Faire centre à Nantes, mémoire Nicolas Padovani

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Faire Centre à Nantes, les fabriques urbaine du centre-ville à travers le cas nantais.

Nicolas Padovani, sous la direction de Laurent Devisme Séminaire Controverse s spatiales - ENSA NANTES 2015



Remerciements : Je tiens à remercier Laurent Devisme pour sa bienveillance pour m'avoir guidé dans cet exercice cette année, À Noël Lépine, directeur de la mission Centre-ville à Nantes Métropole, qui m'a reçu et éclairé sur l'hisoire de notre ville et la complexité des dynamiques qui y prennent place Marie, Edouard et Marie, pour leur aide, leurs conseils, et leur qualité d'écoute. RikoStNaz, ce blogueur anonyme, collectionneur d'images d'archive qui m'a permis de me projeter dans les différentes époques que Nantes a traversé. Et toutes les autres personnes avec qui j'ai pu échanger sur mon travail et mes questionnements.


SOMMAIRE :

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I. L'idée de Centre A. Des définitions B. Un retour historique C. Délaissement et redéfinition

II. Vers une Reconquête ? A. Le temps de la sauvegarde B. Le temps des piétons C. Un nouvel outil : le tramway

III. L'affirmation d'un modèle : Le Coeur de Ville A. Changement de paradigme dans le rapport aux piétons B. L'image au coeur de la ville C. La ligne verte : une trame piétonne d'un nouveau genre

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INTRODUCTION

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Ce travail de mémoire est le produit de plusieurs mois de réflexions et de recherches puis d’écriture La définition de la problématique a sans doute été le temps le plus long étant donné la largeur du sujet abordé. Ce sujet est à la fois générique et ordinaire pour bon nombre de citadins, mais dans la manière dont je voulais le porter il s’agissait d’une question assez personnelle, notamment par rapport à mon parcours résidentiel puis universitaire très lié à ces questions « centrales ». Après différents allers et retours sur des thèmes et des questions ayant des points communs, il porte finalement sur le centre-ville et la fabrique de celui-ci à travers le cas Nantais. Un sujet large donc. Il me semble important de revenir sur les différentes étapes réflexions autour de ma problématique de travail .L'année 2013 et 2014 ont été l'occasion de passer une année riche et dépaysante à Istanul. A mon retour, Nantes devint donc à son tour un objet de contemplation et de réflexion, plus qu’elle ne l’était auparavant pour moi. Je me souviens d’ailleurs de mon premier « retour à Nantes » quelques jours après mon arrivée en France comme une expérience marquante pendant laquelle une multitude de choses me vinrent à l’esprit. Néanmoins l’aspect très sensible des constats que j’avais pu porter alors sur Nantes compliquait la tache quant à la définition d’un sujet de travail, même si paradoxalement je voulais porter un sujet issu d’une expérience personnelle. Après avoir brièvement envisagé de comparer Nantes et Rennes, à la fois très similaires – à mes yeux – mais très différentes, j’ai voulu considérer exclusivement les rues piétonnes. Elles incarnaient selon moi l’archétype des centres-historiques européens, et me semblaient être des espaces privilégiés et qualitatifs pour le Stamboulliotte que je fus un temps, mais c’est aussi pour cela qu’ils me paraissaient également assez artificiels et aseptisés. Par ailleurs elles révelaient selon moi une certaine décadence de l’urbanité. Dans cette ville où on veut tout prévoir, tout fixer, en proposant une vitrine et en vernissant l’ensemble pour séduire tant l’habitant que le visiteur, que reste-t-il de la ville réelle ? Cela contrastait avec un certain fantasme que j’avais de la ville se faisant spontanément presque naturellement et de l’espace public se dessinant à travers les usages des gens plus que par des décisions. Ces premières idées ont mené à des recherches qui m’ont montrées la complexité des processus de transformation du centre-ville et qui ont en partie remis en question mes premières idées. Peu à peu j’ai découvert que la question des espaces piétons était presque indissociable des questions patrimoniales et notamment du Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur. Découvrant par la même occasion qu’il était en révision et qu’à cette occasion une sorte de projet urbain nommé Coeur de Nantes 2015 était en cours, mon angle de recherche se décalait peu à peu vers ces questions. En poursuivant les recherches dans cette direction, je me suis aperçu finalement -9-


qu’en me focalisant exclusivement là dessus, en abordant la question piétonne à travers le prisme des textes d’urbanismes, j’enlevais l’essence originelle du mémoire, à savoir sa dimension humaine, et notamment l’expérience que l’on en avait. Tous ces temps de remise en question, parfois même de rejet, me font finalement arriver à la conclusion qu’il fallait élargir l’angle de recherche. J’ai compris alors que l’enjeu de mes recherches c’est en fait le centre dans sa globalité. Souvent abordé de manière historique, comme on aborde généralement le logement social d’un point de vue sociologique, j’ai voulu dépasser ce seul aspect pour me concentrer sur des questions plus contemporaines. Je pense que mon interrogation sous-jacente était finalement, « Comment en est on arrivés là ? », dans le bon et le mauvais sens. Ce mémoire abordera donc trois thème principaux. D’une part nous essaierons de comprendre d’un point de vue sémantique et historique ce que recouvre la notion même de centre. Alors que certains espaces urbains semblent avoir des définitions claires et bien délimités, le centre est historique, urbain, commercial, piéton, métropolitain, décisionnel... Ces vocations multiples font qu’il ne signifie jamais la même chose en fonction de comment il est employé. Par ailleurs cette première partie sera également l’occasion de retracer un historique des faits qui ont mené à la forme actuelle du centre historique nantais, jusqu’à une certaine forme de déclin qu’il connut au XX ème siècle. Dans une deuxième partie, nous aborderons, d’un point de vue chronologique dans un premier temps puis plus thématique dans un second, la succession d’étapes qui ont mené au centre-ville d’aujourd’hui. D’abord en regardant les dynamiques qui étaient en cours dans les services de la ville mais également en considérant l’évolution des mentalités de l’époque et l’émergence d’une pensée post-moderne après les trente années de reconstruction et de modernisation. Enfin nous porterons un regard sur le centre-ville d’aujourd’hui et de demain. La succession d’étapes qu’a connue la ville dans sa transformation, et une certaine ambition de la part de la municipalité, ont fait que ce désormais Coeur de Ville pose de nouvelles questions, ces questions que je me suis posées au commencement de mon travail, notamment la question de l’image. De plus le projet urbain en cours pose encore un certains nombres de principes pour les prochaines années et il sembleraient que de grandes transformations soient encore à venir.

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I. L’idée de Centre

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Des définitions

il nous ramène à la géométrie. Centrum en latin est une déclinaison du grec kentron, signifiant aiguillon, la pointe du compas. Les premières définitions des dictionnaires donc nous ramènent à l’aspect purement géométrique : à égal distance de deux points d’une circonférence donnée. Le Larousse nous expose un panel de définitions jetées en vrac, parmi celles-ci deux visions du centre se dégagent. On a d’une part l’idée d’un centre comme l’origine de quelque chose, le point de départ comme le rappelle le compas. C’est ce à quoi on se réfère pour définir le reste, « Point tel que tous les points d’une figure sont symétriques deux à deux par rapport à ce point : Centre d’une ellipse. ». D’autre part on retrouve l’idée d’une convergence, prenant ainsi l’ensemble comme référence pour en considérer le point central. La définition suivante semble nous suggérer les deux idées. « Point, lieu où convergent ou d’où rayonnent des activités, des actions diverses : Paris, centre de la vie culturelle. » Point de rayonnement et point de convergence. Lorsqu’on parle de centre-ville c’est précisément ce double sens qui le définit . A la fois origine d’un rayonnement et en même temps point d’attraction vers lequel on converge. Cette dualité entre rayonnement et convergence illustre parfaitement l’histoire du développement des villes. De plus,

Regard sur les différentes idées associées au centre ville d’un point de vue sémantique.

Centralités Le centre est un concept qui ne semble pas nécessiter beaucoup de définition, il véhicule une idée assez claire et c’est un terme employé par tous. Néanmoins, il est important de retracer l’évolution sémantique qui accompagne son histoire. Au cours du XX ème siècle la notion de centre a été utilisée de différentes manières, et encore aujourd’hui cette idée regroupe bons nombres de choses différentes. Nous essaierons de nous focaliser bien sûr sur l’idée de même de centre-ville et de comprendre qu’est-ce que cela regroupe. Même si le centre de la ville n’a pas toujours été au centre de celle-ci et que le « centre de gravité » a pu bouger au cours de l’histoire, le centre d’une ville semble toujours avoir acquis cette vocation presque naturellement au cours de l’histoire et de l’évolution du territoire, la ville se faisant par strates et sédimentation. D’un point de vue purement sémantique, le centre est nom commun. Ethymologiquement

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nous verrons que toute l’évolution historique du centre des villes se joue autour de cette dualité, entre rayonnement et convergence, a l’image de Paris et son secteur bien défini et de ses innombrables couronnes périphériques qui ont su capter bien plus de population qu’à Paris, qui devient alors le centre de gravité d’un ensemble bien plus large. Cette dualité centre / périphérie, on la retrouvait déjà avec le bourg et les faubourgs, cela indique la nécessité de bien prendre en compte le référentiel dans lequel on se place. Les faubourgs se réfèrent nécessairement au bourg, puisqu’ils n’en font pas parti et c’est bien pour cela qu’ils existent. Le centre lui, se réfère à un ensemble plus grand, alors que la périphérie se réfère elle à un centre, un noyau autour duquel elle gravite. Cette évolution indique d’une certaine façon un changement de statut dans la façon que l’on a d’envisager un territoire et la ville en son sein. Ce n’est plus une entité finie, mais bien un espace évolutif et mouvant dont on considère un ensemble par rapport à un autre. La « banlieue parisienne » considère la périphérie par rapport à Paris. « Parisintramuros » considère Paris par rapport à sa banlieue. Ces quelques considérations sémantiques nous permettent de poser une première base sur les questions de perception du centre-ville.

L’adjectif correspondant au nom commun «centre» est donc « central », le nom qui découle luimême de cet adjectif, « centralité ». Le terme de centralité souvent utilisé par les décideurs, planificateurs et divers techniciens se place sous un angle légèrement différent. Il suggère le caractère central d’un espace, d’un quartier, d’un lieu, et donc tend à évoquer les éléments qui rendent central. « Caractère de ce qui est central ». Ce terme est souvent employé dans une logique de réflexion sur le territoire, et est utilisé justement comme quelque chose que l’on vise à impulser ou conforter à un territoire, par exemple « Nouvelle centralité pour Nantes ». L’usage contemporain de ce terme nous montre donc que malgré les vocations centrales spontanée et presque « originelle » qu’ont le centre de villes comme Nantes, la centralité reste une qualité qu’on cherche tout de même à insuffler. Nous pouvons alors dire qu’il y aurait un centre existant, originel, historique et géographique mais également un centre créé, façonné, imaginé pour qu’il le soit. Ces deux centres recouvrant bien souvent les mêmes espaces. Regardons d’abord la première dimension. Celle du centre historique.

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Centre-ville & centre

l’Erdre et le Château, comme point origine. A Rennes le centre historique et médiéval se situe à l’ouest du ce qu’on considèdre comme le centre aujourd’hui. En admettant bien sûr que l’on se place dans un référentiel temporel lointain qui regardait la ville encore sous une forme très compacte. De nos jours on considère ce qui est historiquement le centre comme un espace bien plus vaste allant de la place Foch à la place Graslin en passant par le CHU. Si on considère maintenant, le patrimoine historique d’une ville, ses éléments remarquables donc, contribuant à son identité et à son histoire, l’historicité du Château est-elle plus importante que celle de l’île Feydeau ? Au XVIII ème siècle sans aucun doute, mais qu’en seraitil aujourd’hui ? Les perceptions de la ville évoluent donc et l’historicité de ses formes également. Quand il y a encore cinquante ans, seules la cathédrale et l’île Feydeau sembler motiver ce regard historique, aujourd’hui une collection bien plus grande d’objet viennent contribuer à identifier les limites de ce centre historique. A l’image de la Grue jaune ou du Lieu Unique, devenus à leurs tours des objets patrimoniaux, qui viennent participer à l’Histoire de la ville, telle qu’on la raconte aujourd’hui, repoussant par la même occasion les limites du centre, la métropolisation nous amenant à porter un regard toujours plus élargi

historique

Comme nous l’avons vu précédemment avant les centresvilles, il y a des villes. Ce qu’on qualifie aujourd’hui de centre-ville correspond le plus souvent à ce qui était la ville constituée originelle en les murs. Les destructions des murailles prirent plusieurs dizaines d’année et de nouveaux morceaux de ville vinrent se créer entre ce qui était bourg et faubourgs. On parle alors de centre-historique. Cette appellation recouvre selon moi deux aspects majeurs dans l’usage que l’on en fait aujourd’hui. En effet il m’a toujours semblé que l’adjectif « historique » lorsqu’on l’accolait à « centre », qualifiait davantage le patrimoine qu’on y trouvait que sa vocation centrale originelle. Ces deux sens se recoupent aisément et sont tout à fait complémentaires. Il s’agit en fait ici aussi de savoir dans quel référentiel on se place. Quel référentiel temporel et quel référentiel spatial ? Le centre-historique comme centralité historique a bougé au cours de l’histoire, on lit souvent à ce propos que le « centre de gravité de la ville s’est déplacé au fil des années ». A Nantes, le centre-historique et même originel de la ville c’est le quartier médiéval du Bouffay, entre

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sur la ville. Ainsi cette centralité historique, et ce centre qui nous raconte l’Histoire tend à toujours évoluer, se dilater et bouger, tant les perceptions que l’on a de l’espace et du temps s’élargissent. Ce retour sur l’adjectif « historique » me paraît important étant donné que nos vielles villes européennes associent presque systématiquement l’un et l’autre. L’aspect historique et patrimonial de nos ville participant ainsi largement aux visions que partagent les usagers, décideurs et planificateurs. Pourtant des villes avec une histoire plus récente, ou qui ont connu un développement plus planifié ou alors ayant été totalement détruite pendant la guerre, ou même dont le centre a « glissé » nous montrent qu’histoire et centralité, ne sont pas nécessairement indissociable. Focalison nous maintenant sur le cas Nantais.

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Un retour historique

l’actuelle cathédrale, la localisation du port est plus difficile à déterminer. Bien que ce dernier soit mentionné par une inscription trouvée en 1580 s’intitulant Vicus Portensis, les archéologues ne s’accordent pas sur une position définitive, la position du port de Rezé étant plus facile à affirmer. Après l’assaut germanique de 275 après JC , la cité se dote de sa première enceinte défensive, conçue selon les méthodes gallo-romaines. Cette enceinte encerclant environ 18 ha suit le tracé du quartier actuel, à l’est les cours St Pierre et St André, au sud la Loire et à l’ouest et au nord un tracé suivant le tracé de l’Erdre, beaucoup plus large à l’époque, allant de la rue de la Paix à la rue St Léonard.

Brève histoire urbaine de Nantes Avant même d’aborder la question de la fabrique urbaine dans ses versions plus contemporaines il est important de revenir brièvement sur l’histoire de la constitution de Nantes. En rappelant quelques points importants de cette histoire nous serons mieux armés pour analyser ensuite les phénomènes plus récents de fabrique du centre, car comme nous l’avons vu, ce qu’on appelle aujourd’hui le centre-ville recouvre en fait une grande partie de la Nantes historique et la dépasse même largement si on remonte à des époques plus lointaines.

Au IVème siècle la première cathédrale St-Pierre est construite à l’emplacement de l’actuelle, là où se trouvaient auparavant les temples païens. C’est l’évêque St-Felix, au VI ème siècle qui aura une grande influence sur la ville à cette époque. C’est lui qui aurait creusé le canal éponyme pour éviter l’envasement de l’activité portuaire, même si certains historiens affirment qu’il ne s’agirait uniquement d’un approfondissement d’un chenal existant.Les siècles suivants connaissent guerres et pillages divers. Les normands, les bretons, les francs se battent pour gagner et occuper la ville, étant donné

D’après les historiens c’est à l’époque gallo-romaine que la cité des Namnètes se développe réellement. Certaines sources attestent qu’un de ses premiers noms auraient été Condevicnum signifiant confluence. Cette cité se situe donc sur l’emprise actuelle du quartier du Bouffay, limitée au sud par la Loire et au Nord et à l’Ouest par l’Erdre. Si les recherches archéologiques ont attesté de la présence d’un quartier administratif entre la place du Bouffay et l’église Ste-Croix, et d’un quartier religieux aux alentours de

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sa position privilégié à la confluence. Lorsque le duché de Bretagne se fixe à Nantes au Xème siècle le château du Bouffay est construit au sud-est de la ville, à l’ouest de la place actuelle du Bouffay. Ce château sera le cœur de l’administration de Nantes et du duché jusqu’à la construction du château actuel au XIII ème siècle. A la même période on décide de créer de nouvelles murailles, les enceintes gallo-romaines ayant été endommagées par les invasions normandes du IX ème siècle. Cette nouvelle enceinte, reprend le même tracé que les romaines à l’est et au sud, leur nouvelle emprise vient étendre la ville, à l’ouest de l’Erdre, en en canalisant une partie et en la traversant pour venir entourer le faubourg St-Nicolas. Ces murailles seront rénovées au XV ème siècle. C’est d’ailleurs à cette époque que Nantes prend un véritable essor en tant que capitale de la Bretagne. Le château est agrandi, la cathédrale actuelle commence à être construite en 1434, l’université est créée en 1460 et la première imprimerie en 1493.

de la Fosse débute en 1517. Le XVII ème siècle connaît de nombreuses évolutions. En 1665 on commence à s’intéresser aux îles de Loire encore mouvantes aux gré des flots. Un inventaire des îles de Loire est dressé par un conseillé du roi. Ce premier inventaire, prédestine ces îles à devenir un futur lieu privilégié pour l’expansion de Nantes. C’est également à cette époque que le commerce colonial se développe, grâce à de nombreuses décisions législatives adoptées sous le règne de Louis XIV, le commerce avec les Antilles et l’Afrique noire prend son essor à Nantes. Parallèlement de nombreuses communautés continuent à affluer à Nantes pour y faire du commerce, les hollandais ont d’ailleurs laissé leur trace dans la toponymie. Ce développement économique du XVII ème n’a pas été immédiatement accompagné d’un développement urbain digne de ce nom. Si Nantes était moderne au XV ème siècle, c’est une ville peu fonctionnelle malgré la position dont elle jouit à l’époque. Le XVIII ème siècle est l’occasion de développer une réflexion urbaine sur l’ensemble de la cité.

En 1532 la Bretagne est unie à la France, ville marchande depuis toujours elle compte alors une d’importantes communautés étrangères, notamment italiennes et espagnoles. Pour poursuivre le développement de l’activité marchande, la construction du quai

« La ville de Nantes, depuis ses origines

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antiques s’est développée soit de façon spontanée, soit en fonctions des nécessités de la défense, sans jamais investir de façon massive dans son domaine primordial d’activité : le commerce. C’est une ville sans pôle administratif, intellectuel ou religieux (elle n’est pas une ville de pèlerinage, l’Université est transférée à Rennes vers 1720, ce n’est plus une résidence princière, ni un siège de cour souveraine), sans place centrale, dont les bâtiments monumentaux (la cathédrale et le château) ne sont pas bien intégrés au reste de la ville, enserrée dans des remparts qui rendent la circulation terrestre très malaisée. Les bastions sont particulièrement gênants : le bastion Saint-Pierre bloque l’accès direct à la route d’Angers et Paris ; le bastion Saint-Nicolas est un obstacle pour l’accès au port. Par ailleurs, la navigation entre le port Communeau sur l’Erdre, le port de Richebourg à l’est et le port de la Fosse est difficile même pour les gabarres. » Pierre Lelièvre, Nantes au XVIIIe, Urbanisme et architecture, Éditions Picard, 1988, 296 p. pages 35-38

Reconsitution du plan de Nantes au XV ème siècle. Double page suivante : Justin Ouvrié, Vue de la Loire à Nantes, Nantes, Musée Château des ducs de Bretagne

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Retour rapide sur les

exhaustif de fait historiques exactes, il plus a pour vocation de remettre dans leur contextes différentes dynamiques en action sur Nantes.

Lors de mon entretien avec Noël Lépine réalisé le 21 juillet 2015, il a pu me présenter d’une part sa vision du projet urbain contemporain, Coeur De Nantes 2015 mais il a également procédé à une longue remise des choses dans leurs contextes. A travers son exposé riche et concis il a remis en question mon idée selon laquelle « la fabrique du centre » et les projets urbains qui la compose était une idée récente. Bien que les choses n’aient pas toujours été nommées comme elles le sont aujourd’hui, une succession, de grand projets, de différentes échelles et portées par différents acteurs ont depuis le XVII ème siècle porté une « vision de la ville », qui nous amène aujourd’hui au projet urbain Coeur de Nantes. Celui n’étant qu’une étape parmi les autres. C’est justement en lui introduisant mon postulat premier, selon lequel « faire centre » était une approche récente, et que les projets urbains portant sur le centre-ville étaient des outils nouveaux qu’il m’a immédiatement contredit pour me rappeler chronologiquement ce qui a participé à construire cette « vision de la ville ». Noël Lépine a beaucoup insisté sur cette idée de vision. Cet entretien n’est pas un inventaire

"Les villes connaissent aujourd’hui des mutations qu’il est difficile de décrypter, du moins à l’aide de catégories élaborées pour des formes urbaines classiques. (…) La ville, objet de cette description est à considérer dans son état, ses bâtiments, son architecture, mais aussi dans son engendrement, dans sa fabrication. En effet, si la ville a pu être saisie en termes d’organisme de système et de processus par l’analyse géographique et l’analyse urbaine, elle est de longue date l’objet de projets pour les professionnels qui la façonnent, projets qui prennent la forme de préfiguration globales ou partielles et se définissent dans les représentations figuratives et textuelles ainsi que dans l’acte d’édifictation même. La représentation figurative est l’anticipation propre au projet. Ainsi, les images du projet s’inscrivent sur celles de la ville et donnent forme aux nouvelles représentations de celles ci. " 1

différentes « fabriques urbaines » succéssives

C’est en remontant au moyen-age que Noël Lépine commence sa rétrospective, avant de faire un bond au XVIII ème siècle. En parlant avant tout des systèmes de jurandes, qui définissent dans quelles conditions 1 POUSIN, Frédéric (sous la dir.). Figures de la ville et construction des savoirs. Paris, CNRS Editions, 2005. 212 p.

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les différentes formes d’artisanat sont applicables. Selon lui, définir ce qu’il est possible de faire en-lesmurs et hors-les-murs c’est déjà une première vision de la ville. En effet c’est corporations trouvaient certains espaces privilégiés qui échappaient aux règles, entraînant donc un développement irrégulier du territoire aux abords de la ville.

l’île Feydeau. Après plusieurs complication quant aux projets de destructions des murailles dans les années 1720, c’est finalement Ceineray qui réalisera les aménagement de l’allée Brancas et Flesselle dans les années 1760, proposant ainsi une vision de la ville équivalente à son développement économique dû au commerce triangulaire. Ceineray conçoit également à la même époque à la construction des immeubles le long des cours St-Pierre et St-André. Les travaux de Ceineray font suite à plusieurs projets portés par des acteurs différents au cours des années 1750 :

Le première décision d’envergure concernant la transformation urbaine de Nantes est la destruction de l’enceinte médiévale par Richelieu, faisant suite au siège de la Rochelle en 1628. Cependant le manque de crédit fera que cette décision ne sera appliquée que plus de 100 ans plus tard. C’est donc au XVIII ème siècle que Nantes connaît une vraie expansion et une première réflexion urbaine globale.

« Une série de projets d’ensemble de transformations urbaines (dont le plan est l’élément visuel) sont produits durant cette décennie. C’est d’abord le plan de l’ingénieur du roi Touros (1750), qui consiste en rectifications de rues, dont pas mal sont ensuite réalisées. Le projet Vigné de Vigny (1755) est plus conséquent, mais il se heurte à l’hostilité du Bureau de Ville, qui va susciter la réalisation d’un plan de situation très précis (avec planimétrie), réalisé par Cacault. Sur cette base, Ceineray, assistant de l’architecte-voyer Portail en 1757, puis architecte-voyer en 1760, propose le plan de 1761, aussi très conséquent, mais mieux étudié que le plan de Vigny. Le plan Ceineray est approuvé par le Conseil d’État en

Sous le mandat de Gérard Mellier, maire de Nantes de 1720 à 1729 de grandes décisions sont prises pour moderniser la ville, c’est sous son mandat qu’on verra apparaître les grande mesures d’alignements de façades, dans un dessein sécuritaire et esthétique. Mellier propose aussi le nivellement du cours St-Pierre et St-André, proposant ainsi des espaces publics d’un genre nouveau. C’est également à cette époque qu’on entreprend le lotissement de l’île de la Saulzaye qui deviendra plus tard

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1766. "2 L’autre grande étape au XVIII ème siècle c’est l’expansion de la ville à l’ouest sous l’impulsion de Graslin. Ce fermier général originaire de Tours a des idées très novatrices pour l’époque, il veut proposer une nouvelle structure urbaine à l’image de l’évolution de la société de l’époque et travaille pour cela avec l’architecte Crucy, qui a été par ailleurs un des premiers prix de Rome. Il s’agit là d’une des premières opérations d’urbanisme moderne, proposant une vison globale pour tout un quartier avec les usages de l’époque. On revient encore sur cette « vision de la cité » qui contribue à l’identité du centre-ville aujourd’hui.

du quartier Graslin, l’île Feydeau a entamée son urbanisation et malgré les complications techniques que connaissent les constructeur, une grande innovation programmatique est proposée, celle d’un urbanisme vertical. Dans ces maisons du XVIII ème on parvient à loger les entrepôts des armateurs et leurs espaces de bureaux, les appartements des familles, et même à loger le personnel des entrepôts en créant une rente foncière. Ces évolutions s’inscrivent dans le contexte économique de l’époque, et à travers la particularité des techniques on cherche à développer un savoir faire culturel spécifique. Le XVIII ème incarne donc c’est premières visions de la ville telle qu’on peut en avoir aujourd’hui. Le XIX ème siècle oriente davantage ses transformations sur des questions fonctionnelles. On retrouve des grandes percées « plus ou moins Haussmanniennes » à l’image de la rue de Strasbourg ou de la place de la Cathédrale par Henri Driollet, architecte-voyer entre 1837 et 1863. Cette époque voit également la colonisation progressive des îles de Loire par l’industrie en quête de nouveaux espaces plus grands, la révolution industrielle étant en cours. D’abord sur l’île Gloriette, les terrains de la Prairie Aux Ducs sont peu à peu lôtis. Par ailleurs, beaucoup des chantiers entamés au XVIII ème ne sont toujours pas achevés étant donné la grandeur des projets, notamment

Et donc ils vont développer tout le quartier Graslin, OK ? Donc c’est quand même un plan hyper moderne, donc c’est bien une image de la cité qui se dessine et je dirais que toutes les composantes d’un projet urbain, même si on appelle pas ça comme ça à l’époque elles sont dedans, « où est-ce qu’on met le théâtre ? » il devait être à Saint Nicolas mais le curé en voulait pas donc on le met place Graslin, on fait le cours Cambronne... C’est la cité qui se met en scène. Noël Lépine Nantes innove dans sa pratique architecturale et urbanistique, parallèlement au développement 2 Pierre Lelièvre, Nantes au XVIIIe, Urbanisme et architecture, Éditions Picard, 1988, 296 p.

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Gravures du XIX ème siècle de la place Graslin et du port, on aperçoit en arrieère plan l'ouest de l'île Feydeau

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sur le quartier Graslin. Le XX ème siècle est largement marqué par les comblements de la Loire, c’est même dans l’histoire de Nantes un des éléments les plus influents dans son développement urbain. Cela fait suite à des décisions prises au milieu du XIX ème visant à moderniser le port face à l’arrivée de St-Nazaire. L’importante densité de la ville et l’ensablement ayant entraîné des problèmes d’hygiène sur les bras de la Bourse et de l’Hospital, ceci constituant également des obstacles pour les accès au sud de la ville. Noël Lépine nous rapporte à ce propos une anecdote intéressante : Nantes voulait pas voir St-Nazaire arriver. Vous savez par exemple que la gare de Nantes elle est là ou elle est parce que Nantes ne voulait jamais voir arriver de liaison entre Paris et SaintNazaire Donc ça aussi ça participe à faire le centre-ville, surtout que la conséquence c’est que dix ans après il y a eu des passages à niveaux partout dans le centre-ville, bon c’est l’histoire. On assiste donc à un développement linéaire de la ville entre le XVIII ème et le début du XX ème. Si il connaît différentes étapes, celui-ci vise toujours le développement et la modernisation de la ville, ayant connue une croissance spontanée jusqu’alors. Les comblements s’inscrivent dans cette continuité historique, celle de dompter le fleuve

au service de la ville, pour développer le port et étendre la ville. Cette évolution linéaire connaît cependant une interruption de taille, la deuxième guerre mondiale. Cet événement aura des conséquences extrêmement importantes à tous les niveaux de la sociétés. La ville qui connaîtra de grande destructions, notamment en 1943 devra apprendre à se réinventer d’une nouvelle manière et suivant une nouvelle époque. L’émergence de nouveaux modes de vie, et de nouvelles pratiques feront que la vie urbaine changera profondément. Délaissant parfois la ville hérité, entraînant un déclin du centre-ville dans ses formes historiques.

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Comblements des bras de la Bourse et de l'Hospital, donnant naissance Ă la futur esplanade la petite Hollande.

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Délaissement et redéfinition

mobilité et urbain soient intimement lié, Marc Wiel nous le rappelle. " La notion d'espace urbain est « consubstentielle » à celle de mobilité. La ville est par elle-même une façon de maximiser les échanges pour le moindre investissement de mobilité. " 1

La reconstruction après guerre était bien sûr une nécessité, tant les dégats causés par les bombardements étaient conséquents, mais cette période a également été saisie comme une opportunité de modernisation. La ville existante souvent considérée comme obsolète et vétuste ne répondait pas aux nouveaux enjeux de l'époque tels qu'ils étaient imaginés par la pensée dominante. Par ailleurs, l'Etat étant encore à l'époque très centralisé, il s'agissait pour les décideurs de moderniser l'ensemble du pays et de l'adapter à son époque.

Ainsi, le développement des moyens de mobilités, permettant d'aller toujours plus loin, toujours plus vite, contribua automatiquement à l'éclatement de la ville et à la dilatation de son emprise. L'automobile a mis à disposition une quantité d'espaces périphériques à la ville existante, destinés à être urbanisés.Ce glissement peu à peu d'une ville pédestre à uen ville motorisé est aussi caractérisé par l'incidence de l'automobile sur les formes de commerce. Ce dernier est l'élément central de l'histoire des villes, il constitue la structure du mode de vie urbain, l'échange. L'arrivée de la grande distribution est donc déterminente puisqu'elle vient s'approprier les différents types de marchés et de clientelle que le centre concentrait dans une certaine diversité. " Le centre-ville ne peut plus prétendre avoir le monopole dans aucune branche de l'activité commerciale. A défaut de

La question « centrale » de la voiture

L'évolution des modes de mobilité a toujours été l'un des paramètres les plus influent dans la structuration des territoires et des espaces de l'homme. Si le chemin de fer a contribué à la révolution industrielle, que les premiers tramway et omnibus ont contribué à la vision d'une ville plus élargie, c'est définitivement la démocratisation de l'automobile qui a eu l'influence la plus radicale dans la transformation urbaine et ce à différentes échelles. Bien que

1 WIEL, Marc, La transition urbaine, ou le passage de la ville pédestre à la ville motorisée, Liège, Pierre Mardaga Editions, 1999, 149 p. (Architecture + Recherches)

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s'organiser, il n’est pas non plus tout à fait à l'abri d'une relégation à un rôle subalterne sauf dans les plus grandes villes où la masse de population vivant par la partie agglomérée est suffisamment important. " 2

nombres d'espaces nécessaires à cette modernisation « Alors après on comble la Loire donc on prend des options fortes, en terme de fers et autre et on est dans la perspective d'un centre qui se prépare à accueillir un certain nombre de fonctions qui sont nécessaires à la vie moderne, notamment sur l'eau les réseaux, les égouts et tout ça, parce que la Loire c'était déjà largement un égout. Et donc on met en place quelque part un système très complet plus complet pour arriver à traiter ça. On traite la place du ferroviaire et on prépare la place de la voiture. »

Cet éclatement contribue en premier lieu à cet abandon du centre constitué et historique en créant une multiplicité d'alternatives pour habiter, pour consommer ou se divertir. La rhétorique métropolitaine apparaît à peu près à cette époque, dans les années 60, on considère alors ce qui était la ville auparavant, le cœur historique, comme étant un pôle parmi d'autre. La deuxième conséquence de la transition motorisée, peu paraître paradoxale, mais le territoire s'étalant et les fonctions se répartissant à différents endroits du territoire, la nécessité de centralité se fait sentir d'avantage.

C'est bien sûr, la reconstruction à l'après guerre qui permis une première concrétisation de cette modernisation. Sur la question viaire notamment, on propose assez tôt des visions de la ville autour de la question des voiries, jouant sur un aspect symbolique assez fort, tout en gardant dans un premier temps, l'idée d'une ville assez compacte. Au sein de la ville existante, agglomérée, on va reconstruire et recomposer les parties détruites, et remplacer et renouveler des parties considérées comme insalubres.

La question automobile s'est manifestée de plusieurs manières. A Nantes le comblement s'étant achevé avant la guerre anticipait déjà une congestion potentielle, et dégage ainsi de grands axes et espaces au centre de la cité. Ce que Noël Lépine indique c'est que les comblements de la Loire on été pour Nantes une anticipation de cette modernisation. Et les territoires gagnés sur l'eau permettent de dégager un grand

Donc on fait des grandes percées, on vient taper la où les bombardements ont tapés mais pas seulement. Il y a aussi tout ce qui était les périmètres de rénovation des habitats insalubres,

2 ibid.

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comme le secteur du Marchix, la rue du Calvaire, donc là dedans on y va joyeusement, il y a ce qui a été bombardé, pas bombardé. Et donc là on commence à adopter à la fois des principes de composition sur une classification des voiries, par exemple entre la CRAM et la Poste on a une dimension très large qu'on trouve pas en bas parce que l'idée c'était de construire des boulevards et le point de concours de tout ça c'était le bas de la Rue du Calvaire, c'était le grand carrefour de toutes les routes de France qui arrivait là. Et donc cette configurations sur des géométries qui sont différentes là où il y a encore de la ville, quand on voit les écartement sur rue du Calvaire tout ça, ça correspond à des combinaisons de visions de la ville, concrétisées dans les règlements parce que c'est un règlement d'urbanisme qui s'appelait le plan d'urbanisme de 48 qui a la sortie donne ces règles. Noël Lépine

centre de la ville. La création de trois grands axes de circulation constitue le schéma général des circulations et des courants locaux, il s’agit de la rue du Calvaire, du quartier du Marchix et du quai de la Fosse. Trois axes orientés Est-Ouest et reliés entre eux par des voies dites de traverse. La destruction quasi totale de la rue du Calvaire permettait son élargissement sans souci d’expropriation et donc de coût trop élevé. Ces premières réformes s'inscrivent dans un contexte qui évoluera au fil du temps. Les exemples que nous proposent les dix ans qui suivirent la fin de la guerre nous rappelle qu'il s'agit bel et bien de reconstruction avant tout, de donc retrouver donc ce qu'on avait avant. Bien que l'importance des transformation n'est pas contestable, le plan de RouxSpitz semble malgré tout conserver l'idée qu'il s'agit de moderniser la ville existante. Et la démocratisation de l'automobile ne suggère pas encore une transformation profonde du schéma fonctionnel de la ville. Ainsi la Rue du Calvaire (1956), ou un peu plus loin la place Mangin (1951), malgré leurs architectures monumentales, nous rappellent la place importante du petit commerce en ville, avant le développement des centres commerciaux et de la grande distribution plus en périphérie.

Ce rappel historique nous montre qu'avant l'éclatement et l'étalement que permettra la voiture, on avait déjà l'ambition de l'intégrer de manière forte dans la ville existante, de la faire venir au cœur de la cité, et que l'accessibilité automobile était une des conditions au développement. Ainsi, le schéma directeur de la ville de Nantes proposait l’élargissement des rues du centre afin de faire aboutir toutes les grandes artères au

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La rue du Calvaire, fraĂŽchement reconstruite et la Poste place de Bretagne.

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Plan de reonstruction et d'aménagement de 1945, préliminaire à celui 1948

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La franchement où il y a une vision beaucoup plus forte qui arrive c'est à la reconstruction. Donc à la reconstruction vous avez un jeu entre les services de l’État et un architecte en chef qui s'appelle Roux-Spitz qui a une équipe avec lui qui pense un plan d'aménagement, et puis en face une équipe municipale qui prend de plus en plus de place et qui elle a une vision différente de la ville. Donc les deux visions je dirais elles se télescopent Alors sachez que pendant la guerre il y a un dénommé Marcel Delaunay qui était dans les services d'urbanisme et qui est devenu plus tard directeur de l'urbanisme qui a été un des premiers à passer une thèse d'urbanisme à l'IUP. Donc lui il a produit un document qui donnait une vision très moderne de la ville, du centre-ville et des grandes fonctions. Et ça aujourd'hui si ça sortait on appellerait ça un projet urbain. D'un point de vue un peu général il a donc développé tout un tas de fonctionnalités qui étaient nécessaires, comment acheminer l'eau d'un point de vue régional, comment on traite la production d'électricité, il y a déjà une idée sur la manière de pénétrer, pas pénétrer ou de contourner le centre-ville, sur la place du ferroviaire enfin si vous voulez il y a un projet complet qui est développé. Sur cette base là on se retrouve avec la constitution d'une vision entre Roux-Spitz et puis eux, qui devient un espèce de mélange et on arrive à ce qu'on appelle le plan de 1948. Donc le plan de 48 ça concentre une force du travail qui a été fait par Roux-Spitz, alors Roux-Spitz il était quelque part un architecte théoricien, il a été désigné sous Pétain pour travailler sur la reconstruction, il a donc une vision sur l'adaptation de la cité aux fonctions modernes et autres. Donc on fait des grandes percées, on vient taper la où les bombardements ont tapés mais pas seulement. Il y a aussi tout ce qui était les périmètres de rénovation des habitats insalubres, comme le secteur du Marchix, la rue du Calvaire, donc là dedans on y va joyeusement, il y a ce qui a été bombardé pas bombardé. Extrait de l'entretient réalisé avec Noël Lépine le 21 juillet 2015

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Changement d'échelle

Noël Lépine fait un bref rappel de cette transition.

Les premières expériences liées à ces projets de reconstruction ouvrirent peu à peu la porte à un urbanisme porté de façon plus institutionnelle et au caractéristiques plus techniques. Les échelles métropolitaine et régionale apparaissent dans les documents techniques des planificateurs et le territoire est davantage considéré dans la globalité.

Donc quand on a un projet d'envergure comme celui de 48 arrivé en 60 on est encore dans le projet, et là il y a un maire qui s'appelle Morice, avec une vision un peu nouvelle des choses et lui commence à casser, enfin à s'éloigner un peu du centre plutôt. Donc déjà il y a les outils réglementaires qui se mettent en place avec la super ZUP de Beaulieu à Malakoff et on fait le Nantes de l'an 2000, il y a un de mes prédécesseurs qui disait ça très bien, « c'est les quartiers où les ingénieurs des ponts avaient autorisé à ce qu'on construise sur les bords des autoroutes. » Nantes de l'an 2000 ça a vécu jusqu'en .. 1980 ça a commencé à péricliter là, et ça été remanié quand Chenard est arrivé.

" La première période que nous considérons (1965 – 1973) nous plonge au cœur de l'urbanisme moderne et de ses ardeurs aménagistes. C'est l'apogée des centres directionnels et des centres secondaire, des métropoles d'équilibre, du renforcement de l'armature urbaine. "1

Le centre-ville vit ici à la fois ses premières heures de gloires tant il est mis en avant et projeté dans les divers publications et documents d'urbanisme. Mais il vit également une profonde période de crise. Les grands projets de modernisation dont il fait l'objet vont le mettre au cœur d'une réflexion métropolitaine et régionale mais ont aussi largement contribué à entraîner un certain déclin. Ce double aspect entre essor et déclin est perception contemporaine, considérant l'idée actuelle qu'on a d'un centre-ville comme nous l'avons abordé au premier chapitre. Le ton

La question de la « centralité » évoquée au premier chapitre d'un point de vue sémantique, devient centrale à cette période. Elle vient accompagner la vision hiérarchisée de l'espace qui règne à l'époque et marque la transition entre la période de reconstruction à la sortie de la guerre et une vision plus aménagiste visant à moderniser la France dans son ensemble. 1 : DEVISME, Laurent (sous la dir.), Centralité émergente : la fonction miroir de l'île de Nantes, Versailles, Ville Recherche Diffusion, 2000, 134 p.

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de l'époque sur un éventuel déclin du centre n'était pas du tout envisagé de la même façon.

– conception linéaire d'un temps dont l'innovation technique et la production de la marchandise sont les principaux vecteurs – tendance au renvoi sur les marges d'un certain nombre de questions que la société ne peut intégrer, concevoir : société locales, minorités mentalités collectives, environnement, singularité. " 3 La tertiarisation du centre-ville apparaît donc comme l'enjeu majeur de cette période. Afin de contribuer à l'équilibre du territoire, et d'offrir un rayonnement à la métropole qui veut freiner l'exode vers Paris des population. La tertiarisation envisagée à l'époque ne relève pas tant du déclin de l'industrie que de son départ peu à peu vers StNazaire. En relisant, le Schéma Directeur d'Aménagement de l'Aire Métropolitaine, on identifie peu à peu ces ambitions comme celles de doter le centre de Nantes de « grandes fonctions » et ainsi de renforcer son poids et son attractivité régionale. Les orientations prisent à l'époque auront des conséquences importantes sur la transformation du centre existant tant il est exposé dans cette nouvelle vision du territoire. " L'armature urbaine comme espace d'action, l'aménagement comme rééquilibrage et dynamisation de la croissance au niveau régional vont de paire avec une conception dirigiste de l'urbanisme qui doit notamment

" A propos du centre urbain, la proposition de Livre Blanc évoque l'effet de coupure du boulevard des cinquante otages et prévoit le déclin de la partie Est Bouffay au détriment du secteur Ouest. L'obsession concernant le centre est la facilitation de la circulation pour qu'il fonctionne. " 2 Le « centre-urbain » devient donc à cette époque à un enjeu avant d'être une réalité, il correspond à une vision du territoire qui évolue. D'une part la transition de ville pédestre à ville motorisée est désormais bien entamée et l'évolution des modes de vie qui en découle s'affirme de plus en plus. D'autre part on assiste à une certaine conception de l'urbanisme qui reflète l'époque des Trente Glorieuses et la modernisation que la France connaît. " M. Marié, voyant les années 1960 comme celle de l'aménagement du territoire dans version la plus achevée et formalisée : « forte dimension utopique, polarisation de l'action vers le futur (prospective), mobilisation sur le moyen et le long terme économique – conception centralisée, hiérarchisée, rationaliser de l'espace – recherche d'une maîtrise, d'une métrique et d'une fonctionnalisation du territoire 2

ibid.

3

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ibid.


permettre le rayonnement de certains pôles. Il faut analyser comment cette montée en puissance de l'idée de centralité créée ex nihilo correspond à la recherche d'une nouvelle échelle urbaine , en l'occurrence celle de la métropole Nantes, St Nazaire. " 4 Cependant comme Noël Lépine nous le rappelle les « temps forts » de cette tertiarisation du centre sont surtout illustrés par Neptune (1975) et la tour de Bretagne (1976) dont l'ambition première était de marquer la ville et sa prosperité, en sortant du schéma déjà un peu passé d'après guerre tel que le suggéraient la CRAM et la Poste. Il est important de bien revenir sur cette période de l'urbanisme moderne, sa radicalité est déterminante dans les remises en questions qui suivirent des décénies plus tard et dans un certain retour à des visions plus anciennes.

Le Neptune, édifié en 1975 à la pointe est de l'île Feydeau

4. ibid.

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De plus, la connaissance que l'on a des mécanismes de déplacement des fonctions urbaines est élémentaire. L'on a observé de façon un peu confuse que le centre de Paris s'était déplacé de l'Ile de la Cité au Palais Royal puis vers les Grands Boulveards, enfin vers les Champs-Elysées. Mais on ignore les lois de ce mouvement ; on connaît mal surtout le processus de désertion des centres traditionnels et la texture des centres de demain. Choisir un parti d'aménagement urbain comporte des inconnues, . C'est un risque mais ne pas choisir en est un également. La vocation de la ville est de réunir. Aussi certains quartiers doivent retrouver une échelle plus humaine. Tandis que l'autoroute urbainedeviendra un moyen commode et efficace de circuler. Dans notre pays, intégrer la valeur sentimentale des vielles pierres au schéma d'urbanisme se traduit trop souvent par l'instauration de tabous. On peut cependant agir, sans trahir le passé si on pense que réaménager une ville, c'est rassembler ses morceaux épars et qu'orienter sa croissance c'est projeter dans l'espace régional de nouveaux noyaix dotés des avantages de centres. La grande ville moderne doit s'ouvrir sur sa région en un ensemble polynucléaire bien lié. Olivier Guichard, Aménager la France, Inventaire de l'avenir. Paris, Robert Laffont, 1965, 246 p.

Carte éditée par l'OREAM, publiée dans Nantes Réalité en 1968 - 39 -


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Un déclin partiel

le passé si on pense que réaménager une ville, c'est rassembler ses morceaux épars et qu'orienter sa croissance c'est projeter dans l'espace régional de nouveaux noyaux dotés des avantages de centres. La grande ville moderne doit s'ouvrir sur sa région en un ensemble polynucléaire bien lié." 1 La question des pénétrantes déjà évoquée plus haut symbolise cette vision du territoire. « Le point d'arrivée de toute les routes de France » est clairement envisagé au bas de la rue du Calvaire. Envisager un tel point de concours au sein d'un centre historique nous montre bien la vision de l'époque que les planificateurs envisageaient pour le centre de Nantes. Un autre élément rhétorique est récurrent dans les termes utilisés, c'est le centre décisionnel. Dur à décrypter avec nos usages contemporains, on ne sait pas vraiment si il s'agit, d'une concentration d'activités décisionnelles, ou d'un centre urbain au sein duquel on prend des décisions, ou encore le centre de la « métropole d'équilibre Nantes/StNazaire ». La tendance de l'époque est au déplacement de l'industrie lourde à St Nazaire, le déclin industriel de la France n'étant pas encore vraiment entamé, se séparer de ses usines ne représente pas de menace

L'idée première que j'ai pu émettre sur un éventuel déclin du centre-ville semble partiellement juste, au cours de mes recherches j'ai vu qu'il n'y avait pas clairement eu d'abandon, ni « d'exode central » à proprement parlé. Cependant on ne peut pas nier qu'un regain d’intérêt pour le centre est apparu à partir des années 70 80, chez les décideurs et chez les usagers, et que la vision et les adjectifs qu'on a pu associer au mot « centre » au cours des cinq dernières décennies on connu un grand nombre de variations. On peut en fait admettre que certains aspects du centre ont déclinés et d'autres non. Comme nous l'avons vu précédemment notre centre-ville contemporain recouvre différentes notions qui n'ont pas été toujours associées au cours de l'histoire récente. L'étalement urbain qu'a entraîné le développement automobile a rendu la ville polymorphe et multipolaire. Ce sont développé autour de son noyau aggloméré historique des quartiers d'habitats social, des zones d'activités industrielles, des lotissements pavillonnaire, des zones tertiaires. Cet éclatement spatial et fonctionnel contraint les planificateurs à se poser la question de la question d'une centralité pour la métropole. " On peut cependant agir, sans trahir

1. Olivier Guichard, Aménager la France, Inventaire de l'avenir. Paris, Robert Laffont, 1965, 246 p.

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économique, et permet de développer ce centre tertiaire. Une fois de plus l'usage de « centre » varie en fonction des échelles. Cet urbanisme territorial et fonctionnel caractéristique des années 60 va l'utiliser pour définir des pôles, par exemple « St-Nazaire : centre industriel et Nantes : Centre décisionnel », on ne parle pas alors de centralité urbaine. En revanche, quand le terme centre décisionnel, est utilisé à l'échelle de la cité alors il s'agit en effet d'une centralité urbaine, et de la tertiarisation du centre existant.

de ces transformations, même si on y apportait de grandes modifications. On assiste en lisant les écrit, à une sorte d'indécisions de manque de clarté quant au sort du centre, tantôt évoqué comme une contrainte, tantôt comme un atout. Les différents livres blancs, semblent parfois vouloir le développer, parfois l'aggrandir, et parfois construire un nouveau centre ex-nihilo. C'était donc une espèce de vision, qui gardait l'image d'un centre sur une enceinte médiévale, XVIIIème et qui changeait tout ailleurs. Alors on a parlé du Nantes de l'an 2000 , qui s'est en partie fait sur Beaulieu. Donc là l'idée c'était deux centres directionnels et notamment un à Madeleine Champs de Mars, donc il fallait la réunion des grands axes, donc il y en a un qui a été fait (deuxième ligne de pont NDLR) et le deuxième qui venait de l'est (...), et qui permettait ensuite de desservir ce qui était appelé un centre directionnel, donc des tours, des machins, des bidules, face au château. Et il y en avait un autre qui arrivait à la rencontre des pénétrantes Nord et Est au niveau des bords de l'Erdre. Parce les bords de l'Erdre depuis Carquefou jusqu'au centre-ville c'était l'autoroute et puis elle rejoignait la pénétrantes ouest qui arrivait un peu par là aussi, et donc on avait là aussi un centre directionnel. Donc tout le quartier qui est entre

" Le centre est toujours facilement délimité et c'est avant tout un centre commercial dont la mutation en centre d'affaires n'est possible qu'au sud, sur le quartier Champs de Mars – la Madeleine avec le départ du commerce de gros, offrant « un potentiel de quelques 25 hectares, d'un seul tenant » Ce qui se présente comme la possibilité d'une reconversion générale devient vite l'opportunité d'un centre directionnel. Les surfaces récupérées dans le centre ne suffisent pas et l'extension s'impose."2 D'après Noël Lépine un autre centre décisionnel était envisagé au abord de l'Erdre, le tout en rappelant que l'idée du centre existant « sur l'enceinte médiévale » était la base 2 : DEVISME, Laurent (sous la dir.), Centralité émergente : la fonction miroir de l'île de Nantes, Versailles, Ville Recherche Diffusion, 2000, 134 p

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Talensac et la Prefecture ça devenait un grand carrefour avec pareil des tours. Noël Lépine

acceptation, même si les projets de rénovations réels arrivèrent bien plus tard.

Ainsi malgré l'éclatement de la ville, toutes les grandes transformations sur le centre-ville, en commençant, par les comblements, puis la reconstruction, et un peu plus tard cet « équilibrage de l'armature urbaine », comme il était proposé dans les années 1960, on voit qu'on a jamais réellement tourné le dos à la ville existante.

Il est important de bien revenir sur cette période de l'urbanisme moderne, sa radicalité est déterminante dans les remises en questions qui suivirent des décénies plus tard et dans un certain retour à des visions de la cité plus anciennes. Pour cloturer la question du déclin partiel du centre, je citerai ce paragraphe du livre blanc qui illustre à la fois les ambitions et les audaces de l'époque, trente ans après la fin des comblements.

La question de l'île Feydeau semble symptomatique, car elle semble apparaître comme l'archétype de la ville existante, et du centre historique. Aujourd'hui brandie comme un des fleurons de Nantes, on a assisté au cours des 60 dernières années à des allers-retours entre acceptation et refus. Le plan de Roux-Spitz de 1948 projetait la destruction de sa partie Est, Nantes Réalité titrait même en 1964, Faut il raser l'île Feydeau ? Alors qu'en 1968 le SDAAM indiquait dans sa grande vision d'un centre urbain décisionnel évoquée plus haut " La restructuration du centre comprendra de nombreux quartiers à rénover, la sauvegarde de l'ile Feydeau et de son environnement et la définition d'un système de voirie assurant sa desserte. " Le projet de Neptune venant poursuivre la forme urbaine, symbolise également cette

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" En effet, la rénovation du quartier de la Madeleine, libéré depuis la mise en service du Marché d'Intérêt national, devrait permettre à la Ville de Nantes de réaliser un véritable centre directionnel regroupant un très grand nombre de services, et en particulier les services rares justifiés par le rôle de la métropole d'équilibre et appelés à rayonner sur une vaste région. Ce centre nouveau peut, et doit se développer rapidement, mais il ne pourra fonctionner convenablement que s'il est bien desservi. En dehors des études relatives au transport en commun en site propre, qui ne pourra concerner qu'un faible pourcentage d'usagers en raison de la grande dispersion de l'habitat, le problème essentiel reste donc la solution qui consistait à remblayer, sur une partie de sa longueur, le bras de la Madeleine n'a pas été retenue par la commission comme une des options du schéma directeur, en raison de l'influence des aménagements sur le régime du fleuve. L'abandon de cette solution constitue une raison supplémentaire pour s'interdire d'envisager le débordement du centre actuel sur la rive gauche de la Loire, ce qui entraînera, naturellement, la création d'un centre secondaire sur cette rive. " Livre Blanc édité par l'OREAM, puis publié dans Nantes Réalité en 1968

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""

II. Vers une reconquête ? "La représentation patrimoniale des villes, semblant nous habituer au contraire à une distinction fondamentale des siècles, des époques – distinction légitimée visuellement par des signes déterminés –, masque le jeu de superposition et de contagion de ces même signes qui provoque un entrecroisement subtil et peu perceptible, des temporalités urbaines." Henri-Pierre Jeudy

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Le temps de la sauvegarde

au sein d'une vision centralisée et hierarchisée du territoire comme nous l'avons abordé précédemment.

Génèse du PSMV

Un cadre réglementaire comme première tentative, pour sauver les centres historiques du rouleau compresseur de la modernité.

Ce qu'on appelle communément les lois Malraux, succèdent à plusieurs lois relatives à la question patrimoniale étant apparues depuis le XIXème siècle. D'abord en créant la Commission Supérieure des Monuments Historiques en 1837, l'Etat considère pour la première fois la valeur que peuvent avoir des édifices anciens. Cependant il s'agit à l'époque de considérer un objet comme faisant patrimoine plutôt qu'un ensemble, la première moitié du XXème consistera ensuite à définir peu à peu une vision d'ensemble sur le patrimoine et se détacher finalement de l'édifice seul. Il est important de bien comprendre cette progression car c'est en partie elle qui a mené à la vision contemporaine de nos centreshistoriques. En 1913 et en 1930 des réformes législatives amènent peu à peu à protéger les abords de certains monuments historiques pour éviter l'altération de l'édifice protégé, mais c'est en 1943 que un changement d'envergure arrive. La question de la perception que l'on a d'un monument semblant désormais primer sur le monument lui même.

Les lois Malraux arrivent à peu près conjointement avec l'émergence de cet urbanisme décisionnel flambloyant des années 1960. Elles semblent se poser comme une sorte de médiation entre la période de rénovation urbaine et de modernisation que connaît alors la France tout en visant à freiner les dérives potentielles et l'impact de ces dernières sur les formes historiques des villes. L'arrivée de ce cadre législatif dès 1962 marque un premier tournant dans les ambitions politiques portée sur les villes, et souligne les dissonances dans les visions de la ville à l'époque. Malgré la similitude apparente entre rénovation et restauration, nous verrons que ces deux termes révèlent en fait deux écoles de pensée bien différentes, l'une regardant un peu trop en avant et l'autre parfois un peu trop en arrière. Enfin il est important de rappeler qu'il s'agit encore de politiques Etatiques et non locales, ce qui suggère donc une perception de la ville encore bien particulière,

La loi du 25 février 1943, modifiant

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la loi du 31 décembre 1913, précise ces dispositions en introduisant un champ de visibilité de 500 m. La loi de 1943 considère en effet qu'un monument c’est aussi l’impression que procurent ses abords. C'est pourquoi la loi impose une forme de vigilance à l’égard des projets de travaux dans le champ de visibilité des monuments historiques.1

conscience soudaine d'une partie des décideurs et de la population de la brutalité des rénovations et des reconstructions d'après guerre, et pose les bases des centre-historiques dans l'imaginaire collectif. L'emmergence du confort moderne met par ailleurs en évidence l'insalubrité et la vétusté du bati ancien. Cette décrépitude souvent associées au contrôle des loyers en cours depuis la première guerre mondiale, puis modifiée en 1948 avec la fameuse loi, encadrant le prix des loyers sur le parc existant, n'incitant donc pas les propriétaires à faire des rénovation de leur patrimoine étant donné les faibles rentes perçues. Cette loi aura également comme but de ne plus bloquer les loyers sur les logements neufs, on peut donc supposer qu'elle a également contribué a l'amplification de la construction neuve, la demande étant déjà avant la guerre très importante. Cette loi n'ayant pas entraîné une freinage aux constructions nouvelles mais a prolongé la dégradation de l'habitat ancien. Certaines images d'archives des années 60 montrent une image de Nantes bien loin de ce qu'elle est (re)devenue aujourd'hui. On assiste alors à une remise en question de la rénovation urbaine, jugée trop radicale et trop violente.

Les lois Malraux s'inscrivent d'une part au sein de cette évolution de la notion patrimoniale, qui s'est d'ailleurs encore élargie de nos jours. Mais elles sont également le produit de leur époque, elles viennent se poser en réaction à l'urbanisme d'après guerre. Isabelle Backouche nous rappelle à cet égard l'urgence dans laquelle ces réformes ont été adoptées. " La préparation du texte est marquée par deux échelles temporelles : l'urgence à prendre en compte le dossier s'accompagne de la conscience que tout le processus sera long. La tension est réelle, dès la discussion du texte, entre ces deux impératifs : aller vite mais en sachant que l'ambition du texte imposera une procédure longue et minutieuse. Le débat législatif est rythmé par l'urgence. " 2 Cette urgence souligne la prise de 1. Monuments Historique Wikipedia,l'encyclopédie libre en ligne, [En ligne], 2012, Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Monument_historique_(France)

" La rénovation urbaine n'a pas seulement pour objet de reloger

2. BACKOUCHE, Isabelle, in, Les Secteurs Sauvegardés, Cinquante ans d'une politique au service des centres anciens et de ses habitants, Hors Série de la revue Présence d'André Malraux, 2012, Paris, 311 p.

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dans les immeubles sains les familles qui dépérissent physiquement et moralement dans les taudis. Elle ambitionne aussi de restituer aux centres des villes lorsqu'ils ont été dégradés par le manque d'entretien et par des constructions désordonnées, une structure et une architecture dignes de notre temps (…) La reconquête de ces quartiers centraux n'est pas une œuvre de destruction mais d'assainissement et de sauvegarde. Il convient de faire disparaître les adjonctions disgracieuses, les bâtiments qui ne sont plus que ruines. Mais soucieuse de conserver, de sauver et de mettre en valeur les immeubles et les groupes d'immeubles qui sont de bons témoins du passé, la reconquête doit faire revivre le centre de la ville en ménageant, selon un plan d'ensemble, les espaces libres et les jardins, les lieux d'activité, de résidence et de loisirs. " 3

un chef d'oeuvre mort ; que si le palais de Versailles, la cathédrale de Chartres appartiennent aux plus nobles songes des hommes, ce palais et cette cathédrale entourés de gratte-ciel n'appartiendraient qu'à l'archéologie. "4 Les secteurs sauvegardés incarnent cette première étape qui nous a conduit à nos Coeurs de Ville de 2015. En venant délimiter un secteur de « caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation la restauration, de tout ou partie d'un ensemble d'immeuble » on définit des lieux, un ensemble, un espace digne d'intérêt pour de la population. Et c'est à travers la notion de restauration, qu'on vient opposer à la rénovation ayant lieu jusqu'alors, que l'idée de mettre en valeur apparaît, et c'est cet enjeu qui sera une base ensuite pour le développement des premières rues piétonnes.

" Au siècle dernier, le patrimoine historique de chaque nation était constitué par un ensemble de monuments. Le monument, l'édifice était protégé comme une statue ou un tableau, (…) en tant que chef d'oeuvre. Mais la nations ne sont pas seulement sensibles aux chefs-d'oeuvre. Elles le sont devenues à la présence de leur passé (…) . Elles ont découvert que l'ame de ce passé n'est pas faite que de chefs d'oeuvre, qu'en architecture un chef d'oeuvre isolé risque d'être

4. Extrait du discours d'André Malraux à l'assemblée nationale en 1962

3 ibid.

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Le cas Nantais

législation et nous éclairent sur sa nécessaire révision aujourd'hui. Dans les négociations ayant déterminées les limites du secteurs, deux propositions étaient envisagées.

Le secteur sauvegardé est intéressant pour deux raisons. Il nous rappelle en premier lieu, à travers la complexité de sa définition, que la perception de ce qui fait patrimoine est loin de faire consensus et évolue au fil du temps. Par ailleurs, en regardant quelques uns des projets réalisés ou avortés sous le PSMV nantais on comprend mieux à quel point la volonté de sauvegarde a réduit les potentialité en terme de développement du centre-ville. Noël Lépine donne dans l'entretien plusieurs exemples de ces contradictions auxquelles il a pu assister entre développement du centre-ville d'un côté et protection du centre-historique de l'autre. Là aussi tout n'a pas été linéaire, et les divergences parmi les différents acteurs amenèrent un certain nombre de critiques.

" Deux projets de périmètre avaient été proposés pour le secteur sauvegardé de Nantes, créé en 1972: un premier périmètre n’intégrant qu’une petite partie de la ville médiévale et l’île Feydeau, joyau du XVIII ème siècle. Ou alors un périmètre plus vaste, recouvrant 126 hectares et intégrant le développement de la ville au XIX ème et les opérations de reconstruction de l’après-guerre. C’est ce dernier périmètre qui a été retenu car il intégrait toutes les fonctions centrales de la ville. " 1 Cette première difficulté à définir avant tout ce qui faisait patrimoine et était digne d'intérêt montre d'une part le caractère très centralisé et étatique de ce type de législation. L'Etat lui même étant en charge de définir ce qui était digne d'intérêt au sein même d'une commune, le conseil municipal étant sensé délibérer après les services de l'Etat. On note cependant, qu'un secteur sauvegardé « intégrant les fonctions centrales » est finalement retenu, suggérant ainsi à travers ce secteur

Même si la loi sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière a été votée en aout 1962, il faudra pas moins de dix années pour définir les contours du secteur sauvegardé Nantais. Approuvé donc en 1972, le Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur applicable en son sein sera approuvé pour la première fois en 1983. Ces vingt années de gestation indiquent a elles seule la complexité d'une telle

1. DAUSSEUR DOLLEANS, Chantal, Les secteurs sauvegardés, ministère de la Culture, direction de l'architecture et du patrimoine, [PDF] 2010, 70 p., Disponible ici : http://www.archi.fr/ DAPA/pdf/SecSauv.pdf

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sauvegardé, l'esquisse d'un centreville tel qu'on l'entend aujourd'hui.

Jean-Pierre Leconte,il semble que des négocations aient eu lieu entre le Maire A. Morice et les services de l'Etat lors de la mise en place du secteur sauvegardé. Tout d'abord, le permis de construire de la Tour de Bretagne sera volontairement accordé juste avant la mise en lace du périmètre du secteur sauvegardé en 1972. De plus, le Maire accepte la création du secteur sauvegardé sous condition de l'exclusion du périmètre des zones à fort potentiel immobilier, que sont les quartiers Ghist'Hau, Val Chézine, Mellinet, Palais de Justice qui se verront modernisés et densifiés. Il accepte cependant la « mise sous cloche » de la ville du moyen age et du XVIIIème siècle. On parle alors d'un secteur sauvegardé négocié pour des secteurs sacrifiés. " 2

La création et la délimitation du secteur sauvegardé sont prononcées par arrêté ministériel, après consultation de la commission nationale des secteurs sauvegardés et délibération du conseil municipal de la commune concernée. L’arrêté portant création et délimitation du secteur sauvegardé vaut prescription de l’élaboration du plan de sauvegarde et de mise en valeur sur son territoire. D'autre part, comme Noël Lépine le rappelle, l'intérêt était au départ largement porté sur l'architecture XVII ème et XVIII ème. Le XIX ème et le XX ème étant largement moins considéré à l'époque de la définition du secteur, une certaine maturation a donc été nécessaire pour que le regard porté sur le patrimoine ne soit pas exclusif à une époque ou à un style. Enfin la question patrimoniale et plus largement celle du centre-ville garde une dimension éminemment politique et économique. Le développement urbain étant intimement lié au secteur privé, la municipalité Morice a du envisager certains ajustement comme nous l'explique Julie Lamarins dans son mémoire « Dans les coulisses du secteur sauvegardé Nantais »

Ces ajustements illustrent d'une certaine façon l'adéquation qu'il peut y avoir entre projet politique et volontés urbanistiques. Les différentes majorités s'étant succédées avant les années Ayrault eurent des programmes variés véhiculant différentes visions de la ville, et comme nous l'avons vu plus haut la temporalité des lois Malraux est sensiblement la même que celle de l'urbanisme flamboyant des années 60, créant automatiquement des divergence et des zones de frictions au sein des regards portés. 2 LAMARINS, Julie. Dans les coulisses du secteur sauvegardé Nantais. Mémoire de master, ensa nantes, 2012, 218 p.

" D'après plusieurs récits d'acteurs, notamment Yves Steff, Noêl Lépine et - 53 -


André Morice était sans doute un visionnaire en anticipant les blocages potentiels qu'auraient entraîné les règles du secteur sauvegardé dans le développement du centre. Beaucoup de projet furent avortés notamment à cause de la rigidité des textes et des commission. Noël Lépine souligne largement cette « vision étriquée du système », et indique que peu de grand projets on été fait sous l'égide du PSMV, sans pour autant remettre en question sa légitimité en terme de conservation et restauration patrimoniale.

projet de centre-ville, même si la journaliste à travers un commentaire en voix-off, nous propose une image nostalgique et presque déprimée du centre-historique. Genevieve Froment : Ici au bout de la rue Kervégan il y a une opération qui est projetée, une opération populaire dans un quartier populaire. Steff : En fait il s'agit de la ville, c'est un immeuble qui appartient à la ville qui a décidé de le réhabiliter, de restaurer les appartements pour faire revenir de la population dans le centre dans le cadre de la politique qu'elle a défini. Alors il existe dans le centre de Nantes un grand nombre de logements qui sont pour certains vacants, et surtout qui sont mal équipés, donc l'objectif que nous sommes en train de poursuivre dans le cadre du secteur sauvegardé c'est de lancer une opération programmée de réhabilitations, qui consiste à donner des aides financières au gens qui désirent restaurer leurs logements et les équiper.

A travers un reportage télévisé de septembre 1978 on arrive à imaginer quels étaient à la fois l'état dans lequel le centre se trouvaient et quels étaient les enjeux de sa restauration. Yves Steff interrogé durant cet entretien et ayant activement participé au sein de l'équipe de Robert Joly à définir le Secteur Sauvegardé présente les volontés du PSMV en 1978. Cet entretien a deux intérêt. Premièrement le fait qu'il soit télévisé le destine de fait au grand public, il est donc important de porter attention au langage utilisé dans cette démarche de communication. Deuxièmement il véhicule l'approche patrimoniale de l'époque qui a par la suite évoluée. On assiste en effet à une présentation très centrée sur l'aspect patrimonial et architectural sans pour autant vraiment évoquer un quelconque

Genevieve Froment :On a un peu le même genre d'opérations quai de la Fosse aussi. Steff : Quai de la Fosse c'est encore un peu plus important, parce que ce sont des immeubles qui menacaient la sécurité du public, et la municipalité a décidé de les démolir et de les

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remplacer par des immeubles neufs, ce qui permettra de restructurer les ilôts et d'aménager des espaces verts à l'intérieur. Et de les rendre beaucoup plus vivables. Même opération à l'autre bout du secteur, près du château dans le quartier de Richebourg. Alors dans ce quartier c'est une opération beaucoup plus importante puisque il y a à la fois des opérations de restauration d'appartements et également la constructions de petits ensembles qui seront très bas et qui auront, je crois, une vie sociale très riche. Et c'est une opération d'une certaine importance.

la Loire, dans des bras aujourd'hui comblés, qui contournaient l'île Feydeau. Genevieve Froment : Donc on avait donc vraiment une ville entourée d'eau. Steff : On avait une ville entourée d'eau. On avait un port qui s'est retrouvé primitivement très proche du château et qui petit à petit, s'est déplacé vers l'ouest et qui continue de plus en plus à se déplacer vers d'autres communes. Alors ce plan propose un certain nombre de choses. Les immeubles indiqués avec des hachures grasses devront être protégé, ça signifie qu'on pourra plus les démolir et au contraire ils devront être restaurés, et il le seront. Il y aura des aides financières pour les ravalements ce qui veut dire qu'on le fera progressivement. Tout ce qui est ces petites taches jaunes qu'on aperçoit ce sont des constructions parasites, qui se trouvent dans le fond des cours et qu'on souhaite voir disparaître à terme. Ca se sont les actions sur les immeubles. Il y a d'autre chose où on indique le désir de voir construire des immeubles précisement. Mais c'est que des cas très rares où là on est surs de nous. En revanche il existe des secteurs, ce qu'on appelle des sous secteurs d'aménagement, où on souhaite qu'une action concertée soit entreprise avec la municipalité, pour éviter que les habitants ne dénaturent ces ilôts. Pour permettre de refondre le cœur de l'îlot, le rendre accessible, faire

Genevieve Froment :Ce plan est un plan que le public nantais peut venir voir. Steff : Il s'agit du plan de sauvegarde, c'est le plan que la ville de Nantes, du moins que le ministère des affaire culturelles et de l'équipement en collaboration avec la ville de Nantes ont étudié pour prévoir ce qu'on pourra faire dans le secteur sauvegardé, dans le centre. La mission est confiée à Robert Joly, qui est l'architecte en titre du secteur sauvegardé. Et celui-ci a défini le périmètre de ce secteur sauvegardé. Il regroupe les deux parties du centre ancien, la partie médiévale, avec la partie gallo-romaine et la partie plus ancienne qu'on pourrait caractériser sommairement par XVII ème , XVIII ème qui est séparée par l'ancien cours de l'Erdre, qui se jetait autrefois dans

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années de secteur sauvegardé « la vision patrimoniale » des choses. Sur une musique d'un autre et temps au relents mélancoliques, la journaliste nous dessine un portrait de la ville à travers les images et le discours. On y dénote cette nostalgie paraissant presque maladive, évoquant des figures d'un autre temps, et révélant bien les motivations de l'époque ayant accompagné la définition des lois Malraux.

des plantations, pour que les habitants et les enfants du quartier puissent venir jouer au pied de leur immeuble et qu'ils ne soient pas dans la rue qui est davantage un espace marchand. Alors on souhaite qu'il y ai des pénétrations dans ces ilôts. C'est les cheminements piétons qui sont indiqués ici, on veut montrer à population qu'il faut aller voir ce qu'il se passe derrière les façades. Cet entretien est un témoignage historique riche puisqu'il nous ramène directement en 1978 et nous montre bien quels étaient les ambitions de l'époque, ce qui nous permet également de mieux comprendre les évolutions actuelles du PSMV. Il est très intéressant de noter que toute l'ensemble de la rhétorique employée est focalisée sur le bâti et non sur le quartier. Les cœurs d'îlots devant même être rénovés car la rue est destinée au commerce et non pour les jeux d'enfants. Mettre en parallèle ce discours avec d'autres qui accompagneront le développement des espaces piétons, quelques années plus tard illustre bien l'évolution des mentalités.

J'ai décidé de retranscrire la totalité du commentaire accompagnant le reportage vidéo « Nantes en plein coeur » qui témoigne selon moi de ce que véhiculait dans ces premières

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La vielle ville autour du château édifiée dans un site entouré d'eau, les bras de la Loire, l'Erdre, et dans les quartiers du Change, de Ste-Croix, du château, le moyen-age a laissé des parcelles irrégulières, profondes, serrées, des volumes pittoresques, un lassis de rues.Des quartiers longtemps délaissés, dédaignés, abîmés, mais que ces dernières années voient renaître peu à peu, réparation, restauration, rues piétonnes. A deux pas du château, la cathédrale, qui veille toujours sur les vieux toits, et sur le calme des rues pavées. 126 Hectares de secteur sauvegardé, en plein cœur de la cité, du quartier de Richebourg à la place du Sanitat, pour tenter de faire battre à nouveau, le vieux cœur de la ville. Un secteur sauvegardé pour faire revivre les hôtels baroques construits par les négriers le long de la Loire, au fur et à mesure du développement du port, dans l'île Feydeau ou quai de la Fosse. Pour préserver les immeubles construits fin XVIIIème par Ceineray, rigueur des alignements qui encadrent la vielle ville, puis par Crucy plus à l'Ouest, qui dessine un centre monumental place Graslin et place Royale. Richesse ancienne du XVIII ème siècle qui survit encore dans la lèpre des murs, et les entrelacs des balcons. La marque du XIX ème siècle place du Sanitat, demi-lune au bout du port à l'ouest à 100 mètres des grues, ici comme ailleurs des maisons à restaurer et qu'il faudrait faire revivre. (…) Vivre au centre de Nantes, sous le charme du vieux marché du Bouffay, qui va être refait à l'identique, mais pas vivre dans un musée c'est un peu le problème des rues piétonnes. Savoir et pouvoir profiter de la fête qui passe, vivre, travailler dans le centre de Nantes, et pourquoi pas construire ? (…) Pouvoir rêver dans Nantes comme l'ont fait les surréalistes, Breton, et AndréPierre de Mandiargues sur le passage Pommeraye. Lorsqu'on vient du dehors et du grand jour, il faut aux yeux quelques temps pour s'habituer à la quasiobscurité de ce lieu couvert. Puis on peut distinguer que la partie supérieure du passage est décorée de stucs assez jolis, dans le goût de la fin du règne de LouisPhilippe. Des bustes où la moisissure est une patine verdâtre se détachent sur un

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fond de demi-rosace. Tout cela est ruiné et effrité, et ces ruines semblent envahies d'âmes de dentelliers ou de fougères ou de mousses. Tapissée d'un de poussière bleue qui est comme un duvet très fin, les contours des arcades qui sont flous, cette végétation palustre l'humidité, les teintes opalines et glauques situent assez bien le passage Pommeraye dans les paysages abyssaux de 20000 Lieues sous les mers, où des scaphandriés guidés par capitaine Némo vont chasser tortues et requins entre les colonnades de l'Atlantide submergée. Pour qu'il ne reste que le bruit des fontaines un axe piétonnier est prévu d'un bout à l'autre du secteur sauvegardé, et surtout entre la place Royale et la place Graslin pour enchasser enfin la ronde des voitures. Nantes en plein cœur en un dernier clin d'oeil au pied de la statue d'un homme qui avait son franc-parler : Cambronne.

Archive INA : Reportage datant du 22 septembre 1978, produit par Geneviève Froment et réalisé par Jean-Charles Dudrumet et diffusé sur FR3 Bretagne Pays de Loire. Disponible ici : http://www.ina.fr/video/RXC01018676/nantes-en-plein-coeur-video.html

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Le temps des piétons

d'aménagement pour investir les villes. En revanche la saturation du « tout voiture » des années 1960 à 1970 a entraîné, à des degrés divers, une multiplicité de projets et de politiques de piétonnisation des centres villes pour « Rendre la rue aux piétons ». En parcourant la littérature relative à ce phénomène on constate qu'il est le résultat d'une double dynamique. En effet il semblerait qu'elle soit d'une part un pur produit de la pensée moderniste, tout en étant d'autre part la conséquence directe de la critique de cette même pensée. Même si nous l'avons un peu oublié, les modernes et leurs Congrès Internationaux d'Architecture Moderne, ont toujours donné une grande place aux piétons dans leur vision de la ville et de la société. En effet les différents écrits et restitutions de congrès, la charte d'Athènes en tête, préconisent une séparation radicale des fonctions automobiles et piétonnes. On peut bien sûr citer la Défense et sa large dalle laissant ainsi déambuler librement les gens entre les tours et les centres commerciaux, les infrastructures routières et ferroviaires passant en dessous. On peut également rappeler les grands plans d'urbanisme de le Corbusier et ses barres très denses, ses autoroutes, et ses vastes espaces verts entre les deux, proposant ainsi aux habitants de ses villes idéales de larges espaces de détentes. Cependant cette pensée présuppose une tabula rasa ou bien être amenée au sein d'une ville ou

Doctrine et objectifs Ce qu'on appelle piétonnisation participe à un mouvement largement entreprit par les grande villes à l'échelle nationale et internationale. Bien que les premières réflexions commencent dès les années 1940, on trouve les premiers « prototypes » en Allemagne et plus étonnement aux Etats-Unis au début des années 1960. En France, la pionnière du genre est la rue rouennaise du Gros Horloge aménagée en 1970. Ailleurs dans le pays, parallèlement aux initiatives locales, l’administration centrale a incité les collectivités à lancer de telles opérations par les circulaires de 1971 et 1973 et une note d’orientation de 1972 évoquant leurs effets positifs sur la vie sociale et le cadre de vie. Comme nous l'avons vu précédemment les discours accompagnant ces premières transformations sont largement agrémentés du lexique de l'ancien, du patrimoine et de la nostalgie. C'est a la fin des années 70 et pendant les années 1980 que ces actions prennent de nouvelles dimensions. Les zones, rues, secteurs, aménagements... piétons. Par « piétons », comprendre sansvoiture, car les fameux piétons n'ont pas attendus ces politiques - 61 -


d'un quartier nouveau. A l'instar de la ZUP Beaulieu à Nantes au sein de laquelle était planifié originellement un grand mail commerçant et piéton en extérieur avant le projet de centre commercial, on retrouvera comme vestige de cette volonté la fameuse passerelle piétonne reliant le parvis de la CPAM à l'intérieur de la galerie marchande qui sera plus tard retirée. Au sein donc de nos centres urbains historiques, reconstruits et même comblés dans le cas nantais, ces considérations pour la déambulation piétonne de la pensée moderniste semblaient avoir été mises de côté tant la planification sur ces villes existantes relevaient davantage de modernisation que de modernité. Ainsi le développement automobile, et l'expansion de l'urbanisation sur des territoires beaucoup plus lointains a donné lieu à un maillage routier très important qui se croise au centre.

motorisée » avait éclaté le territoire, et favorisé le départ de population dans des habitats de nouvelles natures, et plus variés que l'offre qu'avait la ville existante, vétuste par ailleurs. Quand Brian Richards nous dit lui que c'est en effet la voiture qui est responsable, mais que c'est la saturation automobile et toutes les pollutions qu'elle implique surtout en tissu dense qui est à l'origine de la fuite des populations. Au delà de la complémentarité et de l'intérêt de ces deux visions quant au délaissement des centres-villes, elles illustrent surtout les différences d'époques et d'angle de vue. Celle qui voyait la voiture comme ouvrant des possibles et donnant accès à de nouveaux territoires pour la ville en délaissant les anciens, et celle qui voit son omniprésence comme l'origine du départ. " Les hommes politiques, aussi bien que le public, s'intéressent à la mesure dans laquelle l'environnement urbain est susceptible d'être amélioré, en réduisant la circulation, réduisant de ce fait le bruit, les fumées et les accidents. Cette préoccupation fit partie du souci général de mettre fin au désenchantement à l'égard de la vie urbaine, qui s'est fait jour dans certains pays qui a entraîné une migration vers les banlieues. Les Rues Piétonnes " 1

On arrive donc à la deuxième dynamique ayant impulsé les premières opérations de piétonnisation qui est justement la critique de cette modernité. Il est intéressant de regarder comment on parle de la voiture au sein d'un ouvrage manifeste édité par l'OCDE en 1974. Celui-ci pointe la voiture comme la première responsable des maux de l'époque mais sous un angle à fois différent et complémentaire de l'analyse que nous avons fait plus haut. Nous disions que la « transition

1. RICHARDS, Brian in., Les Rues Piétonnes (ouvrage collectif), Paris, Editions de l'OCDE, 1974, 135 p.

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C'est dans ce contexte qu'on commence donc à pointer du doigt la voiture, on cherche donc à réduire sa place et ses nuisances, sans pour autant remettre en question le modèle du tout-auto dans les modes de mobilités. Bien au contraire c'est presque reconnaître son omniprésence car c'est la saturation que l'on blâme et non le modèle ayant engendré celle-ci. Enfin le commerce périphérique prend de plus en plus de place dans la façon de consommer des gens. Le commerce donc, est un des principaux enjeux, et est bien sûr sujet à une divergence de points de vues entre acteurs économiques et acteurs politiques. Par ailleurs, la volonté des villes d'améliorer leurs image de marque émerge peu à peu, en mettant en valeur le patrimoine existant et en offrant de nouveaux espaces publics et lieux de rencontres, on essaye d'attirer le touriste tout en améliorant le cadre de vie de l'habitant .

un flâneur mais jamais comme un « marcheur » ou un usager comme on le ferait pour un mode de transport traditionnel. Le terme de « piéton » et par extension les opérations de piétonnisation suggèrent donc une vision très partielle du déplacement et même une certaine négation de celui ci tant les premières rues sont imaginées comme des havres de paix isolés, incitant à la pause. Et ce malgré la rhétorique nostalgique employée qui veut « rendre la ville aux piétons », l'importance qu'a pu avoir un tel mode de déplacement n'est pas du tout prise en compte. Par ailleurs au delà des considérations citoyennes destinées à satisfaire l'habitant ou le visiteur, un enjeu économique de taille est au cœur de la démarche : le commerce. " L'un des facteurs les plus importants à l'origine de la proposition faite par une municipalité de créer des zones piétonnes est le désir d'améliorer son image de marque, lié à la constatation que, si la ville veut continuer à attirer le commerce, elle peut être amenée à le faire en concurrence avec les centres commreciaux situés en dehors de la ville, dont beaucoup ont attiré des magasins de grande surface et des boutiques spécialisées loin du centre, et offrent souvent des possibilités de stationnements illimités, et dans le meilleurs cas, un environnement organisé à haut niveau."    2

Il est primordial de noter cependant que ce « retour du piéton » au cœur des villes, ne semble pas supposer ce qui en est l'essence première à savoir le déplacement à pieds. Le Larousse se réfère d'ailleurs à la motorisation pour définir le piéton. Piéton, piétonne, nom : Personne qui va à pied, par rapport à celle qui est motorisée (le féminin est rare). Dans l'argumentaire des municipalité on parle du piéton avant tout comme un acheteur, un promeneur, un touriste, un visiteur,

2. ibid. - 63 -


Créer des espaces piéton au centre des villes est une décision pour laquelle beaucoup d'acteurs seront concernés. Les incidences d'une telle démarche vont toucher une multitude de secteurs. Commerces et services, vie culturelle et sociale mais aussi la place de l'habitat qui a une place primordiale et qui est souvent sous estimée. Notre journaliste de 1978 ne disait-elle pas Vivre au centre de Nantes, sous le charme du vieux marché du Bouffay, qui va être refait à l'identique, mais pas vivre dans un musée c'est un peu le problème des rues piétonnes. L'objectif principal est bien sûr d'augmenter la fréquentation. Cette augmentation, qui indique le succès de l’opération, engendre des évolution sur le quartier et sur l’offre commerciale, mais il s’agit généralement du renforcement de processus préexistants, par exemple une rue commerçante est rarement créée ex-nihilo, c'est toujours une qualité première qu'on veut développer davantage ou améliorer. Malgré cette augmentation de fréquentation les différents types d'usager ne vont pas forcément y trouver leurs compte. Quand certains riverains apprécieront la mise en valeur de leur rue et le développement d'activités nouvelles, d'autres verront leur environnement d'origine dénaturé et des nuisances d'un genre nouveau faire leurs apparitions, la vie nocturne en est un bon exemple. De même pour les commerçants à la fois séduits par l'augmentation d'affluence, le fait qu'on ne puisse plus stationner devant chez eux créé souvent des conflits.

Paradoxes et charmes d'une époque : publicité pour la Peugeot 404 dans la rue Gros-Horloge de Rouen, première rue piétonne de France, piétonnisée en 1970.

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La piétonnisation des rues a toujours été un des points centraux des relations entre politiques et commerçants. Cette question étant d'ailleurs très compliquée à gérer en fonction des époques et mentalités, mais aussi en fonction de la ville même au sein de laquelle ces transformations prennent place. Certaines d'entre elles ont connu de grands succès dans leurs tentatives de piétonnisation quand d'autres ne sont jamais parvenues aux résultats escomptés. Bon nombre d'articles de presse relatent ces réalités, encore aujourd'hui les commerçants réclament à la fois un développement des espaces piétons tout en insistant sur la nécessité de la desserte automobile.

dépendants de la bonne réussite de tels aménagements, s'opposant souvent aux projets. Pour eux, il s’agit en fait d’augmenter ou de maintenir leur chiffre d’affaires, dans un environnement ayant évolué. Les habitudes des gens dans la façon de faire du shopping évoluent avec leur environnement, et spécifiquement lorsqu'il est question de l'usage de l'automobile. Le problème du stationnement est donc une des craintes majeures, mais aussi l'augmentation éventuelle des loyers commerciaux et le changement de clientèle. Pour d’autres, la nouvelle situation répond à leurs attentes : plus de visibilité, de possibilité d’installer des terrasses ou étals, de tirer l’offre vers le haut de gamme et une nouvelle clientèle.

Le soutien au commerce de la part d'une municipalité a un double enjeu. En effet la piétonnisation a pour volonté de donner de l'attractivité aux commerces mais pas seulement, l'ambition d'une opération va largement au delà de celle du commerce, car le but premier de ces aménagement est la revitalisation du centre et pas seulement sur son aspect commercial. Le bon fonctionnement des commerces conditionnent ainsi le succès d'un espace piéton .Ainsi la relation entretenue avec les associations de commerçants est complexe. Ils sont à la fois des partenaires indispensables à cette revitalisation et permettent d'attirer directement de nouveaux visiteurs, mais ils restent également les plus

Lors de la transformation d'une rue ou un secteur on voit lors des mois ayant suivi la livraison de nouveaux type de commerce apparaître. Souvent les commerces de proximité voient leurs proportion réduire au profit de grandes enseignes, la fnac est bon exemple dans le cas Nantais, et également beaucoup de boutiques concernant des achats non quotidiens. La rue Montorgueil à Paris semble d'ailleurs faire exception étant donné l'offre en petits commerces de proximité ayant subsisté et s'étant même développé, bien qu'il s'agisse là d'un cas particulier, à la fois pionnier et en plein cœur de Paris. - 66 -


" Les commerçants redoutent que l'interdiction du lundi, pas très gênante puisque les magasins sont souvent fermés ce jour-là, ne s'étende aux autres jours de la semaine. Ils sont d'autant plus inquiets qu'ils ont à subir la concurrence des commerces installés à la périphérie de la ville. Ceux - ci utilisent de vastes espaces pour leurs stands de vente et le stationnement des voitures de leurs clients." Le Monde : Nantes s'oriente vers l'interdiction du stationnement dans tout le centre de la ville, par Jean Bretonnière, publié le 29 janvier 1969

A chaque création de rue ou zone piétonne, les commerçants manifestent leur désapprobation. Ils arguent que leurs clients ne pouvant plus se garer devant leur boutique, ils iront ailleurs. Les édiles, eux, maintiennent qu'il s'ensuit une hausse des chiffres d'affaires. Le Monde : Dossier Les rues piétonnes en révision : L'évolution des commerces, publié le 10 janvier 1994

Trop, c’est trop. Piétonisation, travaux, manque de places de stationnement… Les commerçants du centre de Nantes en ont "ras la casquette." Pour se faire entendre, six tenanciers de bars du centre ont lancé une pétition. MétroNews : Piétonisation, travaux … les commerçants en ont ras le bol, par Sibylle Laurent, publié le 21 avril 2013

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A Nantes ou à Rennes, l'exemple des quartiers médiévaux illustrent d'autres types de changements, posant cette fois problème aux riverains. Beaucoup d'articles de presses relatent ces problématiques. Le journal « Le Monde » a publié en 1994 un dossier intitulé Les rues piétonnes en révision à l'occasion des vingt ans « d'engouement ». Bien que les premières opérations ne datent pas précisement de 1974, c'est à cette époque que le phénomène s'est vraiment démocratisé. Plus surprenant ces articles soulèvent également une critique qui me paraissait être arrivé plus récemment dans le débat. La question des ambiances au sein de tels environnements semble être apparue finalement assez tôt dans les éléments s'opposant à ces aménagements. En effet comme nous l'avons vu, l'évolution et l'intensification de l'offre commerciale accompagnant souvent les campagnes de piétonnisation a engendré des critiques négatives sur le nouveau climat qu'on trouvait dans ses rues. Centre commerciaux à ciel ouvert d'une part, mais également des rues complèment désincarnées une fois les commerces fermés. Par ailleurs une certaine « dévitalisation » de l'habitat est pointée du doigt tant la pression commerciale est importante, les boutiques rachetant les appartements des niveaux supérieurs pour y faire leurs réserves.

Pose des premiers pavés, le 10 avril 1977 dans la rue Sainte-Catherine, à Bordeaux.

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L'association Vivre à Rennes-centre a été créée au début de 1993, manifestant le désarroi d'habitants devant la disparition des commerces de proximité et l'arrivée, à leur place, de bars de nuit. "En deux ans, cinq boucheries ont fermé, toutes remplacées par des bars", note Anne Lecroart, présidente de l'association. Rue Saint-Michel, une ruelle très ancienne d'à peine 150 mètres de long, le nombre des cafés de nuit a doublé en dix ans. Dans cette partie du plateau piétonnier, 35 bars déversent jusqu'au milieu de la nuit leurs décibels, leur clientèle fêtarde, générant des problèmes de sécurité et de propreté. Maillard, Cécile, Dossier : Les rues piétonnes en révision :Les débats de Rennes, Le Monde, 10 Avril 1994

Beaucoup comparent les rues piétonnes à des galeries marchandes à ciel ouvert. Elles ont perdu leur caractère urbain, c'est-à-dire le mélange d'activités, pour devenir des lieux de consommation. Difficile de trouver un artisan, un organisme culturel ou social, dans une zone piétonne. D'ailleurs, après les avoir combattues, les commerçants en sont devenus les plus fervents défenseurs. Avec la flambée des prix de l'immobilier dans ces rues, le commerce a tout envahi. Souvent, un seul type de magasin prédomine, entraînant une certaine paupérisation de la rue. La clientèle change: plus populaire, elle est extrêmement nombreuse. Maillard, Cécile, Dossier : Les rues piétonnes en révision : Après plus de vingt années d'engouement, le bilan des voies interdites aux voitures est mitigé et les municipalités cherchent d'autres solutions pour animer le centre des villes. Le Monde, 10 Avril 1994

" Un territoire à se réapproprier ». Depuis le 4 avril, les rues du centre-ville sont piétonnes. Un changement mal accepté par certains au début mais qui commence à entrer dans les habitudes des Caennais. « C'est tout un territoire à se réapproprier. Au début, les piétons marchaient toujours sur les trottoirs. Les comportements commencent seulement à changer », s'amuse Marie-Sabine Cailleteau, maire adjointe chargée du commerce. Du côté des commerçants, qui ont eu du mal à avaler la pilule, c'est un peu tôt pour dresser un bilan. L'élue remarque néanmoins qu'« ils se sont plaints les huit premiers jours et depuis, plus rien ! " Piétonnisation du centre-ville : acte II, Ouest France Caen, 10 juin 2009

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Le cas Nantais.

du commerce périphérique. Ainsi seules des zones bien délimités et étroites sont dans un premier temps privées d'automobiles, car dans le même temps la modernisation de la ville existante se poursuit, et on voit d'ailleurs naître entre 1976 et 1978, la tour de Bretagne, Neptune ou le parking Decré tout en verre miroir. Même si ces projets symbolisent encore cette volonté de modernisation pour la « métropole d'équilibre » et aussi celle d'amener la voiture au coeur, il semble qu'entre les décisions entérinant ces projets et leurs livraisons, les mentalités aient beaucoup évolué. Ces propositions architecturales radicales alors que le patrimoine existant continue à périr amenèrent en partie les gens à voter pour Alain Chénard en 1977. Comme dans beaucoup de municipalités passées à gauche à l'époque, l'arrivée du PS à la municipalité est l'occasion de casser toute la mécanique qui était celle des années 60. L'abandon notamment du projet des grandes pénétrantes au profit du périphérique permet de reconsidérer la place du centre et de ralentir son déclin en poursuivre la limitation progressive de la place de la voiture. Contrairement à ce qui avait été fait jusqu'alors, Chénard s'attaque à un espace fortement symbolique pour le centre de Nantes qui est la place du commerce. Il faut se rappeler qu'à l'époque la place elle même était le nœud de tous les transports en commun et qu'une gare de bus

A Nantes les premières opérations de piétonnisation furent réalisées sur des secteurs bien définis, au début des années 1970. Elles s'inscrivent comme nous l'avons vu plus haut dans un mouvement national visant à réduire un peu la place de la voiture devenue trop envahissante, et pour redonner une certaine « qualité à l'environnement urbain » Noël Lépine nous rappelle la chronologie des premières opérations tout en soulignant les difficultés rencontrées pour que les commerçants Il y a eut deux quartiers qui se sont constitués en espace piétons, il y a eu la rue Scribe, enfin ce coin là, Contrescarpe etc... et de l'autre côté la rue de la Juiverie. Et donc ça, c'était lu comme, alors je parle par municipalité, quelque chose d'assez fort qui permettait de rentrer dans l'esprit et la configuration de la ville historique. En effet dès 1973 avec la délimitation du secteur sauvegardé un an plus tôt un premier secteur sont piétonisés à savoir le secteur Scribe Contrescarpe, puis un second deux ans après : les ruelles du Bouffay. Comme nous l'avons vu les commerçants étaient au départ très frileux à l'égard de ces mesures visant pourtant à relancer l'attractivité mise à mal par le développement - 70 -


trônait au milieu de la place, face aux cafés. La place piétonne est achevée en 1981, la municipalité organisant un grand nombre d'animation pour impulser de nouvelles dynamiques et un engouement populaire pour ces nouveaux espaces d'envergure. Comme en témoigne une vidéo de l'INA, manèges gratuits, spectacles de rue, et jeux de dames géant accompagnèrent l'arrivée de ce nouveau lieu. Le discours porté à l'époque par l'adjoint à l'urbanisme en charge de ces travaux confirme un certain boulversement dans les mentalités des décideurs. Alors que les premiers projets de piétonnisation associaient patrimonialisation et commerces de proximité dans de petites rues, l'ambition porté ici va au delà et s'attaque à un lieu symbolique de la motorisation : la gare de bus. On comprend la volonté de voir la ville différemment, comme un support plus qu'un décor. Bien qu'on y retrouve la rhétorique commune de l'échelle humaine et du cadre de vie, la question de changer les habitudes et les comportements prédomine et cette opération a forcement eu une influence sur l'acceptation par les Nantais des projets de piétonnisation ayant suivis.

de la ville. Essayer de revenir à des comportements qui nous permettent de rester à l'échelle humaine, constituer des points de rencontres, et tout ça en accord avec eux puisque la je veux faire référence à toute la concertations que nous avons eut avec les nantais concernant cet aménagement. Enfin de compte au delà de la formule, réussir à changer la ville pour changer notre vie, changer nos comportements, changer nos habitudes, retrouver des attitudes à échelles humaine et redevenir piéton dans le cadre urbain, plutôt que toujours le pratiquer en voiture ou avec d'autres modes de déplacements. Jean Michel Bonduelle INA 81 Le discours porté par Chénard lors d'un reportage télévisé en 1980 insiste largement sur cette ambition de changer et d'améliorer le quotidien des Nantais, et surtout de bien communiquer sur les changements et les réformes mis en place. Le maire insiste largement sur la transparence de la gestion et le grand nombre d'expositions organisées pour présenter les projets. Ce qui préfigure sans doute la culture Nantaise dans la communication urbaine. Comme le disait Noël Lépine, le vrai projet de la municipalité Chénard était de proposer une nouvelle vision de la ville et de changer de méthode quant aux outils utilisés jusqu'alors dans le façonnement de la cité. C'est notamment eux qui ont créé l'agence d'urbanisme l'AURAN, porté divers chantiers visant à revitaliser le centre-

Après avoir été un embouteillage monstre et permanent, pour l'instant c'est la plage dans la ville, je crois que ce que nous avons voulu faire c'est donner aux Nantais un meilleur cadre de vie, pour une meilleur pratique - 71 -


ville autrement que par la seule restauration. La médiathèque et la manufactures des tabacs regroupant une multitude d'équipements et de services restent des symboles de ce mandat qui a vraiment tenté d'engendrer une nouvelle dynamique. Si bien que leur projet phare et le plus emblématique, le tramway lancé en 1978 leur fera perdre les élections de 1983.

Jean-Claude Bonduelle, adjoint à l'urbanisme, expliquant les transformations de la place du Commerce lors d'un reportage télévisé en 19811

1. Archive INA : Reportage datant du 8 juillet 1981 produit par Francois Lavaredaset diffusé sur FR3 Pays de Loire. Disponible ici : http://www.ina.fr/video/RXC04000893/nantes-le-point-sur-les-travaux-video.html

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Donc PSMV 72, sachant que les premiers quartiers donc Juiverie Pilori ça a du se faire entre 74 et 76 et le quartier rue des Halles un peu avant et le quartier Scribe pareil un peu avant, entre 73 74, hein. Bon ça c'était quand même une vision un peu forte de la ville qui a été très combattue par les commerçants. Ils croyaient difficilement qu'on ne puisse pas aller jusqu'à en bas de chez eux en bagnole. Alors il y avait aussi un point de vue très idéologique là dedans parce que moi j'avais un coiffeur qui était dans le secteur et lui il n'a jamais regretté une seconde les rues piétonnes et son chiffre d'affaire n'a jamais baissé avec les rues piétonnes, et je dirais qu'il y avait beaucoup de contradictions dans les positions et beaucoup de manipulations et d'idées présupposées.

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L'émergence d'un nouvel outil : le Tramway

plus haut les premières opérations de piétonnisation ont déjà eu lieu et le choc pétrolier de 1973 est passé par là. Suite au Concours Cavaillé donc Nantes porte spontanément sa candidature. Selon Noël Lépine le tramway c'est le contrepoint du projet de pénétrantes, on réétudie alors la question de la rocade envisagée à l'après guerre. Malgré la volonté nantaise de se doter d'un transport collectif en site propre, la municipalité socialiste élue en 1977, connaît beaucoup d'écueils pour mener à bien ce projet. En effet, contrairement aux bus sur lesquels de grands changements avaient été également engagés, un tramway nécessite de lourds aménagements même si celui ci « s'inscrit parfaitement bien dans le tracé retenu ». La campagne municipale de 1983 se jouera d'ailleurs largement autour des pro et anti tramway, et la droite reviendra au pouvoir. Après avoir brièvement interrompu les travaux, la nouvelle équipe va vite comprendre que les travaux sont trop engagés pour qu'un abandon total du projet soit réaliste, la première ligne sera donc inaugurée sur le tracé allant de la Beaujoire à Bellevue et traversant le centre-ville notamment sur l'ancien bras de la Bourse allant du canal Saint-Felix au quai de la Fosse.

La réapparition des tramways dans les villes est une dynamique engagée dans les années 1970 face au constat que les villes connaissent une congestion croissante avec à la démocratisation de la voiture individuelle. L'Etat, alors encore centralisé, lance en 75 un concours d'idée visant à définir le nouveau standard du tramway pour huit grandes villes. Celles ci étant Bordeaux, Grenoble, Nancy, Nice, Rouen, Strasbourg, Toulon, et Toulouse. Ce Concours Cavaillé du nom du secrétaire d'Etat aux transports de l'époque, a cependant été un demi-échec, les municipalités d'un côté et les industriels de l'autre n'y ont pas porté beaucoup d'intérêt.

Nantes, trop pionnière ? Malgré la dynamique Etatique de l'époque autour du projet de tramway il est important de le remettre dans le contexte politique et urbain de Nantes. A partir du milieu des années 1970, même si nous sommes encore à l'heure de la sacro-sainte voiture, c'est d'ailleurs en 1971 que Georges Pompidou avait déclaré sa fameuse phrase « la ville doit s'adapter à la voiture », les mentalités commencent à évoluer. Comme nous l'avons vu

Cette première ligne de tramway est une des premières pierre d'un renouveau que connaîtront plus - 75 -


tard Nantes et d'autres grandes ville françaises grâce à la dynamique qu'engrangera ce nouveau mode de transport, faisant évoluer les usages et les mentalités d'un côté, et nécessitant d'importantes transformations de l'autre.

en centre-ville résultant notamment du comblement du fleuve, de tels travaux paraissent très lourds pour les usagers de l'époque et le projet reste controversé. Michel Chauty, tête de file de l'opposition, insiste d'ailleurs sur ce qu'il considère comme des « problèmes de bon sens ». C'est avec notamment ces arguments qu'il gagne la campagne de 1983, et stoppe le chantier, avant de finalement le reprendre.

Ce qui est intéressant c'est de noter cependant que malgré la position pionnière de Nantes, ces évolutions n'accompagnent pas immédiatement l'arrivée de la première ligne. Comme nous l'avons vu plus haut, le PSMV devient applicable un an avant le lancement du tram, et même si l'avenir commence à se dessiner, ce tram reste avant tout un projet d'infrastructure, avant d'être un projet « urbain ». Il est d'ailleurs intéressant de noter, que de grands aménagements le long la ligne 1 sont en train de se réaliser aujourd'hui, soit trente ans après son lancement. La ligne 1 est relativement « sobre et discrète » mais fonctionne comme nous l'indique Noël Lépine. Comme nous l'avons vu précédemment les opérations de piétonnisation avaient été jusqu'alors appliquées à des espaces relativement peu importants dans le fonctionnement global de la structure urbaine, à l'exception de la place du commerce. Ainsi les premières opérations d'aménagement se déroulent rapidement malgré les quelques problèmes techniques rencontrés du à la nouveauté des techniques. Il faut dire que malgré la largeur des axes

Le tramway n'est pas une solution mauvaise en soi, c'est la manière dont il est réalisé. Le tramway est mis dans un site propre, et ce site coupe la circulation de manière prioritaire pour le tramway. (…) On est devant des difficultés techniques considérables. Il s'agit pas d'être de gauche ou de droite mais ce sont des problèmes de bon sens. Malgré la critique, les chiffres de fréquentations dépassent largement ce qui était attendu. Des problèmes de saturation se font déjà sentir aux heures de pointes. Ces bons résultats participent à cette nouvelle vision de la ville que la municipalité Chénard espérait. Même si le tramway est avant tout un moyen de transport, son statut incite à porter un regard neuf sur la mobilité et donc sur le territoire. Un des premiers chauffeurs de ces nouveaux trams considère d'ailleurs que « toutes les classes sociales montent dans un tram », ce qui n'est pas le cas pour les bus selon lui. - 76 -


Le

la vision et l'ambition sur la ville semble très nouvelle. D'une part le cours de 50 Otages a une double portée symbolique, c'est à la fois le bras de l'Erdre comblé, mais c'est aussi devenu la pénétrante sud de Nantes. Une grande quantité de voiture arrivant en plein cœur depuis Pirmil sur les huits voies automobiles prévues à cet effet. D'autre part c'est à la fois une limite, entre « les deux pôles du centre-ville » mais c'est aussi son point de départ, l'origine de Nantes venant de la confluence entre Erdre et Loire. Le tramway est un tremplin pour proposer ce grand projet sur le centre, et en « conforter » la centralité. En reparcourant les divers documents que j'ai pu lire, c'est ici la première fois que centralité est employé comme tel. Comme nous le disions au premier chapitre, on voit avec ce document que la « centralité » est une qualité qu'on veut insuffler, impulser, conforter ou développer. Ce projet s'inscrit d'ailleurs dans une double démarche : à cours terme, rassembler les deux pôles du centre pour conforter la centralité et à plus long terme, engager l'extension de la centralité nantaise. En effet les comblements des années 30 et 40 n'ont jamais vraiment produit cette réunification tant attendue, le développement de la voiture et la pensée l'accompagnant ayant remplacé les flux fluviaux par des flux automobiles, créant parfois des frontières encore plus radicales. L'enjeu urbain est donc " de tisser

tournant de la seconde ligne Après ce premier élan fédérateur, la poursuite du tram s'engage sous le premier mandat de Jean-Marc Ayrault en 1989. C'est la poursuite de la politique Chénard, le mandat de Michel Chauty n'ayant pas été marqués par de grands projets. C'est lorsque qu'on engage la deuxième ligne de tramway qu'une vrai vision nouvelle apparaît sur le centre-ville. Nouvelle Centralité pour Nantes a la particularité d'être un grand projet urbain porté uniquement par l'arrivée du tram et dont le programme est essentiellement centré sur de l'espace public. Les projets réalisés jusqu'alors relevaient d'opérations ponctuelles de piétonnisations ou d'espaces verts. Ici une nouvelle vision se dessine à son tour. Alors que Chénard avait fait preuve d'un certain courage politique pour offrir aux piétons la place du commerce. Jean-Marc Ayrault s'attaque ici à un autre espace hautement symbolique : le cours des 50 Otages, le concours est lancé en novembre 1990. Le préambule du dossier présentant le concours est extrêmement riche en informations. Il a la particularité de ressortir les mêmes arguments qu'on a pu lire et entendre jusque là, la saturation de l'automobile, les nuisances associées, la mise en valeur du patrimoine, l'échelle humaine... Même si le diagnostic est classique, - 77 -


Le cours dans les annĂŠes 70

Le cours dans les annĂŠes 90 avant les travaux

Le cours dans les annĂŠes 90 pendant les travaux

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les nouveaux fils qui relieront tous ces éléments et assureront la résurgence du centre " 1

commencement d'un nouvelle forme de vision que l'on porte sur le centre-ville. Alors qu'auparavant on engageait des réflexions globales sur la mobilité et la voirie ( Chénard) ou des opérations plus ponctuelles mais symboliques sur le patrimoine ou l'espace public (PSMV), cette nouvelle démarche apparaît comme le premier projet concret porté sur le « centre-ville » et non sur la ville, comme c'était souvent le cas auparavant. La centralité est ici à la fois un enjeu et une finalité dans la façon de définir le concours. Même si Noël Lépine disait dès le début de l'interview, je crois que sous des formes qui correspondaient à leurs époques, la vision d'un centre de la cité a toujours existé, malgré cela il s'est toujours agit de considérer avant tout les questions techniques et pratiques comme dans la destructions des enceintes moyenâgeuses, ou l'alignement des façades. Dans d'autres cas il s'agissait de mettre en avant une architecture, de marquer une époque, comme dans le quartier Graslin ou les Cours St Pierre et St André. Enfin la deuxième moitié du XXème siècle voulait adapter la ville à la vie moderne et de la transformer profondément dans sa structure et son fonctionnement. Nouvelle Centralité a la particularité d'ambitionner à travers une opération d'espace public de fédérer la globalité de ces visions, historiques et contemporaines et propose une première synthèse des différents outils qui ont pu être utilisés depuis

L'île Feydeau est également au cœur de la problématique, considérée comme la grande oubliée et l'exclue de la ville, ceinturée par de grands axes routiers il faut lui redonner sa place au cœur de la ville. Opérationnellement, le projet se traduira par un réaménagement complet du cours de 50 Otages, et des abords de l'île Feydeau. Sur le cours d'abord, réduire de 8 à 2 voies de circulation pour les voitures et autobus, et dégager de chaque côté de grand trottoirs végétalisés invitant à la promenade, un de ces trottoirs acceillant la ligne de tram. Les anciens feux sont remplacés par des giratoires, fluidifiant ainsi le trafic automobile. Les pourtours de l'île Feydeau sont eux, débarrasse des parkings automobiles au pied des immeubles, un quai piéton dans l'esprit des anciens quais de l'île est créé au sud, et de grandes pelouses penchées viennent rattraper le dénivelé entraîné par le tunnel SNCF. Ces grandes pelouses rappelant l'insularité originelle, dégageant de larges espaces de détentes, et mettant à distance le bâti afin de mieux percevoir sa qualité architecturale. Ce

concours

marque

le

1. Mairie de Nantes, Une Nouvelle Centralité pour Nantes, Dossier de consultation de novembre 1990. - 79 -


la fin de la guerre, la mise en valeur et la restauration du patrimoine, la pietonnisation et la création d'espace publics, et la réflexion sur la mobilité urbaine, tout en prétendant à une position forte sur l'échiquier européen. Le document insiste d'ailleurs sur cette évolution en parlant de « grand dessein », et donne le ton à la suite des événements, en parlant d'acte culturel il pose les fondements d'un « ADN nantais » dans sa politique et son approche urbaine.

la vile. Acutellement assoupin le centre prenant du etard, doit être revitalisé. Il deviendra pleinement public, lieu privilégié d'anmation et de représentation, rendu à la fréquentation piétonne, source de convivialité. Le cœur de '' Nantes la surprenante '' se découvrira au travers de ce '' grand dessein ''. Ce sont les enjeux et paris de cet acte culturel majeur. 2

Nantes à pensé, jusqu'à un passé récent, que la solution à la pente naturelle de son histoire résidait dans les grands chantiers monumentaux. De nouveaux concepts plus larges et novateurs sont nécessaires. Faisant référence à des conceptions jeunes et actuelles, ils procèdent du principe de grand projet ou « grand dessein fédérateur » et dégageant la notion de Nantes ville européenne. Déjà Lille, Lyon, Barcelone, Bordeaux, Aix..., pensent et décident l'avenir, moins en termes d'objets remarquables qu'en termes d'aménagements urbains intéressant le centre-ville Nantes entend les accompagner et surprendre. La sauvegarde et la mise en valeur de son cœur historique mérient plus et mieux que ce qui est actuellement proposé. Il faut en entreprendre un aménagement novateur, voir même surprenant, donnant une nouvelle centralité à

2

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ibid.


Un des schémas fourni avec le dossier de consultation, il vise à décrire la séquence urbaine entre le cours des 50 otages et l'île Feydeau - 81 -


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III.L'affirmation d'un modèle : le Cœur de Ville

"Nantes a pensé, jusqu'à un passé récent, que la solution à la pente naturelle de son histoire résidait dans les grands chantiers monumentaux. De nouveaux concepts plus larges et novateurs sont nécessaires. Faisant référence à des conceptions jeunes et actuelles, ils procèdent du principe de grands projet ou de grand du dessein fédérateur" et dégagent la notion de Nantes ville européenne. Déjà Lille, Lyon, Barcelone, Bordeaux, Aix pensent et décident l'avenir, moins en termes d'objets remarquables qu'en termes d'aménagements urbains intéressant le accompagner et Nantes entend les accompagner et les surprendre . effets La sauvegarde et la mise en valeur de son coeur historique méritent plus et mieux que ce qui actuellement proposé. Il faut en du qui est actuellement novateur entreprendre un aménagement diminution voire même surprenant, donnant une nouvelle centralité de la ville. Actuellement assoupi, le centre prenant du retard, doit être revitalisé. Il devienda espace pleinement public, lieu privilégié d'aimation et de représentation, rendu à la fréquentation piétonne source de convivialité." Nouvelle Centralité pour Nantes

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Lors des chapitres précédents nous avons vu comment l'idée d'un centreville est peu à peu apparue et quels ont été les outils qui ont contribués à sa mise en place au cours des dernières décennies, l'apparition de la question piétonne s'est rapidement dessinée et continue encore à se développer aujourd'hui. Enfin la notion même de centre-ville semble aujourd'hui, à travers la rhétorique employée et dans la vision véhiculée, totalement indissociable de la question piétonne, ou plutôt des questions piétonnes puisqu'elles recouvrent désormais une multitude de domaines et de secteurs de l'urbain marginalisant ainsi celle de l'automobile. Ce qui était à l'origine presque une opération de sauvetage, de sauvegarde tout du moins, s'apparente aujourd'hui davantage à une recette du succès. Même si les autres centrescommerciaux, continuent à se diversifier et à se réinventer, pour celui qu'Alain Robert qualifie du plus grand centre commercial Nantes, à savoir le centre ville, on ne doute pas que la concurrence est rude. Cette concurrence locale amène à toujours faire preuve d'inventivité. Aujourd'hui l'idée d'un cœur apparaît, avec son miroir d'eau, ses promenades, ses rues, ses places, ses parcs, son patrimoine. Un cœur de ville. Même si cette notion n'est pas réellement définie, elle semble agir comme une sorte de label pour qualifier le centre-ville. A la fois présent sur les panneaux de

signalisation à vocation patrimoniale, c'est également l’appellation que l'on retrouve sur les plaquettes de communication accompagnant chaque transformation. Ce terme semblerait être destiné donc autant au riverain qu'au touriste. Ce « cœur de ville » veut induire l'idée d'une unité du centre, en utilisant un vocabulaire plus imagé, une identité facilement identifiable malgré la variété de ses symboles, comme une marque, on retrouve son logo, ses publicités, ses produits. Ainsi la question de l'image semble être au cœur du processus. On semble être dans un troisième temps, loin du premier PSMV Nantais prescrit en 1972 et approuvé en 1983, loin aussi des premières piétonnisation, de la place du commerce ou du Bouffay, aujourd'hui l'enjeu de ces espaces publics, est autant se satisfaire leurs adeptes que d'en séduire leurs futurs usagers. Cette satisfaction, ne semble pas seulement liée à l'usage direct qu'on peut en avoir, mais également à l'image qu'on en a. Le site de Nantes Métropole nous dit « Un centre ville agréable et convivial passe par la qualité de ses espaces publics, lieux d’échanges, de rassemblement, de détente et de découverte touristique. Le développement de la marche à pied, notamment dans le centre ville, s’appuie sur une attention soutenue portée au patrimoine architectural et à la mise en valeur commerciale » Le trio, patrimoine, commerce, espace public est une constante de - 85 -


la rhétorique contemporaine, pour parler du centre ville. Le patrimoine pouvant être le socle ou le décor, à l'image des rues du Bouffay, du Château, ou de la place Royale, le commerce c'est l'activité, ce qu'on fait au sein de ce décor, ce qui attire et occupe les usagers. Enfin l'espace public ici se veut être un liant, une sorte de dénominateur commun au décor et à l'activité. Un liquide amniotique qui permet d'équilibrer et de conjuguer les deux aspects. De décomplexer les uns et les autres. Entre le musée et le centrecommercial. Cependant c'est bien à cet interstice que le marketing urbain se développe. La décentralisation, la tertiarisation, et l’européanisation, ont indubitablement entraîné, la mise en concurrence des territoires. Ainsi Nantes à fait un certain nombre de pari, pour se rendre plus attractive, certains d'entre eux relativement tenus étant donné son état dans les années 90. Le marketing urbain est une des résultante majeur de cette mise en concurrence, aujourd'hui une ville se vend. Pour les vacances, ou pour toute l'année. L'objet ici ne sera pas de revenir sur l'ensemble du phénomène « marketing urbain ». Mais d'aborder ses manifestations au sein de l'espace public. Notamment à travers la révision du PSMV en cours actuellement, et qui suppose un nouveau style d'interprétation par rapport au document des origines. Même si la question de la mise en valeur a toujours

été essentielle c'est son objet qui semble changer aujourd'hui, alors que l'enjeu était auparavant de sauvegarder le patrimoine d'antan, l'idée de patrimoine a bien sûr évolué mais semble surtout être un moyen pour mettre en valeur l'image de la ville. Une collection de symboles hétéroclites venant composer une carte postale de la ville. Ainsi les immeubles penchés du quai de la Fosse, côtoient Château des Ducs et Tour de Bretagne, quand la grue Jaune et l’Éléphant viennent élargir le panel admissible. Le tout relié par une ligne verte traversant l'ensemble des espaces piétons de la ville. Le voyage à Nantes incarne pleinement ce virage, à travers les volonté de rendre la ville attractive, on la transforme peu à peu en un parc d'attraction, avec sa cantine, ses terrains de jeux, ses boutiques de souvenirs. Sans rentrer dans une critique frontale avec ce projet culturel d'envergure. Il est important d'essayer de comprendre d'une part à quel point la culture et la communication sont aujourd'hui totalement imbriqués l'un et l'autre à l'image à l'image de la dénomination de notre ministère et également quelle place cette culture/comm' prend-elle au sein du « Cœur de Ville » et comment en devient elle un élément d'équilibre participant à l'identité à l'image, et venant diversifier le trio patrimoine, commerce, espace public.

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Une vue de l'axe piéton, Graslin-Cathédral, à la période de Noël en 2012, MétroNews

Une randonnée Roller, place Ricordeau en 2013, Ouest-France

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Changement de paradigme dans le rapport aux piétons

contraignante, mais également une façon de profiter de la ville. Paradoxalement les premiers espaces piétons suggéraient plus la pause, que le déplacement. En proposant des espaces dénués de nuisances automobiles, au sein desquels les aménagements ne suivaient plus uniquement des considération techniques, les villes et les urbanistes ont voulu d'abord que les habitants des villes s'y arrêtent avant qu'il ne s'y déplace, avec l'offre commerciale comme argument premier. Ces premières expériences ont eut pour résultat de créer une culture piétonne, en développant chez les gens un regain d'intérêt pour l'activité et le loisir en ville. Parallèlement à cette démarche, les questions relatives aux mobilités ont également largement évolué. L'arrivée des tramways et le développement du vélo ont continué à désengorger le cœur des villes de la voiture, et ont peu à peu renforcé cette culture piétonne. Si les arguments se sont renouvelés, avec l'arrivée en force de l'écologie parmi les préoccupations des élus, la nature des projets est restée la même. On peut parler d'intensification du modèle plutôt que d'évolution. La voiture étant reléguée toujours plus loin du centre, l'offre en transport en commun continuant à se développer et à se diversifier, et la place donnée aux vélos et aux piétons étant toujours plus importante. Alors que les campagnes de piétonnisation étaient au départ appliquées à des secteurs

En confrontant Les Rues Piétonnes de 1972 de et Vers une marche plaisir en ville de 2012, j'ai pu constater d'un point de vue plus académique, l'évolution des pratiques sur les questions piétonnes dans la vision et la planification des villes. En effet, alors que le premier ouvrage se positionnait sur la dimension du lieu lui même, en insistant sur la vocation commerciale, l'ouvrage contemporain insiste sur la question du déplacement. Ces deux ouvrages semblent avoir été conçus de la même façon, et sont destinés à un public similaire, élus, techniciens et autres acteurs de la ville, à travers des exposés théoriques et des exemples concrets, ils se veulent incitatifs. Les trente années qui séparent leur publication incarne parfaitement l'évolution des mentalités spécifiquement sur la question piétonne. Le développement des rues piétonnes dans les années 70, 80 puis 90 en suivant la pensée de l'époque a donné naissance à un nouveau type d'usagers : les piétons. Si les habitants des villes ont toujours utilisé leurs jambes pour se déplacer, les piétons incarnent justement ce changement, la marche n'est plus seulement une façon de se déplacer - 88 -


restreints, concernant quelques rues et une place, on assiste aujourd'hui à une volonté d'unifier l'ensemble de ces espaces et de constituer une sorte de trame urbaine, devant un moyen de transport à part entière. La culture piétonne apparue à la fin du XX ème siècle aspire à devenir à terme une culture de la marche en ville, puisqu'on y intègre la question du déplacement. Alors que la marche était envisagée au départ comme une activité de loisir, les acteurs de la ville veulent désormais en faire une activité quotidienne. Comme la voiture en son temps, le constat apparaît que les réseaux de transports en communs arrivent eux aussi à saturation, la marche apparaît comme la solution miracle du XXI ème siècle pour se déplacer dans un environnement urbain. "Il ne s'agit plus de considérer le piéton comme un flâneur. Le piéton est un véhicule comme un autre, et il s'agit de lui donner la place qui lui revient de plein droit dans la mobilité urbaine"1Enfin alors que les trente glorieuses incarnaient le culte de la vitesse, l'époque contemporaine semble davantage promouvoir la lenteur. Celle-ci beaucoup mieux acceptée aujourd'hui et même souvent insufflée. Sur la lenteur comme dimension urbain, le géographe Patrick Poncet nous raconte ceci :

" Plus l'urbanité d'un lieu est forte, plus la vitesse de déplacement y est lente. Plus loin on se situe d'un lieu urbain, plus la vitesse de déplacement est importante. Dans l'hypercentre d'une ville tout est fait pour ralentir le passant. On instaure par exemple des zones piétonnes ou à trafic limité, les vitrines sont aussi là pour marquer l'attention. Ca n'a pas grand sens de parcourir une rue piétonne le plus vite possible dans un centre-ville, dans les rues avoisinant le centre, la vitesse est en général limité par le trafic dense, par la configuration étroite des rues ou par la signalisation et plus on s'éloigne du centre, plus grande sont les artères, plus rapide est la vitesse de déplacement. Si nous connaissions la vitesse moyenne de déplacement des personnes à chaque point du pays, nous obtiendrions donc une carte des villes du pays. Une carte tout en nuance, une carte de l'urbanité. En associant l'idée de lenteur à celle d'urbanité il nous montre comment

1. LAVADINHO, Sonia, WINIKIN, Yves (sous la coor. de), Vers une marche plaisir en ville, Boite à outils pour augmenter le bonheure de marcher, Lyon, CERTU, 2012, 231 p.

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la perception du cadre urbain a pu évoluer. La lenteur est incarnée par les gens, les citadins, les usagers, c'est leurs vitesses qui contribuent à donner ou nom un caractère urbain à un lieu. On ne parle plus du décor mais de ce qu'il s'y passe. "2

suite de critique dont nous avons déjà parlé ici, et insiste sur le fait que ces derniers n'avaient pas pour vocation d'engendrer une vrai dynamique de déplacement. Différents laboratoires urbains ont partout en Europe tenté d'inventer de nouvelles solutions pour pousser le piéton à devenir un marcheur et non plus un flâneur. De nouveaux outils sont apparus, les zones de rencontres notamment. Cet ouvrage a pour but de promouvoir ces nouveaux outils et de regarder la mobilité en terme de cohabitation pacifique plutôt que la domination d'un mode sur un autre comme cela a pu être le cas avec la voiture, puis la piétonnisation dans un second temps. Il souligne également l'importance d'apporter une nouvelle symbolique à ces espaces, pour qu'on soit davantage dans une démarche d'invitation spontanée que dans une incitation par la contrainte. Les urbains sont aujourd'hui automobilistes autant qu'ils sont piétons et il est important de faciliter les pratiques des deux côtés. En apportant une valeur symbolique aux espaces de déplacement, l'enjeu est de contribuer à cette incitation en allant bien au delà de la déambulation et de l'engouement commercial. Comme la piétonnisation a voulu en son temps changer les habitudes et changer la vie des citadins, la ludification est promue ici comme un nouveau moyen de changer la ville et de créer de nouvelles interactions entre les gens et entre leur lieu de

Dans sa présentation des enjeux de la marche en ville, Vers une marche plaisir en ville, dresse un constat très actuel du rapport des urbains à la mobilité. " L'émergence d'un usager véritablement multimodal, de plus en plus maître des métriques pédestres annonce l'essor d'une véritable culture de la marche en milieu urbain. D'un comportement centré sur les transports individuels motorisés, les urbains mobiles se dirigent vers un usage occasionnel, d'un bouquet de transports à prédominante durable, dont le fil de transmission est sans conteste la marche. "3 Une fois ce constat dressé, vient le temps de la propositions. En effet, si une culture piétonne s'est réellement développée et que les recettes n'ont pas réellement changées, y apporter de nouveaux ingrédients demeure nécessaire pour continuer leurs promotions. L'ouvrage affirme d'ailleurs que « les espaces piétons ont fait leurs temps » en relevant une 2. Patrick Poncet, La rue, lieu de passage et de rencontre, Chronique : Le temps de la Géographie, France Culture, diffusé le 20/07/2015 3. LAVADINHO, Sonia, WINIKIN, Yves (sous la coor. de), Vers une marche plaisir en ville, Boite à outils pour augmenter le bonheure de marcher, Lyon, CERTU, 2012, 231 p.

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vie. En rendant l'espace public ludique, l'ambition est de donner un nouveau regain d'intérêt à la ville et d'insuffler de nouvelles pratiques, au sein d'une ville en constante mutation. A travers un catalogue d'exemples larges et variés sur lesquels nous ne reviendront pas ici, l'ouvrage incite les décideurs et planificateurs à adopter ces nouvelles solutions pour leurs villes. Nous allons essayer de voir maintenant comment Nantes s'est inscrite dans ces nouvelles dynamiques et comment son modèle de centre-ville a évolué depuis Nouvelle Centralité.

Des panneaux signalisant les éléments patrimoniaux et la distance à parcourir à pieds, cours St-André - 91 -


Le Cas Nantais

de construire un centre-ville « actif, attractif, accessible et habité » . Le projet urbain Cœur de Nantes 2015 vise donc ces objectifs, à la fois affirmer la position du centreville de Nantes à l'échelle de la métropole, tout en améliorant des points importants propres à celui-ci. Il faut considérer le contexte dans lequel s'inscrit ce projet. Si celui-ci s'incrit dans l'agenda de la révision du PSMV, il ne faut pas perdre de vue les autres événements qui ont eut lieux. En dix ans Nantes a affirmé sa position de grande ville française avec une grande qualité de vie. Cherchant à attirer et à être visible à l'échelle européenne, elle a développé au cours des dernières années d'autres projets que celui du centre-ville. En suivant la dynamique européenne de renouvellement urbain à l'ère post-industrielle, l'île de Nantes et ses 15 années de transformations ont donné une grande visibilité à la ville, tout en réduisant les crédits alloués sur le centre-ville. Ce projet urbain ayant pour particularité de faire face au centre-ville, l'attention y étant portée et les budgets alloués se devaient d'être d'envergure. Les espaces dégagés et l'approche menée sur ce nouveau territoire ont été l'occasion pour la municipalité d'expérimenter de nouveaux types de projets. La vocation culturelle de la ville est apparue, et Nantes s'est affirmée comme une métropole avant-gardiste en terme d'urbanisme. La mairie socialiste, bien installée

Le cas Nantais nous donne une collection d'exemple variés, dans l'approche contemporaine sur le centre-ville. Et nous essaierons de dresser une sorte de chronique du projet urbain en cours pour comprendre dans quelle mesure il s'inscrit lui aussi dans la continuité de la fabrique urbaine depuis 50 ans. Ce qu'il est intéressant de noter c'est que la réflexion actuelle sur le centre-ville semble s'inscrire définitivement dans la poursuite de ce qui avait été entamé avec Nouvelle centralité. Dans cette continuité, les années 2000 ont vu la ville se développer, le tramway poursuivre son développement, d'autres espaces piétons se développer, et le renforcement de son image comme ville dynamique. Si la centralité semble aujourd'hui acquise, le centreville est désormais envisagé comme un ensemble complexe regroupant une multitude de strates mais dont l'identité et l'unicité semblent être bien définis aujourd'hui. Cette vision de la ville a contribué à l'objectiver pour en faciliter la planification et la réinvention. Les nouveaux documents apparus et notamment le PLU, posent de nouveaux enjeux pour le centre. Si les décennies passées ont contribué à définir et affirmer le centre-ville, la Plan d'Aménagement et de Développement Durable amène lui à savoir ce que contient ce centre. La volonté de ce plan est - 92 -


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Extrait du PDF de communication, Se Déplacer en Centre-Ville, 2012, sur le site de Nantes Métropole - 93 -


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depuis 1989 doit donc aujourd'hui trouver de nouvelles façons de réinventer le centre-ville, avantgardiste dans les années 1990 mais relativement classique en 2010. Par ailleurs des projets d'envergure sur le centre et ses abords sont prévus. La poursuite du projet île de Nantes bien sûr, mais aussi le renouvellement du bas Chantenay, la futur gare multimodale et son centre d'affaires Euronantes, et enfin le transfert du CHU. L'apparition de ces nouvelles données dans la réflexion urbaine ont amené les acteurs à envisager le centre-ville, comme une interface entre tous ces pôles autant qu'un cœur métropolitain. L'ambition des années 1990 prévoyant, l'extension du centre à l'est est toujours d'actualité, et le quai de la Fosse a aujourd'hui le statut de l'île Feydeau à l'époque, un joyau patrimonial qu'il faut redonner aux nantais. Si la question patrimoniale reste un enjeu majeur, la révision du PSMV semble être nécessaire pour engendrer de nouvelles dynamiques, et s'adapter au nouveau contexte politique et géographique. En effet, on parle plus aujourd'hui de métropole que de ville, et de le développement du centre-ville doit se faire en conséquences. D'autre part le regard porté sur ce qui fait patrimoine a beaucoup évolué, et le PSMV ne doit plus rester un document veillant la bonne conservation des édifices historiques mais doit s'inscrire dans les nouvelles dynamiques urbaines

que connaissent la ville aujourd'hui. Le tourisme en est une, malgré une offre patrimoniale importante et variée, Nantes doit se détacher de l'image d'un secteur sauvegardé s'apparentant à une ville-musée, aux attractions un peu vieillottes. Les touristes contemporains sont tant de futurs habitants potentiels qu'il faut parvenir à séduire. Ru

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C'est sans doute une des raisons pour lesquelles Nantes semble avoir adopté une vision très piétonne de son aménagement. Il faut maintenant tenter de savoir si elle a poursuivi la dynamique piétonne et commerciale des années 70, 80 ou si elle a proposé au fil des évolutions une nouvelle approche de la question piétonne. L'axe piéton historique allant de la place Graslin à la cathédrale est aujourd'hui presque achevé, et la proposition d'axes parallèles vient s'ajouter en complément à celui-ci. On assiste donc à une diversification des modes de piétonnisation. La volonté de créer un « axe majeur pour redonner vie au bras mort de la Loire » allant de la gare SNCF jusqu'à Chantenay en fait partie. Néanmoins, ces dernières années ont été une poursuite de la piétonnisation engagée avec la place du Commerce dans les années 1980. La place Royale ayant été à son tour piétonnisée en 2006, l'axe Marne – Barrillerie devenant un axe commercial majeur et plus récemment la place Graslin vient ellargir cette trame. Il s'agit Rue

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malgré tout d'un urbanisme visant à favoriser le commerce et comme le disait Alain Robert « l'offre commerciale c'est vraiment l'ADN, du centre-ville, et c'est vraiment ça qui différencie le centre-ville de tous les autres quartiers. C'est le plus grand centre commercial de toute l'agglomération, c'est un centre commercial à ciel ouvert, avec ses lieux de déambulation, ses promenades, ces lieux de détentes et avec une diversité de l'offre extraordinaire...». Le développement de la promenade nantaise s'inscrit dans une démarche légèrement différente. D'abord on retrouve les constats qui ont pu être émis lors de Nouvelle centralité. Il faut réunifier les différents quartiers qui composent le centre-ville, et cela passe par investir les bras comblés. En résorbant les coupures entraînées par le développement des transports, et en facilitant la lecture entre les différentes parties qui composent la ville.

Comme nous l'avons vu plus tôt, l'offre commerciale est indispensable à l'attractivité et contribue à la rentabilité économique de tels projets. Ainsi la promenade Nantaise, traversant le centre d'est en ouest a été accompagnée du carré Feydeau, vaste emprise commerciale surplombée par des logements dans le prolongement de l'ancienne île éponyme. Le projet envisage aussi de développer un équipement similaire à l'ouest de l'île et un autre au niveau de l'hôtel de ville. Constater cette réalité, fait relativiser beaucoup de choses. On s'interroge d'une part sur les véritables ambitions des politiques, parmi tous les usages auxquels aspire le centre-ville, le commerce semble conditionner le développement des autres. L'attractivité du centre-ville et le succès de sa vitalité ne serait que le résultat d'une offre commerciale diversifiée, le reste faisant office de décor. Ce décor c'est le cadre patrimonial que propose le centre historique de Nantes. Sa restauration engagée dans les années 70 par la délimitation du secteur sauvegardé puis de l'application du PSMV est aujourd'hui bien avancée. Alors qu'on parlait volontiers de sauvetage il y a trente ans, le patrimoine est avancé aujourd'hui essentiellement comme un atout touristique, et il se trouve en effet que l'adjoint au maire au patrimoine et l'archéologie est également en charge du tourisme.

La question du fleuve, non comblé cette fois ici est également importante. Très présent jusqu'au début du XX ème, celui-ci a été relégué aux frontières du centre avec le comblement, et l'enjeu de « retrouver le fleuve » est un des arguments principaux en faveur de ce projet. Comme « rendre le centre aux piétons » à l'époque, il s'agit aujourd'hui de « rendre le fleuve aux piétons » en ouvrant le centre sur celui ci. Malgré cela, l'argumentaire commercial est toujours très présent.

Analyser le projet urbain en cours - 96 -


Coeur de Nantes 2015 n'est pas une tâche aisée car il s'agit d'un projet en cours. Il apparaît à la fois comme la volonté de poursuivre et d'achever ce qui avait été entamé dans les décennies précédentes, mais se positionne également comme une simple étape dans l'évolution urbaine de Nantes. En décortiquant les documents de communications disponibles, on a très vite un sentiment de déjà vu. Les ambitions et les enjeux posés sont les mêmes qu'il y a trente ans, renforcer l'offre commerciale, améliorer l'attractivité, requalifier les espaces publics, rendre la déambulation plus agréable... La vision portée sur le centre semble clairement définie, et les espaces d'interventions semblent être ceux qui restent et sur lesquels on a pas encore eu l'occasion d'intervenir. En jouant beaucoup sur la rhétorique, de la diversité, du puzzle, et de la cohabitation que ce soit sur les populations, le patrimoine, l'offre commerciale et culturelle ou encore la mobilité, les élus et acteurs qui mènent le projet paraissent avoir une visions extrêmement précise de comment il voit leur centre-ville. L'image que veut renvoyer la ville aussi bien à elle même qu'aux autres semble être tout aussi importante que la ville elle même.

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L'image au « cœur » de la ville

été aussi importante qu'aujourd'hui et on retrouve cette culture de l'image à tous les niveaux de la société, ce n'est donc pas que propre à la ville.

La question du centre-ville, du Coeur de Ville en l'occurence apparaît aujourd'hui comme un enjeu majeur de communication pour les élus, et se veut être une vitrine de la vie nantaise. Si les acteurs de la ville ont toujours véhiculé et proposé des « visions » pour la cité, et pour son centre, l'image est devenue aujourd'hui la nouvelle grande composante du travail sur l'urbain. Il faut essayer de saisir les tenants et aboutissants qui ont fait émerger cette culture de l'image dans le développement urbain. Il y a une d'une part cette nécessité de l'image inhérentes aux processus de conceptions et de projections de la ville. L'image a en effet toujours été un outil indispensable à la fixations des idées, et un support d'échange privilégié. D'autre part la période actuelle, post-industrielle, décentralisée, européenne inflige aux villes une concurrence rude les unes par rapports aux autres, et pousse les municipalités à redoubler d'efforts pour booster leur attractivité. Ainsi on a vu apparaître le marketing urbain dans les années 90, pratique qui, en reprenant les outils du marketing produit conventionnel, cherche à vendre une ville comme on vent un produit. Il faut aussi ajouter que notre époque est une époque d'images. Leur présence n'a jamais

Nouvelle Centralité en 1990 esquissait déjà cette nouvelle approche de l'image, en disant que c'était du cours des 50 Otages que « se présentait l'image de la cité pour des siècles à venir ». En prolongeant cette idée, on peut considérer que la centralité elle même est une dynamique d'image et de communication. Si la centralité caractérise ce qui est central, l'enjeu de celle-ci, n'est-il pas avant tout de rappeler qu'on est au centre en mettant en avant justement ce qui le symbolise. La question de centralité s'accompagne depuis toujours de la question de l'image. Quand dans les années 60, la centralité se caractérisait par l'importance décisionnelle d'un espace, dans les années 70 et 80 il s'agissait de mettre en avant la richesse du patrimoine passé pour conforter la centralité. Il s'est agit dans les années 90 d'affirmer la centralité à travers un moyen de transport innovant qui grâce aux aménagements qu'il implique, permet de créer un espace commun pour mettre en valeur la pluralité des identités. Quid de 2015 ? Au fil des décennies ce jeu d'image que la gestion urbaine engage s'est complexifié et tend désormais à devenir de plus en plus important - 100 -


tout en étant de plus en plus subtil. La diversité des supports, des institutions et des destinataires, entraine donc cette multitude d'images d'un nouveau genre. Si on reste focalisé sur le projet urbain lui même, on comprend dès l'intitulé « Coeur de Nantes » quels en sont les enjeux. Il y a comme nous l'avons déjà dit, la poursuite d'une démarche entamée il y a déjà longtemps, parler de cœur de ville c'est amener des termes nouveaux pour parler de ce qu'on faisait déjà. Secteur sauvegardé, nouvelle centralité, Coeur de Nantes, sont tant de termes utilisés par les décideurs pour parler de leur centre-ville en terme d'objectifs et non d'environnement déjà existant. L'objectif principal avancé à travers la campagne de communication est de doter la métropole d'un cœur à la hauteur de son ambition et qu'il soit donc en adéquation avec ses objectifs. Ses ambitions sont celle d'une grande métropole européenne et tous les élément que cela implique. Elle se doit d'avoir une activité économique importante, une histoire riche, un cadre esthétique, une offre culturelle bouillonnante, et un politique audacieuse et novatrice. L'écologie grande nouvelle venue dans les projets politiques est également au cœur de ces préoccupations. En étant European Green Capital en 2013, Nantes additionne ses acquis tout en multipliant ses ambitions. L'accumulation de ces reconnaissances symboliques dans

le domaine de l'écologie, mais aussi dans le domaine de la connaissance, ou de la qualité de vie grâce à différents classmements, incarnent l'aboutissement de certaines politiques autant qu'il annonce le point de départs de nouvelles, amenant donc les élus à proposer une image de la ville toujours plus définie et claire tout en étant toujours plus diversifiée. Cette mise en avant de ces symboles et de ces caractéristiques sont pour les élus comme pour les citoyens une façon de donner une base de réflexion et de perception du territoire. Au delà de la simple attractivité, dessiner l'image d'une ville fantasmée comme le font les cartes-postales permet à chacun de stimuler sa vie de citadin et d'en envisager les potentiels. C'est en créant un décor clair et défini, qu'on cherche à améliorer le cadre de vie des gens. Cette esthétisation de l'urbain est propre à notre époque, car elle dépasse largement la simple mise en valeur des formes construite du patrimoine comme ce fut le cas à une époque. La dynamique actuelle vise à extraire en plus du cadre bâti, une quantité de phénomènes et de symboles rentrant en compte dans la construction de ce cadre. En les fixant dans le temps, l'esthétisation délimite un cadre clair à cette vision de la ville. Tout se doit être d'être bien fini et arrêté, et même l'accident doit contribuer à cette conception figée. Dans sa Critique de l'esthétique urbaine, Henri-Pierre - 101 -


Détournement d'une publicité de Nantes Métropole par le collectif 44 = BZH

Extrait de la communication de Nantes Green Capital

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Jean-Marc Ayrault a réveillé Nantes, sa «Belle endormie» 20 Minutes , 14 mai 2012

En 1987, les chantiers navals de Nantes fermaient leurs portes. Vingt-cinq ans après ce traumatisme local, leurs anciens ateliers accueillent un bestiaire d’animaux mécaniques, inspirés de l’univers de l’écrivain nantais Jules Verne, et que visitent chaque année 250.000 personnes. La métamorphose du site, installé sur une île de la Loire, en dit long sur celle que Jean-Marc Ayrault à faire vivre à sa ville, depuis sa première élection en 1989. Le député-maire socialiste de Nantes, élu à chaque fois dès le premier tour, a su réveiller celle qu’on surnommait «La Belle Endormie» à la fin des années 1970. Le développement des lignes de tramway a accompagné une transformation urbaine spectaculaire, tandis que les ouvriers de la navale ont été remplacés par les salariés de nombreuses sociétés de services. Beaucoup viennent de la région parisienne, sans doute encore attirés par «l’effet Côte ouest», l’un des premiers slogans de la municipalité de Jean-Marc Ayrault dans les années 1990. La politique culturelle de Nantes, servie par une habile communication, a aussi redonné une image positive de la ville. «Il a acquis sa légitimité par son sérieux et son travail» Le succès local de Jean-Marc Ayrault s’explique aussi par sa personnalité. «Terne» et «pas charismatique» selon ses détracteurs, cet ancien prof d’allemand de 62 ans – qui n’a pas fait l’ENA – est en réalité en phase avec l’électorat de l’ouest de la France, où l’on apprécie la modération et le sens du consensus. «Ce n’est pas un m’as-tu-vu ou une grande gueule, mais il a acquis sa légitimité par son sérieux et son travail», confirme Pascal Bolo, son adjoint socialiste en charge des finances et ancien directeur de cabinet. Son succès est tel que Jean-Marc Ayrault est en train d’établir un incroyable record de longévité parmi les maires de Nantes. D’après les archives municipales, qui remontent à 1564, il égale cette année celle d’un certain Julien Proust (1693-1716). Si le nouveau Premier ministre était allé au bout de son mandat actuel, en 2014, seul un de ses prédécesseurs, Ferdinand Favre, serait resté plus longtemps que lui à l’Hôtel de ville, mais en deux mandats distincts (1832-1848 puis 1852-1866). - 103 -


Jeudy nous parle de cette volonté de construire une image figée des villes. "Curieusement, l'apparence pétrifiée d'une ville excite le jeu de construction de nos images. La ville endormie, la ville silencieuse, la ville abandonnée serait-elle à l'origine d'une aventure des glissements métaphoriques ? Plus la ville ressemble à une carte postale, plus elle évoque le principe d'un arrêt sur image, d'une suspensions du temps, plus elle stimule ce mouvement de la construction métaphorique mouvement qui s'ordonne de lui même qui produit son propre enchainement. "1 Si on prend les périphrases servant à qualifier Nantes, on assiste à ce jeu d'image qui se construit par rapport à un projet. La belle endormie n'est utilisée que depuis les années 1990 dans le jargon journalistique et communicant. Cette expression est utilisée rétroactivement dans la majeure partie des cas, qualifier la ville de belle endormie insiste davantage sur le fait qu'elle s'est désormais réveillée. « À partir de 1989, une majorité de gauche et de progrès réveilla Nantes, la belle endormie », lit-on ainsi sur le site web de Nantes Métropole . Un blogueur critique de la politique municipal a relevé qu'au fil de l'histoire des dizaines de villes se sont autoqualifiées de belles endormies et que l'usage de ces figures de styles relevaient essentiellement de langage politique. Dans le cas de

Nantes, en la ramenant à son passé ouvrier en déclin, au traumatisme de ses comblements, on met en valeur le présent et donc la dynamique en action. Cette construction imaginaire est aussi importante pour les élus et autres acteurs de la gestion urbaines, la nécessaire relation entre image et concept. En créant une image affirmée et précise de la ville qui existe, ils peuvent alors envisager l'avenir et les projets qui l'accompagne de façon plus claire. Chaque projet émanant d'une vision de la ville étant elle même le produit de précédents projets. "Lorsqu'il s'agit de concevoir la ville, les « gestionnaires de l'urbain » se trouvent confrontés à une relation incessante entre l'image et le concept. La dimension métaphorique de la ville n'est jamais épuisée par sa conceptualisation, elle persiste comme la possibilité de ses métamorphoses. Gérer la ville, construire son développement supposent la mise en œuvre d'un processus de réflexivité qui, ordonnant les représentations de l'espace urbain, permet l'exercice d'un certain formalisme conceptuel. Ainsi le concept peut il apparaître comme une réduction des métaphores, comme un arrêt sur image à partir duquel la ville devient un objet intelligible susceptible d'être traité comme tel." 2

1. JEUDY, Henri-Pierre, Crique de l'esthétique urbaine, Paris, Sens&Tonka, 2003, 165 p., collection Socio 10/vingt

2. ibid.

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Les projets urbains contemporains semblent être de ce fait des projets d'images urbaines autant que des projets de villes. Nantes possède plusieurs exemples de ces contradictions. Lors de la rénovation du cours des 50 Otages en 2012, la grande piste cyclable en son centre a été l'un des axes phares du projet. Elle illustre la volonté de développement durable de la métropole, permet au cycliste une position confortable et privilégié au sein de cet axe urbain historique. On la retrouve sur bons nombres de documents de communication et s'inscrit dans un tracé bien plus large, traversant la métropole du nord au sud . Le problème, même si cela semble être un détail, c'est qu'elle n'est pas du tout pratique pour les cyclistes, certains la qualifiraient même de dangereuse, et l'anarchie de la jonction entre les deux lignes de trams en lieu et place de la confluence historique montre que si les aménagements sont là, la cohérence fait parfois défaut. Une autre illustration de cela est en cours devant le château. Il semblerait que Nantes ai voulu se doter absolument d'un miroir d'eau et pour cela, pour se faire il a été nécessaire de déplacer la route qui longeait le monument jusqu'alors, il a donc été décidé de détruire partiellement le parc. Un article de Ouest-France illustre les désillusions qu'ont pu avoir les riverains, usagers du parc pour certains, lors d'une réunion publique d'information où l'adjoint à l'urbanisme présentait les vertus de la piétonnisation alors que les habitants pointaient le nombre conséquents d'arbres coupés.

Photo du chantier du Square Mercoeur, au niveau du fur miroir d'eau en 2013, MétroNews - 105 -


La suppression du square Élisa-Mercoeur passe mal Ouest-France , 4 juin 2011

Une rue déviée, un rond-point créé et une zone verte face au château Le projet a été glissé dans le paquet cadeau de la piétonnisation du centre-ville de Nantes. Lors d'une grande conférence de presse « événement », où l'on a beaucoup parlé « d'apaiser la circulation » une expression très « tendance ». Dans le cadre de ce projet global, il a été évoqué « le glissement » ou le « transfert » du square Élisa-Mercoeur vers le château. Le but étant de dévier la rue Estienne-d'Orves quasiment le long de la voie de chemin de fer. Il a été aussi fait état de la création d'un grand rond-point en lieu et place de l'actuelle fontaine. Une image de synthèse où on voit le château et beaucoup de « vert » ¯ une couleur toujours très présente dans les documents de communication ¯ a été même été projetée à cette occasion. Cet aménagement s'inscrit aussi dans le cadre de la création d'une promenade pour relier la gare, le château et le coeur de ville. Combien d'arbres coupés ? Mais jamais lors de cette présentation, le mot « suppression » n'a été utilisé. Pourtant si l'on se rend sur le terrain, on comprend vite que pour tracer une rue et un grand rond-point dans un parc, cela nécessite de tronçonner un certain nombre d'arbres. Combien sur les quelque 300 actuels ? C'est la grande interrogation. À laquelle n'a pas répondu Alain Robert, l'adjoint à l'urbanisme, lors d'une récente réunion d'information. « Le projet n'étant pas finalisé », a-t-il argumenté. Le directeur du service espace vert de ville n'a guère été plus explicite. Il a juste dit qu'il y aurait aussi de nouvelles plantations. Au final, l'adjoint a donné rendez-vous dans six mois, pour la présentation du projet définitive. Cette réunion, a été, c'est le moins que l'on puisse écrire, houleuse. L'élu, Alain Robert, adjoint socialiste à l'urbanisme a évoqué la nécessité « de fluidifier le trafic » et « d'améliorer la circulation des vélos et piétons ». Il a dit la volonté de la municipalité de « donner à Nantes une grandeur européenne ». Il a parlé de « l'insécurité » du square Élisa-Mercoeur. Mais ses arguments n'ont guère porté.

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Des riverains très critiques sur le fond et la forme Les participants critiquent à la fois la forme et le fond. Dans la méthode, Ils ont la nette d'impression de ne pas être écoutés, mais que tout est décidé d'avance. Certes, quelques riverains présents ce soir-là, estiment que ces aménagements peuvent apporter du bien être au quartier, mais ils sont beaucoup à penser que ces travaux sont inutiles et nuisibles pour le lieu. « Quid des arbres centenaires qu'il faudra détruire pour réaliser ces aménagements ? », s'insurge un citoyen habitué du square. Une habitante, originaire du Québec, vivant à Nantes, prend la parole : « Vous voulez nous faire croire que tous ces travaux sont faits pour résoudre l'insécurité ? Voilà douze ans que je vis ici et que je passe tous les jours par le square, je n'y ai jamais rencontré de problèmes ». Un autre prend à parti les porteurs du projet : « Vous voulez transformer Nantes en une ville de bobos, une métropole qui rayonnera en Europe. Vos ambitions ne prennent pas en compte les réalités du quartier ». Massacre à la tronçonneuse pour l'opposition Surfant sur ces critiques, le groupe d'opposition nantais Ensemble pour Nantes (l'UMP et ses alliés) a pondu un communiqué intitulé « Massacre à la tronçonneuse. » Tout un programme. Dans ce texte, l'opposition dénonce « une scandaleuse suppression d'arbres, en particulier de la part de la Capitale verte européenne (Nantes le sera en 2013), qui est également mise en oeuvre pour la promenade reliant le coeur de ville au château Cour Roosevelt. » En conclusion, on remarquera qu'à Nantes, les levées de boucliers pour protéger les espaces verts se multiplient. Et cela aussi bien dans les zones dites bourgeoises que dans les quartiers populaires.

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Enfin la mondialisation a conduit à augmenter de façon conséquente le poids des villes sur la scène nationale et internationale. Si à l'origine les villes sont une agglomération de personnes et d'activités qui se sont concentrées au même endroit dans un le but de faciliter les échange, il s'agit désormais d'entités économiques, politiques et spatiale plus complexes. L'influence et le rayonnement économique d'une grande ville dépasse largement ses limites administratives et la métropolisation vise donc à considérer non plus des villes mais des pôles comportant plusieurs communes. Si le système radioconcentrique est le plus commun, il existe d'autres formes de fonctionnement territorial. La connurbation en est un bon exemple, plusieurs métropole dont les champs d'influence se superposent créant ainsi une entité multipolaire. Cette complexification de la structure urbaine est le produit de cette mondialisation qui donne désormais plus de poids aux villes qu'aux Etats, l'Europe et les labels qu'elle propose tel que Capital Européenne de la Culture en est une bonne illustration. Cette complexification de la réalité urbaine nécessite donc d'en redéfinir les symboles. Jusqu'à une période récente les composantes économiques d'une cité faisaient office de symbole. Ainsi la construction navale associée la Loire ont longtemps été la « marque de fabrique » de Nantes, donnant à la ville

un symbole univoque. Avec la fin de la construction navale puis le déclin de l'activité industrielle, Nantes était dans l'obligation de réinventer ses symboles. Les années 1990 ont vu apparaître les premières tentative de cette redéfinition, guidée à la fois par la perte des symboles d'avant et par le besoin d'attirer de nouveau capitaux pour relancer l'économie. Avec l'imagerie de l'atlantique, Nantes a essayé de se réaffirmer comme une place importante de la côte ouest française, alors que justement sa dynamique portuaire déclinait. L'aéroport et l'école de Design porte encore cette appelation, bien qu'aujourd'hui un peu désuette, son but était de tourner le regard vers l'océan et son champs des possible avec l'ouverture sur le monde que cela évoque. Une stratégie qui était à la fois destinée aux touristes comme aux entreprises, elle s'inscrivait dans la dynamique de développement européenne de la façade atlantique appelée l'Arc Atlantique. Si cette approche politico-commerciale a été peu à peu abandonnée, Nantes et plus largement la Métropole Ouest Atlantique Nantes St-Nazaire, a opté pour mettre en avant d'autres vertus dans sa communication, notamment ses politique en matière de développement durable et d'offre culturelle.

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Couverture du Guide S'installer Ă Nantes Altlantique. - 109 -


" Il est singulier qu'on concentre ainsi – par un mouvement moins naturel qu'il n'y paraît – le caractère et presque l'essence d'une cité dans quelques constructions, tenues généralement pour emblématiques, sans songer que la ville ainsi représentée par délégation tend à perdre pour nous de sa densité propre, que nous soustrayons de sa présence globale et familière tout le capital de songerie, de sympathie, d'exaltation, qui vient se fixer sur ces points sensibilisés. " Julien Gracq, La forme d'une ville

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La ligne verte : l'invention d'une trame piétonne Nantaise

culturelle. En impulsant le création d'un lieu institutionnel singulier, la mairie se donne encore un nouvel horizon dans la promotion culturelle et artistique. Un autre temps de cette affirmation est sans doute la tournure que prend le développement de l'île de Nantes. Les halles Alsthom désaffectées depuis 2005 abritent la SAMOA la société d'économie mixte, gérant l'aménagement de l'île. Les locaux étant particulièrement grands, la SAMOA propose à d'autres profession « créatives » de venir investir ces locaux, créant ainsi l'ébauche du Quartier de la Création ayant pour but de mettre en avant cette nouvelle industrie culturelle ayant remplacé les industries conventionnelles. On y retrouve aussi le Blockhaus DY 10, squatté par des artistes et les anciennes nefs Dubigeons à proximité. C'est en ce lieu que les Machines de l'île sont inaugurées en juin 2007. Sorte de déclinaison non foraine de Royal de Luxe, ces attractions et notamment le Grand Elephant deviennent vite les nouveaux symboles de Nantes et lui donne une visibilité internationale.

Au fil des deux dernières décennies Nantes s'est affirmée comme un foyer culturel. Sous l'impulsion de certains acteurs et collectifs dans les années 1990, de premières expériences ont été menées. La municipalité de JeanMarc Ayrault a toujours soutenu les initiatives culturelles, un des actes fondateurs a été de mettre à disposition un hangar de 10000 m² pour la compagnie Royal de Luxe en 1989 qui était à la recherche de financement. Cette politique culturelle ambitieuse se poursuit avec le festival les Allumés, organisé entre le centre-ville et les friches industrielles du port. Cet engagement dans les affaires culturelle est pour la municipalité une " arme politique. Et, pour les socialistes, une machine de guerre contre leurs adversaires. "Ce festival est la première illustration de " l'explosion culturelle et artistique de Nantes ".1

C'est en 2007 également qu'un nouvel événement apparaît, la biennale d'art contemporain Estuaire. Cette « nouvelle création » du Lieu Unique a pour but de promovoir l'art contemporain au sein de la métropole estuairienne, allant donc de Nantes à St-Nazaire. Si le cœur de Nantes est largement fourni en œuvres, on en

La création du Lieu Unique en 2000 faisant suite à l'occupation du site par Jean Blaise et son Centre de Recherche en Développement Culturel est une autre étape importante, de cette ambition 1. Pétré-Grenouilleau, Olivier, Nantes, histoire et Géographie contemporaine, Plomelin, Éditions Palantines, 2008, 2e éd., 299 p. - 111 -


retrouve également tout le long du fleuve, incitant ainsi les visiteurs à découvrir un environnement naturel d'exception. Cette première édition d'Estuaire est un tournant dans le rapport entre la ville et la culture. L'un devient le cadre de l'autre, et chacun est un prétexte pour venir voir l'autre. Les trois éditions d'Estuaire, respectivement en 2007, 2009 et 2012 ont chacune proposé de nouvelles œuvres en interaction direct avec l'espace public. Dans le cas de Nantes, une des plus emblématique étant peut-être celle de Tatsu Nishi : Hotel Nantes, qui transformait le temps de l'évènement la fontaine de place Royale en chambre d'hôtel. Lors de l'édition de 2012, la dernière, Estuaire a été accompagné d'un nouvel événement : Le voyage à Nantes.

"Du lieu unique à la pointe Ouest de l’Île de Nantes, Le Voyage à Nantes invite à se laisser conduire toute l’année d’une œuvre d’art qui surgit au détour d’une rue à un élément remarquable de notre patrimoine, des « incontournables » de la destination à des trésors méconnus, d’une ruelle historique à une architecture contemporaine, d’un point de vue étonnant sur la ville à un incroyable coucher de soleil sur l’estuaire. "2 Le voyage à Nantes incarne les deux points que nous avons abordés précedemment. A travers la mise en forme de son parcours, il suggère une nouvelle approche du piéton, et par ailleurs démontre toute la subtilité de l'approche communicationnelle contemporaine. L'image faisant projet avant tout. Cette approche est tout à fait assumée, et cet événement à pour vocation première de vendre la « destination Nantes Métropole ». Si nous avons déjà abordé les dynamiques d'image en action sur le centre-ville celle-ci semble être un cas d'école. Grâce au livret institutionnel disponible sur le site internet on découvre que si l'offre culturelle existe déjà et n'est pas créée exnihilo, « L'ambition a été de valoriser la grande richesse de l'existant dans le respect de l'autonomie et de l'identité de chacun ». La stratégie qui suit est d'ailleurs presque exclusivement portée par ses aspects communicationnels, le Voyage à

Ce dernier a pour vocation de promouvoir la ville de Nantes à travers l'art et la culture, c'est aujourd'hui devenu un sorte d'institution pour les Nantais comme pour les touristes, qui chaque année viennent découvrir les nouveautés du parcours. A l'inverse d'Estuaire, le voyage à Nantes ne prend place que dans la ville même même si il intègre dans son parcours les œuvres pérennes des éditions passées de la biennale. Car il s'agit bien d'un parcours, d'un parcours touristique même. Le voyage à Nantes se définit lui même de la façon suivante.

2. http://www.levoyageanantes.fr/

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Couverture du Guide S'installer Ă Nantes Altlantique.

Des agents le la municipalitĂŠ peignent la ligne verte sur le sol. MĂŠtroNews 2013

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Nantes propose une justemement une constellation d'image à associer avec Nantes. L'intitulé lui même de l'événement impose cette vision, le voyage. Si l'offre culturelle est préexistante il s'agit de créer de nouveaux horizons pour l'accompagner et inciter au voyage. L'ambition de continuer à inventer l'image de la ville comme l'attestent ces quelques lignes. « Création d'une identité visuelle forte, actuelle, loin des clichés publicitaires, identiques pour le grand public et les publics cibles. Mise en place d'une iconographie singulière, portée la plupart du temps par des artistes, laissant une large place à l'imaginaire. » Même si on apprend par la suite que la ville est déjà définie par cet esprit de singularité.

choix pour Nantes qui se doit donc d'affirmer avec force la singularité et la diversité de son offre culturelle, argument souvent déterminant dans le choix des parisiens stressés. Ainsi une partie importante de la politique culturelle de Nantes n'est pas tant destinée à ses habitants qu'à attirer ceux qui pourraient le devenir. Le deuxième aspect important du voyage à Nantes est son rapport à l'espace public. En effet la majeure partie du centre-ville ainsi que le nord de l'île de Nantes sont le théâtre de ce parcours qui participe également à cet esprit de cohésion urbaine qui vient unifier un centre élargi. Le Coeur de Nantes d'un côté et l'île de Nantes de l'autre. Associer ces deux parties de la ville au sein d'un parcours touristique permet au visiteur et dans une moindre mesure à l'autochtone de se créer une nouvelle vision de la ville. L'un venant en complément à l'autre. Si les anciens chantiers Navals sont largement devenus la vitrine principale de Nantes, incarnant cette créativité et cette singularité, le centre-ville doit également assurer ses arrière en montrant qu'il n'a rien à envier à ces friches. L'un et l'autre se lient à travers ce parcours symbolisé par une ligne rose puis verte sur les pavés nantais. Cette ligne c'est le chemin à suivre pour le visiteur, il n'a plus besoin de guide, de petit train, ou d'un autre moyen de transport. Si il est décidé à marcher il n'a qu'à suivre

Il est important de noter la proximité qu'il existe entre politique culturelle et communication urbaine, dans le cas de Nantes, elles paraissent devenues indissociables. La ville mise beaucoup sur un certain exode parisien qui existe depuis quelques années et cherche donc incarner cette ville culturelle et singulière, bien loin des clichés d'une ville musée d'un autre temps. Les parisiens souvent las de leur mode de vie épuisant n'osent souvent pas quitter Paris de peur que le mal du pays de les écrase une fois installés dans leur petite ville de province. Comme les entreprises et les scientifiques, ces nouveaux arrivants potentiels sont devenus une cible de - 114 -


cette ligne et est assuré de voir tout ce qu'il y a voir, sans distinctions d'époque ou de nature. Cette ligne s'apparente presque à un panier garni dont le but est de vous offrir un petit peu de tout ce qui est bon dans une région. En se voulant instructif ce parcours pose malgré tout question, car il s'agit de la ville qui se met en scène de la façon la plus spectaculaire. Pour le meilleur et pour le pire. Nous évoquions précédemment l'importance des campagnes de piétonnisation à l'heure actuelle dans le centre Nantais, ces aménagements conditionne le passage de la ligne verte, et donc l'emplacement des différentes attractions du voyage. Mais on pourrait également se demandé si ce n'est pas le passage de la ligne qui conditionne les aménagements. On assiste à une ville musée d'un genre nouveau, même si le patrimoine est toujours sauvegardé et mis en valeur, c'est désormais la culture qui est mise en avant tel un patrimoine local dont nous sommes fiers ! L'art ne seraitil pas lui même un prétexte, le véritable objet à vendre étant la qualité de vie à la Nantaise ? La promenade Nantaise et ses grandes pelouses au delà de nous vendre son Chateau, son tramway et son futur miroir, nous offre par exemple un terrain de foot rond. Mais n'est ce pas plutôt l'idée qu'on puisse faire à Nantes des terrains de foot rond qu'on met ici en avant plutôt que le terrain de foot rond lui même ? Le spectaculaire est désormais à l'oeuvre dans la pensée urbaine qui régit le travail sur le centre-ville. Bien que les instances qui gèrent la culture et l'aménagement ne soient pas les mêmes il est important de dresser le parallèle. La ville se mettait déjà en scène avec Graslin et Crucy au XVIII ème siècle, elle est aujourd'hui le théâtre de son image. Le voyage à Nantes nous sert à nous rappeler qu'on habite bien à Nantes et pas ailleurs, et que notre ville ne fait pas dans la demi-mesure. Comme le dit le site internet, les nantais que nous sommes sont mêmes devenus les premiers ambassadeurs de la ville tant il y a de choses à montrer à ceux qui nous rendent visite...

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CONCLUSION

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Ce travail de recherche a été l'occasion de questionner la centralité urbaine et ce qui participe à la caractériser, à la fabriquer, et à l'imaginer. En revenant sur les différentes étapes qui ont conduit à la vision actuelle que nous avons du centreville, nous avons pu voir qu'il est toujours le reflet d'une époque et que les différentes approches s'inscrivent toujours dans une continuité historique. Grâce à Noël Lépine, j'ai réalisé que l'objet de mon travail était avant tout d'assimiler les différentes visions qu'on a pu porter sur la ville au fil des époques. Le centre-ville est le miroir de tous les projets politiques qui se sont succédés, et témoigne de ces différentes visions. Elles varient en fonction du temps, mais également en fonction des acteurs. Chacun à son échelle a une culture différente et donc une vision divergente, et les intérêts ne se situent jamais au même endroit pour l'un ou pour l'autre, ce qui entraîne une culture du projet particulière. On note cependant que malgré les divergences, la vision du centre-ville Nantais s'est précisée au fil du temps, et les outils employés pour y parvenir se sont affinés. Si l'image est aujourd'hui un projet à part entière, c'est le résultat de toutes ces fabriques successives car chaque époque est parvenue à affirmer un peu plus sa vision de la ville. Chaque nouvelle vision a su intégrer la précédente tout en en proposant une nouvelle. Alors que le secteur sauvegardé, se focalisait uniquement sur le patrimoine, la piétonnisation a su intégrer la question de l'espace public. Le tramway quant à la lui a ajouté la question de la mobilité à l'équation. Les visions contemporaines tentent d'apporter désormais de nouveaux éléments à ce schéma, en intégrant mieux le centre-ville dans la structure territoriale, et en apportant une qualité environnementale et culturelle. Si l'après-guerre a constitué une rupture dans le développement urbain, il s'est agit d'un nouveau point de départ pour le centre-ville. L'urbanisme a inventé des outils spécifiques pour le sauvegarder, puis le développer, et enfin en faire une vitrine. Le marketing urbain est la nouvelle donnée du XXI ème siècle, si certaines de ces postures sont critiquables d'un point de vue citoyen, il n'empêche que l'inventivité des acteurs n'a jamais été aussi riche pour insuffler de nouvelles dynamiques dans le cœur des villes, spécialement à Nantes. Malgré leurs vocations commerciales, les offres culturelles ont ouvert de nouvelles perspectives pour le centre-ville nantais et l'espace public qu'il incarne. Il faut néanmoins continuer de réfléchir tous ensemble à la ville que nous voulons, et résister à l'attraction des images qu'on nous propose. Partir un an dans une mégapole du sud m'a permis d'ouvrir les yeux sur ce qu'était ma ville, et plus particulièrement son « coeur » mais aurais-je eu le recul nécessaire autrement. Le centre se met en scène, s'esthétise, il produit des images, qui influent nos actes, et ces images influent elles-même nos comportements au sein de la cité. Il faut veiller à ce que le centre-ville ne devienne pas discriminatoire par un excès de codes et d'images dont certains se sentiraient exclus. - 119 -


Comme toute les recettes, celle pour « Faire centre » se développe et se complexifie d'année en année. De nouveaux ingrédients apparaissent, et la « clientèle » de plus en plus large et variée, est également de plus en plus exigeante. Ainsi les choix fait sont forcément risqués, parfois paradoxaux , il faut jouer la différence, tout en étant consensuel, avoir un miroir d'eau comme d'autres ailleurs et un éléphant comme nulle part ailleurs. Attirer de nouveaux usagers tout en supprimant des parkings, conserver un centre habité, tout en développant l'offre commerciale. Ces contradictions, font parti du jeu politique, à l'échelle globale comme locale, Green capital et son aéroport, n'y échappent donc pas. Le centre ville, les incarne pour le meilleur et pour le pire. Une rue réservée au piétons n'est elle pas déjà un de ces paradoxes primaires.

Donc le vrai boulot c'est de composer tout ça. Ah, par moments on est obligés d'adopter des points de vue très opposés les uns aux autres, entre ceux qui défendent les transports en communs, ceux qui protègent le patrimoine, maintiennent les espaces verts... Notre boulot c'est ça c'est de défendre les projets et de faire en sorte que... Noël Lépine

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Médiagraphie : Archives INA : - Reportage datant du 22 septembre 1978, produit par Geneviève Froment et réalisé par Jean-Charles Dudrumet et diffusé sur FR3 Bretagne Pays de Loire. Disponible ici : http://www.ina.fr/video/RXC01018676/nantes-en-plein-coeurvideo.html - Reportage datant du 8 juillet 1981 produit par Francois Lavaredaset diffusé sur FR3 Pays de Loire. Disponible ici : http://www.ina.fr/video/RXC04000893/nantes-le-point-sur-lestravaux-video.html - PONCET, Patrick, La rue, lieu de passage et de rencontre, Chronique : Le temps de la Géographie, France Culture, 2015 Disponible ici : http://www.franceculture.fr/emission-le-temps-de-la-geographiela-route-et-la-rue-2015-07-20 http://www.franceculture.fr/emission-le-temps-dela-geographie-la-route-et-la-rue-2015-07-20

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Annexe : Entretien réalisé avec Noël Lépine le 21 juillet 2015 à Nantes Nicolas Padovani : Je vais déjà vous présenter les objets de mon travail, donc j'ai balayé pas mal de sujets avant de comprendre que sur ce quoi je voulais travailler c'était la fabrique du centre, la fabrique urbaine du centre-ville, car il me semblait que c'était quelque chose qui était apparu relativement récemment, l'idée selon laquelle on conçoit le centre ville comme un projet urbain à part entière, alors qu'avant c'était plus la centralité un peu naturellement qui catalysait les choses, et du coup j'essaye de balayer plusieurs questions, et notamment l'évolution des pratiques les premières rues piétonnes des années 70 qui visaient à … qui étaient des sortes de pansements face au tout voiture etc... Noël Lépine : Je contredirais votre analyse hein, je crois que sous des formes qui correspondaient à leurs époques, la vision d'un centre de la cité a toujours existé alors je partirai même après la question du moyen age, c'était même les lois qui définissaient ce qu'il était possible de faire en les murs et hors les murs et donc un des enjeux du XVIII ème ça apparaît à travers les grandes lois de la révolution notamment la loi Chapelier, c'est de faire tomber toutes ces limites et de rentrer dans un système qui permet d'avoir un développement uniforme et de redévelopper les faubourgs, à Nantes par exemple c'était caractéristique, il y avait un secteur qui a bénéficié d'un développement particulier parce qu'il avait certains privilèges de production c'était le secteur du Sanitat. Vous connaissez un peu le système de Jurande non ? Nicolas : Non … NL : Je vous recommande un excellent diplôme qui a été écris en 1976 par un dénommé Lépine. Il explique comment ça évolue (rires). En gros, si vous voulez, vous êtes soumis à des règles de fabrication hyper strictes quand vous produisez, dans un système d'artisanat, en gros c'est le système des compagnons, pour faire vite hein, et des corporations, et donc il y a tout un tas de règles auxquelles vous ne pouvez pas échapper. Si vous faites de la teinture par exemple vous ne pouvez pas la faire d'une manière différente de ce que dise les lois, vos ouvriers ils son obligés de loger chez vous, ya tout un tas de règles, sauf sur certains espaces, quand vous êtes hors les murs, qui sont « épargnés » peut on dire par ces données. Alors par exemple le sanitat, qui était en fait une ancienne léproserie qui avait évolué avait des privilèges particuliers, donc il produisaient à moindre coup, et manière plus importante donc ce qui permettait d'alimenter le trafic triangulaire vers les îles, OK ? Tout pareil si vous étiez à Clisson, ou ailleurs, vous aviez des capacités à produire de manière moins difficile et donc à des coûts moins conséquents, et donc des quantités plus importantes, donc c'est une profusion d'espaces de ce genre là et la concrétisation de la loi Lechapellier elle a permis une structuration des espaces autour des centres moyenâgeux qu'à permis une transformation de la ville. Alors ça avait commencé à bouger avant, si on prend par exemple Nantes, on peut dire qu'il y a une grande décision qui intervient au niveau de l’État au XVII c'est la position que prend Richelieu qui après le siège de la Rochelle décide de la destruction de toutes les enceintes et donc là à ce moment là il faut commencer à penser les villes autrement. Par contre la capacité à démolir les enceinte elle est à peu près aussi difficile à réaliser que celle pour les construire. C'est que les crédits n'arrivent pas ou il y en a peu. Donc sur Nantes les crédits n'arrivent vraiment que dans la deuxième partie du XVIII et ça suffit pas. Et là il y a un maire qui prend des options qui est Mellier. Donc Gérard Mellier c'est banquier lyonnais qui arrive et qui a décidé le développement et qui fait travailler assez vite un architecte voyer qui s’appelle Ceineray qui projette donc des choses, à la place des anciens murs d'enceinte. Donc par exemple derrière la

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cathédrale c'est le cours St Pierre et St André, il compose les alignements, la place Foch et compagnie et il constitue des ordonnancement sur les quais Flesselle Brancas et compagnie et donc la vision du centre commence à se construire. Et ça c'est pas des trucs qu'on fait en périphérie hein . C'est bien une vision de la ville qui se dégage. Vision de la ville parce qu'il y a aussi un développement économique lié au trafic portuaire qui est conséquent. Il y a une deuxième étape au XVIII qui est une règle encore plus forte je dirais. Plutôt un modèle encore plus fort de développement, qui est celui qui est adopté par Crucy et Graslin. Graslin c'est le fermier général, donc il capte l’impôt, il a des crédit, il vient de Tours, bref, il a des idées relativement « révolutionnaires » enfin c'est à dire qu'il a des idées relativement novatrices sur l'évolution de la société et des villes qui constitueront je dirais l'enveloppe de cette nouvelle image sociale et politique. Donc il travaille avec Crucy, Crucy c'est un fils de bourgeois Nantais qui a été prix de Rome, un des premiers, et quand il rentre il fait un certain nombre de propositions avec Graslin. Et donc ils vont développer tout le quartier Graslin, OK ? Donc c'est quand même un plan hyper moderne, donc c'est bien une image de la cité qui se dessine et je dirais que toutes les composantes d'un projet urbain, même si on appelle pas ça comme ça à l'époque elles sont dedans, « où est-ce qu'on met le théâtre ? » il devait être à Saint Nicolas mais le curé en voulait pas donc on le met place Graslin, on fait le cours Cambronne... C'est la cité qui se met en scène. Et je dirais qu'en Europe il n'y a pas beaucoup d'exemple d'une architecture qu'on a baptisé pendant longtemps révolutionnaire que maintenant on baptise néoclassique, et d'un système urbain aussi sophistiqué, je dirais dans sa complétude. Sachant que ça va même au delà, on a à Nantes une évolution très forte sur les programmes, par exemple l'île Feydeau c'est un des premiers programmes verticaux. On arrive à mètre au dessus des entrepôts des armateurs et encore au dessus le personnel qu'on loge, et on créé de la rente foncière, donc on est dans un environnement qui est en train de partir vers une voie très moderne. Donc ça, ça ne s'appelait pas projet urbain mais c'est quand même bien une vision nouvelle de centre ville qui est ancré dans le développement économique et qui a des caractéristiques qui sont à la fois je dirais physiques locales parce qu'il faut construire mais je dirais aussi culturelles parce qu’on cherchait des gens avec un savoir faire. Ou en tout cas qu'on des ambitions de développement intellectuel. Et ils sont tellement généreux, enfin ils ont des projets tellement grands que ça met très longtemps à se réaliser. Sur la rue Crébillon, les derniers immeubles qui sont construits dans le haut de la rue c'est au début du XXème donc ça prend des décennies Et après il y a des amplifications qui se font, et là on a pareil la rue du Calvaire, la rue de l'Arche sèche qui se font on est vraiment dans cette vision, c'est peut être une vision plus forte que celle qui apparaît au XIXème . Au XIXème on continue en fait mais sur des perspectives qui sont plus liées à des fonctionnalités, qui viennent parfois d'Allemagne avec l'épure des grands boulevards qu'on pourrait dire inspiré du Ring, et il y a aussi des percées qui se veulent plus ou moins Haussmanniennes, donc on a tout un tas de propositions qui arrivent, et ça aussi c'est une vision de la ville qui correspond à ce qu'on imagine comme caractère d'un centre ville. Quand on arrive au XX ème ça continue, mais ça continue sur une échelle je dirais moins forte parce que le centre-ville est encore en train de se faire. Donc bon il y a plusieurs époques dans le XX ème , il y en a qui on des ambitions un peu fortes mais dans les dimensions de ce qu'ils proposent ils n'ont pas les moyens de peser ces centres comme l'ont eu prédécesseurs, même si il y a eu des percées importantes, par exemple le travail de Driolet qui est resté très longtemps en place et a permis de faire la rue de Strasbourg, les rues devant la Cathédrale et compagnie, avec si on écoute Bienvenue des hérésies parce qu'on fait un axe devant une cathédrale alors que partout on ferme les places. Mais encore une fois on a la vision de la ville qui se fait. Donc après quels sont les autres temps forts... On en a un qui est prodigieusement conséquent sur la ville de Nantes c'est le comblement des bras de Loire entre les deux guerres mais qui correspond à

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un enchaînement de décision qui part du milieu du XIXème les lois sur la Loire elles ont toute une régularité de présentation et donc ce n'est qu'après guerre qu'on prend la décision de combler. Mais ça correspond à un projet de modernisation du port qui est parti depuis 1850, faut pas oublier que la deuxième partie du XIXème est marquée par l'arrivée de Saint-Nazaire, que Nantes voulait pas voir arriver. Vous savez par exemple que la gare de Nantes elle est là ou elle est parce que Nantes ne voulait jamais voir arriver de liaison entre Paris et St Saint-Nazaire Donc ça aussi ça participe à faire le centreville, surtout que la conséquence c'est que dix ans après il y a eu des passages à niveaux partout dans le centre-ville, bon c'est l'histoire. Alors après on comble la Loire donc on prend des options fortes, en terme de fers et autre et on est dans la perspective d'un centre qui se prépare à accueillir un certain nombre de fonctions qui sont nécessaires à la vie moderne, notamment sur l'eau les réseaux les égouts et tout ça, parce que la Loire c'était déjà largement un égout Et donc on met en place quelque part un système très complet plus complet pour arriver à traiter ça. On traite la place du ferroviaire et on prépare la place de la voiture.

La franchement où il y a une vision beaucoup plus forte qui arrive c'est à la reconstruction. Donc à la reconstruction vous avez un jeu entre les services de l’État et un architecte en chef qui s'appelle Roux-Spitz qui a une équipe avec lui qui pense un plan d'aménagement, et puis en face une équipe municipale qui prend de plus en plus de place et qui elle a une vision différente de la ville. Donc les deux visions je dirais elles se télescopent Alors sachez que pendant la guerre il y a un dénommé Marcel Delaunay qui était dans les services d'urbanisme et qui est devenu plus tard directeur de l'urbanisme qui a été un des premiers à passer une thèse d'urbanisme à l'IUP. Donc lui il a produit un document qui donnait une vision très moderne de la ville, du centre-ville et des grandes fonctions. Et ça aujourd'hui si ça sortait on appellerait ça un projet urbain. D'un point de vue un peu général il a donc développé tout un tas de fonctionnalités qui étaient nécessaires, comment acheminer l'eau d'un point de vue régional, comment on traite la production d'électricité, il y a déjà une idée sur la manière de pénétrer, pas pénétrer ou de contourner le centre-ville, sur la place du ferroviaire enfin si vous voulez il y a un projet complet qui est développé. Sur cette base là on se retrouve avec la constitution d'une vision entre Roux-Spitz et puis eux, qui devient un espèce de mélange et on arrive à ce qu'on appelle le plan de 1948. Donc le plan de 48 ça concentre une force du travail qui a été fait par RouxSpitz, alors Roux-Spitz il était quelque part un architecte théoricien, il a été désigné sous Pétain pour travailler sur la reconstruction, il a donc une vision sur l'adaptation de la cité aux fonctions modernes et autres. Donc on fait des grandes percées, on vient taper la où les bombardements ont tapés mais pas seulement. Il y a aussi tout ce qui était les périmètres de rénovation des habitats insalubres, comme le secteur du Marchix, la rue du Calvaire, donc là dedans on y va joyeusement, il y a ce qui a été bombardé pas bombardé. Et donc là on commence à adopter à la fois des principes de composition sur une classification des voiries, par exemple entre la CRAM et la Poste on a une dimension très large qu'on trouve pas en bas parce que l'idée c'était de construire des boulevards et le point de concours de tout ça c'était le bas de la Rue du Calvaire, c'était le grand carrefour de toutes les routes de France qui arrivait là. Et donc cette configurations sur des géométries qui sont différentes là où il y a encore de la ville, quand on voit les écartement sur rue du Calvaire tout ça, ça correspond à des combinaisons de visions de la ville, concrétisées dans les règlements parce que c'est un règlement d'urbanisme qui s'appelait le plan d'urbanisme de 48 qui a la sortie donne ces règles. Alors là on va retrouver à partir de ce que j'évoquais tout à l'heure dans le projet de la ville, la thèse et tout ce qu'on mettrait aujourd'hui dans un projet urbain et de ce qu'on qualifierait de politiques publiques, mais c'était pas la même manière de le dire. Donc là plus que jamais, la ligne de conduite, c'est d'adapter la ville à la voiture, donc ce qui explique pourquoi il n'y a pas si longtemps il y avait huit files de voitures sur les

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cinquante-otages plus du stationnement un peu partout, et que quand on conçoit dans des grands espaces comblés on y va de bon cœur. Et puis après on reconstruit mais d'une manière pas si moche que ça parce qu'on arrive par exemple à faire des percées qui rentrent bien dans le schéma la rue de Budapest ou la rue des halles si on le sait pas on a l'impression que c'est des rues qui étaient là depuis longtemps. Donc il y a le savoir faire d'un Roux-Spitz, et en plus de ça il y a une certaine élégance et de précaution je dirais qui fait qu'il est pas aussi lourd selon moi que ce qui a pu être fait à SaintNazaire ou dans d'autres villes de France. Et comme en plus c'était un bon architecte qui avait travaillé sur un certain nombre de modèles, il a fait des bâtiments vraiment intéressant, comme H&M et il a même réussi à produire les effets de son savoir faire sur un certain nombre de gens qui étaient avec lui et donc dans cette petite école de la reconstruction il y a des Nantais qui ont pas mal produit. Donc quand on a un projet d'envergure comme celui de 48 arrivé en 60 on est encore dans le projet, et là il y a un maire qui s'appelle Maurice, avec une vision un peu nouvelle des choses et lui commence à casser, enfin à s'éloigner un peu du centre plutôt. Donc déjà il y a les outils réglementaires qui se mettent en place avec la super ZUP de Beaulieu à Malakoff et on fait le Nantes de l'an 2000, il y a un de mes prédécesseurs qui disait ça très bien, « c'est les quartiers où les ingénieurs des ponts avaient autorisé à c qu'on construise sur les bords des autoroutes. » Nantes de l'an 2000 ça a vécu jusqu'en .. 1980 ça a commencé à péricliter là, et ça été remanié quand Chénard est arrivé. Et au centre-ville en fait, le temps fort ça été la tour de Bretagne, enfin tour de Bretagne et Neptune. Donc Neptune s'inscrivait un peu dans la forme de l'île on va y revenir, et la tour de Bretagne c'était toujours l'idée de la Tertiarisation de la ville et de marquer la ville surtout. Et donc au lieu de s'inscrire dans le velum de Roux-Spitz qui avait fait et la post et la CRAM et la Trésorerie Générale on s'est retrouvé avec ce truc là. Donc là commence à pointer un certain nombre de données, notamment il y a les lois de Malraux, qui va être pondue en 62 qui vont mettre un certain de temps à se développer et donc ici on attend 72 avant de décider de ce qui sera le contours du PSMV et donc moi j'ai pas assisté à toutes ces délibérations mais si on croit bienvenue ça consiste à dire qu'il n'y avait que l'île Feydeau dans le PSMV. Ce qui est possible hein. Mais on a fini par arriver à ce périmètre beaucoup plus important qui est d'ailleurs un des plus grand de France et qui correspond aux 126 HA dans lesquels on est toujours. Donc faut se dire que ça correspond à peu près aux anciennes enceintes. Par exemple place Bretagne ça passe au milieu de la place, la CRAM et la Poste sont pas dans le PSMV, mais la tour de Bretagne et GO Sport sont dans le PSMV. Le PSMV c'est une vision très très définie selon l'époque, avec une vision protectrice surtout sur ce qui est XVIIème, XVIIIème, ils négligent pas mal le XIXème et ils ne prennent pas trop en compte le moyen age, et c'est un document qui est très très dur à remuer et c'est un document qui conduit à avoir une vision un peu figée des choses. Disons le hein, parce que c'était pas une vision très dynamique du truc, quand on regarde ce qui s'est fait dans le cadre du PSMV, bon... dans une première époque c'était pas des transformations transcendantes, et après il y a eu une deuxième époque, ça c'est l'époque où il a fallu trouver des moyens de peser sur le centre ville, parce qu'il y avait des cécité, et parce qu'il y avait des fonctionnalités qui étaient en train de bouger. Et il y a eu notamment le tramway, et ça a été une manière de forcer sur l'espace public. Par rapport à votre question, qu'est ce qu'il s'est passé dans les années 70, pour montrer que la ville n'était pas complètement à l'écart des choses, il y a déjà eu un moteur d'action sur l'espace public. Il y a eut deux quartiers qui se sont constitués en espace piétons, il y a eu la rue Scribe, enfin ce coin là, Contrescarpe etc... et de l'autre côté la rue de la Juiverie. Et donc ça, c'était lu comme, alors je parle par municipalité, quelque chose d'assez fort qui permettait de rentrer dans l'esprit et la configuration de la ville historique. Donc PSMV 72 sachant que les premiers quartiers donc Juiverie Pilori ça a du se faire entre 74 et 76 et le quartier rue des Halles un peu avant et le quartier Scribe pareil un peu

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avant, entre 73 74, hein. Bon ça c'était quand même une vision un peu forte de la ville qui a été très combattue par les commerçants. Ils croyaient difficilement qu'on ne puisse pas aller jusqu'à en bas de chez eux en bagnole. Alors il y avait aussi un point de vue très idéologique là dedans parce que moi j'avais un coiffeur qui était dans le secteur et lui il n'a jamais regretté une seconde les rues piétonnes et son chiffre d'affaire n'a jamais baissé avec les rues piétonnes, et je dirais qu'il y avait beaucoup de contradictions dans les positions et beaucoup de manipulations et d'idées présupposées. Alors en 77 Chénard (PS) arrive, et lui il pose quelques jalons qui permettent de faire évoluer le centre, et lui sa première position c'est quand même de casser toute la mécanique qui était celle des années 60. Donc on abandonne les pénétrantes, parce que si on avait pas fait les grands axes qui arrivaient au bas de la rue du Calvaire, on avait reconstruit une autre vision sous Maurice donc à partir des années 60 qui était la réunification des axes autoroutiers avec des nœuds d'échange de part et d'autre du centre ville. C'était donc une espèce de vision, qui gardait l'image d'un centre sur une enceinte médiévale, XVIIIème et qui changeait tout ailleurs. Alors on a parlé du Nantes de l'an 2000 , qui s'est en partie fait sur Beaulieu. Donc là l'idée c'était deux centres directionnels et notamment un à Madeleine Champs de Mars, donc il fallait la réunion des grands axes, donc il y en a un qui a été fait (deuxième ligne de pont NDLR) et le deuxième qui venait de l'est et là on est dans l'assiette de ce qui devait être un grand échangeur, et qui permettait ensuite de desservir ce qui était appelé un centre directionnel, donc des tours, des machins, des bidules, face au château. Et il y en avait un autre qui arrivait à la rencontre des pénétrantes Nord et Est au niveau des bords de l'Erdre. Parce les bords de l'Erdre depuis Carquefou jusqu'au centre-ville c'était l'autoroute et puis elle rejoignait la pénétrantes ouest qui arrivait un peu par là aussi, et donc on avait là aussi un centre directionnel. Donc tout le quartier qui est entre Talensac et la Prefecture ça devenait un grand carrefour avec pareil des tours. Ces projets avaient été très combattus par un certain nombre d'acteurs pour des raisons diverses et variées, donc des gens qui résidaient là, et puis d'autres qui étaient ancrés sur une vision un peu plus cadre de vie, il y avait tout un panel. La campagne de 77 s'est beaucoup faite là dessus et donc aussi contre le POS qui était en train de se monter sur ces bases là. Et donc là l'équipe qui est élue derrière Chénard prend un certain nombre de positions, elle arrête tout ça, elle créé une agence d'urbanisme, elle s’empare un peu des moyens, elle réunis les services d'urbanismes qui étaient dispatchés dans des entités diverses et donc là on a un outil de transformation qui va se pointer qui est fort pour le centre ville c'est celui du tram. Alors le tram c'est le contrepoint ou le contrebalancement de l'abandon de ce projet d'autoroute, et on reprend une hypothèse d'après guerre qui était la rocade plutot que les pénétrantes. Donc on relance les études là dessus et ça part. Donc ça prend un certain temps pour les études et puis encore plus pour les politiques parce que d'une part il faut allier les points de vues et il y a la question du franchissement. Donc ça c'est tout le mandat Chénard, et donc il lance ces idées là qui sont fortes par contre il perd les élections. Et parmi les points de contestations... bon il y en a plusieurs hein, mais il y en a un qui est très fort, c'est celui de la piétonnisation de la place du commerce. Donc place du commerce on avait la gare des bus, des bistrots tout le truc... donc on prend la position très forte de raser la gare des bus, de tout remettre sur les cours, il y a un plan de circulation qui est fait, qui repense tout le fonctionnement bagnole du centre ville, donc on prépare l'arrivée du tramway et sur la place on fait une place piétonne et on construit un mur de quai... idée un peu forte, mais je pense pas très bonne. OK ? Donc pendant des mois Chénard, c'était un flot d'insulte, des tags sur les murs, et donc il perd les élections. Le tram était parti, Chauty fait arrêter le chantier, le mec qui prend la direction qui était un homme d'entreprise dit c'est une connerie faut continuer, donc petit à petit ça s’enchaîne ça fini par se continuer et là on a cette transformation qui s'engage, sur une ligne 1 qui est relativement sobre et discrète dans le centre ville mais qui fonctionne quoi. Et donc là on commence à avoir non pas des système piéton piéton, parce qu'on est restés au tout bagnole hein, mais quand ils « crébillonnent », enfin la rue Crébillon, ils font un système mixte. Et donc le

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contrepoint il arrive à ce moment là. La reprise de la politique Chénard ça arrive avec Ayrault, il y a le concours nouvelle centralité, que vous connaissez. Qui est lui un projet de vision du centre ville, bon comme on les faisait à ce moment là, donc il fallait aller vite, et présenter les choses d'une manière assez complète, et donc cette consultation permet de porter un projet qui par rapport à tous les autres est surtout un projet d'espace public. Donc l'idée c'est de faire de l'espace public autour de l'arrivée du tram et profiter de ce vecteur de transformation pour enrichir le centre-ville et en faire un espace qui soit renouvelé. Alors ça fonctionne hein, ça fonctionne tellement bien que c'est les banques qui ont le plus de fric qui prennent les meilleurs emplacements, mais par exemple sur le cours des cinquante-otages derrière EDF il y a une centrale électrique, et c'est ce qu'on voyait en façade, donc EDF a décidé de bâtir, et il y a une mutation qui s'est faite très doucement. Et donc ça a entraîné une évolution tout le long de la ligne de tram, si on prend les quartiers Nord les quartiers sud, les quartiers HLM enfin tous les autres quartiers. On en est là et donc ce projet là il vit bien, 50 Otages se fait, la deuxième partie se réalise, dans la perspective de la transformation de Feydeau sud. Donc après, il y a le projet île de Nantes qui démarre, OK ? Donc il pompe pas mal de crédits, et donc le centre-ville il est entre deux si vous vous voulez il a pas forcément les moyens financiers et toutes les ambitions qui ont été attachés au début, et en plus on est dans des systèmes où c'est moins simple d'intervenir que sur l'île de Nantes, sur l'île il y a plein de place et vous emmerdez pas grand monde, les entreprises qui sont là on arrive à composer avec tandis que au centre-ville c'est un projet lourd et en plus quand vous travaillez sur le centre-ville il y a plusieurs acteurs, il y a l'ABF déjà et puis tout ce qui tourne autours du PSMV. A cette époque il y a eu la distribution de tout ce qui était rôle de travail sur l'espace public qui a été géré par la ville. Donc on dirigeait on était plein à diriger, donc par exemple on était à la fois maître d'ouvrage sur le tram et maître d’œuvre sur certaines parties, et puis on faisait les DSQ et compagnie, bref je vais pas vous faire de dessin. Et puis il y avait une entité spécifique qui se voulait à guichet unique sur le centre-ville qui s'appelait Nantes Renaissance et qui regroupait un certain nombre de moyens. Alors eux ils entendaient faire la loi partout, ce qui fait qu'on était dans pleins de situations bloquées dans pleins d'endroits. Par exemple toutes leurs relations au quotidien avec les commerçants par exemple c'était vraiment terrible. Il y avait un ABF qui avait une vision absolument militaire des choses. Et avec un animateur du truc qui était Nantes Renaissance qui s'appuyait aussi sur Steff, et donc là on a une vision un peu étriquée du système. Alors il y a eut du temps de Chauty un certain nombre de pistes d'aménagement, mais ya pas eut de grosses opérations de faites. Qu'est ce qu'on peut citer comme exemple de projet qu'ils ont conduit ? Donc euh, les abords derrières la place royale, donc le Square Fleuriot de l'angle, les trucs comme la place du commandant l'Herminier, bon c'est pas des architectures qui emportent l'enthousiasme. Donc on était là dedans quoi, à un moment et ça c'est plus au niveau du deuxième mandat, il a ressenti la nécessité d'attaquer autrement la question du centre-ville. Et à cette époque commençait à se dessiner un certains nombre de perspective qui nécessitait d'avoir une vision un peu plus globale du développement. Si on prend la question du logement social par exemple la question n'était plus de réfléchir à comment développer ça de façon Nanto-Nantaise mais de réfléchir à l'échelle de toutes les communes. Et puis du coup il fallait mettre ça en résonance avec les projets de transports en communs. Alors nous on avait déjà une sacrée expérience avec le projet de 50 Otages. Qu'on a porté autour de la troisième ligne, l'opération Bretagne, et qu'on a travaillé aussi sur le renouvellement de la place du Commerce, l'arrivée de la FNAC, et puis le renouvellement du Gaumont. Alors il faut que vous ayez à l'esprit qu'il y a plein de projets qui se sont fracassés la tête contre les positions du PSMV. Enfin du PSMV au sens large, par exemple le premier projet d'implantation de la FNAC c'était un immeuble, qui devait être à l'angle de la rue du Calvaire et du cours de 50 Otages, et le tram devait passer dessous, OK ? Et donc au titre du PSMV on imposait de passer sous un porche, et au titre de la DRAC et de la conservation des vestiges archéos qui nous disait vous pouvez pas toucher à ça, à ça, à ça, ce qui fait qu'on a buté. Donc la FNAC est partie à Commerce, ce qui est très bien hein, le Gaumont s'est transformé donc on a eut

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un vrai pole d'attraction. Mais si vous voulez il y avait une vraie incapacité à bouger. Donc on avait 50 Otages comme axe de développement mais quand on rentrait dans la définition d'autres projets avec des composantes économiques ou programmatiques on butait. Il y a un deuxième système qui n'a pas abouti, c'est celui de l'implantation du palais de justice. Le palais de justice, ça faisait des décennies qu'il cherchait un site d'accueil. Donc on a fait le tour de tous les systèmes et à un moment, on nous a demandé si on pouvait pas le mettre place Viarme. Et donc on a fini par travailler sur option qui était son transfert sur l'allée Baco sur laquelle il y avait plein de place. Donc sachant que la limite du PSMV c'est les façades. Les bains douches sont même pas dans le truc. Donc à ce moment là on s'est retrouvé face à une combinaison qui rendait le système impossible, ou il fallait passer les voies sous le bâtiment. Donc si vous allez dire à un magistrat ou au ministère de la justice que ya les voies qui passent sous la salle d'audience bah c'est fini quoi. On avait un certain nombre de position qui fait qu'on est tombés sur des impasses, les projets se sont fait mais pas là où ils devaient avoir lieu. La Fnac c'est bien parce qu'elle est positionnée dans le centre mais le palais de Justice il est parti ailleurs. L'idée première c'était pas de le mettre sur l'île de Nantes, ni même de développer l'île de Nantes. Et donc c'est tout un nombre de fonctions conséquentes comme ça qui ont commencé à transiter. Smets explique que les grandes fonctions arrivent toujours à trouver une place et à contourner les règles. Bon.. c'est une théorie assez intéressante. Donc on a appuyé le développement de l'île de Nantes. Donc nous il y avait trois points forts dans l'étude qui avait été menée avec Perrault avant que la SAMOA arrive. Donc il y avait le palais de justice, il y avait la maison des Syndicats, et puis il y avait ce qui est devenu l'école d'archi. Donc il y avait trois points avec des tenders, bref vous devez connaître ça. Donc nous on s'est retrouvés dans cette situation où on arrivait pas à faire vivre le centre-ville comme on le voulait, on voyait bien que ça butait sur un certain nombre de choses. Et je ne vous parle pas de certaines séances ou par exemple sur 50 Otages, il y a eu une séance de deux heures où le préfet avait à sa gauche le maire de Nantes et à sa droite l'ABF, ils étaient en train de discuter un par un pour savoir si on les coupait ou pas. Donc il y avait un projet complet et compagnie mais je dirais qu'il y avait des vrais impasses dans le projet et les dimensions. Et donc à partir de là on s'est posé un certain nombre de questions, et je crois que c'était l'époque où Rimbert venait de quitter la fonction de l'adjoint à l'urbanisme, pour rejoindre un mandat de député, mais on avait déjà eu un certain nombre d'échanges, et donc à ce moment là l'ABF au profil militaire est même décédé, et un autre est arrivé et a été évoqué la capacité à rentrer dans un process qui intéressait le ministère de la culture, ce qu'il voulait c'était faire une évaluation. Donc il y a deux choses qui se sont passées, il y a une évaluation qui a été commandée ici pour savoir comment le PSMV avait été ressenti, et au niveau national il y a eu aussi deux spécialistes qui se sont penchés sur la question pour voir comment les PSMV vivaient. Donc la chose la plus flagrante qui est apparue sur ce travail c'est que nos élus avaient l'impression que sur le centre-ville on avait pas les moyens de faire, il y avait tout un tas de choses qui leur échappaient. Sur certains points c'était bien, on arrivait à faire des coups, mais pour faire muter la ville il y avait certains trucs qui n'allaient pas. Alors à partir de là il y a eut un ABF qui était très ouvert à ces approches, comment ça se fait qu'on arrive pas à avoir une approche et un regard qui se combinent et plus vite, d'autant plus qu'il y avait quand même un tas de projet dans les cartons. Donc là il y a un travail qui a été fait, qui a fait l'objet d'une convention entre la ville et l’État et qui a été en deux temps dans les travaux, un premier temps c'est ce qu'on appelle le projet de centre-ville que vous vous appelez le projet urbain, et second temps c'est la révision du PSMV. Donc le premier temps il a pris plutot des éléments qui étaient pris dans le cadre de la collectivité, qu'on avait déjà prononcé avec force et détermination dans le cadre du PADD, donc sur le centre habité, attractif, accessible, tout ça c'était dedans quoi. Et donc on a travaillé ça et on l'a repris dans le cadre du projet urbain, donc ce projet urbain il s'est fait au sein d'une équipe dans laquelle il y avait Ponant, qui avait déjà fait des travaux de ce type là ailleurs, et qui avait déjà travaillé sur des systèmes de ZPPAUP, et qui connaissait bien tous les acteurs du monde patrimonial, en particulier Tourner qui était l'ABF de l'époque. Il était

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avec un bureau d'études économique qui s'appelait AID, il y avait une équipe d'archi aussi, il y avait Thierry Rose et une paysagiste. Et ils ont conçu ce travail qui donne un cadre je dirai un peu consensuel, beaucoup de conjugaison de participation avec les ABF de l'époque, qui a permis de constituer ce truc là. Ce qui est une base de projet urbain, et on va retrouver à l'intérieur dans des termes très génériques, tout ce qui était les composantes des PADD, sur des données qui sont amenées à évoluer et aussi à être abordé par séquences. Notamment sur les déplacements l'habitat et compagnie. Et c'est sur ces bases là qu'on a commencé à lancer la révision du PSMV. Et c'est sur ces bases là qu'on essaye de la poursuivre, parce que c'est pas simple tous les matins. On a des visions assez différentes sur les systèmes de protections et les systèmes de transformation. Si vous voulez on est toujours dans un monde où pour certains l'idéal c'est la ville musée, c'est dit c'est pas dit mais c'est dit de façon très clair par des gens comme Bienvenue, qui est membre de la commission locale du PSMV, il y en a d'autres qui ont des réactions un peu plus vives sur la conservation de tel ou tel point. Et puis il y a des points de vus plus idéologiques, type école de Chaillot où en fait on développe des principes où euh... quoi qu'on en dise on met toujours au second plan tout ce qui est XXème et XXIème , donc la reconstruction c'est pas une période intéressante, et puis ce qui s'est fait depuis dix ans c'est encore pire. Sur le reste ils considèrent que... parce qu'on a du réactions, par exemple sur la restitution de l'évaluation quand on avait parlé du développement du commerce un des pontes de la question patrimoniale de l'époque nous avait dit, bah votre commerce il n'a rien à faire, vous faites tout sur l'île de Nantes. La réalité c'est pas ça, ce qu'il faut réussir à conserver cette compacité, cette homogénéité au centre. C'est pour ça que le projet urbain si s'appuie d'abord sur les dimensions d'un centre nouveau, d'un centre élargi. Ce qui est en plus une réalité parce que si la municipalité avait décidé de conserver la centralité entre cinquante-otages et Ricordeau, parce que c'est en gros la vision qu'on avait du centre à l'époque, le Champs de Mars c'était pas le centre hein, maintenant c'est le centre. Le nord de l'île c'était pas le centre non plus. Donc aujourd'hui il faut avoir ce concept un peu plus fort. Je pense que vous trouverez encore plus fortement et d'une façon encore plus déterminée sur ce qui va sortir du grand débat sur la Loire, avec une consultation qui viendra sûrement sur comment introduire un nouveau rapport à la Loire notamment sur les territoires proches du CHU et tout ça. Bon ça vous va ? Vous en voulez plus ? N : Oui après j'avais peut être plus de questions un peu plus précisément sur l'évolution de la question de la piétonnisation en fait. J'ai le sentiment qu'à un moment donné la chose s'est retournée... C'est qu'après les premières expériences des années 70, c'est devenu quelque chose de vraiment général. NL : Donc 50 Otages, très très dur, les réunions publiques de cette époques n'avaient rien à voir avec celles d'aujourd'hui. C'était des bordées d'injures qui sortaient. Donc comment on va faire et qu'est ce qui va se passer. Donc il y a plusieurs règles qui se sont définies dans le concret de l'action. Donc déjà il faut bien imaginer qu'on est encore très très loin de concevoir un centre-ville sans bagnoles. Quand je dis sans bagnoles ça veut pas dire qu'il n'y a pas d'espaces sans bagnoles, mais c'est le fait que quand on supprimait une place en surface on la reconstituait autre-part. Alors soit sur des ouvrages de stationnement ou bien sur des parcs qu'on enclot. Donc c'était une invention nouvelle des déplacements, c'est à dire que vous ne pouvez pas réinventer les déplacements autours des modes doux si vous ne réinventez pas le reste. Et ce qui est apparu de manière très forte à l'arrivée du Tram 2, c'est qu'en réalité en terme de performance avec les giratoires et autres et compagnie on a pas perdu. On a calmé le jeu on a fait plein de choses, mais comme on a supprimé les feux, on a régulé les choses, les capacités n'ont pas baissé et donc dans la durée les gens s'y sont fait. On a même des gens qui venaient nous voir, et qui trouvaient ça génial. Même un gars qui était au conseil municipal de droite et qui venait nous féliciter, c'était un fou de la bagnole et il attendait plus à un feu. Et ça c'était une - 131 -


espèce de démonstration in situ que c'était pas la fin du monde. Deuxièmement l'adéquation entre confort piéton et pratique de la ville elle s'est démontrée dans la durée, les gens ont aimé se balader en ville et ont aimé se mettre aux terrasses. Enfin ça été fantastique, le quartier du Bouffay aujourd'hui c'est le quartier latin, c'était pas ça il y a 25 ans. On voit bien par exemple un quartier qui traînait des pieds et compagnie c'est en train de bouger assez vite et donc ça va faire pareil. Et les commerçants ils se sont rendus compte que il y avait un atout. Alors moi je me souviens à la première réunion du deuxième mandat, donc tout le premier mandat c'était vraiment de la baston. On décide dans le deuxième mandat de travailler sur la rue Boileau, donc de faire en sorte de changer la rue. Alors je sais plus pourquoi comment mais c'était dans la logique des choses. Donc on arrive rue Boileau c'est moi qui animais la réunion avec un élu et donc on présente un projet où on conservait la bagnole encore mais on mettait des espaces piétons confortables et pour pas se retrouver avec une guerre folle on conservait je crois dix places de stationnement. Donc il y avait tous les commerçants de la rue Boileau et aussi le président des « vitrines de Nantes » enfin tout un tas de monde. Bref tout le monde nous écoute, pas trop de réactions fortes on était un peu surpris, bon OK.. et j'étais près à lever la séance et il y a un mec qui se lève à la fin, et qui dit « Ouais moi je suis là, juste au niveau des stationnements, vous ne pouvez pas le virer le stationnement ? » Donc on était surpris, on voyait pas sa vitrine, ceci cela. Et il y avait pas un commerçant qui rechignait. Si vous voulez à l'époque leur système idéal c'était on passe en voiture, on voit ma vitrine, et on revient à pieds, mais surtout on ne masque pas la vitrine. Donc là déjà c'était un pas. Bon il y a eu plein de pas depuis. Aujourd'hui c'est être dans le centre piéton parce que c'est là que ça se passe. Et donc il y a des qualités d'espaces qui font que y a des fréquentations qui sont plus discutés et plus discutables. Quand on voit le samedi après-midi, entre la rue de Strasbourg et la place Graslin c'est un flux continu. Et plus on enrichie plus on fait des propositions, plus ça a de succès, par exemple sur le passage Pommeraye, le fait qu'on ai rénové, on a fait une campagne de com', on a donc une progression des flux qui est constante. Donc si vous voulez c'est dans l'air du temps et c'est une problématique qui s'est construite dans la durée, au niveau européen et on est aussi souvent, pas à la remorque... mais on prend des idées à droite et à gauche, la zone à trafic limité c'est un truc qui est très fréquent en Italie hein. Nous on est très très longs la dessus, il y en a quelques unes en France mais il y en a qui sont beaucoup plus rapides que nous. Bah si vous prenez Amsterdam, c'est encore plus fort, j'ai le souvenir de je ne sais plus quel quartier d'Amsterdam où l'heure d'eurodateur, c'était 20 € quoi... Mais là maintenant ça va, mais moi j'ai le sentiment qu'aujourd'hui la demande elle est de plus en plus forte. Après il y a des modes de gestions qu'il faut définir, intervenir c'est lourd, c'est du temps de chantier, c'est de l'indemnisation... Donc en trente ans, quarante ans même, depuis 70 les modes d'interventions ont été renouvelés, et ça change tout le temps, et c'est pas fini. Par exemple sur la partie miroir d'eau et pointe de l'île Feydeau, il y a eu des processus avec des habitants, des groupes de citoyens, qui n'avaient pas été adoptés avant et puis là maintenant, on va rentrer dans d'autres trucs un peu plus conséquents. Donc là c'est de la conduite de projet si vous voulez, autant les perspectives, je dirais consensuelles communes, qui sont en train de se définir, qui atténuent les points durs, autant sur les conduites de projets, les points violents ils apparaissent si vous n'êtes pas au contact des choses, et si vous n'êtes pas capable de réagir en temps réel . Donc là par exemple sur le cas de la rue Santeuil, où les restaurateurs grognent parce qu'ils disent qu'ils ont des pertes de chiffre d'affaire. Alors ils en ont ça c'est sur, mais tous les restaurateurs en ont, donc qu'est ce qui est du à la proximité d'un chantier et qu'est ce qui est du à d'autres réalités, ça vous ne pouvez pas le dire. D'emblée vous êtes pas là pour générer quelque part une règle pure et dure, vous êtes là pour accompagner un process donc c'est de la conduite de projets. Bon on est pas forcément les plus pointus, les pays nordiques sont lus forts que nous là dessus. Nicolas : Et à l'échelle de la France ? Comment regardez vous Nantes par rapport aux autres villes ?

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NL : Bah je pense si vous voulez qu'on était très en avance sur plein de points, sur le tramway bien-sûr, mais même sur la transformation de 50 Otages et compagnie, mais on s'est fait dépassé par Bordeaux. Je pense qu'on se fait rattraper par Marseille et d'autre villes même Nice, donc il faut mettre un gros coup de collier. Ce qu'il faut c'est finir la relation entre la gare et la Loire. Et il y a des points durs, il faut qu'on change toutes les règles sur la Petite Hollande et compagnie, et ça prend du temps. Nicolas : C'est marrant parce que ce genre d'aménagements c'est un peu ce qu'on appelle l'effet tramway aujourd'hui, alors que le tramway est là depuis 30 ans. Je trouve quand on marche sur la « promenade nantaise » entre le Château et Commerce on a vraiment ce truc là du tramway qui rayonne et qui accompagne l'espace public. NL : Vous savez ce tram là il arrive en 1984, donc aujourd'hui les structures sont mortes. Il y a des dizaines de millions à mettre dedans pour le refaire. C'est un des points d'études en cours, donc c'est important de finir depuis le jardin des plantes et aller au moins jusqu'à la chambre de commerce. Et il y a des choses lourdes là dessus, il y a les abords de la gare, il y a la gare du Commerce, il y a la relation entre Petite Hollande et gare du Commerce. Comment on rentre dans les parkings ? Qu'est ce qu'on fait des parkings ? Comment on réaménage l'esplanade pour mettre le marché ? Et comment on redonne une offre commerciale dans un espace qui est en situé au centre géométrique du nouveau centre. Et comment demain ? On a une relation entre le quai de la fosse et l'île de Nantes ? Est-ce que c'est simplement un réaménagement du pont Anne de Bretagne ? Ou alors est ce que c'est l'arrivée de nouveaux ouvrages ? Si oui lesquels ? Comment on réaménagement le segments entre les pieds d'immeubles et la Loire ? Donc il y a de nouveau besoin de projeter . Et donc là si vous voulez le document que je vous ai passé c'est une étape. Je pense qu'il est bien défini comme document sur ce qu'on a visé, mais si vous regardez la relation avec Rezé et compagnie ça devient un peu plus difficile. Mais on a fait des études là dessus, on a fait des propositions. On a pas parlé beaucoup des politiques publiques en particulier. Nicolas : Si on revient sur ce document justement il est destiné à qui ? Il va être diffusé à grandes échelle ? NL : Bah je ne sais pas si il sera jamais distribué, il y a pleins d'études qui sont pas destinées à aller sur la place publique. Ce sont des étapes pour une communication ouverte vers autre chose. Dans le même temps il y a eu Nantes 2030 qui a été fait. Bon nous Nantes 2030 on a fait ce qu'on avait, c'est pas le même format ni la même démarche. Nicolas : Si on revient à l'échéance du projet urbain, dans son nom c'est Cœur de Nantes 2015 mais après qu'elle serait la suite ? On va avoir plein de phases qui se suivent ? NL : Bah après il y a qu'est ce qu'on va faire dans ce mandat ? On sait pas encore hein, est ce qu'on va faire le commerce est ce qu'on va pas le faire ? Qu'est ce qu'on va se donner comme projet sur le long terme ? Comment on va porter et hiérarchiser les propositions ? Il y a la Loire. Comment va se préparer le territoire de l'île de Nantes à l'arrivée du CHU ? Comment dans le futur on va se préparer au départ du CHU de l'autre côté ? Est ce qu'une démarche de projet va amener des choses à cour terme et à moyen terme et est ce qu'on va pouvoir se permettre de regarder sur le long terme ? A voir, rendez vous dans un an. C'est un espèce de château de cartes si vous voulez, ou un système à étages. Il y a un moment ou sur la place publique elle est encore qu'au dernier étage, mais les choses se font graduellement.

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Nicolas : Et est ce que justement dans cette fameuse, enfin je pensais à ça parce que de la gare à quai de la Fosse ce sont des espaces transformés qui sont d'une envergure très importante, maintenant la piétonnisation de la place royale qui a été assez symbolique à l'époque paraît presque anecdotique par rapport à un projet d'une telle envergure. Est ce que vous n'avez pas peur de vous confronter à un moment donné à … vous avez du très piéton, tout piéton parfois, est ce que vous n'ayez pas peur qu'à un moment il y ai un revers de médaille. Comme le rejet du tout voiture en son temps ? NL : Sur le tout piéton. Faut relativiser. Enfin ce qui se dénomme tout piéton il faut se méfier quand j'étais aller à Strasbourg, je demande au taxi où c'était le quartier piéton et il m'a dit on roule dedans... (rires) Bon si vous voulez il y a trois axes qui sont majeurs, c'est la rue du Calvaire, la relation jusqu'à la rue de Strasbourg et la cathédrale, au travers des abords de l’hôtel de ville. Il y'en a un qui est fait aux deux tiers c'est Graslin Cathédrale, il faudra faire cathédrale tôt ou tard, et puis il y a le dernier c'est la Loire quoi. Enfin la promenade Nantaise, de la gare à la Loire enfin on peut l'appeler comme on veut, ou la nouvelle centralité parce qu'elle est déjà calée dedans. Le tout piéton... Bon. Je pense que quand le tout piéton il laisse un bon fonctionnement aux autres modes sans que ce soit conflictuel ça va. Ce qui me paraît beaucoup plus difficile c'est la marche en arrière qu'on a fait sur les 50 otages, on a redonné une place au vélo qui fait qu'on a pas toujours des situations très confortables, et après on a des données hypers techniques et hypers fonctionnelles par exemple faire les quais surbaissés c'est une catastrophe ça, par rapport à la vie du piéton. Donc il faut ménager tout ça, si vous parvenez à ménager tout ça, vous arrivez à faire votre ville, après il y a des mesures de police aussi. Vous devez pouvoir entrez dans votre immeuble avec votre bagnole... franchement quand on est sur 50 Otages, c'est une zone à trafic limité c'est pas une zone piétonne, et on est encore relativement modeste. On a plein de bornes partout, il y a plein d'endroits on aurait dit c'est beaucoup plus grand et on aurait mis encore plus de flics. Moi je pense que c'est un peu l'évolution, alors je pense que c'est de l'évolution sur le très long terme, c'est ce qu'on voit arriver avec les bagnoles Google et compagnie, mais il y a tout un tas d'endroits où vous n'aurez plus de moyens individuels pour faire certaines choses, vous aurez plus que du service que vous paierez sur un temps donné. Bah il y a déjà un peu marguerite et puis les vélos quoi. Votre voiture vous la laisserez à la campagne vous n'en n'aurez pas ou vous la louerez à l'heure. Donc je pense que ça va grandement influencer l'évolution. Il faudra continuer de donner du confort au piéton, à part des systèmes très spécifiques, genre petits trains ou trucs comme ça. Mais on a quand même fait des choses qu'on a abandonné, à une époque on avait une navette gratuite. Comme on faisait dans certaines villes. Les gens nous la redemande aujourd'hui, il y en a eut pendant toute une période après les 50 Otages, ça partait de la cathédrale et ça allait à Graslin. Les gens l'arrêtaient où ils voulaient quand ils voulaient et les gens montaient quand ils voulaient, mais il y avait personne dedans. Ça a du fonctionner six mois. On nous la redemande aujourd'hui en nous disant qu'il y a des navettes électriques dans d'autres endroits, ce ne sont pas des idées neuves hein. Bah les gens en fait si ils habitent à la cathédrale ils n'achètent pas leurs pain place Graslin. Donc il y a des fonctionnements comme ça. Nicolas : Par ailleurs sur la question piétonne à proprement parler, il semblerait qu'aujourd'hui c'est beaucoup plus considéré presque comme un moyen de transport à part entière alors qu'il s'agissait avant plus d'un temps de pause, de balade, de déambulation, aujourd'hui on est vraiment dans la logique du déplacement urbain. NL : Si vous voulez on vit dans un monde dans lequel tout ce qu'on propose comme solutions techniques et scientifiques, c'est bigrement déterminé par le poids idéologique. Comme quand on était dans la période où on adaptait la ville pour la bagnole, les études se sont faites en fonction de

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ça. Donc la réalité scientifique de nos travaux elle est très relative, donc il faut se donner beaucoup de rigueur sur certaines choses. Je suis en train de travailler sur un sujet, tout le monde sort des espèces d'évidences qui sont absolument impossibles à vérifier sur le terrain. Des perspectives qui n'en sont pas, des axes qui sont sensés dégager des vues merveilleuses qui fonctionnent pas, enfin tout un tas de trucs quoi. Les transformations d'espaces qui sont là, on nous dit celle là elle partira là bas, bas tu parles. La voie ferrée elle est là pour toujours, et puis si jamais le TGV il passe du nord au Sud on mettra le tramway dedans. Vous savez je crois qu'il y a des choses qui sont très très fortes dans nos métiers, dans les métiers de l'aménagement, c'est la place de la voirie. Vous savez à Paris vous dessinez une voirie même si elle est piétonne, faut que le profil que vous lui donniez il soit quand même adaptable à la bagnole à terme. C'est le système qu'il faut qu'on adopte prévoir des adaptations, des réversibilité, mais jamais avoir des visions trop définitives. Avoir un regard un peu ouvert quoi. Et en même temps il faut savoir rester réaliste, en étude là par exemple qui est sortie, ils prévoient qu'avec l'aménagement de la futur gare il faut je sais plus combien, 8000 places de vélo je crois, bon on est pas encore tout à fait hollandais quoi... Ce qui est dur si vous voulez c'est de sortir d'un système où les gens n'arrivent pas complètement avec une culture imprimée par leur marque de fabrique. Les gens qu'on fait Chaillot par exemple c'est épouvantable, ceux qui ont fait les ponts c'est d'autres genre de phénomènes, et tout le monde arrive avec ses caractéristiques d'étude quoi... Donc le vrai boulot c'est de composer tout ça. Ah par moments on est obligés d'adopter des points de vue très opposés les uns aux autres, entre ceux qui défendent les transports en communs, ceux qui protègent le patrimoine, maintiennent les espaces verts... Notre boulot c'est ça c'est de défendre les projets et de faire en sorte que... enfin des fois il y a des arbitrages qui sont pas très favorables, moi j'aurais pas mis un penny sur l'axe au vélo sur les 50 Otages, c'est des idées présupposées quoi. Sur Paul Bellamy quand on a fait le couloir de bus avec de la peinture, la semitan nous a rit au nez en disant que ça marcherait jamais. Et puis ça a très bien marché parce qu'on est beaucoup plus discipliné qu'on le pense, les gens respectaient vraiment le truc quoi.

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Ce travail de mémoire est le produit de plusieurs mois de réflexions et de recherches puis d'écriture sur la question du centre-ville. Ce sujet est à la fois générique et ordinaire pour bon nombre de citadins, mais dans la manière dont je voulais le porter il s'agissait d'une question assez personnelle, notamment par rapport à mon parcours résidentiel puis universitaire très lié à ces questions « centrales ». Après différents allers et retours sur des thèmes et des questions ayant des points communs, il porte finalement sur le centre-ville et la fabrique de celui-ci à travers le cas Nantais. Un sujet large donc. D'une part nous essaierons de comprendre d'un point de vue sémantique et historique ce que recouvre la notion même de centre. Alors que certains espaces urbains semblent avoir des définitions claires et bien délimités, le centre est historique, urbain, commercial, piéton, métropolitain, décisionnel... Ces vocations multiples font qu'il ne signifie jamais la même chose en fonction de comment il est employé. Par ailleurs cette première partie sera également l'occasion de retracer un historique des faits qui ont mené à la forme actuelle du centre historique nantais, jusqu'à une certaine forme de déclin qu'il connut au XX ème siècle. Dans une deuxième partie, nous aborderons, d'un point de vue chronologique dans un premier temps puis plus thématique dans un second, la succession d'étapes qui ont mené au centre-ville d'aujourd'hui. D'abord en regardant les dynamiques qui étaient en cours dans les services de la ville mais également en considérant l'évolution des mentalités de l'époque et l'émergence d'une pensée postmoderne après les trente années de reconstruction et de modernisation. Enfin nous porterons un regard sur le centre-ville d'aujourd'hui et de demain. La succession d'étapes qu'a connue la ville dans sa transformation, et une certaine ambition de la part de la municipalité, ont fait que ce désormais Coeur de Ville pose de nouvelles questions, ces questions que je me suis posées au commencement de mon travail, notamment la question de l'image. Enfin le projet urbain en cours pose encore un certains nombres de principes pour les prochaines années et il sembleraient que de grandes transformations soient encore à venir.

Nicolas Padovani CONTROVERSES SPATIALES

LAURENT DEVISME / ENSA NANTES

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