Otterbein Aegis Spring 2004

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Le héros nietzschéen dans Le Ashar Foley

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En relisant l’introduction de R.J. Berg sur Le Cid dans Littérature Française: Textes et Contextes, il était étonnant qu’une comparaison soit faite entre les héros cornéliens et le héros idéal du philosophe Friedrich Nietzsche. En citant Nietzsche, Berg écrit: “Qu’est-ce qui fait...l’histoire de chaque jour? Considère les habitudes qui la composent. Sont-elles le produit d’une foule de petites lâchetés, d’une foule de petites paresses—ou celui de ton courage et de ton ingénieuse raison?” (Berg 254). Mais à mon avis, et m’appuyant sur mes études récentes de la pensée du célébre philosophe allemand, je trouve que le héros cornélien n’est pas du tout maître de son propre destin à cause de cette “ingénieuse raison.” Au contraire, leur raison les plonge dans les lâchetés et les paresses car ils sont paralysés par leur adhésion absolue à un code d’honneur. Sans doute, Chimène, Don Rodrigue, et Don Diègue sont-ils héroïques dans le sens conventionnel et chevaleresque car ils restent toujours dans l’éthique, mais ils sont loin de l’übermensch de Nietzsche, l’homme selon lequel nous devons modeler nos vies. L’auteur du Cid, Pierre Corneille, était peut-être plus proche de l’übermensch que ses personnages. Bien que sa pièce eût été très populaire à ses débuts—Berg mentionne que c’était à la mode de savoir quelques scènes par coeur (Berg 255)—l’Académie Française l’a attaquée parce qu’elle ne suivait pas les règles du théâtre. Corneille a rejeté la convention de la vraisemblance, où les personnages se trouvent dans les situations quotidiennes, en préfèrant décrire des situations élevées dans lesquelles ses personnages doivent prouver leur grandeur d’esprit. Corneille a défié l’Académie en s’affirmant comme auteur dramatique avec ses propres règles. Par conséquent, ses pièces sont parmi les plus lues et les mieux connues des pièces françaises. Cependant, comme j’ai déclaré dans ma thèse, pour la plupart les héros de cette pièce ne s’approchent pas de la grandeur de l’auteur dans ses efforts pour transcender la convention. Dans toute l’oeuvre, il y a seulement un personnage que l’on peut considérer vraiment nietzschéen: le comte. Pour prouver ma thèse, voici mon premier argument: Le comte, le père de Chimène, est en colère quand il apprend que Don Diègue, un gentilhomme de plus basse extraction que lui, a reçu le titre de gouverneur de Castille. C’est un vrai affront à l’honneur et à l’orgueil du compte, et il veut affirmer son pouvoir et son influence dans le royaume; il déclare que son nom “sert de rempart à toute la Castille” (Corneille 260)1. Toute chose que Don Diègue entreprenne se fait dans l’ombre de la protection du Comte. Bien sûr, il faut que Don Diègue se défende, et les insultes s’intensifient jusqu’au “coup mortel,” le soufflet que le Comte donne audacieusement à Don Diègue (Corneille 262). Cette action casse le code d’honneur, elle marque la manque de respect envers le roi et son cadeau du titre au Don. C’est vraiment incroyable—si tous les hommes se défendaient d’une manière semblable, il n’y aurait aucun ordre. Mais le Comte défie le code; il se pense au-dessus des lois qui gouvernent les masses car il se considère comme un homme d’une plus noble espèce. De plus, le roi n’est pas indemne d’injures: le Comte déclare plus tard au noble Don Arias qu’il n’a pas peur d’un roi qui règne avec “un sceptre qui sans moi tomberait de sa main!” (Corneille 265).


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