PFE PAYSAGE 2018 // La savane, jardin des sentiments.

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Perrine Zanette

Projet de fin d’étude 5 juin 2018 Soutenance 19 juin 2018 ENSAP de Bordeaux Cette note de présentation constitue un élément de synthèse du travail réalisé dans le cadre de mon PFE. Le caractère restreint de ce document illustré est néanmoins amendé par deux éléments d’importance : une présentation orale complémentaire, ainsi qu’une annexe.


l’ode à la liberté Oubliée depuis tant d’années, il est un lieu sauvage, planèze isolée, qui, depuis peu, rêve éveillé. Le sol s’alourdit au fur et à mesure que l’avenir se dessine.

Désert chuchotant l’effrayant crépitement de la brûlure, milieu hostile, où règne en seul maître l’écrasante chaleur.

Le soleil au zénith brûle, peu à peu, la vie qui s’évanouit ; désespérée, elle divague à la quête d’un point d’ombre, si rare ici.

Plus tard dans la journée, la savane s’éteint, un nuage se glisse çà et là, les couleurs s’affirment.

Comme endormi, l’ocre disparaît sous l’épais manteau vert ; L’indomptable fourrage à cabris, devient innombrable depuis la mort du troupeau. Ballet envoûtant de danseuses élancées, rayonne, chante et rêve en harmonie. Sous l’hiver austral, caresses sensuelles deviennent griffures acerbes à la saison chaude. Marqueur de saisonnalité, les nappes graminéennes accompagnent le temps qui passe ; elles se donnent à voir pour qui sait lire entre les lignes. Espace fragile qui ne demande qu’à renaître de ses cendres.

Saint-Paul, le 3 avril 2018


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Préambule

(entendons-nous sur les mots) Ce projet apparaît comme la finalité à mes études qui ne furent pas linéaires, mais ponctuées de rencontres, de doutes, d’apprentissages, de révélations, de questionnements, etc. Avec ce dernier « travail scolaire », je souhaite exprimer ma position actuelle sur le paysage et sur le paysagiste. J’insiste sur le fait que cette réflexion fige ma pensée à un moment qui me paraît clé, cette réflexion ne cessera de s’enrichir et d’évoluer tout au long de mon parcours. Avant d’essayer de mettre des mots sur ma pensée, je tiens à souligner le paradigme qu’il existe autour du champ lexical du paysage. Pour le commun des mortels, il est facile de définir « paysage », « jardin », « jardinier », « paysagiste » et il semble y avoir des archétypes qui s’en dégagent. Alors que nous percevons un malentendu général quant à la définition de ces mots (le « nous » définit ici l’ensemble des personnes ayant une culture qui modifie leur perception de ces mots). Chacun s’inscrit dans un courant de pensée qui oriente le sens de ces mots, c’est pour cela que je vais tenter de définir ces notions et ainsi vous proposer une définition commune pour cadrer ce PFE. En premier lieu, je souhaite définir le paysage qui apparaît, pour moi, comme le processus conjoint du temps, des dynamiques végétales et de la main de l’homme. Il n’a pour seule limite que le champ de vision de l’observateur. Avec ces quelques mots on comprend donc que le paysage est subjectif, l’œil de l’observateur est unique, personnel, mais il peut être partagé avec d’autres spectateurs. Ce que je décris là, c’est l’expérience première que l’on vit à chaque fois que l’on rencontre un nouveau paysage. Si maintenant je tente de donner une définition en rapport avec mon futur métier de paysagiste-concepteur, le paysage devient alors mon support de réflexion, de travail, de médiation, je vais feuilleter son palimpseste pour en comprendre les dynamiques culturelles, cultuelles, économiques et sociales qui l’on construit et métamorphosé. Au-delà de l’aspect esthétique (que l’on lit dans la première définition) c’est tout un écosystème qui apparaît, je pense qu’il faut composer avec les deux pour faire avec le paysage et non sur le paysage. Dans ce paysage on y retrouve des jardins qui représentent, pour moi, le lieu intime de l’expression sensible de l’âme de celui qui le jardine. En outre, ce sont des microcosmes qui offrent des univers singuliers, on visite un nouveau monde à chaque fois que l’on rentre dans un jardin. J’ai plus de difficulté à mettre des mots sur le jardin, car il touche à l’intime, à l’expérience, au quotidien, au vécu et aux souvenirs, c’est un lieu de vie clos (en France du moins) à l’abri des regards où l’on grandit aussi bien spirituellement que 5

physiquement. C’est aussi le lieu où l’homme réapprend à vivre avec la nature, en lui donnant une certaine valeur esthétique. Ceci m’amène directement à définir le jardinier, « l’homme du faire » (Pierre Darmet), celui qui est à l’origine du dessin, de la réalisation et de l’entretien et qui peut être jardinier-fleuriste, jardinier-paysan, jardinier-horticulteur, jardinier-paysagiste, etc. Le jardinier est l’héritier de La Quintinie (jardinier du Roi), mais aussi de Le Nôtre (jardinier de Versailles), il s’inscrit dans une histoire riche où chaque jardinier peut s’exprimer et réinventer sa manière de faire en mettant les mains dans la terre. Il n’y a qu’un pas vers le jardiniste, avec son statut qui le rapproche de l’artiste, le jardiniste est celui qui créé une symbiose entre la beauté, l’harmonie et la paix en un lieu dessiné. Le jardinier et le jardiniste sont des métiers très proches que l’on pourrait confondre, car ils tendent tous deux vers la passion de cultiver des jardins. Enfin arrive le paysagiste, celui qui n’a pas les mains dans la terre, mais celui qui peint le paysage. Quand le paysagiste se définissait dans les dictionnaires comme «l’homme qui peint le pays», il était l’homme qui se saisissait de la beauté des vues, il cherchait les points de vue qui mettaient le mieux en valeur le pays, le territoire. Le paysagiste exprimait son regard sensible sur un territoire au travers d’une peinture, il donnait à voir les motifs, la poétique du pays et le réel. Ce paysagiste était celui de l’esthétique, celui du sensible, c’est dans ces caractéristiques que je me reconnais. Trop longtemps j’ai voulu le cacher, car je pensais que cela pouvait être mal perçu, car trop subjectif, trop superficiel pour certains et pourtant c’est ce qui permet de faire exister les paysages. Ce n’est pas parce que je m’identifie dans cette définition originelle du paysagiste que j’occulte toutes les dimensions de ce métier//profession. Au contraire, elles viennent enrichir ce regard. Autrement dit et pour compléter cette définition, j’envisage le paysagiste aussi comme l’homme qui tente de recréer du lien entre le citoyen et le territoire. C’est dans les années 1980 qu’apparaît la notion de « cadre de vie », au moment même où les écoles de paysage sont créées, ceci n’est pas anodin. En effet, cela fait suite à une période de grande transformation du paysage français, on voit notamment apparaître les grandes infrastructures routières, on assiste aussi aux premiers étalements urbains, etc. C’est dans ce contexte donc que naît la profession telle qu’on la connaît aujourd’hui, il faut en être conscient, car en découlent des orientations bien particulières. Le paysagiste est celui qui a l’œil sensible, mais suffisamment précis, pour proposer des solutions ou des processus quant à la transformation des territoires.


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SOMMAIRE Introduction 1///Du territoire au paysage

(connaître et comprendre avant d’agir) localisation du territoire contexte historique définition de la savane dynamiques végétales

2///Le paysage de Plateau Caillou (s’immerger pour faire projet avec l’existant) contexte de la savane galerie photos singularités du site analyse d’un potentiel endormie arborescence du processus de projet

3///La savane, jardin des sentiments (conserver, expérimenter, gérer & transmettre) faire avec le déjà là programme mise en place du projet phase 1, ré-ouvrir la savane phase 2, l’esquisse du jardin phase 3, expérimenter et donner à voir phase 4, s’ouvrir sur le

Cap La Houssaye

4///Un lieu au service du territoire

(ouverture et conclusion)

les chemins pavés comme entrée pour un projet de territoire les parcours, boucle et itinérance

Remerciements Notes Bibliographie Annexes

résultats des enquêtes un

Parasol dans la savane références herbier

Maquettes

Cahier des actions à mener

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Introduction

(un projet, des valeurs) À la base de ce projet, il y a ma passion certaine pour les paysages arides ou semi-arides et les pratiques qui les façonnent. Cette attention particulière est certainement l’expression d’une fascination pour les végétaux et les hommes qui donnent vie à ces milieux uniques. Au grès de mes voyages, j’ai constaté que ces territoires, où la vie est si fragile, étaient certainement les lieux d’un profond attachement des populations envers l’histoire qui les a construit. Parallèlement à cela, il y a mes interrogations quant aux constats de notre société mondialisée qui s’entête toujours à plaquer des modèles issus de spécificités d’un milieu et d’une culture, sur un territoire complètement exogène à ces problématiques. Ce qui a pour conséquence de créer des paysages de plus en plus déconnectés d’une réalité territoriale. Ce processus m’a toujours questionné, quel est l’intérêt de cela ? Chaque site offre une singularité à partir de laquelle une multitude de projets peuvent naître. Aujourd’hui, les maîtrises d’ouvrages veulent « le plus beau projet », « le plus gros parc », « la nouvelle esthétique en vogue ». Mais au profit de quoi ? Je souhaite me saisir de ces questions pour appréhender le rôle du paysagiste et son positionnement face à une telle commande. En d’autres termes, je désire me positionner en tant que future paysagiste, au regard des héritages du XXe siècle qui ont tendance à avoir été fortement aménagistes et dans des problématiques d’économies de projets lointaines des problématiques contemporaines. Et puis il y a la découverte en novembre 2017 des paysages de savanes de La Réunion qui connaissent depuis une quinzaine d’années des mutations qui, pour certaines, semblent irréversibles. Cette rencontre s’est faite dans le cadre d’un séminaire d’approfondissement intitulé : « Formation a la pratique de la recherche scientifique dans le domaine du paysage ». Ce séminaire s’inscrit dans une recherche-action en cours depuis 2002, coordonnée par Serge Briffaud (ENSAP de Bordeaux, PASSAGES - UMR 5319 du CNRS) et menée pour le Conservatoire du littoral de La Réunion. Cette recherche tente d’établir l’histoire et les dynamiques des paysages de savanes, ainsi que les usages dont les territoires de savane de la côte ouest font l’objet. C’est donc avec quatre autres camarades que nous avons travaillé sur la problématique des savanes. Nous avons notamment écrit l’annexe de l’appel à projets qui concerne la savane de Plateau Caillou, à la demande de la mairie de Saint-Paul. Le but de cette annexe est de proposer quelques principes susceptibles de guider la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre dans la mise en valeur et la gestion de cette savane. Au cours de ce travail, je me suis rendu compte que ce projet se voulait trop aménagiste pour répondre à un « parc de la savane », même si il portait des valeurs de conservations. Le Parc des Belvédères (ainsi nommé par la mairie) est porté par la commune de Saint-Paul. L’emprise de ce projet concerne un espace de savane-friche situé au nord-ouest du quartier de Plateau Caillou, encadré au nord par la ravine Bernica et dans les autres directions par la RD6. Ce projet m’a immédiatement interpellé, notamment par son programme qui s’éloigne des pratiques et des représentations de la population faites sur les espaces de savane, or 8


c’est bien cela qui définit le paysage (cf. la Convention Européenne du Paysage). La demande fait état d’un parc à l’attractivité sans équivoque sur cette particule de savane que je qualifie de « savane urbaine » qui apparaît aujourd’hui comme une enclave entre la ville basse de SaintPaul et le quartier haut de Plateau Caillou. Le budget est pharaonique, c’est un projet mandat il se doit donc d’être « grandiose ». La démarche se veut classique : AVP, esquisse, projet et travaux. Or, nous sommes sur un espace de liberté, qui se dessine par ses pratiques et qui se définit entre autre par son affranchissement à toutes règles, c’est pourquoi je vais proposer dans ce PFE un projet qui s’affranchit de ce programme, afin de proposer une alternative plus en accord avec le terrain, le territoire et les perceptions afin de les rendre opérantes. De manière plus concrète, mon projet de fin d’études s’inscrit dans une problématique contemporaine qui est celle du paysage et des projets de paysage dans une ancienne marge territoriale. Ce PFE vise, dans un contexte de mutation profonde du territoire autant que des regards et des valeurs que les populations portent sur les paysages de ces savanes, à orienter l’action des institutions et des collectivités en matière de préservation, gestion, expérimentation et aménagement de ces paysages, tout en faisant intervenir une poétique propre au paysagiste. En outre, je vais mener une réflexion sur les différentes façons de penser l’action « paysagère » dans le contexte singulier d’une ancienne marge territoriale, qui se retrouve aujourd’hui au cœur des enjeux de développement et d’aménagement d’un territoire insulaire : celui des savanes du littoral sous le vent de l’île de La Réunion. Cette marge territoriale s’inscrit ici dans de grandes dynamiques en cours qui relèvent d’une urbanisation brutale du bas-versant de l’île couplé à un développement tout aussi rapide de l’agriculture irriguée (notamment représenté par la canne à sucre), rendu possible grâce au projet de basculement des eaux. Ces métamorphoses territoriales ont eu pour conséquence un effacement progressif du territoire des savanes, aujourd’hui c’est tout le maillage de ce paysage, qui apparaissait comme le paysage dominant du littoral de la côte qui est émietté et provisoire. Faisant ainsi de la savane un paysage relique, oublié. Récemment (2007), la construction de la « route des Tamarins » a encore accentué la fragmentation de ces espaces et favorisé la déprise pastorale et l’enfrichement. Globalement, la spécificité des espaces et des paysages de savane apparaît peu prise en compte dans les politiques de planification urbaine et d’aménagement. Quand elle n’est pas submergée par le bâti, la savane est réduite - comme dans le S.A.R. de l’île - à une « coupure d’urbanisation », espace abstrait, sans qualité, sans paysage, sans substrat potentiellement porteur d’un devenir ni d’un projet. C’est ainsi que pendant des années voire des siècles, la savane n’est considérée uniquement que comme un désert, lorsqu’elle est considérée ! Mais depuis peu une nouvelle représentation de ces espaces apparaît, en lien notamment avec de nouveaux usages dont ils font l’objet, avec également l’apparition de politiques de conservation/gestion qui lui

sont spécifiquement dédiées, ainsi qu’avec de nouvelles expériences spatiales qui transforment la relation des Réunionnais à cette partie du territoire insulaire. Ainsi depuis quelques années, nous assistons à un processus d’« empaysagement » des savanes, au sens à la fois d’une « mise en spectacle » de cet espace et de l’émergence de représentations culturelles et de discours qui en disent l’identité, la valeur et l’attrait, la route des Tamarins pouvant être un point de départ de ce changement. Cela va également de pair avec l’émergence d’un souci de préservation, qui donne sens aux politiques fondées sur une approche patrimoniale de ces espaces. Le rachat récent par le Conservatoire du littoral d’une partie des terrains en savane du Cap La Houssaye semble ainsi prendre place dans un processus qui tend à transformer l’image et le statut de cet espace. Ceci s’inscrit dans un processus plus global d’éco-patrimonialisation qui touche toute l’île avec la création du Parc national et de la Réserve marine, ainsi qu’avec l’inscription des Hauts de l’île au patrimoine mondial de l’humanité. Ainsi, l’île Intense est devenue un espace de « nature sauvage » à protéger, en lien notamment avec un mouvement mondial d’un modèle écotouristique. C’est donc, dans ce contexte, d’émergence d’un nouveau regard sur la savane en même temps que sa disparition semble proche, que je vais m’interroger sur la demande portée par la commune de Saint-Paul de créer un « parc de la savane », tout en expérimentant des dispositifs novateurs que je souhaite inscrire dans le domaine de la recherche-action. Dimanche 25 mars 2018, je retourne pour la première fois depuis cinq mois sur la savane de Plateau Caillou, je découvre un paysage de friche. Ce site que j’ai arpenté durant des heures me paraît comme inconnu. Sur le chemin, en traversant les autres savanes, depuis la route des Tamarins j’avais bien vu que le Cap La Houssaye avait verdi, mais il avait toujours le faciès d’une savane ouverte qui tend vers l’ocre. Là, je me retrouve face à ce que j’appelle un « tiers paysage », mi-savane, mi-friche. Un espace abandonné, impénétrable. Sa situation géographique l’isole de tout et semble, aujourd’hui, le privé de son « statut » et de son usage de savane. Ce constat est très important à prendre en considération, car dans ce contexte le projet de « parc de la savane » n’a plus de sens. C’est donc en tenant compte de cela et des potentiels du site que je vais tenter de mettre en place des dispositifs qui révèlent les qualités aussi bien esthétiques, patrimoniales, historiques, économiques que symboliques de ce lieu, afin de lui redonner son statut, véritable respiration dans l’urbanisation étouffante de la ville de Saint-Paul. Ceci ne sera pour moi qu’une étape dans ma réflexion, un prétexte pour proposer un projet territorial, une porte d’entrée pour toucher le politique.

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1///Du territoire au paysage

(connaître et comprendre avant d’agir) >> localisation du territoire >> contexte historique >> définition de la savane >> dynamiques végétales

> Les savanes de la côte Ouest dans le versant. Photo prise depuis le Maïdo, Novembre 2017. 10


Fiche d’identité

du territoire des savanes du côté ouest de La Réunion.

Comme je l’indiquais en introduction, j’ai choisi d’inscrire ma réflexion sur les savanes de l’île de La Réunion. Ce paysage n’apparaît que sur la côte ouest de l’île, là où les précipitations n’excèdent pas les 1 000 mm annuellement, c’est par excellence la zone sèche de l’île. Elles sont caractérisées essentiellement par le climat et la végétation, mais aussi par un ensemble historique et culturel reflet d’une interrelation entre nature et homme.

Terrtoire des savanes du versant sous le vent de La Réunion

Informations territoriales

Le Port

2 512 km² 851 000 habitants (339 hab./km2) âge moyen 33 ans >> taux de chômage élevé (29%) 44 000 ha de terres agricoles (18 %) 5 000 ha de savane en 2004 1 300 ha de savane en 2010

Saint-Paul

Cap La Houssaye

Plateau Caillou

Bellemène

Bois Rouge

Fleurimont

Saint-Gilles les Bains

Métropole

l’Ermitage les

Bains

Bordeaux la

Saline Bains

Bellevue

les

9 201 km

Saint-Denis

Saint-Leu

Mafate Saint-Paul

Salazie Saint-Rose

Cilaos

Saint-Leu

Piton de la Fournaise

Pointe au Sel

Île de La Réunion Saint-Pillipe 11

N


Cirques (Cilaos, Mafat, Salazie).

Végétation arbustive, dominée par la bruyère Philippia montana.

Forêt domaniale, dominée par les boisements de Tamarins des hauts et de cryptomerias.

Culture de cânne à sucre, rendu possible grâce au projet de basculement des

Pâturages des hauts.

eaux.

Habitation en noyau.

Savane Route des tamarins

Pointe au Sel

A A »

Saint-Leu

Saint-Paul

Les savanes, éléments d’un système paysager

La zone sèche des savanes constitue la base d’une construction paysagère étagée caractéristique du versant sous le vent. « Cette construction étagée complexe, à laquelle participe la savane, constitue un exemple particulièrement remarquable de structuration paysagère héritée. L’étagement du versant sous le vent s’apparente, à un récit de l’histoire des populations réunionnaises et de leurs relations à la nature insulaire, chacune des strates correspondant à la fois à un mode d’exploitation du sol, à un univers social et à un milieu naturel spécifique. Les savanes doivent donc être appréhendées comme l’un des éléments d’un système paysager qui solidarise l’ensemble des étages du versant ouest de l’île. » 1

N > Etagement du versent ouest de l’île de La Réunion. carte sans échelle graphique.

Progression de la canne irriguée jusqu’aux limites des escarpements

A Fourrés à Leucaena et à Schinus

40

0 m

30

0 m

Savane herbeuse (à heteropogon) ouverte, arbustive ou arborée

Espaces littoraux bâtis et plantations

11

de filaos

5 m

A »

60

m

Planèze à pentemoyenne et faible

Pentes fortes (tectonique) moulées par les coulées

Extrémité de planèze à faible pente et dalle

> Coupe de principe des milieux et des paysage des savanes sous le vent.

fréquemment affleurante

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Cordon littoral


2001

2017

Évolution du territoire des savanes

Ces deux cartes mises côte à côte montrent bien la métamorphose qui est en train de s’opérer sur ce territoire. Entre une déprise agricole, une urbanisation galopante et une route nouvellement créée c’est tout le territoire qui est chamboulé (cf. frise chronologique et carte sensible).

Légende Savanes ouvertes Savanes arborées et/ou arbustives Savanes résiduelles Fourrés Route des Tamarins > Cartes d’évolution de la savane, à droite une carte de 2001 réalisé avec des observation du Cépage et à gauche une carte de 2017 réalisé à partir de la carte aériennes.

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1664 > 1780, Carte de Samuel Dunn, signale l’existence des zones de pâture dans les bas par la mention de « pâturages » (Pastures).

Arrivée des premiers colons sur l’île > Importations des premiers animaux, > Début du pastoralisme avec les animaux en liberté et fort déboisement de l’île. > Mise en place d’une stratification des productions agricoles sur le versant (bas / milieu / haut). >Première invention du paysage des

savanes.

Avant l’arrivée des premiers colons Vincent Boullet propose une hypothèse quant à la gestion des savanes. Ce serait des tortues géantes qui pâturèrent intensivement le bas versant et furent l’un des agents déterminants de la création et de l’entretien d’un paysage de savane arborée jusqu’à la destruction de cette espèce par l’arrivée des Hommes sur l’île Bourbon. Le diagramme palynologique semble > C’est confirmer cette hypothèse. aussi à cette Ce que l’on sait véritablement de l’histoire époque que l’on voit apparaître les premiers des paysages des savanes de Saint-Paul chemins pavés, sous l’impulsion débute au XVIe siècle avec l’arrivée de la compagnie des Indes qui des premiers navires portugais effectue un tracé entre Saint-Paul et sur la côte réunionnaise St-Leu (1736). Le trait orange épais, ci-contre et le débarquement représente le chemin pavé Grande Montée, celui qui passe sur la savane de Plateau Caillou. d’animaux : porcs, Extrais du plan de l’île de Bourbon, 1793, Antoine Denis chèvres et Selhausen (1755 - 1821) bovins. Ces

animaux vécurent en liberté pendant un temps avant les premiers peuplements permanents, aux alentours de 1664. Entre temps, les navigateurs français, anglais et hollandais ont eux aussi apporté de nouvelles bêtes aux premiers troupeaux. Ces derniers sont extrêmement nombreux, ce qui en fait une richesse de l’île pour les navires de passage. Dans les années 1730, les bas versants se spécialisent comme espace pastoral avec la création de « commun » entre le rivage et la limite inférieure des cultures sur tous les espaces non cultivés et non bâtis. Les communs sont des pâturages communaux en indivision sur lesquels les propriétaires disposent de droit de pâturage et de ramassage à proportion de la taille de leurs concessions, du nombre d’animaux et d’esclaves qu’ils détiennent. Ils sont soumis de « mettre en savane » une partie de leurs terrains, c’est-à-dire mettre en pâture ces espaces. Cette rationalisation des ressources de l’île construit une vision zonale des versants : > Haut versant//production forestière. > Mi-pente//plantation de café et agriculture vivrière > Bas//pâturage sur les terres non-irrigable, «savane». À partir des XVIIIe et XIXe siècles, les savanes sont reconnues avec des sentiments et justifient des projets de mise en valeur et d’aménagement. L’étagement paysager séduit et constitue l’une des signatures de l’île. Les descriptions de presse et de voyage participent à cette symbolique paysagère. C’est avant tout la transformation du milieu et l’absence de rationalité dans l’exploitation du territoire qui décrit les savanes. En parallèle, les savanes sont perçues comme un paysage reflétant la dégradation d’un milieu forestier originel ou qui est naît après l’abandon d’un espace autrefois fertile et cultivé. Aux yeux des élites, la savane est un désert. Le désert des savanes y apparaît comme le résultat d’une défiguration, dont le feu serait l’agent, et comme une ruine. Pourtant ces feux sont bénéfiques pour le renouvellement des ressources : « S’ils étaient moins généraux et si l’on en pouvait être maître [les incendies] produiraient le bon effet de charger les terres d’alcalis propres à les rendre plus vigoureuses et la végétation plus active. » Thomas, 1828, tome 2, p. 278.

> La savane ouverte du Cap La Houssaye et du Cap Champagne au milieu du XX ° siècle (Cl. Legros). Pas d’arbustes ou arbres.

> 1786, Plan Selhausen. Contraste entre les champs et la savane litorrale.s

Modification par la canne à sucre > Plantation des cannes à sucre qui remplace les exploitations de cotons et de café. > La savane n’est pas impactée directement par ses plantation, car le manque d’eau sur ces terres n’est pas propice à la culture sucrière. > Arrivé d’une main d’oeuvre aux croyances hindouistes et la nécessité des bêtes de traits sur les exploitations agricoles augmente la pastoralisme principalement bovin sur les savanes. On assiste à une expansion des espace de savane. Au début du XIXe siècle, le littoral sous le vent revêt l’aspect d’une vaste savane ouverte, conservant quelques fragiles reliques d’une végétation forestière des « origines » (lataniers et benjoins). Le traité de Paris ratifié le 30 mai 1814 symbolise le début de la mise en sucre de l’île. Les plantations de canne à sucre s’étendent rapidement et les établissements sucriers se multiplient sur toutes les côtes de l’île. L’ordre étagé des paysages, surtout sur le versant sous le vent, se solidifie alors et se complexifie

1815

à la fois. En effet, l’expansion rapide de la canne, qui colonise non seulement les espaces qui autrefois étaient consacrés à la culture du café, mais aussi une bonne partie de ceux qui étaient consacrés aux cultures vivrières ou à l’alimentation des animaux domestiques. La savane, quant à elle, n’appartient à aucune de ces deux entités. Elle n’est pas un étage du versant placé audessus d’un littoral, mais constitue, par elle-même, le rivage ; vaste côte étirée jusqu’à 400 m. d’altitude, sans autre attrait pour le colon que de constituer une réserve d’espace. Dans la première moitié du XIX ° siècle, la savane a encaissé le choc de l’expansion des usines sucrières. En effet, l’arrivée des usines aura différentes conséquences sur le paysage, entraînant la construction de quartiers plus ou moins importants d’ouvriers ainsi que l’arrivée d’une eau qui fournit l’énergie indispensable au fonctionnement des installations industrielles, tout en permettant l’irrigation des cultures pratiquées sur les emplacements des habitations ouvrières. La partie inférieure du versant offre de fait alors un intérêt nouveau, non seulement

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comme réserve d’espace libre pour implanter les sucreries, mais aussi comme espace potentiellement irrigable et cultivable, quand l’eau peut être captée dans une ravine proche. Les savanes qui ne peuvent pas être irriguées sont alors protégées de l’expansion de la canne à sucre. En 1848, l’île manque de main-d’œuvre et de nombreux recrutements vont faire immigrer des Indiens pour travailler dans les plantations sucrières. Le charroi des cannes à sucre et les pratiques religieuses font augmenter le nombre de bœufs nécessaires, qui sont élevés sur les savanes. On peut supposer les modifications des dynamiques paysagères des savanes par l’augmentation des activités pastorales. Cet âge d’or de la canne à sucre tombe en déclin à partir de 1863, suite à un cyclone dévastateur, la réduction de l’immigration indienne et à l’apparition de parasites destructeurs pour les plantations. Cela implique une potentielle diminution de l’activité pastorale sur les savanes.


Frise chronologique de l’histoire des savanes de la côte ouest du versant sous le vent.

Cette frise est volontairement synthétique dans le but d’appréhender assez vite la complexité de l’histoire de ces savanes. Ainsi, il m’a semblé pertinent de l’élaborer autour de quatre dates clés qui marquent des tournants dans cette histoire. De plus, il s’agit ici de montrer le processus de construction de ces paysages. Ces données permettent de montrer que la Savane n’est pas une friche, mais bien une construction complexe, basée sur une histoire des pratiques. Chronologie plus complète à retrouver en annexe.

1930

Bouleversements : urbanisations et déprise pastorale > Réduction du nombre de paysans et des micro-élevages ou micro-pratiques agricoles sur les savanes. > Réduction des gestions par le feu pour régénérer les plantes pyrophytes de la savane. > Utilisation du Leucaena, qui prolifère rapidement, pour nourrir les bêtes.

Dans la période du XXe siècle, les premiers noyaux d’habitat (Bernica, l’Éperon, Boucan Canot,…) se sont constitués aux lisières des exploitations sucrières. En 1930, l’activité pastorale a quasiment disparu des bas, une large place est donnée aux logiques d’autosubsistance. Par ailleurs, les milieux de la savane

tendent à une fermeture par un embuissonement progressif. Dans un grand nombre de paysages, la fermeture des milieux est associée à un abandon des pratiques pastorales, or dans le cas des savanes de la Réunion, les recherches évoquent plutôt une mutation des pratiques. La multiplication des Leucaena est la résultante d’une nouvelle pratique pastorale, cette plante constitue un excellent fourrage pour les cabris et les mokas. Cependant, elle est considérée comme envahissante par les écologues puisqu’elle se propage rapidement et qu’elle peut constituer assez vite un manteau forestier. Avec l’apparition de cette nouvelle pratique, on voit la diminution de l’écobuage, car les éleveurs n’ont plus besoin de régénérer

l’herbe des savanes. On passe donc d’une savane ouverte aux couleurs ocres à une savane plus fermée, camaïeu de verts. Avec les années 1950, de nouvelles pratiques de tourisme balnéaire se développent. La pression sur les savanes qui jusqu’alors était exercée par les hauts versants de canne à sucre est aujourd’hui orientée depuis le littoral et les aménagements touristiques. C’est aussi la première trace d’un effacement des idées de savane dans les perceptions administratives avec la première carte IGN topographique 1:50 000 en couleur de 1957. Les savanes ne sont pas mentionnées comme des espaces agricoles dans la légende, mais elles sont représentées par une zone blanche signifiant des terres arables.

> 2015 en haut // 2002 en bas. Photos du Cépage.

> 2017, les savanes colonisées par l’urbanisation. Vue depuis la pointe au sel vers le Cap La Houssaye.

> 2017, Les chemins dans la savane, Cap La Houssaye.

> 2017, La route des Tamarins vue depuis le Cap La Houssaye, avec une savane brûlée en premier plan.

2007

> Mise en paysage de la savane par la route des Tamarins passage des troupeaux ou l’utilisation du feu pastoral. De ce fait, on assiste > Une forte urbanisation qui crée de la demande d’espace de respiration. à la création de zones d’embuissonement de plus en plus développées. > Morcellement du maillage des savanes. Néanmoins, elle a permis aux populations de l’île de découvrir ces paysages de savane. En empruntant la route, les individus découvrent La route des Tamarins ouverte depuis 2007 a un impact fort sur la savane. des points de vue sur ces savanes et en voiture ils observent rapidement Pour les éleveurs elle sépare les espaces de savanes et empêche le l’envergure de ces paysages. De cette manière, la savane devient un lieu 15

Redécouverte de la savane

esthétique, que les gens contemplent et photographient. Mais c’est aussi grâce au chantier et ses nombreux chemins d’accès que les habitants se sont réappropriés les espaces de la savane. C’est là une nouvelle évolution majeure dans les dynamiques paysagères des savanes, puisque celles-ci deviennent des espaces récréatifs (randonnées, courses à pied, vélo…).


Cap La Houssaye

N

La savane, territoire de ressources

Les savanes telles qu’elles apparaissent aujourd’hui, sont le reflet d’une cohabitation entre des pratiques dites «  traditionnelles  » et des pratiques récréatives (cf. le constat suivant). Elles sont le produit de plusieurs siècles d’exploitations pastorales. Les pratiques anciennes, les plus représentatives de l’image archétype de savane, sont sans doute celles qui ont permis l’apparition et le maintien de ces paysages ouverts, elles correspondent notamment à l’exploitation de la ressource fourragère destinée à l’élevage de caprins, bovins et ovins. Cette exploitation humaine du milieu considère les savanes comme un vaste territoire de pâture. La particularité de ce milieu c’est qu’il est soumis à des phénomènes d’évapotranspiration importants couplés à de longues périodes de sécheresse, ce qui oblige les exploitants à pratiquer une gestion par le feu. Le brûlage permet à la strate herbacée pyrophyte de se régénérer à la saison humide. Ainsi cette pratique permet aux éleveurs d’avoir des pâtures de meilleure qualité d’un point de vue nutritionnelle, mais aussi de lutter contre les plantes non désirées, car pas comestible (attention ici je n’évoque pas les arbustes envahissants, car on les reconnaît comme d’excellents fourrages, ils les émondaient, il faut savoir que cette taille combinée au passage du feu, limite la croissance des arbustes ce qui contient la propagation de certains arbustes opportunistes à de simples fourrés parsemés

dans l’ensemble de la savane, c’était le cas de Leucaena par exemple). Le reverdissement soudain, dès la première pluie, des pâtures brûlées est le marqueur le plus spectaculaire, dans les paysages du versant, de l’arrivée de la saison humide. Cette reconfiguration saisonnière du paysage, indissociable de la fonction pastorale de ces espaces, constitue l’un des caractères les plus marqués du paysage des savanes, dans une île où le passage d’une saison à l’autre ne s’inscrit en général que discrètement dans l’aspect de la végétation. Les variations brutales ou subtiles de couleurs qu’offre la savane au cours de l’année, en fonction du passage des saisons, de l’intensité de la pression pastorale et des modalités du passage des feux, constituent sans nul doute l’un des principaux supports pour un projet mettant en valeur et en scène le paysage des savanes. De plus, la pratique du feu correspond à une logique de parcours et de rotation des pâtures. Les parcelles sont brûlées une année sur deux, voire une année sur trois. Le bétail est ainsi conduit sur les savanes non brûlées durant l’essentiel de la saison humide, en attendant que les végétaux parviennent à maturité sur les terrains brûlés. Cette notion de parcours est importante, car elle nous permet de prendre en compte l’extensivité des pratiques pastorales et la nécessité pour l’éleveur, d’organiser rationnellement le déplacement du troupeau. Mais aujourd’hui, ces pratiques qui occupaient

16

l’ensemble du territoire des savanes ne se retrouvent que sur des espaces restreints de savane, peu à peu le parcours et le pâturage de manière générale disparaissent au profit d’un embuissonnement. ENJEUX > Le paysage de savane ne peut être dissocié de sa dimension pastorale, sa mise en projet suppose donc d’intégrer le rôle des pratiques d’élevage qui ont contribué à sa formation et qui contribuent à sa transformation, de manière à mettre en valeur de cet héritage.

Les

savanes, espace de liberté et paysage du

quotidien

Cette grande étendue « d’herbes sèches » est un espace de vie, vécue comme une extension du jardin. Autrefois et parfois encore, certains disent « vavanguer » dans les savanes, cette expression vient du nom d’un fruit que l’on y cueille, Vangueria madagascariensis, et désigne en créole la libre déambulation et le libre usage. Les savanes sont considérées par une grande partie des Réunionnais comme faisant partie intégrante de leur identité, cela peut s’expliquer par le statut qu’il leur a été conféré dans une partie de l’histoire. En effet, les savanes ont eu le statut de « communes », c’est-à-dire d’espaces dont les ressources (en bois, herbes, fruits, etc.) sont mises en commun, coexploitées par les habitants indépendamment des droits donnés par la propriété du sol. La savane échappait alors


Carte sensible

Saint-Paul

au service d’une définition de la savane.

Les différents espaces de savanes que l’on retrouve sur la commune de Saint-Paul offrent des qualités sensorielles différentes. Ce plaisir des sens renvois au rapport au lieu et permet de les faire exister, mon expérience sur le terrain m’a permis de faire cette cartographie sensible, qui propose une interprétation des différents rapports aux lieux notamment dans le périmètre restreint qui englobe la parcelle du projet (du Cap La Houssaye à Bois Rouge). Cette carte combinée à trois grands constats permet d’établir une définition de La Savane réunionnaise. Ces constats sont issus de l’annexe que j’ai écrit conjointement à deux autres camarades en Novembre dernier.

Plateau Caillou

aux plantations coloniales et constituait à la fois un refuge, où l’on évolue à l’abri du regard des maîtres, et un territoire aux ressources accessibles. Elle est ainsi très tôt devenue, aux yeux des habitants de la côte ouest, un espace de liberté. Aujourd’hui encore, c’est cet esprit de liberté qui domine les savanes, pour exemples l’exploitation pastorale qui s’affranchit de tout droits ou titres ou encore les « contrebandiers » (comme ils aiment se définir) qui cherchent nids de guêpes ou les quelques vavangues, zattes ou gousses de tamarins. Les savanes sont donc des espaces vécus, favorisés par leur proximité avec les ensembles urbains qui en font des espaces de nature de plus en plus fréquentés. Aujourd’hui, le sentiment de liberté est surtout associé aux nouveaux usages qui naissent de l’évolution territoriale du versant sous le vent. Notamment avec des pratiques sportives, qui depuis ces quinze dernières années, connaissent un développement très important. Ce phénomène reflète une réalité qui a bouleversé le territoire pour laisser place à des espaces, celle d’une expansion urbaine spectaculaire qu’a connue cette partie de l’île. La savane devient un îlot de nature aux portes de la ville, menacée par elle, et échappant à la planification. Cela est particulièrement vrai à Plateau-Caillou, où les savanes confrontent la ZAC du même nom, construite dans les années 1990, et sur lesquelles prendra place, dans un avenir

proche, la ZAC Renaissance III, destinée à accueillir 2 700 logements. Le projet est indissociable de ce processus d’évolution du rapport des populations à la savane. Il devra intégrer deux grands types d’usage de cet espace, tous deux associés au sentiment de liberté inséparable des perceptions locales de ce paysage : celui qui relève, d’un côté, de l’exploitation des ressources et celui qui a trait, de l’autre, à la quête de la détente et du ressourcement. Sur le premier de ces usages repose la pérennisation des paysages et milieux de savane à La Réunion ; sur le second l’attractivité du projet, dont la construction marquera une étape symbolique importante dans le mouvement actuel de « re- conquête » de cet espace des savanes par la population réunionnaise. ENJEUX > Cet espace, pour les populations de la côte ouest, échappe depuis longtemps à toute mise aux normes et à toute planification.

Les

savanes,

un

paysage

métamorphose

en

perpétuelle

Comme le précise le constat précédent, la mutation des savanes s’est accélérée depuis une quinzaine d’années. Même si leurs faciès n’ont jamais présenté partout le même aspect, les variations ne tenaient qu’à la présence, ici ou là plus forte, des arbres et des buissons. Nous assistons aujourd’hui dans certaines parties des savanes du littoral à une véritable 17

fermeture du milieu, effet de la propagation de certaines espèces arbustives, telles que Dichrostachys cinerea, Vachelia farnesiana, Desmanthus virgatus, Prosopis juliflora et, surtout, Leucaena leucocephala, la principale responsable de la récente rétraction des espaces ouverts, qui est aussi le seul parmi ces arbustes à être capable d’évoluer vers un manteau forestier faisant totalement disparaître le caractère « savane » ouverte du milieu. Cette métamorphose contemporaine est la conséquence directe du déclin de l’élevage (écobuage + pâturage), sous l’impact du développement de l’agriculture irriguée, de l’urbanisation, mais aussi de la construction des infrastructures routières. Ces phénomènes ont eu pour conséquence de fragmenter tout le maillage des savanes, qui autrefois apparaissait comme une grande étendue d’herbe piquetée d’arbres occupant l’espace allant du rivage à la ligne des 400 m. Ces espaces morcelés ne permettent plus aux éleveurs d’avoir recours au parcours ni au brûlage, car le risque d’incendie des habitats est devenu trop important. Petit à petit, la plupart des éleveurs ont dû abandonner leur activité et ceux qui restent renoncent quelquefois à maîtriser la végétation et à gérer comme auparavant la ressource. ENJEUX > Prendre position sur la dynamique actuelle de ces milieux et paysages, pour la maîtriser et l’orienter.


Stade 0 C’est le stade des mousses et lichens, plantes pionnières sur les roches affleurantes. Stade 2

Stade 1 Stade des ouvertures dans les tonsures, milieu graminéein avec des ouvertures dans le couvert végétatif. Dans ces ouvertures, on va trouver Aristida, Zornia gibbosa, Riccia microcilliata.

C’est la pelouse tonsurale, avec des espèces basses à rhizomes ou stolons, comme Botriochloa pertusa. Ce stade est largement favorisé par le pâturage qui va sans cesse créer les ouvertures en perturbant la savane.

Stade 4 L’ourlet, qui peut être herbacé ou ligneux, à une hauteur de 80 cm. La savane est héliophile, mais dès qu’il y a des implantations de ligneux se crée de l’ombre ou de la semi-ombre. C’est ce qui crée le plus de biodiversité. Cette ombre est à l’origine des zones humides propices à Urochloa maxima (Fataque), la graminée la plus haute de la savane. C’est une espèce de friche quand le sol est riche, mais quand c’est pauvre elle est plutôt en semi-ombre. À ce stade apparaît aussi une strate semiligneuse avec le Desmanhtus virgatus (Petit- cassi).

Stade 5 Pré-manteau. Le pré-manteau, est représenté par des arbustes qui ne dépassent pas le stade A2, entre 80 cm et 4 m ; c’est la strate arbustive basse qui correspond à des nano-phanérophytes, des petits arbustes qui vont s’exprimer de manière optimale à ce stade-là. Dans la savane, c’est le Vachellia farnesiana. Le prémanteau, c’est ce qui précède le manteau, qui peut par ailleurs être appelé fourré. Le pré-manteau typiquement, est représenté par les éricoïdes, les légumineuses méditerranéennes, etc. On peut retrouver ici des espèces comme le Panicum qui fait partie du dernier stade avant les ligneux, des hypothèses tendent à dire qu’il montre une ancienne zone de culture.

18


Stade 3 C’est le stade « type » de la savane, avec Heteropogon contortus qui va largement dominer. Ce stade est favorisé par le passage du feu. C’est le dernier stade herbacé, on passe ensuite à une strate arbustive. Quand il y à Thephrosia et Hétéropogon c’est ce qu’on peut appeler une « savane primaire ».

dynamiques végétales de la

savane.

Ceci permet de restituer les conditions dans lesquelles évoluent la végétation des savanes. Le schéma cidessous va expliciter la composition de la série « spontanée » de végétation correspondant au type théorique des savanes à La Réunion (car il va y avoir des variations au sein même de l’océan Indien et dans les savanes en général), on distingue 10 architectures, 10 classes de végétation qui sont autant de « legos ». Il est important pour ce projet d’avoir ces legos en tête, car ils vont me permettre de jardiner la savane en proposant des scènes différentes. Ce processus est écrit d’après un entretien avec Vincent Boullet (Phytosociologue) et une synthèse de Morgane Robert (doctorante).

Stade 7 Pré-forêt. Il est représenté par des essences héliophiles nomades qui vont s’installer et coloniser le milieu en amenant un ombrage avec leur canopée, avant qu’un véritable sousbois ne se constitue. Le Leucaena leucocephala peut jouer ce rôle, mais c’est surtout le Pithecellobium dulce et l’Albizia lebbeck qui représentent ce stade dans la savane.

Stade 6 Manteau. Stade architectural d’arbustes hauts dont l’optimum de développement est à 4-8 mètres de hauteur, c’est là où ils fleurissent ou fructifient. Les essences qui sont présentes ici disparaissent dès qu’elles se retrouvent en sous-bois, car elles ont besoin de lumière. C’est le stade typique pour le Leucaena leucocephala (mais que l’on retrouve aussi dans les stades 4 à 7).

Stade 8 Forêt jeune. Les stades suivants (8,9 et 10) ne se rencontrent pas facilement dans les savanes. Cela tient du fait que les espèces que l’on retrouve actuellement dans la savane ne sont pas indigènes et apportent une grande pauvreté biologique au milieu, si tout était indigène alors on pourrait voir apparaître les stades suivants.

Stade 9 Forêt mature. Il se distingue du stade 8 par un changement des conditions édaphiques (du sol) : accumulation d’humus et autres matières organiques, apparition de ptéridophytes (fougères) au sol.

Stade 10 Forêt mature développement

des

avec épiphytes

(plantes vivant sur des supports, systèmes racinaires peu développés et aériens). Ce stade n’est pas possible sur les savanes pour des raisons abiotiques qui sont limitantes, en particulier la pluviométrie. 19


2///Le paysage de Plateau Caillou

(s’immerger pour faire projet avec l’existant) >> contexte de la savane >> galerie photos >> singularités du site >> Analyse d’un potentiel endormi >> arborescence du processus de projet

> La savane de Plateau Caillou. Photo d’Hervé Duris, Avril 2018. 20


contexte de la savane

Informations socio-économiques 1980 : un espace rural (agriculture + habitation dispersée. 1050 habitants.) 2010 : explosion démographique et d’activités dues à la naissance de deux ZAC (renaissance 1 & 2). 2018 : début du chantier de renaissance 3. 8000 habitants.

une enclave dans le contexte urbain de Saint-Paul.

Située sur une planèze variant entre 100 à 150 mètres, la savane de Plateau Caillou constitue un promontoire qui offre de larges panoramas. Depuis ces hauteurs, le regard embrasse des points de vue uniques sur l’océan Indien. Lorsque le regard porte en direction du nord, se dévoile alors la baie de Saint-Paul, berceau du peuplement de l’île. Puis se dévoilent les constructions de la ville. On aperçoit ensuite l’étang de Saint-Paul dont l’aspect verdoyant et luxuriant contraste vivement avec les paysages roussis par le soleil des savanes de Crève Cœur ou de Bellemène. Autre contraste saisissant, celui qui s’établit entre la savane de Plateau Caillou et la ravine du Bernica. Ce projet a une position stratégique de rotule ou d’interface entre deux types de gestions des Savanes. Plus précisément, le site d’étude se trouve à l’entrée du quartier de Plateau-Caillou. Le périmètre d’étude s’étale sur 26 ha environ et est orienté Sud Est/Nord Ouest.

>> une population jeune ( 41 % a moins de 25 ans) >> 26% de ménages monoparentales >> une précarité (63% des ménages fiscaux sont non imposables)

UNE SITUATION DE BELVÉDÈRE

192 m

D1

CARTOGRAPHIE DES USAGES

113 m 71 m

D2

Marché de Saint-Paul

160 m 152 m

(vendredi-samedi matin)

D3

Église de Saint-Paul

135 m 6 m

>Plan de situation sans échelle.

96 m

Occupation sauvage

D4

D5 Stationnement sauvage

Om

(lors d’événements religieux)

100 m

Processions religieuses (chemin de croix et jubilé)

Vers Saint-Denis

Attier

(arbre à fruit très apprécier)

Collège + complexe sportif Saint-Paul Rue commerçante

Om

200 m

Étang de Saint-Paul

Océan Indien

Grande Fontaine

route des

Rampes Crève Cœur

Chemin pavé D6 future zac

Cap La Houssaye

Bois Rouge

Zac Renaissance 1

Chemin pavé

Plateau Caillou N1a

Ravine Bernica

N

Fleurimont

Chemin pavé

route des Tamarins

Vers Saint-Leu Vers Saint-Gilles les Hauts >Carte de localisation de la savane de Plateau Caillou.

21

Ravine Divon


> La savane comme belvédère sur Saint-Paul. Une oppostion forte entre la ravine Bernica et la savane de Plateau Caillou.

> La nappe graminèene disparait petit à petit sous l’épais manteau vert.

> Le jubilé et son belvédère.

> Un relief escarpé au nord.

> La reconquête du Leucaena sur l’Hétéropogon.

> Accès actuel à la savane.

22

> Limite Nord de la savane, avec la route des Rampes et sa topographie.


galerie de photos aériennes de la savane de Plateau Caillou et de son contexte.

Afin d’appréhender au mieux la morphologie du site, mais aussi ces qualités végétales et son contexte, il me semble pertinent de faire une galerie de photos prises en avril 2018 par Hervé Douris. Il faut cependant tenir compte de la saison (fin de l’été, début de l’hiver) qui marque une végétation dense et en feuilles pour les arbres et arbustes. À titre de comparaison, en bas de cette page, deux photos de Douris en août 2016, la savane avait encore un faciès de savane ouverte, piquetée d’arbres. Cette photo-comparaison marque la vitesse de fermeture du milieu (attention photos prise à une autre saison).

> La savane encadré de voix de circulations. Un paysage naturel au coeur des centres urbains.

> La savane encadré de voix de circulations. Un paysage naturel au coeur des centres urbains.

> Autre vue du chemin de service.

> Rapport savane // ravine Bernica. Photo de 2016.

> Le chemin de croix.

> Plateau Caillou en 2016 lorsque la savane avait encore une typologie de savane, en oppostion avec son statut de friche actuelle. En orange le tracé du chemin pavé, invisible aujourd’hui quand on est dans la savane..

23

> Talweg qui mène ç la Fontaine des prètres.


Le patrimoine paysager : la formation de l’anse (le littoral cintré, le lido habité, la route-digue, l’étang humide) le tout adossé aux remparts. Mais aussi la crête de Mafate, les planèzes sillonnées par les nombreuses ravines arborées, la plaine alluviale du Port formée par le cône de rejet de la rivière des galets, le piton Défaud, la ravine Bernica. Le patrimoine historique : depuis la Grotte des Premiers Français, la colonisation des premiers habitants s’est faite en pied de falaise, là où les terres sont les plus fertiles, en passant par Les Roches, Grande Fontaine et La Perrière. Le Tour des Roches longe cette ligne et ceinture l’étang, autrefois vivrier. Le centre-ville développé sur le lido, avec quelques figures du patrimoine (Église de la Conversion, le débarcadère, le cimetière marin, La Poudrière...).

utilisant les secteurs les plus végétalisés (couvert forestier) du site. Le patrimoine géomorphologique : la formation géologique rencontrée sur la savane de Plateau Caillou appartient aux formations volcaniques du Piton des Neiges. Le site est structuré par un empilement de couches volcaniques distinctes. Les coulées basaltiques donnent des affleurements résistants formant des microfalaises ou des dômes. Les horizons de brèches à cailloux et blocs sont plus tendres et donc fortement érodables. Les horizons pédologiques sont très minces sauf dans les talwegs.

2

1

Bois Rouge 1

Ravine Bernica Savane Crève-cœur

Le patrimoine écologique : la savane de Plateau Caillou fait partie du continuum écologique qui s’étire le long du littoral, l’entité écopaysagère « Végétation sèche de basse altitude ». Plus précisément elle se situe à la croisée des savanes sèches du Cap La Houssaye, des fourrés semisecs des remparts de l’étang, de la forêt semi-sèche de la ravine Bernica (cf. carte précédente). Cette savane est composée de fourrés xérophytiques typiques des pentes basses de l’Ouest de la Réunion. Ces milieux sont composés de formations indigènes herbacées pionnières inféodées aux milieux saxicoles et à fort ensoleillement. Ces habitats comportent des espèces patrimoniales : Actiniopteris semi-flabellatta et potentiellement Zornia gibbosa (espèce protégée). Ces végétations sont par ailleurs en mauvais état de conservation du fait de la progression rapide de certaines espèces. On observe également la présence de fourrés secondaires arbustifs : Fourré à « Cassie » Leucaena leucocephala (en fourré monospécifique ou en mosaïque avec les graminées). Concernant la flore, il y a un fort enjeu sur le haut de la ravine Bernica, avec la présence de quelques espèces indigènes caractéristiques des forêts semi-sèches. La diversité spécifique et l’abondance de ces espèces restent tout de même très faible. On note également la présence d’une espèce protégée : le Bois de chenille (Volkameria heterophylla). Concernant la faune, les principaux enjeux se situent au niveau de la Ravine Bernica liée à la présence de colonies de Puffin, de sites de nidification de Pailleen-queue et de l’Hirondelle de Bourbon. Trois espèces protégées sont aussi présentes sur la savane : l’Endormi (Furcifer pardalis), la Tourterelle Malgache (Streptopelia picturata), espèce indigène fréquente dans les milieux semi-ouverts et l’Oiseau blanc, espèce endémique

Leucaena leucocephala

> Haut de ravine, un écotone unique. Peinture interprétant la fin de l’hiver sur la savane de Plateau Caillou.

2

Albizia lebbeck

Heteropogon contortus

> Vue panoramique vers Saint-Paul et son étang. Peiture interprétant la fin de l’été sur la savane de Plateau 24


Singularites du site

entre patrim

oine, paysage et qualités écologiques.

À travers ces deux peintures, nous souhaitons localiser les spécificités de cette savane et donner à voir les différents paysages qui s’offrent à nous au sein de la savane. La situation géographique du site est naturellement en surplomb sur la baie de Saint-Paul, ce qui offre des points de vue remarquables sur l’ensemble du berceau d’accueil de La Réunion, et notamment sur :

Écotone &

Albizia lebbeck

lieu de nidification

Roche affleurante

Pithecellobium dulce

Heteropogon contortus

Grotte des Premiers Français Fontaine des Prêtres Leucaena

Saint-Paul

Bernica

Rempart Route sur digue (antique falaise côtière)

Anse du littoral

leucocephala

Haut de la ravine

Tour des Roches

Planèze agricole

Océan Indien

Lido habité Piton Défaud

u Caillou. 25

étang de

Thémeda

Saint-Paul

quadrivalis


Réglementations Nerl Ncor

Vues D

is

epu

la

, ute

e

un

c au

Zone de protection des sites remarquables de la Ravine Bernica. Site de reproduction de Puffin et de Paille-en-queue.

vue

Vues dégagées

ro

Vues partielles sur l’océan, l’étang et la ville Vues sur la savane

Vues sur Plateau Caillou Vues sur la savane

Chemins (patrimoniaux) et accès

Depuis

la ro ut

Accès Nord Chemin de croix

e, au cun

e vue

(dangereux)

Chemin de service

Chemin pavé

(sous les graminées)

Accès Ouest

Couverture végétale

Vues sur la Ravine Bernica

Accès Sud

Fourré à leucaena

(actuellement impraticable)

Mosaïque d’héteropogon et de leucaena Savane ouverte à héteropogon

Eaux Fontaine des prêtres DN 1600 Talweg

Talweg

Topographie Microplateau

15 26


Analyse d’un potentiel endormi analyser et connaître pour faire projet avec l’existant.

Un certain nombre de qualités sont présentes sur le site, cette analyse permet de les localiser et d’en tirer des objectifs de travail, dans lesquelles le projet s’inscrira. Cette double-page propose un va et vient entre le plan en vue explosé et les textes pour finir avec chaque objectif.

Réglementations

Ncor : corridor écologique Nerl : espaces remarquables du littoral

Le site étant couvert par ces deux zonages contraignants, le projet doit faire l’objet de demandes de permis de construire et d’aménager. De plus, la zone d’étude est concernée par le site inscrit de la Ravine Bernica qui recouvre la moitié. À ce titre, tous les travaux susceptibles de modifier l’aspect ou l’état du site sont soumis au contrôle du ministre chargé du site ou du préfet du département.

Valoriser pour protéger les vues

Avec sa position géographique, la savane de Plateau Caillou surplombe Saint-Paul et offre des vues uniques sur le berceau du peuplement réunionnais. Cependant, on constate que les axes routiers sont les vecteurs principaux qui donnent à voir « l’image de la ville ». La position en contrebas de la RD6 réduit fortement le champ de vision sur le paysage environnant, et notamment sur la savane c’est aussi un facteur de son oubli.

Ré-ouvrir les accès et valoriser le patrimoine

Objectifs > valoriser les vues existantes de la savane vers le paysage extérieur, mais aussi donner à voir la savane depuis le paysage environnant pour interpeller.

Les accès aujourd’hui ne se limitent qu’à l’entrée ouest, les autres sont inaccessibles ou dangereux. L’entrée nord depuis les rampes est peu marquée et n’est praticable qu’à pied. L’entrée ouest, accessible en voiture est également peu marquée et non sécurisée : passage piéton inexistant face à un trafic important. L’entrée sud n’est accessible à pied que depuis Plateau Caillou, elle est plus sécurisée, mais très discrète, abandonnée. Il existe également un accès véhicule créé et entretenu pour la gestion de la canalisation. De plus, la savane abrite un chemin pavé qui traverse le site et qui apparaît comme une relique du chemin « La Grande Montée », qui a été construit au XVIIIe siècle pour acheminer les récoltes de café des hauts vers le centre de Saint-Paul. Ce sentier a aujourd’hui disparu sur le reste de son linéaire. Les vestiges apparents sur le site d’étude ont donc un intérêt patrimonial certain.

Objectifs > restaurer les chemins patrimoniaux afin de les valoriser. Travailler les accès de manière à les sécuriser et proposer un accès depuis le cœur de Saint-Paul.

Se saisir de plasticité de la savane

Objectifs > adopter une gestion qui va dans le même sens que mon positionnement sur les dynamiques végétales de la savane. Utiliser la diversité végétale dans sa dimension plastique et sa couleur qui peuvent devenir de véritables composantes d’un jardin.

Comme nous le montrent bien les photos de la page précédente, les dynamiques végétales de la savane de Plateau Caillou évoluent vite et tendent vers une fermeture prochaine du milieu. Afin de mieux se positionner sur le sujet, il est important d’avoir en tête la répartition de la couverture végétale.

> Ci-dessus, restauration du chemin pavé. Ci-contre, le chemin pavé en 1949, encore bien lisible dans le paysage, puis peu à peu il va s’effacer sous l’épaisse couche de graminée.

L’eau se fait discrète

La savane surplombe la Ravine Bernica qui se trouve être, l’exutoire d’une grande partie du bassin versant de Plateau Caillou. On retrouve deux talwegs sur la savane, un qui mène les eaux en contre bas de la RD6 (vers la « Fontaine des Prêtres ») et un autre qui mène les eaux vers la Ravine. Dans le cadre de l’Irrigation du Littoral Ouest (ILO), une conduite DN 1600 traverse le site. Deux postes de pompage sont présents le long de cette conduite, où l’on peut potentiellement retrouver de l’électricité. Concernant l’eau potable, aucun réseau n’est présent sur le site.

> Mosaïque des couleurs de la savane aussi bien herbacée, qu’arborescente.

Objectifs > maintenir les talwegs de manière naturelle et mieux intégrer le chemin de maintenance de la conduite des eaux (revoir la gestion).

S’inscrire dans un relief

La savane est divisée en trois plateaux de pentes variables et départagés par la ligne d’écoulement traversant le site et le chemin pavé. De plus, le site présente une multitude de micros zones à faibles pentes qui offrent des opportunités pour le futur projet.

Objectifs > tenir compte de la topographie afin de penser un projet qui impactera le moins possible le terrain, et qui induit une certaine logique d’aménagement (si aménagement il y a).

> Schéma de principe illustrant un type d’action possible En accord avec la topographie du site.

>Ci-contre à gauche, un plan éclaté des différentes singularités de la savane de Plateau Caillou, appuyer d’un texte ci dessus et d’objectifs pour mon projet de savane jardin.

27


Reboisement et arboretum

ANALYSE DE LA DEMANDE

- Réaménagement écologique (talweg, abords RN3). - Reconstitution écologique : savane à Latanier et à Benjoin. - Reconstitution écologique : forêt semi-sèche. - Arboretum. - Végétalisation pour la valorisation de l’artisanat. - Plantation d’ornement autour des équipements. - Arbres d’ombrage sur le stationnement.

Un budget total du parc qui s’élève à 9 341 365.00 euros

Intervention in situ

Infrastructures générales - Protection incendie - Alimentation en eau - Arrosage - Alimentation électrique - Le wifi - Éclairage LED

Mairie de Saint-Paul (appel d’offres) Liaisons - Passerelle d’accès à la ZAC 1 - Liaison vers Cap La Houssaye - Chemin de croix, cheminement et garde-corps - Chemin pavé - remise en état - Giratoire et aménagement sur RD6 - Cheminement et passerelles vers Bernica

- Voie d’accès au site en stabilisé terre pierre - Parkings sur site en stabilisé - Plate-forme en remblai stabilisée - Amphithéâtre - Estrade béton désactivée - Structure d’ombrage - Bancs en bois et pierre - Table - Aire de jeux nature - Street Work out - Une tour (12 m de haut) - Plate-forme hors-sol (50 m2) bois Nid d’observation - Bloc sanitaire autonome - Pas dans le vide (30 m) belvédère - Table d’orientation et d’information - Boulodrome - Accueil multiservice 80 m2 (bar à vue) - Parcours Nature, Culture et une ballade Moka - Grande roue

Restauration et service - Rondavelle équipée (bar à vue) - Roulotte à glace - Exposition programmée des fruits du terroir - Foodtruck - Recharge de véhicule électrique

Tourisme//éducation - Sensibilisation et vulgarisation scientifique (observatoires, arboretum, géologie...) - Sensibilisation au patrimoine et à l’histoire - Lieu d’animation sociaux-culturels gratuit - Visite guidée patrimoniale - Tyrolienne, grande roue

Arts et culture - Exposition thématique et programmée - Réouverture du chemin de croix

Sport de pleine nature

Habitants (concertations faites par la mairie dans

Cadre de vie//famille//vie de quartier

le cadre du projet)

- Lieu de détente multigénérationnel et multiethnique - Aire de pique-nique traditionnel - Jeux d’enfants pleins nature - Chemins ludiques - Sanitaire, point d’eau, poubelles - Chasse au pokémon, aux œufs de Pâques... - Célébrations (mariages...) - Jeux d’eau, fontaines, bassins - Brocante, vide-grenier - Stationnement

- Circulation douce - Marche//jogging//cycliste//roller - Gymnastique//fitness//pilate//yoga - Danse - Escalade - Jeu de balle, ballon - Self défense - balade équestre - Point de départ de manifestations sportives - Sport canin

À RETENIR

CONSTATS : - programme exogène au site, trop interventionniste. - peu respectueux des pratiques de la savane. - un projet trop coûteux par rapport à la surface (23ha). Cependant des éléments programmatiques sont à conserver, car pertinents : - sensibilisation//animations. - l’arboretum. - liaison vers le Cap La Houssaye. - réhabilitation du chemin pavé et du chemin de croix.

28

L’appel d’offres qui est lancé par la mairie de Saint-Paul p Parc, il me semble que cela va à l’encontre de la définit un modèle paysager. De plus, la concertation menée aup avoir été éronnée, notamment du fait qu’ils soient venue des scénarios du parc déjà dessinés. Ceci fausse com De plus, avec l’analyse proposée dans les pages précéde rant de parler de jardin, qui du coup ne sera pas une su tion d’aménagements, qui semble à l’opposé de la définit les habitants demandent et attendent un certain nombre espace plus intime, plus secret, plus respectueux du site tiques, etc. C’est pourquoi nous souhaitons proposer une a tout en prenant en compte les demandes habitantes sur


arborescence du processus de projet

un projet oui, mais avec quelles valeurs ?

Le projet s’inscrit dans une démarche itérative entre analyses, constats, intuitions, recherches, etc. Il ne se pense pas comme une forme arrêtée, à l’image de l’appel d’offres de la mairie, mais comme un processus de transformation, un dispositif dynamique et évolutif. Il faut alors accepter de travailler avec l’incertitude, l’instable et l’aléatoire. Nous allons donc tenter de mettre à plat une arborescence de projet afin de mieux comprendre la démarche. Si au départ je positionnais mon PFE comme étant un contreprojet, je me suis vite rendu compte que c’était plutôt une alternative, car je réponds aux mêmes questions, mais différemment, afin de ne pas proposer un projet qui s’éloigne de la savane elle-même.

4

Transmettre > jardin de partage

Gérer > jardin de pratique

3

> Mise en valeur des pratiques qui font exister la savane en tant que paysage unique de la côte ouest, notamment la pastoralisme et l’écobuage.

propose un aménagement, un tion de Savane, qui est en soi près de la population semble e leur présenter le projet avec mplètement l’attente habitante. entes, il nous paraît plus opéuperposition et une accumulation de savane. Il est vrai que de choses de la savane, un e, en adéquation avec les praalternative à cet appel d’offres, rlignées en orange ci-contre).

> Observer et apprendre, afin de sensibiliser les populations, à la savane comme espace fragile. > lieu de partage multigénérationel et multicultuel.

Et après ? > Plateau Caillou ne serait que le début d’un projet plus grand. Avec un tel budget il est possible de réaliser un projet à l’echelle territoriale. Ceci fera l’objet d’une troisème partie.

2

Expérimenter > jardin d’une savane plurielle

> Expérimenter à l’echelle 1 la gestion des dynmiques végétales. > Exhausser l’expérience sensorielle de la savane.

Conserver > jardin mémoriel

ALTERNATIVE AU PROJET Ce projet porte les valeurs indiquées ci-dessus, les chiffres qui leur sont associés ne font pas référence à une chronologie d’action, car tout ceci rentrera en effervescence en même temps.

1

> Conserver les valeurs historiques, patrimoniales, culturelles, cultuelles. > Conserver la savane comme un espace de liberté (sans aménagement).

UN PROGRAMME QUI ÉMANE DES PERCEPTIONS HABITANTES. Selon la Convention Européenne du Paysage, le « “Paysage” désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». Ainsi un projet de cette envergure se doit de prendre en compte la savane telle qu’elle est perçue pas les habitants. Toutefois, la perception des savanes reste une question difficile, car elle a longtemps été considérée comme un désert, on ne la regardait pas. Pour autant depuis quelques années on voit un changement s’opérer et la savane devient un véritable paysage esthétique. Dans le cadre de ce projet, nous n’avons pas pu faire une concertation, cependant un travail de médiation avec des enquêtes ethnogéographiques a été réalisé il y a quelques années (2015), s’inscrivant dans la recherche en cours. Il avait pour but de récolter des témoignages in situ, afin de faire un état de l’art des représentations que la population a sur les espaces de savane. Nous allons nous appuyer dessus afin de proposer un programme qui répond réellement aux aspirations habitantes. (Résultat de la recherche à retrouver en annexe).

29


3///La savane, jardin de sentiments (Conserver, expérimenter, gérer et transmettre) >> faire avec le déjà là >> dynamiques végétales >> phase 1 : ré-ouvrir la savane >> phase 2 : l’esquisse du jardin

> Photo prise depuis le Chemin pavé de Plateau Caillou, Novembre 2017. 30


faire avec le déjà là qui émerge à travers les potentialités du site.

Comme je l’énonçais en introduction, ce PFE s’inscrit dans une grande problématique contemporaine qui est celle des projets de paysage dans les «  anciennes  » marges territoriales. Je souhaite aborder cette problématique en rajoutant une valeur qui me tient particulièrement à cœur, car elle fait entre autres la signature du paysagiste, celle du « faire avec ». Gilles Clément nous dit : «  En embrassant la planète

entière, enclos autonome et fragile, comprendre avant d’intervenir, observer pour agir, faire avec plutôt que contre la nature. (…) Diversité, mouvement, assemblage entre les êtres vivants : la nature offre les richesses de son paysage à l’homme-jardinier. (…) Prélever sans appauvrir, consommer sans dégrader, produire sans épuiser, vivre sans détruire. C’est possible » 2 . C’est avec cette philosophie que je souhaite jardiner la savane de Plateau Caillou. Ce projet est avant tout un milieu naturel de savane sèche à partir duquel émergent des usages spécifiques

en relation directe avec l’histoire des pratiques du site.

On peut dire que l’homme est depuis bien longtemps le jardinier de ce paysage de savane, sans lui la savane ressemblerait aujourd’hui à une forêt. Le futur jardin profite des qualités propres au paysage de savane, qui créent naturellement une identité forte et une réelle attractivité : - Paysage de vallonnements doux créant de subtils effets de surprises malgré une apparente lisibilité. - Paysage ouvert, avec peu d’écrans arborés, valorisant les vues panoramiques sur le lointain, sur le grand paysage (attention aux dynamiques en cours qui ferment le paysage de manière spectaculaire). - Paysage de nappe graminénnes, vert ou doré, offrant une homogénéité plastique à perte de vue. Dans cette apparente homogénéité apparaît une diversité de microsituations qui donnent du relief et une large palette au coloriste. - Paysage de respiration, où l’absence d’infrastructure donne une sensation de libre déambulation et de liberté. - Paysage du vécu, c’est une expérience en soit d’être sur une savane. Nous sommes en contact direct avec la flore et la faune, le soleil, la brûlure, le vent, l’orage et la pluie, mais aussi

le sol, la roche et la topographie. Cette atmosphère est aussi celle qui prédomine, à ce jour, sur l’ensemble de la savane du Cap La Houssaye, et il me semble indispensable qu’elles apparaissent en toile de fond à travers l’aménagement du parc. À mon sens, suraménager la savane serait faire un projet contre la savane et nous perdrions toutes les qualités qui la font exister. Afin de proposer un projet qui s’inscrit dans l’identité des savanes, je souhaite le phaser en plusieurs grandes étapes qui vont petit à petit faire émerger un jardin de la savane de Plateau Caillou. Je souhaite penser ce « jardin de sentiments » comme un espace de liberté qui évoluerait au fil des saisons, des années, des appropriations. Mais surtout, ce jardin est construit en partie avec les habitants, sur des journées ciblées. Un phasage sur cinq années serait envisagé comme une invitation à la reconquête de ce lieu (voir schéma ci-dessous), mon rôle serait de donner envie aux habitants de réinvestir ce lieu en même temps que nous sommes en train de le dessiner et de le composer, ce projet est un JARDIN PÉDAGOGIQUE EN MOUVEMENT, rythmé d’ateliers, d’animations...

Un jardin en 5 temps.

T1

- Partie Nord non accessible au public, elle est dédiée exclusivement au pâturage. Le reste de la savane est ouvert au public. - Restauration du chemin pavé et du passage souterrain. - Connexion au parking.

T2

- Les effets de la gestion commencent à donner de bons résultats sur la typologie de savane, essai de brûlage. - Chemin pavé opérationnel sur la partie haute, création de la partie basse. Restauration du chemin de croix. - Sélection des arbres à garder pour l’arboretum.

T3

- Pâturage sur l’écotone de la ravine. - Début des plantations.

T4

- Defrichement de la dernière zone.

T5

-Les différentes scènes du jardin sont créées, les cabris en 5 années se sont habitués au parc et aux usagers, tout le monde cohabite sur un même lieu. La savane se vit comme un espace de liberté.

>Phasage du projet.

31


programme du projet un jardin au

Au fil des ateliers, la savane va devenir un véritable jardin composé d’une multitude de scènes, autant de tableaux, qui par leurs successions, vont amener grandes nappes graminénnes, arbres séduisants, chemin pavé et autres curiosités de la savane à se côtoyer. La promenade devient un véritable parcours sensoriel au cours duquel le « caractère » de chaque scène se révèle tantôt mystérieux, mélancolique ou méditatif. La variété des effets provoqués doit toucher, séduire et parfois interloquer, faisant de la nature le réceptacle des émotions de l’homme sensible. La conception de cette «  savane jardin » fait appel à de multiples compétences artistiques. J’aimerais que ce projet devienne un projet pictural, afin de donner à voir toutes les qualités de la savane. Ces tableaux des plus variés constituent de véritables microcosmes paysagers, qui en plus de participer au plaisir de l’esprit participent à l’agrément de la promenade. La savane comme jardin devient un cabinet de curiosité encyclopédique en plein air dans lequel s’accumulent des références culturelles

cœur des représentations habitantes.

souvent à caractère patrimonial. Je souhaite privilégier la composition du paysage par le biais des éléments de la nature plutôt que d’avoir recours à des artifices. Cette esthétique est portée par le maître incontesté du genius loci, Lancelot Brown dit « Capability » (1716-1783), qui privilégie le génie du lieu. Dans ce contexte le jardin est « expressif », en ne faisant appel qu’à la sensibilité des promeneurs face au spectacle de la nature. Afin que les ateliers aillent dans le sens du jardin de sentiments, il est important que le jardinier, ou l’équipe de jardinier, soient des spécialistes de la savane en mouvement, afin de préparer au mieux ces ateliers, mais aussi de composer avec du sens (cf. annexe référence du Domaine du Rayol). Ce projet est réalisable sous l’unique condition de maîtriser et d’utiliser finement les différents outils de gestions qui s’offrent à nous, mais aussi, et surtout par une combinaison d’acteurs qui vont mettre en vie ce jardin des sentiments. Ce jardin est un jardin du processus, il est difficile de montrer précisément ce qu’il va devenir, pour autant la démarche et les outils

mobilisés sont quant à eux bien définis. Ci-dessous, les grandes clés de réalisation de ce projet.

Une économie de projet

L’économie de projet est en trame de fond de ce projet, à la fois en terme de coût du projet, mais aussi en terme de création d’économie comme la revalorisation de la filière pierre sèche à La Réunion ou encore la valorisation de l’élevage et de l’écobuage.

La gestion comme outil du jardinier

Nous cessons de le répéter, mais la gestion de ce lieu est la clé de son avenir sans gestion post//préphasage ce projet ne peut pas exister. Nous allons donc expérimenter un certain nombre de possibilités qui s’offrent à nous de manière très subtile afin d’entretenir ou de « créer » les paysages souhaités.

L’art, donné à vivre la savane

La place de l’art est tout aussi importante dans ce projet que la gestion, grâce à ces événements les habitants pourront vivre encore plus intensément la savane. Les artistes interviendront notamment sur l’expérience sensible propre à chaque lieu du jardin.

L’éloge de la liberté Ombre et lumière, la savane hostile. Ce jardin des sentiments est pensé avec la course du soleil, car la savane est le lieu où la temporalité des fréquentations est forte. En effet, le matin on y va jusqu’à neuf heures et l’après-midi on y retourne à partir de seize heures. La course du soleil est donc un outil indispensable à la création de ce projet, elle va déterminer les zones d’ombres et de lumières (un élément important dans les tableaux).

16h

9h

Des travaux qui nourrissent ce jardin. Les références sont à retrouver dans l’annexe. Soir

Les habitants de l’île qui côtoient les savanes aiment ces lieux, car ils y sont affranchis de toutes réglementations, tout le monde et toutes les pratiques sont acceptées et cohabitent en harmonie. Ils sont aussi appréciés pour leurs qualités de « nature ». Depuis ces dernières années le statut de la savane est passé de « friche » (a-fonctionelle) à un espace fonctionnel à part entière, associé à de nouvelles pratiques liées en partie à l’urbanisation progressive de ses franges et à la construction d’infrastructures qui ont rendu son accès possible et qui offre des ouvertures et des étendues où la sérénitude règne. Les perceptions habitantes sont donc très importantes à rendre opérante dans ce projet si l’on veut lui donner une valeur de savane aux yeux des habitants. Jardin des ombres

Matin

Jardin de la vavangue

Médiation et événements

Durant les phases de travaux, mais aussi après, un certain nombre d’événements, d’ateliers, de journées pédagogiques, seront proposés afin de valoriser tous les savoirs et les savoirs-faire qui gravitent autour de la « savane ». Ce calendrier d’événements ne sera pas mis en place dans ce projet, car il mérite une collaboration avec différents services de la mairie (sport, patrimoine, éducation...), mais voici quelques idées d’événements imaginables : - atelier botanique - atelier « manger la savane » - journée de défrichage - atelier patrimoine « chemin pavé » La liste peut être longue tant on a de choses à découvrir et à faire partager sur la savane.

La savane comme espace sensorielle La savane nous offre des expériences uniques, tant d’un point de vue de l’odorat que de l’ouïe ou du toucher, c’est pourquoi chaque spécificité de la savane de Plateau Caillou sera donnée à vivre grâce à différentes expériences. Tour à tour, les sens du visiteur seront sollicités.

32

Jardin de l’eau

Jardin du goût

Arboreteum >Exemples de jardins envisagés.


Mise en place du projet un travail préalable au service du

jardin.

Ce projet se veut économe et respectueux du milieu, pour autant il est nécessaire de réaliser un travail en amont qui réunisse les acteurs, mais aussi qui étudie de manière fine le pâturage et l’écobuage afin de proposer des actions adaptées à chaque micrositutation.

La réglementation comme levier du projet.

Il me semble que la première des choses à faire dans ce projet est d’inscrire cet espace dans les réglementations. En effet, si l’on ne veut pas de projets suraménagistes qui détruisent le milieu et l’identité des savanes, il convient de donner un statut à ce qui s’apparente aujourd’hui à un non-lieu dans le PLU. Le statut de forêt domaniale paraît pertinent, mais pas adapté, c’est pourquoi il faut créer un statut particulier de « savane domaniale ». Ce travail doit se faire en amont et il permettra de légaliser les pratiques qui s’effectuent sur cette savane, afin que les gens ne se voient plus comme des « contrebandiers », mais plutôt comme des usagers au même titre que les marcheurs ou autres. L’aspect réglementaire est un véritable levier du projet.

Qui fait quoi ?

Comprendre les interactions et les relations entre les différents acteurs de ce projet est important afin de constituer une communauté de gestion capable de de prendre en charge ce projet tant du point de vue de la gestion des ressources, des milieux et/ou de l’espace (élevage, écobuage, entretien des chemins...) que du point de vue de la sensibilisation/éducation à l’environnement, l’organisation d’événements ou encore le soutien financier. Afin de faciliter la compréhension du système d’acteur, nous avons privilégié le schéma, il met en avant la nature des actions des acteurs (politiques, gestions...), mais aussi leurs interactions.

Cépage

Mairie de Saint-Paul

Concervatoire du Littoral

Région

Service Environnement

Service Patrimoine & culture

(mairie de Saint-Paul)

(mairie de Saint-Paul)

Berger communal

Némorin

(éleveur de cabris qui venait sur cette savane jusqu’en 2013)

Service Sports

(mairie de Saint-Paul)

Habitants 8 000

(+ 10 000 avec la ZAC III d’ici 2019)

CIRAD

TIPA - TIPA

APER

Amis de l’océan Indien New Balance

Jardin des sentiments Un troupeau de cabris ça se prépare

L’outil pâturage que nous mobilisons dans ce projet nécessite une préparation en amont, le troupeau doit d’abord s’habituer à vivre ensemble puis il doit ensuite se familiariser avec son nouvel enclos et son nouvel espace de pâture. C’est un travail de patience et de passionnés. Ce troupeau est un troupeau communal composé d’une trentaine de bêtes à son début, il faut savoir qu’un cabri pèi coûte en moyenne 200euros/ tête. Cette race est privilégiée ici, car c’est une race avec des qualités spécifiques bien adaptées aux savanes, mais aussi parce que c’est une race en voie de disparation. Quant au berger communal, nous allons nous rapprocher de l’APER (association d’éleveurs, de bergers, de soigneurs, mais aussi de maître-chien) afin de savoir si un berger de la côte ouest est intéressé ou si nous devons former une personne. Ensuite, il faut savoir que le calcul précis de la pression pastorale sur chaque espace de savane selon notre objectif est assez complexe. Il nécessite

une expertise in situ qui sera faite durant la phase d’adaptation. Un calcul assez précis en amont est nécessaire pour savoir de combien de surface (ha) nous allons avoir besoin pour nourrir le troupeau sur une année, mais aussi anticiper sur les compléments (eau, fourrage complémentaire, paille...). Toutes les informations guides pour monter un troupeau sont réportoriées dans différents ouvrages tels que celui de Jean LEGARTO de 3007. À titre d’information il faut en moyenne 50 cabris par hectare, mais ceci dépend de la hauteur des graminées et de nombreux autres paramètres. Enfin, le type de clôture retenue est mobile afin que le berger puisse jardiner de manière très précise la savane, chaque jour. En phase 4 le parc sera entièrement clôturé pour que les cabris puissent déambuler à leur grè, même si des interventions ponctuelles seront toujours effectuées après les 4 phases. 33

Chercheur Acteur institutionnel

Tressage Tamarins de l’Ouest

Particulier Association

Lien possible Lien coopératif

Moyen humain à long terme Un berger Une chef jardinier

Ces deux personnes seront présentes en 35 H sur les 4 premières années du chantier, par la suite elles pourront se déplacer sur d’autres savanes de la commune afin de les valoriser. Tout en continuant de venir sur ce jardin hebdomadairement.


> Plan de la savane dans son état actuel.

Route des Tamarins

1.

6.

Légende 1.

Belvédère aux baleines et abris pour les cabris. Point d’information.

6.

4. 2.

2.

Collège

3.

Chemin pavé réhabilité. 3.

7.

5.

Tracé du futur chemin pavé. 4.

5.

Chemin en stabilisé pour rejoindre la savane via le parking. Pare-feu en roches et chocas.

6.

7.

Skate par

1.

Parking existant du complexe sportif de Plateau Caillou.

N

34

Piscine

7.


Phase 1 ré-ouvrir la savane de la restauration à la création d’entrée.

Route des Rampes 4.

2.

3.

rk

Terrain de foot 5.

D6

35

Ravine Bernica


UN RÉCIT AU SERVICE DU PROJET.

Aujourd’hui, jeudi 6 Novembre, mes amis et moi en voyage à La Réunion prenons la décision d’aller visiter un Jardin des Sentiments à Saint-Paul, nous avons lu un article dessus qui expliquait le processus de création de ce jardin. Les quelques lignes qui étaient écrites ont suffit à nous rendre curieux, nous avons donc décidé de nous y rendre en fin de journée afin de pouvoir profiter du coucher de soleil depuis la savane. Parallèlement à la découverte de ce jardin, des informations techniques seront données. De plus, le groupe ne passera pas par tous les points du jardin. Ainsi certains ne feront que l’objet d’une description technique (texte ayant cette typographie).

A

A »

315 m

UN NOUVEL ACCÈS, LE PASSAGE SOUTERRAIN COMME PORTE D’ENTRÉE. Nous voilà donc partis à la découverte de ce jardin. Depuis Sainte-Rose nous nous sommes laissés guidés par le GPS, puis nous avons suivis les panneaux « Jardin des Sentiments », qui nous ont conduit jusqu’au parking des équipements sportifs de Plateau Caillou. Nous passons devant le skate parc, puis nous longeons le terrain de foot pour arriver sur un petit sentier d’un mètre de large qui nous conduit petit à petit vers la route. Après quelques minutes de marche, nous apercevons un tunnel souterrain, l’ambiance est étonnante, il fait frais et sombre. Nous commençons déjà à apercevoir la savane, il semble y avoir un chantier. À la sortie du souterrain,

nous sommes sur une plate-forme qui offre une vue large et lointaine sur une partie de la savane, mais aussi sur un chemin qui est en reconstruction. Nous partons donc en direction de ces hommes qui manipulent des pierres et nous entamons une discussion. Ils sont ravis de nous renseigner, très vite nous apprenons qu’ils sont en train de restaurer un ancien chemin pavé qui à une forte valeur patrimoniale. Ils nous conseillent de nous rendre au point d’information où nous trouverons des informations à la fois sur le chemin pavé, mais aussi sur l’ensemble de la savane.

6 m de dénivelé.

> vue depuis la plate-forme.

>Ci-dessus le passage souterrain avec la connexion au parking en stabilisé. Au dessus, l’état actuel. Ci-dessous la coupe transversale montrant l’enchainement topographique du parking au jardin.

2 x 2 voies (D6).

Vue sur le chemin pavé et sur toute la baie de Saint Paul (cf. photos ci-dessus). A » Passage sous la D6.

A

Plate-forme d’accueil entre la savane et le parking. Chemin pavé en réhabilitation.

36


UN POINT NOMADE, COMME LIEU DE TRANSMISSION ET D’ANIMATION.

> Le point d’information nomade intégré au site en hiver.

Transmettre > jardin de partage

Nous suivons le chemin pavé à la recherche du point d’information. Ah ! nous l’apercevons, son architecture est simple, mais à la fois elle traduit une certaine légèreté tout en suggérant la fougue de la savane. Sous la partie ouverte, nous trouvons des panneaux qui nous livrent tout un tas d’informations sur l’histoire, mais aussi son avenir. Une partie fermée semble pouvoir servir de point de rafraîchissement. Des plans se trouvent à disposition, nous en prenons un et partons à l’exploration de ce jardin.

Tout l’enjeu ici est de ne pas produire un point fixe qui demande une connexion à l’eau, l’électricité, etc. C’est pour cela que nous avons pensé à un module autonome et nomade qui peut se déplacer sur la savane au grè des phasages du jardin, mais aussi qui peut à terme être déplacé sur d’autres savanes. Pour cela, il dispose de panneaux photovoltaïques, l’eau quant à elle sera en bidon. Ce lieu sera le lieu au cœur du jardin, il sera le point de rendez-vous et de départ de tous les événements. Lieu de partage, d’apprentissage, de discussion. Ce point peut être vu comme le bout de l’aiguille qui va recoudre le jardin puis le territoire.

>Plan du point d’information nomade avec les panneaux photovoltaiques sur le dessus.

7 m diam

5 m 5 m

4

Panneau photovoltaïque

Une partie ouverte qui évoque la légèreté des graminées et sa géométrie. >Plan du point d’information nomade avec la topographie du site, il est important de toujours l’integrer sur un plateau.

RESTAURATION DU CHEMIN PAVÉ, VALORISATION DES SAVOIRS ET SAVOIR-FAIRE. Le chemin pavé fait partie de la typologie des cheminements de la savane, nous avons une très belle portion sur le site qui nécessite une réhabilitation. Il faut savoir que ces chemins sont faits avec une méthode qui utilise la terre comme joint, c’est pourquoi aujourd’hui ils sont recouverts de graminées. Après un échange avec Yves Baret (architecte spécialisé dans la pierre sèche), il m’informe que des méthodes utilisant des matériaux drainants et stérils sont préférables sur ce type d’espace. Ce chantier permet de créer une équipe de professionnels capable aussi de former des personnes. À terme l’objectif est de revaloriser toute la filière pierre sèche qui disparaît peu à peu à La Réunion. Ainsi, c’est tout un programme de formation et d’accompagnement du chantier qu’il faut mettre en place. Ce programme

planifierait aussi ces fréquences d’interventions pour la gestion à long terme de ce patrimoine si important. La mise en valeur du chemin doit passer par une prise de connaissance de tout le linéaire apparent, avec une bonne compréhension des systèmes constructifs (terrassements, types de roche, taille et pose des pavés, modes d’assemblage, inscription du profil en long dans la pente, terrassements, couches de base, nivellement...). Le travail le plus long et difficile sur ce chantier est le repérage des pierres manquantes, tout en faisant le dessin de l’appareillage du chemin pavé existant (moellon, tête de chat, etc.) pour faire une commande de pierre précise, mais aussi pour reconstruire le chemin sur la même dynamique que celle d’origine. La technique suivante 37

peut être utilisée : prendre des photos vue de dessus du chemin pavé (vue parallèle) puis les passer en négatifs sur Photoshop pour ensuite avoir le dessin de l’appareillage, une fois que le principe est compris il ne fait que se répéter sur la longueur du chemin. Il faut savoir que la pierre de ces chemins coûte environ 220euros du m2, le plus onéreux c’est le savoir-faire et non la matière première. Dans la première phase du jardin, ce chantier sera mis en place et la circulation sera déplacée sur le côté pour que les gens continuent de passer à proximité pour voir le travail que cela représente. Des ateliers seront organisés. Dans cette même première phase, un prétracer de la portion 2 (création d’un linéaire complémataire pour descendre jusqu’à SaintPaul) est fait.


LE PÂTURAGE POUR RÉ-OUVRIR LA SAVANE, ET LE BELVÉDÈRE AUX BALEINES. Sur le plan nous avons remarqué un « Belvédère aux baleines » qui a de suite attiré notre curiosité. Dix minutes plus tard, nous y voilà. La vue s’ouvre sur un grand panorama : l’océan Indien. Malheurseuement ce n’est plus la saison pour voir les baleines passer tout près du rivage, tant pis nous reviendrons ! En contrebas nous observons un troupeau de cabris, nous avons lu au point d’information que la gestion du jardin combine le pastoralisme et le feu, afin de garantir l’accessibilité au site

autant que le maintien des panoramas.

Il était aussi précisé qu’en privilégiant ces techniques, ils ne cherchaient pas à revenir au modèle théorique de la savane ouverte, mais plutôt de disposer d’outils combinables et modulables entre eux afin de gérer et de maîtriser des dynamiques à l’œuvre : celle de l’embuissonnement généralisé des milieux, celle de la dégradation qualitative de la ressource fourragère et celle de la fermeture des paysages. Ça a l’air très complexe comme gestion !

>Implantation de l’abris // belvédère dans la topographie.

Gérer > jardin de pratique

En fonction des caractéristiques, et de dynamiques propres à chacun des espaces du jardin et des objectifs de gestion qui y auront été définis par phase (allant du feu ponctuel à la réouverture volontariste du milieu), il s’agit de définir un régime de feux et une charge pastorale des plus précise possible. Pour cette zone, le choix de gestion est clairement de proposer une savane ouverte, avec une sélection d’arbres que l’on garde (cf. Selection des arbres remarquables). Afin que les cabris trouvent refuge, il nous a semblé pertinent de faire un belvédère qui sert aussi d’enclos et d’abri pour les cabris.

8 ha

>Plan du perimètre pâturé avec l’abris // belvédère.

L’implantation de l’abri // belvédère a été fait en fonction de la topographie, afin d’éviter les mouvements de terrain qui modifieraient le milieu. La structure vient se poser sur le site. Ainsi ce sont tous les événements ponctuels du projet qui s’inscriront dans cette logique.

>Vue depuis le belvédère sur la savane et l’océan, à la fin de la saison estivale.

>Plan du belvédère avec la topographie du site.

Belvédère aux baleines, une structure en bois assez simple et pure pour s’effacer dans l’horizon de la savane. L’ombre y est assurée par des arbres existants.

Abris à cabris, cette structure pourrait s’agrandir au fur et à mesure que le troupeau s’agrandit. >Coupe de l’abris // belvédère.

Om

3

2 m

38


CHEMINER DANS LA SAVANE. La déambulation dans la savane est quelque chose de bien particulier, elle peut être agréable ou devenir un véritable cauchemar selon les saisons. C’est pourquoi il semble pertinent de proposer une typologie de chemin qui évolue en même temps que la végétation se métamorphose, mais aussi selon les pratiques. Comme l’illustrent les schémas ci-dessous le chemin s’élargit en période estivale, notamment de janvier à mars où l’Hétéropogon lâche ses épillets. Et se retraicissent en hiver. Une gestion particulière est donc mise en place afin qu’ils aient un profil agréable, parfois ils pourront être volontairement fins ou très larges

pour faire vivre des expériences particulières. Les chemins ne feront pas l’objet d’un traitement de surface particulier, afin que leurs dessins évoluent au grès des envies des usagers, ils seront seulement débroussaillés la première fois, puis entretenu par le passage. Le principe phare de ces chemins est la disgression//itinérance, en effet les personnes pourront déambuler à leur guise, à terme elles dessineront leur propre chemin comme au Cap La Houssaye par exemple. Sur tous les plans de cette notice, les chemins sont dessinés en hiver.

>Une épaisseur variable

Chemin de déambulation hivernal (entre 50 cm et 1 m de large)

Chemin de déambulation estival (entre 2 m et 5 m de large)

Chemin de trail estivale

>Schématisation du principe.

SÉLECTIONS DES ARBRES REMARQUABLES. Quand on pense un jardin, il est important d’avoir connaissance des végétaux déjà en place sur le site, mais surtout de savoir lesquels on garde et lesquels on supprime. Les arbres feront l’objet d’un recensement afin d’identifier les individus à garder sur des critères à la fois esthétique, mais aussi d’ombrage. Pour rappel sur cette portion de savane nous souhaitons avoir une savane piquetée, donc les beaux sujets seront gardés et protégés du pâturage. Les autres seront

coupés, on peut alors se poser la question suivante : qu’est-ce que couper un arbre dans la savane ? Nous pensons que couper un arbre dans la savane c’est d’abord l’émonder pour nourrir les cabris, puis ensuite c’est garder le bois pour construire du mobilier, des barrières, etc. Ce bois sera réemployé sur le site et pourra aussi faire l’objet ponctuellement de créations artistiques. >Des arbres à conserver.

PARE-FEU. En même temps que le milieu s’ouvre il est important d’installer des pare-feu, afin de protéger le jardin des risques liés à la proximité de la route. C’est pourquoi nous installons un chaos rocheux d’une épaisseur variable, mais d’au moins 5 mètres, accompagnée de chocas. Le choca est perçu comme une plante envahissante, ici elle fera l’objet d’une gestion particulière qui en limite sa propagation tout en garantissant son opérationnalité en tant que pare-feu.

Chocas

D6

>Un Pare-feu qui laisse les vues sur la savane des sentiments.

39

Chaos rocheux


> Plan de la savane dans son état actuel.

Route des Tamarins

> Plan de la savane après la phase 1.

2. 1.

Légende 1.

Cheminement sur la partie pâturé en phase 1.

2.

Création du jardin de mouvement.

3.

Deuxième portion du chemin pavé.

2.

3.

4.

Sk

1. 5.

Collège

Chemin de croix réhabilité. 4.

5.

Ouverture de clairière par le feu.

N

40

Piscine


Phase 2 l’esquisse du jardin du brûlage aux premières plantations

Route des Rampes 3.

4. 5.

kate park

Terrain de foot

D6 Ravine Bernica 41


JARDIN DE LA VAVANGUE.

Après une petite pause nous revoilà partis sur les chemins de ce jardin, depuis le belvédère nous avons aperçu en contre-bas un chemin, mais aussi des tâches de couleurs dispersées au milieu des graminées. Nous avons comme l’impression qu’elles proposent un dégradé de couleurs. Les tâches de couleurs proches du belvédère sont très claires alors que celles du bas nous paraissent plus foncées. Nous décidons donc d’aller sur ce cheminement afin de comprendre ce qu’il se passe. Très vite nous observons que le sol sous nos pieds est beaucoup plus dur que celui de la savane du haut, ici et là nous voyons les roches affleurer. Nous ne nous rendions pas très bien compte, mais sur le chemin on comprend vite qu’ici la topographie est forte, nous descendons beaucoup, nous croisons par endroit des chemins où seul resiste la pierre, est-ce un chemin d’eau ? Mais il pleut vraiment sur ce milieu ? Autant de questions qui nous laissent dans le flou. Nous commençons à remonter petit à petit et puis à l’ombre d’un Tamarin, nous nous asseyons sur des rochers. Une discussion naît autour de l’expérience que nous sommes en train de vivre et puis le silence ! Chacun se met à regarder, à observer, à être attentif aux détails. Après quelques minutes, j’ai interprété ce jardin comme étant la traduction du contexte topographique et géomorphologique du lieu, selon moi il met en valeur, il surligne la topographie afin de nous inviter à prendre conscience que l’érosion est aussi belle et bien présente sur ce milieu aride ou semi-aride. Et ces tâches de couleurs traduisent l’eau qui passe et qui arrache tous les pigments de la végétation sur la partie la plus raide puis les déposent sur les replats. Sur le plan, je vois que ce lieu s’appelle jardin de la Vavangue, qui renvoie à la culture de la promenade dans la savane et donc à son expérience in situ qui propose des vallonnements, de l’ombre, des fruits, etc. Stockage : couleur foncée des végétaux

>Plan de plantation de la zone Nord-Ouest.

Bande de plantation

Cheminement proposé à ce stade Arbres existants

Ce jardin est éphémère, il apparaîtra et disparaîtra au grè des saisons. La palette végétale adaptée à ce milieu semi-aride ne nous permet pas de faire des gradations fortes, mais tout se fera en subtilité et viendra questionner l’œil de l’observateur. Palette végétale Herbacée et liane Arbuste Pouzolzia laevigata (Poir.) Gaudich. (Bois de fièvre) Dombeya acutangula Cav. (Mahot des bas) Abutilon exstipulare (Cav.) G. Don (Mauve) Dodonaea viscosa Jacq. (Bois gournable) Sarcostemma viminale (L.) R. Br. (Liane sans feuille) Tabernaemontana persicariifolia Jacq. (Bois Cissus quadrangularis L. de lait) Passiflora foetida L. (Passiflore fétide.)

Érosion forte : couleur claire des végétaux >Schéma de l’érosion du site, vecteur de projet.

Tabernaemontana persicariifolia Jacq. (4-6 m de haut)

Bandes plantées (cf. la coupe ci-contre) Cissus quadrangularis L. Passiflora foetida L.

Dombeya acutangula Cav.

Cheminement sur graminées

débroussaillées mécaniquement une première fois, puis entretiens par le passage des personnes.

> Coupe d’un exemple de bande planter.

Bande de plantation, lianes et autres herbacés créeront des tableaux dans cette savane herbeuse tantôt ocre, tantôt verte. Le choix des végétaux s’oriente vers des plantes pour leur qualité de couleurs, mais aussi leurs feuillages. La palette végétale ci-dessus est réalisée à partir du cahier des habitats de La Réunion. Ces plantations ne nécessiteront pas d’arrosage, car elles seront plantées sous couvert végétal ce qui les protégera de la brûlure du soleil, tout en leur offrant un peu de fraîcheur la nuit.

>Jardiner la savane.

42


UNE NOUVELLE ENTRÉE SUR/DEPUIS SAINT-PAUL. Le linéaire du chemin pavé d’origine s’étendait jusqu’à Saint-Paul. Cette connexion nous semble pertinente à recréer afin de valoriser re-donner des accès à la savane de Plateau Caillou, notamment depuis le centre historique. Cette deuxième portion de chemin pavé permet aussi de renforcer le projet mis en place en phase 1, de formation et de revalorisation de la pierre. Il faut savoir que le linéaire de cette portion a disparu, il est possible que les travaux de la route des rampes aient endommagé ce chemin. Le tracé que nous proposons s’inscrit quand même dans des portions du tracé originel qui avait été fait avec un certain génie d’implantation. Avec cette nouvelle entrée, c’est un nouvel horizon qui s’ouvre, les habitants vont pouvoir de nouveau faire des trajets du haut vers le bas et réciproquement du bas vers le

Linéaire chemin pavé phase 2.

Linéaire chemin pavé existant et réhabilité en phase 1.

haut en toute sécurité.

Aujourd’hui, ils passent par la route des rampes ce qui présente un danger, car il n’y a ni trottoir ni accôtement. À la fin de ce chantier, en début de phase 3, une poche de stationnement sera proposée à proximité de la fin du chemin pavé. Ce parking sera très simple et discret, il respectera le projet du grand prix du paysage de Folléa en tout proche. Linéaire chemin pavé phase 2.

>Photos d’Hervé Duris, illustrant le tracé du chemin pavé.

Expérimenter > jardin d’une savane pluriel

2

43


LE CHEMIN DE CROIX. Du jardin de la Vavangue nous partons au jardin des ombres, mais avant nous passons par le jubilé, il paraît que la vue est remarquable. Effectivement, on se trouve ici en bord de falaise et la sensation d’être si proche de l’étang de Saint-Paul ou des falaises littorales est très forte. Sur notre droite nous apercevons un couvert végétal parsemé de clairières, c’est ça le jardin des ombres ?

> Le jubilé lors d’évenements religieux.

Ouverture du paysage anciennement enfiché.

> Vue actuelle depuis le jubilé.

Le chemin de croix nécessite simplement une réhabilitation assez simple, c’est un élément patrimonial auquel les Réunionnais tiennent. L’intervention consiste uniquement à réaménager les zones dangereuses. La pratique qui est relative à ce chemin est ponctuée de pauses à chaque croix afin que le pèlerin fasse une prière. C’est pourquoi il nous paraît pertinent de créer un élargissement du chemin afin de proposer une pause ombragée. Les bancs sont créés avec des rochers récupérés dans la savane pour proposer un aménagement simple et correspondant à l’esprit de la savane.

2

>Jardiner la savane.

> Un chemin simple mais riche d’histoire.

JARDIN DES OMBRES, EXPÉRIMENTATION DU BRÛLAGE DIRIGÉ.

Expérimenter > jardin d’une savane pluriel Nous nous dirigeons donc vers cette forêt de bois nu, sur le plan il y a bien indiqué « Jardin des ombres », les autres visiteurs peuvent lire un flottement dans nos regards ! Nous continuons quand même d’avancer, nous sommes en hiver, les arbres ici, aussi nombreux soient-ils n’ont pas de feuilles ou très peu. Le soleil commence à rapidement s’incliner, nous rentrons de plus en plus dans cette densité d’arbre et là un spectacle effrayant se déroule au fur et à mesure de nos pas. Des bras immenses gesticulent en tout sens, nous nous sentons comme écraser par ce monde de géants. Ouf  ! enfin une clairière, nous allons pouvoir respirer quelques minutes.

Feu global + câbris > L’experiene de la promenade sous le couvert végétale en été, en hiver l’ambiance est trés différente.

Arrachage mécanique

Ce jardin est un jardin d’expérimentation de gestions, mais aussi des dynamiques végétales, c’est Feu précis + câbris pourquoi nous désirons organiser un brûlage dirigé sur cette zone qui apparaît comme la plus arborée, cette qualité est à préserver et à mettre en valeur. Feu précis + mécanique + câbris Le feu ici va nécessiter une grande précision, ce qui permet d’expérimenter le feu en patchwork, afin de > Schéma d’une étape de la dynamique végétale, avec un éventail de propositions de gestions. contenir le manteau forestier et de renforcer les clairières. À la suite de ces micro-interventions (feu), il est important de mettre rapidement des cabris à pâturer avec une forte pression pour éviter la reprise Ces différents processus ont des conséquences plus ou moins légères des petits pieds de Leucaena. Ce brûlage sera encadré comme ceux entrepris au Cap La Houssaye et sur le milieu, à nous choisir la plus adaptée au désir de rendu. fera l’objet d’une médiation par la ville pour sensibiliser la population aux feux pastoraux. Ceci n’est qu’un scénario possible parmi d’autres (cf. schéma ci-contre). 44


Dégagement pour laisser un espace plus grand autour de chaque croix. Assise créée afin d’offrir des pauses à l’ombre des arbres existants.

Zone d’ombre propice au repos.

JARDIN DU GOÛT, FÉDÉRATEUR DE LIEN.

Le chemin pavé est fini sur l’ensemble de son linéaire, nous pouvons donc commencer à planter quelques sujets assez grands pour commencer à créer de l’ombre à des endroits clés (vue, topographie intéressante, etc.). Le motif de l’arbre planté en bord de chemin est quelque chose d’important dans la savane, il ponctue et encadre le cheminement. Cet arbre isolé, ou non, qui accompagne le chemin pavé souligne le parcours et joue le rôle de guide visuel dans la savane qui peut être plus ou moins dense (selon la saison). Grâce à son imposante silhouette, il crée une situation singulière en proposant à la fois de l’ombre, ô combien importante dans la savane, mais il propose aussi une pause durant laquelle on peut déguster les fruits de l’arbre. Certains récits évoquent le fait qu’originellement les espèces associées à ce motif étaient des espèces fruitières ; on pense notamment au Vangueria madagascariensis (Vavanguier) ou à Annona squamosa (Attier ou Zatte). Aujourd’hui, ces arbres fruitiers qui créaient des promenades-cueillettes, ont disparu ; mais dans ce jardin nous souhaitons les réintroduire. C’est donc l’esprit de l’arbre nourricier où l’on vient glaner ces fruits qui se perpétue. C’est aussi un lieu fédérateur où l’on échange avec d’autres passants, à l’ombre.

> Situation créait en bord de chemin pavé.

Cueillette de fruits dont les enfants raffolent.

Le muret peut servir d’assise, pour profiter de la fraîcheur présente sous le Tamarin.

Savane ouverte

Chemin pavé

> Ici l’exemple du Tamarinus Indica avec ces gousses comestibles, qui sont très appréciées à la Réunion pour leurs goût acidulé que les enfants adorent cueillir. 45


> Plan de la savane dans son état actuel.

Route des Tamarins

> Plan de la savane après la phase 1.

> Plan de la savane après la phase 2.

5.

Légende 1.

Plantation sur l’écotone de la Ravine.

2.

Observatoire faune/flore, Silence j’observe !

3.

Liaison de l’Observatoire au Bassin Pigeon.

4.

Réhabilitation du sentier pour aller au mur d’escalade.

5.

Collège

4. 2. 1. 3.

Création d’une aire de stationnement au pied du chemin pavé.

N

46

Piscine


Phase 3 expérimenter et donner à voir du la forêt semi-sèche à l’observatoire.

5.

Route des Rampes

4.

1.

2.

Skate park

3.

Terrain de foot

D6

47

Ravine Bernica


SILENCE, J’OBSERVE ! À la fin du jardin des ombres, nous rejoignons la portion du chemin pavé qui a été créée et qui permet de rejoindre Saint-Paul, mais nous voulons continuer de découvrir ce jardin qui nous propose beaucoup de scènes poétiques et autant de sentiments. Nous empruntons donc cette portion de chemin pavé pour rejoindre l’observatoire. Nous ne cachons pas notre joie, nous sommes vraiment impatients de pouvoir prendre encore plus de hauteur et surtout de pouvoir découvrir la Ravine Bernica. Nous longeons le bord de Ravine et nous commencons à percevoir l’ambiance et l’humidité qui s’échappe de ce creux. Nous y voilà, plus un bruit ! Nous sommes saisis par le relief vertigineux et le contraste saisissant entre le milieu brûlé par la chaleur ardente du soleil et ce milieu baigné d’eau et d’une végétation abondante. L’expérience est incroyable et nous ne sommes qu’au premier étage. Nous voilà au deuxième niveau, Nico a récolté des végétaux tout au long de la promenade, car il ne connaissait pas leur nom, ici il va être servi ! Nous sommes dans un herbier à grande échelle, tous les murs sont recouverts par des végétaux de la savane, nous y retrouvons leurs noms scientifiques, vernaculaires, leurs familles, mais aussi des informations ethnobotaniques intéressantes. Nous le laissons faire ses recherches, pour monter au troisième niveau où de nouveau nous avons une vue sur la ravine, nous voyons encore plus loin, j’en ai presque le vertige ! Nous apercevons un bassin tout au fond de la ravine, enfin nous pensons que c’est un bassin nous distinguons mal les détails. Assez vite, nous grimpons jusqu’au dernier niveau, une vue panoramique sur tout le jardin, sur la ravine et sur le contexte. Je me sens comme un Paille-en-queue, libre et légère. Je repense au poème que j’ai pu lire tout au long de cette ascension et je me remémore tout ce que j’ai vécu sur ce jardin jusqu’à présent. Nico nous rejoint enfin, nous allons descendre et continuer la visite par l’arboretum.

Savane

15 m

Transmettre > jardin de pa

Ce lieu marque la transition entre la végétation des parois de ravines et les végétations de savanes, recoupant ainsi des espèces de chaque milieu tout en abritant d’autres espèces bien singulières. Et pourtant on y a que très peu accès, c’est pourquoi la création de cet observatoire nous semble nécessaire.

> S’incerer dans la topographie.

> Lieu d’instalation du Belvédère.

110 m

> Vue depuis le premier étage, accompagné par les doux vers du poème de la Ravine Saint-Gilles.

Le nid Ce dernier étage offre une prise de hauteur des plus saisissante concernant le contraste qui s’opère entre la savane brûlée et la ravine humide. Immersion dans la ravine Une fois l’œil aguerrit, l’observateur peut se jeter dans l’abondante végétation qu’offre la ravine Bernica, il va pouvoir contempler le ballet des Pailles en Queux, mais aussi saisir la proximité d’autres savanes et leur donner envie d’y aller. L’éloge de la savane Ici on retrouve un herbier et des informations concernant la végétation de la savane.

> Un belvédère, des intentions.

Mobiliser son regard Cette première partie sert d’introduction, on y retrouve les points clés à regarder, l’attitude à adopter pour bien mobiliser son regard. C’est comme un guide. 48


artage

CHANGEMENT DE CAP, À LA RECHERCHE DE LA FRAÎCHEUR.

4

Mais avant de continuer, nous avons remarqué la possibilité de descendre dans la Ravine Bernica. Nous sommes tous très excités à l’idée de pouvoir se faufiler au milieu de cette végétation dense. Mais le temps nous rattrape, le soleil s’incline de plus en plus. Nous reviendrons cet été c’est certain !

Descendre dans une ravine depuis une savane c’est une expérience unique. Nous quittons chaleur, brûlure, transpiration, pour rejoindre petit à petit la fraîcheur et la luxuriance du cœur de ravine, la transition se fait en douceur. Nous passons dans un sous-bois peuplé de Leucaena, mais aussi de Bois de Lait, de Bois d’Olive, la pente est raide, mais pas dangereuse, petit à petit l’ambiance change, le rythme se calme. Le chemin est long, mais le plaisir est intense, la découverte est fabuleuse, puis nous y arrivons enfin. Le bassin Pigeon est juste sous nos yeux. L’itinéraire devra se faire in situ, nous partirons avec des machettes et nous ouvrirons jour après jour le chemin qui descendra du belvédère au basin Pigeon.

Ravine Bernica

> Un dénivelé vertigineu entre aridité et humidité.

> Un milieu peu accessible et encore secret.

49


L’ÉCOTONE, UN ARBORETUM COMME CONSERVATOIRE ET LIEU D’APPRENTISSAGE. Pour arriver du chemin pavé à l’observatoire, nous avons déjà traversé une partie de l’arboretum. Nous avons lu des informations sur cette partie au début de la promenade, mais je ne me souviens plus de ce que nous y apprenons. Heureusement, Mathilde a retenu des choses et nous en fait part : « cet arboretum est en fait à la fois un lieu de conservation, mais aussi un lieu d’expérimentation. En effet, ils ont observé des reliques de végétation qui font état d’un cortège végétale semi-xérophile c’est pourquoi ils se positionnent sur de la restauration écologique, ce qui permet, à terme, l’autorégénération de l’écosystème. Quant à l’expérimentation,

1

elle s’inscrit dans l’observation des dynamiques végétales de la savane. Les individus de l’arboretum qu’ils plantent, ils les plantent d’une certaine manière. Notamment sous le manteau forestier existant, afin de leur garantir l’ombre et la fraîcheur nécessaire à la croissance, sans prévoir d’arrosage. » Son intervention est très claire, à l’heure où nous visitons ce jardin les plans sont encore jeunes, mais les essences sont très différentes des arbres que nous avons croisé jusqu’à présent. Chaque arbre est étiqueté ce qui facilite notre repérage et notre compréhension du milieu.

Étiquette de l’arboretum

Conserver > jardin mémoriel Bois d’Olive

noir

(Olea

europeae subsp africana)

Bois

de lait

(Tabernae-

Bois

de chenille

montana persicariifolia)

(Clero-

dendrum heterophyllum)

> Prémice de l’Arboreteum, une balade entre fraicheur et aridité.

Expérimenter > jardin d’une savane pluriel

Stade 6 Manteau.

2

Stade 7 Pré-forêt.

Dans 10 ans

L’état initial de la savane met en évidence plusieurs enjeux écologiques sur l’écotone de la ravine. Il s’agit donc là de replanter des espèces issues du cortège semi-sec, le principe est de planter, sur une longue durée (au minimum 10 ans), des poches de végétation de forte densité (> 3 plant/m2) en commençant par des espèces pionnières, puis de stade dynamique successivement plus élevé afin de recréer un couvert végétal proche des forêts semi-sèches dont témoignent plusieurs textes. Cette zone devient un arboretum, cet outil permet la conservation du patrimoine génétique des individus plantés, la possibilité d’établir les opérations de restauration ou réaménagement écologique sur le long terme par la disponibilité des semences, et est également un outil pour la sensibilisation du public aux espèces floristiques et aux opérations de réaménagements écologiques. Nous tenons toutefois à nuancer cette intervention en précisant que cela ne se fait pas dans un esprit conservateur brut, mais plutôt dans un esprit de transmission des valeurs écologiques présentes sur la savane, ce n’est pas qu’une étendue d’herbes sèches.

Stade 8 Forêt jeune. Aujourd’hui

Cet arboretum nous donne aussi la possibilité d’expérimenter la dynamique végétale des savanes. Cette zone sera pâturée durant les 10 prochaines années, puis à la 11e nous pourrons commencer le pâturage et peut-être l’arrachage mécanique de certains arbres qui généraient la croissance des autres. Dans 50 ans 50


Bois noir existant

Ravine Bernica

Observatoire

Bois d’Olive noir (Olea europeae subsp africana) Bois

de lait

(Tabernae-

montana persicariifolia)

> Immersion dans la fôret semi-sèche en été et dans une trenteine d’année.

Route encaissée

VOIR TOUT EN ÉTANT VU.

Un des objectifs énoncés en seconde partie de ce document est d’offrir des vues sur la savane. Ceci est possible depuis la RD6 puisqu’elle est tour à tour en position de surplomb (séquence « route surélevée ») ou en position encaissée (séquence « route encaissée »). Cette alternance (cf. le schéma ci-contre) nous laisse la possibilité de se saisir de la topographie pour ouvrir des vues panoramiques sur la savane. Il faut toutefois tenir compte de la gestion incendie le long Route surélevée de cette route. Une gestion différente est donc proposée pour les deux situations, la section route encaissée subira un pâturage avec une forte précession et de l’arrachage mécanique est nécessaire sur certaines portions, il faut cependant prendre Route encaissée en compte la sensibilité écologique de la partie Vue ouverte sur la savane haute de cette section du fait Route surélevée de la présence d’espèces remarquables telles que le Bois de Chenille (Volkameria heterophylla) et Zornia gibbosa. Quant à la partie qui concerne la route encaissée, les abords seront laissés en l’état ce qui permet de garder Chocas et roches contre la barrière anti-feu naturel, le feu. mais aussi de garder une certaine coupure acoustique, nécessaire sur cette portion aux fortes nuisances > Coupe de situation accompagnée d’un plan de localisation et d’une photo qui montre la route encaissée. sonores. 0 m 5 m 51


> Plan de la savane après la phase 1.

> Plan de la savane dans son état actuel.

> Plan de la savane après la phase 2.

Route des Tamarins

3.

1.

Piscine > Plan de la savane après la phase 3.

Légende

3. Jardin de l’eau

1.

1.

2.

Belvédères des trois Tamarins.

3.

Connexion avec le Cap La Houssaye.

2.

N 52


Phase 4 s’ouvrir sur le Cap La Houssaye de savane en savane.

Route des Rampes

Skate park Terrain de foot

2.

D6

53

Ravine Bernica


JARDIN DE L’EAU.

Nous arrivons en haut de l’arboretum, au niveau du belvédère des trois Tamarins, un lieu magnifique ! Ces Tamarins sont d’une telle grandeur que lorsque nous décidons de regarder la cime, la tête se met à tourner. Nous nous asseyons quelques minutes, sur les rochers, pour reprendre nos esprits. La vue est belle, elle est lointaine, c’est le point le plus haut de la savane. D’ici nous apercevons d’autres savanes, mais aussi un lieu qui attire notre attention. Une quinzaine d’arbres gesticule et brille au soleil, notre curiosité nous fait encore défaut et nous descendons voir de quoi il s’agit. Après quelques minutes de marche, nous arrivons au cœur d’une symphonie, le spectacle nous laisse sans voix. Les gousses des bois noirs s’agitent dans tous les sens au grès du vent, elles nous donnent à entendre le bruit d’un ruisseau qui descend doucement jusqu’à la fontaine des prêtres. Nous avons la chance de visiter ce jardin en hiver, l’ombre s’y fait rare, mais les expériences qui nous sont offertes compensent la brûlure du soleil. Les odeurs, les couleurs, les sons, la douceur de l’Hétéropogon resteront à jamais graver dans nos mémoires.

> Jardin de l’eau en hiver.

Bois Noir

Talweg avec sa ripisylve, il peut y avoir de l’eau. C’est l’exutoire d’une partie du bassin versant de Plateau Caillou.

Bois Noir (Albizia Lebbeck)

Cheminement

> Plan du Jardin.

PREMIERS PAS VERS UN PROJET DES SAVANES.

Après avoir découvert le fabuleux Jardin de L’eau, nous descendons vers le Jardin de la Vavangue où nous avons aperçu une passerelle qui avait retenue notre attention. Après quelques minutes nous y voilà! Un panneau nous indique « Cap La Houssaye 15 min (1,5 km) », nous nous laissons happer par l’esprit d’aventure et de liberté qui nous envahit. Sur les premiers mètres le bruit sourd de la Route des Tamarins nous rend l’expérience quelque peu désagréable, mais très vite nous la traversons et nous nous en éloignons pour rejoindre les grandes étendues de graminées. L’herbe ondule au rythme de nos pas, la savane ici est différente de celle du Jardin des Sentiments. Elle est plus grande, elle s’étend à perte de vue, l’océan est tout proche, les habitations sont loin et les arbres n’apparaissent que très rarement, ils font repères. Nous avons face à nous l’image archétypale de la savane ouverte, la savane africaine! C’est assis sous l’arbre à palabre, à regarder le soleil se coucher sur l’océan Indien que notre balade se termine.

Savane du Cap La Houssaye

Jardin des Sentiments

> Itinéraire du Jardin des Sentiments à la savane du Cap La Houssaye.

ZAC

> En route pour la découverte du Cap La H

54


L’ÉVOLUTION DES PARCOURS ET DU PÂTURAGE.

Ce jardin est un jardin du processus où chaque phase devra être en permanence réajustée afin d’obtenir l’effet souhaité. À l’image du Domaine du Rayol (cf. annexe), les jardiniers devront sans cesse prendre des décisions quant à la gestion (arrachage, conservation, plantation, etc.) et le paysagiste et d’autres membres de l’équipe pluridisciplinaire se rendront plusieurs fois par an sur le jardin, afin de donner des indications sur le futur. Ci-dessous, nous retrouvons les 4 phases du projet telles qu’elles ont été pensées. Cepandant sur le terrain le rendu ne répondra jamais à ces plans, n’oublions pas que la savane est un espace de liberté.

T2

T1

150 m 30 min

435 m 15 min 500 m 12 min

368 m 13 min

467 m 10 min

560 m 10 min

240 m 5 min

700 m 20 min

1 km : 10 min

10 km : 1h40

20 km : 3h

T3 329 m 10 min

700 m 10 min

300 m 12 min

400 m 15 min 566 m 20 min

348 m 12 min

Cheminement

T4

200 m 5 min

> Estimation des temps de marche.

450 m 20 min

380 m 30 min

330 m 10 min

356 m 12 min 235 m 6 min 800 m 25 min

T4

Zone pâturée

Jardin de l’ombre

Jardin de la Vavangue

Distance en mètre Temps de marche en minutes

Arboreteum

Cap La Houssaye

Jardin de l’eau

> Les différents jardin sensorielle à T4.

GESTION, L’AVENIR SE PRÉPARE MAINTENANT. Avant la fin de ces quatre phases de travaux, il est important de créer un plan de gestion différencié de ce jardin, dans lequel nous retrouverons le zonage des interventions, des plus extensives aux plus intensives. Ce zonage sera spécialisé par saison. Ce plan sera réactualisé tous les cinq ans. À l’heure actuelle les connaissances sur les dynamiques végétales restent encore en étude, il nous semble pertinent d’inscrire ce parc dans la démarche de recherche afin de produire des connaissances sur les outils de gestion de ce milieu. La gestion du troupeau est aussi un point clé de ce projet. En effet, il va petit à petit s’agrandir, nous pourrons alors envisager un projet à plus grande échelle. Le troupeau pourra être conduit vers d’autres savanes, en même temps que le point d’information nomade.

Houssaye !

55


4///Un lieu au service du territoire (ouverture et conclusion) >> les chemins pavés comme entrée pour un projet de territoire >> les parcours, boucle et itinérance

> Chemin pavé du Cap La Houssaye, Novembre 2018. 56


les chemins pavés comme entrée pour un projet de territoire.

Sur le territoire des savanes de la commune de Saint-Paul, il existe un réseau de chemins pavés historiques. Certaines portions sont en bon état lorsque d’autres ont entièrement disparu. Toutefois, l’intégralité du linéaire de ces chemins est aujourd’hui recouvert par la végétation de savane, il a donc disparu du quotidien des habitants de la côte ouest. Il nous paraît être une porte d’entrée pertinente pour penser un projet des savanes qui s’étendrait sur tout le territoire des savanes de Sain-Paul et qui pourrait, à terme, s’élargir à toutes les savanes de la côte ouest. Ce patrimoine historique mérite une restauration et une réhabilitation de grande envergure qui vont faire naître une nouvelle économie locale, passant notamment par

la revalorisation de la filière pierre et par la création de formations. En effet, tout ce savoir-faire a quasiment disparu sur l’île, il reste quelques résidus de savoir qui peuvent être mobilisés afin de mettre en place ce programme. Je pense notamment à Yves Barret architecte spécialisé dans la pierre sèche. Avec son équipe ils sont à l’origine d’un certain nombre de restaurations récentes à La Réunion. Tout ceci s’inscrirait dans la continuité de la restauration du chemin pavé du Jardin des Sentiments. Ces cheminements pemettrait aussi de faire exister le Jardin des Sentiments.

Chemin pavé Lougnon ou de Bellemène Chemin pavé Contour Manery Chemin pavé Grande Monté Chemin pavé Fleurimont

Savane de Plateau Caillou

Légende

> Donner à voir le Jardin des Sentiments depuis les autres savane.

Espace de savane actuel. Savane de Bellemène

N

Chemin pavé, linéaire de 1950.

>Chemin pavé des savanes sur le terraitoire de la commune de Saint-Paul. 57


ANALYSE BOUCLE DE BALADE

Les parcours boucles et itinérances comme redé couverte des savanes

Promener le chien Faire de la course à pied Chemin Se promener

Départ//arrivée

BOUCLE DE NÉCESSITÉ Aller à l’école Aller faire les courses

Proposer un projet de jardin sur la savane de Plateau Caillou ne prend de sens que si nous le réinscrivons dans l’ensemble du chapelet des savanes. À l’heure actuelle, nous ne pouvons pas aller de savane en savane en marchant. Nous savons à quel point les Réunionnais sont des marcheurs et des joggeurs, c’est pourquoi créer des boucles et des itinérances des savanes via les chemins nous paraît nécessaire à la valorisation de la savane de Plateau Caillou. Pour éviter le morcellement de l’ensemble du territoire de savanes (l’exemple

de la ZAC 3, nous l’illustre encore) il semble inévétable de le relier, reconnecter. À terme, nous pensons que la création d’un syndicat des savanes serait inévitable afin de penser le territoire dans sa globalité. Ci-contre une analyse des déplacements qui nous permet par la suite de proposer des cheminements se raccrochant à des chemins pavés. Ce projet doit se faire en partenariat avec le service des sports de la mairie qui est très engageait dans cette réflexion, afin de valoriser la pratique du trail et de la marche en général.

Arrêt activité Aller se divertir

ITINÉRANCE DE BALADE

Départ//arrivée

Marcher

Randonner

ITINÉRANCE DE NÉCESSITÉ Marche Transport

Transport commun Départ Covoiturage Arrivée

PROPOSITIONS ITINÉRANCE DE CHEMIN PAVÉ

BOUCLE DE LA SAVANE

2km300 8 km 6 km

1km800

1km700

5 km

700 m

58

> Carte des boucles et itinérances sur les savanes de Saint-Paul.

3 km


Pour conclure, le processus choisi pour expérimenter le projet de paysage sur un espace non réglementé m’a permis à la fois d’embrasser des hypothèses de travail envisageables tout en les inscrivant sur un lieu singulier. La difficulté du projet tient dans le basculement du projet désiré par la mairie de Saint-Paul, au projet de territoire et de gestion de ce chapelet de savanes. Nous sommes actuellement dans une période charnière de l’histoire des savanes, l’apparition de nouvelles pratiques récréatives (randonnée, course à pied, vtt... La savane devient un ludospace) et d’une appropriation esthétique (la savane comme paysage à contempler, peindre, photographier) qui illustrent un processus de transformation des perceptions socioculturelles de ces espaces. Ce processus d’empaysagement se déploie au moment où le paysage se transforme sous l’effet, notamment, mais non exclusivement, d’un enfrichement qui mène un peu partout à l’effacement des étendues graminéennes ouvertes au profit des fourrés arbustifs. Si ce territoire de savanes est amené à disparaître, le projet de jardin de savane n’a plus de sens, car il ne sera qu’un vestige qu’on oubliera peu à peu. Ainsi, la thématique de « paysage et projets de paysage dans une ancienne marge territoriale » exhume naturellement une réalité entre conservation et expérimentation, mais aussi entre vision et perception, à la croisée de nombreuses contraintes politiques, économiques, réglementaires ou tout simplement de gestion. Avec ce projet nous nous sommes affranchis de ces dernières afin de pouvoir faire des propositions poétiques qui s’inscrivent tout de même dans la convention européenne du paysage en répondant aux attentes habitantes.

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remerciement Je tiens à remercier le corps enseignant et plus particulièrement l’UMR Passage, sans qui je n’aurais jamais connu ce territoire et toutes les problématiques attenantes. Merci à Serge Briffaud, Morgane Robert, Rémi Bercovitz mais aussi Quentin Rivière. Je tiens également à remercier la mairie de Saint-Paul, en particulier Valérie Mouchard, Steven Hoareau et Sébastien Guiltat. Merci également aux personnes que j’ai pu rencontrer à La Réunion et qui m’ont livré leur témoignage, je pense à Yves Baret, à Monsieur Némorin et à toutes cellese que j’oublie. Merci aux personnes qui m’ont entourées, soutenu et encouragées durant tout ce projet. Mais aussi à celles qui me soutiennent depuis le début de ce cursus, ma famille, mes amies et mes camarades.

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Notes 1. Serge Briffaud, Alexandre Moisset, Les savanes du versant sous le vent à La Réunion : Configurations, dynamiques et enjeux d’un paysage en sursis, pour le Conservatoire des espaces littoraux et des rivages lacustres, 2002, Affaire n° 00S0047 2. Gilles Clément, Le jardin planétaire : Reconcilier l’homme et la nature Broché, 2 septembre 1999.

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Bibliographie Ouvrages généraux :

Bernard Davasse, Jean-Paul Métailie, Béatrice Moppert, Morgane Robert.

- Poèmes de Leconte de Lisle. - Manifeste du Tiers Paysage, Gilles Clément, 2004.

- Les savanes du littoral sous le vent à La Réunion Histoire et dynamiques, perceptions et pratiques, gestion et médiation Volet II. UMR passage, avril 2017.

- Retour au jardin. Essais pour une philosophie de la nature 1976-1987. Rosario Assunto, 2003.

Ouvrages techniques:

- Guide pour la conduite du pâturage caprin. Synthèse réalisée dans le cadre du Réseau National des Techniciens Caprins « Pâturage ». LEGARTO Jean et LECLERC Marie-Catherine, 2007. - Un ordre étagé mis à bas : contribution à une ethnologie des paysages à La Réunion. BONNIOL J-L., B. J., Aix-en-Provence, Laboratoire d’écologie humaine et d’anthropologie, 1994.

- Parc Belvédère de Plateau Caillou, Phase 1 diagnostic. Idem’s, Biotope, Uni Vert Durable, GB2, octobre 2016. - Étude de définition, de faisabilité et de programmation AMÉNAGEMENT PAYSAGER DU PARC BELVÉDÈRE DE PLATEAU CAILLOU BERNICA. IDEM’S - UNIVERTDURBALE - BIOTOPE - GB2, octobre 2017. - Annexe Parc des Belvédères. Étudiants ENSAP BDX, novembre 2017.

- Cahiers d’habitats de La Réunion : étage Littoral. DELBOSC P., L. M. P. F.,Rapport technique n° 5 non publié, Conservatoire Botanique de Mascarin, 2011. - Inventer des plantes. Les carnets du paysage n°26, 2014. Actes Sud et l’école nationale supérieure de paysage. - MATÉRIAUX POUR UN PLAN DE GESTION, pour une gestion durable et concertée de la savane du Cap La Houssaye. Rémi Bercovitz, Serge Briffaud,

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Lexique

(s’accorder sur la définition) Espace L’espace est pour moi un lieu qui a perdu son sens, où l’on passe sans s’arrêter. Un lieu que l’on ne regarde plus. Là Définit un lieu, ou de manière plus fine une spatiotemporalité. Ce «  là  » affirme une présence dans l’espace et dans le temps, ces derniers étant bien définis. Lieu Un mot important, car il est étroitement lié avec le paysage, on peut définir le lieu comme étant un site qui fait sens pour la personne qui l’expérimente. Ainsi, David Besson-Girard nous dit que « c’est en éprouvant un lieu dans toutes ses formes que sa substance est transmise : le regarder autant que le voir, l’écouter autant que l’entendre, le sentir autant que le respirer, le caresser autant que le toucher, le déguster autant que le manger… l’exercice de l’œil et des autres sens a besoin d’horizons pour se perdre dans sa limite de résolution. (…) Le sens à besoin du non-sens pour exister.» Pratique Usage, coutume, manière d’agir. En étroite relation avec l’expérience, l’habitude et la fréquentation.

non herbeuse ne se développe que sporadiquement, dans les fonds drainant l’humidité, ou les chaos rocheux. Quand des arbustes isolés s’installent au cœur de l’étendue graminéenne, ils n’atteignent que rarement un développement normal et n’émergent pas des herbes. Savane piquetée Les savanes arbustives et arborées constituent le type paysager le plus fréquent sur les replats d’extrémités de planèzes, entre le niveau de la mer et ±150 mètres. La présence de larges amas de gros blocs et de micro- reliefs favorise ici la végétation ligneuse. Dans la plupart des cas, les arbustes sont à la fois isolés et regroupés en petites colonies. Les arbres apparaissent quant à eux plutôt sous forme d’individus isolés. Territoire Étendue de la surface terrestre sur laquelle vit un groupe humain et qui ne se définit pas par une limite administrative mais par la perception de ces habitants. Usage Habitude et/ou pratique propre à un individu ou à un groupe de personnes. Cette notion renvoit aussi au fait d’utiliser et de se servir de quelque chose.

Savane ouverte Nous appelons savanes ouvertes les grandes étendues herbeuses globalement homogènes, qu’aucune plage importante de végétation arbustive ou arborée ne vient interrompre. La couverture graminéenne, toujours dominée par l’Heteropogon contortus, occupe dans ce cas plus de 90 % de la surface. La végétation 67


A nnexe (Amender le projet) >> résultats des enquêtes un Parasol dans la savane >> références >> herbier >> Maquettes >> Cahier des actions à mener

> Photo prise depuis la Pointe au sel, Novembre 2017. 68


R ésultats (des enquêtes un Parasol dans la savane) Le travail du Parasol dans la savane a abouti à la formulation d’hypothèses quant aux grands schémas de pensée qui prédominent dans les représentations de la savane et quant aux modes de construction de ces schémas. Ainsi trois hypothèses émergent : - la savane comme espace périurbain, de pratiques de loisirs, et comme « kour » de l’espace urbanisé ; - la savane comme espace pastoral, paysage fruit de pratiques d’élevage, mais aussi de gestion par le feu ; - la savane comme réserve foncière, paysage menacé par la pression urbaine. Le texte ci-après est directement issu du rapport de 2015. La plupart de leur travail s’est déroulé sur la savane du Cap La Houssaye.

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La Savane en tant qu’espace pastoral Suite au recueil des différents témoignages et grâce aux nombreuses rencontres, le sujet de l’élevage associé à la gestion de la savane s’est avéré être un sujet particulièrement délicat. En effet, le lien n’est pas toujours perçu par l’ensemble des personnes rencontrées, seules des opérations de débroussaillage ou d’épierrage faites par des associations ont été rapportées lorsque le sujet de la gestion de la savane est abordé. L’élevage en tant que moyen de gestion est rarement perçu par les usagers. Or, certains témoignages font fréquemment part d’une diminution importante du nombre de bêtes au sein du cheptel, de la présence d’un ou plusieurs éleveurs (notamment sur le Cap La Houssaye) et abordent régulièrement la pratique du feu sans pour autant expliquer qu’il est une pratique pastorale en soi. En effet, le feu est un sujet relativement sensible sur le territoire des savanes. Nous remarquons qu’il est dans un premier temps comparé aux grands incendies qu’il y a eu au Maïdo, véritable traumatisme pour les Réunionnais. Il est parfois aussi évoqué l’utilisation de la pratique du feu dans les champs de canne à sucre. Néanmoins, le feu comme pratique pastorale dans la savane génère différentes perceptions, différents regards de la part des habitants riverains et des usagers de la savane du Cap La Houssaye. Certains le perçoivent comme un risque pour les habitations, une source de danger, un élément destructeur de végétation parfois générant un certain dégoût. A contrario, d’autres perçoivent le feu comme un élément naturel bénéfique, pour le renouvellement végétal et l’enrichissement du sol, et certains font le lien avec la pratique de la chasse en soulignant l’utilisation du feu comme moyen favorisant l’accès et la visibilité pour les chasseurs (caille, lièvres, etc.). À travers l’ensemble de ces perceptions et représentations, il a été facile de se rendre compte de la gêne ressentie par les interlocuteurs autour de la question du feu, des contradictions dans les discours et d’une certaine méconnaissance de cette pratique. Le peu d’informations récoltées constitue une donnée incomplète et les discours semés de sous-entendus n’étaient pas toujours évidents. Une certaine ambiguïté s’installait généralement dans les discussions. Certaines personnes rencontrées prennent également de la distance par rapport au sujet abordé et ont alors des discours rapportés en employant des termes tels qu’« on m’a dit que... ». On peut supposer cette distanciation volontaire comme étant le fruit d’une forme « d’implication sociale » dans les pratiques liées au feu : si l’on connaît une personne pratiquant la mise à feu ou si on la pratique nous même, la suspicion face à l’enquête peut pousser, en fonction du contexte, à « brouiller les pistes », à éluder la réponse. Néanmoins, le manque de clarté dans les réponses peut également montrer un manque prégnant de connaissances vis-à-vis des pratiques générales liées à l’élevage ; on essaye donc de répondre au plus « juste », dire ce que l’enquêteur « veut entendre ». Bien que les éleveurs ou les chasseurs soient

les principaux utilisateurs du feu, beaucoup de personnes associent le feu à des actes de vandalisme ou à des accidents : des pyromanes, des ramasseurs de guêpes, des inconscients ou encore des marcheurs peuvent être à l’origine d’incendies. Pour certains usagers, il y a de moins en moins de feux, et pour d’autres, « il y en a toujours eu ! » et « à la saison des guêpes, c’est tous les jours un nouveau départ de feu ! ». La grande diversité des discours nous montre donc une sensibilité différente à la question du feu, qu’il est très difficile de schématiser. L’ambiguïté réside entre le feu « naturel » qui n’est pas dérangeant et le feu « criminel » qui lui est condamnable, sans que la limite entre les deux soit clairement identifiée ; cela montre à la fois une méconnaissance du fonctionnement de la savane et de son histoire pastorale, en même temps que la transposition de schémas « métropolitains » où l’on associe le feu à la destruction, au danger et à la désolation. Mais nous pouvons tout de même nuancer ce propos dans le sens où la majorité des personnes interrogées inscrivent la savane brûlée dans une temporalité très courte, et « célèbrent » en quelque sorte la repousse et le reverdissement du paysage quelques jours seulement après le passage du feu, pour peu que la pluie ait suivi l’incendie. La Savane en tant qu’espace péri-urbain Les entretiens semblent avoir fait émerger une nouvelle représentation de la savane du Cap La Houssaye en lien avec les nouveaux usages dont elle fait l’objet. En effet, la savane a pris une valeur importante en tant qu’espace périurbain. Autrefois considérée comme une « friche », a-fonctionnelle, notamment par les institutionnels, il semblerait que les savanes aient changé de statut dans les représentations collectives, et apparaissent désormais comme un espace fonctionnel à part entière, associé à de nouvelles pratiques liées en partie à l’urbanisation progressive de ses franges et à la construction d’infrastructures qui ont rendu son accès possible. À l’origine de ce changement de représentation, il y aurait d ’une part, l’apparition de politiques de conservation et de gestion qui lui sont spécifiquement dédiées (acquisition des parcelles par le Conservatoire du Littoral), qui ont permis de redéfinir la savane, non plus comme une friche, mais en tant que milieu naturel nommé « savane » et dont la rareté sur l’île en engendre l’engouement. D’autre part, le développement de l’urbanisation sur le littoral et la construction de nouvelles infrastructures (la Route des Tamarins) ont transformé la relation des Réunionnais à cette partie du territoire et ont participé, sans le vouloir, à l’« empaysagement » de la savane, à sa mise en regard. Beaucoup de personnes interrogées ont cité la route des Tamarins comme étant à l’origine de leur découverte de la savane. Elle a permis l’ouverture sur un espace que beaucoup de Réunionnais méconnaissaient. L’accès semble avoir été facilité par des anciens chemins empruntés par les engins pour la construction de la route des tamarins. 70

Enfin il semblerait qu’on ait socialement admis qu’un certain nombre d’usages pouvaient désormais y être pratiqués (marche, course à pied, VTT,...), en phase avec le contexte socioculturel plus global inhérent à ces dix dernières années, avec l’explosion des pratiques périurbaines liées au sport, en dehors des horaires de travail. Sur 44 personnes interrogées (en tant qu’usagers et non en tant qu’associations), 40 s’adonnaient à des pratiques sportives. Bien que certains usages vernaculaires persistent, tels que la chasse, la cueillette ou encore le ramassage des nids de guêpes, ces nouvelles pratiques représentent la très grande majorité des activités liées à la savane aujourd’hui. Il apparaît au travers des différents discours des personnes interrogées que la savane soit devenue un espace que l’on s’est approprié spatialement, mais aussi sentimentalement. Avec l’enfrichement quasi général et l’urbanisation des savanes de la côte ouest, le Cap La Houssaye apparaît comme la seule étendue d’herbes jaunes, la « dernière savane littorale » dans le verdoyant omniprésent de la Réunion. Elle n’est pourtant ni la seule ni la dernière, mais les autres, plus résiduelles, ne sont pas perçues de la même façon, par méconnaissance, mais aussi par différence d’échelle. Le Cap La Houssaye apparaît comme un paysage unique et précieux, « une perle », un « espace poumon », qu’il s’agit de préserver à tout prix des menaces de l’urbanisation, du moins en son « cœur ». Pour décrire ce paysage « unique », beaucoup de personnes l’ont comparé aux savanes africaines. Cela dénote d’une forme de dépaysement par rapport aux autres paysages de La Réunion plus emblématiques. La grande majorité des gens sont attentifs aux couleurs qui évoluent de saison en saison, et ont tendance à préférer la période sèche où les herbes jaunissent. Les personnes que l’on a pu rencontrer identifient des « lieux préférés » : le cap en lui-même, les points hauts (notamment le point 181) pour les points de vue sur la mer, sur la montagne, sur Saint-Paul, mais aussi le fond des ravines pour le silence, le ressourcement, la méditation, entendre le bruit des baleines qui s’y engouffre. Les personnes semblent donc entretenir à la fois un rapport pittoresque au paysage, qui fait appel à leur imaginaire (référence à l’Afrique...), et un rapport plus « pragmatique » en venant chercher un lieu propice à leur pratique. Le Cap La Houssaye est aussi présenté par ses usagers comme un espace de liberté où on a la possibilité de pouvoir se retrouver seul dans l’immensité du site, au calme, dans un espace non « formaté ». En effet les savanes apparaissent comme un des derniers espaces de l’île à ne pas faire partie d’un périmètre de protection. Aucune réglementation restrictive ne vient limiter les différentes pratiques, mais une codification informelle qui limite les conflits d’usages semble s’être mise en place (utilisation de chemins différents selon les usages, horaires différents, etc...). Les savanes apparaissent également pour


beaucoup comme un terrain d’entraînement, où l’on vient chercher des chemins particuliers, un dénivelé et des aspects techniques pour se préparer aux grandes courses qui ont lieu sur l’île. Ces changements de perception sont symbolisés par un changement d’appellation, nous sommes ainsi passés de friche à savane, en même temps que cet espace ait trouvé une fonction (sans pour autant qu’appellation et fonction soient liées). La savane a émergé d’un point de vue ethnogéographique et est aujourd’hui reconnue comme un lieu à part entière, mais qui pourtant, est paradoxalement en train de disparaître d’un point de vue biogéographique. La savane en tant que réserve foncière La savane a longtemps été considérée comme une friche par de nombreux acteurs, c’était un espace sans valeur agricole, à conquérir. Des panneaux promouvant cette conquête de la savane par l’agriculture sont toujours visibles aux abords de la Route des Tamarins. Sans valeur environnementale (on est loin ici de la luxuriance et de la biodiversité importante d’une grande partie de l’île de la Réunion), la savane a aussi été perçue, et utilisée comme réserve foncière. Les acteurs institutionnels ne semblent pas encore s’être totalement départis de cette vision, en témoignent les nombreux projets récemment terminés, ceux en cours ou à venir ; la ZAC Renaissance, l’urbanisation et la densification de Plateau Caillou, la zone commerciale de « Savanna » gagnée sur la savane dont elle porte le nom... Les exemples sont nombreux. Les usagers ont une connaissance très floue du statut foncier de la savane, il s’agit en général pour eux d’un espace public avec de grandes étendues de parcelles privées qui seront forcément construites un jour. De manière générale, l’urbanisation de cet espace est globalement acceptée, car considérée comme nécessaire par les gens qui pratiquent la savane. Les Réunionnais sont nombreux à vouloir s’installer sur la côte ouest où le temps est plus clément et les personnes rencontrées le savent. C’est également la côte qui attire le plus de nouveaux arrivants et de touristes. Toutefois, il y a une vision assez négative de l’urbanisation (associée à la densification). De plus, ces logements collectifs ne sont pas considérés comme représentatifs de l’habitat réunionnais traditionnel (maison et kour) dans tout ce que ça implique socialement, culturellement, économiquement et esthétiquement. La typologie architecturale semble importante pour eux, car ils considèrent que les maisons individuelles peuvent s’intégrer aux paysages de savane tandis que les habitats collectifs constituent une vraie limite. Les immeubles sont effectivement construits en marge de la savane, frontalement à un espace marqué par son horizontalité et des horizons lointains. Concernant plus particulièrement le Cap La Houssaye, perçue par sa superficie comme la dernière véritable savane de l’Ouest réunionnais, il y aurait des espaces où

l’urbanisation est acceptable et d’autres où elle ne l’est pas du tout. Les espaces de savane en marge de la ville, dont on s’est parfois servi comme dépotoirs sauvages et qui subissent une pression de la pollution urbaine (sacs plastiques...), constituent des espaces transitoires où des constructions peuvent avoir lieu. On peut imaginer que cette avancée de la ville sur la savane puisse être sans fin ; la frange où il est acceptable de bâtir avançant en même temps. Mais il y a pourtant des limites, plus ou moins explicitées par les personnes rencontrées, à l’intérieur desquelles la construction paraît inacceptable. De manière générale, les personnes que nous avons pu rencontrer souhaitent bien évidemment protéger l’ensemble la savane, « le cœur » situé entre Hélilagon et la pointe du Cap apparaît véritablement sanctuarisé dans leur discours.

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R éférences (nourrir le projet) Ce travail s’appuis notamment sur deux références, la première étant le Domaine du Rayol de Gilles Clément et la seconde étant l’artiste Yves Brunier.

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domaine du Rayol gilles clément «Bienvenue au Domaine du Rayol, un espace naturel protégé de 20 ha, propriété du Conservatoire du littoral, au pied du Massif des Maures et face aux Iles d’Hyères, dans le Var, entre Le Lavandou et Saint-Tropez. Le paysagiste Gilles Clément y a conçu le Jardin des Méditerranées, une invitation au voyage à travers les paysages méditerranéens du monde et des paysages à climat plus aride ou subtropical. Découvrir ce jardin, c’est ressentir quelques unes des émotions éprouvées par un explorateur botaniste qui arpente la planète ! Le Domaine du Rayol veut être un lieu de référence pour la gestion des jardins et des paysages méditerranéens. Des choix de gestion y sont donc clairement affirmés et permettent d’évoquer quelques thèmes-clés. Ces derniers sont : mouvement, brassage, évolution des espèces et des paysages, transition et transformation des végétaux (le monde vivant), de la matière (la terre) et de l’esprit. « Le Jardin Planétaire est une manière de considérer l’écologie en intégrant l’homme – le jardinier – dans le moindre de ses espaces. La philosophie qui le dirige emprunte directement au Jardin en Mouvement : « Faire

le plus possible avec, le moins possible contre ». La finalité du Jardin Planétaire consiste à chercher comment exploiter la diversité sans la détruire. Comment continuer à faire fonctionner la « machine » planète, faire vivre le jardin, donc le jardinier ». Gilles Clément» Dans une vidéo consacrée au Jardin du Rayol, Gilles Clément, nous dit que le problème dans ce jardin c’est de savoir comment on garde une strate herbacée quand la tendance générale est à l’embuissonnement, à la fermeture du milieu. Si l’on ne fait rien le jardin deviendra une forêt, c’est aussi ce phénomène que nous rencontrons sur la savane de Plateau Caillou. Sa réponse est de dire qu’il faut «bien jardiner» et faire de la sélection, «quels végétaux on garde, lesquels on coupe». Les principes de jardinage de ce jardin sont: - Respecter le cycle naturel de toutes les plantes, et particulièrement des plantes herbacées. La fauche sélective des prairies n’intervient qu’après la fructification et la dispersion des semences. Ces espaces sont ainsi gérés de manière différenciée comme des jardins en mouvement. - Diminuer, voire supprimer, les apports en eau chaque fois que cela est possible. Utiliser des espèces compatibles avec le climat et le sol afin d’éviter les artifices de maintenance.

« Contrairement à la majorité des jardins, exécutés en vue d’atteindre une image prévue (car dessinée), les jardins du Rayol ne cessent d’évoluer en état constant de prospective. Comme si la recherche, en tant que principe actif, dominait toujours l’aménagement. Comme si la pédagogie qui s’y trouve >Vue depuis le Jardin d'Australie et son tronc d'eucalyptus. obligatoirement associée prenait le pas sur l’ornement et la simple promenade » Gilles Clément, « Une école buissonnière »

> Vue depuis la pointe du Figuier du Domaine du Rayol, une vue unique sur le littoral. 74

- Ne pas blesser la terre. Bannir les produits phytosanitaires susceptibles d’altérer les capacités biologiques des sols et des nappes souterraines, de détruire les insectes, la flore et la faune bactériennes, d’interrompre les rapports naturels de prédation et les mécanismes de la chaîne écologique au sein de chaque écosystème. - Enfin, soigner la terre. L’aérer sans retourner les couches inférieures, recréer son compost, ne pas laisser le sol nu, accueillir les “jardiniers de l’ombre”… Il nous fait part aussi d’une réflexion sur l’esthétique qui met en valeur et que la scénographie du jardin permet de faire comprendre un certain nombre de choses, nous avons essayé de s’inspirer de cela sur le Jardin des Sentiments. «Un jardin d’identité paysagère sous un climat donné, qui propose la compréhension du vivant plutôt que l’exposition de végétaux». Voilà ce que je retiens de ça démarche, elle me paraît parfaitement appropriée à notre site et à nos problématiques. Et je finirais par sa citation «ce n’est pas un morceau de terrain, c’est un jardin ! il faut donc avoir un regard un peu esthétique et donc paysager». Ce qui rejoint les définitions que j’ai données en préambule de cette note.

> Le Jardin d'Amérique aride, un paysage de rocailles composé de cactées et de succulentes.


Yves brunier

J’ai ici choisi de mettre un texte de Jean-Paul Gavard-Perret, que l’on retrouve dans un livre sur l’artiste, car en quelques lignes ce texte définit toute la philosphie de l’artiste, son travail plastique aussi bien que sa pensé du jardin. Celle qui m’a inspiré. Ainsi que des collages et la maquette faite pour l’OMA.

«Yves Brunier ne se lassait jamais de contempler la côte vaudoise. Elastique en fonction du temps elle fut pendant vingt ans son paysage premier auquel ses dessins de jeunesse rendent hommage. Très vite il traverse de lac et fréquente des artistes et urbanistes suisses. Il regrette que les nouvelles constructions de Lausanne ou de Genève des années 80 - en dehors des espaces traditionnellement réservés - oublient la présence de jardins dont les possibilités restent considérées de manière anecdotique. Elève de l’Ecole Supérieur du Paysage de Versailles dont il sort major, Yves Brunier va profondément faire évoluer le paysage en quelques années et en dépit de sa disparition prématurée. Ses projets auprès des plus grands architectes (Rem Koolhass et Jean Nouvel entre autres) transforment la conception du jardin par divers choix esthétiques. Entre autres la pénétration de l’espace vert dans l’espace « de rue », l’expérimentation d’essences et de couleurs méprisées par les paysagistes en passant par la conception des maquettes qui par elles-mêmes acquièrent une indéniable et humoristique poésie créatrice. L’architecte ne se contente pas d’apporter une note de fraîcheur au sein du paysage : le jardin n’est plus un espace prélevé sur l’espace urbain, une «pose» en sa clôture et en ce qui jusque là était considéré comme une dérivation. IL est intégré aux grands axes de la cité et souligne la continuité urbaine. Rem Koolhass a d’ailleurs d’emblée compris l’importance du paysagiste en l’intégrant à son

Office Metropolitan Architecture (OMA) pour divers projets dont le musée de Rotterdam. A l’aide de ces principes de «surlignage» du «poumon vert» dans la cité comme dans ses maquettes (inspirées par l’arte povvera quant au choix des matières : fragments d’éponge, sucreries réappropriées dans une fonction esthétique) Yves Brunier devient géomètre et coloriste. Il n’hésite pas à transférer - du jardin potager vers le jardin dit d’agrément - des légumineuses. Il utilise par exemple le potiron pour ses qualités de plante grimpante et pour sa couleur. Loin d’être considéré comme un «arrêt sur image» de l’urbain le jardin devient la réactivation de son flux loin de l’écoulement convenu. L’espace vert n’est plus envisagé comme un espace serein et désœuvré où l’on vient gouter une certaine douceur. Contrairement à la pluie après la canicule il sort du statut de havre de fraîcheur et de parenthèse enchantée. Le jardin s’entiche de la ville comme la seconde s’entiche du premier. Les deux restent sous la même lampe fraternelle. Sortant le jardin publique d’un élément de soustraction où viendrait s’annihiler les rumeurs de la ville, avec Jean Nouvel à Tours, Yves Brunier fait plonger un immeuble urbain non sur la rue mais en un basculement intempestif et considéré par beaucoup comme iconoclaste. Rues, immeubles, miroirs verts chahutent les organisations admises tout en répondant à la facilitation de la vie du citadin. Le jardin de la gare de Tours en reste l’exemple parfait. Il sort

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le lieu de son côté sordide (parking sans grâce et mal famé) en renvoyant le stationnement dans des sous-sols. Brunier les «ouvrent». Une immense verrière animée par un jet d’eau qui sonorise l’ensemble donne au silo du parking un volume particulier à dimension presque mystique. Plutôt que de faire appel aux technologies dans lesquelles beaucoup de paysagistes s’engouffraient par facilité, Yves Brunier a préféré la puissance d’une imagination en acte. Elle est fondée sur une approche «manuelle» capable d’échapper à la «virtualisation» dont le paysagiste anticipait les risques. Il fallait - disait-il - «aller à rebours des techniques virtuelles» afin d’anticiper un espace et un temps qui risquaient (et qui risquent de plus en plus) de disparaître sous des miroirs fallacieux capables de produire plus des images arrêtées que des images en mouvements Une telle conception du jardin urbain permet au regard de ricocher aux rythmes de divers échos visuels : du tremblement des arbres animés par le vent à la fragmentation kaléidoscopique des essences. Le tout en une vision induite par la prise en compte des enjeux fondateurs non seulement du regard mais de la vie urbaine. Contre une approche divisionniste de la ville Yves Brunier a donc embrassé son contexte loin de l’anecdote décorative. Il a mêlé simplification des formes et sinuosité des lignes afin de créer une synthèse nouvelle dont les échos demeurent perceptibles.» Jean-Paul Gavard-Perret


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H erbier (la flore typique des savanes de la rĂŠunion)

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Strate herbacĂŠe

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Strate arbustive

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Strate arborescente

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M aquettes (un outils de projet) Deux maquettes d’échelles différentes afin de bien s’impregnier du relief. Elles auront un rôle particuliers lors de la soutenance.

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> Maquette en mousse, topographie du site.

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> Maquette sensible du site Ă 10 ans, projet territorial.

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C ahier des actions à mener (pour les Journées Européennes du Patrimoine) En parallèle de ce PFE j’ai, avec l’aide de mon camarade Vincent Guérard, produit un document intitulé « cahier des actions à mener pour les journées européennes du patrimoine 2018 » à destination des 25 contrats aidés qui ont été embauchés dans le cadre du chantier du « Parc des Belvédères ». Il s’agit entre autre de les guider afin que les itinéraires de découvertes et les autres activités prévues sur la savane pour les JEP soient menées à bien (cf. le texte de présentation de ce carnet).

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