Le Petit Gourmet n°21

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n’est de ne pas avoir eu le temps de m’occuper de mes enfants autant que je l’aurais voulu. » Mais son feuilleté d’œuf poché aux morilles en a séduit plus d’un « à commencer par JeanLuc Petitrenaud en tournage avec le président Giscard d’Estaing ! » Le bouche-à-oreille a fait le reste. Autodidacte, Chantal Fontbonne l’est tout autant. Depuis 35 ans, cette ancienne infirmière a trouvé en Auvergne l’amour et le Restaurant de la mairie à Sauxillanges. « C’était l’établissement de la grand-mère de mon mari. J’ai débuté au bar avec un plat du jour, le juke-box, le billard… », chuchote Chantal. Issue d’une famille d’agriculteurs, elle a toujours cuisiné ; et de la blanquette de veau au bourguignon, ce cordonbleu discret a beaucoup évolué. « On est loin de mes premiers menus mais ma gastronomie repose toujours sur le terroir. J’ai beaucoup travaillé avec des bouquins et quand mes enfants ont été grands, je suis allée en stage chez Régis Marcon. Cinq jours fabuleux qui ont reboosté ma cuisine, une formidable éducation au goût. » Entre-temps, son mari l’a rejoint pour assurer le service, s’occuper de la cave et faire du Restaurant de la mairie une belle maison. Seule petite ombre au tableau, Chantal avait prévu de transmettre l’affaire à sa fille, victime d’une maladie professionnelle qui l’a contrainte à stopper la cuisine. « Je suis fière du chemin parcouru mais dans deux ou trois ans, il va falloir vendre. » Avis aux amateurs… Enfin, il y a Chrystelle Blanc et son accent du sud qui rappelle que la chef de Mon Auberge à Parent est originaire de Béziers. Un parcours sans faute en lycée hôtelier, du BEP au BTS, entre Béziers et Saint-Chély-d’Apcher, et une fidélité à deux établissements – Le Belleville à Lamalou-lesBains et chez Isabelle Bui à Laguiole – ont forgé cette cuisinière gourmande. « J’aime le foie gras en terrine, poché, poêlé, sucré, salé… Et surtout, j’aime un peu d’originalité. » Chrystelle n’hésite pas à marier des produits auvergnats avec des saveurs d’ailleurs comme ce suprême de poulet et ses frites de polenta à l’orientale. « Que des produits de saison avec une carte qui change quatre fois par an et quelques touches du Sud, d’Orient et d’Asie. » Et si elle a débarqué en Auvergne, c’est par amour. « J’ai rencontré mon mari à l’école, lui

passait sa mention sommellerie. » Le ticket gagnant. De ces drôles de dames en cuisine, on retiendra la bonne humeur et les 4 000 € récoltés pour l’association Enfants Cancer Santé. Comme toujours, Marlène Chaussemy est tout sourire. Elles sont comme cela nos restauratrices d’Auvergne.

Chrystelle Blanc – Mon Auberge - Parent (63) → Marlène Chaussemy – La Rotonde – La Table de Marlène – Vichy (03) → Hélène Chazal – Hôtel de la Poste et Champanne – Hôtel La Sapinière – Brioude (43) → Patricia Constantin – Le Rivalet (63) → Chantal Fontbonne – Le Restaurant de la Mairie – Sauxillanges (63) → Simone Gascuel – Le Moulin des Templiers – Chaudes-Aigues (15) → Géraldine Laubrières – Auberge de la Baraque – Orcines (63) → Anabelle Pillère – Hôtel Restaurant Les Voyageurs – Lezoux (63) Retrouvez tous les établissements sur www.restauratrices-auvergne.com

Chef au féminin

Du caractère et de la sensibilité

Hôte de la soirée dans son restaurant La Rotonde, Marlène Chaussemy n’est plus à présenter (lire LPG15). Elle ne cachait pas sa joie d’accueillir dans sa cuisine ses copines restauratrices d’Auvergne. « C’est vrai que l’endroit s’y prête bien avec un apéritif en terrasse au bord de l’Allier et le dîner en haut. Et puis, c’est toujours agréable de nous retrouver entre nous et de sortir de nos cuisines. » Pas de revendications féministes même si elle le concède volontiers : « à une époque, les portes des cuisines se fermaient sous prétexte qu’une femme mettait le bazar dans une brigade. D’où la nécessité de sortir du lot pour s’imposer. Aujourd’hui, je pense que c’est un peu différent et si on est un peu dégourdie, on peut créer son restaurant. Si on a le tempérament, on y arrive. Mais la vraie difficulté, c’est qu’une femme chef de cuisine doit être capable d’assumer la vie à côté à la maison. » Hélène Chazal confirme quelques épreuves supplémentaires quand on est un chef au féminin. « à l’école hôtelière à la fin des années 70, les filles n’avaient pas accès aux stages en cuisine mais seulement en salle et à la réception. » Pas grand-chose à côté des brimades vécues par Géraldine Laubrières dans la brigade de Bernard Loiseau : « On me sabotait le boulot en jetant du gros sel dans mes légumes en pleine cuisson par exemple… La brigade voulait que je craque. J’ai vécu six mois très durs, je pleurais en rentrant chez moi mais aujourd’hui, je ne regrette pas d’avoir tenu. » Pourtant, à les écouter, une femme serait « plus minutieuse, plus soignée » en cuisine. Il faut savoir « penser comme un homme », avoue Chrystelle Blanc qui se pose toutefois la question : « Même les plus grands ont suivi les traces de maman… Les femmes sont en cuisine à la maison… Alors pourquoi chef serait un métier d’homme ? » Pour Hélène Chazal, il s’agit avant tout d’une affaire de différence de sensibilité : « Les goûts des hommes et des femmes sont différents, leur façon de voir les choses, de choisir les produits, de les sentir, de les aimer. » Et Simone Gascuel de conclure : « Dans les années 90, les Toques d’Auvergne ne voulaient pas de nous ; maintenant, ils aimeraient que l’on soit plus nombreuses. En cuisine, le chef, c’est le chef, qu’il soit homme ou femme ! »

Le petit gourmet // juin 2013

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