N°5 Mémoire photographique champenoise

Page 1

Mémoire photographique Champenoise « Centre Régional de la Photographie de Champagne Ardenne » Villa Bissinger 51160 Ay

-

Photo n° 29856 du 27 janvier 1927 : le bébé tout nu sur un coussin, une mode qui dure jusque dans les années 60…

N° 5 Automne-hiver 2007 Parution du n° 6 le 1° juin 2008

http://fondsphotographiquepoyet.fr


Enfin, nous nous installons ! Les demandes de tirages de photographies du fonds Poyet affluent, grâce au site Internet où chacun peut faire une recherche afin de savoir si son nom figure dans les fichiers actuellement en ligne (37 876 fiches sont saisies pour la période allant de 1902 à juin 1937) Ne manquez pas d’interroger notre base de données http://memoirephotographiquechampenoise.org/conservatoire.htm Nous avons investi notre nouveau local, et sommes entrain de ranger les cinq tonnes de plaques de verre qui, d’ici le mois de septembre, seront donc accessibles et nous permettront d’effectuer les tirages demandés.

Près de la moitié des plaques sont déjà rangées

Des paniers à vendange bien utiles qui abritent notre trésor depuis des mois

Les boites sont triées chronologiquement avant d’être mises à l’abri dans des classeurs métalliques

Les classeurs de rangement : 10 m de longueur sur 2 m de hauteur pour abriter les 100 000 clichés !

Dans les mois qui viennent, la pièce où sont étalés les paniers deviendra un laboratoire dans lequel nous effectuerons les tirages argentiques. D’ici un an, nous espérons pouvoir commencer à proposer des animations et des formations autour des techniques modernes et anciennes de prise de vue et de laboratoire. Après plusieurs années d’errance, ce local prêté par la Municipalité d’Ay conforte notre action pour la conservation et la mise en valeur des photographies anciennes… Un grand merci à la Ville d’Ay ! -1-


Mémoire photographique champenoise Bulletin de l’Association loi de 1901

Centre Régional de la Photographie de Champagne-Ardenne Villa Bissinger 51160 Ay Le Mot du Président par Hubert Ballu

Erratum : La bourse photo annoncée en p.28 à Cormeilles en Parisis a lieu le dimanche 18 novembre 2007 et non pas, bien sûr, le 19 novembre 2006 !

Enfin installés ou presque, c'est le sujet du premier article de cette nouvelle édition. Il y avait longtemps que nous attendions tous ce moment pour pouvoir accéder aisément à nos collections. Merci au maire d'Aÿ pour son soutien dès le début de cette aventure et pour les aménagements réalisés dans ce lieu. Cette installation va nous permettre de pouvoir accéder à nouveau au fonds. C'est ainsi que tous les amateurs de portraits pourront obtenir des tirages. (voir les conditions sur notre site Internet) Par ailleurs la numérisation des photos concernant le Champagne est terminée. Restent les 3000 plaques sur la vie locale à numériser. Nous devrions reprendre cette année la découverte des communes en faisant une nouvelle intervention dans un village encore à déterminer. Ces interventions sont bien sûr une source de collecte pour notre fonds et elles deviendront habituelles dans le futur. Dans ce numéro vous lirez la découverte d'un laboratoire resté intact depuis plus de cent cinquante ans, fermé par la famille du photographe après sa mort et dans lequel tout les produits sont encore dans leurs flaconnages, accompagnés de centaines d'ouvrages. Une véritable mine pour les chercheurs travaillant sur l’histoire de la photographie. La photo ratée l’est-elle vraiment ? Un article qui peut donner des idées pour réaliser des expositions sur le thème de l'erreur, en lien, pourquoi pas avec l’humour en photographie ? Nous sommes en Champagne, notre collectrice de mémoire nous le rappelle ! Les bébés dans le fonds Poyet : naissance d’un style qui a duré longtemps… Comme vous pourrez le constater, l'univers de la photographie est inépuisable et au fil des numéros les sujets abondent. A signaler que notre rédacteur en chef serait heureux d'avoir de nouveaux collaborateurs. Tout sujet en rapport avec nos préoccupations sera bienvenu…

Sommaire : - Enfin, nous nous installons - Le mot du Président, sommaire - Le site Internet de notre association - Histoire de la photographie. Chapitre 5 - Les Français disent du mal de Talbot - Henry Fox Talbot philosophe - Vous avez dit “Fautographie” ? - La légende de Ste Véronique, patronne des photographes - Le plus ancien laboratoire photo au monde - Qui était Fortuné-Joseph Petiot-Groffier ? - Mémoire de cavistes (suite) - Les bébés dans le fonds photographique Poyet - Humour photographique - Des expositions à ne pas manquer

p.1 p.2 p.3 p.4 p.6 p.7 p.8 p.11 p.13 p.15 p.16 p.20 p.25 p.28

Notre assemblée générale aura lieu le jeudi 11 janvier 2008 à 18h30 à la Villa Bissinger à Ay

Quelques cartes de photographes régionaux

Contact à la Villa Bissinger : Rachel Payan 03 26 56 36 80 ou 06 33 42 63 70 site internet : http://memoirephotographiquechampenoise.org -2-


Le Site Internet de notre Association : un lien efficace avec le public Les 473 pages du site de l’association suscitent un réel intérêt. Du 1 Janvier 2007 au 11 août 2007 : 9 282 visites pour 19 437 pages vues Mois Nombre de visites Nombre de pages vues Janvier 691 1 192 Février 570 1 519 Mars 1 070 2 164 Avril 1 256 2 280 Mai 1 176 1 876 Juin 1 328 2 547 Juillet 2 708 soit plus de 87 par jour 6 535 Août (jusqu’au 11) 483 1 324 Rappel : de mai 2006 (mise en ligne su site) à décembre, nous avions eu 2423 visiteurs. Très fréquenté, le site comporte un moteur de recherche fortement utilisé, qui permet à chacun de trouver en un instant toutes les pages du site comportant le nom qu’il recherche. Chaque semaine, le robot « Free Find », situé aux Etats-Unis, nous adresse un rapport sur toutes les requêtes qui ont été enregistrées. A titre anecdotique, au mois de juin, monsieur Montaudon, responsable du Champagne du même nom, tapait dans Google la requête : « Montaudon + Joséphine Baker » et tombait, en tête de page, sur l’article paru dans le bulletin n° 3 sur « le champagne dans le Fonds Photographique Poyet ». Ce qui l’a amené à prendre contact avec nous, et découvrir que nous avions beaucoup de photographies sur son entreprise…en particulier deux photos de la visite de Joséphine Baker dans cette maison de champagne le 28 octobre 1936 à Epernay. (Ce n’est qu’en 1958 que la maison Montaudon déménagea à Reims). Du nouveau sur le site : Sur la page « conservatoire » vous pouvez cliquer sur la ligne « liste des noms figurant dans le fichier champagne » qui vous conduira à cette liste avec pour un certain nombre, une galerie de photographies concernant ces différents noms. C’est en cours de construction. Autre nouveauté : une galerie d’exposition temporaire accessible sur la page d’accueil : actuellement, St Vincent en Champagne : 58 images anciennes : bâtons de St Vincent et groupes des différentes confréries villageoises. Toutes ces photos peuvent êtres commandées. Il suffit de noter les références et d’envoyer un courriel à commande@memoirephotographiquechampenoise.org Nous recherchons toujours des correspondants dans les 173 municipalités marnaises représentées dans le Fonds Poyet pour enrichir notre photothèque. A terme, nous voudrions pouvoir mettre en ligne sur le site quelques photographies actuelles (ou anciennes) de chacune de ces communes. Si vous disposez d’un appareil photo, de temps, et de passion pour votre commune, merci de prendre contact avec notre secrétaire, Rachel Payan, au 03 26 56 36 80. ___________________________________________________________________________ 40° anniversaire du jumelage Ay-Besigheim : Les photographies des participants à ces festivités sont visibles sur le site de l’Association. Ne tardez pas à passer vos commandes de tirages en ligne. Notre assemblée générale aura lieu le jeudi 11 janvier 2008 à 18h30 à la Villa Bissinger à Ay -3-


Histoire de la photographie. Chapitre 5 Si l’invention de la photographie est hautement revendiquée par la France, à travers Niepce et Daguerre, l’Angleterre y est aussi pour quelque chose grâce, en particulier à William Fox Talbot, un scientifique pluridisciplinaire comme son siècle en a connu beaucoup, qui 6 ans avant Daguerre, brevetait un procédé qui allait devenir le vrai et seul avenir de cette technique merveilleuse…

donnait du chlorure d’argent. Nous avons vu dans les chapitres précédents que l’on connaissait les propriétés photosensibles du chlorure d’argent depuis longtemps. Après l’exposition, l’image était fixée avec un sel de potassium. Ce fixage est essentiel dans sa découverte. En effet, il arrête l’effet de la lumière sur le chlorure d’argent en supprimant tout simplement celui-ci, ne restant alors sur le support, que l’image formée d’argent métallique noir.

William Fox Talbot

Talbot poursuivit ses essais en utilisant la chambre noire. Il se servait de chambres de petite taille, appelées « souricières » par sa famille. En 1835, il obtint le premier négatif sur papier qui nous soit parvenu. Cette petite image négative de 2,5 cm de côté représente une fenêtre, prise de l’intérieur de Lacock Abbey, sa résidence dans le Wiltshire.

En 1833, lors d’un séjour au lac de Côme en Italie, Talbot tenta de reproduire des paysages en s’aidant d’une chambre claire, pour tracer des esquisses. Mais cette technique supposait de dessiner, ce qu’il n’appréciait pas. Il chercha alors à obtenir des images durables par un autre moyen et débuta ses expériences photographiques. Son premier procédé s’appelait « dessin photogénique ». Il consistait à placer un objet sur une feuille de papier sensibilisée, puis à exposer le tout à la lumière, avant de fixer l'image obtenue.(Voir les photogrammes pratiqués dans tous les clubs photo…) La silhouette de l'objet - feuille d’arbre, plante, plume, dentelle... - apparaissait en négatif. Le support photosensible était fabriqué en mouillant une feuille de papier dans une solution de sel de cuisine, puis de nitrate d'argent. La combinaison de ces deux produits -4-

L’un des premiers négatifs sur papier obtenu par Talbot


Il perfectionna son procédé et déposa un brevet en Angleterre en 1839, l’année même où l’état français achetait pour la rendre publique l’invention de Daguerre.

Queens College à Oxford

Pourquoi avoir attendu 1839 et la publication de l’invention du daguerréotype pour divulguer ses propres recherches, nous ne le saurons sans doute jamais. L' épreuve obtenue par Talbot sur papier était bien évidemment négative et il utilisait ce négatif pour obtenir à partir d' un seul cliché plusieurs tirages positifs sur papier au chlorure d' argent ( papier salé ), contrairement au daguerréotype qui était bien évidemment une image unique. Le tirage était ensuite lavé et fixé avec du chlorure de sodium, ce qui assurait une certaine stabilité de l’image. Il semble donc que Fox Talbot fut le découvreur du procédé Négatif / Positif qui est encore utilisé de nos jours. Le CALOTYPE, c'est à dire le négatif sur papier, nommé ainsi par Talbot lui-même n' a pas profité comme le daguerréotype des nombreuses améliorations dues à quantité de chercheurs, le procédé étant dans le domaine public. En effet Fox Talbot déposa un brevet pour sa découverte et attaquait systématiquement quiconque utilisait son procédé, ce qui refroidit très certainement de nombreux chercheurs et ne permit pas au calotype de se développer aussi rapidement que le procédé de Daguerre. Malgré cela le calotype suivit son bonhomme de chemin et s’imposa bientôt avec ses avantages ; possibilité de tirer plusieurs épreuves à partir d’un seul négatif, prix de revient nettement inférieur. Un problème subsistait tout de même, c’était la perte des détails à cause de la structure du papier qui créait quelque soit la netteté du cliché un certain

flou sur les positifs. Pour pallier cet inconvénient on a essayé toute une panoplie de procédés, on a ciré, vernis, "benziné", le papier négatif mais rien ne permettait d'obtenir des résultats parfaits, il fallait trouver autre chose. Et évidemment quand l'esprit humain se met à chercher il trouve. En 1847 un certain Abel Nièpce de Saint-Victor (qui n'est autre que le cousin de Nicéphore Nièpce) fait connaître à l’académie des sciences son procédé qui permet d’obtenir les négatifs sur plaques de verre et de ce fait de supprimer tous les inconvénients du négatif papier en conservant les avantages. Le procédé en question consistait à étendre sur une plaque de verre de l’Albumine d'oeuf dans laquelle on avait dissout de l’iodure de potassium, après séchage la plaque était sensibilisée, exposée, développée, et fixée. Ce procédé à l’albumine permettait d’obtenir des clichés d’une très grande finesse, mais souffrait d’un handicap majeur, le temps d’exposition était extrêmement long. Et quelques années plus tard une nouvelle substance allait faire son apparition et remplacer l’albumine : le Collodion. La description du procédé risquerait d’être fastidieuse pour nos lecteurs, et compte tenu que dans quelques temps, nous proposerons au public des stages de découverte des techniques anciennes de la photographie, je préfère vous renvoyer sur Internet (comment y échapper ?) pour apprécier le travail fait par Alain Gayster, un amateur passionné, qui décrit avec une grande minutie et de nombreuses illustrations sa pratique du calotype gélatiné : http://www.photo-helios.org/ En 1862, E. de Valcourt publia dans la collection des Manuels Roret – sorte d’inventaire exhaustif des techniques du 19° siècle -, livre en deux tomes, intitulé : « Nouveau manuel complet de photographie sur métal, sur papier et sur verre contenant toutes les découvertes de Mrs Niepce et Daguerre, Talbot, Blanquart Evrard, Niepce de St Victor, etc… précédé d’un résumé historique et critique sur l’origine et les progrès de la photographie. » Jetons-y un coup d’œil… -5-


Les Français disent du mal de Talbot…

L’atelier de Talbot à Reading en Angleterre

« Il faut en convenir, la photographie de Talbot ne se révélait pas au monde avec les mêmes attraits, avec la même coquetterie qui séduisaient au premier abord dans la plaque daguerrienne. Elle n’avait pas pour elle l’appui des noms les plus illustres de nos corps savants (*) ; semblable à la pauvre Cendrillon, elle était délaissée de tous, et c’est à peine si, en passant, on daignait jeter un regard de pitié sur ses vêtements sombres et vergetés de taches. Cependant, à travers la gaucherie et le négligé de la débutante on pouvait déjà deviner des beautés d’un ordre supérieur qui en se manifestant dans tout leur éclat, devaient faire trembler sa rivale préférée et lui arracher un jour le sceptre de la vogue. On se souvient encore de l’enthousiasme qui se produisit à l’apparition des premières épreuves lancées dans le public par M. Blanquart-Evrard » E de Valicourt dans le manuel Roret précédemment cité La langue n’est-elle pas admirable ? (*) Le fait que Talbot ait breveté son invention fit que contrairement au procédé de Daguerre rendu public, il n’y eut personne pour améliorer le procédé, avant ce négociant Lillois, qui par sa méthode aussitôt rendue publique, obtint une transparence du papier négatif permettant enfin un espoir de développement du procédé négatif positif qui, très vite, dès que le verre fut utilisé comme support de la couche sensible, allait définitivement détrôner le procédé de Daguerre et permettre à l’infini la reproduction d’une même image issue d’un négatif unique. Nous en reparleront dans le prochain numéro de notre bulletin, à propos de l’invention du procédé au collodion… (à suivre…)

-6-


Pour Talbot, une photographie se distingue d’une image artistique, en ce sens que l’image est fabriquée matériellement par l’homme, qu’elle est le produit d’un travail intellectuel et manuel. La « connaissance du monde » est déjà en elle. Une photographie, au contraire, n’est pas « faite ». Elle « s’est faite ». L’agent de sa naissance est le même que celui de toute vie dans le monde, l’énergie la plus grande et la plus sublime de la nature, la lumière.

Henry Fox Talbot philosophe C’est Talbot qui, le premier, publia en 1844 un recueil de photographies sous le titre de ‘the pencil of nature’

Photogenic drawing

Pour Talbot, finalement, le photographe n’existe que dans le commentaire de l’image que la lumière a créée.

Ce simple titre montre déjà la réflexion à caractère philosophique de l’auteur. Il pensait que l’image photographique arrêtait le temps, et c’est pour cette raison que pour lui rendre vie, il accompagnait toujours ses images d’un commentaire comme si sans ce commentaire il n’y avait de la part du photographe, aucune création.

Le portail de Christ Church collège à Oxford

Ainsi, cette image est accompagnée du texte suivant : « Tous ceux qui ont visité Oxford et Cambridge pendant les vacances d’été ont été frappés par le silence et le calme qui enveloppent ces vénérables temples du savoir. » Il fait entrer la vie dans le travail impersonnel de la lumière… A cette époque, personne n’a encore l’idée de « mise en scène » ou comment faire dire ce que l’on veut à une photographie… -7-


Vous avez dit : « Fautographie » ? Clément Chéroux, éminent historien de la photographie, a publié en 2003 un livre remarquable, intitulé « Fautographie, petite histoire de l’erreur photographique » (ed. Yellow Now). Il y rassemble un nombre important d’exemples de photographies considérées comme ratées : ombre du preneur de vue, qu’il appelle « l’auto-ombromanie », superpositions d’images, défaut d’étanchéité du boîtier à la lumière, enfin, tous ces accidents de prise de vue ou de traitement de l’image qui la font considérer comme étant ratée.

Un bon exemple, issu de notre fonds Poyet : cette prise de vue datant de novembre 1946 où l’on découvre l’ombre du photographe et de son appareil…Imaginons qu’au tirage, il a pu facilement recadrer son sujet et livrer un cliché sans défaut… ___________________________________________________________________________ Cette photo de Jacques Henri Lartigue est universellement connue. Prise en 1913, elle ne satisfaisait pas son auteur à plusieurs titres : selon les règles de l’orthodoxie photographique alors en vigueur, l’image était trois fois ratée, car floue, décadrée et déformée. En réalité, même s’il n’a pas eu dans son champ la voiture entière, Lartigue a suivi le mouvement de celle-ci avec pour conséquence un arrière plan flou… -8-


Cette vue issue du fonds Poyet pourrait subir la même critique. Elle a été prise par Jean Poyet pour le Lieutenant Chassaing, le 3 octobre 1933. L’identité de situation avec la photo de Lartigue est saisissante. L’arrière plan est flou, du fait que le photographe, malgré le poids de sa chambre photographique, a effectué un mouvement vers la gauche, lui permettant, malgré une vitesse de prise de vue sans doute de l’ordre du 30° de seconde, d’obtenir une image parfaitement nette de son sujet en mouvement, et le flou de l’arrière plan ne fait qu’accentuer l’idée de mouvement. Peut-on parler de défaut ou de fautographie ? C’est sous l’influence des surréalistes, dans les années 1925, que l’erreur photographique, la fautographie, devint un moyen d’expression dont usa particulièrement Man Ray. On raconte qu’il acheta à Eugène Atget qui, dans les années 1900 prit quantité de clichés des vitrines parisiennes sans se soucier le moins du monde d’y voir son reflet, une cinquantaine d’images dont une dizaine sont moirées de reflets dans les vitrines.

Photographie de Eugène Atget, Antiquités, 21 Foubourg St Honoré, Paris (BNF)

Dès lors, l’utilisation du reflet devint presque systématique, ainsi cette photographie ci-contre, de Lisette Model intitulée « Premier reflet » (New York, 1939-1940, galerie Baudoin Lebon, Paris) -9-


Finalement, le temps et l’évolution des perceptions peuvent faire d’une erreur technique une création artistique qui finit par être reconnue comme telle. Laissons la parole à Clément Chéroux, pour conclure : « Une vitrine seule ne produit pas de hasard. Pour que le reflet existe, il faut qu’au gré de ses pérégrinations, le piéton surréaliste passe aux abords de la devanture. Mais là encore, le reflet peut être totalement dénué d’intérêt, voire le piéton d’attention. La collusion de ces deux causalités peut donc produire un résultat positif ou négatif. Le hasard est heureux ou malheureux. Les erreurs photographiques partagent la même ambivalence. « Ce n’est pas parce qu’une photographie est ratée qu’elle est bonne » affirme Jean Philippe Charbonnier, un grand photographe de reportage, malheureusement méconnu du grand public. (il est décédé en 2004). Les photographies que nous évoquons sont de véritables perles, au sens où le conçoit la littérature… ou l’ostréiculture. Comme ces petites concrétions de nacre, précieuses et magnifiques, elles sont la bienheureuse conséquence de l’introduction accidentelle d’une impureté au cœur de la matrice… »

Carton d’invitation de Benjamin Vautier, dit « Ben » pour son exposition présentée à la Maison européenne de la Photographie à Paris, en juillet 1997

- 10 -


- 11 -


- 12 -


Un tour de clé et une porte s'est ouverte sur un passé vieux de 152 ans. Un laboratoire de l'un des tout premiers photographes au monde vient d'être redécouvert. Intact.

- 13 -


C'est en 1840 que Joseph Fortuné Petiot-Groffier ouvre son laboratoire. Il s'en servira jusqu'en 1855 et décédera mystérieusement, probablement à cause des chimies photographiques. Prudemment, les héritiers fermèrent la porte. De génération en génération, la demeure des environs de Chalon est restée occupée mais cette pièce restait close sans pourtant être totalement oubliée. Car la famille a toujours eu conscience de conserver ainsi un trésor mais qui restait soigneusement bouclé à double tour derrière sa porte en bois, au deuxième étage - désormais inoccupé - de l'habitation. Il y a deux ans, le dernier membre de la famille hérite à son tour de la demeure et c'est là qu'il découvre le trésor. Mais il lui faudra deux ans pour déterminer à qui il choisira de la confier, soucieux de le préserver complet, de ne pas le disperser. C'est ainsi qu'en début d'année, il décide de contacter Pierre-Yves Mahé, l'initiateur de la Maison Nicéphore Niépce, à Saint-Loup de Varennes. « J'ai quelque chose à vous montrer », glisse-t-il. Pierre-Yves Mahé veut venir voir sur place la réalité de cette découverte sans deviner un instant ce qui l'attend. « Je n'attache pas une importance colossale à cette annonce au départ », confie M. Mahé qui a déjà vu des promesses de découvertes sensationnelles se révéler finalement bien banales. Pourtant, quand la fameuse porte s'ouvre enfin devant lui, c'est un monde oublié qui apparaît. Un laboratoire complet, intact, tel que l'avait laissé son utilisateur juste avant sa mort en 1855 et laissé en l'état depuis. « Ce fut un instant grisant, on ne sait plus où regarder il y avait des centaines de bouteilles de chimie, souvent pleines, des centaines d'ouvrages, des objets partout dont plusieurs appareils permettant de réaliser des images selon les deux premiers procédés photographiques, le Daguerréotype et le Collodion ». Et pour lui qui s'investit depuis 1999 dans son projet de Maison Nicéphore Niépce, c'est aussitôt des réponses instantanées à des questions qu'il se pose, des perspectives de recherches. « Tout se bouscule dans la tête en un seul instant ». Dans l'émotion du moment, une pensée surgit : « et si tout ceci brûlait demain, je m'en voudrais toute ma vie ». Alors Pierre-Yves Mahé photographie. Tout. De façon désordonnée. « Il y avait urgence à sauver quelque chose ». Le choc de la découverte passé, les responsables de la Maison Nicéphore Niépce, Pierre-Yves Mahé mais aussi Jean-Louis Marignier, Michèle Lourseau, entament l'inventaire complet de ce trésor qui n'en a pas fini de livrer tous ses secrets. « Nous en avons pour plusieurs mois d'études », estime aujourd'hui M. Mahé. Jamais a priori, une telle quantité de chimie d'époque n'avait en effet été retrouvée, plus de 300 flacons encore pleins dont bon nombre encore cachetés. Associé à cela, plus de 400 livres antérieurs aux années 1830 contenant tout le savoir de l'époque sur lequel un photographe pouvait s'appuyer. Bien sûr, tous les accessoires nécessaires à la réalisation de Daguerréotypes et Collodion y sont au complet. Un laboratoire intact, tel que son propriétaire l'avait laissé fermé la veille. il y a 152 ans Grâce à ce prodigieux bond dans le temps qu'une ouverture de porte vient de lui faire effectuer, ce laboratoire et les résultats des recherches seront présentés dans la Maison Nicéphore Niépce à Saint- Loup de Varennes, en plein cœur du territoire de naissance de l'aventure photographique. Définitivement bourguignon. C. Saulnier ___________________________________________________________________________

- 14 -


Qui était Fortuné-Joseph Petiot-Groffier ? par Gilles Platret

Une photographie prise par Petiot-Groffier en 1853 : l'hôpital de Chalon avec sa nef d'origine aujourd'hui détruite (coll. Société d'Histoire de Chalon)

La récente découverte du labo photo resté intact de Fortuné-Joseph Petiot-Groffier jette un jour nouveau sur un personnage hors du commun. Il était là, dormant dans le silence des décennies, resté parfaitement intact quand tout était bouleversé autour de lui : la découverte récemment révélée du laboratoire photographique de Fortuné-Joseph PetiotGroffier, remet en lumière une vie d'exception qui, commencée en 1788, s'était achevée en 1855. C'est dans la précipitation des événements révolutionnaires que François-Joseph Petiot avait entamé son existence. Ou plus exactement quelques mois auparavant, le 16 septembre 1788. L'enfant n'avait pu manquer d'être baigné dans les affaires publiques dès son plus jeune âge car son père, Jean-Baptiste-Joseph, avait été élu en 1789 député du Tiers-Etat aux États généraux et avait épousé une bonne part des événements révolutionnaires avant de devenir, sous Napoléon, juge puis président du tribunal civil de Chalon, enfin conseiller municipal sous la Restauration. C'est sous cette même Restauration que le jeune avocat Fortuné-Joseph Petiot commença à faire parler de lui, en compagnie d'un groupe de jeunes libéraux qui donnèrent du fil à retordre aux Bourbons de retour sur le trône de France. La Restauration tombée en 1830, Fortuné-Joseph Petiot-Groffier devait prendre toute sa part au nouveau régime. Il fut ainsi maire de Chalon-sur-Saône de 1832 à 1835 et siégea, au cœur des assemblées parlementaires de Louis-Philippe, sur les bancs du « Juste - 15 -

milieu ». A cette vie politique s'ajouta un goût particulièrement développé pour les affaires économiques. Dans ce Chalonnais du tout début de l'ère industrielle, on lui doit la mise sur pied de nombreuses entreprises. Outre la constitution en 1823 du moulin à vapeur de Saint-Cosme, l'une des plus fameuses fut la sucrerie des Alouettes, à Châtenoy-le-Royal, société dont il fut le co-fondateur en 1836 et qui se spécialisa pendant de longues années dans la fabrication de sucre à partir de la betterave. Avant cela, c'est également à Petiot-Groffier que l'on peut être reconnaissant de l'acclimatation en Bourgogne de la méthode de champagnisation des vins. La maison Petiot, propriétaire d'importants domaines viticoles à Rully et à Mercurey, voulut tenter de transformer ses vins blancs en mousseux. En 1822, elle prospecta en Champagne pour obtenir la venue en Bourgogne d'ouvriers spécialisés. L'un d'entre eux, François-Bazile Hubert, tint le pari et fit le chemin jusqu'en Chalonnais. Les premiers essais, à Rully, se soldèrent par un rapide succès : le bourgogne mousseux était né. Entre toutes ses occupations, Fortuné-Joseph Petiot-Groffier nourrissait un précieux passetemps : la photographie. Avait-il connu Nicéphore Niépce ? La chose est tout à fait possible car Niépce étant décédé en 1833, Petiot-Groffier et lui furent pour partie des contemporains. Est-ce en vertu de ce possible lien que mûrît chez l'industriel la volonté de fixer les images ? On ne le sait. Ce qu'on tient pour assuré en revanche, c'est que PetiotGroffier était bien connu à Chalon pour son art de prendre des photographies. C'est ainsi qu'en 1853, ayant appris qu'on avait décidé de démolir la grande nef de l'hôpital de Chalon, la toute jeune Société d'Histoire et d'Archéologie demanda à Petiot-Groffier de faire des « points de vue généraux » de l'édifice afin que « ce monument si cher aux Chalonnais depuis des siècles puisse être connu et apprécié de nos descendants ». Le mot de photographie n'apparaît pas encore. On lui préfère alors celui de « point de vue général ». Mais, pour notre bonheur aujourd'hui, c'est bien d'une photographie de Chalon en 1853 qu'il s'agit, digne et émouvant héritage légué par PetiotGroffier à la postérité.


MEMOIRE DE CAVISTES II

par Rachel Payan, collectrice de mémoire

L’entrée dans le métier est souvent une histoire de famille. En effet nombre de cavistes interrogés sont entrés dans une maison avec l’appui d’un membre de la famille qui y travaillait déjà. Il arrive néanmoins qu’un jeune n’ayant pas de parents dans la maison voire même dans le métier, souhaite se dirige vers les métiers des caves. Certains se présentèrent par une candidature spontanée auprès de la maison ( la présentation d’un parent ou une lettre du curé de bonne recommandation est parfois demandée pour ces jeunes qui n’ont souvent qu’à peine 14 ou 15 ans). D’autres commencent par les centres d’apprentissage et l’obtention du Certificat d’Aptitude Professionnelle avant d’être réellement salariés. Nous parlons alors ici de la première moitié du 20ème siècle. Les centres d’apprentissage Seulement deux centres d’apprentissage concernant les métiers de caves semblent pour l’instant avoir existé, le premier à Epernay et le second à Reims. Le Centre Professionnel des jeunes ouvriers des caves d’Epernay a vu le jour en 1929. Il est initié par le groupement des chefs de caves d’Epernay dont les membres appartiennent à la Corporation des Tonneliers dont M. Tixier tient la présidence et M. Emond la vice-présidence. .

Nous n’avons que peu de traces sur l’existence du Centre avant 1945 si ce n’est quelques articles relatifs au passage du Certificat d’Apprentissage Professionnel. En 1945, le Centre professionnel jusqu’alors dirigé par le groupement des chefs de cave est relancé sur Eclaireur de l’Est, 27 Octobre 1929 l’initiative de la commission d’apprentissage de la commission tripartite des caves qui se propose ainsi de participer à l’organisation du centre. M. Emile Emond en est président. En 1952, ses statuts sont d’ailleurs modifiés. La commission tripartite des caves y est alors représentée et un diplôme est ajouté : le Brevet Professionnel. Le CIVC subventionne le centre. Le Centre professionnel se situait rue du-Professeur Calmette à Epernay. - 16 Le centre devient propriétaire du bâtiment après négociation auprès de la municipalité d’Epernay à partir du 29 novembre 1945, l’occupation des locaux étant antérieure. Le centre s’adresse d’une part aux jeunes déjà en activité dans les maisons de Champagne et d’autre part à des jeunes n’ayant pas encore travaillé. Qu’en est –il du type d’enseignement dispensé ? La formation propose deux orientations, cave ou tonnellerie. Dans la section cave, on trouvait deux spécialités : remueur ou dégorgeur. Elle consiste en quelques cours théoriques et pratiques selon la spécialité mais on note aussi des cours de sociologie, d’économie domestique, de bricolage, d’hygiène et des voyages d’étude. L’essentiel de la formation étant basé sur un stage en maison de longue durée. On remarque également que la priorité d’inscription est ouvertement donnée aux enfants des ouvriers et personnels du champagne. Une pratique qu’on peut qualifier de corporatiste. En 1949, c’est en tombant sur ce type d’article que le père de H.G. pousse son fils à s’inscrire. « C'est-à-dire que j'avais pas de travail en sortant de l'école. C'était un - 16 -


débouché et puis disons que c’est ce qui payait le mieux à Epernay » [HG 25112005] Ce centre fonctionne comme une association et la plupart des professeurs sont généralement des professionnels. Ainsi Mr Rondeau qui dispense les cours de tonnellerie a lui-même son propre atelier de tonnellerie. M. Emond, chef de cave chez Pol Roger (1929-1954), donne les cours d’œnologie. La maison Moët et Chandon met également un remueur à disposition du centre. Pendant ces trois années d’apprentissage, les jeunes sont amenés à faire des stages rémunérés dans différentes maisons. A.N., caviste retraité, passé également par le centre raconte : « J’ai fait six mois, la première année, à la maison Moët et Chandon. Je suis retourné au centre six mois. La deuxième année, j’ai fait six mois chez Ayala, et puis la troisième année, la maison Ayala m’a redemandé six mois. Et à la fin du stage, j’ai été embauché à la maison Ayala » [AN 09032005]

Le centre veille à ce que les jeunes puissent être directement embauchés à la suite de leur apprentissage. Les trois années de formation et de stage en maison sont sanctionnées par un diplôme, le C.A.P. « On a passé le CAP avec un examinateur. Il fallait dégorger. On a dégorgé 5 bouteilles, on n’ en a pas fait de plus ! C'était pas 1300 par jour comme on faisait dans les autres maisons ! » [HG 25112005]]

Les métiers de cave atteignent dans les années 50 leur âge d’or. Le travail se mécanise et la - 17 main d’œuvre est moins recherchée. Il est de plus en plus difficile de placer les élèves à la fin de leur formation. En 1954, le problème est déjà évoqué en assemblée. En 1959, sous la présidence de René Philipponnat, chef de cave chez Moët et Chandon, le centre sera officiellement fermé. Un centre d’apprentissage a aussi existé à Reims, du temps de l’occupation, dans les années 1940. Il semblerait qu’il soit de l’initiative du gouvernement de Vichy. Il se situait rue Ponsardin. Un ancien ouvrier caviste qui y fut envoyé, explique que les plus jeunes ouvriers des maisons de Reims devaient obligatoirement passer par ce centre. Il ajoute : « On était un petit peu encadré. Si vous voulez on était habillés en bleu, on nous avait fourni des bleus de travail et le béret, je ne sais pas vous êtes jeune, vous n'avez pas connu ça, la milice avec notre béret et puis on était un peu encadré. Le matin, on levait le drapeau devant la photo du maréchal Pétain et puis on chantait tous les matins "Maréchal nous voilà" , ils

- 17 -


nous imposaient ce système, mais enfin, c'est comme ça, et puis on n'y pensait pas, à 14 ans. »1 [JD 16062006]

Ce centre proposait de nombreuses spécialités : Vannerie, tonnellerie, menuiserie, cave… D’après les anciens qui ont pu en parler il semblait fonctionner de la même façon que le Centre d’Epernay, mais nous manquons d’informations à ce sujet. Il disparaît néanmoins, dès la fin de la guerre. Premiers pas de cavistes… Les maisons qui reçoivent des stagiaires finissent souvent par embaucher le stagiaire, celui-ci étant formé, il peut directement prendre un poste plus technique alors que celui qui ne connaît pas du tout le métier commence par les tâches les plus simples. Toutefois, comme le précise le caviste, malgré le diplôme et une certaine expérience, le jeune ouvrier des caves n’a pas encore le métier en main. « Celui qui n’avait pas le diplôme fallait qu’il apprenne tout de A à Z, mais ce n’est pas pour ça que sorti du centre des cavistes on savait tout. On a beaucoup appris, bien après, avec les anciens. » [AN 09032005] La plupart de ces jeunes entrent néanmoins sans aucune formation dans les caves. Ils occupent alors les postes les plus simples. « Je suis rentré en 41. Donc on rentre, on est gamin, ce que l'on appelle gamin de chantier : on fait de l'entretien des chantiers, du balayage, des menus services et puis c'est tout. Et on fait ça pendant quelques mois. Après, au fur et à mesure, vous rentrez un peu dans le métier. » [JD 16062006] Et comme l’expliquent certains cavistes, même avec son seul certificat, un caviste pouvait espérer gravir les échelons. « A cette époque, on entrait certificat en poche le plus souvent dans une maison de champagne puis suivant le caractère et les ambitions du jeune ouvrier, l’apprentissage « sur le tas » pouvait mener à une place de maîtrise voire même de cadre. » [JCG 02032005]

Ainsi, s’il n’était pas passé par un C.A.P. ou un B.P., le jeune ouvrier qui entrait en cave était relégué aux tâches les plus simples mais non moins importantes. Tout d’abord, à 13 ou 14 ans il n’était pas en mesure d’accomplir des tâches requérant force et endurance puis, bien souvent il ne connaissait rien au métier. Il se trouvait - 18 - alors à porter les messages, à secouer les bouteilles ou rouler la gaillotte vide à la bricole, à chopiner sur le chantier de dégorgement…

1

Ce qui n’empêchait pas certains professeurs d’être du côté des résistants.

- 18 -


« J’ai occupé mon premier poste à 14 ans, ça a été si vous voulez je faisais un petit peu la liaison entre les services, je faisais le courrier. J’allais à l’habillage, à la comptabilité, c’est moi qui faisait, un p’tit peu le trait d’union si vous voulez. Et puis ensuite, j’ai commencé à faire des petits travaux en cave, à apprendre et petit à petit j’ai gravi les échelons comme ça. J’ai commencé en rentrant, mon premier poste ça a été chopineur ! »

Si vous ne connaissez pas cette fonction, je vous laisse y réfléchir et vous trouverez dans le prochain bulletin le détail de ce travail. Je retracerai aussi par la suite les différentes fonctions et tâches du travail en cave avec en plus des illustrations notamment du fonds Poyet. Avant que la mécanisation ne remplace peu à peu l’homme par la machine, les métiers des caves présentent en effet une très grande diversité d’opérations et donc d’outils. Chaque spécialité correspond à un type de qualification. Il y a en effet les différents chantiers : la bricole, le remuage, le dégorgement, le cercle. Et dans chaque chantier, il y a différentes fonctions qui ne requièrent pas la même qualification. Ces métiers étant liés à un savoir-faire qui peut s’acquérir avec le temps. En plus d’une certaine sécurité d’emploi renforcée et d’un salaire honnête, les possibilités d’ascension dans les métiers pouvaient alors offrir une bonne motivation aux jeunes qui entraient dans les caves. A suivre…

- 19 -


Les bébés dans le Fonds photographique Poyet… Il y a une quinzaine d’années, interrogeant un expert parisien réputé dans le domaine de l’estimation de la valeur des photographies, Pierre Reiner, sur la valeur du Fonds photographique Poyet, constitué de négatifs, il me répondit - et il avait raison- qu’un négatif n’avait aucune valeur marchande, et en effet, ce sont les tirages d’époque, les fameux « vintages » qui s’arrachent à prix d’or dans les ventes. Mais si notre fonds Poyet ne vaut pas grand-chose en termes marchands, - mais qui penserait à le vendre ? – en revanche, quel trésor ethnographique ! Plus encore. Les tirages ne montrent jamais la surface totale du négatif et bien des retouches, bien des compromissions, bien des « fautographies » y sont dissimulées. Les bébés vont nous aider à découvrir les dessous de la photographie d’atelier…

Le premier bébé photographié par Jean Poyet fut sa fille Marguerite, ci-contre, dans les bras de sa Maman, Berthe, l’épouse de Jean Poyet, en mai 1898. Il était alors photographe à Paris, et ne savait pas encore que les photos de son futur fils, Fernand, seraient prises quatre ans plus tard à Epernay… A cette époque, le bébé soigneusement langé était photographié dans les bras de sa mère, ou plus souvent de sa nourrice, car la photo n’était pas encore entrée dans les mœurs populaires.

Les premières photos de Fernand sont beaucoup plus facétieuses. Jean Poyet vient de s’installer à Epernay et parmi les matériels trouvés chez son prédécesseur, Monsieur Delzor, mort accidentellement par empoisonnement, se trouvait cet énorme objectif qui donna à Jean Poyet l’idée d’une nouvelle théorie sur la venue des enfants au monde. Les petites filles naissaient alors dans les roses, les petits garçons dans les choux. Le sien allait apparaître dans un objectif…

- 20 -


Dans l’une des boites contenant les photos de la Famille Poyet se trouvaient ces deux plaques : deux prises de vue à quelques secondes d’intervalle (voyez la position des doigts du bébé). Un rapide maquillage du négatif, y compris pour effacer les deux doigts de la main gauche de la maman, et le tour est joué… Le premier bébé photographié commercialement par Jean Poyet apparaît sous le numéro 3001 au nom de Emile Mercier.

L’enfant est tenu par sa nourrice, mais on devine qu’elle n’apparaîtra pas sur le tirage. Le maquillage est fait côté verre de la plaque négative, à la gouache rouge.(on notera que le tirage en positif transforme le rouge en bleu-vert...) La photo a été prise le 1° avril 1906. Les premières années d’activité de Jean Poyet ne débordent pas de bébés : seulement 12 photos sur 1497 entre 1903 et 1918. - 21 -


Prises de vue n° 6005 et 6007

Pour Madame Salmon Mercier, le 30 mars 1909, le bébé est photographié dans les bras de sa nourrice, mais la tablette et le coussin apparaissent. La nounou est là, gare aux chutes…

Le style se plante, petit à petit : deux standards vont se dégager :

Non, ça n’a rien à voir avec les bébés, c’est juste pour montrer que la même sellette peut servir à autre chose qu’à exposer des bébés… Nous sommes à Epernay, non ?

Le bébé habillé, une épaule découverte….

- 22 -


…ou le bébé tout nu, toujours sur la même tablette. A partir de 1919, la clientèle des bébés se renforce : 7, 30 % des prises de vue entre 1919 et 1922, léger fléchissement entre 1922 et 1924 : 6,95 %. Une nette remontée entre 1925 et 1927 à 9,33 % pour ensuite se stabiliser autour de 500 prises de vue par an sur près de 6000, et ce jusqu’en 1937, les clichés postérieurs n’ayant pas encore été enregistrés. Et sur beaucoup de prises de vue apparaissent les difficultés de cette pratique. Jean Poyet, d’après le témoignage de son fils recueilli en 1991, avait avec les bébés une patience à toute épreuve.(voir bulletin n°1) Il photographia son dernier bébé quelques jours avant son décès en 1956, à 86 ans !

Le bébé façon bête sauvage, sur une fourrure. Très souvent deux prises de vue sont nécessaires pour obtenir une expression« photogénique ».

Le bébé « plein hiver » On notera le bras maternel évidemment maquillé au tirage !

Le bébé décidément mieux assis sans coussin qu’avec…

- 23 -


Et inévitablement, le bébé malheureux, qui ne veut rien savoir… Malgré la présence de sa Maman, juste derrière

Et pour conclure, même si nous quittons un peu la sphère des bébés, je ne résiste pas à l’envie de vous montrer cette photo de famille dont le négatif dévoile les artifices de la prise de vue… Cliché n° 3454 du 4 septembre 1906 (Mme Thomas Auban)

- 24 -


Un peu d'humour !!!

« Projet refusé de la prochaine photographie officielle, qui devait arriver en mairie début septembre ! »

« L'humour est une notion qui n'est complexe que pour ceux qui n'en ont pas. »

Nous souhaitons débuter ici une rubrique destinée certes à évoluer, mais qui se propose d'aborder lors de chaque numéro le thème de l'humour en photographie ! Un bien vaste sujet, nous n'en doutons pas ... Mais l'humour est nécessaire au quotidien, vous en conviendrez ! Et avec votre éventuelle complicité et votre participation, cette rubrique a de beaux jours devant elle !!! L'humour est une manière de rire des choses. Il est censé faire apparaître le rire chez la personne qui écoute ou tout du moins un sourire de connivence. Il est possible de faire de l'humour sur différents sujets même les plus morbides et dans ce cas précis, on parle d'humour noir. L'humour peut être parlé, sous formes de blagues racontées ou il peut aussi apparaître sur photographies et même sur vidéos.

Son contenu, plus que sa définition, est diversement apprécié d'une culture à l'autre, d'une région à une autre, d'un point de vue à un autre, à tel point que ce qui est considéré par certains comme de l'humour, peut être

considéré par les autres comme méchante moquerie ou une insulte.

une

L'humour est distingué par plusieurs concepts : c’est un langage, mais aussi un moyen d’expression. Il est porteur de messages. Ses objectifs sont nombreux. Il joue un rôle essentiel dans l’équilibre de la personne, il libère les tensions et préserve notre santé. C’est donc un langage qui vise la vérité sans la nommer, ainsi qu’un excellent moyen de s’exprimer lorsqu’il est impossible de le faire autrement. En effet, on peut rire de tout, mais pas n’importe comment. Le mot humour est attesté pour la première fois en français au XVIIIè siècle,

- 25 -


entré en France grâce aux liens qu'entretenaient les penseurs des Lumières avec les philosophes britanniques. Mais il faut néanmoins préciser que les Anglais l'avaient emprunté à l'ancien français « humeur » du XVè siècle !

vêtue prenant une bonne gorgée d'alcool à même la bouteille.

Avant même que Kodak ne lance l'appareil pour instantanés, les amateurs se divertissaient en photographiant des éléments de leur vie quotidienne. La photographie d'animaux de compagnie n'est pas un phénomène nouveau, bien qu'il soit plutôt rare de voir de nos jours des portraits de poules et de cochons.

Les photographies prises dans des sphères privées, comme la famille ou les cercles sociaux, peuvent ainsi révéler le sens de l'humour tant du sujet que du photographe. Il arrivait assez souvent que quelqu'un fasse un pied de nez aux normes de bonne conduite dans des photos qui ne seraient jamais rendues publiques, comme celle d'une dame bien vêtue faisant une grimace au photographe !

C'est bien connu, la technologie de la photographie permet de capter sans le vouloir des images amusantes : à cause des bouches ouvertes ou des yeux fermés, il faut parfois plusieurs prises avant que le résultat ne soit flatteur.

Les archives cherchent généralement à acquérir des séries complètes de photographies (toute la bobine de pellicule d'une séance de photographie plutôt qu'une seule épreuve, par exemple). Par conséquent, un grand nombre de « chutes » (photos rejetées) sont préservées dans les archives photographiques ... et c'est là précisément que nous comptons sur vous. Ou bien comme celle d'une dame bien - 26 -


Il est rare qu'on cherche et qu'on trouve des photographies amusantes. Ce sont plutôt les chercheurs qui les découvrent par hasard en consultant les autres documents photographiques d'un fonds d'archives. (voir pages 21 et 24 de ce numéro !). Outre l'information qu'elles véhiculent, ces photos revêtent une importance particulière puisqu'elles prouvent que la vie dans le passé avait ses moments bizarres, comme aujourd'hui. Ce premier article va initier une série de publications autout de différents thèmes, que vous pourriez étoffer par vos apports personnels. Qui n'a pas quelques photographies d'hier ou d'aujourd'hui quelque peu rigolote ? Vous pouvez nous les faire parvenir par courrier, ou plus simplement par internet. Nous les publierons avec votre accord bien sûr ! Alors, à vos archives, pour que vive l'Humour !!! Les prochains thèmes aborderont : * les animaux * la famille

Une « photographe débutante »

* le sport et les loisirs * les célébrités * et bien d'autres encore ... Pour finir, voici quelques exemples !

Humour « très noir »

- 27 -


Des expositions à ne pas manquer… Salon de la Photo

du 3 au 7 octobre Paris, porte de Versailles

Cormontreuil

Chaque année depuis 7 ans, le Clic Clac Club organise le dernier dimanche d'octobre une foire au matériel photo, vidéo et cinéma à Cormontreuil, près de Reims dans la Marne. La Manifestation se déroule à la salle polyvalente de Cormontreuil, Boulevard d’Alsace Lorraine.

Cormeilles en Parisis (95) le dimanche 19 novembre 2006. Foire Photo C'est une foire moyenne (en taille) où l'on trouve de la collection et de la seconde main pour les fanas de l'argentique. On peut s'y rendre en voiture et la place ne manque pas pour garer son véhicule. En proportion (exposants) environ 60% de professionnels et 40% d'amateurs. Salle des fêtes, rue Emy les Prés : tout au bout de la rue ! A l’hotel de Sully, à Paris Roger Parry du 18 septembre au 18 novembre 2007 Cette exposition porte un nouveau regard sur l'œuvre de Roger Parry dont les différentes étapes ont pour dénominateur commun le monde de l'édition. C'est à travers cet axe que l'on peut comprendre l'évolution de sa pratique photographique. Roger Parry est connu pour son travail réalisé entre 1929 et 1932. C'est à cette période qu'il fait la connaissance de Maurice Tabard auprès duquel il découvre les richesses créatives de la photographie. Ses expérimentations qui associent prise de vue directe et manipulation à la chambre noire donneront jour aux illustrations publiées dans Banalité de Léon Paul Fargue, pour lesquelles il sera reconnu de ses pairs. De Banalité à Tahiti, illustrateur aux éditions de la NRF ou collaborateur d'André Malraux, Roger Parry jonglera entre l'art de voir et de faire voir. Véritable scénographe, il ne cessera de mettre en scène sa production photographique. L'exposition composée de 200 épreuves originales, dessins, livres, maquettes de livres, films et documents se construit autour de quatre axes principaux : — la fulgurante apparition de Roger Parry sur la scène photographique — la littérature mise en scène (années 1930) — l'orientation documentaire / Roger Parry et le dessin — les écrits sur l'art : la reproduction de l'œuvre et la mise en page Exposition en partenariat avec evene.fr, À nous Paris et Le Magazine littéraire - 28 -


Tahiti, par Roger Parry, 1932

GIVERNY. Musée d’art américain: Visions de l’Ouest: photographies de l’exploration américaine, 1860-1880 jusqu’au 31 oct. 2007 Aux États-Unis, le développement de la photographie est contemporain de la conquête des territoires de l’Ouest. Les photographes, véritables explorateurs, accompagnent des expéditions commanditées par le gouvernement américain dont les objectifs sont économiques, scientifiques et politiques. Ils traversent les Rocheuses, la vallée de Yosemite, le Yellowstone ou encore les canyons de l’Arizona, découvrant des paysages grandioses et les Indiens qui y vivent. Les photographes, parmi lesquels Carleton Watkins (1829-1916), Timothy H. O’Sullivan (1840-1882), William H. Jackson (1843-1942) ou William Bell (1830-1910), captent l’immensité de ces territoires encore vierges. Leurs clichés apportent une vision nouvelle et révèlent pour la première fois les aspects héroïques et fantastiques de la nature. Riches de promesse, ces photographies deviennent des symboles de la jeune République après le traumatisme de la guerre de Sécession.

Bell Chocolate Butte

Tonnerre qui saute, chef Sioux

- 29 -

Black Canyon Colorado


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.