Prix du meilleur article scientifique marocain 2013 pour monsieur ouzzine

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UNIVERSITE ABDELMALEK ESSAADI

Mode de gouvernance du secteur portuaire et taxation sur les services portuaires au profit de la région au Maroc Travail de recherche réalisé dans le cadre de la thèse doctorale «De la gestion à la bonne gouvernance du secteur portuaire au Maroc : une évaluation des projets par l’approche économico-financière et multicritère» en cours de préparation à l’Université Abdelmalek Essaâdi, Tanger.

OUZZINE Mohammed Adnane 20/12/2013

Candidature au prix d’excellence lors de la 15ème journée de la recherche à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) de Martil sous le thème : La recherche scientifique au service des grands chantiers nationaux.


« Mode de gouvernance du secteur portuaire et la taxation sur les services portuaires au profit de la région au Maroc» Travail de recherche réalisé dans le cadre de la thèse doctorale «De la gestion à la bonne gouvernance du secteur portuaire au Maroc : une évaluation des projets par l’approche économico-financière et multicritère» en cours de préparation à l’Université Abdelmalek Essaâdi, Tanger.

Auteurs :  Monsieur OUZZINE Mohammed Adnane, Doctorant en 1ère année au Centre des

études Doctorales « Sciences Juridiques Economiques et Sociales et de Gestion » à l’Université Abdelmalek Essaâdi, Tanger ; mohammedadnaneouzzine@gmail.com, téléphone : 06-70-44-48-12  Monsieur BABOUNIA Aziz, Professeur Habilité à la Faculté Polydisciplinaire de Tétouan a_babounia@yahoo.fr, téléphone : 06-72-74-78-73

Résumé : Les objectifs d’une réforme portuaire sont variés puisqu’ils répondent à la fois à la nécessité d’extension et d’amélioration des chaînes de manutention des conteneurs, au besoin de créer des pôles portuaires servant de base à une grande économie de distribution et à la volonté de réduire les dépenses publiques dans un secteur nécessitant des grandes capacités d’investissement. La prise en charge des activités portuaires par des intervenants privés devrait rester un moyen, entre autres, mis à la disposition des pouvoirs publics pour réaliser les objectifs d’intérêt général. Aussi, le rapport de la Commission Consultative de la Régionalisation a mis l’accent sur la nécessité de renforcer et d’optimiser la fiscalité locale. Dans ce contexte, nous tenterons d’examiner le lien fort entre la fiscalité et développement territorial en zoomant sur l’exemple de la taxe sur les services portuaires au profit de la région. Il s’agit, en effet, d’une taxe dont le taux varie entre 2 et 5% déterminée sur la base du chiffre d’affaires des prestataires de services dans l’enceinte portuaire et versée trimestriellement au receveur de la région du port concerné. Nous nous efforcerons d’apporter un examen critique, par le biais d’une méthodologie comparative. Mots-clés : Compétitivité, coût de passage portuaire, gouvernance, mondialisation, transport Maritime, commission consultative de la régionalisation, fiscalité locale, gouvernance portuaire, projet de régionalisation avancée, taxe sur les services portuaires au profit de la région.

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INTRODUCTION

Au Maroc, le secteur portuaire a connu un grand changement en vue de, selon le préambule de la loi 15/02, « l'adapter, d'une part, aux mutations socio-économiques caractérisées par des exigences de développements internes au pays, par des engagements du pays dans des accords de libre-échange et par les nouveaux contextes de la mondialisation et de la globalisation du commerce et, d'autre part, aux nouvelles contraintes et évolutions économiques, institutionnelles, technologiques et environnementales et du transport maritime ». Donc le mode de gouvernance appliqué doit garantir d’une part une gestion efficace du secteur portuaire marocain et d’autre part l’efficacité de la chaîne logistique. Il convient ensuite d’aborder la régionalisation car elle couvre deux notions très différentes d’une part par la décentralisation et d’autre part par les mesures prises par les gouvernements afin de libéraliser ou faciliter le commerce. Dans un premier lieu, les axes que nous tenterons de traiter, à travers une analyse comparative des modes de gouvernance dans les ports à l’échelle internationale, dans ce travail de recherche sont : - Connaître la tendance internationale actuelle en matière de gestion portuaire en mettant en relief les différentes formes de gestion des ports (forces, faiblesses, …) ; - Exposer les caractéristiques et la tendance actuelle du secteur portuaire marocain (apports de la loi 15/02); - Anticiper l’évolution du mode de gouvernance portuaire permettant de d’améliorer l’efficacité et la performance des places portuaires marocaines. Ensuite dans un second lieu, nous tenterons d’étudier le cas d’une taxe « régionale » au Maroc en mettant en exergue ses aspects techniques (bases, taux, personnes et prestations taxables…) et ses fondements en matière de portée régionale (prestations des régions, relation région-port…).

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I.

MODE DE GOUVERNANCE DU SECTEUR PORTUAIRE

1. REGIMES ADMINISTRATIFS ET FINANCIERS DES PORTS MARITIMES L’objectif de cette première partie est de connaître la tendance internationale actuelle en matière de gestion portuaire telle qu’elle est présentée par la banque mondiale dans son rapport « port reform tool kit », 2001, et par J.GROSDIDIER DE MATONS dans son ouvrage «le régime administratif et financier des ports maritimes » , «La décentralisation portuaire : réformes, acteurs, territoires » et «le régime administratif et financier des ports maritimes ». Cette présentation fera ressortir les forces et faiblesses de chaque mode de gestion.

1.1. PORT NON AUTONOME La gestion d’un port non autonome suppose toujours un degré d’intervention étatique : Dans un premier système de gestion à faible intervention étatique, l’Etat se réduit à un contrôleur alors que dans un deuxième système de forte intervention étatique, les ports sont directement placés sous son autorité.

1.1.1. Régimes de gestion à faible intervention étatique

Dans ce type de régime, la gestion du port est assurée sous forme de concession octroyée aux collectivités locales, aux chambres de commerce et d’industrie, ou aux entreprises privées. La banque mondiale définit la concession comme étant « un contrat entre une entreprise privée appelée concessionnaire et une autorité publique, qui porte sur l’exploitation d’un actif public pendant une période limitée, durant laquelle, le concessionnaire est responsable de l’exploitation de ce bien et bénéficie des recettes générées par son exploitation. En contrepartie, il est tenu de la réalisation et du financement de nouveaux investissements dont le niveau est connu au moment du contrat. L’actif est remis à l’autorité portuaire à l’expiration de la période du contrat » 1. La concession peut porter sur l’ensemble des fonctions portuaires (à l’exception de certaines prérogatives de la puissance publique) et s’étendre à l’ensemble de l’enceinte portuaire mais

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Cf. Banque Mondiale (2000) ; port reform tool kit ; p 444

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peut dans certaines situations se limiter à certaines fonctions et à certaines zones géographiques du port.

1.1.1.1. Gestion des ports par les collectivités locales Il s’agit d’un acte de concession du pouvoir central qui revêt deux formes : - Concession générale de direction Forme la plus ancienne, elle consiste en une concession intégrée au niveau le plus élevé de la direction de la collectivité locale : un agent ou un conseil municipal est placé à la tête du port reflétant ainsi un large pouvoir de la collectivité locale. Le port n’a pas de personnalité morale, ni de patrimoine propre et son budget est un budget annexe à celui de la collectivité locale. - Concession limitée d’exploitation La nouvelle forme consiste en une concession limitée d’exploitation portuaire puisqu’elle porte uniquement sur une partie du port et exclusivement sur les activités de manutention de façon à conserver la direction du port entre les mains de l’Etat. La concession aux collectivités locales est constatée essentiellement auprès des ports de pêche, des ports de plaisance et des petits ports. 1.1.1.2. Gestion des ports par les chambres de commerce et d’industrie La concession aux chambres de commerce et d’industrie est une concession à un organisme consultatif. Cette concession présente deux particularités : d’une part, elle est un exemple réel de décentralisation puisqu’elle est opérée en faveur d’un établissement qui ne constitue pas un démembrement de l’Etat. D’autre part, elle offre un régime financier particulier puisque la redevance de concession est symbolique alors qu’elle est normalement établie en fonction de l’importance du domaine concédé et des recettes prévisionnelles.

1.1.1.3. Gestion des ports par les entreprises privées Les concessions aux entreprises privées peuvent porter sur l’exploitation d’infrastructures et d’installations développées par l’Etat ou sur l’exploitation d’infrastructures réalisées par ces entreprises.

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La forme juridique de concession peut traduire plusieurs réalités économiques : dans une première classification, on peut opposer la concession totale à la concession partielle selon qu’elle porte sur l’ensemble ou sur une partie du port alors qu’une deuxième classification permet de distinguer la concession de port spécialisé et celle de port non spécialisé. - Concession du port non spécialisé Cette forme de concession présente les caractéristiques suivantes : - Elle porte sur l’ensemble des activités portuaires ; - Elle traduit une emprise considérable sur le domaine public; - Le concessionnaire assure en plus de l’exploitation portuaire, les travaux de construction sur ses frais ; - Elle confère au concessionnaire des droits et obligations habituellement réservés à la puissance publique ; - Elle connaît un déclin du fait de la difficulté d’assurer un bon fonctionnement, et de la crainte de voir le port soumis au contrôle et au monopole de capitaux étrangers qui ne visent pas forcément le développement du trafic maritime du pays concerné. - Concession du port spécialisé Cette concession porte sur des ensembles géographiquement définis : - Concession de port spécialisé dans les produits en Vrac J. GROSDIDIER DE MATONS confirme que « Cette concession n’offre aucun intérêt particulier : elle donne naissance à des ports privés à étroite spécialisation dotés d’équipements spéciaux pour la manipulation d’un produit déterminé généralement un minerai » 2. Le port est ainsi transformé en un complexe industriel. - Concession de port de pêche La concession comprend les travaux immobiliers de construction du port mais elle peut dans un souci de développement de la pêche locale se réduire au maintien et au développement des infrastructures déjà édifiés par l’Etat et mis à la disposition du concessionnaire. - Concession de port de plaisance La concession de port de plaisance implique que les dépenses revenant normalement à l’Etat (la police, la signalisation maritime…) soient assumées par le concessionnaire puisque ces dépenses n’existent pas en l’absence de l’ouvrage construit par le concessionnaire. Ainsi, si cette forme de concession permet de drainer des recettes financières importantes au profit du concessionnaire, elle soulage les dépenses de l’Etat. 2

Cf. GROSDIDIER DE MATONS Jean (1969) ; le régime administratif et financier des ports maritimes ; p85

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- Concession moderne de terminaux Cette concession concerne essentiellement les terminaux à conteneurs qui se sont multipliés à travers le monde en raison de l’intérêt croissant que portent les opérateurs portuaires à ce type de trafic.

1.1.2. Régimes de gestion à forte intervention étatique 1.1.2.1. Intégration du port à l’Etat L’absence totale d’autonomie caractérise ce régime puisque le port est géré directement par plusieurs services rattachés à la direction ou au département ministériel. L’activité commerciale peut être assuré par l’Etat ou sous-traitée à des entreprises privées.

1.1.2.2. Gestion du port par une régie C’est un régime caractéristique des ports peu développés. Il diffère du régime d’intégration à l’Etat par la concentration des fonctions entre les mains d’un seul établissement dépourvu de la personnalité morale « la régie d’Etat ». Cette forme de gestion confère au port une unité de direction et une autonomie budgétaire. Cependant, elle donne plus d’importance à l’activité commerciale de manutention qu’à la gestion et à l’administration du port puisque l’objectif principal de cette entité est la collecte des recettes au profit de l’Etat.

1.1.2.3. Gestion du port par un établissement public non portuaire Un premier cas de figure consiste à attribuer la gestion d’un port aux services des chemins de fer mais ce régime ne présente aucun intérêt : « l’idée que tous les problèmes de transport sont liés et que toute rationalisation de l’organisation des transports passe par une unification des services est remise en cause », précise J. Grosdidier De Matons3. Il ajoute «La doctrine est, après expérience, unanime à condamner la gestion des ports par les chemins de fer ; En effet, l’absence de personnel maritime et portuaire qualifié,

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Cf. GROSDIDIER DE MATONS Jean (1969) ; le régime administratif et financier des ports maritimes ; p99

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l’incompréhension des problèmes maritimes, la subordination des investissements portuaires aux investissements du rail justifient ce constat » Un deuxième exemple consiste à confier la gestion du port à une entreprise industrielle qui consacre une partie du domaine portuaire à l’exportation et à l’importation des produits directement liés à son activité (le cas de l’office chérifien des phosphates qui bénéficiait de la concession du port de Safi en 1945). Cette forme de concession transforme le port en un centre industriel rattaché à une seule entreprise.

1.1.2.4. Gestion du port par plusieurs établissements ou services portuaires Le port apparaît sous ce régime comme une juxtaposition d’entreprises publiques et de services administratifs posant ainsi avec acuité la nécessité d’une bonne coordination au profit du port.

1.2. PORT AUTONOME

1.2.1. Statut

Si le port constitue une zone géographique fréquentée par les navires de mer et servant au commerce extérieur, la forme juridique attribuée à l’organisme chargé de son exploitation et le mode d’organisation et de gestion le caractérisant diffèrent d’un port à un autre. Ainsi, le port autonome est généralement un établissement ou une société publique, doté de l’autonomie financière et administrative et placé sous le contrôle financier et administratif de l’Etat. Ces ports autonomes peuvent cependant mais rarement revêtir la forme d’entreprise privée. L’action de l’établissement portuaire autonome est limitée : _ En terme de compétence puisqu’elle doit être exclusivement liée aux opérations portuaires contrairement aux collectivités locales qui ont une mission générale de service public. Cependant, dans certains pays (USA, GB…), la compétence du port peut être élargie pour englober tout ce qui est de nature à améliorer la performance portuaire et à développer le trafic maritime notamment la construction des chemins de fer, des aéroports, l’aménagement des zones franches… _ En terme géographique puisqu’elle s’étend sur un ensemble limité de ports.

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1.2.2. Les missions du port autonome

Le port autonome est la solution moderne de la gestion portuaire : « si des formes anciennes subsistent, elles constituent des survivants et non des modèles dynamiques.

1.2.2.1. Travaux portuaires Ce volet est le principal axe d’intervention du port autonome. Le régime de financement des travaux de développement et de modernisation de l’infrastructure portuaire constitue un point de divergence entre les ports : si certains ports peuvent bénéficier du concours de l’Etat sous forme de subventions, de crédits, d’exonérations fiscales…, d’autres ports sont tenus d’assurer le financement total de leurs investissements. 1.2.2.2. Exploitation de l’outillage portuaire L’exploitation de l’outillage mis à la disposition de l’établissement portuaire peut être assurée par le port autonome comme il peut faire l’objet de concession à des collectivités locales, aux chambres de commerce et d’industrie ou généralement à des entreprises privées.

1.2.2.3. Gestion domaniale Le port autonome dispose des droits et obligations liées à la gestion, à l’intérieur de sa circonscription, du domaine public foncier qui lui est affecté. Sa compétence peut être élargie à la création et l’aménagement de zones industrielles, commerciales et touristiques.

1.2.2.4. Police portuaire

Le port est investi du pouvoir de la police dans la limite de sa circonscription sans que cette dernière n’échappe aux obligations des collectivités locales en matière de sécurité publique. Ainsi, les limites d’action de chaque pôle « collectivité locale – port » est d’une importante cruciale.

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1.2.2.5. Mission économique et commerciale Cette mission n’apparaît pas à la lecture des textes juridiques mais entre incontestablement dans la compétence du port en tant que pôle essentiel du développement du trafic maritime et d’implantation des zones économiques de développement. Ainsi, la notion d’autonomie peut remettre en cause la notion de spécialité des Etablissements Publics eu égard à l’extension des compétences du port autonome aux activités non portuaires.

1.3. CLASSIFICATION DES REGIMES PORTUAIRES SELON LA BANQUE MONDIALE

Le rapport « Port Reform Tool Kit» qui a été établi en 2000 par la banque mondiale pour accompagner les pays dans la réussite de la mise en place des réformes portuaires distingue quatre modes de gestion des ports :

1.3.1. Service port (Port du service public) Le port est orienté vers la protection des intérêts publics. Son mode de gestion s’apparente à celui d’une entreprise publique : l’autorité portuaire est placée sous le contrôle du ministère du transport. Le directeur est un agent public nommé directement par le ministère et tenu du reporting périodique envers ce ministère. Ce port remplie l’ensemble des fonctions y compris les activités commerciales. Si ces dernières sont du ressort d’une autre société publique rattachée au ministère du transport, des difficultés de coordination et des conflits de gestion peuvent naître entre les deux entités.

1.3.2. Tool port (Port outil) L’autorité portuaire est animée par la sauvegarde des intérêts de l’Etat. L’autorité développe les infrastructures et les superstructures (y compris les équipements de manutention) et les met à la disposition d’entreprises privées de manutention. La sous-activité des équipements est supportée par l’autorité. Toute l'administration du port, son infrastructure, ses bâtiments et ses équipements demeurent aux mains du secteur public. Certains services, en particulier la manutention des cargaisons,

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sont concédés au secteur privé qui emploie la main-d’œuvre nécessaire. Certains ports américains et britanniques sont gérés de cette manière.

1.3.3. Landlord port (Port propriétaire) Ce mode de gestion vise à assurer un équilibre entre les intérêts de l’Etat et ceux du secteur privé : l’autorité portuaire joue le rôle de régulateur et de pourvoyeur d’infrastructures qu’elle met à la disposition d’entreprises privées de manutention contre une redevance annuelle. Le gouvernement, via l'autorité portuaire, possède le terrain et d'autres infrastructures et gère le port. La superstructure et l'emploi de la main-d’œuvre sont confiés au secteur privé. Au moins 88 des 100 plus grands terminaux de conteneurs au monde appliquent ce modèle. Les concessionnaires sont tenus de développer et d’entretenir ses infrastructures et de fournir les superstructures et équipements nécessaires à l’exploitation portuaire.

1.3.4. Fully privatized port (Port entièrement privatisé) Il s’agit d’un modèle de gestion orienté uniquement vers la sauvegarde des intérêts d’entreprises privées : il suppose un transfert de propriété du domaine public portuaire au secteur privé et donc un désengagement total de l’Etat du contrôle et de la planification du secteur portuaire. Le gouvernement vend tout son patrimoine, dont le terrain, les quais et les rades, au secteur privé et ne conserve aucun contrôle. Cette forme de privatisation est rare, et n'existe que dans certains ports britanniques, néo-zélandais et grecs. Cette situation comporte un risque énorme quant à la maîtrise par l’Etat d’un secteur stratégique pour l’économie et le commerce extérieur. Cette forme de gestion est très rare. Elle est rencontrée essentiellement en Grande Bretagne pour les raisons suivantes : modernisation des institutions et installations portuaires vétustes, stabilisation de la main d’oeuvre via une participation active dans la gestion de l’activité portuaire, et soulagement du budget de l’Etat. La banque mondiale confirme dans son rapport que le modèle de landlord port est le plus approprié aussi bien aux pays développés que ceux en voie de développement puisqu’il permet de maximiser les gains pour l’Etat et le secteur privé et de minimiser les risques de l’intervention du secteur privé dans la gestion d’un secteur stratégique pour l’économie nationale et le commerce extérieur : 10


Par ailleurs, la banque mondiale précise dans ce rapport que le degré de décentralisation dans le processus de planification et de régulation portuaire doit refléter les objectifs de la réforme, tenir compte des capacités et des pouvoirs des différents niveaux du gouvernement et concilier entre les objectifs économiques nationaux et les besoins locaux et régionaux. En plus, la centralisation ou la décentralisation des responsabilités de la régulation doivent d’abord être en harmonie avec l’approche généralement adoptée dans les autres secteurs de l’économie et avec le besoin de transparence et d’efficacité requis dans la sphère portuaire. L’ancien modèle d’organisation portuaire consistait à instaurer une entité nationale généralement au niveau du ministère du transport pour garantir l’indépendance. Une deuxième option consiste à adopter des unités de régulation au niveau local qui grâce à leur proximité du terrain sont aptes à prendre des décisions adaptées à leur environnement local. Pour séparer la planification portuaire et la régulation au niveau local et national, la banque mondiale confirme qu’un autre schéma institutionnel efficace peut être mis en place : _ Un organisme central regroupant des représentants des ministères, des municipalités abritant les ports et des autorités portuaires sera dédié à la planification portuaire et à la mise en place du cadre général de la régulation qui sera ensuite renforcé par les autorités portuaires. Cet organisme vise trois objectifs : mettre en place les règles de la participation du secteur privé, contrôler les autorités portuaires et jouer le rôle d’arbitre en cas de différend entre les autorités portuaires et les opérateurs privés. _ Des autorités portuaires, institutions publiques autonomes ou sociétés anonymes publiques, auront pour mission de garantir le droit d’usage du domaine public portuaire par l’ensemble des utilisateurs, développer et maintenir l’infrastructure portuaire, gérer la sécurité et la sûreté portuaire, gérer les contrats de location et de concession, renforcer le dispositif de régulation et promouvoir le port. _ Des opérateurs privés qui se chargeront des activités commerciales et des investissements nécessaires pour l’attractivité des clients.

2. ANALYSE COMPARATIVE DES MODES DE GOUVERNANCE

Le secteur portuaire a connu un grand changement en vue de « l'adapter, d'une part, aux mutations socio-économiques caractérisées par des exigences de développements internes au pays, par des engagements du pays dans des accords de libre-échange et par les nouveaux contextes de la mondialisation et de la globalisation du commerce et, d'autre part, aux

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nouvelles contraintes et évolutions économiques, institutionnelles, technologiques et environnementales et du transport maritime » 4. En fait 98% du commerce extérieur marocain passe par la voie maritime et le Maroc dispose actuellement de douze ports de commerce couvrant son littoral atlantique et méditerranéen5. La réduction des coûts de passage portuaire s’avère, donc, l’une des clés d’amélioration du coût de revient. Le coût de passage portuaire se compose essentiellement de : fret et assurance, frais de manutention à bord, frais de manutention à terre, frais de stockage et de magasinage, frais engendrés par d’autres opérations tels que le pesage le gerbage, le fardage, le chargement sur camion… Sur la liste citée ci-dessus et exception faite du fret et de l’assurance qui restent indépendants de l’action des autorités marocaines, les coûts de manutention (à bord et à quai) représentent la partie la plus intéressante et sur laquelle il pourrait y avoir une grande action d’amélioration. Cette amélioration ne pourrait être efficace qu’en revoyant les modes d’administration et d’exploitation actuelles des ports en reconfigurant les organes et redéfinissant les rôles. Ce sont les deux principaux objectifs de la loi 15-02 sur les ports6. La loi 15-02 prévoit la substitution de l’ODEP par deux entités: l’Agence nationale des ports (ANP) et la Société d’exploitation des ports (SODEP). L’ODEP est, selon les termes de la loi, dissolu et remplacé par ces deux organismes. L’ANP, qui est sous la tutelle de l’Etat, est dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Elle a pour première prérogative de faire respecter les dispositions de la nouvelle loi. L’Agence exerce, selon l’article 32, ses attributions sur l’ensemble des ports à l’exception du port Tanger-Med7.

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Extrait du préambule de la loi 15-02

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Sans tenir compte du port de Tanger ville en cours de reconversion pour devenir un port de plaisance. Il s’ageit

des ports de : Nador, Al Hoceima, Tanger Med, Kenitra, Mohamadia, Casablanca, Jorf-Lasfar, Safi, Agadir, Tantan, Laayoune et Dakhla 6

Promulguée par le Dahir n° 1-05-146 du 20 chaoual 1426 (23 novembre 2005), la loi n° 15-02 relative aux

ports porte création de l'Agence nationale des ports et de la Société d'exploitation des ports 7

Article 32 de la loi 15-02

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La Société d’exploitation des ports a pour objectif l’exploitation des activités portuaires et «le cas échéant la gestion des ports»

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. Elle devra évoluer dans un nouvel environnement de

concurrence. D’autres entités auront des autorisations d’exploitation ou des concessions. En effet, une autre société de manutention portuaire vient de voir le jour ; SOMAPORT (filiale du plus important armateur du royaume ; la COMANAV qui est achetée par CMA CGM).

2.1. LE NOUVEAU MODE DE GOUVERNANCE DES PORTS MAROCAINS

Le secteur portuaire est considéré comme la principale jonction entre le Maroc et le reste du Monde et ce pour plusieurs raisons : - Le Maroc à plus de 3.500 Km de Côtes ; - Les frontières maroco-algériennes sont fermées ; - Les frontières maroco-mauritanienne n’offrent pas un grand potentiel en terme de transaction commerciale ; - 98% du commerce extérieur marocain transite par la voie maritime. Ce secteur, considéré névralgique pour l’économie marocaine, a toujours suscité l’intérêt des pouvoirs politiques du royaume. D’ailleurs, il subit plusieurs mutations et changement ayant participé à la configuration actuelle des ports marocains. La loi n° 6-84 a été promulguée par dahir n° 1.84.194 du 28 décembre 1984 et porta création de l’Office d’Exploitation des Ports qui est devenu par la suite un géant du secteur réalisant des performances notables et contribuant à l’organisation et l’équipement du secteur. Chargé en même temps d’attributions commerciales et administratives et jouissant d’une situation de quasi-monopole dans le secteur, l’ODEP s’est heurté au fil des années aux critiques sévères. On lui reprochait sa partialité lorsqu’il s’agissait d’accidents à l’intérieur de l’enceinte portuaire puisqu’il est, en vertu de ses missions, juge et partie. En effet les capitaineries dans les ports assurent la mission de police et autorité portuaire et elles étaient rattachées à l’ODEP. La deuxième critique est relative aux tarifs appliqués par l’ODEP ; ceux-ci étaient jugés élevés et constituant un handicap pour le développement du commerce extérieur. Cette

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Extrait de l’article 42 de la loi 15-02 « La société a pour objet d'exercer, concurremment avec les personnes

morales de droit public ou privé auxquelles aura été délivrée l'autorisation d'exploitation ou la concession visée respectivement aux articles 12 et 16 ci-dessus, l'exploitation des activités portuaires et, le cas échéant, la gestion des ports ».

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hypothèse de cherté est d’autant appuyée par les performances financières réalisées par l’exoffice. La loi 15-02 a mis fin à l’ODEP à l’aube du vingtième anniversaire de sa création. Elle a été promulguée et publiée le 05 décembre 2005 et elle est entrée en vigueur le 05 décembre 2006. Parmi ses objectifs : · Séparation des activités commerciales et celles administratives et régaliennes : · Unicité de manutention ; un seul opérateur doit assurer toute la chaîne de manutention : · Introduction des contrats de concession des terminaux, installations et infrastructures portuaires. · Régularisation de la situation des différents intervenants : Limites de l’actuelle situation : · Risque de création d’un secteur à deux vitesses : d’un côté, des ports, tel que Tanger Med bénéficiant d’une panoplie de mesures d’encouragement (intégration avec les autres maillons de la chaîne logistique, mesures fiscales distinctives, expropriation…) et de l’autre côté le reste des ports (excédentaires et déficitaires) sont rattaché à l’ANP qui n’a aps les avantages accordés à TMSA. · Persistance d’entraves à la libre concurrence : la plupart des installations concédées actuellement sont des installations spécialisées. En dehors de la zone dédiée aux conteneurs au port de Casablanca, le régime des concessions a touché les activités liées aux silos à céréales, aux phosphates et au charbon en plus des marinas et ports de plaisance.

2.2. ETUDE COMPARATIVE DES MODES DE GOUVERNANCE A L’ECHELLE MONDIALE

Le cadre institutionnel des ports varie d'un pays à l'autre et parfois même d'une juridiction à l'autre à l'intérieur d'un même pays. Le présent chapitre présente les formules retenues par plusieurs gouvernements en ce qui concerne la propriété des ports, les organes de gestion, la prestation de services portuaires, le financement des investissements, la police portuaire, les organes consultatifs…. L’échantillon retenu englobe des pays de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique qui abritent des ports leaders dans le trafic maritime : Rotterdam, Anvers, le Havre, Singapour, Montréal etc...

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2.2.1. Système portuaire en France

Le système portuaire français est composé de : _ Huit ports autonomes : ce sont des grands ports traitant plus de 80% du trafic maritime des marchandises (Dunkerque, Le Havre, Rouen, Nantes st-Nazaire, la Rochelle, Bordeaux, Marseille, La Guathloupe). Ils ont un statut d’établissement public autonome compétent à l’intérieur d’un périmètre géographique qui englobe un ou plusieurs ports. _ Quatre ports d’intérêt national : ce sont des ports de moindre importance qui relèvent de l’Etat par l’intermédiaire des services du ministère du transport. Ces ports sont concédés aux chambres de commerce et d’industrie. _ Un port relevant pour son aménagement et sa gestion du parc national de Port-cros. _ Et plus de cinq cents ports relevant des collectivités locales et de leurs groupements et qui sont majoritairement des ports de plaisance et accessoirement des ports de pêche ou des petits ports de commerce.

2.2.2. Système portuaire en Espagne L’Espagne est le premier pays de l’union européenne en matière de longueur côtière (8000 km) et jouit d’une situation géographique favorable car située à l’intersection des principales voies maritimes. La loi espagnole distingue : _ Les ports gérés par les « autonomous regional governements » qui sont essentiellement des ports de pêche, de plaisance et des ports de refuge ; Les ports d’Etat qui sont réputés d’intérêt général et dont la gestion de est confiée à une autorité portuaire, personne morale de droit public bénéficiant de l'autonomie financière et de l'autonomie de gestion. L’Espagne renferme 50 ports d’intérêt général administrés par vingt-huit autorités portuaires.

2.2.3. Système portuaire en Belgique Le régime portuaire en Belgique n’est pas uniforme : Certains ports sont bâtis sur des terrains appartenant aux communes et donc gérés par elles alors que d’autres ports sont construits sur des terrains appartenant à l’Etat et sont exploités sous la formule de concession en faveur des sociétés privées. 15


_ Les ports municipaux : Ces ports sont régis selon deux formes de gestion différentes : a) La gestion directe C'est le cas du port d'Ostende qui est géré par l'administration municipale, comme n'importe quel autre service, sans avoir de statut particulier. b) La régie municipale Les deux ports d'Anvers et de Gand sont gérés par des régies municipales, mais sous deux formes différentes : - Régie municipale autonome pour le port d'Anvers : la gestion quotidienne est confiée à un comité de direction mais les décisions sont prises par le conseil d'administration dont tous les membres sont nommés par le conseil municipal. Chaque parti politique représenté au conseil municipal d'Anvers doit l'être au conseil d'administration du port d’Anvers. - Régie municipale dépourvue de la personnalité morale pour le port de Gand. _ Le port de Zeebrugge Il est géré sous forme d’une concession par une société anonyme considérée comme société para-publique et placée sous la tutelle du ministère des Transports.

2.2.4. Système portuaire en Allemagne La plupart des ports appartiennent aux communes. Il n’existe pas d’organisme public autonome puisque la collectivité gère directement le port par l’intermédiaire de sa propre administration ou grâce à une structure ad hoc de droit publique ou privé. Le port de Hambourg qui est le principal port en Allemagne ne paie pas d’impôts.

2.2.5. Système portuaire aux Pays-Bas

La plupart des ports relève de la compétence des communes qui les gèrent directement par l’administration municipale ou par un organisme municipal séparé dans le cas d’un port important. _ Les ports municipaux Les deux principaux ports, Rotterdam et Amsterdam, ne sont pas gérés directement par l'administration de la commune mais par une entité distincte, le Havenbedrijf, qui n'a pas la personnalité juridique. Ses comptes sont cependant séparés de ceux de la commune. Le directeur du port est un fonctionnaire nommé par le conseil municipal. La gestion de tous les

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autres ports municipaux, nettement moins importants que Rotterdam et Amsterdam, est assurée directement par un service municipal. _ Les ports intercommunaux Les communes ont, en vertu de la loi sur la coopération intercommunale, la possibilité de conclure des règlements communs pour gérer les affaires qui dépassent le cadre communal. Ainsi, un règlement commun peut créer un organisme public doté de la personnalité juridique destiné à gérer un port servant plusieurs communes. Tous ces organismes sont dirigés par un conseil d'administration où sont représentés selon des modalités variables les communes concernées. Le président du conseil d'administration est généralement nommé par la province. _ Les ports privés : Deux ports privés existent et sont gérés par des sociétés anonymes.

2.2.6. Système portuaire au Canada

Les textes canadiens distinguent entre les ports de pêche et de plaisance et les ports de commerce. Les ports de pêche et de plaisance étaient gérés par le département ministériel « Pêche et Océans Canada » relevant du ministère chargé des pêches maritimes. Les ports de commerce principaux relevaient de la société canadienne des transports alors que les ports de commerce secondaire étaient administrés par le département ministériel «Transports Canada». « Transports Canada » et « Pêches et océans » cèdent progressivement la propriété et l’exploitation de ports au profit d’abord d’autres ministères, puis à des gouvernements provinciaux, à des organisations communautaires ou à des intérêts locaux. Il a été créé un fonds de cession des ports pour faciliter la reprise des ports concernés par les collectivités décentralisées. Les ports dits « éloignés » qui assurent la desserte de régions isolées continuent à être exploités par « Transports Canada ». Enfin, les grands ports qui étaient administrés par une société portuaire canadienne, le sont désormais, depuis la loi maritime du Canada de 1998, par des administrations portuaires qui sont des agences fédérales autonomes à but non lucratif ne pouvant prétendre à aucune subvention financière étatique. Les textes donnent pouvoir au ministre chargé de la tutelle des administrations portuaires canadiennes de modifier la liste des ports administrés par ces autorités, c'est-à-dire que des ports peuvent être ajoutés ou retranchés de cette liste. La constitution d’une administration portuaire est autorisée par le ministre du transport dans les conditions suivantes : - Le port est financièrement autonome et le demeurera très probablement ; 17


- Il présente un intérêt stratégique pour le commerce maritime ; - Il est rattaché à une ligne principale des chemins de fer ou à des axes routiers importants ; - Le port a des activités diversifiées. Les administrations portuaires sont administrées par un conseil d’administration composé de sept à onze administrateurs désignés par le ministre ou sur sa proposition, les municipalités et la province où est situé le port. La loi maritime de Canada limite le champ de compétence des administrations portuaires aux activités portuaires liées à la navigation, au transport des passagers et des marchandises, à la manutention et l’entreposage des marchandises ainsi que les activités nécessaires aux opérations portuaires. 2.2.7. Système portuaire en chine9 Ce n’est qu’au début des années 90 que la Chine entreprend réellement le développement de ports à conteneurs, soit environ 10 ans après le passage d’une économie centralisée à une économie de libre marché. En 1980, la Chine met en œuvre son projet pilote des «zones économiques spéciales » qui sont dotées de politiques préférentielles pour attirer les investissements directs étrangers et mettre en place des industries exportatrices. A partir de 1985, la Chine instaure les « régions économiques ouvertes». Bénéficiant de politiques préférentielles, ces régions ont un double rôle: fenêtre pour les investissements directs étrangers et pôle d’entrée et de sortie de capitaux et de technologies pour le développement économique orienté vers l’exportation. Générant des revenus par l’exportation de biens et l’importation de technologies avancées, elles jouent un rôle décisif dans les progrès récents de la Chine. Parallèlement à ces politiques d’ouverture, deux changements fondamentaux dans le secteur portuaire caractérisent le développement de la côte : -Le premier est la participation des exploitants internationaux de terminaux à conteneurs, -Le second est la décentralisation en matière de gestion portuaire impliquant le passage d’un pouvoir central exclusif à un pouvoir partagé entre le ministère des communications et les gouvernements locaux et le transfert en 2002 de tous les ports aux gouvernements populaires municipaux. 9

CNUCED (2003) ; La gouvernance des ports et la relation ville-port en Chine

18


2.2.8. Système portuaire à Singapour

Le port est un des plus grands ports à conteneurs au monde .Le port était administré suivant le modèle « public service port » mais le « maritime and port authority Act de 1996 » a regroupé toutes les fonctions régaliennes et en particulier la capitainerie, la régulation et l’octroi de concessions entre les mains d’un établissement autonome baptisé « l’autorité portuaire de Singapour » et a soumis les activités commerciales au régime des concessions. Le port s’est transformé alors en un landlord port. Le gouvernement a également crée une société commerciale « PSA » ayant pour objet exclusif les activités commerciales de manutention. Cette société est devenue l’un des opérateurs portuaires géants du monde. L’octroi de la concession à une société autre que « PSA » demeure possible mais aucune tentative d’introduction de la concurrence au port n’a été envisagée jusqu’à présent. Par ailleurs, l’autorité portuaire de Singapour fixe les tarifs portuaires à l’exclusion de ceux relatifs au transbordement. II.

TAXE SUR LES SERVICES PORTUAIRES AU PROFIT DE LA REGION AU MAROC

1. REGIONALISATION

1.1. FINALITES ET TYPOLOGIE DE LA REGIONALISATION

Les finalités de la régionalisation sont multiples et répond à plusieurs objectifs qui peuvent évoluer avec le temps. On peut distinguer une finalité politique, éventuellement liée aux particularismes ethniques ou culturels, une finalité économique et une finalité de rationalisation et de modernisation des structures étatiques. Au Maroc, Etat unifié et doté d’une administration territoriale structurée sous son autorité et son contrôle politique. Pour rappel, le mot région fait sa première apparition dans la constitution de 1992 et 1996, d’abord en accordant à celle-ci le rang de collectivité locale à l’instar des préfectures, provinces et communes (art 94 de la constitution 1992) ensuite, en attribuant aux membres élus, la proportion des 3/5 de la totalité des membres de la chambre des conseillers nouvellement instaurée dans le texte constitutionnel de 1996 (art 38). Aussi, et en plus de l’article 102 du même texte où il est mentionné que les gouverneurs représentent 19


l’Etat dans les provinces, les préfectures et les régions, un certain poids est accordé à l’entité régionale où, pour la première fois, des cours régionales des comptes y sont constitutionnellement instituées (art 98 de la constitution de 1996). La loi régionale n° 47-96 peut être conçue comme un stade préliminaire de la régionalisation. Plus récemment avec la nouvelle constitution de 2011 le rôle de la région est renforcé par l’implication des différentes parties prenantes au sein de la région dans l’élaboration des stratégies de développement régional. Quant aux types de régionalisation, il en existe quatre formes distinctes: la régionalisation sans création d’un échelon régional, la décentralisation régionale et la régionalisation politique (ou institutionnelle). 1.1.1 La régionalisation sans création d’un échelon régional

Dans cette situation on assiste à une adaptation des institutions existantes aux finalités de la régionalisation. L’exemple le plus significatif est celui du Royaume-Uni qui regroupe sous la même couronne quatre pays distincts : l’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord. Un autre exemple d’un Etat unitaire, celui de la Suède dans lequel existe un système d’administration locale à deux niveaux, la commune et le comté. Au niveau du comté, coexistent et coopèrent une collectivité locale et une administration d’Etat, placée sous l’autorité d’un gouverneur. Les collectivités disposent de compétences et de ressources financières très importantes. En Allemagne également la régionalisation est poursuivie par la coopération entre collectivité locales dans les Länder ; la création d’un échelon régional dans les grands Länder a été discutée, sous l’influence des collectivités locales, mais les Länder se veulent aussi une expression régionale et aucun d’entre eux ne s’est réellement engagé dans cette voie. Au contraire de l’Allemagne qui est un grand Etat fédérale, la Suisse Etat fédérale de petites unités où la régionalisation conduit au développement de la coopération entre cantons.

1.1.2 La décentralisation régionale Il s’agit de la création ou la substitution d’une nouvelle collectivité locale au niveau de la région. Ce mode se caractérise par l’application du régime général des collectivités locales à la région dans un cadre géographique plus large avec une vocation essentiellement 20


économique. L’exemple de la France reste le plus significatif qui correspond à ce type de régionalisation. Du point de vue juridique les régions sont aujourd’hui des collectivités territoriales au même titre que les communes et les départements, mais sans bénéficier de la garantie constitutionnelle de leur existence. Le principe de libre administration des collectivités territoriales n’est pas la source d’un pouvoir réglementaire. Un autre exemple, celui du Portugal où les régions exerçaient essentiellement des compétences administratives, à vocation économique, culturelle ou environnementale, pour lesquelles elles seraient dotées d’un pouvoir réglementaire. En Pologne, en République tchèque et en Slovaquie, les projets de régionalisation paraissent proches de ce modèle également. D’autres Etats, ont créé des régions administratives sans décentralisation, pour les seuls besoins de la planification régionale ou de l’aménagement du territoire. C’est le cas par exemple de la Grèce.

1.1.3 La régionalisation politique Ce courant est représenté par le cas de l’Espagne qui s’est inspirée de la constitution italienne. La Belgique entre également dans ce type, bien qu’elle soit devenue en 1993 un Etat fédéral. Enfin, la régionalisation politique peut trouver des applications territoriales partielles dans certains Etats, comme le cas en France et au Portugal. En Espagne, les communautés autonomes disposent d’une autonomie politique, dans la mesure où leurs statuts constitutifs ont en même temps fixé leur organisation et leurs compétences, dans les limites définies par la constitution, sous réserve de leur approbation par les Cortes generales, et où elles exercent un pouvoir législatif dans les matières de leurs compétences.

1.1.4 Etat fédéral et régionalisation L’Etat fédéral est une union d’Etat qui est lui-même une entité politique qui n’est pas nécessairement homogène. Dans ce courant l’exemple de la Suisse, des Etats-Unis d’Amérique ou de l’Allemagne où le fédéralisme est justifié par l’autonomie politique qu’il accorde aux unités fédérées. Au niveau de L’Etat fédéral les attributs de l’Etat sont partagés entre deux degrés l’Etat fédéral et les Etats fédérés, ces derniers participent sous une forme ou sous une autre à l’exercice des compétences étatiques à l’échelle fédérale. Au contraire les

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régions politiques ne sont pas des collectivités étatiques, n’ont pas de pouvoir constituant, et ne participent pas à l’exercice des compétences étatiques à l’échelle régionale. 1.2. L’aspect financier et fiscal de la régionalisation

Les collectivités locales et régionales jouent un rôle de premier ordre en tant qu'espace pour la promotion du développement. Une concurrence accrue entre régions est même encouragée dans beaucoup de pays afin de drainer l’investissement avec tous les effets d’accompagnement qui s’en suivent (emplois, recettes fiscales etc…). Elles disposent généralement de quatre sources de recettes : 

Recettes fiscales directes : ce sont des taxes dont les bases sont locales et les taux fixés localement (Taxe ordures ménagères) ;

Recettes fiscales locales indirectes : Ce sont des taxes dont les bases sont locales mais les taux sont fixés centralement (Ex droits d’enregistrement) ;

Fractions de recettes fiscales nationales : Ce sont des taxes avec des bases nationales et des taux nationaux ;

Dotations de l'État : l’Etat renfloue les collectivités locales par des dotations budgétaires.

De loin, la fiscalité locale ou régionale demeure une source privilégiée de recettes pour ces collectivités locales. Elle poursuit généralement un certain nombre d’objectifs : 

Respecter les grands équilibres financiers entre régions (dotations de l’Etat…) ; ainsi, de nombreux pays (dont le Maroc) octroient des avantages fiscaux en fonction de la classification des régions en zones prioritaire, normale ou développée (Turquie, Israël, la Corée) ;

Minimiser tout « financement central » en provenance de l’État et favoriser le financement local ;

Permettre aux collectivités de faire un arbitrage entre la fiscalité des entreprises et la fiscalité des ménages selon les spécificités de chacune d’elles ;

Doter chaque collectivité de la liberté de gérer le rendement de chacun des impôts (bases, taux etc…) suivant les décisions prises localement.

La fiscalité locale marocaine est caractérisée par un nombre assez important de taxes (37 au total) qui induit une complexité de gestion et une pression dont se plaignent les opérateurs économiques. Ce sont les services du ministère de l’intérieur qui la gèrent. La direction 22


générale des impôts (DGI) du ministère des finances ne fait que gérer au nom des Collectivités locales un certain nombre de ces taxes (taxe professionnelle, Taxe Urbaine et la Taxe d'Edilité…). Par ailleurs, un bon aménagement du territoire implique de prendre en considération les inégalités en termes de développement entre régions afin d’agir en conséquence. Ces inégalités induisent aussi des inégalités budgétaires interrégionales. Cellesci constituent un signe manifeste du dysfonctionnement territorial des finances locales pour différents pays. Elles peuvent être subies ou choisies volontairement par les pouvoirs publics. Ces inégalités peuvent être mesurées sur la base des impôts acquittés par les contribuables légaux (qui paient et supportent en totalité et en définitive l’impôt), ou sur la base des contribuables ultimes (les contribuables légaux peuvent transférer grâce à l'échange tout ou partie de la charge fiscale sur d'autres agents). Cette question est d’autant importante qu’elle permet de réellement mesurer la pression fiscale. En effet, dire qu’une commune taxe ses redevables sept fois plus qu’une deuxième commune peut s’avérer faux si les redevables de la deuxième commune peuvent répercuter ces taxes. Par ailleurs, la théorie économique nous apprend que les impôts peuvent être répercutés soit en amont (producteurs, revenus du travail et du capital…) sous condition de mesurer les élasticités-prix et revenu et d’étudier les fonctions d'offre et demande de biens et de services et de facteurs. Si c’est le cas, la charge fiscale locale affecte tous les secteurs, tous les produits et tous les facteurs. Ce phénomène est d’autant plus accentué par la mobilité des facteurs et l’interdépendance des régions. En outre, La littérature en la matière met l’accent sur l’influence des inégalités des potentiels fiscaux entre régions. Le potentiel fiscal mesure le montant par tête des taxes directes qu'obtiendrait une région si les taux moyens nationaux étaient substitués à ses propres taux d'imposition. Le potentiel fiscal caractérise par conséquent la richesse fiscale par habitant de la localité. C’est un instrument de comparaison des richesses fiscales. En considérant la mobilité des agents, la théorie économique nous enseigne qu’il faut taxer une nouvelle entreprise ou ménage qui décide de migrer vers une commune au coût marginal d'urbanisation et de congestion provoqué par sa décision d'implantation. Ces droits d’entrée peuvent être soit capitalisés ou récurrents (annuels ou périodiques). Une solution alternative serait de répartir les coûts globaux au niveau national des différents agents mobiles entre les différentes collectivités. Mais, cette deuxième forme a l’inconvénient d’encourager les agents à migrer davantage, sachant que toute la difficulté dans l’une ou l’autre cas est de cerner les coûts marginaux. La mobilité des facteurs et des agents nécessite une intervention étatique pour redistribuer les richesses sous forme de dotations. Les communes résidentielles recevraient une allocation 23


compensatrice d'externalité fiscale pour les salariés habitant sur leur territoire mais travaillant dans un groupement voisin. Aussi, le financement doit provenir d'un partage d'impôts nationaux entre l'Etat et les régions. La superposition fiscale (et non la spécialisation) est ici la règle. Mais, il est souvent difficile de définir les règles du partage (bases, produits…). Afin de corriger ces inégalités, des réformes s’imposent. Si les réformes fiscales locales mises en place par différents pays entendent toutes mettre en place plus de justice entre contribuables, d'améliorer la compétitivité des entreprises, de favoriser le développement local ou encore de promouvoir un aménagement cohérent du territoire, il n’en demeure pas moins que les notions d'équité, d'efficacité, de compétitivité, de développement local ou d'aménagement du territoire ne veulent pas dire la même chose pour tout le monde. Plus généralement, nous proposons les réformes suivantes : 

Poursuivre des politiques d’harmonisation de la fiscalité ;

Mettre en place des mesures d’accompagnement (élargissement et modernisation de l’assiette, simplification, renforcement du contrôle, limitation des exonérations…) ;

Assurer un partage efficace de certains impôts nationaux ;

Faire de la péréquation un élément de base pour la gestion de la fiscalité locale ;

Améliorer la gouvernance fiscale : clarifier la répartition des pouvoirs fiscaux entre les différents niveaux de collectivités territoriales et mettre en place des mesures qui pourraient

utilement

moderniser

la

gestion

financière

locale

(placements

financiers,…). Dans le deuxième paragraphe de cette communication nous traiterons un aspect particulier de la finance régionale. Il s’agit d’une taxe instaurée au Maroc au profit des régions et qui a comme assiette le volume global des services assurés dans les ports existants dans chaque région.

2. CAS DE LA FISCALITE REGIONALE : LA TAXE SUR LES SERVICES PORTUAIRES AU PROFIT DE LA REGION Nous tenterons de décrypter la portée régionale d’une mesure fiscale ; en l’occurrence la taxe sur les services portuaires au profit de la région, entrée en vigueur au Maroc en 1998. Cette taxe appliquée à toute prestation portuaire est instituée pour alimenter les budgets des régions à partir des services assurés par les ports qui appartiennent à ces régions. Les questions que nous tenterons d’aborder sont :

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- Cette taxe répond-elle à la logique de gestion régionale ? - Les régions jouent-elles réellement un rôle dans la gestion et l’administration des ports ? - Quelles mesures peut-on envisager pour améliorer l’apport de cette taxe aux finances des régions et au mode de gouvernance portuaire ? 2.1. DEFINITION ET CHAMP D’APPLICATION

La loi 47-06 sur la fiscalité des collectivités locales a repris et modifié les articles de la loi 4796, notamment son chapitre 39 relatif à la taxe sur les services portuaires au profit de la région en stipulant : - Il est appliqué au profit de la région une taxe due par les organismes concernés sur les services portuaires rendus dans l’enceinte du port relevant du ressort territorial de la région, à l’exclusion des services liés au transport international relatifs aux marchandises en transit non destinés au marché national (article 121). Ce qui est de nature à exclure les prestations réalisées au port de Tanger-Med sur le transbordement de marchandises. Le transbordement est le déchargement des marchandises d’un navire et son rechargement sur un autre navire. - la taxe sur les services portuaires qui est à la charge des usagers, est assise sur le montant global des services rendus visés à l’article 121 ci-dessus, même en cas de leur exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (article 122). - Le taux de la taxe est à fixer par les conseils régionaux de 2% à 5% du chiffre d’affaires hors taxe sur la valeur ajoutée (article 123) et la taxe est perçue par l’organisme prestataire de services (article 124). - Les organismes chargés du prélèvement de la taxe sont tenus de déposer une déclaration établie selon un imprimé-modèle de l’administration, avant le premier avril de chaque année auprès du service d’assiette de la région indiquant le chiffre d’affaires, hors taxe sur la valeur ajoutée, réalisé par l’organisme concerné au cours de l’année écoulée. Le montant de la taxe est versé spontanément à la caisse du régisseur de la région, trimestriellement avant l’expiration du mois suivant chaque trimestre, sur la base du chiffre d’affaire, hors taxe sur la valeur ajoutée, réalisé durant cette période et au vu d’un bordereau de versement, établi selon un imprimé-modèle de l’administration (article 125).

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2.2. EXAMEN CRITIQUE DE LA TSP L’analyse des textes de lois cités ci-dessus et leur confrontation avec le mode de gouvernance des ports marocains permets de conclure qu’il reste des points restent encore à clarifier pour admettre la logique régionale de cette taxe à savoir : 1.

La non implication directe ou indirecte des régions dans la gestion portuaire. En effet

et à titre d’exemples, les instances de la région ne sont présentes dans les ports alors que:  Le volet administratif des ports relève de l’Agence Nationale des Ports (Gestion administrative, domaine public, police et autorité portuaire etc…) ;  Le volet commercial est assuré par des opérateurs privés (SODEP, SOMAPORT, MASS CEREALES,…) ou à défaut par l’ANP ;  La gestion de ports de pêche et de halles aux poissons relevant des attributions de l’ONP (Office National des Pêches) ;  La coordination et le contrôle des exportations sont assurées par l'EACCE qui est chargé principalement de : 

Garantir la conformité des produits alimentaires marocains destinés à l'exportation aux exigences réglementaires des marchés internationaux et de s'assurer du bon respect de toutes les dispositions obligatoires liées au risque de la santé humaine,

Coordonner l'activité d'exportation des produits soumis à son contrôle technique par une gestion concertée et valorisante de nos exportations.

2.

Il s’agit d’une taxe sans contrepartie palpable de la part de la région, ce qui est

contraire à la logique de la définition d’une taxe : « une taxe est un prélèvement obligatoire perçu d'autorité à l'occasion d'un service rendu». Aussi peut-on se permettre de la qualifier d’impôt qui a comme définition « L'impôt constitue un prélèvement obligatoire effectué par voie d’autorité par une administration (État, collectivités territoriales, régions, communes etc.) sur les ressources des personnes vivant sur son territoire ou y possédant des intérêts pour être affecté aux services d'utilité générale ». 3.

A titre d’exemple de taxe en vigueur, on peut citer la taxe sur les services communaux

qui rémunère les services assurés par la commune (telle que la collecte des déchets, la mise à disposition de décharges publics,…). La taxe de promotion de l’espace audiovisuel qui a pour contrepartie la gratuité des deux chaines de télévision (TVM et 2M), etc…. 4.

Il s’agit d’une taxe sur le chiffre d’affaires sans aucune possibilité de récupération de

taxes payées en amont par les prestataires de services portuaires. Ceci conduirait à une situation de surenchérissement du service portuaire, alors que l’état a entrepris une série de 26


réforme durant le début du 21ème siècle ayant pour principal objectif « la baisse du coût de la logistique et l’amélioration de la compétitivité des ports du Royaume ». 5.

L’importance de la fourchette du taux à appliquer « entre 2% et 5% », le taux est à

fixer par la région. Alors l’existence de taux différents par région n’est-elle pas un facteur d’iniquité fiscale ? 6.

Les prestataires de service qui facturent cette taxe, la collectent et la reversent à la

caisse de la région ne perçoivent pas une rémunération et encourent les pénalités et les majorations en vigueur en matière de défaut de déclaration, de déclaration tardive… 7.

(Cette taxe est non exonérée expressément par le CGI (Code Général des Impôts), de

taxe sur la valeur ajoutée qui stipule dans son article 96 « …le chiffre d'affaires imposable ( à la TVA) comprend le prix des marchandises, des travaux ou des services et les recettes accessoires qui s'y rapportent, ainsi que les frais, droits et taxes y afférents à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée etc… ». Cela risquerait d’inclure la TSP dans la base de la TVA (taxe sur la taxe).

III.

SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS

A la lumière de cette analyse comparative, on constate que le secteur portuaire est riche en matière de régime portuaire. Si des formes de forte intervention étatique persistent encore dans les pays en voie de développement, ceux développés ont appliqué les recommandations des instances internationales en optant pour des formes de gestion à faible intervention étatique axées sur le partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Dans ces configurations, le secteur public s’apparente à un régulateur et un pourvoyeur d’infrastructures alors que le secteur privé se charge du développement des superstructures et des équipements aptes à lui assurer la performance requise dans un contexte très concurrentiel. Cependant des divergences sont constatées dans la déclinaison de ce partenariat au sein des pays notamment au niveau de : _ La concession des activités commerciales, qui peut être attribuée aux collectivités locales, à plusieurs entreprises privées, à une seule entreprise privée, aux chambres de commerce et d’industrie, aux trusts, à des particuliers … _ L’étendue des compétences de l’autorité portuaire, qui peut être limitée aux opérations commerciales ou englober l’ensemble des activités ayant une incidence sur la vie portuaire. Plus globalement, on constate que les secteurs portuaires à l’échelle internationale, tendent vers une situation caractérisée par : 27


_ Mode de gouvernance tendant vers le modèle du port propriétaire foncier pour les ports de commerce ; _ Décentralisation des autorités portuaires : Soit une indépendance entre les autorités gérant et administrant les ports ; on peut parler alors des ports autonomes ; _ Rattachement des ports secondaires ou à faible opportunités commerciales aux collectivités locales : ceci ayant pour principal objectif d’accroître la compétitivité des exportations en éliminant les ports déficitaires du champ d’action des autorités portuaires ayant pour principal sujet les ports de commerce ; _ Présence dans les ports en tant que manutentionnaire, en force, des grands opérateurs mondiaux en navigation maritime.

1. PERSPECTIVES D’EVOLUTION DE L’ACTUEL MODE DE GOUVERNANCE DES PORTS MAROCAINS A travers l’analyse comparative aux standards internationaux en matière de gestion et d’administration des ports, le secteur portuaire marocain parait en bon chemin pour améliorer son efficacité et sa performance. Il gagnerait à être plus performant en appliquant l’une des approches suivantes : 1ère approche : Harmonisation du mode de gouvernance Cette harmonisation concernera les aspects suivants : - Application des mêmes règles de régulation et d’administration dans tous les ports ; - Revue des droits de concession attribués actuellement en vue de mettre toutes les prestations et tous les terminaux au libre jeu de la concurrence ; - Fusion des deux autorités portuaires TMSA et ANP. - Les ports de commerce seraient gérés en mode de port propriétaire foncier et les autres ports en mode de ports opérateurs puisqu’ils seraient administrés et exploités par l’autorité portuaire. - Avantages : - Secteur portuaire équilibré ; - Maîtrise de la politique portuaire nationale - Inconvénients : - Risque de surenchérissement des prestations portuaires du fait que l’autorité portuaire reste gestionnaire des ports déficitaires ou d’utilité publique ; 28


2ème approche : Décentralisation des organes de gouvernance Le système portuaire marocain comporterait, dans ce cas, trois catégories de ports maritimes : - Les ports autonomes : Administrés par des établissements publics de l'État implantés sur de vastes sites industrialoportuaires, qui traitent plus la quasi-totalité du trafic maritime de marchandises. Ces ports, au nombre de 10 : Nador, Nador West Med, Tanger-Med, Mohamedia, Casablanca, Jorf Lasfar, Safi, Agadir, Layoune et Dakhla), ont vocation d’être exploités par des intervenants privés dans le cadre de régime de concession ou d’autorisation délivrées et gérées par l’administration du port autonome (APA). Les ports concernés seront alors des ports propriétaires fonciers. Les APA auraient à prendre en charge les mêmes attributions que celles dévouées à l’actuelle TMSA ; à savoir : · L’étude, l’aménagement et l’exploitation des installations et des zones d’activité logistique, industrielle, commerciale et touristique ; · L’élaboration d’un plan général d’aménagement et d’exploitation des ports. · La promotion commerciale du port et des zones d’activité ; · L’administration du domaine public de la zone et de l’autorité portuaire ; · La coordination et de la gestion du port et l’interface pour l’ensemble des partenaires privés et publics y intervenant. - Les ports maritimes ne relevant pas des autorités portuaires : Il s’agirait surtout des ports de pêche, des petits ports de commerce ou des ports de plaisance dont l’activité ne justifie pas l’allocation d’une structure spécifique pour leur administration. A cet égard on peut citer les ports de : Alhoceima, Mdiq, Tanger-Ville, Kénitra, Eljadida, Essaouira et Tantan. Ces ports seront gérés et administrés, dans leur quasi-totalité, en ports opérateurs. - les ports maritimes relevant de l'État (Direction des ports) : Les nouvelles installations à créer et qui exigent un effort d’investissement colossal ne pouvant être supporté par une entité publique ou privée peuvent être rattachée à l’Etat représenté par le ministère de l’Equipement. - Avantages : Cette décentralisation aurait le mérite de rendre compatible, le système de gouvernance et d’exploitation en matière portuaire avec les standards internationaux, surtout dans les pays francophones. Elle aurait le privilège de dissocier les ports à vocation commerciale et

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industrielle de ceux à dominante utilité et service public et par voie de conséquence, elle contribuerait à l’amélioration de la compétitivité des ports de commerce marocain. - Inconvénients : Ne serait-il pas difficile, voire impossible, de mettre en œuvre une telle structure, dans certains ports, au vu des raisons suivantes : - Manque de compétence chez les collectivités locales pour la prise en charge de certains ports; - Difficulté de trouver des exploitants qui seraient intéressés par des concessions dans certains ports ; - Risque de surenchérissement des prestations dans les ports de commerce.

2. SUGGESTIONS POUR LA TAXE PORTUAIRE Au terme de notre analyse nous avons dressé quelques axes d’amélioration des textes régissant cette taxe pour en faire un vrai vecteur d’ancrage du rôle que peut jouer la notion de régionalisation dans le développement d’une activité aussi névralgique que l’activité portuaire: 1. Impliquer les régions dans la gestion ou l’administration des ports (ports de pêche, ports de plaisance) ; 2. Sensibiliser la région sur la nécessité de développer l’attractivité commerciale des ports. Ce développement induira une amélioration de recette en TSP ;

3. Fixer un taux maximum unique avec une marge de manœuvre (à la baisse) (5% par exemple) laissée à l’application des services régionaux en perspectives d’actions promotionnelles.

4. Prévoir un mécanisme de rémunération des services des prestataires qui collectent cette taxe au profit des régions ;

5. Exonérer expressément cette taxe de la TVA. 30


CONCLUSION

Les opportunités offertes par la nouvelle situation dans les ports sont multiples et variées et l’économie marocaine est aujourd’hui appelée à fructifier les changements intervenus sur le plan réglementaire en améliorant l’efficacité opérationnelle des intervenants dans la chaîne logistique maritime. L’adoption d’une stratégie marketing internationale s’avère d’une grande utilité pour permettre au Maroc un positionnement solide en tant que place portuaire moderne, sure et performante, et, par voie de conséquence, il lui serait possible de gagner la confiance, élément-clé, des emprunteurs des grandes lignes de navigation maritime internationale. La politique financière et fiscale apporte une bonne traduction de la vision globale et générale adoptée en matière de centralisation, décentralisation ou régionalisation. En effet, la fiscalité joue un rôle central dans l’accomplissement de tout projet de régionalisation puisqu’elle permet de procurer aux régions des ressources financières nécessaires au bon fonctionnement à l’achèvement de leurs projets. Néanmoins, un parallélisme entre contribution et rétribution devrait être observé pour que les recettes escomptées aient comme contrepartie une implication des instances régionales dans le fonctionnement des ports. A travers l’examen du mode de gouvernance actuellement en vigueur dans les ports marocains, on peut conclure que la région est quasi-absente. Par ailleurs, dans le projet de régionalisation avancée, les régions sont appelées à jouer un rôle catalyseur dans le développement des activités économiques et sociales. Elles sont sollicitées à se procurer et développer les ressources nécessaires à l’accomplissement des missions qui leurs sont dévouées. C’est dans cette logique que la taxe sur les services portuaires au profit de la région devrait être perçue comme un produit à développer et non pas une recette à recouvrer. Ce changement de perception impliquerait un effort commercial à déployer par la région pour drainer davantage de trafics portuaires et développer les activités commerciales des ports qui en dépondent.

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Revue LAMY droit et logistique, Janvier 2006 ;

Textes de loi : 

Décret-loi n° 2-02-644 du 2 rejeb 1423 (10 Septembre 2002), ratifié par la loi n° 60-02 promulguée par le dahir n° 1-03-25 du 20 moharrem 1424 (24 mai 2003) portant création du port situé dans la zone spéciale de développement Tanger Méditerranée.

Loi n° 15-02 relative aux ports Promulguée par le Dahir n° 1-05-146 du 20 chaoual 1426 (23 Novembre 2005) ;

Code général des impôts ;

Lois 47-06 et 30-89 sur la fiscalité des collectivités locales et la loi 47-96 sur les régions au Maroc ;

Rapports des instances internationales : 

BANQUE MONDIALE: « world Bank Port Reform Tool Kit », « La Logistique du Commerce et la Compétitivité du Maroc » et « Document de travail SSATP No. 31F. sur le transbordement aux ports de l’Afrique de l’Ouest ».

CNUCED: « Development and Improvement of Ports»

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