/l039eau-bien-commun-bien-public-pour-une-gestion-democra

Page 65

marché français et 4,4 milliards pour l'exportation. Leur production a environ doublé en dix ans72. Depuis cette date, les chiffres de ventes globaux des eaux embouteillées est en baisse régulière avec cependant d'importantes disparités selon les marques. Depuis 2003, le marché français de l'eau en bouteille a fondu de 25 %, une tendance commune aux autre pays occidentaux, due au prix mais aussi aux préoccupations environnementales. Celles-ci peuvent néanmoins jouer en faveur d'une évolution intéressante des minéraliers. Ainsi, la réaction de Vittel dont la ressource était menacée par une montée importante et continue du taux de nitrates atteignant les 8 mg/l en bouteille à la fin des années 1980 alors que les normes sanitaires en fixent à 10 mg/l le seuil pour les eaux destinées aux nourrissons, des clients essentiels. Un accord de recherche a été alors conclu avec l'INRA, cofinancé par l'INRA, Nestlé (propriétaire de Vittel), l'Agence de l'eau RhinMeuse, afin de créer une agriculture qui fournisse une eau peu chargée en nitrates et permettre aux exploitations agricoles de poursuivre leur activité. Un cahier des charges est défini pour l'exploitation des terres alimentant les nappes du bassin, avec notamment l'arrêt de la culture du maïs, l'interdiction de produits phytosanitaires et un apport d'engrais et de compost très limité. Des contrats sont proposés aux agriculteurs, les incitant à accepter ce cahier des charges en contrepartie d'avantages pris en charge par Nestlé. En parallèle, Nestlé procède au rachat de 50 % des terres agricoles, en laissant la possibilité aux agriculteurs de continuer à les exploiter. Rares sont les exploitants à ne pas avoir signé de contrat, estimant qu'il s'agissait de passer sous la coupe d'un patron et d'un recul de trente ans dans leurs pratiques. La ville de Vittel elle-même respecte ce cahier des charges et est passée au désherbage thermique, au compost, à l'élevage des coccinelles et à la réintroduction des rapaces… Cette expérience, réussie, sert de référence dans les réflexions sur la rétribution des services environnementaux et devrait certainement participer à inspirer les mesures à prendre pour la protection de l'eau du robinet. Le taux de nitrate

est tombé de 8 à 4,6 mg/l en 2009, le coût de l'opération étant estimé à 25 millions d'euros durant les sept premières années du programme, soit 980 € par hectare et par an, l'équivalent pour Vittel de 1,52 € /m3. La protection des ressources s’étend à l’ensemble de la zone de captage, l’impluvium, qui couvre 10 000 hectares pour les sources Vittel et Contrex73. Toutefois, cette expérience, fortement mise en avant par l’entreprise, ne saurait être transposée stricto-sensu à l’échelle du territoire. Une analyse juridique approfondie des modalités de contractualisation proposées aux agriculteurs en échange de l’abandon de l’usage de produits phytosanitaires laisse en effet apparaître que ces modes de rétribution (également déployés en France à Lons le Saulnier notamment, ou en Allemagne à Munich) seraient susceptibles d’être qualifiés de distorsion de concurrence si ils devaient être déférés aux autorités communautaires. Une réflexion approfondie doit donc être engagée afin de rendre compatibles ces modes de rémunération originaux d’exploitants agricoles avec le droit communautaire. Par ailleurs, les communes sur le territoire desquelles sont situées des sources d'eaux minérales peuvent percevoir une surtaxe dans la limite de 0, 58 €/ hectolitre74. Lorsque le produit de cette surtaxe excède le montant des ressources ordinaires de la commune pour l'exercice précédent, le surplus est attribué au département. Cependant, elle peut conserver jusqu'à 50 % du surplus pour des travaux approuvés qu'elle paye directement soit pour les emprunts contractés pour leur exécution. On peut toutefois s’étonner qu’il n’y ait pas de redevances versées aux Agences de l’eau, d’autant que l’ensemble des prélèvements effectués concerne le grand cycle de l’eau sur lequel elles sont appelées à s’investir de plus en plus. Aussi préconisons-nous la création d’une taxe sur les eaux embouteillées, perçue auprès des groupes minéraliers par les

73

source : Libération Strasbourg, 09/02/2009 "un pacte écoleau à Vittel"

Taxe portée à 0, 70 €/hl pour celles qui ont perçu, au titre des volumes mis à la consommation en 2002, une recette inférieure à celle qu'elles auraient perçue pour ces mêmes volumes en application du mode de calcul de la surtaxe en vigueur avant le 1er janvier 2002.

74

L'Eau, Bien public, Bien commun — pour une gestion démocratique et durable / Le Laboratoire des idées / Juin 2011

65


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.