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VIVRE SA RÉGION

Éclairs de génie

Traditionnel au chocolat, exotique à la pistache d’Iran, voire carrément inédit au magret de canard ou même au foie gras avec sa gelée de porto et son confit d’oignons ! Installée au centre de Strasbourg (111, Grand’Rue), la boutique du jeune Donatien Maître Eclairs fait des étincelles. Entre basiques intemporels et créations pour apéros de fins gourmets, ce Strasbourgeois, d’abord formé chez Ladurée avant d’exercer à l’étranger, est rentré au pays en 2020 pour lancer son activité. Pari réussi, puisqu’il prévoit déjà d’ouvrir, dès que possible, un second magasin dans l’Eurométropole. # A.S.

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donatien-maitre-eclair.fr

ILS FONT L’ALSACE

À la bonne vôtre !

Le « Jaja », c’est ce petit vin sans prétention qu’on prenait au siècle dernier directement au comptoir, comme ça, juste pour faire passer la soif. Le nom s’est vite imposé à Lyse Nippert, quand elle a ouvert, il y a quelques mois, son bar à vins au naturel, place Saint-Nicolas aux Ondes (Strasbourg). Ici, on aborde le vin en toute décontraction, sans intellectualiser. Entre amis, autour d’une planche de fromages ou d’une tarte flambée, on lève le coude avec des breuvages soigneusement sélectionnés, depuis les abordables classiques alsaciens de Rieffel ou Goepp aux élégants Gamay de Nicolas Pavie et aux cuvées d’Anaïs Fanti. # A.S.

facebook.com/jajastrasbourg

Vin très urbain

L’élégant Nìderwind est élaboré par Igor Monge dans un garage du quartier de Neudorf. Rencontre avec un œnologue passionné. # Hervé Lévy

Rendez-vous est donné dans une arrière-cour pour découvrir le très confidentiel Nìderwind – qui tire son nom d’un vent glacé soufflant du septentriwon –, vin de garage… au sens propre. Qui n’a pas vocation à y rester. Igor Monge ne songe en effet pas à surfer sur cette tendance : « Ce n’est qu’une étape », explique-t-il. Et de préciser : « Je vinifie chez mes fournisseurs, tout à côté de Strasbourg. Les vins sont simplement assemblés, élevés et mis en bouteille ici. » Ingénieur œnologue de formation, il est entré dans le monde du vin à vingt ans, vinifiant en Bourgogne, en Suisse ou encore en Nouvelle-Zélande. En 2006, il est recruté par la maison Arthur Metz – un des acteurs majeurs du secteur dans la région, installé à Marlenheim – au poste de responsable des achats (de raisins et de vrac) : « Cela m’a permis de rencontrer de nombreux vignerons, puisque nous travaillions avec quelque 600 fournisseurs », résume-t-il. Occupant un poste similaire à Bordeaux dans une société de négoce, il s’initie à l’art délicat de l’assemblage. Il est emballé ! De retour en Alsace en 2013, il œuvre dans une exploitation familiale du Bas-Rhin en mode “couteau suisse” pendant six saisons : « Je vinifiais, faisais de la taille, de l’administratif et du commercial. » À quarante ans, Igor Monge prend la décision de voler de ses propres ailes, créant deux assemblages bios dont les premiers millésimes sont estampillés 2020. On craque pour le Nìderwind Blanc (mêlant 40 % de pinot gris, autant de riesling et le restant de gewurztraminer macéré), dense et tendu, d’une jolie complexité aromatique, dont ont été produites 3 000 bouteilles. Nous aurions bien voulu tester le Nìderwind Orange (macération de gewurztraminer rehaussée de 10 % de riesling), mais les 1 500 quilles se sont arrachées. Sold out. Devenu maître de chai de la mythique Cave historique des Hospices de Strasbourg en novembre 2021, notre homme a néanmoins de belles ambitions pour Nìderwind, puisque de nouvelles cuvées viendront enrichir sa gamme très rapidement, l’une avec le sylvaner comme pivot, la seconde, confidentielle, magnifiant le gewurztraminer… Elle se nomme La Chambre, faisant référence à la chanson de Kat Onoma, dont « elle épouse le caractère doux et velouté. » Et les paroles de Pierre Alferi de nous revenir à la mémoire : « Dans ma chambre vous croqueriez une pomme petite vous tremperiez / Dans le thé des langues de chat / En silence / Et après le débat comme dit Casanova / Fronçant les sourcils vous diriez / C’est bizarre. » Impatients, nous sommes !

Les vins Nìderwind sont disponibles chez différents cavistes de Strasbourg comme Au Millésime (7 rue du Temple Neuf). Liste exhaustive sur le site niderwind.com

Fun Archive

L’artiste Thomas Mailaender prend ses quartiers à La Chambre (jusqu’au 28/05), envahissant les deux salles du centre strasbourgeois à grands coups de photographies amateurs. Ces clichés ordinaires, le plasticien en possède une collection vertigineuse, qu’il détourne, non sans une bonne dose d’humour, pour mieux dénoncer les travers de l’époque. Depuis les images de publicités tirées de vieux Paris Match datant des années 1960 à la monumentale installation Le plus grand cyanotype du monde, Ultra-Violets se veut une exposition en forme de « fun archéologie » de la société. # S.V.

la-chambre.org

Moto chic

Costumes, moustaches et chaussures de style montés sur d’étincelants chevaux d’acier. Le rendez-vous tout en élégance des motards, The Distinguished Gentleman’s Ride est de retour en Alsace (22/05, départ 8h de Souffelweyersheim) ! Classiques ou vintage, les rutilantes montures – avec leurs chevaliers endimanchés – paraderont avec allure sur les routes jusqu’au centre-ville de l’Eurométropole, avant de rejoindre le Passions Héritage Motorcycles Festival (Château d’Angleterre, à Bischheim, 12h30-18h) avec ses animations diverses ouvertes à tous, entre concerts, stands pros et food trucks. Attention, pour participer à la ballade, les inscriptions, via le site de l’événement, sont obligatoires ! # A.S.

gentlemansride.com

ILS FONT L’ALSACE

Une vie de photographie

Artiste établie à Wintzenheim, Françoise Saur photographie gens et territoires depuis cinq décennies. Au Musée des Beaux-Arts de Mulhouse, elle présente Ce qu’il en reste. # Suzi Vieira

C’est une chose si petite, si éphémère, si futile, la vie d’un homme. À la mort de ses parents, la photographe Françoise Saur co-hérite d’une maison pleine à craquer d’objets accumulés au fil des générations. Un bric-à-brac fait de breloques dérisoires qui, mises bout à bout, constituent pourtant la seule mémoire tangible de ces existences ordinaires ayant précédé la sienne : tout Ce qu’il en reste… De vieux chapeaux à plume décatis, layettes empoussiérées gisant au fond des malles, bobines de fil et boutons de chemises, collection de vaisselle, trousseaux de clés, verres en cristal, médailles de guerre, lettres d’amours échangées, certificats de baptême, cartes postales reçues d’Alger. Disciple d’Otto Steinert, théoricien de la “subjektive Photographie” auprès duquel elle a étudié autrefois à Essen, Saur trie, ordonne le fatras, le met en scène pour figer à l’aide de sa caméra les souvenirs évanescents d’une famille alsacienne un temps partie s’installer de l’autre côté de la Méditerranée et dont la trajectoire singulière croise les soubresauts de l’Histoire universelle.

Les images grand format (80 x 120 cm) qui en résultent – à la semblance d’étranges natures mortes ou de cabinets de curiosités revisités – dialoguent dans les salles du musée mulhousien avec de nombreux documents d’archive intimes (portraits de famille sur papier Velox aux bords déchiquetés, diplômes de natation, faire-part, etc.), soigneusement scénographiés par l’artiste. « La photographie est art de mémoire », souligne la première femme lauréate du prix Niépce en 1979, qui tient, depuis cinq décennies, un journal photographique de quelque 11 300 clichés ! De ce fonds mnésique, elle a extrait les images les plus gorgées de joie (enfants s’ébrouant dans les prés, bouquets de rires et repas de famille), en a fait un film – mis en musique par le clarinettiste Joris Rühl et ses complices. Comme une ode à l’élan vital, la vidéo clôture le parcours d’une expo’ en forme de discrète et délicate réflexion sur la finitude et le temps qui passe. Surtout célèbre pour ses ouvrages L’Album de Françoise en Alsace et Vosges, terres vivantes, celle qui est aujourd’hui reconnue comme un maître de la photographie contemporaine a fait du temps le plus précieux allié pour son travail, s’imprégnant longuement d’un territoire pour mieux en capturer l’âme. Attentive aux couleurs et au cadrage, son œuvre tout entière plane quelque part entre la poésie et le documentaire. Bien sûr, la grande dame au sommet de son art « pense bien à arrêter », mais elle confesse avoir du mal à poser ses boitiers… « Il y a encore tellement de vies à explorer ».