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Nouveaux possibles
LEONARDO VARGAS, L’ŒUVRE AU-DELÀ DE L’IMAGE
Que peut encore nous dire l’image aujourd’hui? A-t-elle gardé sa capacité à «créer un lien émotionnel» dans une ère où nous sommes tous devenus producteurs et consommateurs frénétiques de selfies et vidéos marqués au sceau du vite produit et vite oublié?
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La publicité avait préparé le terrain, rappelle Leonardo Vargas, peintre colombien arrivé à Strasbourg en 2016 après un master en arts à la Hogeschool voor de kunsten de Utrecht aux Pays-Bas.
« L’image a été banalisée », dit-il, mais « certaines, au-delà d’une dimension superficielle, garde la capacité de nous attirer, de nous retenir. Pour moi, elles sont le prétexte pour aller ailleurs ».
Cette quête de l’image « interpellante » qui l’ouvre à l’inconnu de la création, Leonardo Vargas la mène depuis plusieurs années.
Il l’a débutée en dialoguant avec des scènes d’intérieur classiques du siècle d’or de la peinture néerlandaise qu’il avait découverte sur catalogues en Colombie avant de s’y confronter « en vrai » dans les musées des Pays-Bas. Sous son pinceau, ces univers en suspension ont révélé de nouveaux « possibles » prétextes à des « devenirs » qui jamais ne renient l’harmonie initiale. Pour lui, Il s’agit de traduire à la fois d’où vient l’œuvre et où elle peut aller au filtre de sa création.
Après s’être ensuite consacré aux Ménines de Velásquez et aux œuvres de Watteau, il a découvert l’univers des daguerréotypes en préparant des cours pour la Faculté d’Arts plastiques de Strasbourg où il enseigne.
Il s’agissait de plaques écartées à cause « d’accidents chimiques » qui n’étaient pas compatibles avec la rigueur de portraits officiels.
LA MATÉRIALITÉ DE LA PEINTURE NAÎT DE L’IRRÉALITÉ DE LA PHOTOGRAPHIE
Surexposition, poussières, humidité avaient joué les trublions, créant une passionnante « poétique de l’image condamnée » dont le peintre s’est emparé.
Il s’est concentré sur l’expression des visages parfois réduits à l’état d’esquisses, ému par le fait que « ces gens ont existé il y a deux-cents ans ».
« Un jour, se souvient-il, un visiteur m’a dit qu’il ne parvenait pas à savoir s’ils apparaissaient ou disparaissaient de mes tableaux, c’est ce point médian qui m’intéresse ».
Aujourd’hui, il travaille à partir de catalogues de mode foisonnant de photographies qui, elles, ne laissent aucune place l’aléatoire.
« Leurs compositions font souvent référence à l’histoire de l’art, mais l’envisagent sous un filtre différent », précise-t-il. « Je les examine jusqu’à ce que l’une d’entre elles me retienne. »
Il la laisse alors lui dire « ce qu’elle a à lui dire » avant de lui répondre par les couleurs, les formes et l’énergie du pinceau.
La matérialité de la peinture se confronte ainsi à « l’aboutissement technique qui irréalise ces images de mode » pour retrouver l’humain jusque dans ses déchirements. Né de l’association de formes et de couleurs jamais prévisibles, le dialogue ainsi créé ne peut conduire qu’au si bel inconnu de la création artistique.
S’y révèlent les mouvances de la vie, ces failles qui retiennent l’âme et le regard sans plus rien céder aux codes figés sur papier glacé que l’on finit par ne plus vraiment regarder.
Pour Leonardo Vargas, il s’agit de se réapproprier les vibrations du réel en usant de l’acte pictural. D’aller aussi loin que possible, en brouillant les repères, mais sans jamais trahir. a
Leonardo Vargas à la Galerie Bertrand Gillig www.galerie.bertrandgillig.fr
Léonardo Vargas