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Quel est l’effet du Covid-19 sur votre cerveau ?

Quel est l’effet du COVID-19 sur le cerveau ?

Les effets négatifs du coronavirus sur les voies respiratoires supérieures sont bien connus aujourd'hui. Mais certains patients souffrent aussi de complications neurologiques. Nous avons demandé des explications à ce propos au Docteur Paul Boon, chef du service de Neurologie à l’UZ Gent.

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‘Pouvez-vous encore goûter et sentir ?’ Qui aurait jamais pensé que nous poserions systématiquement cette question lorsqu’un patient présente les symptômes d'un gros rhume ? C'est pourtant devenu un symptôme typique du COVID-19 : la perte de l'odorat et du goût chez les personnes infectées. Des recherches européennes montrent que 86 % des sujets touchés souffrent de troubles de l'odorat, et 82 % d’une perte de goût. “On a d’abord pensé que les troubles du cerveau dus au COVID-19 constituaient une ‘invasion’ directe du virus dans le cerveau, peut-être par le biais de la muqueuse nasale", explique le Professeur Paul Boon. “Depuis, nous pensons que les inflammations aiguës ou chroniques du cerveau sont la principale cause des troubles neurologiques chez les patients ex-Covid.”

Un grand nombre d’affections cérébrales

Au niveau mondial 120 millions d'infections au COVID-19 et 2,6 millions de décès avaient été enregistrés en mars 2021. Avec un nombre de lésions cérébrales en conséquence : 240 000 cas dans le système nerveux central et 192 000 dans le système nerveux périphérique. “Si nous nous concentrons sur les principales affections, nous pouvons diagnostiquer une inflammation du tissu cérébral (encéphalite)", explique le Professeur Boon. “L’inflammation du tissu cérébral est causée par une infection directe et par la réaction immunitaire. Cela se manifeste par des symptômes comme la confusion, la perte de conscience, des raideurs dans le cou, des crises d'épilepsie, des problèmes de mémoire et de comportement et de la psychose. Si 6 patients sur 10 en guérissent, nous constatons que 1 0 % des patients succombent à l'inflammation du tissu cérébral.”

Après un séjour en soins intensifs, 1 patient sur 3 fait face à des problèmes neurologiques persistants.”

Une pandémie de troubles cérébraux

Les médecins craignent que de plus en plus de patients ex-Covid développeront des problèmes neurologiques et psychiatriques. Prof. Boon : “Le Covid-19 était initialement considéré comme une maladie pulmonaire pouvant entraîner de graves complications, mais il semble qu'il y ait un problème beaucoup plus important devant nous.” Après avoir quitté les soins intensifs, 1 patient sur 3 conserve des problèmes cognitifs et de changement de personnalité persistants.

“A cela s’ajoutent d'autres complications, comme une inflammation de la moelle épinière, susceptible d’entraîner une paralysie. Les médecins signalent aussi des atteintes du système nerveux périphérique et des muscles. Ce qui provoque parfois le syndrome de Guillain-Barré, caractérisé par des symptômes de paralysie augmentant rapidement.”

Pour compléter le tableau, une étude internationale menée auprès de 108.571 patients COVID-19 montre que 1,4 % des patients ont souffert d'un accident vasculaire cérébral, dont 87 % une thrombose cérébrale et 13 % une hémorragie cérébrale. "Il s'agit principalement de patients âgés ou souffrant de diabète, d'hypertension, de maladies cardiaques et d’infections plus graves. Les accidents vasculaires cérébraux surviennent en moyenne 9 jours après l'apparition des symptômes du Covid-19.

Des études complémentaires sont nécessaires

Plus la pandémie dure, plus le COVID-19 affecte le bien-être mental de nombreuses personnes. “Plus de la moitié de la population est confrontée à la peur et à l'incertitude face au virus, aux mesures prises et à la limitation de la mobilité familiale et sociale”, ajoute le Professeur Boon. “Les gens consomment davantage d'alcool ou en abusent, dorment moins bien et souffrent de troubles de l'humeur. Ceci pour dire que des études complémentaires sont nécessaires pour étudier les relations de cause à effet du COVID-19 sur notre cerveau. Si le COVID-19 s’est manifesté voici plus d’un an, le nombre élevé d'infections dans le monde, le nombre de nouveaux cas d'encéphalite, d’accidents vasculaires cérébraux et de maladies mentales, indique déjà que nous serons confrontés à de nombreux problèmes de santé à long terme.”

Les enquêtes sur le coronavirus menées par l’Université d'Anvers montrent que plus de

30 % de la population active ayant souffert du COVID-19 conserve des symptômes

persistants, ce qui après trois mois, reste le cas d’au moins 10 % des patients.

Un an après ma contamination, j’ai toujours des problèmes de santé.”

TÉMOIGNAGE

Ann Li a contracté la Covid-19 en mars 2020 et présente depuis de graves symptômes neurologiques. Elle a fondé une organisation pour défendre les intérêts d’un nombre croissant de patients Covid-19 présentant les mêmes symptômes.

“J'ai peu de souvenirs des premières semaines, probablement à cause du manque d'oxygène. Respirer était très difficile, dormir aussi." Ann Li témoigne de son expérience des effets à long terme du Covid-19. "Mon conjoint était aussi malade à l'époque et notre petit garçon avait alors 9 ans. C'était une période très éprouvante. Un an après mon infection, j'ai encore des problèmes de santé. Pour le moment, il s'agit principalement de troubles neurologiques. Ma concentration n'est toujours pas optimale. Pour vous donner un exemple, il y a quelques jours, j’ai fait des exercices avec mon ergothérapeute, des additions simples avec des chiffres entre 0 et 9. Je n'ai pas pu poursuivre l’exercice pendant plus de quatre minutes, c'était trop difficile. Ma mémoire est très mauvaise, je dois tout noter. Parfois, les gens me disent quelque chose et même si je sais que je dois retenir cette information, je l'oublie immédiatement. Ma mémoire à long terme me joue aussi des tours. Je ne me souviens plus du nom de personnes que je connais depuis longtemps et j'oublie aussi des événements. Je ne peux plus bouger non plus. En septembre, j'ai dû arrêter le vélo parce que j'avais trop de douleurs et de spasmes musculaires. Mes jambes tremblaient sans arrêt. Je viens de commencer la kiné pour récupérer ma mobilité. L’énergie dont je dispose pour traiter les informations et réaliser des tâches est très limitée. Lorsque cette énergie est épuisée et que je reçois des stimuli, je ne peux plus les traiter. C'est comme si une sorte de brouillard s'installait dans ma tête et que je commençais à voir de moins en moins ou que mes capacités de réaction ne cessaient de diminuer.”

“Je suis tombée malade le 25 mars de l'année dernière et suis restée à la maison pendant trois semaines. Je pensais que je pourrais retourner travailler après. J'ai retravaillé pendant un mois, puis mon état s'est dégradé. Le 8 juin 2020, je suis allée chez le médecin et depuis, je suis en incapacité de travail totale. La communauté post-Covid fondée par Ann demande aux autorités de reconnaître les symptômes à long terme provoqués par le Covid-19. C'était aussi une demande de l'OMS l'été dernier. Certains pays se sont engagés dans cette voie et nous espérons que la Belgique va suivre le mouvement. Tant qu'une telle reconnaissance n'existe pas, nous ne pouvons pas travailler à la sensibilisation. Pour nous, il est important que les dispensateurs de soins de santé, les mutualités et les médecins conseils sachent que la maladie est réelle et que ce n’est pas du vent. Le Covid19, ce n'est pas seulement une question de vie ou de mort, vous pouvez aussi en souffrir longtemps. Nous demandons aussi que davantage de fonds soient alloués à la recherche scientifique afin de lever le flou qui entoure la maladie et son traitement. Nous souhaitons que des mesures supplémentaires soient prises pour soutenir les patients Covid. Il est nécessaire de mettre en place un cadre permettant de fournir des soins plus efficaces. La reconnaissance des symptômes Covid constituerait le signal que nous sommes considérés comme un groupe. L'attention pourra alors se porter sur la recherche de solutions plutôt que sur la mise en doute de la réalité que nous vivons. Notre message aux patients Covid est le suivant : nous vous croyons.”