son produit. Le projet principal que je défends est que l’art soit partout, dans la rue, les cafés, les bars, les mosquées... dans notre conception du monde, l’art doit être présent. Et c’est pour la même raison qu’il m’arrive d’écrire sur des questions d’intérêt général ou sur la politique ou que je participe à des marches... tout cela nourrit un même projet qui dépasse le fait d’être artiste, de travailler dans un atelier et d’exposer.

Slimen Elkamel, ISBAS, Avril 2018.

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P : Vous arrive-t-il qu’un travail vous donne satisfaction sans que vous ne l’exposiez ? SE : Au début, il y a en effet des travaux que j’ai gardés pour moi. Mais par la suite, ce sont surtout des écrits que je ne publie pas. C’est parce que souvent l’écriture me sert d’exercice... une sorte d’«échauffement», alors je ne montre pas tout. Mais la plupart de mes travaux plastiques ont fait l’objet d’expositions et si je garde mes tous premiers travaux c’est parce qu’ils constituent une sorte de brouillon qui m’a permis de me chercher, de mieux me connaitre et de mieux définir ce que je veux faire. P : Quelles expositions préférez-vous, les personnelles ou les collectives, les locales ou les internationales ? SE : Ce n’est pas toi qui décides forcément d’exposer en solo ou en groupe. Il y a des occasions qui se présentent et tu choisis parmi celles qui te conviennent. Mais pour ma part, je refuse depuis que j’étais étudiant de particper aux expositions de l’Union des Artistes Placticiens et tout ce qui se rattache aux institutions officielles, parce que ce genre d’expositions te colle l’étiquette d’«artiste officiel», soumis à l’état et qui est au service de sa propagande. Je dirais même que ça réduit ton art et te transforme en artiste opportuniste et profiteur de l’argent public, puisque ça te fait évoluer dans un cercle dont le but ultime est de plaire à la commission d’achat du Ministère des Affaires Culturelles. Et c’est pour ça que je conseille mes amis artistes comme mes étudiants de s’éloigner des associations et de l’art officiels. Si tu as un projet d’art à développer, essaie de te libérer des institutions officielles et d’affranchir ton expression de la dépendance à l’état et à son argent. P : Et qu’en est-il des expositions à l’échelle internationale ? SE : Je prépare actuellement une exposition en solo qui se tiendra à Londres en Décembre 2018. Mais, encore une fois, je ne décide pas forcément de cela, parce que le travail, une fois achevé par l’artiste, commence une autre vie à partir des galeries et qui dépend du marché de l’art, des collectionneurs... Une vie donc qui échappe à l’artiste. Je regrette, cependant, d’exposer surtout à l’étranger pour le moment. C’est parce qu’en Tunisie, il y a très peu de galeries indépendantes de l’état, avec des galeristes qui sont pour la plupart des «commerçants», qui vendraient la peinture comme tout autre produit, sans s’intéresser réellement à tout ce qui touche à la culture et qui entoure et accompagne le travail artistique lui-même. J’en connais des artistes de renom qui sont passés par des situations difficiles sans que ces galeristes interviennent, alors qu’ils auraient pu les dépanner en leur achetant quelques travaux, par exemple. P : ... des galeries préférées en Tunisie ? SE : J’ai travaillé avec tous les grands galeristes en Tunisie et je travaillerais encore avec eux sans préférence aucune, vu que la relation s’arrêtera au niveau de la vente de l’oeuvre. D’ailleurs, cette attitude des galeristes a tendence à encourager indirectement des formes artistiques «vendables» au détriment des formes expérimentales, et c’est dommage pour la création artistique en général qui se conditionne de plus en plus par la possibilité de vente. 51


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Cela dit, en ce qui me concerne, la reconnaissance à l’étranger crée de l’intérêt en Tunisie, ce qui me permet une certaine liberté, et c’est malheureux que ce soit ainsi, c’est à dire que «le goût» se crée par la reconnaissance. P : Pour revenir aux conseils que vous donnez de ne pas exposer avec les organismes officiels, pouvez-vous nous expliquer cela davantage ? SE : Eh bien, comme je l’ai déjà dit, il est plus que temps d’arrêter, en Tunisie, avec la logique du butin et du pillage des fonds de l’état. L’Union des Artistes Plasticiens, qui est une association «pseudo-indépendante», compte une majorité d’artistes, très modestes, dont la production se limite à une oeuvre par an (l’état n’achète pas plus d’une oeuvre par artiste chaque année). Ces artistes mettent leurs travaux dans l’exposition annulelle de l’Union (à des prix non justifiés), qui «oblige» la commission d’achat, par des moyens forcément douteux, de dépenser presque la moitié de son budget annuel pour cette exposition (autour d’un demi milliard). Cet argent peut être bien plus utile autrement. Et si je dis que cette association n’est pas indépendante, c’est parce qu’elle nous a habitués aux actions de propagande en faveur de l’ancien régime dictatorial, ses dirigents s’arrangeaient toujours pour être proches du ministère de la culture et du ministre, et continuent aujourd’hui d’être en parfaite harmonie avec les décisions de l’état et avec sa politique. L’Union n’a jamais eu de position critique vis-à-vis de quoique ce soit. Rien ne devrait permettre à un artiste libre de devenir un porte parole de l’état. Je rappelle que l’état a porté plainte contre des artistes, suite à l’affaire El Ebdelleya, et que certains d’entre-eux sont poursuivis jusqu’à ce jour, (Mohamed Ben Slama par exemple). Un ministre avait parlé aux côtés d’un imam pour attaquer les artistes et les traiter d’amateurs (Nadia Jelassi est amateur selon lui !), donc il s’agit d’un ministère aux idées figées, qui ne connaît même pas les artistes et qui ne les respecte pas. D’autres détails révèlent ce manque de sérieux : les ronds-points par exemple, regardons qui obtient ces marchés, si la procédure légale a bien été respéctée, qui valide les projets, en fonction de quoi, s’il y a des traces des travaux de recherche, comment se fait le travail, qui le paie, à qui revient la grosse part... ? Il n’y a qu’à voir la médiocrité des résultats pour être convaincu de celle de la démarche. Pour résumer, la source de tous ces problèmes est que l’état a un budget pour la Culture mais ne sait pas de quelle manière le dépenser. Cela crée de l’opportunisme et l’encourage indirectement. P : Est-ce qu’il est plus facile d’enseigner les arts plastiques quand on est artiste ? SE : Je ne me considère pas comme un maître d’atelier. Quand je viens à l’institut je suis enseignant et je donne mes cours convenablement. Je n’oublie pas l’artiste parce qu’il est tout simplement en moi et que je ne peux pas le taire. Ce n’est pas seulement que l’artiste n’est pas l’enseignant, mais que l’artiste n’est pas uniquement un praticien qui a un savoirfaire technique, mais d’abord quelqu’un dont la réflexion fait partie de son mode de vie. C’est de la même manière qu’il peut enseigner ou être un bon citoyen et cela affecte son rapport à l’autre et sa manière d’être en général. N’est pas artiste celui qui vole l’argent de l’état par exemple. L’art est en chacun de nous et c’est quand il est développé qu’il fait un 52


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bon enseignant ou un bon artisan, ou même un bon policier. Il a alors le sens de savoir-faire mais aussi celui de créativité et d’intelligence. Donc quand j’enseigne, je ne me pose pas cette question, je fais juste de mon mieux pour enseigner et c’est tout. P : Est-ce que vos choix personnels, votre sensibilité n’influencent pas votre évaluation des travaux des étudiants ? SE : Il faut dire que tant que les critères d’évaluation sont claires, que ce soit dans les jurys avec plusieurs enseignants ou au courant de l’année, le problème ne se pose pas. Mais encore une fois, il n’y a pas de contradiction, puisque l’artiste aussi travaille à encourager les différences et à les faire accepter. Donc il ne faut pas que les travaux des étudiants ressemblent à celui de l’enseignant mais non plus qu’ils se ressemblent entre-eux. P : Quelles matières choisissez-vous d’enseigner ? SE : à l’ISBAS, je n’ai jamais choisi une matière en particulier, à l’exception de «Art mural», une matière optionnelle qui a été malheureusement remplacée par «Aquarelle». Je trouve regrettable la tendence à favoriser, au niveau des options, les matières à caractère technique Elles sont plus faciles à enseigner étant basées sur des recettes... Ce problème est général et ne touche pas que les beaux-arts. Apprendre à quelqu’un à réfléchir, à interpréter, à concevoir, est la clé de l’innovation et c’est plus important que lui apprendre à exécuter. P : Que pensez-vous de Plastikos et des activités para-universitaires ? SE : J’encourage vos efforts et j’en suis sensible. Quand j’ai commencé le travail à l’ISBAS, j’ai créé un atelier de récupération ouvert à tous et qui a bien travaillé pendant un moment. J’ai eu aussi l’idée de créer, avec les étudiants, une publication concernant la critique, mais cela n’a pas abouti. Une des valeurs les plus importantes à enseigner actuellement à l’ISBAS et dans toute la Tunisie, c’est la Volonté. Il y a des milliers d’enseignants d’arts plastiques au chômage et que le gouvernement ne pourra pas embaucher, aucun gouvernement n’en est capable. Ils restent les bras croisés par désespoir alors qu’il leur revient de décider d’agir et d’avancer. La plupart ne donnent pas d’importance aux métiers qui sont en rapport avec l’art et ne se doutent pas de la possibilité de gagner leurs vies en étant artistes ou critiques ou encadreurs ou restaurateurs, etc. Donc il est très important de travailler sur la confiance en soi et en l’avenir. P : Auriez-vous des conseils à donner concernant l’orientation des étudiants en fin de première année ? SE : Je pense que la première année est trop courte pour que l’expérimentation soit suffisante au choix de la spécialité. De plus, ce temps court est mal exploité. Les programmes actuels ne tiennent pas compte du profil de base de l’étudiant qui, des fois, n’a jamais eu l’idée auparavant de regarder un film d’auteur ou de gribouiller, mais qui se retrouve d’un coup redevable de dessiner correctement un cube. Quel rapport a-t-il avec cette forme abstraite, ou avec un cylindre ? Quelle place a dans sa vie ce genre d’objets ? On ne se pose pas ces questions, mais de plus, on évalue sévèrement les exercices 53


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en faisant croire, des fois explicitement, à celui qui les rate qu’il n’est pas fait pour les études en art. Comment va-t-il faire un choix de spécialité avec cette idée en tête ? Si les formes simples sont indispensables pour dessiner des formes complexes, c’est le maillon de la prédisposition au travail et à l’apprentissage qui manque à la chaîne. Et c’est cette articulation qu’il faut travailler. On ne pourra résoudre ce problème qu’au moyen d’une pédagogie créative qui révise ses objectifs. Je préfèrerais sinon que l’évaluation soit moins sévère et que les exercices soient plus expérimentaux voire plus ludiques, pour atteindre en premier l’objectif de motivation, lequel poussera automatiquement les étudiants à évoluer dans ses différentes matières de base et d’apprendre par la suite d’une manière autonome. P : Auriez-vous des propositions à faire à Plastikos ou d’autres points à soulever ? SE : Il y a une problématique qu’on pourrait développer dans un documentaire et qui me tient à coeur : c’est celle de l’interférence entre le social et le pédagogique. J’imagine un film qui trace l’évolution d’un projet de fin d’études, depuis l’idée première jusqu’à l’aboutissement final et qui met en valeur l’impact de ce qui entoure le chercheur au quotidien dans sa vie sociale sur l’évolution de son projet à l’institut. Il faut savoir que beaucoup d’étudiants à Sousse se font déposer devant l’institut le matin par leurs familles pour être récupérés tout de suite après la fin des cours sans avoir eu l’occasion de «vivre» à l’institut en dehors des horaires administratifs, ou de discuter ou de se rendre à une bibliothèque. Il faut donc à mon avis travailler à la création d’une vraie vie universitaire qui permette à chaque étudiant de se sentir chez lui ici et d’aimer cet institut, et ce documentaire peut y participer. Il est d’une grande importance pour l’étudiant des beaux-arts d’être curieux, de voir les travaux d’autres étudiants dans d’autres disciplines, d’apprendre à les discuter, et de faire des expériences productives en dehors de la rentabilité administrative immédiate. Il est étonnant de ne pas voir des étudiants en art faire autre chose que leurs rendus scolaires. Apprendre à être concerné par son milieu de vie, son histoire et son actualité cela commence à l’université, et pour les futurs artistes, cela commence à l’institut et ses alentours, dans les intervalles, entre deux cours, entre deux salles, entre deux spécialités, dans l’officieux, le gratuit, le généreux et l’indépendant. propos recueillis en arabe par Kawther Mahjoubi et Maha Labidi et traduits par Oussema Troudi - photo Amira Lamti

Interview avec Karim Sghaïer, Manager de Elbirou Art Gallery, Sousse. Plastikos - Qui est Karim Sghaïer ? Karim Sghaïer : Un passionné d’arts. P : Elbirou, une galerie d’art qui ne cesse de rayonner depuis qu’elle a vu le jour, quelle est son histoire ? KS : C’était un dépôt de laine dans les années 60 et 70, qui abritait le siège de l’entreprise familiale « ETS Mohamed Malek Hassine ». L’idée de sa transformation est née après une 54


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exposition photo que j’ai réalisée en Décembre 2014 à Hammam Sousse et vu le manque des espaces dédiés à l’art. P : Vu le nombre réduit des galeries d’art en Tunisie, être galeriste n’est pas un métier courant, pouvez-vous nous parler de ce choix professionnel et nous définir en quelques mots en quoi consiste votre travail ? KS : Elbirou Art Gallery est plus une plateforme culturelle qu’une galerie d’art et mon travail consiste à promouvoir l’art et la culture dans la région de Sousse. Je me considère plus comme un manager de ce projet culturel que comme un galeriste. P : à quel point participez-vous donc, à diriger le travail des artistes ? KS : En tant que Manager de Elbirou Art Gallery, je respecte les différentes démarches des différents artistes. Je n’interviens pas dans leur travail. P : Qu’est ce qui fait la spécificité d’Elbirou Art Gallery ? KS : C’est une plateforme culturelle et artistique indépendante qui agit à plusieurs niveaux de l’art contemporain : tout d’abord elle donne l’opportunité à de jeunes artistes de s’exprimer : « El -1 » est un espace qui leur est dédié. Il met en avant des projets d’art conceptuel, underground… P : Comment décririez-vous la scène artistique tunisienne actuelle ? KS : En pleine effervescence. P : Et est-ce qu’on peut parler d’un marché de l’art tunisien ? KS : Il y’a un marché de l’art mais qu’il n’est pas structuré. P : Quelle-est votre ambition à travers cette plateforme culturelle ? KS : C’est de vulgariser l’art contemporain auprès d’un large public. P : Quels projets vous ont marqué le plus parmi ceux entrepris par Elbirou ? KS : Ceux qui ont mis en scène des artistes confirmés avec de jeunes chercheurs. (L’exposition Avec un fil, par exemple). P : Et quels évènements préparez-vous pour bientôt ? KS : «U.V – Utopies Visuelles», et «fekra TAYARA» propos recueillis par Kawther Mahjoubi - photo Asma Ghiloufi

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BANDE DESSINéE

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Le chat dépressif Dessin de Nadia Rjiba Texte de Oussema Troudi

Mars - Avril 2018 56


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On en a tous dans nos quartiers...

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ce chat ge’ant et moche...


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Oh ! Quel gros chat !!

celui-là que tu ne vois pas souvent, et qui te regarde droit dans les ^ yeux sans meme ^ s’arreter

et qui fait peur...

Et qui s’en va lentement, après avoir marmonne’ quelque chose, comme un bandit qui n’a juste pas le temps de se de’fouler.

La nuit...

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le chat marque toutes les entre’es potentielles et les lieux de passage d’un e’ventuel rival.

murs,

pneus de voitures en stationnement...

arbres,

tout y passe.

Le matin, tandis que les murs et les arbres restent là, les voitures, quittent le quartier et se dispersent le temps d’une journe’e dans les parkings de la ville...

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... où d’autres chats les marquent à leur tour.

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Tous les soirs, notre ami ne comprend rien.

^

^

Ses rivaux sont par dizaines, leurs marquages semblent se cotoyer sans les avoir gene’s et par dessus le marche’, ils sont tous invisibles !

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C’est dire que des esprits malveillants se sont ligue’s contre lui.

Commencent alors les questions existentielles...

Cette vie a-t-elle du sens ?

Pourquoi moi ?

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Ce que la nature lui inflige est injuste. Rien dans ses gènes ne le pre’dispose à cette torture...

Au bord de la folie...

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Il e’puise alors de nouveau ses re’serves d’urine et refait tout le travail à coup de jets nerveux...

Combien de temps tiendra-t-il encore ?

FIN

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Est-ce que non est une bonne réponse ? Est-ce que non est une bonne répon à cette question, répondre par oui ou par non n’aurait pas de sens. Pour savoir si non est une bonne réponse, il faut d’abord connaître la question. Il y a bien des questions qui ne trouvent pas de réponses, mais chaque question en cherche au moins une. De même, il est possible qu’on doute des questions qui correspondent à une réponse, mais chaque réponse en a bien au moins une. Une question qui n’attend pas de réponse n’en est pas une. Une réponse qui ne suppose pas de question n’en est pas une non plus. «Question» et «Réponse» sont donc deux fonctions qu’une expression peut avoir. Par exemple, «Un chat» peut être une question ou une réponse. Dans un texte, qui est muet, et qui est destiné à être lu, on utilise un signe de la ponctuation, le point d’interrogation, pour signifier au lecteur la présence de la fonction «Question». On écrit alors : «Un chat ?» et on comprend tout de suite qu’il y a un questionnement à propos du chat. Par contre, il est un fait curieux que la ponctuation n’ait rien prévu pour distinguer les réponses. Du coup, quand on parcourt un texte, on détecte facilement les questions grâce aux points d’interrogation, alors que les réponses peuvent passer inaperçues. La fonction «Réponse» est pourtant souvent très utile, non pas uniquement parce qu’elle pourrait, si elle tombe bien, calmer une «Question», mais surtout parce qu’elle possède l’étrange pouvoir de sauver n’importe quelle affirmation de l’erreur ou de la contradiction. Par exemple, «Les chats peuvent parler» est une affirmation qui ne dit pas vrai, mais si on la transforme en «Réponse», il suffirait de lui bricoler une «Question» pour qu’elle devienne juste.

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On pourrait alors poser la question : «Dans Le royaume des chats des Studios Ghibli, quel phénomène étrange peut-on noter à propos des chats ?», et là, notre affirmation, habillée en réponse, devient tout à fait juste.

Malheureusement, tout comme la ponctuation ne permet pas dans un texte de déceler les réponses, elle ne permet pas non plus de faire la différence entre une vraie question et une question bricolée, c’est à dire entre une question qui ne connaît pas ses possibles réponses, puisqu’elle les précède, et une question qui est fabriquée à partir d’une réponse donnée, pour en légitimer le contenu. Mais alors que la première cherche des solutions aux problèmes posés en s’aventurant sur des territoires inconnus, la deuxième, confortable, ne sert qu’à asseoir davantage la position actuelle, donc qu’à l’aggraver. Cette manipulation peut être encore plus grave lorsqu’au lieu de résoudre une question en prenant la peine de lui chercher une vraie réponse, on la transforme ellemême en réponse pour lui bricoler une autre question qui en justifie du coup l’existence autrement que par son véritable besoin initial. Un lâche détournement ! Si l’enseignement des arts visuels dans nos instituts, que les réunions administratives ne font que ponctuer, continue à bricoler des programmes pour légitimer et maintenir des pratiques pédagogiques impertinentes, il ne formera que des artistes et des citoyens qui, à son image, choisiront le confort au lieu d’affronter les véritables questions de leur temps. Oussema Troudi


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e it e ga zet t ssé les c o ndu emain a p une s is, ce qui a orer la é n e a d li 5 un mo d’amé ge s A 30 pa pages en n et permis ois d’Avril, m 0 io 7 u t et les e une séléc Au début d e que faisait . s ir s a le f e b agée em r om à en e l’ens vu de la p n s’est eng t le d é t li qua t au ministratio n met tan e u em e n d et uniq e travail, l’a e la gazet te ssaires à la e d d c n n é le pla ir la parutio e travail n t au comité d n n s a e t e n u c n do c er ne spa à so t les e lub, tout en n ce qui con enu e r ie p pa uc té e conv ition d aussi e liber dispos tion l’entièr te. Il a été exemplaires ac r zet de réd u de la ga ion de 100 bolique pou n it e m t d n y n é e s o re le c prix club premiè et du e à un qu’une e à la vent de l’ISBAS s mis nt serait les dépense se s o n io ir s t s r . n e o do c pr ag e am t en tir essais d’im numéro aura défi e r ie p pa ier s t un remier e p r em elevan : Les p s le 8 Mai. C 5 jours en r « record » 3 é e t u c e n t n c e c ef fe ctem forma n ef fiscien o en exa s a p er abouti or tant que cessité et s por tance du p né im im l’ a nt s r s r e lu v e p u u nieme d e pr o e restit s l’af fi celui d collectif et utionnel dan tion. vail stit stitu au tra de l’in para-in

Appel à Appel à contribution pour le contribution pour numéro 2 2 le numéro PIC la gazette lance un appel à tous les étudiants et enseignants de l’ISBAS, pour contribuer à son deuxième numéro dont le thème central est «Le papier dans l’art». La gazette a désormais aussi des rubriques fixes : Actualité culturelle, Pédagogie, Lectures, Interviews, et s’enrichira d’autres rubriques selon les propositions. L’appel à contribution détaillé est publié sur le site web du Club : www.plastikos.jimdofree.com

Remerciements 67


PIC n°1 - ISBAS - Printemps 2018

équipe du n°1

PIC n°1 - Printemps 2018 Comité de Rédaction : Asma Ghiloufi, enseignante à l’ISBAS. Mohamed Nejib Mnasser, enseignant à l’ISBAS. Oussema Troudi, enseignant à l’ISBAS. Rédaction et dessin : Imen Bahri, enseignante à l’ISBAS. Rihab Balbali, 3ème Licence Fondamentale en Arts Plastiques, Arts Médiatiques. Yasmine Chebil, 1ère Licence Fondamentale en Arts Plastiques. Samia El Echi, enseignante à l’ISBAS. Mouna Fradi, 2ème Master de Recherche en Arts Plastiques. Ridha Jawadi, enseignant à l’ISBAS. Nadia Lajili, 3ème Licence Fondamentale en Arts Plastiques, Gravure. Rayen Maaroufi, Licence Fondamentale en Biologie. Hana Mtir, 2ème Licence Fondamentale en Arts Plastiques, Gravure. Nadia Rjiba, 2ème Licence Fondamentale en Arts Plastiques, Gravure. Manel Romdhani, 2ème Master de Recherche en Arts Plastiques. Amel Zguem, 2ème Master de Recherche en Arts Plastiques. Reportage et documentation : Ameni Ben Salem, 1ère Licence Fondamentale en Arts Plastiques. Sarra Chatti, 1ère Licence Fondamentale en Arts Plastiques. Yasmine Hamrouni, 1ère Licence Fondamentale en Arts Plastiques. Chaima Harchi, 1ère Licence Fondamentale en Arts Plastiques. Amira Lamti, 2ème Licence Appliquée en Arts Plastiques, Photo. Kawther Mahjoubi, 2ème Licence Fondamentale en Arts Plastiques, Arts Médiatiques. Nada Methamem, 1ère Licence Fondamentale en Arts Plastiques. Interview : Zied Ben Hassine, 2ème Licence Appliquée en Arts Plastiques, Photo. Nada Chahed, 2ème Licence Fondamentale en Arts Plastiques, Arts Médiatiques. Maha Labidi, 2ème Licence Fondamentale en Arts Plastiques, Arts Médiatiques. Amira Lamti, 2ème Licence Appliquée en Arts Plastiques, Photo. Kawther Mahjoubi, 2ème Licence Fondamentale en Arts Plastiques, Arts Médiatiques. Graphique et publication : Oussema Troudi, enseignant à l’ISBAS. Communication : Ameni Ben Salem, 1ère Licence Fondamentale en Arts Plastiques. Maha Labidi, 2 LFAP, Arts Médiatiques. Amira Lamti, 2ème Licence Appliquée en Arts Plastiques, Photo.

Remerciements La rédaction du PIC n°1 remercie la direction et l’administration de l’ISBAS, pour leur soutien, tous ceux qui ont assisté aux ateliers du club, ses invités, ceux qui ont contribué au contenu de la gazette en acceptant de vérifier des textes ou de nous accorder des interviews, ainsi que tous les membres de Plastikos ISBAS Club.

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PIC

Gazette culturelle créée par Plastikos ISBAS Club, parue à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Sousse le 14 Mai 2018. 2 ème édition, 21 Mai 2018. Cette deuxième édition comporte 68 pages en noir et blanc et une couverture en couleurs. photo de la couverture : Sarra Chatti Coût de l’exemplaire (impression numérique et reliure manuelle : 2,250 Dinars. Prix de vente à l’ISBAS : 2 Dinars. (au profit de Plastikos ISBAS Club, contre un reçu signé, portant le cachet du club) Site web de Plastikos ISBAS Club : www.plastikos.jimdofree.com Page Facebook : @plastikosisbasclub E-mail de la gazette : piclagazette@gmail.com Tous droits réservés aux auteurs.


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