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Jésus superstar. Roblox

Jésus superstar

Jésus revient? On pourrait le croire au vu du nombre croissant de week-ends d’immersion spirituelle, des toujours plus nombreuses messes événements, du boom du hip-hop évangélique… A l’origine de cette résurrection, sa mise en lumière par des icônes médiatiques comme Kanye West, dont l’album Jesus Is Kinget les cérémonies dominicales rencontrent un formidable succès. Des messes-concerts devenus de véritables shows, avec chorales gospel et sermons façon prêcheur, sont désormais des événements cool auxquels il est bien vu d’assister, pour les célébrités comme pour la scène fashion. Le Musée de la création, au cœur du Kentucky, enregistre 4millions de visiteurs depuis son ouverture en 2007. Parc à thème chrétien, il illustre les scènes de la création divine avec des représentations bibliques, Adam et Eve au jardin d’Eden, la construction de l’arche de Noé… Des religieux, privés de messe pendant le confinement, ont découvert le pouvoir des réseaux sociaux et deviennent de véritables influenceurs, attirant, au-delà de leurs fidèles, des millions d’internautes. Sur Instagram, YouTube et TikTok, bonnes sœurs et prêtres exposent leur quotidien devant des millions de viewers. Fiel Pareja, un prêtre philippin connu sous le nom de FatherFielPareja, rassemble plus de 2millions de followers. Avec un set up digne d’un youtubeur professionnel, il lit des versets de la Bible et se prête avec bonne volonté au jeu des challenges de la plateforme. Résultat, il s’est vu décerner l’Award du meilleur espoir. Enfin, entre sublimation du patrimoine et prouesses d’architectes, les églises se refont une beauté et deviennent de véritables destinations insolites. A Anvers, Vincent Van Duysen fait d’un ancien couvent le très convoité hôtel August, à Tel-Aviv, John Pawsonrevampe un ancien hôpital du XIXe et sa chapelle en un complexe hôtelier de luxe, le Jaffa Hotel. Le succès du Monastero sur l’île d’Ischia, du Grand Hotel Convento à Amalfi, du Sozo à Nantes, témoigne autant d’un réel intérêt pour des lieux hybrides et singuliers que d’une curiosité pour les atmosphères mystiques.

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ENGLISH TEXT. Over the past few years, Jesus has been spotted in some unlikely places. His recent appearances might be traced back to the spiritual (re)awakening of Ye – the artist formerly known as Kanye West – who with his 2019 albumJesus Is Kingand gospel-inspired Sunday Services – a mash-up of religious service and concert – couldn’t stop praising the Son of God. Christianity and its Saviour have also been seen on YouTube and TikTok where a wide range of monks and nuns are busy professing their faith. Filipino priest Fiel Pareja, for example, now has 2.2 million TikTok followers. Roblox fait désormais partie des géants du metaverse, avec une particularité notable: la plateforme est dédiée en priorité aux moins de 15ans. Créée en 2004 dans une relative indifférence, elle a su évoluer pour compter désormais plus de 100millions d’utilisateurs, dont deux tiers des Américains entre 9et 12ans. Selon le site ADN, Roblox serait à la fois Netflix, Disney et Facebook. Et si elle propose 20millions de jeux, ce n’est pas elle qui les crée, mais les utilisateurs eux-mêmes. Après avoir mis au point leur avatar, dans le genre des personnages des boîtes Lego, les gameurs ont tout le loisir de lui inventer une vie et l’univers qui va avec. D’y inviter, moyennant une participation financière réglée en robux, la cryptomonnaie en cours, tous ceux qui voudraient y faire une petite incursion. Et d’aller, en retour, faire une petite balade dans l’univers des autres. Pour cela, Roblox fournit aux membres de sa communauté les outils nécessaires pour créer des contenus, développer des jeux et, pourquoi pas, faire fortune. Ajoutez qu’il s’agit aussi, bien sûr, d’un réseau social, avec toutes les possibilités de connexions, de rencontres et d’échanges. Et qu’en mars dernier la société a été valorisée à Wall Street à 45milliards. Pas de robux, de dollars!

ENGLISH TEXT. Launched in 2004 to general indifference, Roblox has since become a phenomenon. Aimed at mostly the under 15s, it is a games site with a difference. Once users have created their avatar, they can build their own games and visit other people’s games by spending Robux, the app’s currency. (They can also earn money by people visiting their game.) With 100 million users, Roblox’s recent IPO valued it at 45 billion – dollars, not Robux.

Roblox

mEET THE NEW PARISIANS djula.fr I

Après trois derniers films un peu trop convenus, X-Men: Dark Phoenix, It Chapter Two et Ava,Jessica Chastain retrouve les rôles complexes et passionnés qui la caractérisent et enchaîne les projets avec un appétit spectaculaire. A Venise, cette beauté incendiaire présentait le remake de la meilleure série télé jamais tournée, Scènes de la vie conjugale, aux côtés d’Oscar Isaac. A Toronto, c’était TheForgiven, avec Ralph Fiennes, clash des cultures sur fond de désert marocain. A Rome, Dansles yeux de Tammy Faye, avec Andrew Garfield, film pour lequel, méconnaissable en télé-évangéliste trop fardée, celle qui a imposé le féminisme à Hollywood pourrait enfin décrocher l’Oscar. Et l’an prochain, ce sera The355, film d’espionnage au féminin avec Lupita Nyong’o, Diane Kruger, Penélope Cruz et Fan Bingbing. A 44ans, cette ancienne danseuse, actrice sensible, productrice à succès, concernée par les problèmes environnementaux, militante vegan, féministe engagée, épouse et mère très discrète, nous épate toujours !

Vous produisez Dans les yeux de Tammy Faye:

pourquoi teniez-vous autant à jouer cette célèbre télé-évangéliste américaine ?

JESSICA CHASTAIN. J’ai grandi en Californie et je voyais souvent Tammy Faye à la télévision. C’était vraiment un personnage haut en couleur. Un intérêt encore accentué par les scandales financiers et sexuels dans lesquels son mari l’avait impliquée malgré elle, ce qui a fait s’écrouler leur empire. Il y a dix ans pile, alors que je faisais la promotion de Zero Dark Thirty, j’ai vu un documentaire sur elle qui m’a révélé une autre facette d’elle. Oui, cette diva religieuse était trop maquillée et follement dépensière, mais ce n’était pas ce monstre de foire que les médias ont imposé à l’inconscient collectif américain. Certes, elle a représenté la montée de la droite religieuse dans la vie politique américaine, mais la dame de cœur m’intéressait, celle qui fut notamment la première à prendre les gays sous son aile, au milieu des années sida. J’ai tout de suite acheté les droits, mais il m’a fallu dix ans pour monter le projet. Avec ce film, le réalisateur Michael Showalter et moi avons voulu montrer une histoire authentique, basée sur l’amour et la foi.

Il y a dix ans, vous étiez au début de votre fulgurante ascension à Hollywood.

J’ai voulu les droits de ce documentaire avant même d’avoir une maison de production. C’était au moment de TheTree of Life, de Terrence Malick. Ensuite, tout s’est enchaîné pour moi dans cet incroyable tourbillon productif. Quelle merveilleuse décennie j’ai connue ! J’ai vraiment beaucoup de chance. J’avoue qu’à certains moments le statut de star m’a effrayée. Et, dans ces cas-là, je me suis toujours recentrée sur le travail, la qualité des projets, et surtout sur la protection de ma vie privée.

Jessica Chastain

«On vous dit que ce n’est pas possible? Raison de plus pour le faire!»

Tammy Faye est le rôle le plus étonnant de votre parcours. Cela vous manquait, une telle métamorphose àl’écran ?

Je choisis toujours mes rôles de façon à provoquer un peu, à faire bouger les choses, notamment en matière de genres et de classes. Je pense avoir joué beaucoup de femmes différentes qui montrent aux jeunes filles qu’il n’y a pas de barrières professionnelles, ou, s’il y en a, qu’il faut les briser. Mais j’ai étudié à la Juilliard School, ma formation d’actrice de caractère m’impose de transformer mon physique. En revanche, je pense que les très longues heures de maquillage, la réduction de ma bouche, le comblement de ma fossette sur le menton, l’élargissement de mes joues… ont bousillé ma peau à jamais ! Finalement, j’aurais préféré qu’on ait seulement à avoir, comme elle, la main lourde sur le mascara (Rires).

On vient aussi de vous voir dans la série Scènes de la vie conjugale, de Hagai Levi, aux côtés d’Oscar Isaac, tiré

du chef-d’œuvre d’Ingmar Bergman réalisé en 1972.

Hagai Levi, à qui on doit la série d’origine InTreatment, mais aussi celle de TheAffair, s’est lancé dans l’adaptation de Scènes de la vie conjugale pour répondre à une demande de Daniel Bergman, le fils d’Ingmar. L’original était une série en six épisodes, diffusée par la télévision suédoise –ce qui, dit-on, a été responsable de l’explosion du nombre de divorces !–, avant d’être un film.

Oscar Isaac et Jessica Chastain dans «Scènes de la vie conjugale».

Féministe de la première heure, vous continuez à faire bouger les choses à Hollywood…

En quoi le couple a changé ?

Oscar Isaac, qui est un ami de toujours, avec qui j’étais au lycée, et moi avons accepté non sans appréhension de répondre à cette question… au point de tout mêler: nos propres vies et celles des personnages, pour créer un degré d’intimité tel que nous en serions nous-mêmes gênés. Finalement, les problèmes de couple n’ont pas tellement changé. J’ai toujours adoré regarder le mariage à travers le prisme des films. Le cinéma aide à comprendre les relations amoureuses.

Vous aviez reçu l’aval de Liv Ullmann pour son rôle ?

Je connais Liv, qui m’a mise en scène dans Miss Julie, j’ai lu ses livres, j’ai lu le livre de la fille qu’elle a eue avec Ingmar. La performance de Liv était parfaite, je lui ai tout de suite fait comprendre que je n’y toucherais pas. Ce qui m’a donné l’audace de revisiter cette histoire est que nous avons échangé les rôles : c’est mon personnage qui possède cette fois le plus d’égoïsme, d’insécurité et de complexités liés au désir sexuel, à la maternité… Je joue en quelque sorte le rôle du mari.

Tombez-vous amoureuse de tous vos personnages ?

Oui, c’est la seule façon de savoir que je fais du bon boulot. Si je trouve “le fil de la connexion” avec mon personnage, même si c’est une tueuse ou quelqu’un qui commet des actes absolument répréhensibles, et que je tire ce fil jusqu’au bout, alors le processus d’identification me submerge.

Vous enchaînez des projets très éclectiques… Dans les films qui vont prochainement sortir, soulignons

TheForgiven,de John Michael McDonagh, avec Ralph

Fiennes et Said Taghmaoui.

Il y a un an encore, le cinéma était à l’arrêt. Alors, vive la reprise ! TheForgiven raconte les répercussions d’un accident sur les vies d’un couple anglais, avec de leurs amis riches et des voisins marocains, tous présents à une fête se déroulant dans une luxueuse villa en plein désert. C’est un film sur l’ignorance de l’autre et la façon de réparer nos préjugés stupides, c’est un film qui nous tend un miroir dans lequel nous n’aimons pas trop nous regarder.

C’est ma mission première, à travers mes choix de projets au sein de Freckle Productions (les productions «Taches de rousseurs»). Je viens de produire The355, de Simon Kinberg, avec qui j’avais travaillé sur la franchise des X-Men, avec une sacrée bande d’actrices, de Lupita à Penélope… pour «Il n’est plus tolérable The355, j’ai imposé qu’une portion du que les femmes soient film nous appartienne à chacune, lésées dans la société. Ne l’admettez pas, jamais! Il n’y a aucune raison. Battez-vous pour l’égalité!» afin que tout le monde soit payé à parts égales. Et tout le monde a dit oui. Il faut innover, changer la donne. On vous dit que ce n’est pas possible ? Raison de plus pour le faire! Il n’est plus tolérable que les femmes soient lésées dans la société. Ne l’admettez pas, jamais! Il n’y a aucune raison. Battez-vous pour l’égalité!

Propos recueillis par JULIETTE MICHAUD

ENGLISH TEXT.Jessica Chastain is back with a series of complex roles. She recently presented a TV remake of Ingmar Bergman’s Scenes from a Marriagein Venice; then in Toronto unveiledThe Forgiven, a clash-of-cultures story set in the Moroccan desert with Ralph Fiennes; and then premieredThe Eyes of Tammy Fayein Rome, in which Chastain is unrecognizable as televangelist Tammy Faye Baker. “Growing up in California I saw Tammy Faye on TV,” she remembers. “She was a such a flamboyant personality who got dragged into financial and sexual scandals by her husband. Ten years ago, I saw a documentary about her, which showed another side to her. She wasn’t the fairground monster that the media made her out to be.” She accepted the role in Scenes from a Marriage, a remake of Ingmar Bergman’s landmark series, with a certain apprehension, despite her co-star being Oscar Isaac, whom she has known since high school. She received the blessing of Liv Ullmann, who starred in the original. “Her performance is perfect,” says Chastain. “and I immediately told her that I would not touch it. That allowed us to feel comfortable enough to revisit the story and exchange the roles: this time it’s my character who is more selfish and insecure.” Chastain continues to fight for equality within the industry. For The 355, an action film she produced and stars in alongside Lupita Nyong’o, Diane Kruger, Penélope Cruz and Fan Bingbing, she ensured that everyone was paid the same by giving each of her co-stars an equal percentage of the box office. “You have to innovate, change things. It’s just totally unacceptable that women are still discriminated against in society. It shouldn’t happen.

Johnny Depp

Bon, soyons clairs, Johnny Depp, 58ans, traverse une mauvaise passe. Ses problèmes personnels l’ont rendu «radioactif» à Hollywood. Mais cet ancien rebelle et néo-pirate ne l’a-t-il pas toujours été? Il ne sera plus le Grindelwald des Animaux fantastiques, Mads Mikkelsen le remplace. Ses derniers films peinent à trouver une date de sortie. Comme Minamata, d’Andrew Levitas, où il joue William Eugene Smith, le photographe qui a dénoncé par ses images terribles les empoisonnements au mercure des habitants d’un village japonais. Un rôle qui, autrefois, lui aurait valu toutes les accolades. Johnny Depp nous manque à l’écran. Nous avons eu envie de faire avec lui le point sur sa carrière. Toujours aussi courtois en interview (enfin, si la fumée de cigarillo ne vous gêne pas trop), sa belle voix mélodieuse et son humour bien à lui nous ont transportés.

Au Festival de Berlin, vous avez présenté Minamata,

que vous avez coproduit. A Deauville, nous avons décou-

vert City of Lies,que vous avez tourné il y a quatre ans,

une enquête autour du meurtre du rappeur Tupac Shakur.

Mais ces films, commeEnattendant les barbares,du réali-

sateur Ciro Guerra, ont du mal à sortir, ou sortent un peu dans l’indifférence… Comment le vivez-vous ?

«Changer mon apparence m’a toujours aidé à m’éloigner de mon nombril et de la futile célébrité».

JOHNNY DEPP. City of Liesavait été kidnappé par le studio. Grâce à Deauville, le film a été retrouvé ! Pour Minamata, cela me rend particulièrement triste, car certains films touchent les gens, et celui-ci touche les villageois de Minamata et ceux qui vivent des choses semblables. Faut-il pénaliser un film juste à cause du boycott d’Hollywood à mon égard ?

Votre affinité avec cette légende du photojournalisme qui a lutté contre l’alcoolisme offre une de vos meilleures performances d’acteur.

J’ai toujours eu une fascination pour Eugene Smith. Pour ses photos, bien sûr. Mais, quand j’ai lu les sacrifices qu’il avait faits pour prendre ces images, et sa lutte contre ses démons, j’étais sous le choc.

Comment choisissez-vous vos projets ?

Vous avez commencé votre carrière par ANightmare on Elm Street,de Wes Craven. Vous avez fait plusieurs

films fantastiques, notamment, bien sûr, avec Tim Burton. D’où vient cette attirance pour toute cette imagerie?

Je me suis toujours appuyé sur l’instinct, l’émotion initiale, l’étincelle qui peut jaillir d’un scénario. Si je peux dépasser dix, quinze pages, ça va. Si en plus vous pensez pouvoir ajouter quelque chose d’unique au personnage, alors c’est presque un appel. Ceux que j’ai incarnés, par l’esprit, ou par le cœur, me fascinent tous, et ils sont tous étrangement entrelacés. Du plus méchant à Edward aux mains d’argent, c’est comme si une sorte de fil les maintenait tous ensemble. Et, quelque part, au fond, comme une ombre, je me devine derrière l’écran. En un mot, je me considère comme très chanceux.

Quand j’étais petit, le cinéma muet était très important pour moi. Une chaîne de télévision publique montrait tous les incroyables films de Charlie Chaplin et Buster Keaton, et mon modèle absolu, Lon Chaney. Ensuite, il y a eu les films d’horreur en noir et blanc, Frankenstein, Draculaet LeLoup garou, tout ce folklore… J’ai toujours été un grand fan de ces films obscurs et plutôt gentillets au fond: c’est l’une des choses sur lesquelles Tim Burton et moi, lorsque nous nous sommes rencontrés, nous sommes reconnus. Ce que j’ai aimé, dans ce genre, c’est que l’on pouvait se cacher derrière le maquillage, le masque. Echapper au poids ou à la gravité de sa propre personne. Changer mon apparence m’a toujours aidé à m’éloigner de mon nombril et de la futile célébrité. Je me sens plus à l’aise en me cachant derrière des personnages ou des prothèses qu’en étant moi-même. Quelque chose ne tourne pas rond chez moi. (Rires.)

Quelle est la première règle d’un acteur ?

«Je me sens Vous devez vouloir aller de l’avant, vous beaucoup plus à l’aise derrière des personnages ou des prothèses qu’en étant mettre en quelque sorte à nu et être prêt à vous ramasser à plat ventre devant tout le monde par les différents choix que vous avez faits ou ceux que vous n’avez pas faits. Enfin, c’est un exemple… moi-même»

Comment voyez-vous la «cancel culture», où les gens, les artistes, sont jugés sans qu’on connaisse la vérité?

C’est une situation complexe. Je dirais plutôt cette tendance à porter dans la précipitation un jugement hâtif basé essentiellement sur ce qui s’apparente à de l’air pollué exhalé… Est-ce que moi, je me sens à l’abri ? Oui, maintenant oui. Lorsque vous êtes la cible de quelque chose d’aussi abracadabrant qui vous attaque de tous les côtés, la première réaction est la stupeur. Au début, plusieurs de ces divers mouvements de dénonciations avaient, j’en suis sûr, les meilleures intentions du monde, mais c’est aujourd’hui tellement hors de contrôle que personne n’est à l’abri. Il suffit d’une phrase, et le sol se dérobe sous vos pieds. Ce n’est pas tombé que sur moi, mais sur plein de gens, des femmes et des enfants aussi. Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’être armé de la vérité.

Si vous pouviez rejouer le capitaine Jack Sparrow…

Je trimballe tous mes personnages avec moi. La beauté du capitaine Jack Sparrow, c’est que je peux voyager avec lui dans la poche de ma chemise. A ce stade de ma carrière, si vous me le demandez, je me produirai à la fête d’anniversaire de votre enfant s’il a vraiment besoin de retrouver le moral, ou j’irai rendre visite à des gamins dans les hôpitaux. Je n’ai pas besoin d’une grosse machine pour faire revivre ce bon vieux Capitaine Jack pour une bonne cause. Je peux le faire moimême, et ça, personne ne peut me l’enlever. Ne plus pouvoir l’incarner à l’écran a été un arrêt brusque et étrange, mais cela fait partie de cette période de mon existence faite de moments brusques et étranges. Jack Sparrow ne me quittera jamais, et il sera toujours prêt à dire des bêtises pour faire rire les gens. (Prenant soudain la voix de Sparrow)“Et je suis là-dedans jusqu’au cou, jusqu’à mon bon cœur noirci et mon âme éventrée, merci !” (Rires.)

Vous prêtez votre voix à Johnny Puffin, un macareux,

dans la sérié télé d’animation Puffins, une création

italienne visible sur Apple TV et Amazon Prime Video…

J’aimais bien l’idée d’incarner un drôle d’oiseau. (Rires.) Faire partie d’un groupe de petits macareux au service d’un morse rusé prénommé Otto, qui ne serait pas tenté? (Rires.)

Comment voyez-vous l’évolution d’Hollywood ?

Après avoir été dans le bain pendant plus de trente ans, je peux assez bien nager dans ces eaux-là. Mais Hollywood n’est plus ce qu’il était. Beaucoup de gens se rendent compte qu’ils sont aussi “jetables” que moi, mais continuent de fonctionner à coups de blagues éculées et de formules rabâchées. Le public a été grotesquement sous-estimé depuis pas mal d’années. D’autant qu’avec la pandémie on a réalisé que regarder les histoires sur sa télévision n’était pas si mal. Et je le comprends : vu ce que ça coûte pour une famille d’aller au cinéma, entre le ticket d’entrée, le parking et le pop-corn! Je pense donc que la machine hollywoodienne a quelques défauts de conception qu’ils viennent juste de réaliser, et je suis heureux personnellement de les avoir vus venir. (Rires.)

De quoi êtes-vous le plus fier ?

De mes enfants. Rien ne surpasse cela, rien ne s’en approche. Dans le travail, être satisfait de ce qu’on a accompli, c’est la mort, cela rend complaisant. J’aime l’expérience, et, loin d’Hollywood, me mettre au service d’artistes qui ont l’urgence d’exprimer quelque chose. Et si c’est une jeune per«Je trimballe tous mes personnages avec moi.

La beauté du capitaine

Jack Sparrow, c’est que je peux voyager avec lui dans la poche de ma chemise, expérimenter avec lui lorsque l’occasion se présente. A ce stade de ma carrière, si vous me le demandez, je me produirai à la fête d’anniversaire de votre enfant s’il a vraiment besoin de retrouver le moral, ou j’irai rendre visite à des enfants dans les hôpitaux» sonne de 15 ans qui filme avec son téléphone portable, ça me va aussi. Tout a déjà été fait. Ce qui peut rester, c’est la fraîcheur du regard.

Si vous pouviez rencontrer le jeune Johnny Depp, quel conseil lui donneriez-vous ?

Marche à l’envers. (Rires.)

Propos recueillis par JULIETTE MICHAUD

Johnny Depp dans «En attendant les ENGLISH TEXT. Since his recent legal troubles, barbares». Johnny Depp has been persona non grata in Hollywood. Replaced by Mads Mikkelson in the Fantastic Beastsseries, he is more saddened by how the smaller films remain unreleased. These include City of Lies, a film about the murder of Tupac that he filmed four years ago and Andrew Levitas’s Minamata, in which Depp plays William Eugene Smith, the celebrated photographer who revealed how mercury was poisoning the residents of a small Japanese village. “Minamatamakes me particularly sad,” he says, “because certain films touch people and this touches the inhabitants of Minamata. Why punish a film just because Hollywood is boycotting me personally?” Depp made his debut in Wes Craven’s classic horror film Nightmare on Elm Streetand then starred in other horror films, so where did this attraction for the phantasmagoric come from? “When I was a kid, silent cinema was very important to me,” he remembers. “A public-TV station would show all these incredible films by Chaplin and Keaton and my absolute hero, Lon Chaney. Then there were all these black-and-white horror films, like Frankensteinand Dracula. I was always a fan of those kind of obscure and yet sweet films. It was one of the things Tim Burton and I bonded over when we first met. As an actor, what I liked in the genre is how you could hide behind the make-up, the mask. I’m much more comfortable hiding behind prosthetics or a composite creation than being myself.” Depp says that after 30 years of learning the rules of Hollywood he understands how to negotiate its waters – even if everything has been shaken up by the changes brought about by streaming. “Since the pandemic began,” he says, “everyone’s realized that watching stories on TV wasn’t so bad after all. And you can understand it: look at how much it costs for a family to go to the movies! The Hollywood movie business has some design flaws that they’re only realizing just now.” When asked what he would say to a young Johnny Depp, he laughs and has a simple answer: “Walk backwards.”

Zendaya

«Une belle représentation de soi fait partie d’une idée forte: ne pas avoir peur de son pouvoir, être fière de qui on est»

Al’instar des Rihanna et Beyoncé, ces déesses qui changent les canons de la beauté, le style, la mode… et le monde,Zendaya s’est imposée en trois syllabes. Ex-baby star de Disney Channel, actrice, chanteuse, mannequin, égérie de Balmain, Bulgari, Valentino, cette magnifique Californienne de 25ans, avec ses tenues de femme fatale revisitées – la robe Balmain “effet mouillé” à la Mostra de Venise, le boléro et jupe sirène Alaïa à la première de Dune à Paris–est magnifique de maturité dans le film d’auteur très “cassavetien” Malcolm&Marie. Elle est dans Dune, bien sûr. Mais aussi dans la nouvelle saison d’Euphoria, dans SpiderMan : No Way Home, qui sort en décembre, où elle reprend du service… Zendaya, décidément, étincelle !

Tout d’abord, Dune. Se retrouver dans une telle super-

production, aux côtés de Timothée Chalamet, Javier Bardem, Charlotte Rampling… Quelle expérience !

ZENDAYA. Pour Dune, et pour devenir le personnage de Chani, je n’avais que quelques jours de tournage, mais c’était plus qu’intimidant : c’était effrayant, j’avais trop conscience de faire partie d’un casting énorme. Mais, dès que j’ai posé le pied sur le plateau,tout le monde m’avait pris sous son aile, je n’ai eu qu’à me laisser guider dans cet univers dont Denis Villeneuve (le réalisateur)connaît le moindre détail, lui qui est fou du livre de Frank Herbert depuis son enfance. Je lui ai fait entièrement confiance, et l’expérience a été belle. Je suis très fière d’être une des pièces du grand puzzle de Dune.

Donner la réplique à Timothée Chalamet…

Côtoyer quelqu’un du même âge était agréable ! Timothée, lui, appréciait le côté “super, enfin quelqu’un qui comprend mes blagues” (Rires). Nous sommes devenus immédiatement amis. Il organisait dans ma caravane des fêtes où on dansait tous sur des tubes des années 2000. Je n’arrête pas de me vanter d’avoir une photo de Javier Bardem en train de chalouper. Elle est affichée chez moi, et je ne suis pas près de l’enlever de mon mur !

Dans Euphoria, série sur des lycéens de la

générationZ, votre personnage, Rue, est déchiré, elle souffre d’addiction. Que partagez-vous avec elle ?

La seconde saison sera encore plus sombre. Eprouvante, même. Je ne suis pas du tout comme Rue dans Euphoria. Je suis ultra-sobre, et je ne peux comprendre ce personnage que jusqu’à un certain point. C’est justement là où je dois être bonne actrice.

Vous avez reçu en 2020 l’Emmy Award de la meilleure

actrice pour Euphoria, en devenant –la classe–la plus

jeune comédienne à recevoir ce trophée…

J’aurais été heureuse même sans rien gagner. Juste me trouver parmi de telles légendes du show-business. Mais ma famille était là quand ils ont annoncé mon nom, mon chien était là et courait partout entre les tables, j’ai reçu des fleurs, et j’en ai envoyé. Plein d’amour émanait des autres nominés: c’était vraiment trop cool!

Le créateur d’Euphoriavous a écrit un très beau

personnage de jeune actrice débutante confrontée, le temps d’une nuit de disputes, à son petit ami metteur

en scène: Malcolm&Marie, qu’on a pu voir en début

d’année sur Netflix. Votre premier vrai rôle de «femme»?

Dans TheGreatest Showman, avec Hugh Jackman, je jouais déjà une adulte, mais dans Malcolm&Marieje joue sur un registre tellement dramatique qu’on peut en effet parler d’émancipation. Nous étions en pleine crise du Covid, la série se terminait quand Sam a dit qu’il allait écrire quelque chose d’inspiré de sa propre expérience à Hollywood, avec des rôles taillés spécialement pour moi et pour John David Washington. Ni John David ni moi n’avons des relations aussi perverses avec l’autre dans nos vies, mais nous avons passé tant de temps à parler, tous les trois, que le film est devenu intime et viscéral.

Zendaya et John David Washington dans «Malcolm &Marie», de Sam Levinson.

Vous avez écrit une chanson pour Euphoria, vous avez coproduit Malcolm&Marie, vous travaillez depuis l’âge

de 13ans, vous avez presque 85millions de followers et vous n’avez pas peur de lancer des messages politiques progressistes… Vous avez un but?

Les réseaux sociaux, je n’y consacre pas tout mon temps, car on se fait vite aspirer et je ne veux pas passer ma vie sur mon téléphone. Je veux vivre dans la réalité. En même temps, cela fait partie du travail, du lien qui me relie aux gens qui me soutiennent. J’essaie de ne pas trop penser à tout cela, l’équilibre se fera naturellement, suivant les envies. L’essentiel est d’être sincère. Je ne veux rien faire par désir de validation, mais parce que j’en ressens le besoin.

Votre image, votre style ont aidé votre ascension.

Une belle représentation de soi fait partie d’une idée forte: ne pas avoir peur de son pouvoir, être fière de qui on est. On fait souvent croire aux femmes qu’elles doivent avoir un peu de crainte. Mes parents m’ont appris le contraire et je les en remercie. Avec Law Roach, qui est devenu un des plus grands stylistes du métier, nous avons une collaboration intime.

Quelle est votre idée de l’amour ?

Quelque chose que vous ne pouvez pas toujours contrôler. Je ressens de l’amour pour tant de choses et de gens différents. Le plus important est de montrer aux gens que vous les aimez… et parfois nous n’y arrivons pas. Il faut tout faire pour remercier les personnes qui donnent un sens à nos vies. Avoir de la gratitude et la partager, c’est très important.

D’où vient votre nom ?

Mes parents (sa mère, professeur de théâtre, a des origines écossaises et allemandes, son père, ancien professeur de sport devenu son manager et garde du corps, vient d’une famille afro-américaine de l’Arkansas, ndlr)voulaient pour moi un nom issu du langage africain. Ils ont fait des recherches et ont trouvé un mot qui signifie “rendre grâce”. Et puis plusieurs membres de la famille de mon père ont des noms contenant unZ, et mon père est très tourné vers le zen… (Rires.) En gros, mon nom est un mélange de réalité et de fiction. (Rires.)

Propos recueillis par JULIETTE MICHAUD

«Les réseaux sociaux, je n’y consacre pas tout mon temps, car on se fait vite aspirer et je ne veux pas passer ma vie sur mon téléphone. Je veux vivre dans la réalité. En même temps, cela fait partie du travail, du lien qui me relie aux gens qui me soutiennent»

ENGLISH TEXT. Zendaya, Disney Channel alumni, singer, model, face of Balmain, Bulgari, Valentino, is also an actor, currently starring in Dune. Earlier this year, she burned up the (small) screen in Sam Levinson’s Malcolm & Marie. “We were in the middle of the Covid crisis and Sam said that he wanted to write something inspired by his own experience in Hollywood with roles specially for me and John David Washington. None of us have such twisted relationships in real life, so we spent time a lot of time discussing how to make the film as intimate and visceral as possible.” On the opposite end of the scale was Dune, Denis Villeneuve’s blockbuster sci-fi adaptation. “I only had a few days on set, and it was intimidating at first,” she says. “I was so aware that I was part of this amazing cast, but as soon as I stepped on set, everyone took me under their wing. I just had to let myself be guided through the Dune universe by Denis, who knew the tiniest detail about the book. I’m just so proud to be one piece of the Dunejigsaw.” Another pleasure on the film, she says, was starring opposite Timothée Chalamet: “Being with someone my own age was nice! Timothée really appreciated the whole ‘finally, someone understands my jokes’ aspect! [Laughs] We instantly became friends. He organized parties in my trailer where we danced to hits from the 2000s.” Zendaya is also returning to her role as Rue, a Gen Z addict, in the series, Euphoria. “The second season is going to be even darker than the first,” she warns. “In real life I’m totally clean, so I can only understand the character up to a certain point. After that, that’s where I have to be good actor.”

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