Compilation Socialisme & Souveraineté : Chapitre X

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Les propositions

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Le programme de Socialisme & Souveraineté Préambule 1) Pour une nouvelle République - La constitution pour le peuple, et par le peuple Nous nous engageons, une fois au pouvoir, à organiser avant toute chose un référendum pour la création d'une nouvelle organisation des institutions de notre République, soit d'une nouvelle République. Cette nouvelle constitution proposée, ayant pour devise la Liberté, l'Egalité et la Fraternité, ayant pour préambule la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aura pour but de garantir de manière organique une véritable démocratie, des mécanismes automatiques de protection de notre souveraineté nationale, de nouvelles libertés, la sécurité de nos concitoyens, et de nouvelles valeurs constitutionnelle tels que le socialisme comme système économique de notre pays. Si le peuple nous montre sa confiance une seconde fois par ce referendum, une fois les bases juridiques du nouveau système étatique lancées, nous nous engageons à le mettre en route immédiatement, et donc à organiser les élections et les nouveaux calendriers prévus par elle. Nous sommes fermement démocrates. De plus, nous considérons que l’Etat doit éviter au maximum de réglementer la vie personnelle des gens, et l’activité économique, en dehors bien sûr des interventions qui servent à la mise en place du socialisme. Le rôle de l’Etat dans une société socialiste doit davantage se rapprocher d’un distributeur de cartes, qui permet aux individus d’avoir des outils pour mener leur existence librement, mais qui ne dicte pas leurs comportements. Un Etat responsable de très nombreux domaines devient irresponsable de fait. Il doit être déconcentré, partager ses fonctions avec des assemblées élues spécifiquement pour gérer certains domaines et avec les échelons locaux. Sinon, dès que cela est possible, l’Etat doit préférer redistribuer équitablement aux individus l’argent de leurs impôts plutôt que

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de vouloir s’en servir à leur place pour leur acheter ce qui semble être bon pour eux. L’Etat et les collectivités en général doivent être responsabilisés sur leurs actions, pouvoir être poursuivis rapidement par les citoyens, afin d’éviter au plus possible l’existence de fonctionnaires indolents et de politiciens irresponsables, et que l’optimisation des dépenses publiques ne soit pas un vain mot. 2) Un nouveau modèle économique - Le socialisme du XXI siècle Nous nous engageons, armé de notre nouvelle constitution, à mettre fin sur notre sol à l'exploitation capitaliste du grand capital. Quelque soit le niveau où cela se réalise (national, local, filière d’entreprise, entreprise…) nous sommes pour la collectivisation de tout ce qui permet l’exploitation du travail d’autrui, d’en tirer de la richesse par la simple propriété. Il ne doit exister que deux modes d’enrichissements : le travail, et pour ceux qui ne peuvent travailler, la solidarité. Nous nous engageons à remettre à l'Etat et aux travailleurs les clefs de leurs outils de travail, par tous les moyens justes et équitables qui nous paraîtrons nécessaires. Nous nous engageons à travailler coûte que coûte, et en partenariat avec tous les gens ayant des idées originales et sérieuses, à la création d'un socialisme alliant prospérité matérielle et nécessaire justice sociale. Etant les représentants de la classe laborieuse, soit du plus grand nombre, nous lui faisons confiance pour savoir ce qui est bon pour le citoyen travailleur, à son entreprise, et à ses conditions de travail. 1) L'Indépendance Nationale - La France libre Nous nous engageons à faire sortir, afin de garantir notre souveraineté nationale, la France de l'Europe et de l'OTAN, et de toute structure supranationale altérant la volonté populaire, et de résister à toutes les pressions internationales à cette fin. Nous nous engageons à ne pas pour autant isoler la France, et à mener une politique intelligente d'alliance et de commerce dans cette optique. Nous souhaitons que les peuples qui se reconnaissent comme nations puissent acquérir ou défendre leurs indépendances, et coopérer entre eux sur le mode intergouvernemental. La France doit de surcroît respecter les souverainetés des autres nations.

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4) La Fraternité Républicaine - La France fraternelle Nous nous engageons à restaurer la machine assimilationniste afin de permettre à tous les Français, quelque soit leurs origines, de s'assimiler pacifiquement à la culture Française, en réformant profondément le système éducatif et en mettant en place de nouvelles lois à caractère identitaire. Ne peuvent être considérés comme français ceux qui menacent tout ou partie des membres de la communauté nationale sur la base de critères liés à la naissance, ou de choix strictement personnels. Conclusion Ceux qui sont nés sur ce sol, ce bout de terre niché entre atlantique et méditerranée, sont tous les fiers descendants de Marat, de Léon Blum, de Jean Moulin, quelque soit leur couleur de peau et leur origine. La question que nous devons nous poser et celle-ci : voulonsnous mettre, de nouveau, à genoux ceux qui nous oppriment ? Rien n’arrête la France, si elle se met en mouvement. Nous demandons à nos compatriotes, d’avoir confiance en leur histoire et en leur destin, s’ils désirent avoir des conditions de vie meilleures, comme tout être humain : une famille, des amis, des soins en cas de maladie, un travail gratifiant, des loisirs… et la paix.

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La logique générale de notre programmatique Traitant de questions complexes et de propositions innovantes, le programme de Socialisme & Souveraineté peut néanmoins se résumer en plusieurs grands axes. Le premier d’entre eux est le rétablissement de la souveraineté de la France et donc la rupture avec l’Union Européenne. Non pas au nom d’une adoration d’une France éternelle, mais tout simplement parce que sans souveraineté, il n’y a pas de réel choix politique possible. La France, un seul des 27 et bientôt 30 états de l’UE, ne peut imaginer convaincre l’ensemble des membres de l’Union de suivre une politique particulière, et plus encore si elle est radicalement différente de celles que nous subissons encore aujourd’hui. Sortir de l’Union Européenne ne serait pas une véritable indépendance sans sortie de l’euro. Cependant, une dévaluation trop forte du franc ne pourrait être prévenue que par une politique d’austérité sur les dépenses de l’Etat, alors que celles de la Sécurité Sociale ne pourront qu’augmenter (retraites, santé, dépendance…). Le niveau très élevé des déficits publics français depuis 2009, qui, contrairement aux trente années précédentes, ne peuvent être imputés aux seuls intérêts de la dette (donc à la loi de 1973), rendent de toute façon cette austérité inéluctable, le niveau des prélèvements obligatoires étant déjà très élevé (45% du PIB après remboursements et exonérations d’impôts). Ce premier axe permettra d’aborder les suivants, le second étant ce qui fait notre appartenance à la famille politique socialiste, au contraire du parti qui en porte le nom. L’expérimentation d’un nouveau système politique est indissociable de la récupération de la souveraineté. Si l’expérience, même initiée au niveau d’une région, était concluante, nous pourrions en attendre une baisse drastique du chômage et une forte croissance qui soulagerait nos contraintes budgétaires publiques, et rendraient l’austérité moins dure. Les troisièmes et quatrièmes axes découlent de ce qui a été dit précédemment : en tant que mouvement de gauche, nous ne pouvons refuser une réforme juste pour les besoins les plus criants du plus grand nombre. Et

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dans notre contexte de vieillissement, cela veut dire assumer la hausse du coût des retraites, supporter des prestations plus élevées en santé, en instaurant des mécanismes et limites qui freineront et plafonneront ces dépenses. Répondre aux besoins sociaux sera donc notre troisième axe, et, pour compenser ces nouveaux coûts, optimiser et réduire les dépenses de l’Etat et des collectivités territoriales sera le quatrième. Concernant cet axe, il ne se justifie pas que par le niveau des déficits et de la dette actuels, mais aussi par l’existence de nombreux gaspillages que les rapports de la Cour des Comptes listent depuis des années. Un gaspillage d’argent public est un vol de l’argent du peuple, et tolérer cela devrait être jugé contraire à toutes les valeurs de gauche. Mais pour qu’une telle politique de réformes soit acceptée, encore faut-il que l’ensemble du peuple français, du moins les classes travailleuses, ait l’impression d’une justice sociale en marche, et se sentent adhérer à la nation. Aussi, notre cinquième axe (mais non le moindre) sera l’unité nationale, par la lutte contre les discriminations frappant les femmes, les immigrés, en refusant la balkanisation ethnique, en luttant contre l’insécurité et en rétablissant la confiance entre la population et les forces de l’Etat. Et sans oublier d’affirmer le principal ciment culturel de la France, sa langue.

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Schématisation de notre programme Axe 4 : Répondre à la croissance des besoins sociaux

Mène à …

(hypothèse) Compense en partie …

Axe 3 : Optimiser l’efficacité des dépenses étatiques

Mène à …

Permet…

Pas de chômage

Facilite …

Politique d’austérité sur les dépenses de l’Etat et des collectivités

Croissance

Facilite …

Compense …

Oblige à … Revenir au franc français

Axe 2 : Nouveau système économique

Facilite …

Hausse du coût de la santé et des retraites

Monétisation de la dette

Permet …

Facilite …

Baisse des intérêts de la dette

Mène à …

Axe 1 : Sortie de l’Union Européenne

Mène à …

Axe 5 : Intégration, souveraineté et unité nationale

Défense et Sécurité

Changer le rapport policiers - citoyens

Politique de l’immigration Lutte contre la ghettoïsation géographique Lutte contre les discriminations

Egalité Hommes-Femmes

Politique linguistique

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L’hypothèse d’un nouveau système économique : avertissement Le programme se fera en trois parties. D’abord, en partie I), les points sur lesquels on ne pourra absolument pas transiger, quoi qu’il advienne : la récupération de la souveraineté française et de sa monnaie. Ensuite, dans la partie II), nous présentons un nouveau modèle économique, sur lequel nous fondons beaucoup d’espérances, comme celles de mettre fin aux fléaux du chômage ou de la bureaucratie fiscale, entre autres. Mais nous ne pouvons avoir la présomption ni l’audace de baser toutes nos propositions sur l’hypothèse de la mise en place de cette nouvelle économie. Les expériences du XXème siècle nous ont appris (et auraient dû apprendre à toute la gauche) une certaine humilité en matière de construction de société nouvelle. Si ce modèle s’avérait être un échec, ou si son instauration prenait plus de temps que prévu, nous devons avoir des propositions applicables dans la France d’aujourd’hui. Toutes les mesures à partir de la partie III) et des suivantes pourraient être appliquées dans l’économie française actuelle. Certains points (la fiscalité, les prélèvements pour financer les retraites, les impôts des professions de santé, l’existence d’entreprises dirigées directement par l’Etat…) deviendraient obsolètes dans le nouveau système économique que nous venons de présenter, puisque les impôts n’y existent plus. Mais ils pourraient avoir un équivalent, puisque les rémunérations individuelles sont versées par la collectivité, sous formes de bonii et de malii. Les revenus des retraités seraient toujours distribués par la collectivité, tout comme les budgets santé dont il sera question plus loin. Notre ligne budgétaire de maîtrise des dépenses publiques devra être continuée sous le nouveau système, pour que les dépenses collectives n’écrasent pas les revenus individuels.

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I) Sortir de l’Union Européenne Sortir de l’Union Européenne et quitter l’OTAN : la base de la souveraineté nationale On ne pourra faire une politique différente que hors de l’Union Européenne. Parce que cette organisation est congénitalement antisocialiste (au sens propre, pas celui du Parti « Socialiste », des travaillistes et sociauxdémocrates du Vieux Continent). Parce qu’elle repose sur l’idée d’une civilisation européenne (idée qui ne fait pas l’unanimité parmi nous) qui impliquerait soi-disant une unité politique du continent. Parce qu’elle aboutit de fait à une entité incohérente, sans unité culturelle (à part celle que les élites européistes voudraient construire autour de la langue anglaise) et sans intérêt national, puisqu’il n’y a pas de nation européenne. Nous avons déjà argumenté nos positions au sujet de la construction européenne dans le troisième numéro de notre journal, en Novembre dernier. La question est maintenant : comment s’y prendre ? D’abord en devant affronter l’empreinte de la propagande européïste sur les esprits, pour mettre à terre le mythe de « l’Europe qui a fait la paix » (alors que la paix en Europe occidentale depuis 1945 est principalement due aux contraintes de la guerre froide). Ou encore dissocier chez les français l’idée de sortie de l’UE et celle d’un repli autarcique. Il faudra donc un référendum, comme sur la monnaie. Mais sortir de l’Union Européenne, est-ce possible ? Oui, et c’est même inscrit dans le Traité de Lisbonne, voté par le parlement français (en déni du refus par référendum de Mai 2005 du Traité de Rome, au texte très proche).

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Article 50 du Traité sur l’Union Européenne (2008, dit Traité de Lisbonne) 1. Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union. 2. L'État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l'Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union. Cet accord est négocié conformément à l'article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Il est conclu au nom de l'Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen. FR 30.3.2010 Journal officiel de l’Union européenne C 83/43 3. Les traités cessent d'être applicables à l'État concerné à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l'État membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai. Et de toute façon, tout traité international doit avoir des clauses de résiliation et de retrait, comme le prévoit la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Nous invoquerons le même droit de sortie de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), dont la raison d’être initial d’organiser la défense de l’Europe occidentale contre le Pact de Varsovie est depuis vingt ans obsolète. Et dont la perpétuation nous a principalement entraîné dans des conflits aux motivations plus que discutables, dans un soutien à une sécession ethnique au Kosovo contre la Yougoslavie en 1999, puis dans une longue et inutile guerre d’occupation en Afghanistan depuis 2001. La question de la sortie de l’OTAN sera également posée par référendum dans la foulée de celui sur la sortie de l’Union Européenne et de l’euro. Juridiquement, l’article 13 du traité de Washington de 1949 nous confirme dans notre droit. Article 13 du Traité de Washington (1949, fondateur de l’OTAN) Après que le Traité aura été en vigueur pendant vingt ans [1969], toute partie pourra mettre fin au Traité en ce qui la concerne un an après avoir avisé de sa dénonciation le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, qui informera les gouvernements des autres parties du dépôt de chaque instrument de dénonciation.

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La recherche de nouvelles alliances Bien que puissance nucléaire, la France ne peut supporter de rester seule sur les plans militaires et géopolitiques. Il ne s’agit en aucun cas de rompre les relations avec nos voisins européens. Mais dans la mesure où la défense des pays d’Europe occidentale et centrale est de fait encadrée par l’OTAN, nous devrons trouver des alliés ailleurs. Tournons-nous d’abord vers l’Amérique latine. Parce que plusieurs nations émergentes s’y trouvent, surtout le Brésil, parce que ces pays peuvent être considérés comme démocratiques (hormis la Colombie, où les responsables gouvernementaux de l’immense violence politique ne sont pas prêts d’être inquiétés). Par rapport à des pays tels que le Venezuela et Cuba, nous pouvons avoir des relations d’alliance, tant que le Venezuela reste un pays où l’opposition conserve le droit de s’exprimer, de participer à des élections honnêtes. Et à condition que Cuba n’accroisse pas le niveau de violence de la répression contre les dissidents, tant que ceux-ci ne passent pas à la violence physique. A l’Est, nous devons entamer une alliance avec deux pays ayant des institutions à la base démocratiques, la Russie et l’Inde, tant pour sécuriser notre approvisionnement énergétique (pour la Russie) que pour la coordination militaire. Non pas qu’aucun reproche quant au traitement des droits humains en Russie, et nous devons, en France, donner la parole à ceux qui ne l’ont pas dans leur pays d’origine. La France doit aussi renouveler considérablement son attitude vis-àvis des états africains, en commençant par ouvrir les archives de ses relations secrètes avec les états du continent noir, anciennes colonies françaises, belges ou pas, ainsi que de toutes les opérations de l’armée française. Et proposer à tous les pays dans lesquels l’armée française se trouve de décider ou non à héberger des bases françaises sur leur sol.

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Récupérer notre monnaie Résumé : Sera proposé aux citoyens un référendum initial sur la monnaie, pour interroger les citoyens sur la sortie de l’euro pour retourner au franc-papier (d’avant 2002) après une période d’austérité, puis le rachat progressif de la dette. Si le peuple choisit cette voie, la création monétaire étatique (hors rachat de dette) ne sera possible que sur accord populaire par des referenda à échéances régulières (par exemple cinq ans). Pourquoi faut-il récupérer une monnaie nationale ? Et pourquoi quitter l’euro en particulier ? Les problèmes posés par la perte de notre monnaie D’abord, bien avant la perte du franc, la loi de Janvier 1973 a interdit à l’Etat français de recourir à la création monétaire (de la Banque de France) pour financer ses déficits, et imposé l’emprunt sur les marchés financiers (donc avec intérêts). Une décision désastreuse : les quatre cinquièmes (voire neuf dixièmes) de la dette publique française de 2008 étaient un cumul d’intérêt, et les intérêts représentaient toujours le tiers du déficit massif (150 milliards d’euros en 2009 et 2010) des années suivantes. Sans les intérêts, mais avec un remboursement par des excédents primaires, la dette publique aurait atteint à la fin de 2010 entre 300 et 500 milliards d’euros, remboursables par un plan d’austérité dégageant des excédents budgétaires sur la décennie suivante. En tout cas, une situation bien plus soutenable que les 1500 milliards de dette publique que nous avions au début de 2010. Quel rôle a joué l’euro dans cette affaire ? Il a confirmé l’impossibilité pour la France de financer ses déficits par la création monétaire, ou même de planifier le rachat de sa dette – pour en ôter les intérêts réels. Non pas que la Banque Centrale Européenne ne puisse faire ces rachats : elle en a d’ailleurs opéré au cours de l’année 2010, en ce qui concerne les dettes portugaises et irlandaises. Mais dans des proportions qui n’ont rien à voir avec un plan d’extinction des intérêts pesant sur les comptes publics. Mais plutôt des interventions sur des pays à la situation catastrophique (ce qui n’est, au moment où ces lignes sont écrites, pas encore

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le cas de la France), pour qu’ils puissent continuer à payer leurs dettes et l’essentiel des intérêts. L’autre problème, plus crucial encore, est que la perte d’une monnaie nationale empêche de passer au nouveau système que nous allons décrire. Et ce principalement parce qu’il fonctionne avec au moins une (voire plusieurs) monnaies d’une nature fort différente de celle que nous utilisons actuellement. Pour un pays tel que la France, le retour à l’indépendance monétaire semble devoir être une nécessité pour tester un nouveau système en ayant réellement les coudées franches. Pour l’instant, dans la mesure où nous n’avons pas encore décrit le nouveau système économique, nous parlerons du retour à une monnaie nationale dans le cadre de l’économie de marché actuelle. Les problèmes posés par l’euro L’Euro fait l’objet de critiques de plus en plus répandues ces dernières années quant à ses méfaits sur l’économie française. Après une période d’euro faible face au dollar dans les années qui ont suivi le lancement de la monnaie unique en 1999, sont venues des années d’euro fort – où nous sommes toujours-, celui-ci atteignant jusqu’à 1,5 dollar, et de livre sterling faible en 2008. Si l’Allemagne et la Belgique s’en sortent bien, en revanche la balance commerciale française est passée au négatif en 2005, et s’est enfoncée depuis jusqu’à 44 milliards d’euros de déficit commercial en 2008 (2,2% du PIB français). Certes, l’euro n’est pas responsable de toutes nos difficultés, et les défenseurs de la monnaie unique mettent fréquemment en avant le modèle allemand qui conserve ses excédents commerciaux. En mettant cependant moins l’accent sur la pression contre la progression des salaires exercée dans ce pays depuis le début de la décennie 2000. Mais en oubliant surtout de préciser que si l’euro renchérit les exportations allemandes hors de la zone euro, à l’inverse dans la zone euro, l’existence de la monnaie unique favorise le commerce allemand. En l’absence de l’euro, et en l’absence d’une politique d’arrimage du franc au mark telle que celle qui fut pratiquée en France dans les années 90, le franc devrait normalement se dévaluer et rehausser le coût des importations allemandes. Cela ne jouerait cependant qu’un rôle partiel dans le rééquilibrage de la balance commerciale française : ça ne jouerait par exemple aucun rôle dans la réduction des déficits avec des pays dont la France importe son pétrole, qu’il s’agisse de la

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Russie, la Norvège, ou les états du Golfe Persique. Mais ce serait un handicap de moins. Quels seraient les effets d’un retour immédiat au franc d’avant 2002? Le principal problème que poserait le retour au franc serait la dévaluation que notre monnaie nationale connaîtrait par rapport à l’euro (à supposer qu’il existe toujours après le départ français). Dévaluation, qui, si le passage au franc se faisait dans les conditions de 2011, serait difficilement évitable, compte tenu des déficits commerciaux et budgétaires français (la dette publique, qui a dépassé les 80% du PIB en 2010, devrait attendre 95% à 100% du PIB en 2014, selon un rapport de 2010 de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale). Il en résulterait une hausse mécanique des intérêts, l’Etat devant remplacer les capitaux empruntés par de nouvelles dettes à échéances régulières, et les taux s’appliquant aux obligations publiques françaises sur les marchés obligataires seront en nette hausse du fait de la perte de confiance des investisseurs dans les finances publiques de notre pays. En plus de cela, la dévaluation du franc signifierait que les importations venues de l’Union Européenne, qui ne pourraient pas être entièrement remplacées par des productions françaises, deviendraient plus chères. Cette inflation pourrait se répandre dans l’économie française, et contribuer à une récession. La voie du retour au franc : une phase d’austérité, puis d’émission monétaire Première étape : austérité D’abord interviendrait l’effet d’annonce d’une sortie de l’euro par la France, avec un référendum à la clé, et d’une politique de rigueur. L’effet en serait une baisse de la valeur de l’euro (un effet positif pour nos exportations sans avoir l’effet inflationniste sur les importations venant de la zone euro, soit la majorité de nos importations). Une fois que la France sera effectivement sortie de la zone euro, sa monnaie ne se dévaluera pas autant – et peut-être même pas du tout si notre déficit commercial s’était réduit- que dans un cas de rupture immédiate. Toujours sous la même condition de rigueur, les taux d’intérêts sur la dette publique française seront stabilisés. De plus, le délai de préparation aura permis de réadapter les comptabilités et les systèmes informatiques des entreprises et administrations au franc, et de

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réduire l’incertitude sur la monnaie et l’évolution du commerce extérieur français. Les perspectives dramatiques sur une récession à venir seront écartées. Seconde étape : rachat de la dette par émission monétaire Nous nous serons imposé une politique de rigueur pendant des années pour supporter le choc de la sortie de l’euro. Une fois notre monnaie retrouvée et notre stabilité éprouvée, nous pourrions tenter une politique d’émission monétaire pour racheter notre dette, et donc cesser les offres d’obligations sur les marchés financiers. Ces émissions causeront très probablement une dévaluation du franc, et donc soulageront nos exportations de la contrainte d’une monnaie forte. Si l’on crée de la masse monétaire dont la valeur serait de l’ordre de 2,5 à 3% du PIB (pour éviter de trop faire monter l’inflation), alors nous sommes partis pour trente à quarante ans de rachat de la dette publique. Au début de notre mandat, les français seront conviés à un référendum où leur sera proposé la sortie lente de l’euro par le franc-papier avec une politique d’austérité préalable pour limiter la casse d’une dévaluation, puis une politique d’émission monétaire limitée à 3% du PIB pour racheter la dette publique, tout en mettant en place notre nouvelle économie. Un garde-fou contre l’inflation en cas de création monétaire Si nous faisons le choix du retour au franc-papier, rapidement ou après un passage par la monnaie-or, il y aura, comme annoncé plus haut, des opérations de rachat de la dette, mais cela n’enlèvera nullement l’obligation de réduire et si possible d’annuler les déficits publics, puisqu’il n’y a pas de sens à vouloir alléger le poids de la dette en la rachetant, tout en continuant de la creuser par de nouveaux déficits (qui accélèreraient l’inflation s’ils étaient financés par la création monétaire). Le rachat de la dette prendrait des décennies. Mais si, à court terme, il arrivait que le gouvernement ait intérêt à présenter un budget déficitaire, pour cause de dépenses exceptionnelles, et qu’il propose de financer ce déficit par la création monétaire, il doit être contraint au remboursement de ce déficit en l’espace de quelques années.

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Pour faire valider une telle politique, et pour que le gouvernement soit contraint de respecter son engagement, un tel déficit devra être soumis à référendum. Les citoyens auront à se prononcer sur leur acceptation de cette nouvelle création monétaire avec promesse du gouvernement de le combler en cinq ans maximum. SI ce remboursement n’était pas atteint, un impôt exceptionnel visant à le combler serait levé. Ainsi, au cas où il échouerait à maintenir ses engagements, le gouvernement, contraint à promouvoir un impôt supplémentaire, verrait sa popularité s’effondrer ainsi que son crédit. Il appartiendra aux électeurs de décider s’ils sont prêts à prendre ce risque avec le gouvernement actuel ou s’ils lui refusent le droit de générer un déficit budgétaire.

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II) Changer de constitution, restaurer les libertés Pour une nouvelle République Aujourd’hui, nous pouvons distinguer trois courants de pensée sur la forme que doit prendre la République Française. La première, dominante, est celle de la « démocratie moderne ». Elle prône le bipartisme, considère à voix basse qu’une abstention grandissante est le fait d’une démocratie « apaisée », et se réjouit de l’extinction des grands combats idéologiques d’autrefois. L’ouverture menée par Nicolas Sarkozy aux membres de l’opposition en est le symbole. La seconde est celle prônée par la gauche de la gauche. Elle est partisane d’un système reposant sur la proportionnelle et un régime d’assemblée. Enfin, une troisième école, à la fois repris à la droite de la droite et à l’extrême gauche est celle qui prône la démocratie directe, par exemple par le tirage au sort des citoyens. Aucune de ses grandes lignes ne sont les nôtres. La première est une allégorie du libéralisme économique triomphant, et de l’exportation du modèle politique américain en France. La seconde est la volonté de ressusciter la quatrième république, en faisant de mine d’oublier ses défauts structurels, et traduit la volonté de partis en panne de militants de maintenir des appareils constitués principalement d’élus locaux. Enfin, la dernière paraît dangereuse par son caractère vaguement anti-Système, populiste, laissant la porte ouverte à toute sortes de dérives issues de l’invocation du « bon sens » politique. Notre réflexion est différente en ce sens ou nous ne cherchons pas à établir le système politique idéal. Non, nous cherchons à déterminer le système politique le plus adapté à notre temps et à notre culture politique, afin de relever les défis qui nous sont lancés.

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Voici un schéma constitutionnel de la sixième république que nous proposons :

VOLONTE POPULAIRE

VOLONTE DE CONSEIL

Chef du Gouvernement Gouvernement du Peuple

Président de la République Comité de Défense Nationale Assemblée Primaire des Commissaires à la Nation

Assemblée des Députés du Peuple

Nous distinguons deux volontés agissant sur le pouvoir : la volonté populaire, celle du plus grand nombre, et la volonté de conseil, celle de l’élite intellectuelle de la nation [de citoyens qualifiés par concours sur leurs capacités intellectuelles et culturelles]. L’idée est de donner à ses deux volonté des champs d’actions déterminés, ainsi que des moyens pour faire pression l’un sur l’autre. La volonté populaire, en premier lieu, se traduit à sa base par l’assemblée des députés du peuple. Ses membres sont élus au suffrage universel, comme pour les députés aujourd’hui. La répartition des sièges est faite à la proportionnelle, mais chaque parti politique ne peut avoir de sièges que s’il atteint un score suffisant dans un grand nombre de départements. Les députés du peuple sont les députés de la nation toute entière, et non du département dans lequel ils ont été élus. Ainsi, même si un homme politique d’un parti non représenté à l’assemblée est élu dans un département, il ne peut siéger à l’assemblée. Etant donné que les sondages sont interdits et que la propagande médiatique est désormais rigoureusement égalitaire pour chaque parti en scrutin sans prendre en compte les résultats des précédentes élections, nous sommes donc en présence d’une majorité représentant véritablement la majorité des votes à l’échelle nationale, le peuple Français étant un et indivisible. Cette assemblée élit elle-même, seulement parmi des députés élus, le gouvernement du peuple, dont l’organisation est libre. Le chef du parti majoritaire est alors nommé premier ministre. Le rôle du gouvernement populaire et de l’assemblée est le vote et l’initiative des lois. Ici aussi,

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davantage de démocratie car nous redonnons à la loi l’ensemble de son domaine réservé, et nous limitons désormais les règlements. De plus, le gouvernement n’est plus le fait d’obscurs énarques, il n’est plus formé à la discrétion du président, mais seulement composée de personnes élues. C’est un peu le système à l’anglaise qui se manifeste ici. Mais en ces temps de mondialisation de polarisation par l’empire américain, la volonté populaire se trouve désormais épaulée par un véritable gouvernement parallèle, celui de la volonté de conseil. Celle-ci a pour principe d’être constituée de gens recrutés pour leurs talents intellectuels et leur dévouement à l’intérêt national. Il ne prime pas sur l’Assemblée et la volonté populaire, mais il constitue un rempart contre le carriérisme politique basé sur la démagogie. Dans l’organisation de cette volonté de conseil, on progresse par son talent, et on peut proposer des idées aux élus du peuple, un peu comme dans une version du lobbysme transparente et accessible à toutes les personnes talentueuses du peuple. Dans le schéma de la volonté de conseil, il y a d’abord l’assemblée primaire des commissaires à la nation. Comment sont sélectionnés les commissaires ? Par un concours à échéances régulières, ouverts à tous les citoyens de plus de 30 ans, qui se compose en deux voies d’accès : D’abord, le recrutement par la constitution d’un dossier, d’une thèse courte sur un sujet tel que l’économie nationale, la défense, la sécurité intérieure, la géopolitique, la gestion de la recherche nationale, le droit constitutionnel… Un jury tripartite (députés de l’Assemblée, commissaires, experts universitaires ou anciens membres de gouvernements de toutes nationalités) ; Mais aussi, une voie de recrutement « par le fait » : le même jury tripartite sélectionnera régulièrement une liste de personnes s’étant distingués en tant qu’entrepreneurs particulièrement performants (aussi bien dans les grandes que les petites entreprises, celles qui correspondent à des intérêts nationaux vitaux comme celles qui ont émergé récemment dans des secteurs imprévus – cf. le modèle économique que nous prônons dans le numéro 7 de notre journal), ou en tant que dirigeants d’associations d’utilité publique, en tant qu’inventeurs, ou parmi les militaires méritants (dans les opérations de maintien de la paix.

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Tous les candidats retenus par le jury devront également se soumettre à un examen de culture générale, de connaissance du droit et de l’administration sur le modèle des grandes écoles actuelles. Cette « assemblée des sages », donne des avis, peut interroger l’Assemblée des Députés du Peuple sur ses décisions, demander des comptes, proposer des lois et des textes, demander l’abrogation de lois. Les députés restent souverains, mais les commissaires ont un pouvoir de critique fortement médiatisé, qui peut mettre les députés en position délicate face à leurs électeurs. Les citoyens peuvent également, s’ils se heurtent à des fins de non-recevoir face à leurs députés, demander aux commissaires de porter leurs revendications à l’Assemblée (les citoyens protestataires peuvent aussi devenir commissaires, plus facilement qu’on ne crée un parti pour les prochaines législatives). L’avantage des commissaires est que tout en respectant la souveraineté des députés, ils permettent à des idées originales d’émerger, sans se soumettre à la course aux voix, à la démagogie, et au conformisme face aux opinions dominantes. L’assemblée des commissaires élit le comité de défense nationale. Ses membres ont au moins 50 ans. Le comité est un organe collégial dont les sièges sont fixes. En effet, 4 sièges sont réservés à des représentants de l’armée, grande nouveauté en ce sens où nous offrons à cette dernière une représentation structurelle de ses intérêts. 4 autres sont réservés à des acteurs majeurs de l’économie Française. Les 8 autres sont partagés entres des juristes (pour le contrôle de la constitutionnalité des lois), des représentants de l’éducation nationale, du monde scientifique et de l’information. Le comité, dont les séances sont à huis clos, élit à l’unanimité parmi ses membres le président de la république. L’intérêt est que le président ne soit plus le fruit de sa capacité à être une bête médiatique, à mentir et à se rabaisser. C’est un homme mûr, expérimenté, et conscient de l’intérêt national. Nous redonnons son sens à la juste idée d’origine de la cinquième république : le président n’est pas l’homme d’un parti, mais le garant de la constitution, ainsi que de l’indépendance nationale. Nous créons artificiellement une situation de cohabitation permanente. Cependant, en cas de désaccord entre les deux volontés (populaire et de conseil), il convient d’établir des mécanismes de pression réciproques. Ces derniers doivent être rodés avec le temps, mais nous pensons qu’un droit de referendum sur une loi, un droit de dissolution du président sur le parlement, mais aussi du parlement sur le comité (ce qui entraîne naturellement une démission du président, car bien qu’irresponsable

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politiquement, il est issu du comité) sont nécessaires. Les mécanismes entre le parlement et le gouvernement sont également maintenus, bien que leur pertinence soient réduits par le bipartisme. Enfin, dans les cas extrêmes, nous pensons qu’il faut donner les moyens aux deux volontés de s’imposer pour débloquer une situation grave, en espérant que cela n’arrive jamais. La volonté de conseil disposera toujours de l’article 16, soit des pleins pouvoirs du président.

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Les libertés de la société civile NOTRE LIGNE : Nous considérons qu'actuellement certaines libertés sont menacées par une invasion grandissante de l'Etat dans la vie privée des citoyens. Nous pensons qu'il est nécessaire de remettre au goût du jour la règle simple selon laquelle "tout ce qui ne nuit pas à autrui est autorisé". Ainsi, concrètement, nous pensons qu'il faut revenir sur nombres de lois liberticides émises depuis quelques décennies par les gouvernements de droite comme de gauche. Ces lois sont en effet le fruit d'une action politique qui se tourne vers la répression dans le but de satisfaire un électorat vieillissant, d'une part. D'autre part, elles sont le fait de l'incapacité des Etats à influer sur le véritable levier de la vie quotidienne, soit l'économie. Enfin, une troisième raison aux réductions des libertés ces dernières années, peut se trouver dans l'influence grandissante d'associations faisant pression sur l'Etat pour satisfaire des revendications ciblées, au détriment du vote. Néanmoins, ce droit doit s'accompagner de campagnes de préventions sans cesse accrues pour informer le citoyen des risques qu'il encourt. Des solutions d’aide psychologiques doivent être mises en place également pour aider tout « repenti » à échapper à une conduite dangereuse. Enfin, nous pensons qu'une frontière infranchissable doit être établie ou renforcée entre le monde de l'enfance et le monde des adultes. En ce sens, les lois récentes sur l’interdiction des jeux de hasard ou de la vente de cigarettes aux mineurs, ou bien le renforcement des procédures de sécurité contre la pornographie par satellite sont justifiées. La distribution des produits addictifs Pour couper court aux trafics et abandonner une prohibition vaine, nous légaliserons la vente de cannabis, et ré-autoriserons les bars et autres commerces fumeurs. Les exploitants des entreprises concernées se verront imputer un surplus d’impôt sur le revenu (cf. notre projet fiscal autour d’un grand impôt sur le revenu) pour financer des soins pour les cancéreux et les cures de désintoxications (l’assurance-maladie étant désormais financée par l’impôt) ainsi que des campagnes de prévention.

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L’usage de son propre corps L’interdiction de la prostitution est contre-productive, et liberticide quand il ne s’agit pas de réseaux esclavagistes. Notre priorité (reliée avec notre nouveau système économique) est la réduction du chômage, et des possibilités d’aide sociale accrue (et de refuges, cf. nos propositions sur la sécurité) pour aider les prostitué-e-s, quelque soit leur nationalité, à sortir de cette activité vers un autre emploi. La liberté d’expression Nous considérons que tout propos qui ne menacent ou ne diffament pas des personnes précises n’ont pas à être jugés devant les tribunaux. Nous proposons de réduire considérablement la portée des lois combattant « l’incitation à la haine », et d’élargir à nouveau la liberté d’expression. Les lois mémorielles (Gayssot, Taubira) seront remplacées par une loi contre le révisionnisme. Il ne s’agira plus de faire écrire l’Histoire par le parlement, mais d’avoir une loi qui puisse faire poursuivre une personne publiant un texte où l’on réfute l’existence de crimes de masse généralement reconnus comme réels en utilisant les méthodes négationnistes (sélectivité des sources, attaques aux personnes, hypercritique…). Chacun a le droit de critiquer l’historiographie dominante, mais nier des crimes, de façon non scientifique, est la première étape pour leur recommencement. La liberté d’accès à l’information et à la culture Nous nous prononçons pour une suppression pure et simple des lois organisant la surveillance d’Internet et des téléchargements, donc en premier lieu de Hadopi. Il est inutile d’affronter l’imagination de millions d’utilisateurs pour copier et transmettre la musique, les textes, les images. Nous réunirons d’abord des conférences afin de faire connaître les nouveaux modèles économiques qui permettent aux artistes de se financer sans traquer l’utilisateur qui télécharge (systèmes Deezer, Flattr, par exemple). Nous pensons que l’Etat n’a pas à décider de ce qui est beau ou non. Et donc prônons la suppression du Ministère de la Culture, pour le remplacer par un ministère chargé de la protection du patrimoine reconnu par tous comme historique (nos châteaux, cathédrales ou paysages). Mais pour la

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culture actuelle, le seul rôle de l’Etat doit être de faire en sorte que personne ne soit trop pauvre pour avoir une consommation culturelle. Car la culture n’est en réalité jamais gratuite : que ce soit pour acheter des livres, des disques, des places, ou un abonnement Internet, l’attrait du public pour une œuvre culturelle se mesure à l’effort que chacun est prêt à y accorder. Une culture « gratuite », faite de subventions d’Etat, c’est une production ne répondant la demande de personne. A ceux qui diront que les plus belles œuvres ne sont pas les plus vendues, nous répondrons qu’une belle œuvre finira par s’imposer spontanément, tôt ou tard. Rimbaud n’était pas riche, certes, mais il n’était pas non plus subventionné.

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III) Notre nouveau modèle économique Pourquoi un nouveau système économique ? Résumé : Le capitalisme, même peu libéral tel que nous le connaissons en France, est à la fois exploiteur, trop inégalitaire, et gaspilleur de temps et de ressources. Les innombrables régulations dont il a fait l’objet l’alourdissent plus qu’elles ne l’améliorent. La planification comme la fixation des prix semblent vouées à l’échec, et nous ne pouvons renoncer aux échanges extérieurs. Trois failles de l’économie capitaliste de marché Distinguons d’abord capitalisme et économie de marché : le capitalisme est un système où les biens productifs, l’initiative de la production et surtout les profits sont privés. Cela ne signifie pas que les échanges ne seront pas réglementés, qu’il n’y aura pas de monopoles de droit, d’imposition, ou que tout le monde aura accès à l’initiative économique, ou que les prix soient librement décidées entre offreurs et demandeurs. Ce qui serait les conditions d’une économie de marché libérale. Par leur refus du capitalisme, les membres de Socialisme et Souveraineté manifestent principalement leur contestation : - De l’exploitation économique, c’est-à-dire de la captation du produit du travail par la propriété. Que celui qui a mis un capital à disposition d’autrui pour travailler puisse conserver la valeur de ce capital, qu’on l’indemnise de la dégradation de son capital, contre l’inflation, est parfaitement normal. Qu’on indemnise la prise de risque par une prime compensant les pertes l’est aussi. Mais le principe du capitalisme va au-delà, et permet de s’enrichir réellement et sans cause par la propriété. Et cet enrichissement est loin d’être accessible à tous, et au même niveau ; - D’un niveau d’inégalités qui, bien qu’en baisse sur notre longue histoire de pays industriel, restent élevées : les 10% d’habitants les plus riches de France touchent 6 fois plus par tête que les 10% les plus

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pauvres, et ce niveau d’inégalité est inférieur à la moyenne de l’OCDE. Nous refusons l’idée selon laquelle ces inégalités seraient globalement imputables au choix de certains de travailler moins que d’autres ou à leur moindre mérite : non pas parce que les différences entre individus n’existent pas, mais parce que la cause principale des inégalités, c’est la division des tâches existant dans toute société industrielle. Quand bien même tout le monde travaillerait et étudierait d’arrache-pied, on ne pourrait tous devenirs directeurs de service, d’entreprise, ingénieur ou technicien de haut niveau. Nous ne reviendrons pas sur la division du travail, nous devons alors assurer une redistribution du revenu, et pas seulement pour venir en aide à la grande pauvreté ; - De productions inutiles, imposées par la trop faible coopération entre individus et mutualisation des consommations dans l’économie de marché. Contrairement aux libéraux, nous ne pensons pas que la solution à toutes les pénuries soit toujours dans la hausse de l’offre : pour ce qui est du logement, s’il est vrai que l’Etat entrave la construction par ses taxes et lois, en revanche le stock de logements (y compris vacants et résidences secondaires) suffirait déjà à loger tous les habitants de ce pays ! De même, le recours massif à l’automobile, sans parler des « services financiers » et juridiques est loin d’être toujours choisi, et on pourrait bien imaginer un système qui s’en passe ! Les entreprises font preuve, économies oblige, d’une sobriété croissante d’énergie et de ressources par unité produite. Mais en produisant encore plus de logements, de biens, de déplacements, de services, et même si, nous pouvons arriver à des gaspillages de plus en plus grands, qui réduisent les gains écologiques que nous venons d’évoquer (« effet rebond »). Parmi les pays à économies de marché développées, est-ce dans les plus riches que l’on vit le plus vieux, qu’on est le plus éduqué, le plus informé, le mieux nourri… ? La réponse est non. Et des productions futiles, même si agréables, sont toujours une perte de temps et de ressource pour de nouvelles recherches. Les écueils à éviter Les expériences du XXème siècle nous ont cependant mis en garde contre les idées suivantes : - La planification de l’économie : même si l’expérience de l’URSS et ses alliés a été largement faussée par l’absence de démocratie, non

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imputable en soi à la planification, la planification est condamnée par l’incapacité d’une structure centralisée à synthétiser l’essentiel de l’information concernant la disponibilité des ressources et les processus de production efficaces ; - La fixation des prix : d’autres modèles alternatifs, comme l’écosociétalisme (www.societal.org), prévoient une fixation générale des prix par la voie démocratique. Or, comme pour la planification, l’Etat ne peut connaître autant d’informations que les millions d’individus qui négocient les prix, et les fixations de prix ont débouché fréquemment sur des pénuries et fraudes ; - L’autarcie : dans le cinquième numéro de notre journal (Janvier 2011), nous avions conclu que si la protection de secteurs stratégiques est vitale, aucune nation ne se développe sans échanges extérieurs. Il faut donc une économie qui maintienne ces échanges, et incite à éviter des déficits commerciaux durables. Et qui n’interdit pas les investissements étrangers ; - Le réformisme : combien de mouvements politiques veulent « sortir du néo/ultra-libéralisme », à coup de réglementations, quotas, monopoles, subventions…Or c’est déjà le portrait de la France actuelle, capitaliste mais fort peu « libérale » (cf. le sixième numéro de notre journal, de Février 2011)…

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Produire (comment entreprises)

fonctionneront

les

Résumé : Ce système économique repose sur des entreprises produisant et échangeant librement, sans planification. Elles ont des crédits illimités, pour peu qu’elles aient été autorisées par la collectivité à naître. Mais la même collectivité impose des barèmes de soldes (la différence entre les ventes et les achats) pour chaque secteur, et selon la taille de l’entreprise. En dessous de ce solde, l’entreprise est dissoute, ou l’entrepreneur démis. Les entreprises ont donc l’obligation de réduire leurs dépenses au minimum et de maximiser la quantité et la qualité de leur production pour survivre face à la concurrence. Commençons par le point de vue du producteur, c’est-à-dire de l’entreprise. Nous verrons la différence entre un dirigeant d’entreprise et ses employés ensuite. Car, dans toute économie moderne, il y a au moins un responsable à la tête d’une entreprise. La naissance de l’entreprise Vous avez une idée d’entreprise à mettre en œuvre. Et bien ici, ce sera tout simple : vous préparez juste votre dossier de projet, vous y mettez ce que vous souhaitez produire et vendre, vos compétences pour le faire, votre plan commercial. Et, dans notre réalité, vous iriez rassembler vos économies pour ensuite négocier un emprunt dans une banque, ou autre établissement de crédit. Mais là, vous iriez dans une agence collective, qu’on va appeler « banque » par commodité. Ici, la banque juge juste la qualité de votre projet, et vous autorise –ou non- à vous lancer dans votre aventure. Alors, avec quel capital allez-vous acheter mes locaux ? Et bien c’est simple : vous avez un crédit illimité. Délirant ? Nous allons en juger dans ce qui suit.

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Crédit illimité et obligation de soldes positifs Si vous lancez une entreprise, vous réaliserez vos frais les premières années. Dans ce système, vous ne ferez pas d’emprunt. Vous êtes vousmêmes votre créancier ; dans votre comptabilité, le coût de votre investissement sera partagé et enregistré sur plusieurs années, tout comme la recette de votre fournisseur. Une fois que vous aurez constitué tout votre outil de travail, va venir l’essentiel, vendre. Si vous commercez entre entreprises, les prix sont libres, et chaque transaction va modifier ainsi votre solde (la différence ventes-achats). Mais comment peut-on agir ainsi si chaque entreprise à des crédits illimités ? A priori, chacun pourrait vendre et acheter ce qu’il veut à des prix extravagants. Mais ça ne pourra se passer ainsi. Et ce pour deux raisons. Prix libres et rationalité des prix La première est que les entreprise ne vendront pas qu’aux entreprises, mais il y en a qui vendront aux particuliers. Ces derniers ont un revenu qui, lui, n’est pas illimité. L'entreprise ne pourra pas exiger d'un particulier des sommes astronomiques. La seconde raison est l’obligation d’avoir un solde positif, et supérieur à un barème imposé. Chaque entreprise a réalisé un solde, positif ou négatif. C’est là qu’intervient la collectivité : au bout de chaque année, on connaît la valeur moyenne du solde des entreprises. Les banques (ou l’Etat, la collectivité en somme) vont alors supprimer les entreprises affichant un solde négatif ou nettement plus bas que la moyenne des entreprises du même secteur et de taille comparable, sur une ou plusieurs années. Ou alors celles qui ont un solde nettement négatif, ou une proportion définie (par exemple cinq, dix ou vingt pour cent ou plus) des entreprises ayant les soldes les plus bas. C’est ainsi que l’on voit que les entreprises n’ont pas intérêt à faire n’importe quoi. Elles peuvent s’amuser à vendre entre elles des biens à des prix astronomiques, il n’en resta pas moins que la somme des ventes entre entreprises sera égale à celles des achats. Il y aura aussi des ventes aux particuliers, mais qui représenteraient peu de choses en comparaison, puisque les particuliers ne peuvent payer des prix hyper élevés. Il y aura donc des entreprises qui auront fait plus de ventes à d’autres entreprises, et qui auraient donc des soldes positifs extrêmement élevés, et d’autres qui auront fait plus d’achats que de ventes et auront des soldes extrêmement négatifs. La

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collectivité va imposer une obligation de réaliser un solde positif. Et, dans ce cas, beaucoup d’entreprises vont être supprimées. Le seul moyen pour les entreprises d’assurer leur survie est d’avoir le solde le plus élevé possible. Donc de minimiser ses dépenses et de maximiser ses ventes. Mais le seul moyen pour que toutes les entreprises, ou du moins la majorité, puissent espérer faire des soldes positifs, serait que les ventes soient supérieures aux achats. Or, ce n’est possible que si on ajoute à la comptabilité des échanges entre entreprises celles des ventes aux particuliers. Donc, les entreprises doivent maximiser également leurs ventes aux particuliers, qui ont des revenus en quantité limitée. Les entreprises qui vendent aux particuliers sont obligées d’offrir des prix raisonnables dans un contexte de concurrence. Et donc ces entreprises ne peuvent payer des prix énormes à leurs fournisseurs. Il y a donc une rationalité des prix qui se transmet dans toute l’économie, puisqu’il y a toujours une production limitée (car il y a une quantité limitée de travailleurs et de ressources), et un pouvoir d’achat limité des particuliers. Dans ce système, les entreprises ont un intérêt absolu à réduire leurs dépenses par rapport à leurs concurrents. Les entreprises n’ont donc pas intérêt à utiliser leurs crédits, même s’ils sont illimités, pour nourrir leurs propres salariés, qui tireront donc leurs revenus, en quantité limitée, d’une autre source. La mort des entreprises Lorsque l’Etat supprime une entreprise, il ne détruit pas ses locaux et ne disperse pas le matériel ni les travailleurs. Il impose simplement au responsable de l’entreprise de démissionner de ses fonctions, et fait un appel à candidatures pour son remplacement. Lorsqu’un barème est imposé, en dessous duquel certaines entreprises seront éliminées, ce barème ne sera pas le même selon les entreprises. Il variera en fonction de la taille de l’entreprise en nombre de travailleurs. Aussi, une entreprise produisant des automobiles ne pourra être comparée à celle qui produit des ordinateurs, des légumes en conserve ou des voyages touristiques. Donc les barèmes varieront également selon le secteur d’activité.

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Consommer (comment les particuliers gagneront leur vie, consommeront et constitueront leur patrimoine) Résumé : Chaque individu a droit à une part d’un revenu national destiné à l’achat des biens et services de consommation. Ce revenu varie en fonction du métier de la personne, de son secteur d’activité, mais aussi des résultats de son entreprise. Ainsi le revenu n’est jamais entièrement décidé par l’Etat. Et les travailleurs ont toujours intérêt à accroître la productivité des entreprises. Les revenus des particuliers, limités, sont versés dans une monnaie différente de celle, illimitée, des entreprises. Ce qui permet à l’Etat de jouer sur les taux de conversion et de favoriser ou non certaines consommations, sans rien interdire ni sacrifier les revenus des producteurs. L’allocation du revenu aux particuliers Chaque individu aura un revenu versé par la collectivité, ou encore l’Etat, si l’on préfère. Ce ne sont pas les entreprises qui paient leurs employés, même si les employés sont concernés par la performance de leurs entreprises. Il y a, au début de chaque année, une quantité fixée de revenus à distribuer entre tous les habitants du pays. Elle croit d’année en année en fonction de l’estimation de la croissance de la production consommable. L’Etat y retranche d’abord une fraction qui servira aux dépenses de consommation collective (des services publics et étatiques gratuits). Et le reste sert à financer des revenus individuels. Pour chaque personne, l’Etat écrit une équation. A la base, vous disposez d’un soixante millionième (cas de la population française) du revenu national. Mais cette fraction va être multipliée par plusieurs facteurs : le facteur « Secteur d’activité », le facteur « Métier », et le facteur « Résultats de l’entreprise ». Ces facteurs sont des nombres, toujours supérieurs à zéro, mais qui resteront le plus souvent compris entre zéro et un nombre relativement bas, cinq par exemple, pour ce qui est des facteurs liés au métier ou au secteur d’activité.

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Déjà, à la base, l’Etat ne va pas vous verser la même chose si vous êtes inactif, retraité, étudiant, ou que vous travaillez dans un des secteurs de l’économie. Cela détermine votre facteur lié au « secteur d’activité ». On va donc vous attribuer un facteur plus élevé si vous êtes travailleur, et moins élevé si vous êtes actifs. Vous ne toucherez pas la même chose non plus, si vous travailliez dans un secteur que l’Etat entend favoriser, ou qu’il entend défavoriser. Au sein de l’entreprise ou de la structure dans laquelle vous travaillez, vous ne percevrez pas non plus le même revenu selon votre métier. Normalement, le dirigeant est celui qui a le plus haut facteur lié à son métier. Afin de motiver leur personnel, les entreprises peuvent attribuer divers niveaux de responsabilité à leurs membres, de l’exécutant au cadre ou à l’ingénieur. Vient ensuite le facteur lié aux résultats de l’entreprise. Nous avions vu que les entreprises avaient un barème, fixé par l’Etat ou les « banques » dans chaque secteur de l’économie, et en fonction de la taille de l’entreprise. Si l’entreprise réalise un solde très inférieur à ce barème, elle risque d’être dissoute. Mais le barème va aussi servir à moduler le revenu des membres de l’entreprise. Si le solde de l’entreprise est égal au barème, le facteur lié au revenu de l’entreprise sera égal à un. Plus le solde de l’entreprise sera inférieur au barème, plus ce facteur tendra vers zéro. A l’inverse, le facteur peut dépasser un si l’entreprise réalise un meilleur solde que les autres entreprises de sa catégorie. Le produit des coefficients et du revenu de base aboutit au revenu individuel, basé sur les performances de l’année précédente, sur des critères que chacun peut connaître et critiquer. Au final, l’équation du revenu individuel est : Revenu individuel = Revenu national / Population * coefficient métier * coefficient secteur * coefficient du résultat d’entreprise Les coefficients de métier et de secteur étant votés par les parlementaires, parmi plusieurs propositions de statisticiens. Ces propositions doivent vérifier la condition suivante : la somme des revenus individuels est égale au revenu national que l’Etat entendait verser.

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Le marché du travail Ainsi se régule l’activité des personnes dans ce système. Il y a d’une part une régulation collective, de par les plus et les moins affectés à telle profession ou filière d’activité. Mais les plus libéraux redouteront, et sans doute à juste titre, un marché du travail régi par l’Etat. Mais il y a toujours cependant une régulation du travail par les entreprises ellesmêmes. Le calcul du revenu vu plus haut fait que nous aurions tous intérêt à rejoindre les entreprises les plus productives, aux meilleurs ratios. S’il y a trop peu de travailleurs dans un secteur, parce que l’Etat aurait fait une désincitation peu pertinente, les prix que les entreprises paieront pour ces services monteront. Une filière indispensable au fonctionnement de l’économie ne peut disparaître. Les prix à la consommation Abordons une subtilité nouvelle de ce système : il y a une monnaie pour les entreprises, que nous appellerons par exemple le franc, et le revenu des particuliers sera distribué dans une autre monnaie, que nous appellerons par exemple l’écu. La monnaie des particuliers est à validité temporaire (mais elle peut être épargnée), et en quantité limitée. La conversion entre les deux monnaies doit forcément être décidée par une autorité extérieure au marché, sans quoi les entreprises demanderaient que chaque écu versé en achat leur rapporte des quantités astronomiques de francs. Est-ce que cela revient à fixer les prix, comme cela était le cas dans les économies planifiées ? Non, car le consommateur est toujours libre d’offrir la quantité d’écus qu’il souhaite pour s’offrir quelque chose. Mais l’Etat a la possibilité de modifier les taux de conversion pour changer le pouvoir d’achat du consommateur sur tel ou tel produit sans diminuer le gain du vendeur (c’est là l’intérêt de la double monnaie par rapport à des fixations de prix). A l’inverse, les productions qui ne bénéficieraient pas de taux favorables vont à la fois perdre une partie de leur clientèle et être moins produites par leur filière. Mais il faut rappeler que les entreprises ont des crédits illimités, et peuvent s’arranger librement pour effectuer leurs tâches. Dès lors influencer un prix à la vente auprès des particuliers orientera l’économie, intensifiera ou raréfiera certaines productions, mais ne créera aucun obstacle technique pour qu’une entreprise puisse produire ce que quelqu’un est prêt à acheter. Il n’y

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aura pas, contrairement à une économie planifiée, de pénurie inévitable. Les travailleurs ne sont plus directement rémunérés par leur patron mais par la collectivité, sans être fonctionnaires. La collectivité peut orienter des productions, sans n’en empêcher aucune.

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Echanger monnaie)

(le

commerce

extérieur,

la

Résumé : Cette économie ne se passera pas du commerce extérieur, et aura besoin d’une monnaie ordinaire (en quantité limité et non temporaire) pour cela, comme l’était le franc, or ou papier. On aurait donc une troisième monnaie. Les entreprises exportatrices et importatrices seront contraintes à négocier la valeur de conversion de cette monnaie d’échange avec leur monnaie illimitée. Et les devises étrangères issues de l’échange serviront à payer les importations, mais aussi les dettes de l’Etat, que le peuple pourra facilement surveiller… Le commerce extérieur Il n’est nullement nécessaire de fermer l’économie nationale pour construire ce système, ni d’espérer qu’il s’étende d’emblée à toute la planète. Seulement, la monnaie en quantité illimitée ne pourrait avoir aucune valeur. Il faudrait donc encore une monnaie différente à convertir avec les devises extérieures. C’est là qu’une monnaie « ordinaire » (en quantité limitée, réutilisable) comme le franc-papier ou le franc-or (cf. la partie sur la monnaie) pourrait servir. Mais comment traduire les prix dans cette monnaie ordinaire en monnaie illimitée des entreprises ? Le problème est plus compliqué que celui des conversions entre particuliers et entreprises, puisque l’Etat ne peut prévoir les quantités de monnaies que les étrangers seraient prêts à engager. L’Etat peut en revanche obliger les entreprises importatrices (qui ont plus acheté que vendu à l’étranger) et exportatrices (l’inverse) à négocier ensemble la conversion entre monnaie interne et extérieure, les importateurs poussant le prix à la baisse et les exportateurs à la hausse. Sans cette conversion, aucune exportation ne peut être comptée dans le solde d’un exportateur, et les banques enregistreraient les importations avec un prix très élevé. Ce qui dans tous les cas, diminuerait le solde et les chances de survie de l’entreprise.

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La dette extérieure Pendant ce temps, les devises obtenues de l’échange seraient mises à disposition d’une réserve nationale. Cette même réserve servirait à l’Etat à rembourser d’éventuels emprunts. Car cette économie ne dispenserait pas la nation de devoir recourrir occasionnellement à l’emprunt extérieur. Lorsqu’il finance des services non payants, l’Etat peut soit s’arroger une fraction du revenu national, qui ne sera donc pas confiée aux citoyens ; mais il peut aussi accroître la dette extérieure. Et les importations futures la rembourseront. D’où la nécessité pour l’Etat : D’inciter les entreprises à dégager momentanément des excédents extérieurs, par la hausse de la production et de la diversité des entreprises. Il peut le faire en favorisant les secteurs exportateurs, en utilisant les coefficients de secteur dans le calcul des revenus individuels (cf. chapitre sur la consommation dans ce nouveau système) ; De modérer ses emprunts, en ayant une politique de dépense modérée… D’autant plus que, dans ce système, la part de la consommation publique dans le montant total de consommation est directement lisible par les citoyens, plus que dans notre réalité. Et ce puisque le revenu national destiné à la consommation (cf. chapitre sur la consommation) serait annoncé tous les ans, ainsi que la part qui va aux consommations publiques. Alors qu’actuellement, peu de citoyens savent ce que représentent les dépenses publiques par rapport au revenu national (PIB), ni comment elles se répartissent.

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Gouverner (la régulation par l’Etat et les agents assimilés à l’Etat) Résumé : Dans ce système, une partie de la bureaucratie d’Etat, fiscale notamment, cesse d’exister. Les entreprises publiques deviennent des entreprises ordinaires. L’Etat a trois outils de régulation (salaires, conversion des monnaies, barèmes de soldes d’entreprises) dont le troisième peut être délégué à des institutions autonomes (nommées « banques »). Les pouvoirs de l’état et les organisations intermédiaires (les « banques ») Le gouvernement a trois instruments principaux pour orienter l’action des entreprises : Les revenus accordés aux travailleurs selon leur secteur d’activité (facteur dans l’équation du revenu) ; Les taux de conversion dans les prix entre entreprises et particuliers; Les barèmes imposés aux entreprises, selon les tailles et filières, dont dépend leur survie. Cette dernière action peut être déléguée à des institutions particulières déjà mentionnées plus haut, les banques. On en parle au pluriel parce qu’il ne s’agirait pas d’une banque centrale, mais d’agences présentes sur tout le territoire. Elles ne seraient ni uniques ni centralisées, et un citoyen s’étant vu refuser une création d’entreprise par une banque locale pourrait toujours retenter sa chance avec une autre, ailleurs. Ayant pour rôle d’autoriser la création d’entreprises et de décider de leur mort, elles seront autonomes par rapport à l’Etat, pouvant déterminer elles-mêmes ces barèmes (par négociation entre elles, puisqu’elles sont multiples et non centralisées). Et leur rémunération aurait la particularité d’être une proportion fixée à long terme du revenu national, sans aucun autre coefficient. Les banques n’auront pas d’autres intérêts que la progression, en quantité et en qualité, de la production destinée aux particuliers. Dans ce système, la « société civile », les entreprises, les particuliers, les banques, ont donc toujours des possibilités de contredire les décisions de

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l’Etat. Si celui-ci décide une rémunération plus basse pour un secteur à forte demande, ou vital pour le reste de l’économie, on peut voir les pénalités étatiques amoindries par des barèmes bancaires plus bas, des prix plus élevés versés par les entreprises et particuliers. Ce qui imposerait aux parlementaires de réviser leur copie dès l’année suivante. Les entreprises publiques Les entreprises publiques (et toutes les activités publiques marchandes) redeviendront des entreprises comme les autres. Dans l’économie de marché, le caractère public et monopoliste d’une entreprise peut se justifier par une décision étatique de mener une politique de vente à perte, pour que l’ensemble de l’économie puisse bénéficier du service (électricité, eau, courrier, transport…), croître plus vite, et générer plus de recettes fiscales. Dans le système que nous décrivons, l’Etat peut de toute façon fixer un prix pour les ventes aux particuliers, et la pratique d’un prix bas pour les entreprises a en fait peu d’importance, puisqu’elles ont des réserves illimitées. Comment mettre en place concrètement ce système ? Résumé : Les patrimoines existants seront convertis en monnaie à l’usage des particuliers, cette monnaie pouvant être épargnée ou retirée d’une année sur l’autre. Cette épargne sera réactualisée tous les ans en fonction des prix à la consommation. La mise en place du système ne requiert pas d’être mondiale; elle peut même se faire au niveau d’une région, voire d’un réseau d’entreprises échangeant avec le reste du monde comme une nation socialiste le ferait vis-à-vis du monde capitaliste. Que deviennent l’épargne et les capitaux des personnes ? Que faire des titres de propriété des millions d’actionnaires, des comptes des dizaines de millions d’épargnants que compte un pays comme la France ? Leur annulation pure et simple serait à la fois une apocalypse sociale et un vol, car si la rémunération nette de ces capitaux constitue l’exploitation capitaliste, supprimer la propriété des capitaux – qui peuvent très bien être

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issus du travail – sans contrepartie « juste et préalable » n’en est pas moins problématique. Une étape obligée, relativement longue (plusieurs mois, sans doute année), sera donc d’évaluer la valeur de ces patrimoines. Dans un esprit purement communiste, on pourrait considérer que leur valeur du patrimoine d’une personne est égale à leur valeur immédiate, celle qui serait consommable si tout ledit patrimoine, soldé des dettes. Une des voix les plus rapides, puisque la monnaie actuelle sera remplacée par une ou des monnaies très différentes, serait d’évaluer chaque patrimoine individuel en proportion du montant annuel de la consommation des ménages. Pourquoi ? Parce qu’il serait alors facile de connaître la valeur d’un patrimoine s’il est directement proportionnel à la masse monétaire distribuée par l’Etat aux particuliers, masse que nous avions vue dans le sujet précédent. Si la consommation des ménages est évaluée à 1000 milliards d’euros lors de la dernière année précédent la transition vers l’économie socialiste, et votre patrimoine à 100 000 euros, vous êtes crédités d’un équivalent d’un dix millionième de la masse monétaire destinée à la consommation. Cette valeur ne fait pas partie de la somme que l’Etat distribue tous les ans, mais vous êtes libre de la débiter pour la dépenser (générant un surcroît de monnaie destinée à la consommation, donc une inflation possible), ou de la créditer (en ne dépensant pas tout ce que vous distribue l’Etat chaque année). Ce qui signifie que dans cette économie, l’épargne existe toujours, et pas seulement comme résidu des patrimoines de l’époque capitaliste, mais comme source de pouvoir d’achat supplémentaire pour le présent (en cas de désépargne) ou pour le futur. Si on vous donne un dix millionième de la consommation nationale comme patrimoine initialement, vous êtes libre de le faire passer à un vingt millionième en en consommant la moitié, ou, si vous le pouvez, de le faire passer à un cinq millionième en épargnant…Pour les années suivantes, les patrimoines sont réactualisés uniquement en fonction de la variation des prix à la consommation. Donc les patrimoines issus de l’époque capitaliste ne pourraient qu’aller vers l’extinction. Expérimenter le socialisme dans un réseau ou une région Il semble possible d’essayer d’abord ces idées sur non pas un pays ou une région, mais sur un réseau d’entreprises, ayant entre elles des échanges, et qui constitueraient un micro-secteur socialiste. Les entreprises du réseau ne se font rien payer entre elles, et cherche à réaliser la meilleure valeur ajoutée

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(c’est-à-dire le plus grand écart entre chiffre d’affaires et coûts) avec le reste du monde. Cette valeur ajoutée (ou plutôt la masse salariale qui en est déduite) est collective, et elle est partagée entre tous les salariés du réseau en fonction du poste, mais aussi en fonction de la performance de l’entreprise dans le réseau: comme dans un système présenté ici, les entreprises du réseau ne paient pas leurs échanges mais les comptabilisent sous forme de points. En cas de soldes négatifs, on recourra surtout à la dissolution nominale des entreprises (en licenciant les administrateurs, pas en démantelant l’outil de production). Les échanges que les entreprises du réseau font avec le reste du monde seraient intégrés comme le sont les exportations et les importations dans le modèle de commerce extérieur que nous avons décrit dans un sujet précédent. Une entreprise sous-productive recevra une part de la valeur ajoutée inférieure à ce qui aurait dû être selon les règles de partage initiale, et cette baisse se répercute sur chaque salarié de l’entreprise en question (au profit des entreprises les plus performantes du réseau). On peut aussi suggérer de mettre en commun les sommes allouées à l’investissement dans les entreprises du réseau. On peut ensuite passer d’un réseau d’entreprise à une région sur le même modèle. Mais, dans ces deux expériences (réseau d’entreprises ou région), de part le très haut taux d’ouverture1 des économies régionales, l’objectif des entreprises est de fournir la plus grande valeur d’exportations possible pour couvrir leurs importations, la différence accumulée s’approchant du revenu global de l’économie, et donc de ses agents.

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Le taux d’ouverture mesure le niveau de connection (ou d’isolement) d’une économie par rapport au monde extérieur. En général, on le mesure sous la forme : Taux d’ouverture = (montant des exportations + montant des importations) / (double du Produit Intérieur Brut)

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Résumé : quels seraient les avantages de ce système ? Premier avantage : pas de chômage, pas de capacités non utilisées Le premier avantage du système est que les capacités de production sont assurées d’être pleinement employées, d’une part parce que le travail et les consommations diverses ne coûtent rien a priori, mais obligent à produire ensuite. Et d’autre part parce que chaque entreprise est assurée de pouvoir écouler son offre: si la monnaie reçue par les particuliers est insuffisante, l’Etat augmente son pouvoir d’achat en jouant sur les taux de conversion entre monnaies. Mais le plein-emploi n’est pas, loin s’en faut, une condition d’efficacité : encore faut-il que les ressources soient employées à bon escient, et non gaspillées. Deuxième avantage : la production est un compromis libre entre ce qui est bon pour la collectivité et bon pour l’individu Ici, l’utilité totale des productions générées par l’économie résulte d’un compromis entre ce qui est reconnu utile par les individus et ce qui l’est par la collectivité. La fixation des taux de conversion entre les deux monnaies (particuliers et entreprises) pour chaque type d’achat est un moyen fondamental d’orienter la production. Le but est de présenter un plan (non coercitif) collectif de consommation (au lieu d’un plan comme en URSS). Troisième avantage : un contrôle direct des inégalités Autre avantage, le système gère directement le niveau des inégalités sociales puisque les revenus sont d’abord constitués de salaires distribués par l’Etat, avec des coefficients par entreprises ce qui fait qu’il est difficile d’avoir de grands écarts de revenus.

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Quatrième avantage : la capacité du système à résister à une situation de décroissance On peut encore dire qu’un tel système permettrait, par l’inexistence du chômage et la régulation des inégalités, de gérer une économie en décroissance, même si ce n’est pas l’objectif du système. Si les ressources naturelles venaient à manquer, pour cause de catastrophe écologique, technologique ou de guerre, et obligeaient à une réduction générale de la production, cette économie permet à chacun de conserver un emploi tout en ayant un revenu minimum. Tandis que dans le cas d’une récession dans l’économie de marché actuelle, on verrait des individus au chômage et qui ne pourraient pas assouvir leurs besoins fondamentaux, tandis que d’autres pourraient s’offrir des consommations de luxe.

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Résumé schématique du fonctionnement du nouveau système

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Réponses à des questions déjà posées (Foire Aux Questions) Vous dites que la menace du chômage n'est plus. Mais soit on gagne assez en étant au chômage, ce qui fait qu'on peut se passer de travailler, soit on ne gagne pas assez en étant chômeur. L'Etat s'engage à donner un travail aux salariés alors ? Le chômage n'existe pas dans cet économie, puisque chacun peut se faire embaucher (les entreprises ne paient pas directement les salariés) ou créer son entreprise. Celui qui peut travailler et ne travaille pas a un revenu d'inactif, inférieur à celui d'un travailleur (sauf s'il s'agit d'un travailleur dans une entreprise ayant un mauvais résultat - de la même manière qu'actuellement il vaut mieux être chômeur indemnisé qu'entrepreneur en faillite) à cause du coefficient du métier qui sera inférieur à 1. Faut-il craindre une fuite des entrepreneurs vers d’autres pays ? Pour ce qui est des créateurs d'entreprises et innovateurs, ils n'auront pas nécessairement intérêt à partir, dans la mesure où la création d'entreprises sera plus aisée en France que dans les autres pays restés sous un système d'économie de marché capitaliste. Vu le niveau relativement faible d'inégalités sociales qu'on pourra attendre dans la société que je décris, il se peut que certains entrepreneurs préfèrent émigrer vers un pays capitaliste. La différence avec la situation actuelle de la France serait qu'il y aurait beaucoup plus d'entrepreneurs, avec davantage d'espoirs de durer dans leur activité, qui pourraient les remplacer. D'ailleurs, il serait vain de penser que l'on n'entreprend que dans l'espoir de finir millionnaire. Beaucoup d'entrepreneurs, sur les 2,5 millions d'entreprises que compte la France, et qui travaillent souvent seuls ou avec moins de 5 salariés, ont des revenus horaires fort moyens, et se doutent qu'ils ne deviendront jamais les rois du pétrole. Avoir un revenu honorable, être son propre employeur, être créatif et œuvrer dans le domaine d'activité qui nous plait sont souvent les principales motivations des entrepreneurs.

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L’histoire du crédit illimitée est dérangeante… Concrètement, comment éviter des escroqueries gigantesques ? Il y a une seule forme de régulation, et c’est sur elle que repose le système : les barèmes de soldes ventes-achats à partir desquels sont éliminées les entreprises. Un entrepreneur qui se sert du crédit illimité pour faire n’importe quoi aura très probablement un solde très négatif, et sera donc éliminé. Cela ouvre à deux questions : qui décide des barèmes, d’abord ? Dans ce qui précède, l’expression « banques » a été employée. Il s’agit en fait d’agences qui disposent du droit d’accorder une autorisation à créer une entreprise, décident des barèmes et des dissolutions. L’élément-clé est la rémunération des « banquiers » : une fraction fixe du montant total des biens et services offerts à la consommation. Ainsi, leur intérêt premier est la croissance en quantité et qualité de la production consommable globale. Et donc ils doivent favoriser les projets sérieux, et éliminer les entreprises improductives systématiquement. La seconde question est : que se passerait-il pour les entreprises au cours de leur première année d’exercice ? Faut-il éliminer celles qui sont en déficit lourd la première année, au risque de sacrifier des avenirs prometteurs ? Faut-il être tolérant, et risquer de voir apparaître des entreprises éphémères, dépensant le plus possible en quelques mois pour être dissoutes ensuite ? Assez libéralement, il faut d’abord laisser les banques (il pourrait y en avoir plusieurs sur le territoire, une par région par exemple) décider : en calculant les barèmes et les soldes sur plusieurs années écoulées, et pas sur une seule, pour prendre la performance de moyen terme de chaque entreprise, et décider de niveaux de déficits en dessous desquels l’entreprise est automatiquement dissoute. Ensuite, des poursuites judiciaires si le niveau de déficit cumulé par une entreprise est très élevé, pour désinciter les créations éphémères et dépensières, puisque ici l’entreprise est en fait toujours débitrice de la collectivité. Ce crédit, c’est de l’argent, non ? D’où vient-il précisément, cet argent ? L’argent a la même origine que tout argent sur terre : c’est une fabrication artificielle, sauf si on l’étalonne sur un métal. L’argent en euros que vous utilisez, comme le franc avant lui, n’a d’autre provenance qu’une imprimerie spécialisée. La monnaie illimitée n’aura aucune valeur par rapport aux devises étrangères. Cette monnaie n’est pas un poids pour la collectivité, puisqu’elle lui appartient, elle l’est pour une entreprise, puisqu’elle a

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obligation de réaliser un solde positif. Quant à la monnaie des particuliers, elle a une valeur liée à celle de la production consommable globale. Créer deux monnaies paraît très lourd à mettre en place et peu pratique. La nécessité de convertir ne va-t-elle pas compliquer considérablement le fonctionnement de l’économie ? Nous ne voyons pas de raison de le penser, puisque cette double monnaie a déjà de nombreux exemples dans la réalité. Prenez les tickets restaurants, ou les billets de cinéma, les places de concerts. Il s’agit d’un support de monnaie ne pouvant servir qu’à la consommation d’un bien ou service par un particulier (une entreprise peut vous l’offrir mais c’est toujours un individu qui consomme). Pour prendre l’exemple de la place de concert, même si elle a un prix nominal, dans la mesure où elle accorde d’emblée la consommation d’une unité de bien ou service, son prix réel peut varier (si vous revendez au noir la place). La monnaie des particuliers suit le même principe : c’est un autre support de monnaie, destiné seulement à un usage précis (la consommation, pas l’achat de machines), qui a toujours à un moment donné une valeur dans une autre monnaie, mais celui-ci est variable : entre la vente officielle et le prix au noir pour une place de concert, et pour la monnaie des particuliers par rapport à celle des entreprises, l’Etat peut décider de faire varier des coefficients en fonction de l’achat réalisé. Qui fournit les résultats des entreprises ? Le responsable ? Il peut truquer les résultats. Est-ce l’Etat qui étudiera tous les comptes des entreprises chaque année ? Pour la comptabilité des entreprises, c’est plus simple que cela : à chaque transaction, l’entreprise vendeuse déclare le prix à une banque et l’acheteuse confirme. Le vendeur a forcément intérêt à déclarer, puisque sinon son solde se réduit. Aussi, à tout moment, les banques ont le solde de toutes les entreprises, ce qui est parfaitement faisable avec les moyens électroniques actuels (tout comme vous pouvez consulter vos comptes bancaires…). Si un chef d’entreprise est démis de ses fonctions et qu’aucun remplaçant ne se présente, il y a dissolution totale de l’entreprise, et mise aux enchères de ses biens.

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Il est toujours possible qu’un secteur connaisse une crise passagère… Ne va-t-il pas disparaître à cause des barèmes ? Si un secteur ayant une réelle importance pour l’activité d’autres entreprises rencontre des difficultés, des surcoûts, une partie des entreprises du secteur disparaîtront, mais d’autres survivront en demandant des prix plus élevés à leurs clients, entreprises ou particuliers, ce qui passera si le secteur en question produit vraiment quelque chose de vital pour le reste de l’économie. L’idée des salariés qui « migrent » vers les secteurs attractifs, c’est bien, mais parfois certains métiers réclament une formation longue… Pour la durée de reconversion, personne ne vous empêche de prendre du temps pour vous reformer, et le but du système est justement de jouer sur des encouragements à la réorientation, donc progressivement, et non de planifier l’activité, ce qui pourrait déboucher sur tous les changements les plus abrupts et absurdes qu’on pourrait imaginer. Mais la question soulevée est intéressante, car il se peut que le gouvernement fasse des changements intempestifs de coefficients qui avantagent un métier, puis le désavantage, etc...et perturbent les choix d’orientation individuels. Cependant, si on part du principe que le gouvernement fait toujours n’importe quoi, aucun système ne fonctionne, pas même l’économie de marché relativement libérale... Mais il y a toujours un double effet, dans le revenu, entre les coefficients choisis par l’Etat et les ratios des entreprises : si un secteur et des entreprises employant des professions particulières sont vraiment très demandés sur le long terme, il y aura des ratios forts et attractifs durables. Comment seraient payés les fonctionnaires ? Pour ce qui est des agents exerçant des activités ne pouvant faire l'objet d'un commerce (police, fisc, armée), ils reçoivent, comme les autres travailleurs, un salaire versé par l'Etat, avec un coefficient de performance neutre (égal à 1). Leur salaire n'est donc variable qu'en fonction du revenu national, comme pour les inactifs, sauf que les fonctionnaires régaliens ont des coefficients de métier et de secteur supérieurs à ceux des inactifs.

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Il y a certaines activités que l’on voit mal entrer dans ce cadre : je veux être écrivain ou monter un théâtre. Est-ce simple d’évaluer mon projet pour la banque ? Si vous voulez créer un théâtre ou être écrivain, vous pouvez vous déclarer en tant qu’entreprise. Il est vrai que juger de la pertinence d’un projet artistique est difficile. Mais dans l’économie actuelle, vous êtes obligés de vous en remettre aux éditeurs pour juger de la qualité de votre livre ou aux banques pour financer un théâtre. Dans ce nouveau système, plusieurs solutions seraient possibles : rejoindre une entreprise d’écrivains, devenir salarié d’une entreprise d’édition… Si vous décidez de travailler seul, dans la mesure où vous serez une petite entreprise peu susceptible de gâcher des ressources importantes, les « banques » devraient faire preuve de tolérance ; et comme il n’y en aura pas qu’une, vous pourrez compter sur une pluralité d’opinions pour juger votre projet. Vous pouvez aussi décider de vendre vos livres de la main à la main, contre de la monnaie de particuliers, et donc de ne pas être une entreprise. Mais si vous avez besoin de capital, ce serait dommage de ne pas utiliser une source a priori illimitée. Le calcul du revenu de chaque actif paraît fort complexe… Combien d’experts faudra-t-il embaucher pour répartir les revenus ? Le calcul est fort simple, si on le compare au calcul des pensions de retraites, surtout dans des pays qui utilisent des formules tenant compte de l’âge et de l’espérance de vie à un âge donné, comme la Suède par exemple… Pour chaque personne, vous auriez besoin de quelques informations : son métier, secteur, et le ratio de son entreprise, indice fourni par les « banques ». Pour la France, cela ferait une base de 65 millions de lignes, avec quelques colonnes, ce qui est loin d’être énorme. Ensuite, pour fixer des coefficients de sorte à ce que la somme des revenus coefficients et distribués soit bien égale au revenu national prévu, il faudrait un nombre de personnes se comptant sur les doigts d’une main. Dans l’absolu, une seule personne peut faire des calculs et des simulations. Mais comme ces simulations auront une portée politique fondamentale, il en faudra plusieurs, qui feront des hypothèses différentes de choix de coefficients, et les transmettront aux parlementaires de différentes formations pour être soumises au vote.

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Comment est calculé le revenu national ? Ce système ne va-t-il pas générer une bureaucratie considérable ? Pour le revenu national, lors de la première année du système, une valeur arbitraire sera calculée ; mais ensuite, par projection de l’évolution des quantités de biens et services produits et consommés, et de leurs prix, les statisticiens feront varier cette somme. Leur calcul sera forcément approximatif. S’il y a moins de production que prévu, les entreprises augmenteront spontanément les prix ; s’il y en a plus que prévu, l’Etat peut modifier les coefficients de conversion pour accroître le pouvoir d’achat (et s’il le fait abusivement, les entreprises rétabliront la balance en haussant les prix). Les employés payés avec une autre monnaie, vont devoir acheter aux entreprises avec cette monnaie. Donc les entreprises se retrouveront avec une monnaie dont elles ne peuvent pas se servir : quel intérêt ? Les entreprises se débarrassent de la monnaie des particuliers en la convertissant, tout comme un commerce alimentaire le fait pour un ticket restaurant. Si elles ne convertissent pas cette monnaie, elles enregistrent moins de ventes et leur solde sera plus bas (donc elles risqueront davantage d’être dissoutes). Mais la monnaie des particuliers est à validité limitée, à un an. Donc la monnaie non consommée dans l’année est de toute façon sortie de la circulation, sauf si elle a été déposée comme épargne. Comment planifier de gros achats pour un particulier si son revenu est remis en cause chaque année ? Faire des investissements tout en n’étant pas sûr de ses revenus sur plusieurs années, c’est le lot habituel de l’entrepreneur, et par extension des salariés du secteur marchand avec des contrats précaires ! Et il est certain que les modifications de coefficients représenteront autant de discordes entre les différentes catégories professionnelles…Cependant, la crainte du chômage aura disparu, et chacun disposera d’un revenu de base (même en cas de grosse faillite d’un entrepreneur, il a toujours un revenu minimal, mais si les pertes qu’il a engendrées sont énormes, il peut être poursuivi par une banque pour se faire pénaliser sur plusieurs années).

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Les différents facteurs appliqués à la formule calculant le salaire font que la somme des salaires à verser peut être moins forte ou plus forte que celle prévue initialement. Comment on fait alors ? On peut calculer des coefficients de sorte à ce que les sommes des produits de coefficients (métier*secteur*ratio entreprise) des particuliers soient en moyenne égaux à 1. Et donc la valeur distribuée sera bien égale à (revenu national - dépenses publiques). Un exemple, prenons six personnes, avec les coefficients: entrepreneur (m1), ingénieur (m2), ouvrier (m3), inactif (m4), industrie (s1), services (s2), inactif (s3)

industrie

Ratios de leur entreprise 2

Produits de coefficients m1 * s1 * 2

ingénieur

industrie

2

m2 * s1 * 2

Léon

ouvrier

industrie

0,5

m3 * s1 * 0.5

Michel

entrepreneur

services

0,5

m1 * s2 * 0.5

Luc

ouvrier

services

2

m3 * s2 * 2

Jo

inactif

inactif

1

m4 * s3 * 1

Nom

Métier

Secteur

Jean

entrepreneur

Jacques

Il y a 6 personnes, et donc cette condition doit être respectée : m1*s1*2 + m2*s1*2 + m3*s1*0,5 +m 1*s2*0,5 + m3*s2*2+ m4*s3*1 = 6 Vu qu'il y a 7 inconnues et une équation, de nombreuses solutions sont possibles. Un exemple : m1 = 1.25 ; m2=1 ; m3 = 0.75 ; m4 = 0.25 ; s1 = 0.77 ; s2 = 1 ; s3 = 0.5 Calculons m1*s1*2 + m2*s1*2 + m3*s1*0,5 +m 1*s2*0,5 + m3*s2*2+ m4*s3*1 et nous avons 6, donc chacun des produits vaut 1 en moyenne. Mais comment peut-on avoir la connaissance de ces chiffres? En effet, pour le secteur comme le métier ou plus encore le ratio de l'entreprise,

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il y a incertitude si l'on se base sur l'année en cours. Que faire si la personne change de métier, de secteur? Et comment peut-on prévoir le ratio de l'entreprise? Impossible ... sauf si l'on se base sur les valeurs de l'année précédente : on attribue à chaque personne les coefficients correspondant au métier qu'elle a occupé le plus longtemps l'année passée, celui du secteur ou elle a le plus longtemps été, celui du ratio de l'entreprise ou elle a le plus longtemps été.

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IV) Notre positionnement écologique Notre programme économique est axé sur sa capacité à rendre possible le plus haut niveau production de biens et de services, mais surtout au fait de permettre à tous ceux qui le veulent de travailler. Sur la question de la décroissance, la position de l'organisation est sceptique, voire clairement négative. Le discours décroissant se base sur ce syllogisme: 1) Nous savons que les ressources matérielles de la planète sont limitées, et qu'elles sont déjà promises à un épuisement proche; 2) La croissance de la production de biens et de services signifie nécessairement que l'humanité prélève et utilise davantage de ressources matérielles et d'énergie présentes dans notre environnement; 3) Conclusion: la croissance économique ne peut pas continuer, il faut au moins la stopper et sinon l'inverser si l'on veut éviter un épuisement rapide des ressources et une catastrophe humaine globale. La conclusion 3) est logique si l'on accepte les propositions 1) et 2). Mais ces deux propositions sont problématiques, et la seconde est tout simplement fausse. Finitude des ressources D’abord, l’idée selon laquelle nous connaissons la limite des ressources naturelles (qu’il s’agisse du pétrole, des métaux, des carburants fossiles, du bois, des terres arables…). Il faut distinguer trois choses : le volume total des ressources de la planète, connues ou pas, exprimé en mètres cubes, en tonnes, en mètres carrés…On sait qu’il est en quantité finie, tout comme on peut estimer la surface, le volume et le poids de la Terre… mais on ne sait pas très bien ce qu’il y a à l’intérieur ; le volume total des ressources que nous connaissons : la quantité de pétrole restante par exemple, ou celle de fer, d’étain, de plomb…

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Le cas du pétrole est crucial et emblématique : on ne sait pas combien il en reste. Comme le dit Jancovici, cela fait 40 ans que l’on se dit qu’il reste 40 ans de pétrole…Certes, les découvertes de gisements ont diminué depuis plusieurs décennies. Mais le souci est que l’estimation des réserves est toujours compliquée. Parce que dans les réserves, il y a les réserves connues, celles probablement exploitables (on met un coefficient de 50% ou dans ces eaux pour estimer la quantité de pétrole qu’on pourrait en tirer, sans certitude), et les ressources incertaines (on leur met une probabilité d’exploitation de 10% par exemple). Toutes ces probabilités peuvent devenir fausses. On peut reconsidérer comme certainement exploitables des réserves qui ne l’étaient pas il y a quelques années. Et ce soit parce que la prospection, la technologie de forage et d’extraction se sont améliorées, soit parce que ces moyens existaient déjà mais que l’extraction était trop chère (si le gisement est trop profond, trop biscornu, etc…). Or quand le prix du baril augmente, des gisements trop chers à exploiter aux prix d’hier deviennent alors rentables (c’est pour cela que la montée du prix du baril allonge en fait la durée d’exploitation du pétrole). Donc, en fait, les ressources utilisables sont difficiles à connaître à un moment M. Et surtout, la question est : qu’avonsnous la capacité de faire avec ces ressources ? On en arrive à la troisième notion : la quantité de biens et d’actions que l’on peut faire avec les ressources connues. Et là c’est encore beaucoup plus compliqué. Avec les ressources connues, on peut se dire : « certes, on les connaît mal, mais on sait que dans l’absolu elles sont limitées, et qu’elles ne s’accroissent pas ». Oui, mais pour ce qui est de leur utilisation, ce n’est pas le cas. Aujourd’hui, on fait bien plus avec cent litres de pétrole qu’avec la même quantité il y a cinquante ans : les voitures sont plus économes et peuvent rouler plus longtemps, par exemple. Aussi, des ressources dont on ne voyait aucune utilité il y a cent ou deux cent ans (l’uranium et le pétrole par exemple) peuvent devenir fondamentales en cas de changement technologique. Et c’est là que la remarque « on connaît mal les réserves de pétrole, mais on sait que cela va s’épuiser » s’effondre : en fait non, il se peut qu’une source d’énergie de remplacement émerge vraiment avant que le pétrole ne s’épuise (d’autant qu’on ne sait pas quand le pétrole va s’épuiser…). Donc la capacité à produire avec les ressources connues s’accroît sans cesse avec la technologie.

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Croissance et pollution Passons à la deuxième affirmation : non, la croissance de la production ne signifie pas nécessairement une croissance de la consommation de ressources matérielles prélevées et d’énergie utilisée. Un exemple : en France, depuis dix ans, la quantité d’énergie (en équivalent de tonnes de pétrole) utilisée stagne, alors que le PIB (malgré la récession de 2009) a progressé. Les industries et les véhicules sont devenus plus économes. Et globalement, dans le monde, si la quantité d’énergie consommée augmente (sous la pression de la Chine et des autres pays émergents), elle progresse (2% par an) moins vite que le PIB mondial (qui doit être à 3 ou 4% par an). Ce qui fait qu’on ne peut pas rejeter les progrès en économie d’énergie des pays riches en disant que c’est dû aux délocalisations de productions industrielles vers les pays émergents : cela n’explique qu’une partie du phénomène, et les émergents eux-mêmes deviendront plus économes. Autre indicateur : la consommation intermédiaire matérielle (CIM), indicateur qui recense le volume de matériaux consommés par un pays. Dans les pays développés d’Europe de l’Ouest, la productivité des ressources (la quantité de PIB produite par unité de CIM) a très fortement monté (de moitié plus à deux fois plus aujourd’hui qu’il y a trente ans), ce qui veut dire que quand bien même notre CIM serait resté la même qu’il y a trente ans (elle a un peu augmenté en France), notre PIB serait quand même plus élevé. On pourrait même avoir un PIB plus élevé avec une CIM en baisse, et l’avenir technologique peut nous le permettre. D’autant que l’amélioration des techniques de recyclage peut aussi réduire plus encore notre ponction nette de ressources matérielles (ponction nette : consommation de ressources – ressources issues du recyclage). Et on peut se retrouver avec une croissance qui réduise notre empreinte sur la nature : plus de productivité agricole donc moins de terres utilisées et même moins d’engrais et pesticides, moins de matériaux extraits, moins de carburants fossiles (voire plus du tout si de nouvelles technologies les rendent obsolètes…). A l’inverse, l’idée selon laquelle la décroissance mènera forcément à consommer moins de ressources est aussi fausse. Un exemple : l’URSS. Ce pays remplissait fort mal les exigences de productivité que demandaient les plans, utilisait des technologies obsolètes qui faisaient que, dans les années 80, l’industrie soviétique utilisait au moins autant de matériaux et de carburants que les pays occidentaux capitalistes, pour produire nettement moins. L’application immédiate d’un programme de récession de la

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production peut mener à remplacer les technologies existantes par de plus anciennes, moins chères, et qu’on consomme plus d’énergie, si elle est à bon marché, avec des technologies grossières mais abordables, au lieu de technologies de pointes coûteuses en argent mais économes en énergie…Et on se retrouverait à consommer plus de ressources et d’énergie pour produire chaque unité de PIB. Ce qui peut faire que même avec une réduction du PIB, on aurait une « empreinte » environnementale plus grande. Donc, pour conclure, les idées fondamentales de la décroissance ne sont pas valides logiquement, et leur concordance avec les faits est très incertaine. Et, pour les raisons que j’ai données, il se peut que ce soit la croissance économique qui soit écologique, et non la décroissance. Dans quel modèle social se ferait la décroissance ? De plus, ajoutons le côté social et humain de la décroissance. Si la régression de la production devait commencer immédiatement, que se passerait-il ? Est-ce que les activités de luxe disparaîtraient et que l’on se concentrerait sur les biens de base (par exemple, moins de parfums et de croisières, mais toujours du pain et des logements) ? D’après ce que l’on voit aux cours des récessions économiques, ce n’est pas le cas : les plus pauvres sont les plus frappés, les riches continuent d’avoir des consommations de luxe, tandis que la pénurie de l’essentiel s’accroît chez les pauvres. Si jamais on devait connaître la décroissance (parce que la limite des ressources serait venue plus vite que prévue, ou à cause d’une guerre ou catastrophe naturelle), il faut prévoir un système social qui permet à chacun de continuer à travailler, et d’avoir accès à l’essentiel, et d’orienter globalement la production. Pour l’instant, je connais peu les propositions de « nouveau modèle » des décroissants, mais je n’ai pas entendu parler de grand-chose à part une sorte de régulation du marché par l’imposition du partage du temps de travail (ce qui peut très bien ne pas marcher, désorganiser les entreprises et accélérer la récession, créer encore plus de chômage) ou par une planification de l’économie, système qui aurait toutes les chances d’accroître les gaspillages. Notre système Ce qui fait que l’esprit de notre programme économique, c’est de concilier une forte liberté d’action (pour créer une entreprise avec des crédits illimités sous condition de résultats), avec une possibilité rapide pour l’Etat

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d’inciter ou de désinciter certaines productions (par la distribution d’un revenu avec des coefficients selon le secteur de l’entreprise, ou par les barèmes imposés aux entreprises pour ne pas être dissoutes), et surtout, un revenu pour tous, favorisant le travail. L’Etat doit pouvoir donner des indications aux entreprises (du genre : faites ce que vous voulez, on ne planifie pas à votre place ce que vous ferez, mais polluez moins, et vous serez récompensés à l’avenir par nos coefficients) sans passer par un système lourd de taxations, d’interdictions et de subventions. En cas de récession forcée, dans notre économie, on peut pénaliser certaines productions, tout en ayant l’assurance que les travailleurs qui les abandonneront retrouveront illico une activité ailleurs. Et tout le monde conserve un revenu, et l’Etat peut favoriser certaines consommations sur d’autres, sans interdire aux particuliers et entreprises de trouver eux-mêmes des solutions pour économiser de l’énergie, des matériaux, du temps et de l’effort humain. En bref : nous ne prenons pas parti d’annoncer la décroissance comme inéluctable, car nous n’en sommes pas sûr. Nous préférons un système qui recherche l’efficacité, qui permet d’orienter la croissance dans le sens qui convient le mieux à la collectivité et ses représentants, tout en restant souple et sécurisant pour chacun en cas de récession forcée.

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Sortir de la société de l’automobile L’automobile est un monument en hommage à la perte d’énergie, de matières et d’espace que l’utilisation individuelle (ou quasiment individuelle) d’une technologie. Le nombre moyen de personnes circulant dans un véhicule dit « de tourisme » ne dépasse pas les 1 à 2. A nombre de personnes transportées égal, l’automobile prend une place nettement supérieure à celle d’un autobus, d’un tramway ou d’un groupe de piétons marchant en rangs clairsemés. Il en résulte une macadamisation excessive des espaces urbains, et en conséquence une sur-extension de ceux-ci. Et cette augmentation de l’espace urbain est aussi l’augmentation des distances, donc du recours aux déplacements motorisés ! Sans parler de l’empiètement sur les mètres carrés qui pourraient aller au résidentiel, donc diminuer le coût des loyers… En 2004, l’association allemande pour le partage automobile a estimé que l’économie de 1 650 véhicules a signifié pour la ville de Zurich l’économie de 25 000 m² de terrain et d’un coût de 33 millions d’euros d’aires de stationnement. Le coût de l’automobile en pollution et énergie est également très pénalisant : le département britannique des transports2 a estimé que sur un long trajet, le déplacement d’une personne sur une automobile (où la solitude est souvent de mise) émet cinq fois plus de CO² que le même voyage en train express. En Ile-de-France, l’ADEME a calculé qu’une même valeur énergétique permettait de faire 2.5 fois plus de kilomètres à une personne en bus qu’en automobiles, et 7,7 fois plus en métro (pour un kilogramme équivalent pétrole, les distances sont respectivement de 18 kms pour l’automobile, de 47 kms pour le bus, de 140 kms en métro). Mais le pire legs de l’automobile est, dans l’immédiat, l’hécatombe routière, qui fauche encore plus de 4000 personnes en France, et environ un million dans le monde. Notre pays revient certes de loin (17 000 morts en 1972), et est longtemps resté en retard sur ses voisins européens (notamment britanniques, allemands ou scandinaves) avec 8000 morts annuels au début des années 2000. La réduction de ces chiffres dramatiques a nécessité de 2

Département britannique des transports : http://www.transport2000.org.uk/factsandfigures/Facts.asp#Pollution,emissionsandclimatechang e

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nouvelles dépenses (amendes, réfections de route…sans compter l’installation des radars, mais l’effet de ceux-ci sur la mortalité routière est nettement plus sujet à caution, par exemple en France, où cette mortalité chuta en 2002, avant même la mise en place desdits radars) sans compter la perte de capacité productive qu’engendrent les décès (le plus souvent frappant des gens jeunes). D’autres pays européens ont gardé une fréquence élevée d’accidents au kilomètre parcouru, comme le Portugal. D’une manière générale, ce bilan de guerre ne semble pas parti pour s’effondrer avec la montée du nombre de véhicules individuels en Asie, Afrique ou Amérique latine. En plus de ces arguments connus, s’ajoute le calcul – de plus en plus connu également – sur la vitesse réelle à long terme de l’automobile. Celle-ci s’obtient par la division de la distance effectivement parcourue en automobile au cours d’une année par la somme : 1) du temps du voyage luimême ; 2) en y incluant le temps perdu en embouteillages, en temps de recherche de stationnement, 3) mais aussi et surtout du temps consacré au travail nécessaire pour se procurer une automobile, payer son assurance, puis l’entretien et les réparations. Raisonnant ainsi, la vitesse de l’automobile, telle qu’utilisée par un conducteur français en moyenne, ne dépassait pas les 10 km/h, soit moins que ce qu’une pratique même médiocre du vélo peut vous apporter. Plus généralement, l’INSEE observe que le nombre de kilomètres effectués en moyenne par une automobile particulière a décru au cours des années 2000, passant de 14 100 kilomètres en 1999 à 12 800 en 2008. La société de « l’automobile immobile » vers laquelle nous nous dirigerions n’est pas qu’une image. Comment faire ? Partager l’automobile quand elle n’est pas suppressible Bien entendu, l’addiction à l’automobile est liée à l’idée que l’automobile «peut tout faire ». Un adulte en bonne santé, sur des distances courtes comme celles d’une ville, sans bagages encombrants, peut très bien choisir le vélo plutôt que l’automobile, et des « courses » entre automobile et bicyclette à l’intérieur d’une commune de l’agglomération parisienne ont donné plusieurs fois la petite reine gagnante. Mais dès qu’il s’agit d’une personne à mobilité réduite, dès que le transport d’objets intervient, l’automobile reprend ses droits. Les alternatives à l’utilisation d’un véhicule

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personnel existent, par exemple par la location d’utilitaires pour les biens, le transport de personnes pouvant être assurés tant par des collectivités, des organismes humanitaires tels que la Croix-Rouge ou des services commerciaux. A titre d’exemple, depuis les années 1990, plusieurs grandes villes européennes ont vu se développer le partage automobile (plus connu comme car-sharing), comme activité amateure puis comme filière professionnelle. La renonciation à posséder sa propre automobile peut aussi venir de la crainte du vol. Pourtant, au cours des années 2000, cette catégorie de vol, pourtant répandue en France, a diminué dans les statistiques du Ministère de l’Intérieur ; mais c’est au prix de dispositifs de défenses plus perfectionnés, donc d’une nouvelle dépense privée. Un autre coût de l’automobile est l’assurance, les primes ne diminuant que lentement, même après une baisse nette de la fréquence des accidents. Si elles prennent pied dans plusieurs grandes villes (comme Paris, où, toutes raisons confondues, la moitié des ménages n’ont pas d’automobile), ces solutions permettant la réduction du parc automobile se développent lentement, au rythme de la montée (tendancielle et chaotique) des prix des carburants, au rythme du vieillissement de la population, et plus marginalement des autres facteurs que nous venons d’évoquer. Réduire l’obligation du déplacement Comme le propose le livre-manifeste Pour en finir avec la société de l’automobile, l’alternative ne pourra manquer d’utiliser la synergie entre différents modes de transports, alliée à la réduction de la nécessité du transport. Ce livre de 2006 propose l’exemple de « villes nouvelles », dont certaines sont déjà réalisées en Allemagne ou au Pays-Bas, où des quartiers entiers sont interdits aux automobiles. D’autres, à venir, prévoient de (re ?)loger des centaines de milliers, voire millions de personnes dans des agglomérations multi-centres où la distance à parcourir pour joindre tous les services nécessaires à la vie courante serait, à pied, au maximum d’une heure pour des espaces urbains de plusieurs millions d’habitants. On peut douter de la possibilité de « rebâtir » des villes, surtout lorsqu’elles sont généralement anciennes telles que celles du continent européen, et que la population a généralement cessé de croître. Mais la répartition des modes de transports est bonne : diviser la ville en quartiers dans lesquels il n’y a pas d’automobiles, pas de véhicules motorisés à quatre roues en dehors de ce qui permet la livraison des biens lourds, des véhicules légers pour les personnes à mobilité

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réduite. Dans les interstices entre quartiers, des voies réservées au transport collectif. Enserrant tout l’ensemble urbain, une rocade peut desservir plusieurs gares routières à partir desquelles la location d’une automobile est possible pour des distances de plusieurs dizaines de kilomètres, le recours au train devenant nécessaire au-delà. Avant de continuer sur cette « désautomobilisation », rappelonsnous que la moitié seulement des motifs de déplacement ont trait au travail ou aux achats. Donc les solutions que nous pouvons évoquer pour réduire les trajets professionnels ou commerciaux ne peuvent concerner d’emblée qu’une – forte – minorité des déplacements. Cette réduction de la nécessité du transport professionnel ou commercial passe par plusieurs voies : échange de places, informatisation et collectivisation. La longueur des transports dans une grande agglomération comme celle d’Ile-de-France est devenue proverbiale. Mais elle devient ubuesque lorsque des personnes se croisent quotidiennement dans les transports, les uns se rendant travailler près de là où résident les autres, surtout lorsqu’ils exercent des métiers comparables ! Dans ces cas, l’échange de postes deviendrait pourtant une solution raisonnable. Seulement, cela obligerait à avoir une connaissance globale des ressources humaines dans chaque ville, métier par métier, et de pouvoir les classer par lieu de résidence. La recherche spontanée d’un échange d’emploi devient carrément impensable dans un pays où le fort taux de chômage pousse chaque salarié à s’attacher à son poste. C’est pour cela que seule l’imposition – ou une forte incitation – des citadins à déclarer leur situation professionnelle et résidentielle, sous anonymat, sur une base centralisée, permettrait aux services de l’Etat – ou d’une délégation de service public – de proposer à chaque usager un échange possible avec une autre personne. « L’informatisation » évoquée plus haut est celle qui consiste à recourir 1) de plus en plus massivement au télétravail, ce qui se limite au secteur des services le plus souvent, et 2) au recours aux services commandés via Internet, aussi bien pour les achats que les transports de personnes. Ce qui rejoint immédiatement la notion de mutualisation/socialisation des transports citée plus haut : faire faire ses courses par une entreprise ou un autre particulier ne supprime pas totalement la consommation d’énergie, mais permet des économies d’échelle. On peut même songer à créer des réseaux de transports publics urbains parallèles aux transports de voyageurs, mais destinés au transport de marchandises, avec un réseau d’entrepôts, publics ou loués à des particuliers.

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De la taxation du carbone Nous avions brièvement évoqué plus haut un désaccord de principe avec la taxe carbone, en évoquant l’un des ses principaux apologues, Jean-Marc Jancovici. Notre opposition rejoint principalement l’argument « social » : la taxe frapperait les plus pauvres, ceux qui n’ont pas la possibilité d’habiter en centre-ville, donc doivent posséder une automobile pour se déplacer, ceux qui n’ont pas les moyens d’acquérir un chauffe-eau solaire, des panneaux photovoltaïques, qui se chauffent au gaz et roulent au gazole. Mais on comprend bien les arguments pour la taxe que Jancovici et Grandjean exposent dans Le plein s’il vous plait (2006). Il s’agit d’abord de corriger l’ineptie du marché, incapable de donner son prix de long-terme à des carburants fossiles forcément limités ; donner à l’Etat les recettes nécessaires pour mener les investissements qui mèneront à l’efficacité énergétique, et permettront de réduire des trois quarts les émissions carboniques françaises. La taxe forcera l’économie française à s’habituer à cette rareté énergétique, et pourrait même avoir un avantage sur l’emploi, en favorisant le recours au travail humain pour réparer les machines et instruments plutôt que de recourir systématiquement à leur remplacement. Alors que le marché des « droits à polluer » ne peut au mieux que limiter la hausse des émissions, et que des subventions seules (sur quel financement) déclencheraient des milliers de procédures de validation, la taxe, elle, permettrait la baisse nette des émissions et ne souffrirait que d’un petit nombre d’exonérations à valider (sur ce point, je trouve que l’argumentation de Jancovici est optimiste, surtout dans le pays des niches fiscales qu’est la France). Il n’en reste que les deux auteurs éludent un peu rapidement la question sociale, et les inégalités que j’ai évoquées plus haut. Ce n’est pas tant le principe de la taxe qui gène, que le fait de la mettre en place sans avoir donné à la population les moyens d’éviter de trop souffrir de cette rationalisation énergétique soudaine. Par exemple en dopant l’activité du partage automobile. Ne pas interdire, mais partager l’automobile Le principe serait d’inciter un certain nombre de conducteurs à se déclarer comme covoitureurs, et de les amener à déclarer leurs clients pour recevoir une subvention sur le prix du covoiturage (quelques pourcents de

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majoration sur la recette du conducteur, pour l’inciter à déclarer et continuer de covoiturer), et 2) le remboursement d’une partie du prix au client, pour que le transport en commun reste abordable. Le financement de ce remboursement viendra bien entendu de la taxe carbone. Le fonctionnement peut être illustré ainsi : un conducteur covoitureur achète 5 litres d’essence à 3 euros chacun, dont les deux tiers vont dans une caisse spéciale de l’Etat. Il a donc payé 15 euros, dont 10 à cette caisse. Le conducteur va ensuite transporter quatre personnes à qui il fera payer 3.75 euros le voyage (15 euros ensemble) sur une distance ayant pris 5 litres d’essence. La caisse spéciale de l’Etat va ensuite verser 1 euro de subvention au conducteur, lui assurant un bénéfice, et rembourser 9 euros aux quatre passagers, soit 60% du prix qu’ils ont acquitté. Et plus la taxe est élevée sur un litre, plus le taux de remboursement sera fort, puisque la taxe sera l’essentiel du coût du transport. Le remboursement peut être étendu à une catégorie d’exonérés (chômeurs, habitants de zones rurales, taxis, médecins, autres professions utilisant régulièrement un véhicule). Mais le particulier utilisant seul son véhicule paiera le prix fort et sans aucune indemnisation. Parallèlement à cela, l’organisation du covoiturage peut être facilitée par l’informatique : les particuliers peuvent être incités (et même contraints, où est le mal ?) à déclarer anonymement les trajets dont ils ne pouvaient se passer sur un site internet au service de l’Etat. La centralisation des besoins de transports des individus sur une base de données permettant de calculer les trajets de covoiturage économisant le plus de véhicules, d’essence et de temps, et de les proposer ensuite aux usagers. A cette proposition s’ajoute également la possibilité des échanges de postes dont nous avons déjà parlé plus haut, ainsi que le recours soutenu au télétravail. Un obstacle majeur qui se dressera sur la route de la sortie de l’automobile est le volume d’emplois liés à l’activité automobile. En France, le chiffre de 10% de la population active a déjà été avancé, incluant non seulement les salariés des constructeurs, des concessionnaires, mais aussi de l’assurance automobile, de l’entretien et réparations, des fournisseurs…en bref, un ensemble de travailleurs aux compétences très diverses et dont les possibilités de reconversion sont loin d’être nulles. Le secteur proprement dit de l’automobile, selon l’OICA, organisation internationale des constructeurs, ne réunit en fait que 304.000 personnes en 2009, 1,2% des actifs en France.

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V) Les dépenses publiques L’inévitable austérité à court terme et le plafonnement des dépenses publiques Résumé : Le niveau des dépenses publiques françaises est très élevé (52% du PIB en net en 2010), et risque d’augmenter du fait de la santé et des retraites. Nous ne pouvons pas les laisser croître indéfiniment, ni laisser filer les déficits. Nous devons au moins stabiliser les dépenses publiques, en compensant le coût croissant de la sécurité sociale par une réduction des dépenses de fonctionnement de l’Etat (moins de postes, plus d’efficacité). Les impôts vont devoir augmenter si l’on veut réduire les déficits, les dépenses pouvant au mieux être stabilisées. Mais pour rendre cette hausse acceptable, il faut d’abord simplifier la fiscalité, en la rendant lisible par tous. Nous centrerons donc le nouveau système fiscal sur l’impôt sur le revenu. En 2010, les dépenses de l’Etat, de la Sécurité Sociale et des collectivités territoriales représentaient 56% du PIB, ce qui faisait de la France la championne d’Europe en la matière. Si l’on veut tenir compte des dépenses « nettes », c’est-à-dire en y ôtant les remboursements d’impôts et de taxes (le poste « remboursements et dégrèvements » de la loi de finances), le poids des dépenses publiques de fonctionnement, d’investissement, de redistribution et de protection sociale est de 52%. Comme nous l’avons déjà vu, il est impossible que les dépenses publiques ne restent pas à un niveau élevé, et il est fort probable qu’elles augmentent. Quand bien même les retraites et l’assurance-maladie seraient intégralement privatisées, les dépenses associées (actuellement 21% du PIB pour leur part publique) disparaîtraient apparemment des comptes publics, mais rien ne prouve que les ménages ne paieraient pas autant en primes d’assurance, en épargne-retraite, en intérêts et dividendes pour alimenter des fonds de pension.

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Nous allons présenter une simulation de ce que donnerait l’application de nos mesures sur les dépenses publiques françaises, et ce non sur un quinquennat, mais sur les trois décennies à venir, pour tenir compte des prévisions démographiques et de leur impact sur les retraites ou la santé. L’impression première est qu’elles baissent à court terme, mais augmentent à long terme. Mais les chiffres que nous donnons sont des valeurs hautes. Dans les sections concernant les retraites ou l’assurancemaladie, nous donnerons des dispositions qui permettraient de ramener ces dépenses à un niveau plus bas, permettant d’économiser plusieurs points du PIB sur ces décennies futures.

Simulation des dépenses publiques de 2010 à 2040 60

% d u P I B f r a n ç a is

50 40 30 20 10 0 2010

2015

Budget de l'Etat - Education Budget de l'Etat - Défense et police Budget de l'Etat - Aménagement du territoire Budget de l'Etat - Redistribution Budget de l'Etat - Culture, sports & médias Collectivités territoriales Sécurité Sociale - Assurance-maladie Sécurité Sociale - Invalidité

2020

2040

Budget de l'Etat - Dette de l'Etat Budget de l'Etat - Intervention économique Budget de l'Etat - Santé - Environnement Budget de l'Etat - Politique extérieure & immigration Budget de l'Etat - Frais des personnels de l'Etat Sécurité Sociale - Retraites Sécurité Sociale - Famille Indemnisation du chômage

Source : Ministère des Finances, projections de Socialisme & Souveraineté

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Comme le détaille le tableau suivant, notre politique d’économies ne concernera pas les secteurs suivants : Secteurs à poids stagnant : Défense, aménagement du territoire, redistribution, famille, invalidité ; Secteurs à poids accru : éducation, aide extérieure, retraites, santé… Nous focaliserons nos réductions sur les interventions économique de l’Etat (que le nouveau système économique rendra obsolète), le chômage, le coût des intérêts de la dette, mais aussi la culture et les médias, qui doivent devenir des secteurs libres, et non administrés par un Etat qui n’a pas de légitimité à décider du beau et du vrai en lieu et place des citoyens.

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Tableau donnant le montant actuel (2010) des postes de dépenses publiques (par rapport à la richesse nationale, le PIB), et leur probable valeur projetée en 2040, si notre politique était mise en œuvre.

Poste de dépense publique (en % du PIB)

2010

2015

2020

2040

Budget de l'Etat - Education

5,4

6

6

6

Budget de l'Etat - Dette de l'Etat

3,2

3

2,5

1

Budget de l'Etat - Défense et police

3,1

3,1

3,1

3,1

Budget de l'Etat - Intervention économique

1,2

0

0

0

1

1

1

1

Budget de l'Etat - Santé - Environnement

0,7

0,7

0,7

0,7

Budget de l'Etat - Redistribution Budget de l'Etat - Politique extérieure & immigration Budget de l'Etat - Culture, sports & médias

0,6

0,7

0,7

0,7

0,3

1

1

1

0,3

0

0

0

Budget de l'Etat - Frais des personnels de l'Etat

0,2

0,1

0,1

0,1

Collectivités territoriales

7

5

5

5

Sécurité Sociale - Retraites

13

13,6

14,2

16,5

Sécurité Sociale - Assurance-maladie

8

9

10

12

Sécurité Sociale - Famille

3

3

3

3

Sécurité Sociale - Invalidité

3

3

3

3

Indemnisation du chômage

2

1,5

1

1

Total Etat + Collectivités territoriales

23

20,6

20,1

18,6

Total Sécurité Sociale & chômage

29

30,1

31,2

35,5

Total

52

50,7

51,3

54,1

Budget de l'Etat - Aménagement du territoire

Source : Ministère des Finances, projections de Socialisme & Souveraineté

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Réformer et simplifier la fiscalité Résumé : Le but est de passer de plusieurs centaines d’impôts, dont l’effet est illisible, à une fiscalité simple et progressive centrée sur un grand impôt sur le revenu. La fiscalité française brille par sa complexité, l’absence de progressivité de nombreux impôts et taxes, leur caractère souvent indirect et « indolore » pour les citoyens, et l’impossibilité pour chacun de lire ce qu’il verse et reçoit des administrations publiques. Elle est actuellement constituée des prélèvements suivants : La TVA ; la TIPP (Taxe Intérieure sur les produits pétroliers) ; la CSG (Contribution Sociale Généralisée) ; la CRDS (Contribution au Remboursement de la Dette Sociale, un prélèvement « temporaire » durable) ; l’IRPP (Impôt sur le revenu des personnes physiques) ; l’IS (Impôts sur les Sociétés) ; - les cotisations sociales ; la Taxe foncière ; - la Taxe d’habitation ; la contribution économique territoriale (successeure de la taxe professionnelle…) Et des dizaines d’autres prélèvements obligatoires ou produits sous monopole de l’Etat (1.7 Mds d’euros de la Française des Jeux en 2008). Les prélèvements obligatoires représentaient 834,5 Mds d’euros en 2008, soit 42.8% du PIB de l’époque. L’impôt sur le revenu, le seul véritablement redistributif, ne représentait que 2,6% du PIB en 2008. La plupart des impôts sont soit indirects (TIPP, TVA), soit directement réglés sur le bulletin de salaire (cotisations sociales, CSG). Beaucoup d’impôts sont censés influencer la consommation ou pénaliser l’usage d’un bien, d’un service (tabac, camions, produits gras, etc…) mais leur grand nombre et leur atomisation rend leur efficacité difficile à estimer. Simplifier la fiscalité Les taxes sur la consommation individuelle pourraient être remplacées par des variations de taux de TVA (mais pas pour la TIPP, imposition fixe sur le volume d’hydrocarbure consommé ; si elle était mutée

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en TVA, toute hausse du prix de base de l’essence, minoritaire dans le prix final, se répercuterait plus fortement encore sur les taxes). Notre premier objectif sera de réduire considérablement le nombre d’impôts, en en remplaçant un grand nombre par un impôt sur le revenu massif, décuplé (il passerait de 2.6% à 28%. Ce qui aurait pour effet de rendre ce prélèvement beaucoup plus évident pour les citoyens, et de les motiver davantage à observer l’usage qui est fait des recettes. Et ce d’autant que, en vertu de la politique d’austérité, une hausse de l’imposition est inéluctable. Les cotisations sociales et la CRDS disparaîtraient, la CSG serait fondue dans l’IRPP, de nombreuses taxes seraient abolies et leur produit remplacé par une hausse de l’impôt sur le revenu. Cela revient à admettre la fusion de l’Etat et de la protection sociale, du point de vue fiscal (ce qui ne signifie pas la fin de toute autonomie de gestion, de la même manière que les transferts d’Etat aux collectivités n’empêchent pas leur autonomie politique). Le financement de la Sécurité Sociale se ferait par un transfert massif et simplifié de l’Etat. Au niveau local, les taxes sur les surfaces bâties, non bâties, occupées, et la contribution économique territoriale seraient remplacées par un impôt sur le revenu (soit à taux unique, soit sur les tranches d’imposition nationales) à l’échelle régionale, cumulant trois taux d’imposition : un régional, un départemental, et un municipal. Les trois niveaux de prélèvement seraient décidés l’année précédente du prélèvement, de sorte à ce que chaque contribuable puisse connaître le taux d’imposition, global ou selon la tranche de revenu, qui s’additionnera au taux national en fonction de son lieu de résidence. Cette politique reviendra à abandonner les impositions sur le patrimoine. En tant que socialistes, les fortes inégalités de patrimoine existant en France nous insupportent. Mais taxer directement le patrimoine aboutit soit à des effets pervers (comme augmenter les prix du logement, taxer des personnes à faibles revenus et dont le patrimoine s’est accru pour diverses raisons), soit à une complexification de l’impôt pour éviter ces mêmes effets. Nous préfèrerons nous attaquer aux inégalités de revenus qui mènent à ces inégalités de patrimoine, surtout lorsqu’il s’agit de revenus du patrimoine. Un patrimoine ne générant pas de revenus en lui-même n’a pas vocation à subir de taxation. Le tableau suivant résume notre projet de simplification des impôts. Les proportions correspondent au PIB de 2010, et devront certainement augmenter (pour l’impôt sur le revenu en particulier) dans le but de réduire les déficits publics comme vu plus haut.

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Type de ressource des administrations (chiffres en Mds d'euros)

% du PIB en 2008

ETAT Impôts indirects La TVA

13,5%

% selon notre projet 37,1%

8,2% 6,7%

7,4% 6,7%

Commentaires

0,8%

0,8%

0,4%

0,0%

Maintien d'une fiscalité fixe au volume Déjà très réduits ; supprimés

0,1%

0,0%

Supprimés

0,1%

0,0%

Supprimée

0,2% 5,3%

0,0% 29,6%

Réduits au minimum

2,6%

28,0%

2,5%

2,5%

0,2%

0,0%

Fondu dans l’IRPP

Autres impôts directs et taxes assimilées

0,5%

0,0%

Supprimés

Transfert aux collectivités locales

-1,0%

-1,0%

Transfert à l'UE Union Européenne ODAC (Organismes d'Administration Centrale)

-0,3% 0,3% 0,9%

0,0% 0,0% 0,0%

Sortie de l'UE Sortie de l'UE

CRDS Autres taxes destinées aux ODAC SECURITE SOCIALE

0,3% 0,6% 22,6%

0,0% 0,0% 0,0%

Fondue dans l’IRPP Fondues dans l’IRPP

-

4,3%

0,0%

Fondue dans l’IRPP

Les cotisations sociales COLLECTIVITES LOCALES La Taxe foncière ;

2,4% 16,0% 5,8% 1,2%

0,0% 0,0% 5,8% 0,0%

-

0,7% 1,1%

0,0% 0,0%

1,4% 1,4%

4,4% 1,4%

-

La TIPP ;

-

Droits de successions

-

Droits d'importation

-

Taxe sur les assurances

Enregistrement, autre taxes indirectes Impôts directs -

L’IRPP

-

L’IS (Impôts sur les Sociétés)

-

L'ISF (Impôt de solidarité sur la fortune)

La CSG (Contribution Sociale Généralisée)

Autres impôts destinés à la Sécurité Sociale

La Taxe d’habitation ; La taxe professionnelle

Autre fiscalité directe locale Transferts d'Etat et autres ressources

Concentration de la fiscalité sur l'IRPP

Fondues dans l’IRPP Supprimée Supprimée Supprimée Impôt sur le revenu localisé

Source : Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi

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Le budget social Résumé : Toutes les prestations sociales existantes (retraites, RSA, allocations familiales, pensions d’invalidité) ou à venir dans notre programme (tel le budget santé) seront versées dans un seul et même budget, rendant la redistribution plus lisible. Cet impôt sur le revenu massif auquel aboutirait notre réforme serait que chacun sache ce que lui coûtent l’Etat et la Sécurité Sociale. Mais encore faut-il savoir ce qu’il reçoit. Actuellement, les prestations de l’Etat se répartissent entre : des prestations gratuites administrées (telles que l’Education Nationale) ; des remboursements tels que ceux de l’assurance-maladie ; des versements directs (retraites, allocations familiales, invalidité, chômage…). Le tout générant plusieurs administrations : Caisses d’Assurancemaladie, Caisses d’Allocations Familiales, Caisses d’Assurance-Vieillesse, Pôle Emploi… Dans les pages qui suivent, nous verrons que nos réformes concernant l’Assurance-Maladie et des retraites, les administrations reversent tout ou partie de leurs cotisations aux contribuables (et aux assurés sociaux en général, même non contribuables) sous forme d’un budget de santé, d’un patrimoine liquidable correspondant à des pensions de retraites futures (et des pensions tout simplement pour les retraités). En plus de cela, les allocations familiales, d’invalidité, les minima sociaux (appelés à se réduire avec la diminution du chômage dans le système économique que nous proposons) peuvent également être vus comme les sous-parties d’un budget attribué à chaque assuré social, c’est-à-dire tous les résidents réguliers, que nous nommerons par la suite « budget social ». Il se composerait ainsi, en l’estimant sur la base des dépenses de 2011 : des budgets santé (9 à 10% du PIB), des retraites (13.5% du PIB), minima vieillesse ou des pensions futures en tant que patrimoine vendable ; des budgets familiaux (allocations familiales, 3% du PIB) ; des pensions

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d’invalidité (3% du PIB) ; des indemnités chômage (1 à 2% du PIB). Soit 29,5% du PIB au minimum, plus de 55% des dépenses publiques. Certains de ces budgets ou patrimoines seront virtuels ou débitables uniquement pour un type de dépenses (budget santé, droits sur des pensions de retraites futures), d’autres sont versées telles que c’est le cas aujourd’hui, comme les allocations familiales. Le tout délivré par un seul organisme, disposant d’un dossier social unique pour chaque habitant du territoire, connaissant son âge, son statut professionnel (actif, inactif, en recherche d’emploi), ses cotisations de retraites passées, ses éventuelles invalidités, son statut familial avec le nombre de personnes à charges, et le niveau de budget santé dû à la personne (sans jamais en connaître les raisons, en raison du secret médical). Les ménages avec enfants, les foyers modestes payant un moindre taux d’imposition sur le revenu, verraient que le coût de l’Etat est loin d’attendre les 52% que dessinent les statistiques que nous avons vues. Des administrations inutiles seraient alors supprimées. Puisque l’IRPP est basé sur les revenus de l’année précédente, on pourrait ne prélever (ou verser) à l’avenir, à chaque personne, que les soldes IRPP – budget social. Ce qui aurait pour effet de réduire d’un coup de plusieurs points du PIB nos prélèvements obligatoires (ce que nous n’avons pas intégré dans le tableau précédent sur les projections de dépenses publiques, faute de pouvoir estimer précisément ces économies).

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VI) La protection sociale Réformer l’assurance-maladie : solvabilité universelle, autonomie du secteur de la santé et évaluation collective Résumé : Le système de remboursement des soins est remplacé par un budget santé alloué à chaque assuré majeur. Ceux qui dépassent leur budget sont remboursés par l’Etat, ceux qui dépensent moins conservent une partie de leurs économies. Les professionnels de santé voient leur activité dérégulée pour ce qui est des prix, les établissements publics deviennent des coopératives. Tous les ans, des équipes internationales de médecins et statisticiens étudieront les performances du système de santé sur la population, ainsi que son coût. Et ils en déduiront des bonii ou malii appliqués sur les revenus des professionnels de santé via le fisc. La santé, en France, c’est 11% du PIB au total, dont les trois quarts (8% du PIB) sont financées par la collectivité, en grande majorité par le régime principal, celui des salariés. Comme dans tous les pays développés, ce chiffre augmente tendanciellement. Selon des projections de la DREES et du Sénat, ce chiffre pourrait passer au moins à 15% du PIB en 2050. La démographie (le vieillissement de la population) n’en est qu’en partie responsable, aux côtés du coût croissant des soins en raison du progrès technique, de la part croissante que les individus accordent à la santé parmi leurs dépenses au fur et à mesure qu’ils s’enrichissent, ou de la certitude d’être remboursés. En France, notre système de santé supporte plusieurs difficultés majeures : - Nos résultats sanitaires ne sont pas les meilleurs du monde ni même d’Europe, malgré le titre de « meilleur système de santé au monde » que l’OMS avait décerné au système français au début des années 2000, grâce à un panachage arbitraire de critères. Avec des espérances de vie à 75 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes,

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les français vivent moins longtemps que les italiens, espagnols ou japonais. L’espérance de vie est certes influencée par nombre de comportements personnels (alcoolisme, tabagisme, alimentation) sur lesquels on ne peut agir que de façon imparfaite, si l’on tient à respecter la liberté individuelle. Mais l’on constate des inégalités de santé entre catégories sociales, entre cadres et ouvriers, entre Sud et Nord de la France. La capacité curative du système, même si elle progresse, reste loin de pouvoir revendiquer la première place mondiale, par exemple en ce qui concerne le taux de survie face à un cancer, ou le chiffre de la mortalité par cancer (proche de 200 morts pour 100 000 habitants) ; - Nos coûts sont élevés, relativement à d’autres pays d’Europe qui ont davantage maîtrisé leurs dépenses, tels que les états scandinaves, où la dépense totalise 8% du PIB. Les seuls états européens qui dépensent plus que nous sont l’Allemagne et la Suisse (plus de 11% de leur PIB). Mais l’Allemagne doit une partie de ce coût à la remise à niveau des infrastructures de l’ex-RDA et la Suisse au fait qu’elle est un des pays les plus riches d’Europe – et l’on a vue que la dépense sanitaire augmentait avec la richesse. La France, pays moyennement riche par rapport aux pays de l’ex-Europe des 15, a donc un niveau de dépense plus élevé que la moyenne. La faute incombant à un système d’assurance-maladie qui a incité l’inflation des dépenses sanitaires : d’abord à l’hôpital avec le financement des établissements au prix de journée, récompensant le fait de rallonger les séjours, avant que le système de dotation globale, aujourd’hui en cours de remplacement par la tarification à l’activité, ne conforte les crédits acquis. C’est aussi le système de la tarification à l’acte pour la médecine de ville, ou le remboursement des médicaments, faits d’arrangements permanents entre Sécurité Sociale et laboratoires, faisant de la France le plus gros consommateurs de médicaments au monde, en volume, puisque les prix y sont relativement bas. Le résultat humain de cette surdépense n’est pas, malgré tout, une meilleure santé. Au contraire, cet abus de pharmacie a généré plusieurs milliers de décès par mauvaise utilisation (iatrogénèse), la résistance des bactéries due à la surconsommation d’antibiotiques. Et la tolérance des autorités de contrôles sur les produits laissés sur le marché a également abouti au scandale du Mediator ; - On voit donc que plus de dépenses ne signifie pas une meilleure santé. Des gaspillages, outre ceux que nous venons d’évoquer sur les

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médicaments, notre système en compte plein : jusqu’à 20% de ses dépenses en relèveraient, selon la Cour des Comptes. Outre des consultations inutiles, des examens et radios dispensables, il existe aussi certainement une redondance dans les établissements, des hôpitaux qui pourraient être regroupés. Et ce pas seulement dans une logique comptable, puisqu’il est de plus en plus avéré dans la littérature scientifique que lorsqu’un service, par exemple un bloc opératoire, opère trop peu souvent dans l’année, il en devient plus dangereux pour ses patients. Beaucoup d’hôpitaux dispersés sur le territoire ne signifient donc pas nécessairement plus de sécurité pour les malades et accidentés, sauf pour ce qui est des urgences. Les sous-effectifs dont se plaignent régulièrement aides-soignants, infirmier-es, médecins mais aussi les personnels techniques peuvent aussi s’expliquer par leur dispersion géographique, et pas uniquement par l’insuffisance du recrutement. Cela n’empêche que lorsqu’il tente de réformer la carte des établissements, les gouvernements actuels se heurtent à une forte résistance, non seulement des personnels, mais aussi des élus locaux. D’une part parce que les établissements de santé sont d’importants employeurs. Mais aussi parce que si l’on peut admettre la nécessité, aussi bien pour la santé que par économie, de regrouper des établissements, dans la réalité, les personnels constatent souvent qu’ils continuent de subir les mêmes pénuries. On en vient à douter de la capacité d’une gestion centralisée, ou même régionalisée via les Autorités Régionales de Santé, à faire des réorganisations rationnelles et efficaces des établissements ; - Nous n’avons toujours pas garanti la solvabilité de tous les habitants de ce pays pour leurs dépenses de santé. Objectivement, un important progrès avait été fait avec la création de la Couverture Maladie Universelle. Et le régime des Affections de Longues Durées (ALD) permet à des gens dont les dépenses seront inéluctablement élevées d’avoir droit à un plein remboursement – du moins dans la limite des « tarifs conventionnels » négociés entre l’Assurance-maladie et les professionnels de santé. Mais ces dispositifs renforcent également le système dans son travers inflationniste : la France compte déjà 8 millions de personnes en ALD, et cela ne pourra que progresser avec le vieillissement (la majorité des personnes de plus de 70 ans sont en ALD). Le poids croissant des dépenses de santé, pris en charge à un haut niveau par la Sécurité Sociale pour les ALD, pose le problème de leur

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financement. En plus des cotisations sociales, furent créés la CSG, la CRDS, les multiples taxes sur le tabac, l’alcool et les produits gras…et le déficit de l’Assurance-maladie, bien que très diminué entre le milieu des années 90 et l’an 2000, a fait son retour depuis, accentué depuis 2008. Il en résulte, pour les non-ALD, des déremboursements successifs sur les médicaments et soins, et de nouvelles franchises. Et ce non pas dans le but de « détruire la Sécu » comme le répètent les gauchistes, mais simplement pour éviter l’explosion des coûts pour la collectivité. Certains secteurs de soins, tels que les soins dentaires et optiques, sont déjà largement passé dans le domaine des complémentaires, et pourraient leur être complètement abandonnées. Les complémentaires ne font pourtant, en l’état actuel des choses, qu’un remboursement à l’aveugle, prenant (en partie) ce que l’assurance-maladie laisse. Donc elles ne résolvent nullement les gaspillages du système de santé, mais au contraire accroissent les coûts pour l’assuré, qui doit supporter le financement des services techniques des complémentaires, leur réseau de distribution, leur promotion commerciale… Au final, les progrès réalisés par le passé dans la réalisation d’une couverture universelle des soins s’effritent de plus en plus face aux difficultés budgétaires de l’assurance publique. En conclusion, une vraie réforme du système de santé ne peut qu’être profonde, remettant en cause ses bases, à commencer par les remboursements plus ou moins aveugles, la complexité inutile des tarifs imposés, sa planification défaillante de l’offre de soins en établissements. Nous devons rechercher : -

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Un système assurant la solvabilité universelle ; …qui ait pour objectif la poursuite des meilleurs indicateurs de santé (espérance de vie, espérance de vie en bonne santé, mortalité, mortalité infantile, fréquence des nouveaux cas de pathologies lourdes, des cancers, taux de survie face à ces pathologies…) ; …qui désincite les assurés comme les professionnels à effectuer des actes inutiles et les incite à limiter les coûts tant que cela ne met pas en danger, à court ou long terme, l’efficacité sanitaire ; Un système plus simple, plus lisible, avec moins de contrôles, de délais administratifs (tels que ceux des remboursements).

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Nos propositions vont s’articuler en deux parties : les assurés et les professionnels de santé. Du point de vue des assurés : des budgets santé au lieu des remboursements, intéressement aux économies, solvabilité assurée Tous les régimes obligatoires d’assurance-maladie sont supprimés, ainsi que les remboursements de soins. Tous les ans, chaque assuré se voit attribuer un budget, qui reste bloqué sur un compte, et qui ne sera débitable que sur présentation d’une facture d’un professionnel de santé (ou par voie électronique, lorsque le professionnel facture son ou ses actes). Ce budget sera variable en fonction de l’âge de la personne, de son sexe, mais aussi en fonction de son classement en plusieurs niveaux de pathologies ou handicaps durables. C’est-à-dire que chaque assuré pourra, avec un médecin, rédiger une demande pour être classé dans un niveau correspondant à son état de santé, et qui justifierait un budget plus élevé. La demande serait validée ou non par un médecin de la Sécurité Sociale, afin que le secret médical ne s’ébruite pas. Parallèlement à cela, la pratique des médecins, infirmiers libéraux et auxiliaires de santé est libéralisée : les tarifs conventionnels sont abolis, les prix sont libres, chaque personne étant solvable. Ce qui génèrerait assurément une hausse des tarifs, une diminution des actes, les plus superficiels étant évités par les patients – mais nous verrons plus loin comment les professionnels sont incités à pratiquer les actes nécessaires à la santé de la population et à ne pas faire exploser les coûts globaux. La proposition d’un budget santé par assuré peut surprendre, tant la dépense réelle par personne est imprévisible. Surtout qu’une minorité de la population, notamment les gens en fin de vie et ceux atteint des maux les plus lourds, suscitent une grande partie des dépenses (5% des assurés génèrent 50% des dépenses actuelles de l’assurance-maladie). Que se passe-t-il si quelqu’un dépasse son budget ? La Sécurité Sociale rembourse tout, sauf s’il s’agit de soins jugés non-vitaux, tels que les lunettes, lentilles, le dentaire ou les « médecines douces ». Et si l’on dépense moins que son budget ? On garde tout ou partie des économies réalisées. Pourquoi « tout ou partie » ? Parce qu’il y a redistribution entre les économies des uns et les dépassements des autres. Si, à l’échelle individuelle, il est impossible de prévoir la consommation d’une personne, celle de l’ensemble des français est nettement plus facile à prévoir d’une année sur

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l’autre. Aussi, globalement, les économies et les dépassements se compensent. Donc, pour financer les dépassements, on peut prélever sur les économies, mais pas intégralement…Car la possibilité de réaliser une économie sur son budget a un rôle crucial : inciter les assurés à réduire leurs dépenses lorsqu’il s’agit de soins dispensables, de miser sur la prévention pour rester en bonne santé. Tandis que ceux qui font des dépassements perdent cette économie. On peut cependant prévoir que les personnes dont l’état de santé est préoccupant ne chercheront de toute façon pas à faire d’économies. L’intérêt des économies se concentrera sur les personnes dont l’état de santé est suffisamment bon pour se permettre de distinguer les soins nécessaires des autres. Il est donc important que les personnes qui font des économies puissent en conserver une fraction significative. Et pour financer les dépassements en ne touchant pas à l’intégralité des économies, il faudra un fond supplémentaire sur fonds publics. Dans l’immédiat, ce système ferait monter nettement les dépenses de santé publiques : d’abord parce que le remboursement intégral (ou presque) des dépassements implique la fin des assurances-santé complémentaires. Si l’on ajoute le fond supplémentaire évoqué à l’instant, les dépenses publiques de santé passeraient de 8 à 11% en peu de temps – mais en échange d’une remise d’un budget immédiate. Mais cette hausse serait compensée par la tendance à la réduction des dépenses inutiles (les 20% cités plus haut) et aussi par une même tendance du côté des professionnels de santé. Du côté des professionnels Comme entrevu plus haut, l’activité des professionnels de santé sera fortement « libéralisée » non pas au sens d’une privatisation, mais au sens où l’essentiel des réglementations sur les prix et sur l’activité sont annulées. Les établissements publics de santé sont transformés en coopératives, pouvant recevoir des dotations de l’Etat, mais devant assurer l’équilibre de leurs comptes (les assurés étant tous solvables de toute façon). Le rôle de l’Etat vis-à-vis des professions de santé, qu’il s’agisse de la médecine de ville, des établissements ou des laboratoires, sera moins un rôle de gestionnaire, de régulateur ou encore moins de planificateur qu’un rôle de sanction.

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Tous les ans, des commissions composées de médecins et statisticiens français et étrangers se réuniront afin d’étudier la situation sanitaire de chaque région. Elles commenceront par mesurer les indicateurs déjà cités : espérance de vie, espérance de vie en bonne santé, mortalité, incidence des pathologies lourdes… Elles mesureront également les facteurs susceptibles d’influencer ces évènements : l’âge de la population, la répartition par genre, les professions, la pratique d’une activité physique professionnelle ou non, les habitudes alimentaires, l’exposition à des pollutions diverses… Le but étant de distinguer l’influence propre aux acteurs de la santé de la région sur l’état sanitaire des habitants. Parenthèse pour les amateurs de statistiques : distinguer les effets régionaux Les commissions constitueront des bases constituées d’échantillons de population de chaque région française, individu par individu avec renseignement de tous les caractères et évènements survenus dans l’année. A partir de cela, plusieurs méthodes existent pour distinguer les effets propres à chaque région: si les indicateurs que l’on mesure sont continus (espérance de vie, mortalité, incidences de pathologies), alors on peut diviser la population de chaque région en groupes d’individus ayant des caractères semblables : mêmes âges, même sexe, professions, activités, habitudes comparables. Et ensuite, chaque population régionale est standardisée (c’est-à-dire que les indicateurs sont recalculés comme si toutes les régions avaient la même structure de population), afin de relever les différences qui ne s’expliqueraient plus par la composition de la population. Une autre méthode est d’utiliser des fonctions binaires pour calculer la probabilité d’obtenir un résultat dans un évènement à deux issues possibles (mort ou vivant, malade ou pas…) et d’estimer la contribution de tous les facteurs autres que géographiques sur la probabilité qu’un individu a de mourir ou d’être frappé d’un cancer, d’un handicap…. Et de recalculer les proportions de malades et de morts que l’on devrait avoir dans chaque région en l’absence d’effet géographique. Les différences entre les proportions réelles et calculées pouvant être assimilées à des influences locales dues au système de santé...

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Parallèlement à cela, les commissions mesureraient les coûts du système de santé, en dépenses de soins, de biens médicaux (par exemple les prothèses), les médicaments et vaccins consommés. Les commissions les examineraient en détachant le plus grand nombre de causes extérieures au système de santé qui expliquerait des différences de coûts entre région, pour ne retenir, à l’instar de ce qui vient d’être décrit, que les écarts inexpliqués. Les indicateurs sanitaires et financiers seront avant tout comparés dans leur évolution au cours des années précédentes. A partir de cela, les commissions pourront attribuer des appréciations selon ces règles : Plus la performance sanitaire s’améliore, meilleure est l’appréciation, et inversement ; Plus les coûts sont ralentis voire réduits, meilleure est l’appréciation. Mais la progression sanitaire l’emporte toujours sur l’évolution financière. Tant que l’état de santé progresse, l’appréciation est positive, mais diminuée si les coûts montent. Comment ces appréciations se concrétiseront-elles ? Par une modulation de l’impôt sur le revenu appliqué aux professions de santé. Tous les indépendants et salariés travaillant comme médecins, infirmiers, aides-soignants, salariés des hôpitaux et des laboratoires forment une catégorie de contribuables à part dont l’imposition est modulable, quelque soit la tranche de revenus, en fonction d’un coefficient décidé par les commissions. Les professionnels de santé auront un droit de réponse sur le rapport qui concernera leur région. Il peut paraître dur et arbitraire de faire peser les conséquences de l’évolution de la santé et de ses coûts sur l’intégralité des travailleurs de la santé, du niveau de l’exécutant à celui d’un directeur d’hôpital. Mais créer des distinctions entre professions poserait plusieurs problèmes : les décideurs pourraient se dédouaner des conséquences de leurs actes en changeant de profession, pendant que leurs collaborateurs ne seraient pas forcément concernés par les modulations fiscales. Et il serait difficile d’intéresser tout le monde à l’optimisation des dépenses et au perfectionnement de l’action sanitaire régionale si tout le monde n’est pas soumis aux mêmes risques.

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Les effets finaux d’un tel système seraient : D’abord que tous les acteurs du système de santé seraient incités à travailler en réseau, à connaître les décisions générales (décisions d’investissements et de réorganisation des hôpitaux, recommandations de l’Ordre des médecins, avancées scientifiques) afin de s’influencer mutuellement pour parvenir à une meilleure santé au niveau régional, et ce à moindre coût ; -

Que les professionnels de santé seraient intéressés à refuser des actes inutiles aux patients s’ils savent qu’ils en subiront la sanction fiscale prochainement. Ainsi, la garantie de prise en charge des dépassements des budgets santé par la collectivité n’aurait pas nécessairement l’effet inflationniste qu’on pourrait redouter.

Loin d’être bureaucratique, ce projet aurait pour effet de désengager l’Etat de la gestion de la santé, pour en faire un distributeur de fonds et un observateur avec un pouvoir de sanction. Il reposerait sur une autonomisation des assurés, et une autogestion des professions de santé, tout en évitant de privatiser (au contraire) le financement des soins, ou de privatiser les établissements. Et il recentrerait l’action du système de santé, non pas sur la réalisation du plus grand nombre d’actes, de valeur ajoutée, de profits ou de « missions de service public » planifiées depuis des ministères, mais sur sa fonction première et statistiquement vérifiable : améliorer l’état de santé de la population, en évitant de gaspiller des fonds qui pourraient servir à d’autres progrès.

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Réforme des retraites Résumé : L’objectif en termes de durée de cotisations : - maintenir le plus longtemps possible les 40 annuités en moyenne, en tenant compte d’une fraction maximale du PIB à y consacrer. - moduler le nombre d’annuités selon la profession, ou du moins le nombre d’années de retraites gagnées par euro d’impôt versé, selon la profession. L’objectif en termes de financement sera de passer de 13% du PIB consacré aux retraites à 16.5% en 2040, sans compter les sources de financements et d’économies ci-dessous. Ce financement se fera par la nationalisation sans indemnités de sociétés banquières et pétrolières, et surtout par le remplacement des cotisations sociales par l’impôt sur le revenu, et l'augmentation de celui-ci. Les pensions seront exprimées sous forme de droits à la retraite sous forme de fractions de PIB futurs, avec possibilité de vendre et d’acheter ces droits. Une réduction des droits sera infligée aux contribuables n’ayant pas élevé d’enfants. Ce qui fait que le taux de 16.5% du PIB pour les retraites ne sera peut-être pas atteint. Le problème auquel nous faisons face Les données du problème des retraites, en 2003 et en 2010 Il y a actuellement 26 millions de travailleurs occupés en France, susceptibles de cotiser donc, pour 15 millions de retraités. Le nombre des travailleurs va globalement stagner au cours des quarante années suivantes, en se basant, comme l’a fait le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) sur les statistiques suivantes : une fécondité maintenue à 1,9 enfants par femme (un peu moins que les derniers chiffres connus), un solde migratoire net positif de 100.000 personnes par an (pour près de 200.000 immigrants légaux actuellement). Le nombre de retraités dépasserait 22 millions en 2050. Ce qui revient à dire que pour neuf cotisants, il y aura huit retraités, contre un rapport de 7 à 4 actuellement. En 2010, 13% du PIB était consacré au financement public des retraites. La masse des salaires et des revenus du

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travail indépendant équivalant à plus de la moitié (60%) du PIB, le poids des retraites sur les revenus du travail est donc double. Pour un cotisant du régime général (salariés du secteur privé), le taux de cotisation (pour le régime de base et complémentaire) correspond à 26% du salaire brut (et environ 23% du revenu pour les commerçants et artisans, des valeurs plus variables pour les professions libérales, et plus de 60% pour la fonction publique…sur financement fiscal). Les caisses de retraites, tous régimes confondus, sont déjà déficitaires, de l’ordre de dix milliards d’euros, et ces déficits ont commencé depuis 2005. La crise a contribué à les creuser en réduisant la masse salariale, mais elle ne ferait qu’avancer une évolution future. Pour les déficits futurs en l’absence de réforme, trois scenarii ont été étudiés : un avec un chômage revenu à 4.5% de la population active en 2020 et des gains de productivité horaire de 1.8% par an, un avec le même taux de chômage et une productivité horaire croissante de 1.5% par an, et un scenario « noir » avec les mêmes gains de productivité mais 7% de chômage. Les résultats sont qu’en 2050, les déficits atteindraient 72 milliards d’euros dans le premier scenario, et 118 milliards dans le troisième. Rappelons qu’en 2003, le COR nous annonçait que pour 13% du PIB dépensé en retraites à l’époque, nous devrions, à l’horizon 2040, atteindre les niveaux suivants : 16% du PIB si nous acceptions l’alignement du privé et du public sur 40 annuités, sans remettre en cause les réformes Balladur de 1993 évoquées plus haut ; 18.5% du PIB (près de 6 points de plus) si nous voulions un retour du privé aux 37.5 annuités et l’annulation des réformes de 1993 (donc retour aux 10 meilleures années pour calculer le salaire de référence). Les précédentes réformes Les pensions étaient jadis revalorisées chaque année en fonction de la croissance des salaires, ce qui signifiait que les retraités profitaient de la croissance actuelle de la masse salariale, alors qu’eux-mêmes ne travaillaient plus. Depuis 1993, l’indexation se fait sur les prix, ce qui signifie logiquement que les retraites doivent décrocher par rapport aux revenus des actifs. Et ce sont d’ailleurs les prévisions du COR, qui annoncent, dans les trois scenarii, que le rapport entre revenus des retraités et revenu des actifs va

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se dégrader de 20% (en l’absence de réforme telle qu’une hausse massive des cotisations pour financer les retraites). Il y eut la réforme de 2003, où le gouvernement Raffarin et François Fillon, alors ministre du Travail, alignèrent le régime de la fonction publique sur les conditions du régime des salariés du privé : passage de 37.5 annuités nécessaires à une pleine retraite à 40 annuités, prise en compte des 25 meilleures années au lieu des dix meilleures. Et pour tous les principaux régimes, un passage à 41 annuités en 2011. Les négociations portèrent également sur la surcote (majoration pour les trimestres effectués au-delà de la durée nécessaire) et les décotes (minoration correspondant au cas inverse), qui furent fixées à plus ou moins 3% sur le taux de liquidation. En 2008, ce niveau des décotes et surcotes fut placé à 5%. La réforme de l’Automne 2010 a repoussé l’âge minimal du départ en retraite à 62 ans, et ce alors que le nombre d’années de cotisations requises sera porté prolongé au-delà de 41 ans. Le problème posé par le vieillissement de la population sur le financement des retraites est donc tout sauf une conspiration, une apparence. Et les « solutions » proposées par les formations de gauche ne sont pas sérieuses. Les fausses solutions des partis de gauche Le PS soutient que la croissance est la principale solution Déjà, le programme du Parti Socialiste de 2007 maniait déjà cette idée de « la croissance et l’emploi » comme principales réponses au problème des retraites. La faille est toujours la même : soit l’on accepte le creusement des inégalités entre actifs et retraités, soit l’on fait progresser les retraites au même rythme que les salaires. Et, dans ce cas, la croissance (de la masse salariale) ne résout rien car elle fait augmenter les dépenses comme les recettes. Certes, une hausse du taux d’emploi améliore le rapport actifs/retraités. Mais sitôt atteinte la situation de plein-emploi, et à moins de vouloir étendre la population active en reculant l’âge de la retraite, la proportion de retraités dans la population croît et le poids des retraites aussi. Donc il y a toujours un problème des retraites. La gauche « radicale » ressort le « y a qu’à taxer » Les partis de gauche radicale (NPA, PCF, PG…) et certains syndicats se demandent en quoi il faudrait craindre une augmentation de six points du PIB

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de la part des retraites (qui atteindrait 18.5% ou plus en 2050) si ledit PIB passe de 1950 Mds d’euros à 4000 Mds sur la même période. En effet, une arithmétique simple montre que même si le montant alloué aux retraites passe de 240 milliards d’euros actuels (pour un PIB de 1950 Mds d’euros) à 740 Mds (18.5% de 4000 Mds d’euros de PIB en 2050), la part n’allant pas aux retraites monte de 1710 milliards à 3260 milliards !...De quoi augmenter les salaires et les investissements, comme le notent les deux auteurs…qui oublient néanmoins que la France n’est pas seule au monde, et qu’une fraction aisée de français pourra toujours préférer l’émigration fiscale si un autre pays leur permet d’être plus riches encore. Mais surtout, ils oublient, en ce qui concerne l’investissement, que ce n’est pas seulement sa progression en termes absolus qui compte, mais sa progression relativement aux investissements (privés, publics, civils ou militaires) des autres pays. Si l’on augmente à la fois les retraites pour les porter à 18.5% du PIB, tout en maintenant la part des salaires nets dans le PIB, alors il faudra comprimer la part dévolue aux investissements, aux impôts allant aux administrations, et aux profits ! Bien sûr, en tant que socialistes, supprimer les profits ne nous dérangerait pas, mais pour cela, il faut la collectivisation, ce qui n’était pas demandé par le mouvement anti-réforme de l’Automne 2010. Si, au final, la France se retrouve, pour financer la consommation des ménages actifs et retraités, à réduire nettement ses investissements (car les capitalistes sont coriaces sur les profits) alors notre pays s’enfoncera dans un retard que tous (salariés et retraités) paieront par la suite sous forme de moindre croissance. Il ne s’agit pas de dire que nous nous opposerons à une hausse de la fiscalité pour financer les retraites. Mais ça ne peut pas être la solution unique ni définitive. La ligne générale Socialisme & Souveraineté s’inscrit bien pour une hausse de la part du PIB consacrée aux pensions. Nous privilégions donc la hausse des cotisations et non leur durée (le report de l’âge de départ en gros) afin de maintenir le taux de remplacement du salaire. Nous proposons donc de faire passer la part des retraites de 13% du PIB à 16.5%. Il s’agit là d’un chiffre théorique qui pourra être rabaissé, nous le verrons dans la suite du texte. Pourquoi 16.5% ? D’une part pour aller plus loin que le simple maintient du système de retraites actuel mais ré-entamer les contre-

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réformes passées depuis 1993, par exemple en revenant sur la règle des 25 meilleures années pour déterminer le salaire de référence. Cependant, on ne sera pas aux 18.5% du PIB qui auraient permis de revenir aux 37.5 annuités pour tous. Donc nous admettons, sur le fond, une élévation de l’âge du départ en retraite vers les 40 annuités. Car, même en prenant la totalité des revenus du capital, et même si on conteste la rapidité de la hausse de l’espérance de vie (qui serait, selon Gérard Filoche, à 0.11 année de vie gagnée par an, au lieu du chiffre de 0.25 couramment avancé), et bien on ira quand même vers une progression continue du nombre de retraités par actifs, et donc il faudra bien envisager régulièrement de travailler plus longtemps. Le principal enjeu face à la droite n’est donc pas de refuser à tout jamais de repousser l’âge de la retraite, mais de se battre sur combien d’années, à partir de quand et pour quelle pension. Les sources de financement La nationalisation de grands groupes pétroliers ou financiers En tant que socialistes, plutôt que d’exiger une taxation des flux financiers, nous devons réclamer des nationalisations. Un grand groupe pétrolier comme Total distribue plusieurs milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires chaque année. C’est également le cas des principales banques et sociétés d’assurance. Ces dividendes correspondent à une activité productive réelle, réalisée par les salariés de ces sociétés, ponctionnées par le capital. En nationalisant ces entreprises, nous pourrions espérer capter 10 à 20 milliards d’euros aujourd’hui (Total revendique un résultat net de 2 Mds d’euros par trimestre pour ses actionnaires, 8 milliards par an), donc, par extrapolation (hasardeuse, certes, mais pas impossible), le double d’ici à 2050. En tout cas, cela représenterait 0.5 à 1% du PIB. Oui, mais nationaliser coûte cher a priori. Cependant, au vu des garanties accordées aux banques suite à la crise, ou au vu des turpitudes africaines de Total, ou de la non-baisse du prix de l’essence même quand le prix du baril retombait, n’y aurait-il pas de justes raisons de réclamer une nationalisation immédiate, sans indemnités ? Par cohérence, faisons remarquer qu’en changeant de système économique vers un socialisme efficace (voir notre proposition de système alternatif), les revenus du capital disparaissent, soit une marge de 8% du PIB en plus pour compenser le coût des retraites…Mais nous raisonnons comme

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si ce système n’était pas encore prévu d’ici à 2050, et nous proposons une réforme qui pourrait s’appliquer dans l’économie de marché actuelle. Un impôt sur le revenu pour financer les retraites Conformément à notre politique de simplification de la fiscalité, nous voudrions la suppression des cotisations sociales consacrées à la vieillesse, et leur substitution par un impôt sur le revenu, basé sur l’assiette de la CSG (incluant les revenus financiers) mais à l’exclusion des retraites, bien sûr. L’impôt en question comptera toujours des tranches d’imposition, mais pourrait également être décliné par catégorie professionnelle. Dans le cas des retraites, cela permet 1) d’adapter la cotisation au niveau de vie et à la profession, ce qui serait plus juste par rapport à la pénibilité et l’espérance de vie de chaque catégorie socioprofessionnelle (les ouvriers vivent moins longtemps, surtout si l’on prend en compte leur vie en bonne santé, que les cadres). Bien sûr, l’idéal à atteindre serait un impôt fonctionnant non seulement par tranches, mais par professions (mais le risque que ce découpage soit trop complexe et trop facile à frauder est fort). La principale source de hausse des financements sera la hausse de cet impôt sur le revenu. Actuellement, les 12.5% du PIB finançant les retraites sont prélevés sur les revenus des actifs, salaires ou revenus des travailleurs indépendants, soit 60% du PIB environ. Soit un taux global de prélèvements de plus de 20%. Le taux nominal de cotisation est plutôt de 26 voire 28%, mais il faut en décompter les exonérations sur les salaires inférieurs à 1.5 SMICs ou le plafonnement des revenus soumis à cotisation. Soyons pessimistes, et mettons que nous ne nationaliserons pas Total et les grandes banques. En passant de 13% à 16.5% du PIB, on passe à un taux de prélèvement réel de 27,5% par rapport aux revenus d’activité, mais qui s'exprimera par un impôt sur le revenu et non plus les cotisations. Et encore, si on fait payer plus cher leurs retraites aux professions à plus hauts revenus, cette progression de la fiscalité risque d’être insupportable… Il faut donc trouver des moyens pour que le coût des retraites n’atteigne pas ce niveau. Une réduction de retraite pour les assurés sans enfants Nous proposons de réduire les pensions des contribuables qui atteignent l’âge de la retraite sans avoir élevé d’enfants. Sauf bien sûr s’ils peuvent prétexter des motifs suivants : pauvreté durable au cours de la vie

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active, grand nombre d’heures de travail hebdomadaires tout au long de la carrière, handicap empêchant une vie familiale et bien sûr, les cas de stérilité. On met en place une politique nataliste qui consiste en une répression pure et simple de la non-fécondité. Et cela devrait sembler parfaitement normal : il est évident que pour qu’un système de retraite tienne, il ne suffit pas que les retraités aient payé des cotisations par le passé, il faut aussi qu’ils aient engendré des cotisants ! Rassurons cependant: ce qui serait pris en compte serait le fait d’avoir élevé des enfants (en les ayant reconnus, puis déclarés à sa charge, scolarisés, etc…). Un père indélicat qui abandonne sa progéniture sera compté comme sans enfants. Des parents adoptifs seront comptés comme ayant eu des enfants. Comme taux de pénalité, nous proposons des valeurs choc, à renégocier bien entendu : un tiers de réduction de la retraite pour quelqu’un qui n’a pas eu d’enfants du tout, un sixième pour quelqu’un qui n’a eu qu’un seul enfant (car un enfant par couple, ce n’est pas suffisant, le renouvellement des générations se situant à 2.1 enfants par femme en âge de procréer). Cette mesure fera grincer bien des dents, et elle ne réduira qu’à la marge le coût des retraites. On peut savoir qu'environ 10% des femmes atteindraient la ménopause sans avoir fait d’enfants. On peut supposer une proportion comparable d'hommes atteignant l'âge de 60 ou 65 ans sans paternité. Basiquement, cela ferait 3.3% du montant des retraites en moins, et moins si l’on enlève les cas cités plus haut (stérilité, pauvreté…) qui exonèrent de la sanction. En comptant les cotisants à enfants uniques, on pourrait s’attendre à une réduction de l’ordre de 5 à 10% du total des retraites économisées. Ce qui, sur 16.5% du PIB consacrés aux retraites, ferait une ristourne d’un point de PIB probablement. Pas négligeable, sans compter le fait que, si elle stimule la natalité, cette politique améliorerait marginalement le financement des retraites futures. Mais faudra-t-il créer en retour une majoration pour les cotisants ayant engendré plus de deux enfants ? Ca ne semble pas nécessaire, puisqu’il existe déjà des majorations pour les femmes ayant élevé plusieurs enfants. Les prestations de retraites Des prestations en fraction du PIB Passons maintenant aux prestations. Nous proposons qu’elles soient versées, non plus sous forme d’un montant fixe qui correspond à

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une fraction d’un salaire de référence, mais en pourcentage du PIB. Expliquons : il y aura 22 millions de retraités en 2050, qui toucheraient 16.5% du PIB. Chaque retraité, sur une année, percevra en moyenne 16.5/22 millionième de pourcent du revenu national. Pour un PIB projeté à 4000 Mds euros à prix constants, cela revient à 30.000 euros. Mais bien sûr, ce total sera variable selon la profession du cotisant. C’est-à-dire que lorsqu’il s’acquitte d’une cotisation, un cotisant qui, en 2020, serait dans la catégorie des ouvriers, se verra attribuer un 16.5/22 millionième de pourcent du PIB en 2050 (ou sur une autre année si le cotisant le veut), fois un coefficient qui sera différent de celui attribué à un ingénieur ou un enseignant. Ce principe permet plusieurs choses : D’abord, de jouer sur les coefficients et sur les taux d’impositions (cf. précédemment) exigés de chaque contribuable pour favoriser certaines professions, leur demander moins de prélèvements et leur garantir le meilleur rapport (valeur des retraites à percevoir)/(valeur des cotisations versées). Ceci afin de rendre plus juste le système de retraite, qu’il rende justice à ceux qui vivent le moins longtemps après une carrière à faibles revenus. Ensuite, ce système permet de savoir à l’avance quelle fraction du PIB sera consacrée aux retraites en 2050, 2051, etc… Ce qui introduit de l’aléa dans les retraites : en cas de récession, les retraités perdent des revenus, comme toute la population. Mais en revanche, ils bénéficient aussi des croissances, contrairement aux schémas issus des réformes Balladur-Veil faisant progresser les salaires en fonction des prix uniquement La possibilité de vendre et acheter les droits de retraite Le fait que chaque individu sache à quelle fraction du PIB futur il aura droit (et il pourra accumuler des parts de PIB d’années futures au cours de sa vie active, même s’il change de métier et de revenu) ouvrira une autre possibilité. Chacun pourra décider de mettre en vente ses droits à la retraite, s’il préfère récupérer tout ou partie de ses cotisations aujourd’hui plutôt qu’une retraite future. Les acheteurs, plutôt que de verser directement l’argent, ce qui correspondrait à des sommes assez élevées en plus des impôts qu’ils paient, pourront se regrouper en associations versant les sommes à leur place. Et chaque acheteur pourrait rembourser sa dette vis-à-vis de l’association, soit en payant progressivement, soit en vendant à son tour ses propres droits de retraite.

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Ainsi, sans renoncer à la répartition, les droits de retraite forment un patrimoine dont chaque individu dispose en contrepartie de ses impôts, et qu’il peut décider de récupérer s’il trouve un acheteur, comme s’il détenait des actions. Autres points D’autres sujets en marge de cette ligne générale sont à préciser : le système d’achat de parts de PIB futurs par l’impôt permettrait en toute logique aux travailleurs ayant commencé leur carrière tôt. Les avantages existants pour les femmes interrompant leur carrière pour élever un enfant, les parents qui le font pour s’occuper d’un enfant handicapé, seront traduits et maintenus dans le système d’impôt sur le revenu finançant les retraites.

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VII) Les administrations et entreprises publiques Réformer l’éducation : réinvestir dans un système véritablement évalué et responsabilisé Constats Pendant des décennies, la massification de l’accès aux études secondaires (de la 6ème au bac) permettait de contrer l’idée « baisse de niveau », en rappelant que les populations d’élèves arrivant dans les collèges et lycées étaient bien plus vastes que les minorités (souvent aisées socialement) qui y étaient avant-guerre. Depuis les années 1990, et l’apparition d’enquêtes internationales comparatives (telles que PISA), le système scolaire français peut de plus en plus difficilement échapper à la reconnaissance de ses failles. Pour les élèves du secondaire, une baisse réelle de niveau en français est constatable depuis les années 1980, que ne contrebalancent pas les performances en mathématiques ni en sciences. Le test PISA publié en 2011 classe la France à un rang très moyen, inférieur même à celui des USA dont le système scolaire, avant l’université, est très décrié. Nous sommes en tout cas loin des niveaux sud-coréens ou, plus proches, finlandais. Des témoignages récurrents montrent l’abaissement du niveau d’exigence au baccalauréat, épreuve où les mentions sont devenues de plus en plus fréquentes (un tiers des bacheliers en avaient obtenu une en 2002, 45% en 2010). En plus de cela, l’école de la République ne peut même pas se consoler d’avoir un système égalitaire, bien que moyennement performant : les mêmes enquêtes PISA montrent que la France est un des pays où le système scolaire corrige le moins les inégalités initiales, et où l’origine sociale influencent le plus les performances finales. Bien que dévalué, le bac n’est toujours pas atteint par un tiers de chaque génération (même née dans les années 80), et entre 15 et 20% des élèves sortent sans aucun diplôme de leur cursus initial.

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Un autre constat sera celui de l’orientation souvent déplorable de nombre d’élèves après la seconde et le bac : des dizaines de milliers seront détournés vers des filières faussement « générales » (telle la filière ES) puis vers la faculté, pourtant elle-même parent pauvre de l’enseignement supérieur. Un nombre trop important d’étudiants ne font que retarder, consciemment ou non, leur entrée sur le marché du travail avec un bagage faible. Un dernier point est le coût du système éducatif français. Avec 5.7% du PIB consacré au financement public de l’éducation, la France se situe plutôt dans le haut du classement européen. Certes, sa jeunesse est un peu plus nombreuse, en proportion de sa population, que celle de ses voisins. Mais il faut encore compter que ce budget défavorise les facultés par rapport à l’enseignement pré-bac. Selon une étude de la fondation IFRAP, l’enseignement public coûterait 20% plus cher que l’enseignement privé, pour des résultats au moins comparables (et en rejetant l’argument selon lequel le privé réussirait en sélectionnant les élèves a priori, puisque l’évaluation des valeurs ajoutées – effets sur la progression des élèves – donne souvent l’avantage aux établissements privés). Première proposition : autonomiser l’enseignement, passer au chèque scolaire La première idée sera d’inspiration libérale, mais sans aller jusqu’à la privatisation. Elle consiste tout simplement à ce que, dans chaque établissement, l’équipe enseignante et administrative devienne une organisation autonome, à laquelle l’Etat ou les collectivités territoriales prêtent les bâtiments et la gestion des coûts. Le recrutement et les changements de postes des enseignants sont libéralisés et facilités (on peut recruter les personnes que l’on veut à partir d’un niveau de formation jugé suffisant, le CAPES n’est plus obligatoire, et le ministère ne planifie plus la répartition des effectifs). Pendant ce temps, le budget public de l’éducation est reversé aux parents sous forme de chèque, d’un montant égal par enfant selon l’âge, qui permet à chacun d’inscrire son enfant dans l’établissement de son choix (les prix étant réglementés pour empêcher les familles les plus riches de se concentrer entre elles en payant plus cher). On n’aurait donc ni « écoles de pauvres » (puisque toutes les familles sont solvables », ni « écoles de riches » (car même si une école demandait des dessous de table lors des inscriptions pour faire un filtrage par l’argent, les familles peuvent porter

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plainte ou demander une enquête sur l’école en question). Tandis qu’à l’heure actuelle, la carte scolaire fait que même les établissements les plus médiocres conserveront un public d’élèves « captifs » tandis que les plus aisés contourneront cette carte (par le recours aux options, voire en louant des logements pour changer le lieu de résidence officiel de l’enfant). A charge pour chaque équipe enseignante de faire connaître ses résultats en termes de « valeur ajoutée scolaire » aux parents. Il en ira de même pour les universités publiques. Si le personnel d’un établissement ne parvient pas à équilibrer ses recettes et dépenses, l’autorité publique peut imposer le renouvellement de l’équipe, en licenciant ses responsables, en rabaissant les rémunérations des enseignants à un seuil minimum, poussant la plus grande partie du personnel à migrer vers d’autres établissements. Et lorsque d’autres responsables prennent les commandes de l’établissement en faillite, l’équipe enseignante est à nouveau libre de se verser les rémunérations voulues, dans la limite de ses recettes. A aucun moment, un propriétaire ou investisseur privé externe n’intervient ni ne peut posséder un établissement scolaire ou soutenir son personnel. Les équipes enseignantes peuvent également s’associer pour demander aux collectivités territoriales la construction de nouveaux établissements, nouveaux établissements dont le personnel aura à charge de payer à la puissance publique (et aux établissements anciens ayant soutenu la création de la nouvelle structure) une caution prélevée sur leurs recettes. L’obligation de verser cette somme garantit de ce que cet investissement aura été judicieux puisque de nombreux élèves seront venus s’inscrire dans le nouveau site. L’intérêt de cette autonomie des établissements serait : - De permettre une véritable variété d’offre disponible pour les familles : des collèges, écoles et lycées pourraient décider de se convertir en structures spécialisées pour élèves souffrant de retards, ou au contraire précoces, ou handicapés, ou souhaitant des enseignements optionnels. L’Etat imposant toujours un cahier des charges en termes de programmes, et des modèles-types de filières après la troisième et la seconde (cf. la proposition de réforme des filières plus loin) ; - De mettre directement les établissements en comparaison, même si leurs (in)succès auront besoin d’examens récurrents, et surtout de maintenir des épreuves nationales telles que le baccalauréat.

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Notons que suite à cette réforme, les établissements privés primaires et secondaires seront intégrés dans le système public. Seule la propriété des locaux restera privée, les enseignants restant autonomes, comme désormais ceux du public. Deuxième proposition : réinvestir dans l’éducation Comme nous l’avions vu dans le chapitre sur le plafonnement des dépenses publiques, l’éducation fait partie des secteurs qui échappent à la réduction de son budget en % du PIB. Nous proposons le passage d’un effort public de 5,4% du PIB (cas de 2010) à 6% (chiffre en soi arbitraire, mais qui nous avancerait par rapport aux autres pays européens). Le gouvernement ne planifiera plus de dépenses, puisque ce budget sera distribué sous forme de chèques scolaires et universitaires. L’essentiel de la hausse du budget de l’éducation se portera sur les chèques universitaires, afin de relever les budgets des universités françaises aujourd’hui en déshérence, tout en incitant les étudiants à choisir les meilleures enseignes. Bien sûr, tout n’est pas qu’une question de budget global : les établissements scolaires et universitaires, ayant l’obligation d’équilibrer leurs comptes tout en offrant le meilleur enseignement possible, auront intérêt à réduire, non pas les salaires des enseignants (fort mauvais choix pour attirer du personnel qualifié) mais le nombre de postes administratifs, ainsi qu’à optimiser leurs achats. Troisième proposition : Réformer les examens nationaux : davantage de tests, confier leur organisation à des étrangers Comme vu plus haut, le baccalauréat souffre de nombreuses critiques, et ressemble de plus en plus à une institution sclérosée et à bout de souffle. Nous ne pensons pas pour autant que la suppression d’un examen permettant de comparer tous les élèves de France et les établissements soit une bonne idée. Nous nous prononçons pour la réforme de l’organisation du baccalauréat : celle-ci serait confiée à un panel d’universitaires internationaux, engagés pour une période relativement longue (par exemple dix ans), et dont le traitement serait indépendant des résultats obtenus par les élèves. Les membres de ce panel auraient la charge de la rédaction des sujets et des consignes de notation, ainsi que d’enquêter sur leur respect. Le but est de retrouver un examen dont la préparation et le déroulement seraient

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indépendants des objectifs de politique intérieure, par des gens qui n’auraient pas à s’inquiéter d’annoncer un recul des taux d’obtentions du diplôme et des mentions. Et qui, de par leurs origines variées, seraient tentés de confronter les jeunes français à des niveaux d’exigence qu’on pourrait attendre d’eux dans la plupart des pays développés du monde. En parallèle à cela, et toujours conçus avec des universitaires de nationalités variées, des tests annuels pourraient être organisés au niveau de chaque département, sur des échantillons d’élèves sélectionnés par tirage au sort, issus de tous les niveaux d’enseignement de la fin du primaire à la seconde. Le but de ces tests serait de pouvoir mesurer, au niveau local, la progression des acquis de chaque génération d’élève (les élèves de 5ème testés en l’an N dans le département D étant globalement les élèves de 6ème du même département en N-1). Et d’évaluer la « valeur ajoutée » de chaque département. Etant donné le libre choix des parents de leur établissement, ces résultats auraient surtout un intérêt informatif décisif. Quatrième proposition : Réformer les filières d’enseignement au lycée, les regrouper et consolider Bien qu’autonomes quand aux méthodes d’enseignement, leurs ressources humaines, leurs achats et même une partie du contenu de leurs programmes, les lycées n’en auront pas moins l’obligation de proposer des filières s’inscrivant dans le canevas suivant. Actuellement, après la troisième, l’enseignement se sépare entre le professionnel et le technologique et général ; après la seconde dite « technologique et générale », des filières de première et terminale « générales » (scientifique, littéraire et économico-social) et technologiques (technico-industrielle, sanitaire, agricole, des services...). Cette organisation pose problème à plusieurs titres. D’abord, le fait est qu’il n’y a quasiment qu’une seule filière qui puisse revendiquer le titre de « générale » : la filière scientifique. Dans le monde moderne, on ne peut pas sérieusement revendiquer avoir eu un enseignement sur toutes les disciplines décisives si l’on a arrêté d’apprendre les sciences expérimentales en seconde, et si l’on s’est amputé de l’apprentissage du raisonnement mathématique (l’enseignement mathématique de la filière ES – sans parler de la L – étant peu porté sur la démonstration). Les filières ES et L ne peuvent être sérieusement considérées comme « générales ». En même temps, la filière S ne peut l’être totalement vue comme « générale » car elle ne dispense pas

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l’enseignement des notions de base de l’économie et de la sociologie, qui est le seul – et bien loin de compenser l’absence de sciences – avantage de la filière ES. Inversement, nombre de lycéens s’embarquent vers ces filières « générales », croyant, avec les filières ES ou L, faire partie des meilleurs, même avec des résultats moyens dans leur filière. Et ils vont ensuite s’enferrer dans une autre « voie royale », en faculté, en prenant des filières de sciences humaines, voire de droit, où le taux d’échec sera élevé. Ces lycéens auraient en fait sans doute gagné à choisir un enseignement technologique qui leur aurait permis une entrée efficace sur le marché du travail. Nous proposerons donc : - L’intégration d’une matière d’initiation aux bases de l’économie et de la sociologie dans toutes les filières. Il est de toute façon absurde de penser que deux années de filière ES formeront des gens avertis sur des sujets aussi vastes, et inversement, s’il est nécessaire que tous les citoyens sortent de l’analphabétisme économique, il serait absurde de réserver cet enseignement à une seule filière ; -

De remplacer les trois filières « générales » par :

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Une grande filière scientifique, conservant le niveau d’enseignement mathématique et de sciences expérimentales de l’actuelle filière S, plus une option « économie » alternative aux options « sciences de l’ingénieur » et « sciences de la vie et de la Terre » proposées actuellement en Terminale. Afin de cesser la démagogie, et qu’il n’y ait plus de bons élèves s’égarant par paresse dans les filières autres que la scientifique pour regretter ensuite de s’être fermé des portes inutilement, cette filière scientifique, devenue enfin générale, sera officiellement considérée comme la filière d’excellence, sans équivalent ;

o

Une filière alternative, dite « littéraire et sociale », où ne seraient acceptés que les lycéens qui apparaissent réellement incapables de poursuivre l’enseignement mathématique et scientifique après la seconde, et qui serait une filière littéraire accrue par un enseignement

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littéral des faits économiques. A l’enseignement « classique » de l’Histoire, serait ajouté une matière d’Histoire Economique et Sociale, intégrant la formation aux notions de bases de l’économie, mais sans le développement mathématique des théories (de toute façon peu vu en filière ES aujourd’hui). Les élèves de cette filière, outre les études de lettres, seraient donc favorisés pour l’entrée dans les sciences humaines. Et au cas où ils se décideraient, après le baccalauréat, à intégrer un cursus d’économie ou d’administration, ils pourraient passer par une année de renforcement en mathématiques appliquées, notamment en statistiques, avant d’intégrer un cursus de faculté. Ainsi, un bachelier « littéraire et social » regrettant d’avoir (presque) totalement abandonné les mathématiques après la seconde pourrait corriger cela en un an, et non en refaisant ses deux dernières années de lycée ; - Les filières technologiques seraient maintenues. Mais pour les lycéens qui auraient peur de se spécialiser trop tôt, tout en se sentant trop faibles pour affronter l’une des deux filières précédentes, une filière technologique spéciale, dite « polyvalente » serait créée, qui leur donnerait l’essentiel du tronc commun culturel dispensé dans toutes les filières technologiques (français, histoire-géographie, langues étrangères, mathématiques essentielles, philosophie), ainsi que plusieurs matières au choix relevant de différentes voies technologiques. Par exemple, en plus du tronc commun, un élève pourrait choisir un début d’enseignement de la mécanique, et les bases de la comptabilité. Le but serait qu’après le baccalauréat, l’élève décide de se spécialiser en un an dans une des voies technologiques, en n’ayant plus que les matières spécifiques à cette voie à approfondir à plein temps. Et ensuite de partir sur un BTS, voire IUT, une formation en 3 ou 4 ans après le baccalauréat. Et, au cas où le bachelier devenu adulte déciderait de changer de voie dans une reprise d’études, qu’il puisse refaire sa spécialisation en un an plutôt que de refaire une première et une terminale avant de nouvelles études supérieures.

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Cinquième proposition : un véritable service de l’orientation Les enseignants n’ont souvent qu’un pouvoir limité pour orienter efficacement les élèves dont ils ont la charge, parce qu’ils se retrouvent euxmêmes peu dans la variété des formations supérieures, et dans certains cas, faute d’intérêt. On peut dire la même chose des conseillers d’orientation, de toute façon peu nombreux, et que les élèves ne consultent que lorsqu’ils ont conscience d’être en difficulté, conscience qui ne leur vient pas toujours à temps. Une fraction du chèque éducation versé aux parents de chaque élève doit être destinée à l’achat d’un service d’orientation. Chaque équipe enseignante, ou même des professionnels libéraux, peuvent proposer aux parents un service consistant à étudier les capacités de leur(s) enfant(s), à leur présenter les formations envisageables, les meilleurs établissements ou la façon de les rechercher. Les parents et les conseillers sont libres d’organiser leur échanger et notamment la façon dont sera rémunéré le conseiller. A un détail près : l’Etat impose qu’au moins une partie du chèque versé par la famille puisse n’être transmis au conseiller que plusieurs années plus tard, lors de la fin des études, et avec un droit de veto (dont les conditions seront librement négociables entre parents et conseillers) de la part de l’élève devenu majeur. Cette contrainte a pour but d’obliger les parents comme les conseillers à prendre en compte le fait que les goûts de leur(s) enfant(s) sont susceptibles d’évoluer dans le temps, et que le collégien qui semble certain de se diriger dans une voie puisse avoir totalement changé d’avis deux ou trois ans plus tard. Le conseiller ne pourrait donc engager l’enfant dans une voie qui lui fermerait des portes sans retour possible, en ne se référant qu’au desideratas immédiats de ses clients.

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Réforme des entreprises et administrations publiques Résumé : Les citoyens, usagers et contribuables, doivent pouvoir se considérer comme sociétaires des entreprises publiques. Celles-ci pourront leur infliger un dividende négatif afin d’inciter les citoyens à surveiller leur gestion. Les citoyens pourront obtenir la démission des dirigeants de ces entreprises par un fort nombre de demandes. De façon analogue, les citoyens pourront dénoncer tout usage des fonds publics qui seraient injustifiés par rapport aux missions annoncées par l’Etat. La poursuite légale des auteurs de gaspillages publics pourrait être lucrative pour les plaignants. Sur les entreprises publiques : instaurer un droit de renvoi par les citoyens Nous sommes habitués à un modèle d’entreprise publique : ses dirigeants sont directement nommés par le gouvernement, c’est à lui que l’entreprise rend des comptes, si tant est que le gouvernement y tienne, et le seul pouvoir des citoyens de base est d’élire un autre gouvernement. En supposant bien sûr que la gestion des entreprises publiques soit un jour le thème central d’une élection présidentielle. D’où les idées que ressassent les libéraux, qui sont que l’entreprise publique n’est de fait jamais sensible à la satisfaction du client (ou alors seulement lorsque le service est très défaillant, au cours d’une grève massive par exemple) ; que quand bien même le mécontentement des usagers serait pris en compte, ce serait sous la pression médiatique et donc sans lendemains ; que les entreprises ne sont pas vraiment sensibles à leur résultat financier, peuvent supporter des déficits récurrents, espérant l’aide de l’état au final ; que, partant sur la série précédente, les entreprises publiques ne songent que peu à rationaliser leurs coûts,

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embauchent massivement sans licencier lorsque leurs besoins sont dépassés, que les compétences sont peu mises à profit, la productivité est basse, etc… Et tout cela génèrerait le surcoût des entreprises publiques par rapport à une gestion privée. Le fait que les entreprises publiques n’aient pas de dividendes à verser (en fait elles en versent à l’Etat, mais celui-ci pourrait les en dispenser, ce que ne fera pas durablement un actionnaire privé) ou encore le fait qu’un monopole public n’ait pas besoin de démarchage publicitaire (alors qu’EDF ou la SNCF en font…), tout cela est loin de pouvoir compenser ce surcoût du monopole public. Ce mode de fonctionnement de l’entreprise est loin d’être le seul possible. On peut très bien recréer les contraintes de gestion obligeant une entreprise à l’efficacité (c’est-à-dire l’optimisation du rapport qualité du service / dépense effectuée) sans toucher à son caractère public ni même à son monopole. La première voie pour y arriver est de se rappeler qu’en tant qu’entreprises publiques, la SNCF, EDF et La Poste appartiennent à chacun de nous. C’est-à-dire que nous devrions tous pouvoir nous considérer comme leurs sociétaires. Et plutôt que de dépendre du gouvernement, la présidence des entreprises publique devrait être élue –ou du moins révocable- par les sociétaires. En clair, cela veut dire qu’une fois par an au moins, lorsque la presse révèlerait le bilan de la SNCF, sous la forme d’un épais déficit et d’une qualité médiocre de la desserte, si plusieurs centaines de milliers de personnes en expriment le souhait, la direction sera démise. Il serait peu réaliste de faire voter 48 millions de français majeurs sur la gestion de leurs entreprises publiques tous les ans. Le simple pouvoir de révocation par demande d’une minorité suffisante serait déjà une puissante contrainte pour la gestion desdites entreprises. Mais encore faut-il que les citoyens/usagers/clients/contribuables se manifestent. La responsabilisation de l’entreprise repose sur la sensibilisation de l’usager/citoyen/client et sa capacité de réaction. Proposition n°1 : dividende négatif La première proposition serait directe, à défaut d’être populaire. Il s’agit tout simplement de faire payer directement une fraction du déficit d’une entreprise publique par chaque ménage, sous la forme d’un dividende négatif. C’est-à-dire : chaque année, si déficit il y a, une fraction de celui-ci est partagée entre tous les ménages, et une facture leur parvient, en modulant

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ce « dividende » en fonction de la tranche d’imposition sur le revenu du contribuable en question. Cela ne coûtera pas forcément plus cher à la population. Ce déficit qui serait payé directement, c’est de l’endettement en moins, ou de la subvention d’Etat en moins, donc moins d’impôt au final. Proposition n°2 : droit de renvoi d’une direction par les citoyens-sociétaires Mais surtout, l’avantage principal de la précédente mesure, c’est son impopularité : elle amènera à ce que, chaque année, plusieurs centaines de milliers de personnes transmettent une demande de démission de la présidence de telle ou telle entreprise. On pourra fixer le barème fatal à 200.000, 500.000 ou un million de mécontents exprimés pour faire tomber la sanction. Pour qu’une véritable démocratie des citoyens-sociétaires existe, ce droit au mécontentement ne suffira pas. Si l’entreprise décide une politique de déficit volontaire pour assumer un service de qualité à prix bas, les sociétaires doivent également avoir la possibilité d’exprimer une demande de maintien de l’actuelle direction. Et c’est la différence entre le nombre de demandes de démission et de maintien qui décidera du sort des sortants. Parallèlement à cela, de véritables syndicats d’usagers, et pas seulement des associations « d’usagers en colère » doivent voir le jour, et mener le dialogue avec les entreprises publiques, lançant si besoin est des mots d’ordre pour exiger (ou non) la décapitation de l’entreprise. Sur les administrations publiques : instaurer un délit général de gaspillage public et une récompense pour le citoyen accusateur Dans le cas général des administrations, les citoyens doivent pouvoir porter plainte contre toute dépense publique indue, c’est-à-dire qui ne se justifie pas par rapport à une liste de missions que l’Etat, la Sécurité Sociale ou les collectivités se donnent dans leurs budgets annuels. Et ce en s’appuyant sur tout rapport certifié. Mais encore faut-il qu’ils y soient incités. Pour cela, une fraction du gaspillage estimé (de l’ordre de 10% pour des petites sommes, de 1% pour des valeurs massives) doit être reversée aux plaignants, comme récompense de la traque des gaspillages et des démarches juridiques entreprises.

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VIII) La défense et la sécurité Constats Résumé : Même si les meurtres diminuent et que l’évolution du nombre de viols est incertaine, on a vraisemblablement une hausse des agressions physiques. La délinquance contre les personnes et les biens est inégalement répartie sur le territoire, et semble concerner en priorité les zones où des niveaux de richesse très inégaux se côtoient, et ceux où se cumulent plusieurs facteurs d’exclusion : pauvreté, chômage, immigration… Il y a plusieurs sources pour observer la délinquance en France : une base statistique des faits déclarés aux forces de police (donc excluant tous les autres faits) nommée « Etat 4001 ». Il existe aussi des enquêtes menées auprès de la population, afin de relever les proportions de gens déclarant avoir subi des actes de délinquance de divers types (du vol à la menace et jusqu’au viol). Il en existe au niveau national (enquêtes de l’INSEE et de l’Observatoire National de la Délinquance) comme aux niveaux régionaux (pour l’Ile-de-France). En prenant des précautions (lacunes de l’Etat 4001, représentativité incertaine des échantillons interrogés dans les enquêtes de victimation), on peut voir des tendances. De moins en moins de meurtres De 2001 à 2007, le nombre d’homicides est passé de 1073 à 770, baisse concernant tous les types d’homicides, sauf les meurtres concernant les moins de 15 ans. Une baisse incertaine des agressions sexuelles Le ministère de l’Intérieur relève 10 000 viols en 2009 et 15 000 autres atteintes sexuelles (soit 30 pour cent mille femmes, l’immense majorité des victimes). Mais 1% des francilien-nes ont signalé avoir subi une agression sexuelle de 2004 à 2006 dans l’enquête de victimation régionale de 2007. Généralement, dans les associations féministes, l’idée est qu’un viol

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sur dix seulement aboutira à une plainte. L’enquête de victimation francilienne trouve plutôt 35% de déclarations pour ce qui est des agressions sexuelles et l’enquête nationale de l’OND estime à 65 000 le nombre de personnes ayant subi un viol ou une tentative en 2005 ou 2006, six fois plus que le nombre de viols connu des forces de l’ordre. En apparence, les agressions sexuelles sont en baisse dans les deux sources : dans l’état 4001, on a 10% de baisse en 6 ans (de 28 000 cas déclarés à 25 000 cas), et dans l’enquête de victimation francilienne, qui fait passer la proportion de francilien(ne)s victimes de 0,7% à 0,5% de 2001 à 2007. Mais ces chiffres ne peuvent être considérés comme significatifs, du fait de la sous-déclaration dans l’état 4001 et du trop faible écart entre les résultats de 2001 et 2007 dans l’enquête de victimation. Les agressions physiques non mortelles ou sexuelles contre les personnes Les agressions contre les personnes sont, en 2009, selon l’Etat 4001, au nombre de 212 000, dont 193 000 coups et blessures. L’enquête nationale INSEE/OND va plus loin, en estimant à 1,6 millions le nombre de victimes en 2005-2006, soit 800.000 victimes par an au moins … Dans l’état 4001, en cinq ans, on est passé de 152 000 actes en 2004 à 212 000 en 2009, soit une progression de 40%, bien supérieure à celle de la population française sur la même période. Dans l’enquête de victimation francilienne, la proportion de victimes des agressions (physiques ou verbales) est passée de 6,7% à 7,6% de 2001 à 2007. Les agressions contre les biens L’enquête INSEE/OND note que 5,1% des ménages (1,3 millions) ont subi en 2006 un vol ou une tentative de vol sur leurs automobiles. Mais que ce chiffre a baissé d’un point par rapport à 2005. Les vols frappant les résidences principales ont concerné 2,8% des ménages, des cambriolages dans un cas sur deux (soit plus de 220 000 cas). Dans l’Etat 4001, vols les plus fréquents dans les statistiques ministérielles (automobile, vol à la tire, à la roulotte, cambriolage…) sont en baisse nette (de 30% pour les vols d’automobiles et sur les cambriolages de résidences secondaires ; 10% sur les deux roues et les cambriolages de résidences principales) de 2004 à 2009. Leur réduction s’explique avant tout par des efforts de protection privée et non par l’action de la police. Cependant, les vols commis sur les personnes

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ne sont pas en recul d’après les enquêtes de victimation : en Ile-de-France, la proportion de victimes de ces faits dans l’enquête de 2007 est de 10%, contre 8% en 2001. La géographie de l’insécurité Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas dans la banlieue parisienne qu’on trouve la plus profonde pauvreté, mais dans les départements ruraux du centre et sud de la France, où la délinquance est très faible. Le lien délinquance / pauvreté est donc indirect. Il ne s’agit pas de nier toute cause sociale de la délinquance, mais c’est plutôt sous l’angle de l’inégalité que l’on doit voir cette relation : les régions à plus forte délinquance sont celles où se côtoient faibles et très hauts revenus (Ile-deFrance, côte méditerranéenne). Pour la gauche politique, la situation devient plus complexe : notre premier souci doit être de supprimer la pauvreté absolue. Or il apparaît que les plus pauvres ne sont pas les plus délinquants. Quant aux inégalités, on ne peut promettre leur disparition. Ainsi, la gauche peut-elle fonder sa lutte contre l’insécurité uniquement sur des programmes sociaux ? Lien entre immigration et délinquance Ce sujet extrêmement polémique fait vite courir le risque des amalgames. Les études de terrain tentant de déterminer la différence du risque délinquant entre immigrés et non-immigrés sont peu nombreuses, car elles prennent du temps pour distinguer tous les autres facteurs sociaux qui peuvent influencer ladite délinquance. Des sociologues tels que Laurent Mucchielli appuient l’idée que, une fois que l’on a retiré les différences d’âge et de genre (les hommes jeunes sont plus délinquants que le reste de la population) et de niveau social (en termes de revenus, de profession), il ne reste pas de différence significative de délinquance entre immigrés et nonimmigrés. D’autres observations de longue durée, parues dans un ouvrage de Hugues Lagrange, Le déni des cultures, tendent à montrer le contraire. Il est de toute façon connu que les quartiers à forte population immigrée venue d’Afrique cumulent un sur-chômage, un niveau de pauvreté plus fort, une délinquance sur les personnes et les biens plus élevée. Et au final on ne peut dire quel phénomène, entre pauvreté, inégalités, chômage, immigration et délinquance, est la cause des autres. L’urgence est donc de casser ces

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concentrations de difficultés sociales, afin que puissent y échapper les classes populaires et aux immigrés, dont l’immense majorité n’a rien à voir de la délinquance.

Propositions de long terme : démanteler les quartiers-ghettos, changer le rapport policecitoyens Résumé : Il ne peut y avoir d’action durable et efficace contre la délinquance si on ne remplace pas la politique du chiffre actuellement pratiquée par un dialogue constant entre forces de polices et habitants des quartiers. Les missions et la rémunération d’une partie des forces de l’ordre doit correspondre directement aux besoins locaux des résidents. Il faut également cesser de croire que l’on peut « améliorer » les quartiers les plus délabrés où se concentrent les plus exclus : il faut remélanger la population française, et défaire ces quartiers pour les reconstruire ensuite. Des variables qui se situent en amont des passages à l'acte. Nous pensons là à tout ce qui a conduit les auteurs des actes en question à agir comme tels et donc, a fortiori, aux milieux scolaires, culturels, familiaux dans lesquels ils ont grandi. Nous parlerons ici davantage des causes culturelles et sociétales. Comment ne pas parler du dramatique abandon, à partir des années 80, de la traditionnelle assimilation républicaine par une gauche libérale inconsciente en mal de projet ? Cet abandon fut couplé à une politique d'immigration extra-européenne, mise en place, elle, dans les années 70, par une droite aux ordres du grand patronat avec pour objectif de bloquer les salaires des travailleurs français. Politique accélérée par les mesures de regroupement familial prises sous Giscard d’Estaing. La gauche mitterrandiste a troqué le système républicain assimilationniste pour un communautarisme anglo-saxon, au nom du droit de à la différence, du multiculturalisme, de la diversité. Idéologie qui ne peut aboutir au final qu'à la destruction des différences et de la diversité car il n'est de diversité que dans la diversité de l'humanité et non dans chaque nation. Sinon, on aboutit

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inéluctablement à la fin des différences entre pays et à l’uniformisation généralisée. Agir sur ces phénomènes prendra du temps, et demandera un investissement social de longue haleine. Sur le court terme les solutions consisteraient tout bonnement à renforcer les moyens des pouvoirs publics et cela sur plusieurs niveaux : policier, judiciaire et pénitentiaire. Mais ce renforcement des moyens ne sera efficace qu’avec l’instauration d’un nouveau dialogue entre population et police. Démantèlement des quartiers –ghettos Plutôt que de vouloir « donner plus de moyens aux banlieues » (sous-entendu : banlieues pauvres et à forte population immigrée) comme le répètent le PS ou le PCF, nous proposons de détruire purement et simplement ces quartiers. Le nouveau système économique que nous proposons plus haut, s’il est mis à l’essai dans une ou plusieurs régions de provinces, peut générer des terres d’accueil pour leurs habitants. Régulièrement, l’Etat devra opérer un nouveau brassage des populations. Il faudra pour cela distinguer des zones en situation d’exclusion (forte pauvreté, niveau de délinquance élevé, forte présence immigrée, etc…) et pousser leurs habitants à s’installer hors de ces zones à chaque fois qu’ils déménageront. Et que seuls des gens qui n’y ont jamais vécu ou pas depuis des décennies puissent s’y installer. Le coût des déplacements peut sembler élevé, surtout si l’on versait une indemnité aux habitants de ces quartiers pour la privation de leur droit de s’installer où ils veulent. Mais ce coût serait moindre que le coût économique (assistanat pour des populations discriminées à l’emploi en raison de leur lieu de résidence), social (dépenses de sécurité, dégradations de biens publics) et politique (clientélisme ethnique dans des quartiers à forte population immigrée) du maintien de quartiers-ghettos. Pour réduire en amont ce coût, il importe de mettre au point une politique d’immigration qui incite les immigrés à se disperser directement en province (cf. notre chapitre sur la politique d’immigration). Mettre en place des corps de police «nomades » Les résidents de quartiers délimités par les municipalités peuvent décider d’élire un comité, et ces comités doivent être reconnus comme personnes morales. Ils pourraient disposer d’une partie du budget du

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ministère de l’Intérieur. Et s’en servir pour acheter les services de corps spéciaux « nomades », composés d’unités qui choisiraient leur affectation géographique en fonction de contrats passés avec des quartiers. Ces corps pourraient se spécialiser dans la prévention de la délinquance, ou dans la lutte contre l’économie parallèle, ou dans la dissuasion de la violence contre les personnes par leur présence sur le terrain. Les contrats conclus avec les comités de quartier imputeraient à ces policiers une rémunération non basée sur les chiffres de la délinquance, mais liée à la satisfaction des résidents. Ces contrats initieraient un véritable dialogue entre quartiers et policiers, non centré uniquement sur la peur de la bavure comme l’envisagent souvent les partis de gauche « radicale » (tels que le NPA).

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Propositions de court terme : assurer une protection immédiate, remettre à flot la justice et les prisons Résumé : La justice ne peut être efficace que si les peines sont appliquées. D’où l’urgence de désengorger les prisons par de nouveaux établissements ré-humanisés, en revenant sur l’usage généralisé des remises de peines. Pour lutter contre les harcèlements, les agressions physiques et sexuelles, chaque citoyen, même sans motif prouvable, doit pouvoir trouver refuge dans des centres sécurisés dans tout le pays. En matière de protection immédiate des citoyens Il faut créer des lieux de refuge permanents dans chaque arrondissement. Plusieurs bâtiments blindés et gardés par des personnels armés seront présents dans chaque département, et tout-e citoyen-ne pourra y trouver asile sans avoir à en prouver le motif. Ainsi, les femmes craignant les violences conjugales, les agressions sexuelles, toute personne menacée, mais aussi des sans-abris, peuvent y séjourner. Avec comme seule contrepartie de devoir rester un nombre minimum de jours et de participer aux tâches d’entretien internes. En matière judiciaire Il y a aujourd'hui 8 000 juges en France, tandis qu'en Allemagne le nombre de magistrats est de 30 000 approximativement! L'état des juridictions, dans la plupart des petites et moyennes villes, laisse à désirer. De plus, à l'instar de la police et la gendarmerie, depuis la mise en place de la RGPP, des Tribunaux d'Instance (150 TI ont été fermés au 31 décembre 2009), voir de Grande instance (TGI) sont fermés en campagne et les petites villes, entraînant un engorgement des tribunaux des plus grandes villes dont la vitesse de traitement des affaires est déjà trop longue. Découle de ce constat une justice française lente et incompétente. Nous proposons donc :

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- pour une justice plus efficace et rapide, une augmentation du nombre de magistrats et amélioration de leurs conditions de travail ; - de mettre fin à la réduction systématique des peines pour les crimes sexuels et de sang, dont la récidive est probablement sous-estimée. Multiplier les travaux d'intérêt général ; - une politique plus sévère envers les mineurs délinquants et les récidivistes ; - la tolérance zéro contre les trafics d'armes, de drogue, d'objets volés, le grand banditisme et les guets-apens visant les forces de l’ordre ou les pompiers. En matière carcérale Nous proposons la mise en chantier immédiate de nouveaux établissements pénitentiaires, la réhabilitation des prisons déjà sur pied, la séparation des différents types de condamnés, la lutte contre les trafics, des aides à la réintégration une fois la peine effectuée. Du reste, ré-humanisation, confidentialité, recherche active des besoins de soins psychologiques, rencontres régulières entre détenus et personnels pénitentiaires doivent devenir les maîtres mots de la nouvelle politique carcérale française.

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IX) La politique d’immigration Politique d’aide extérieure préventive des migrations Résumé : La France reçoit chaque année 200.000 migrants, certainement pas le « raz-de-marée » dont parle l’extrême-droite, mais un nombre qui crée une charge à l’intégration et surtout un risque de morcellement ethnique du pays. Cette situation n’est pas satisfaisante, surtout si l’on tient compte de ce que les immigrants eux-mêmes préféreraient souvent ne pas venir. La fermeture complète des frontières est irréaliste et brutale. Les aides au retour ont échoué. Le meilleur moyen de restreindre les flux d’immigration, c’est de primer les émigrants potentiels avant qu’ils ne partent, surtout s’ils viennent du continent africain, et d’abolir la clandestinité pour mieux étudier les causes des migrations. La France doit également réorienter son aide économique vers l’action sanitaire et éducative, par souci humanitaire mais aussi pour créer des emplois. La situation actuelle de l’immigration en France Cette immigration se chiffre à environ 200.000 personnes par an selon l’INED, dont un peu plus de 40% sont originaires du continent africain, et 20% de l’Union Européenne, 28% si l’on intègre la Russie, la Suisse et l’ancienne Yougoslavie. Pour schématiser, on peut dire que sur quatorze immigrants légaux entrant en France en 2007, six sont africains, quatre européens, trois asiatiques (en moitié chinois ou turcs), et le dernier vient des Amériques. Projetons-nous sur un siècle : au même rythme, ce ne sont pas moins de vingt millions de personnes qui vont entrer en France. Et ce sans tenir compte 1) de l’immigration clandestine, 2) des descendants de ces immigrés, qui, selon les nationalités, ont un taux de natalité différent de la population française native. Sur ces vingt millions de personnes, quatre à cinq millions

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seraient européennes, plus de huit millions seraient africaines. Nous recevrions également un million de chinois, sept cent mille turcs. Dans la répartition par motifs d’admission, on voit une très nette domination de l’immigration de regroupement familial pour l’Afrique et la Turquie (70% des arrivants en 2006). La décision de mettre fin à l’immigration (légale) de travail dans les années 70 a fait que la seule zone d’où provient réellement une immigration de travail, espace Schengen oblige, est l’Europe. L’immigration asiatique et américaine (désignant ici l’ensemble des Amériques) est fortement une immigration étudiante, et que les étudiants sont même majoritaires chez les chinois. Sur 38 000 personnes qui entrèrent en France en 2006 pour études (et dont une partie repartira dans les années suivantes), la moitié sont asiatiques –hors Turquie- ou américains, alors que ces continents ne fournissent que 22% de l’immigration en France.

Source : INED 2007 L’immigration africaine –légale- est majoritairement constituée de regroupements familiaux. Mais si cette immigration a lieu, c’est justement

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parce qu’il y a eu des migrations de travail par le passé, un peu encore aujourd’hui, et que des migrants clandestins sont régularisés. Et aussi parce qu’il y a eu des migrations d’étudiants dont certains sont devenus des travailleurs en France. Et cette migration étudiante n’est pas négligeable : sur les 38 000 étudiants étrangers arrivèrent en France en 2006, 14 000 vinrent du continent africain. 11% seulement de l’immigration africaine est le fait de mineurs. Les conjoints (de français ou d’étrangers) constituent 40% des immigrants africains arrivant en France. L’immigration africaine en France, c’est d’abord une immigration de travailleurs et d’étudiants, plus secondairement de réfugiés (8% des immigrants africains en 2006), qui suscitent ensuite une importante immigration familiale. La ligne générale : liberté de migration …avec des incitations de nonmigration Nous ne voyons pas l’intérêt de fixer des limites à l’entrée sur le territoire français pour des pays tels qu’Haïti, la Russie, l’Afghanistan, le Sri Lanka, l’Irak…dont les ressortissants en France sont fort rares, et les situations dans le pays d’origine préoccupantes. En Afrique, 60 % des migrants légaux viennent du Maghreb, et parmi les 34 000 arrivants d’Afrique noire, 24 000 viennent de neuf pays (Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, les deux Congo, la Guinée, Madagascar, Comores – ce dernier pays représentant un cas particulier du fait du maintien de Mayotte dans la France). Pour la plupart des pays du monde, on pourrait donc décréter la liberté de circulation avec la France, sans générer aucun risque d’invasion quelconque. Pour quelques pays d’Afrique, on doit se doter des moyens de limiter les flux. Mais pas nécessairement par la fixation de quotas et la traque de clandestins comme nous le faisons actuellement. Il s’agirait plutôt de régulariser rapidement les personnes entrant en France pour une durée de plusieurs années, même sans autorisation des consulats français du pays d’origine, et ne recourir que rarement aux expulsions. Avant de préciser quels seraient les moyens qui permettraient de réduire à la source les départs vers la France, ajoutons que la disparition de la clandestinité nous donnerait un avantage important : la possibilité de connaître réellement et scientifiquement l’immigration. Une fois régularisés, les immigrés peuvent beaucoup plus facilement faire l’objet de statistiques,

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sur leur lieu de départ, sur les raisons de leur départ, sur leurs objectifs en France, sur le coût de leurs trajets. On aura donc une immigration apparemment plus forte en France (du fait de l’émergence de centaines de milliers de clandestins), mais qui pourra être plus facilement régulée du fait même de cette régularisation. Elle nous permettra notamment de mieux connaître l’immigration de travail africaine (en bonne partie clandestine). C’est donc sur cette question des migrations économiques qu’il faut cibler l’approche pour pouvoir espérer moduler les migrations à venir. Migrations qui, dans le cas africain, sont pour l’instant davantage maghrébines que subsahariennes, mais qui pourraient devenir davantage « noires » à l’avenir, du fait de la réduction plus prononcée de la natalité en Afrique du Nord qu’au sud du Sahara. Et surtout du fait que l’Afrique noire a une bien plus grande marche à parcourir que les pays de la rive sud de la Méditerranée pour atteindre le niveau de développement qui rendra l’émigration inutile. Premier moyen : réorienter l’aide au développement vers deux cibles : le sanitaire et éducatif La France s’est engagée à verser annuellement 0,7% de son PIB à l’aide publique au développement. Montant qu’elle honore peu (moins de 0,5% en réalité) et qui recouvre des sommes aux affectations très diverses : par exemple, l’enseignement prodigué à des étudiants étrangers en France est compté comme de l’aide au développement. Et ce 0,5% versé par la France est de fait annulé par les charges financières des états africains payant leurs dettes publiques. La première initiative - en dehors de l'annulation des dettes publiques des états africains - serait de monter nettement cette aide, à 1% du PIB au moins, voire plus, en tenant compte du fait qu’1% du PIB français représente 400% du PIB malien… L’aide publique au développement a été accusée de nombreuses tares, en ce qu’elle enfonçait les pays receveurs dans une logique d’assistance, qu’elle n’incitait pas à développer des activités locales, qu’elle permettait plutôt de se fournir à l’étranger (l’argent pouvant revenir ainsi au pays donateur, qui s’octroie de fait une subvention à lui-même) créant ainsi une concurrence inégale pour les entrepreneurs locaux. Même si on validait d’emblée ces critiques, il n’en resterait pas moins que la situation humaine du

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continent africain, principalement subsaharien, sur les plans scolaire (que l’on peut mesurer par les taux de scolarisation primaire et secondaire compris entre 40 et 60% d’une classe d’âge pour la plupart des états d’Afrique noire) et sanitaire (avec une espérance de vie autour de 50 ans en Afrique subsaharienne, parfois moins) fait qu’on ne peut pas attendre pour intervenir. L’action prioritaire de la France devrait donc être de prendre en charge et de créer davantage d’écoles, d’universités, d’hôpitaux, de fournir une partie conséquente des budgets scolaires et sanitaires locaux. Et de grouper les structures créées afin d’en faire des pôles d’emplois locaux. Les effets de cette politique seront : - d’améliorer la situation économique des personnes qui auront un emploi dans les écoles, universités, hôpitaux, ou dans leur sous-traitance, ainsi que de leur famille – qui sont plus étendues en Afrique qu'en Europe. Si les personnes qui auront ces emplois n’auront plus intérêt à émigrer en Europe, en revanche leurs enfants, cousins, ou autres proches pourraient utiliser les revenus qui leur reviendraient pour se constituer un capital à l’émigration. Donc cet effet d’enrichissement pourrait avoir dans un premier temps un effet amplificateur des migrations ; - d’améliorer les conditions de vie aux alentours des pôles d’emploi. Si la France devait à nouveau expulser des migrants, elle disposera de sites vers lesquels les raccompagner en étant assurée que les expulsés bénéficieront quand même de la possibilité d’être soignés et de scolariser leurs enfants ; - d’offrir aux étudiants africains la possibilité de faire des études de qualité dans leur continent d’origine, sans avoir besoin de venir en France. Second moyen : Créer des concours de migration Ces pôles d’emplois permettraient également d’organiser des concours de migrations. Le principe est simple : créer un concours portant sur diverses compétences professionnelles, plus la connaissance de la langue française et des principes de base du droit en France. L’enjeu

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serait ni plus ni moins qu’un visa pour la France, avec naturalisation programmée à la clé, ainsi qu’un emploi offert, par exemple dans la fonction publique (ce qui correspond à une levée partielle de la préférence nationale à l’emploi public). Avec pour contrepartie l’obligation pour le lauréat de s’engager avec plusieurs autres personnes restées dans le pays d’origine à 1) ce que ces personnes restent hors de France ; 2) qu’une partie de son salaire en France soit transmis à au moins l’une de ces personnes. En cas de non-respect par un des signataires de la clause de nonimmigration en France, sauf cas d’urgence humanitaire, le lauréat du concours perd tout, emploi, salaire, naturalisation accélérée. Comme un concours de grande école, le nombre de places serait limité, et on atteindrait sans doute rapidement un rapport de 5 ou 10 candidats pour un-e élu-e. Quel serait l’intérêt de cette politique ? - le fait de recevoir en France des personnes qui seront économiquement intégrées en sachant qu’une quantité plus importante demeurera, par contrat, en Afrique, et qu’ils gagneront financièrement à y rester ; - mais surtout, la réunion d’un nombre important de candidats aux concours, qui se déclareront donc comme tels dans les ambassades et consulats français, et qu’il sera possible d’interroger pour connaître leurs motivations pour émigrer vers la France, et les moyens qu’ils sont prêts à y mettre. Troisième moyen : Créer des contrats de non-migration Le principe de ces contrats est quasiment le même que le précédent, sauf qu’il n’y a pas de lauréat d’un concours ayant obtenu un emploi en France. Il ne s’agit que de proposer à plusieurs personnes de s’engager mutuellement avec la France à ne pas y émigrer, en l’échange de quoi la France verse une allocation à chacun des signataires majeurs tant qu’aucun d’entre eux ne viole l’engagement.

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Contrairement aux fameuses « aides au retour », qui, dès le « million (d’anciens francs) » de Stoleru dans les années 70, qui ont été des échecs massifs, cette proposition intervient avant le départ. Elle a pour but d’éviter au migrant potentiel la prise de risque qu’inclut un voyage (surtout illégal), de lui éviter les frais du voyage et de nourrir un passeur. Pour répondre à ceux qui craindraient un système d’assistanat, on peut très bien promettre aux signataires, non une subvention fixe, mais proportionnelle aux revenus qu’ils déclarent aux services fiscaux de leur pays. Autrement dit, plus ils s’enrichissent par eux-mêmes – subvention française exclue – plus ils gagnent. Si un signataire déclare plus de revenus qu’il n’en a en réalité, il est du coup plus imposable par le fisc de son pays. Cependant, la subvention sera plafonnée, afin que les élites les plus riches des pays de départ – et les pays en développement sont généralement très inégalitaires en termes de revenus – ne puissent pas multiplier ainsi leurs gains. Ci-dessous, un schéma montrant que la subvention viserait avant tout la « classe moyenne » des pays d’émigration : ni vraiment les plus pauvres (qui n’ont pas les moyens d’émigrer), ni les plus riches (qui peuvent se passer d’émigrer pour raisons économiques) et que cette subvention n’inciterait jamais le signataire à ne pas accroître ses revenus personnels.

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A ceux qui craindraient un coût faramineux: en Afrique subsaharienne, un salaire de 300 euros mensuels est un bon niveau de revenu pour une personne, ayant à charge un conjoint et au moins deux enfants. Si la France décidait de consacrer 0,5% de son PIB (soit dix milliards d’euros) à ces subventions, à raison de 3600 euros par an et signataire, on peut allouer cette somme à 2,8 millions de signataires, soit plus de dix millions de personnes si l’on inclut conjoints et enfants. Et sans doute plus encore, car la moyenne est de 7 naissances par femmes au Mali, 5 au Sénégal. Mais si l’on étend la mesure au Maghreb, c’est bien la norme de deux enfants qu’il faut prendre. Par rapport à une population d’Afrique noire francophone – à l’origine de l’essentiel de l’immigration subsaharienne – de plus de deux cent millions d’habitants, et de 80 millions de maghrébins, ces dix millions paraissent fort peu. C’est oublier que la migration n’est pas, et ne sera sans doute jamais accessible à la majorité des habitants de ces pays, en raison du coût du voyage et de l'installation en France pour le migrant et sa famille, que la migration soit légale ou pas. Il y a donc un moyen efficace de réduire le nombre de signataires potentiels sans réduire l’efficacité du dispositif, et qui est tout simplement de réduire l’accès du contrat à ceux qui avaient les moyens d’émigrer : faire payer une caution pour avoir le droit de signer. On peut trouver ces principes peu conformes à un idéal égalitariste : un dispositif où le plus riche gagne encore plus, et auquel la majorité la plus pauvre n’a pas accès. C’est oublier que le but de ce plan n’est pas d’entretenir des pays entiers. Dans tous ces pays, la montée en puissance d’une classe moyenne de plusieurs millions de personnes, formant une puissance économique capable de contester le pouvoir d’une petite élite richissime, est la principale voie d’accès au développement. Nous préférons encore que la France – et d’autres pays d’Europe, partageant les mêmes intérêts que la France, et formant une puissance financière bien plus grande – soutienne le développement de cette classe moyenne au pays même, plutôt que de voir la grande majorité de ces populations rester dans une pauvreté profonde, avec une minorité d’entre eux qui auront changé de continent à grands frais, en espérant faire revenir à leur famille une minorité de ce qu’ils gagnent.

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X) La politique linguistique Favoriser le multilinguisme

développement

du

Résumé : Nous proposons que soit les langues allemande et italienne deviennent les secondes langues officielles de notre pays, et qu’un bilinguisme obligatoire se fasse dès l’école, mais dans ces deux langues, ou éventuellement en espagnol, néerlandais ou arabe, en laissant l’anglais comme troisième langue qui sera de toute façon demandée par les parents. Nous n’avons qu’un seul voisin anglophone, et peu nombreux seront les français qui iront vivre en Amérique du Nord. Nous devons donc nous former aux langues de nos voisins réels, plutôt que de miser sur un anglais vulgarisé comme « langue mondiale ». Socialisme & Souveraineté refuse l’effacement du français au profit de l’anglais considéré comme « langue mondiale » Il n’y a pas de langue mondiale, et de toute façon, on n’en a pas besoin. Un être humain sur six est anglophone, et même si cette fraction va sans aucun doute progresser, rien n’oblige à ce que l’anglais s’impose partout dans la communication réelle. S’il est probable que plus de trois milliards de personnes vivront dans des pays où l’anglais est langue officielle en 2025, la plupart, comme dans l’aire francophone, parleront en premier lieu d’autres langues. Même sur Internet, l’information est de plus en plus accessible via d’autres langues (français, chinois, arabe, japonais, allemand…). Les discours sur l’inéluctabilité de l’anglais adoptent le point de vue d’une minorité d’êtres humains qui participent aux échanges commerciaux internationaux, aux colloques scientifiques, ou lisent des articles dans des revues qui pourraient être traduites, ou sont amenés à de fréquents déplacements dans de nombreux pays. Bref, une minorité de l’humanité. 3% seulement des êtres humains vivent dans un pays autre que celui de leur naissance, et la plupart d’entre eux n’ont résidé que dans un ou deux autres pays que leur pays d’origine.

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Ce dont ont réellement besoin les êtres humains, c’est de connaître la langue de leur pays, plus une ou deux langues de pays voisins, avec parmi ces langues une grande langue régionale lui donnant accès à la traduction des informations venant du monde entier. L’hindi, le swahili, le malais ou indonésien, le russe ou l’espagnol peuvent très bien remplir ces conditions. Le français n’a aucune raison d’y manquer. Le multilinguisme français, allemand et italien contre l’imposition de l’anglais en Europe Si l’apprentissage de l’anglais par les élèves de second cycle dans les 27 pays de l’Union atteint la proportion de 83% en 2007 (soit près de quatre fois plus que le français ou l’allemand), ça n’en fait pas la langue réelle des européens. Nous avons beau avoir 99% de nos élèves qui étudient, en première ou seconde langue vivante, la langue de Shakespeare, il n’en reste qu’un quart des français se déclarent capables de parler anglais selon David Crystal. Selon le rapport 2006 de la Commission Européenne sur l’Education et la Culture, si 52% des habitants de l’Union sont capables d’avoir une conversation en anglais, 13% l’ont comme langue maternelle. C’est moins que l’allemand (18%, et 32% avec les germanophones en seconde langue), et pas plus que le français (respectivement à 13 et 26%). Dans la réalité, être la langue réelle de l’Europe continentale serait un rôle bien plus taillé pour l’allemand, que plus de la moitié des élèves de second cycle apprennent en Europe Centrale (80% en Slovénie et Slovaquie, 70% en République Tchèque, 60% en Pologne, 50% en Hongrie), aux Pays-Bas et au Danemark. Le principal obstacle qui se pose à l’allemand est que les français et plus encore les italiens l’apprennent peu. Si une véritable appropriation de l’allemand comme seconde langue se produisait à l’Ouest du Rhin comme au Sud des Alpes, l’allemand deviendrait véritablement la langue de l’Europe continentale, avec un avantage immense sur l’anglais d’être une langue réellement pratiquée au jour le jour, dans plusieurs pays situés au centre du continent, et par de solides économies exportatrices. Que les français deviennent tous réellement bilingues ou trilingues est bien sûr une nécessité. Mais il n’y a aucune raison que ce bilinguisme se fasse forcément en anglais. Au contraire, nous devons collectivement miser sur des bilinguismes multiples, afin d’avoir le plus souvent possible autour de nous des compatriotes germanophones, italophones, arabophones ou hispanophones. Même pour la lecture de documents scientifiques, techniques

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et commerciaux en « globish », une minorité d’anglophones suffit. La synergie des compétences entre français fera le reste. Le français ne gagnera pas seul sa lutte pour sa survie. C’est l’oubli de cette évidence qui génère la résignation face à la domination anglophone. Contre l’empire européen et sa prétendue « diversité », avec 23 langues officielles quand une petite minorité d’européens sont trilingues, nous pourrions défendre une véritable intégration culturelle librement consentie en mariant la langue de Molière avec celles de Dante et de Goethe. Un espace considérable de 200 millions d’européens, sur trois nations, bilingues dans au moins deux des trois langues, qui pourront être entendues de Brest à Palerme et à Hambourg, renforcera nettement la diffusion de l’allemand vers l’Est et du français en Afrique, et la survie de l’italien.

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