Génération 'MZ' de corée du sud 2030

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1 Septembre 2022 Dépot légal : ISSN 2681-0360 Kindle : onomad-global residence www.onomad.club +33 782550702 onomadclub@gmail.com 온새미 노마드 (불어/영어판) Le mensuel franco-coréen sept-juin Ônomad GLOBAL RESIDENCEÔ Génération ‘MZ’ de Corée du Sud 2030 UN COVER Lee Sun-A S.O.U.M Korean Dance Festival à Paris En attendant novembre, retour sur l'édition III pages 5 à 11 – Alain a. Discover n.Octobre 2022

Mentorat vivant de

Park Kwang-keun

appelé 'agence de personne' (première génération de ressortissants coréens en France)

"Les Mémoires" de Park Kwang-keun retracent son histoire d'un travailleur mineur en Allemagne (avec le contrat d'envoi de travilleurs contractuels du gouvernement coréen) et arrivé en 1969 à Paris, sans un sou malgré trois années de dur labeur outre-Rhin. Sa destinée ici en fit le modèle de la première génération de ressortissants Coréens en France. Treize ans après son arrivée, Park prit la présidence de l'Association communautaire coréenne, jouant le rôle de passeur et grand communicant entre Coréens, Français, Européens : aussi bien sur le plan personnel qu'entrepreneurial.

Venu à Paris avec le projet d'étudier à la Sorbonne, il y a été rejoint par sa famille deux ans plus tard et a ouvert dans le 17e arrondissement le premier restaurant coréen de la ville lumière : l'Oasis. Ses Mémoires nous rappellent à une époque où s'installait une première génération de ressortissants coréens, porteuse d'un rêve français conscient ou inconscient, affirmé ou inavoué. Un présent et un avenir ici.

Les (auto)biographies parues à ce jour à propos de représentants de cette première génération en Europe dans les années 60 et 70 ont tendance à se focaliser sur le processus engendré par toute installation à l'étranger, de la lutte pour (sur)vivre à la réussite personnelle. Mais au fur et à mesure que les pages de ce livre-ci se tournent, se révèle une véritable philosophie de clan communautaire, un “nous” détenu par celles et ceux d'entre les Coréens qui souhaitaient non seulement survivre mais aussi partager la vie, l'expérience, le nouveau pays, avec leurs compatriotes.

Il existe des récits – celui publié par un ancien ambassadeur en France, un autre par le correspondant à Paris d'un grand journal coréen –mais il est difficile d'y percevoir ce sens communautaire, ce “nous” partagé, car celui-ci relève d'une appartenance étroitement liée à l'expérience d'une précarité passagère ou durable.

Le succès n'est pas toujours au rendez-vous de la vie. L'individu ne se meut pas uniquement vers le haut. Entre les Coréens marginalisés par la barrière linguistique, outre la discrimination et le fossé existant entre riches et pauvres, l'inadaptation sociale a au fil du temps fait émerger un conflit d'identités entre les générations successives, et notamment entre les anciens et les troisième et quatrième générations. Aussi le témoignage de quelqu'un arrivé sur la terre aride qu'était pour nous l'Europe il y a un demi-siècle, et qui y fit non seulement l'effort de s'adapter et surmonter tout obstacle et problème mais joua le rôle de pont et de repère entre plus de 20 000

Coréens installés en France nous donne à tous du courage.

L'atout immatériel de la communauté, trace vivante du premier demi-siècle d'installation de la première génération de Coréens en France.

À l’époque où l'à peine arrivé Park se battait pour édifier sa vie à Paris, les 30 Glorieuses valaient à la France de dominer la culture, l'économie et la politique de l'Europe et, d'une certaine façon, de la communauté internationale au beau milieu de la pensée encore colonialiste et des conflits postcoloniaux. Cette aura de prééminence occidentale était le moteur d'une émigration coréenne qui a dirigé tant de nos compatriotes vers l'Europe mais aussi vers les États-Unis et le Canada.

Depuis les années 2010, le vent tourne, la locomotive des rêves n'est plus la même. Une « Nouvelle ère coréenne », trente années de gloire peut-être, brise toutes les frontières, raciales, religieuses, géopolitiques, et ouvre grand la France et l'Europe aux générations 3 et 4 de nos expatriés.

Cependant la connaissance accumulée pendant tout un demi-siècle par les Coréens des générations 1 et 2 installées en France, vivant en France, est une archive précieuse.

Les Mémoires de Park retracent l'expérience vécue d'un homme mettant en œuvre une profonde philosophie de la vie et des relations humaines : avec ces libres entrepreneurs coréens qui ont monté, à partir de zéro, tout le commerce coréen-français, sa sincère amitié avec les personnes rencontrées, sa pratique habile des offices gouvernementaux, aussi bien français que coréens, des correspondants, des hommes d'affaires TGV et des vétérans de la guerre de Corée…

Surgit du livre l'idée que le partage des talents et des efforts, la solidarité entre pairs, la bienveillance envers les moins favorisés, amplifie le bonheur et l'approfondit.

Au cours des 50 ans écoulés, les ressortissants coréens émigrés en Europe – les premiers, donc – se sont progressivement détachés de l'aveuglement autocentré et nationaliste de l'État-nation tyrannique. Depuis la loi de 1990 sur les études et la liberté de voyage à l'étranger, les Coréens ne sont plus contraints à limiter leur espace d'existence aux seules terres d'une péninsule coréenne coupée en deux. Et ils vont, aussi bien aux États-Unis qu'en Europe, en Afrique du Sud, et dans des pays communistes (Chine, Russie, Vietnam ou Cambodge). Et partout ils édifient, que ce soit dans une démocratie ou non, qu'ils y vivent avec un grand nombre de compatriotes ou y survivent en tant qu'ethnie ou communauté minoritaire. Partout ils ont valeurs communes et partagées.

Ouvert en 1973, L'Oasis, le premier restaurant coréen à Paris, est entré dans la légende.
Que des publications (qu'on espère, qu'on attend) la révèlent, la partagent, est une chance pour tous.
De l'Allemagne à Paris Mémoires
Séoul, en
hiver
2 Ônomad
publiés à
coréen,
2021 Journée de sports coréens EU12, Paris le 14 juillet 1983 “Des récits et lignes directives dont tous les Coréens se souviennent.”

Le jour de l'interview, le premier mot de Park à mon égard m'a surpris : il m'a salué d'un Hoejang xx (PDG xx) ! Telle est son habitude, chaque personne en âge de travailler qu'il rencontre il la salue ainsi, "Hoejang xx" , m'expliqua-t-il. Hoejang , cette expression ancienne, familière à celles et ceux de la première génération, supplantée de nos jours par 'Sajang' (président(e), la personne en charge des opérations réelles de l'entreprise) demeure une forme de salutation et de reconnaissance honorifique évoquant l'expérience économique de la personne à qui on s'adresse et le respect social qui lui est dû. Dans la langue coréenne, qui multiplie les distinctions d'adresse selon l'âge, la situation au sein de la famille, le sexe, la fonction occupée, et bien entendu le degré de connaissance ou intimité, de quel nom saluer quelqu'un qu'on rencontre pour la première fois de sa vie ou qu'on revoie depuis plusieurs décennies ? Hoejang convient aux yeux de Park. Qui l'emploie aussi afin d'effacer toute différence statutaire entre quiconque, qui élève ainsi élégamment toute personne qu'il rencontre.

Ce jour-là, ce 26 juillet, je me souvins de l'impression d'attitude nonchalante que m'avait faite Park dans les années quatre-vingt-dix lorsque j'avais trois ou quatre fois déjeuné ou dîné dans l'ancien restaurant Oasis qu'il dirigeait. Aujourd'hui, même dans ses 80 ans, l'homme, qui a un physique solide, se vante de sa jeunesse et fréquente les terrains de golf trois jours par semaine.

Pour l'interview nous nous sommes rencontrés dans un restaurant de couscous situé en face des bureaux de l'Association des résidents Coréens en France, rue de la Croix Nivert dans le 15e arrondissement de Paris.

Onomad / Vos Mémoires – 319 pages – regorgent de faits réels de l'aventure communautaire, des faits que je n'avais que supposé ou devinés lorsqu'ils sont survenus, et ils sont racontés là de façon si vivante que j'ai dévoré le livre d'un trait, un trait très attentif ! J'ai lu également les lettres de recommandation qui en accompagnent la publication.

Park Kwang-keun / J'ai commencé par… abandonner l'idée d'écrire ces Mémoires car les gens autour de moi semblaient très réticents. Mais un jour le designer parisien, Yang Haeil, (époux de ma plus jeune belle-sœur, ils se sont rencontrés dans mon ancien restaurant Oasis), aujourd'hui retourné en Corée après avoir lui-même dirigé un restaurant coréen dans le 16e, m'a rendu courage par ces mots : « Si vous publiez les Mémoires de Park , l'histoire d'Hae-il, mon histoire y sera.

»

Bae Byeong-Hyu, ancien rédacteur en chef de Maeil Business News, un ami de longue date et du même âge que moi, m'a exhorté à publier ces Mémoires et en a volontiers corrigé le manuscrit. 3 mois durant, à Séoul, nous nous sommes vus deux-trois fois par semaine afin de terminer les révisions, parachever la mise en pages, mais la publication a été retardée en raison de la pandémie et le livre a finalement été publié à l'hiver 2021. Park Seong-beom (ancien correspondant de KBS Paris), Kwon Yi-jong (mineur et docteur en pédagogie allemande), Han Sang-hyeon (pasteur

de l'Église unie de Paris), Park Kwan-sik (romancier) et Choi Jun-ho, qui a dirigé les célébrations de 30 ans de relations diplomatiques Corée-France m'avaient écrit des lettres de recommandation.

Au début de l'histoire de la première génération il y a 3 restaurants coréens ouverts à Paris. Et c'est tout, si l'on omet les quelques envoyés gouvernementaux et de rares entrepreneurs des années 70. Selon les statistiques de l'Association des résidents Coréens en France, créée en 1968, il n'y avait que 170 Coréens vivant à Paris dans les années 1960, dont 120 étudiants. À la direction de ces trois restaurants : Lee Cheol-jong du Han Lim (ouvert dans le 5e depuis 40 ans cette année et tenu aujourd'hui par deux de ses fils), Cho Man-gi, (du Le Séoul, aujourd'hui fermé, et du Woo Jung tenu par son fils) et moi-même, Park Kwangkeun, fondateur du premier de tous : l'Oasis.

Onomad - Lee Cheol-jong, du Han Lim, m'a dit : « M. Park aurait été riche s'il avait mis de côté beaucoup d'autres choses et ne s'était concentré que sur l'Oasis. » Contrairement aux grands restaurants coréens de la 32th Street de New York ou du centre de Londres, qui ont beaucoup prospéré grâce au soutien de leurs maisons mères à Séoul et aux activités dynamiques des grandes entreprises coréennes implantées, les restaurateurs coréens de Paris sont contraints de fermer leurs portes si les enfants des créateurs ne poursuivent pas l'aventure.

Séance d'information sur Paris La Défense New Town tenue à l'hôtel Shilla de Séoul en décembre 1989 avec le président de Sari. Sari était partenaire de Vedico International en tant qu'hôte du projet de construction de la nouvelle ville de Paris La Défense.

PKK En 1997, lorsque la Corée s'est vue accorder l'aide du FMI et que le nombre de touristes a brutalement chuté, les restaurants et les agences de voyage exploités par des Coréens ont fait faillite. Nombre des étudiants ont dû « fuir la nuit » du fait de la dévaluation de la monnaie coréenne, ce qui a entraîné le report de leurs loyers…

Pour sa part, dès 1982 une fois élu président de l'Association des résidents Coréens en France, Park s'est parallèlement beaucoup occupé : organiser le Festival Européen des sports coréens ; promouvoir auprès du gouvernement français le soutien aux étudiants coréens, et l'orienter, entre autres dans le domaine artistique, musique comprise. Tenir, au Centre Culturel Coréen un bureau impulsé par lui, destiné à aider les Coréens, étudiants ou non, à s'installer à Paris. Au départ, l'urgence était l'obtention de titres de séjour et la proposition de logements. Le rôle typique d'une agence de location dans le style coréen. Dans la foulée de cette démarche de régularisations et clarification, Park a refusé que les transactions soient payées en espèces et a privilégié le chèque, alors il en a émis beaucoup — pour autrui. C'est injustice que cela lui ait valu un redressement fiscal d'environ 5.2M euros. Outre l'argent, cela lui a coûté 20 ans de procédure… qu'il a fini par gagner, réduisant d'un tiers le montant des amendes supplémentaires à 1.6M euros. Ce procès pot de terre contre impôt de fer lui a laissé plein de blessures. Comment prendre la vraie et profonde mesure des frais juridiques occasionnés par vingt années de litige, la saisie des actifs de son entreprise, la douleur émotionnelle subie par toute la famille? Et en 1998, mettre fin à 29 ans d'exploitation du premier restaurant coréen à Paris, l'Oasis (extrait des Mémoires, pages 125-127)

Onomad – Centrée sur les voyages d'affaires et les expatriés des grandes entreprises coréennes, la fenêtre d'entrée en Europe était alors le Royaume-Uni et sa tête de pont sur le continent européen, l'Allemagne, où la communauté coréenne disposait d'emplois relativement nombreux. En revanche, en 1983 à Paris, la communauté, sauf six grandes entreprises, quelques restaurants et autres agences de voyages, était majoritairement composée d'étudiants et d'enfants adoptés, de sorte que le président Park eut du mal à soutenir sa propre famille.

Dans un environnement aussi misérable, trois jours après que l'avion civil du vol Korean Airlines 007 ait été abattu par des avions de combat soviétiques, où trouva-t-il l'énergie et l'élan de rassembler 500 manifestants à l'Arc de Triomphe et organiser une Marche devant l'ambassade soviétique à Paris ? Une telle manifestation symbolique aurait été impossible sans les relations personnelles et les nombreuses “connexions” de Park.

Depuis des années 2010 une ère dynamique se déploie pour une diaspora coréenne culturelle et économique comptant plus de 8 millions de personnes à travers le monde.
Ouvert en 1973, Oasis, le premier restaurant coréen à Paris est entré dans la légende.
Avec le maire Lee Myung-bak
3 PARK KWANG-KEUN

Invité par Lee Myungbak alors maire de Séoul, lors du dîner organisé à l'hôtel Lotte Sogongdong,

MÉMOIRES : DE L’ALLEMAGNE À PARIS

PKK - (extraits des pages 160-162) Nouvelle choquante annoncée alors que l'Association des résidents Coréens en France en France met au point une exposition de produits coréens liée au projet de parrainage pour l'obtention des J.O. de Séoul 88. Le 1er septembre 1983, des avions de combat soviétiques abattent l'avion civil KAL 007 causant la perte de 269 vies précieuses. Les télévisions françaises diffusent alors un enregistrement vocal où le pilote de chasse soviétique indique avoir abattu l'avion d'un précis "tir en visuel". Comment une telle chose peutelle survenir ! Une réunion exécutive de l'Association est convoquée en urgence. En soutien, le chef du département de la police métropolitaine de Paris, Louis Ahmad, accorde une autorisation "super-spéciale" d'organiser une manifestation et prend sur lui d'écrire une protestation contre l'Union soviétique. L'autorisation de manifester est transmise au président français, puis très rapidement au président américain et au secrétaire général de l'ONU.

Et trois jours seulement après l'attaque, notre Association franco-coréenne rassemble environ 500 manifestants issus de nos rangs comme de l'Association d'amitié France-Corée, la Fédération des entreprises franco-coréennes et l'Association des vétérans de la guerre de Corée. Réunies à l'Arc de Triomphe, tous ces gens ont défilé devant l'ambassade soviétique en France, encouragés et célébrés par de nombreux sympathisants, Parisiens comme touristes du monde entier. Une lettre de protestation a été remise aux autorités soviétiques.

En cette occasion tragique et spéciale, la police avait mobilisé plus de troupe qu'on ne compta de manifestants afin de protéger ceux-ci et maintenir l'ordre. Le lendemain matin, les quotidiens publièrent en Une de grandes photos et des articles couvrant cet événement historique.

Une semaine plus tard, une cérémonie commémorative eut lieu à la cathédrale de la Madeleine, en présence d'environ 2 000 personnes, dont des ambassadeurs des quatre pays touchés par la catastrophe (Corée, États-Unis, Canada, Japon), des ministres français, de députés, ainsi que des pilotes et membres d'équipage de Korean Air.

À cette cérémonie était présent Cho Jung-hoon, président de Korean Air. Des cérémonies catholiques, chrétiennes et bouddhistes, furent conjointement célébrées en considération de l'appartenance des victimes à diverses religions, mais une même, unique et seule atmosphère solennelle présida, prenant le pas sur le choc et la colère.

problème. Grâce à de divers bazars de la communauté et campagnes de financement qui vont permettre de lever 1 million de francs en 3 ans, un local est acquis au 83, rue de la Croix Nivert 75015 Paris. Ainsi se réalise le rêve de « posséder sa propre maison d'Association », mettant fin à 26 ans d'errance. Et c'est avec une immense émotion, le 1er octobre 1994, que l'ambassadeur Jang Seon-seop coupa le ruban inaugural lors de la cérémonie de prise d'enseigne, en présence de nombreux, heureux et prestigieux représentants de la communauté. Ensuite cependant, les difficultés financières ont persisté. La crise FMI, la chute brutale des touristes et nouveaux arrivants en France, la fermeture de nombreux commerces exploités par des résidents coréens, etc. ont eu d'importantes conséquences pour l'association. Devant l'extrême difficulté, son 24e président, Jeong Dae-il démissionna et le frère cadet de Park, le vice-président Park Hong-keun, n'eut d'autre choix que de lui succéder.

Les trois frères de Park Kwangkeun : des piliers passionnés de la communauté coréenne en France

Le frère aîné de Park Chang-keun, décédé en juillet 2022, assistait à tous les événements communautaires et depuis plus d'un an enseignait la calligraphie les mercredis dans les locaux de l'Association. Son jeune frère Park Hong-keun, fut après son mandat nommé président de la Fédération Européenne des Coréens. Il a également été président de droit de la République populaire démocratique de Corée.

Park s'est naturellement imposé comme le visage de la communauté coréenne en France. En tant que représentant du peuple coréen et membre fondateur de l'Association générale Hansang (World Korean Business Convention), il a su élargir les relations de coopération avec l'économie coréenne, œuvrant avec le président de la communauté coréenne au Japon. Il s'est ainsi démarqué comme l'un des plus éminents représentants de la « diaspora coréenne mondiale », participant au « Conseil des représentants des diasporas coréennes dans le monde » avant l'ouverture des Jeux olympiques de Séoul 1988 lors de la 4e Conférence des représentants coréens à l'étranger. Le président fondateur en fut Park Byung-hun, le dirigeant de l'Association des Zainichi (résidents coréens du Japon).

Le premier président de l'Association fut Han Mook, artiste-peintre qui avait dirigé le Conseil des étudiants coréens, et exerça 4 mandats d'un an. Outre les célébrations coutumières des 1er mars et 15 août (jour de la libération), celles de l'athlétisme coréen et les fêtes de fin d'année, les présidents successifs ont promu des événements occasionnels reflétant un temps les attentes et les demandes de la communauté.

1992 – Transfert du bureau de l'Association des résidents Coréens en France dans le quinzième arrondissement de Paris, par Lee Cheol-jong, son vingt-et-unième président. La principale source financière de l'Association étant les cotisations annuelles de ses membres, celle-ci a toujours financièrement souffert et n'a pu échapper à un long vagabondage sans domicile fixe. Un temps, Park Kwangkeun, quinzième président, loua un espace au Centre culturel coréen, mais il ne passa guère de mois avant qu'il faille ne le quitter.

En 1992, Lee Chul-jong devient le 21e président, avec en tête l'idée d'enfin trouver une solution pérenne à ce

Le 1er congrès de ce conseil mondial s'est tenu à Tokyo, présidé par le président Park Byung-hun, et a pu réunir des représentants de chaque pays. Le 2e Congrès eut lieu à Washington DC en 1989 et le 3e Congrès, à Paris 1990, se tint sous l'égide de Park Kwang-keun, le représentant de la France dans la diaspora.

« Ce livre relate certes une histoire personnelle, mais est avant tout un précieux souvenir de l'Histoire, un témoignage vivant et universel apte à donner courage aux jeunes. » écrit Choi Jun-ho dans sa lettre de recommandation.

[A propos de l'auteur] Park Kwang-keun Installé à Paris en venant d'Allemagne, il a dirigé le premier restaurant coréen à Paris, l'Oasis, ouvert durant 29 ans, et a été président de l'Association des résidents Coréens en France. Attirant les investissements des entreprises coréennes dans les projets de Marne-La-Vallée et La Défense Nouvelle Ville, Park accumule les contacts coréens et français, sert de passeur entre l'Association française des anciens combattants de guerre de Corée, s'implique dans le KTX (le TGV coréen), est conseiller en traitement de l'eau pour Degrémont… En tant que membre fondateur de l'Association Hansang (entrepreneurs de la diaspora coréenne mondiale), le rôle mondial tenu par les réseaux le passionne.

1968, fondation de l'Association des résidents Coréens en France.
Scène de chevalerie organisée par l'Association mondiale de chevalerie de Genève en 1982 Avec Yoon Ja-joong, KOTRA Corée pour l'Exposition de produits coréens du grand magasin Samaritaine
4 Ônomad

Les 18 & 19 mai 2022

au Centre Culturel Coréen de Paris se tenait l'édition iii du Festival Soum

Première in situ avec public Premiers pas “sans distance” d'une idée rayonnante, manifestation artistique appelée à grandir.

Les 10 & 11 novembre 2022

L'édition iv du même s'ouvrira

auRegard duCygne 210 rue de Belleville 75020 Paris m Place des Fêtes / Télégraphe

Y seront dansées des œuvres du répertoire des artistes invités mais aussi, et pour la première fois les fruits de résidences partagées entre artistes coréens& français.

Ô!

S pectacle of U nlimited M ovements 숨

Le Festival est organisé par l'association Soum en partenariat avec Korean Dance Abroad. www.festivalsoum.com

par A lain a.
5

Novembre 2022 verra l'édition IV de Soum. Les artistes invités y présenteront chacun deux créations : l'une issue d'une résidence en compagnie d'un autre artiste, la seconde choisie dans leur répertoire personnel. Le prochain numéro d'Onomad reviendra début octobre en détail sur cet événement (voir page précédente)

L

ançons les Lumières !

L'importance de ces soirées de mai, paolo tosini, président et l'un des fondateurs de l'association SOUM, organisatrice du f estival , l ' exprima peu après 20 heures le mercredi 18 avec une élégance tout italienne , non dénuée d ' une émotion sensible, glissant du timbre de sa voix jusqu'au bout de ses doigts :

« Si cette troisième édition de SOUM est si importante pour nous, c'est que notre manifestation est née pendant le Covid : les chorégraphies présentées lors des deux premières éditions ne furent accessibles qu'à travers les écrans d'internet. Ce soir nous sommes réunis dans cette magnifique salle du Centre Culturel Coréen de Paris, vous êtes là, les artistes sont là et c'est un grand bonheur. Aussi je vous souhaite une très belle soirée, et Maintenant…

Maintenant, lançons les lumières », chuchota-t-il à l'attention complice et souriante de Song Chan-Me, bénévole de l'association.

1. Encore une bonne journée ! AN Jae-hyun

Mercredi 18 mai. Bruissement d'ailes blanches dans le noir.

Mais pour l'heure, retour sur le printemps dernier.

Dans la Corée d'aujourd'hui, les chorégraphes situent volontiers leur démarche au confluent de la Tradition coréenne originelle et du Contemporain au sens occidental. Or, au fil de l'histoire du monde, sous toutes les latitudes et dans toutes les cultures les sources de la danse sont exultation, joie entre Terre & Ciel, extase, union allant à l'au-delà, élan, révélation de l'invisible par la grâce des corps. Quant à la contemporanéité dansée elle est évidemment double : puisqu'une danse n'existe que dans le moment même de son mouvement, cet art est par essence celui de la manifestation de l'être par le geste et du pur présent ; cependant, le vouloir être contemporain de la danse s'attache, comme dans tous les arts, à la substitution de codes établis (artistiques – celui du ballet –, religieux, rituels ou sociaux) par une grammaire intime n'appartenant qu'à l'artiste et ne relevant que de lui ou d'elle. Et d'ailes encore, et de corps…

Contrastes & Correspon/danses chamaniques

Si L e S q U atre ch O régraphe S – tr O i S fe MM e S et U n h OMM e –invité e S à cette éditiOn iii Ont, eLLeS et LUi, fait réSOLUMent v O i L e ver S L 'O ccident , aussi bien culturel que dansé, trois des créations gardent attache évidente (ou plus secrète) avec des formes précises de la coréanité : de façon transparente pour An Jae-hyun, détournée pour Sun-A Lee, cryptique pour Yang Seungkwan. Tout près de ce dernier, Lee Bokyung a mené sa nef de danse en un point situé précisément au cœur du flow de la danse contemporaine : la mise à nu des émotions. Son amour, sa fascination et son admiration pour Pina Bausch coulent de source.

Il est passionnant de voir qu'à un moment nécessaire de son exploration, la chorégraphe Bo-Kyung conduit l'interprète Bo-Kyung (elle-même donc) à interagir avec la salle. De même, et de façon encore plus frontale et flagrante, pour Sun-A Lee. Chez ces deux artistes, ces interpellations, exclusivement dansées il convient de le préciser, visent à nous faire, ne serait-ce qu'un instant, ne serait-ce qu'en esprit, entrer dans la danse ; entrer dans le questionnement intime qu'elles ont, par la danse, mis en œuvre.

Pour leur part, Yang Seung-kwan et An Jae-hyun, on the West side of the road pour le premier, on its East (and Korean) side pour la seconde, déploient leurs performances respectives, qui sont autant des célébrations que des tragédies et des rédemptions, sur un mode spectaculaire “classique” séparant ce qui se joue et se montre sur scène, d'une salle aux spectatrices et spectateurs fascinés, touchés, conquis.

De mon œil occidental, l'amoncellement immaculé que nous découvrit la lumière je ne sus sur l'instant l'assigner qu'à un ange tombé, un nuage, un cygne assoupi. Bientôt il sembla que la forme déployait ses ailes mais ce n'est que lorsque, se dressant l'interprète cachée derrière donna vie à bout de bras à deux chimères mues indépendamment l'une de l'autre, et toutefois en harmonie, que je compris réellement ce que je voyais et y reconnus le secret chamanique, asiatique, coréen, qui nous était gracieusement offert.

OH Sun Myung, dans sa Recherche sur l'identité et l'identification de la danse coréenne contemporaine (thèse, soutenue à Saint-Denis en février 2008) rappelle que la langue
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Dance Festival

coréenne connaît deux mots pour dire la danse :춤, Ch'um, mot purement coréen, que l'on adjoint à toutes les formes dansées d'expression “populaire”, celles dites folkloriques ou traditionnelles ainsi que les rituels à visée chamanique, de prière, salutation et communication spirituelle. En hangeul, 춤 est proche de 숨, Souffle, qui se prononce… Soum : le nom même du Festival et de l'association qui l'organise…

L'autre terme est무용, Muyoung, sino-coréen jadis réservé aux danses de cour et de cérémonie, prestigieuses et festives aux fluidités ornementées ; et aujourd'hui qualifiant la danse consacrée en tant qu'Art Majeur. Il arrive évidemment que les deux se rencontrent. La Sin muyong, “nouvelle danse”, créée par la célèbre Choi Seong Hee dans les années soixante ramenait ainsi la danse contemporaine occidentale et la danse coréenne traditionnelle à une source unique : 무용 n'est-il pas issu de la syllabe préfixe 무 (mu), en écriture chinoise 巫, ce qui fait le ciel (l'horizontal du haut) uni à la terre (l'horizontale du bas) par un être humain (人) dansant et tournoyant autour de l'axe de l'univers ? À moins que cet axe ne soit le Soi…

Dans toutes les cultures depuis le Paléolithique, le tournoiement est l'expression jaillissante des danses conduites à l'extase : avec les éléments, avec l'au-delà, avec le divin. Or en Corée, depuis toujours les chamanes sont femmes, essentiellement. On les appelle Mudang, 무당. Et dans Encore une bonne journée ! dont l'inspiration lui est venue par communion avec l'esprit de sa mère, An Jae-hyun se fait Mudang

De là

elle tend un lien au-dessus des abîmes : entre danse chamane et performance d'artiste, entre tradition et modernité, entre Asie et Occident. Entre son cœur battant et celui de sa mère en-allée. Encore une bonne journée ! n'est pas la pure et simple représentation d'un rituel traditionnel. Mais un ressourcement de l'être par la grâce d'un retour à l'origine.

Si cette composition en cinq mouvements parfaitement délimités fait se succéder cinq phases dansantes de remémoration, purification, salutation, allègement et retour à la fleur dont les principes gestuels (danses avec les manches, danse de port de bras, pirouettes et processions scandées) sont absolument coréens, leur remarquable accompagnement sonore fait des allers-retours entre les sources asiatiques de la musique à célébrer (trompes, percussions instrumentales ou à mains nues, flûtes, grelots…) et leurs très contemporaines variations : de l'électro à rythmique douce : façon sonnerie, scie, marche en eau vive). Et les deux versions qu'elle offrit de sa création, l'une mercredi en ouverture : les couleurs de son habit (noir et blanc le mercredi, immaculé le jeudi), et l'horizon musical figurant l'espace visé par l'œuvre. Le mercredi, sa danse s'entrelaça au Boléro de Ravel, ce qui était une curiosité. Le jeudi soir, elle revint aux flûtes et tambours du chamanisme

AN Jae-hyun, directrice artistique, chorégraphe, danseuse et professeure de danse (notamment au Centre Culturel Coréen de Paris) a fait de la transmission du ch‘um au (pour reprendre le titre de sa création de 2015 célébrant la belle Li Tsin, danseuse à la cour de Joseon et maîtresse de Victor Collin de Plancy qui fut ambassadeur de

Le principe d’expression de la danse coréenne est latent, intérieur et suit les mouvements des » nous apprend Eleonor King. De cette latence s'organise le jeu à trois états de danse du : milieu, pause pareille à une hésitation espiègle ou grave) est le passage : immobilité, intériorité, prise et concentration de l'énergie, suspension ) et , mobilité, dynamisme, Le Dong est dans le Jeong et le Jeong est dans le Dong. Ces éléments ne se séparent poursuit

Tout au long de son œuvre dédicatoire, apaisant l'esprit endeuillé, saluant la disparue et guidant les âmes vers le ciel ou de nouveau la terre, outre le très émouvant appel au divin et rappel : nous

Toutes les images illustrant les quatre spectacles présentés, sauf une, sont de Johan Marimoutou qui a réalisé la captation vidéo et photographique du Festival. La seconde image de Big Mouth, page suivante, est signée Raul Espinosa

au tout juste, de l'à peine esquissé au pleinement affirmé, un jeu tentaculaire des bras et aussi des jambes où en dépit du masque se révèle une inextinguible jouissance d'ainsi écarter et agiter orteils et phalanges. Spectatrice ou spectateur, on se sent accroché.e à ces acrobaties de postures intimes, ce plaisir démonstratif nous gagne, et la curiosité vient de savoir qui se tient derrière le masque, qui est ce diable sur chaise assis ?

Or, le diable tient aux détails, est à la fois le masque et ce qui divise et aussi Lucifer, à savoir : le porteur de lumière. Sauf que lorsque je revêts un masque, tout n'est-il pas par avance joué, la vérité figée, la transparence impossible ? Et … Si je m'avançais face au monde comme elle face à la salle, si je le prenais frontalement à partie – mais partie masquée – que comprendrait-on de moi, que saurait-on vraiment ? Que reste-t-il de moi sous le postiche et les postures, l'imposture et les provocations ?

En pleine lumière désormais, le masque se révèle moins inquiétant, le diable n'était que de pénombre. Et elle paraît bien mignonne, celle qui se pare plutôt qu'elle ne se dissimule d'un cap de chèvre aux poils luisants et doux, aux longues cornes de torsade, le corps niché au sein d'un costume oversized Comment s'assurerait-on qu'elle est elle, qu'elle est une ? Comment saurais-je que j'existe encore sous les armures que je me suis moi-même assignées ?

Face à l'abîme on ne saurait tenir que debout. Or, le bord de la scène est pareil au bord d'une falaise. Dans une intranquillité si forte que la lumière se met à battre au rythme stroboscopique du cœur, la danseuse n'est plus que souffle et tremblements. Le masque est inutile. Que reste-t-il à dissimuler ? Mais combien difficile est-il encore de se découvrir aux autres et à soi-même, et de se dénuder, se mettre face nue et face à quoi ?

C'est presque à reculons, pas à pas que Lee Sun-A se défera de son masque. Et c'est en un geste apaisé, et très calme et très doux, qu'elle le dépose enfin — comme on dépose les armes. Kundera écrivait cela, dans l'Insoutenable légèreté de l'être je crois, d'un jeune homme amoureux : « Il ne désirait pas la nudité d'un corps de jeune fille ; il désirait un visage de jeune fille éclairé par la nudité du corps. »

Elle, est vêtue encore, de ce très ample et masculin costume. Ce que Sun-A offre à nos regards c'est la pure nudité de son visage offert, en yogini, à la seule lumière. Car vraiment, ce qui commence alors est une Salutation à la lumière, dansée bien sûr, et ressentie. Les yeux se ferment, et lorsqu’elle se laisse à la fin aller, au sol en âme bougée par une manière de vent stellaire, son corps s'abandonne à une tendre étreinte, solaire devenue. Rien n'est plus à démontrer. Effacé le spectaculaire, effacé tout manifeste. N'en va-t-il pas ainsi lorsqu'on est enfin et soi-même et céleste ?

Ce qui reste à suivre on le pressent, c'est le costume à retirer. Comme il serait indécent de le donner à voir. C'est toute la subtilité de la danseuse, toute l'infinie délicatesse de la chorégraphe, qui sont une, que de ne permettre de saisir de ce déshabillage que le tombé d'une épaule, avant que l'obscurité revenue nous ramène : elle à elle, nous à nous-même, chacun à soi.

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3. Big Mouth II

LEE Bo-kyung

Jeudi 19. La seconde soirée s'ouvrit sur une création que le public aujourd'hui appelle de danse pure.

Et si un E qu E stion avait pu faire que Lee Bo-Kyung s'émeuve, âme et esprit conjugués, et de tout son corps se meuve vers la création de Big Mouth , solo qui lui valut le 1er Prix Solistes lors de l'édition 2018 du Festival Internacional de Danza Contemporánea de la ciudad de Mexico , FIDCDMX, ce serait peutêtre bien celle-ci : « To speak or not to speak ? » Tant elle s'est interrogée, dit-elle, sur combien paroles ou écoute non-ouvertes, ni souriantes ni méditées, peuvent blesser autrui, ou nous être infligées par autrui, ou parfois se retourner contre nous-même. Comme si depuis notre naissance ou même avant, bien avant le fait d'être ou n'être pas, ce que nous devenions était de prime abord dû à ce qu'un grand manieur de mots résuma par « Words, words, words… »

Mais s'il est un devenir par la parole (et par pensées), cela veut dire que celle-ci n'est pas que bavardage sans effet, continuel et solipsite, et l'on doit concevoir que s'il existe des paroles qui trahissent ou sont trahies, il en est d'autres qui élaborent, bâtissent, guérissent et transforment pour le meilleur. Les cultures d'obédience chrétienne y devraient être particulièrement sensibles puisqu’à l'incipit de leur Livre fut écrit : « Au commencement était le Verbe. » D'un point de vue certain, les paroles créent les réalités auxquelles on s'affronte, et le monde lui-même, plus que de songes est tissé de paroles métamorphosées en autres choses : corps, gestes, idées, directions, essences…

Sont impeccables les paroles dont les fruits sont profonds et doux, nous rapprochent de la vie comme de l'art. À la question de Big Mouth, « To speak or not to speak ? » , Bo-kyung a livré une réponse de mouvements et respiration, tissée de mélopées chuchotées et de pas, de musique et de temps concret. Et c'est comme si elle avait murmuré : « To Speak or not to speak ? That's a without word dance. »

Dance Festival

Plateau vide. Brève cascade d'éclats de rire, chuchotements, soliloques dans le noir. Puis un cercle de lumière rose accompagne la venue de la danseuse en fond de scène côté jardin. Commence dans ce seul cercle inscrit par la lumière une merveille d'enchaînements en chair-obscur, sans musique, une sorte d'apprentissage de la vie à quatre pattes. Chuuut ! que la danseuse semble-t-il ingère, et un cliquet.

S'ensuit un solo au sol tout de sensualité arquée sous aplomb de rose, percuté par le tic-tac du temps que jamais rien ne suspend. Sauf que les choses tournent si rond qu'elles vont de plus en plus vite, et le cercle s'élargit, et les signaux se font sonar puis goutte à goutte supplice, et tout le corps de se prendre de tremblements et convulsion. Puis le bras droit se tend tout droit à la verticale, pointant vers le noir comme si la danseuse devenait elle-même l'aiguille d'or de ce cadran qui entraîne, et de là cela fait bientôt comme si c'est elle-même qui créait le temps, celui que l'on perçoit et celui qui nous transperce, et même comme si elle en devenait, de tension en scansion, de scansion en abandon puis en scansion encore la plus parfaite (je veux dire, accomplie) incarnation.

Et le visage nu tendu en offrande à la tombée de lumière. — N'est-ce pas là le lot le plus louable, notre seule espérance en fait sur terre ? Devenir nous-même le temps qui entoure, le temps dont nul ne sait la nature.

Lorsqu'après une pause d'immobilité et de silence enfin elle se lève, son règne se fait vertical. Debout, au centre de son cercle, en écoute de ce qui bat, c'est comme si lui était proposée une chance de devenir adulte. Maybe une illusion ?

Car à cet instant précis un cliquet lancinant se met à retentir, et cela fait naître une des images volées les plus frappantes de la création : la fuite à pas précipités hors le premier cercle, dans une attitude qui irrésistiblement me fait songer à Eve et Adam chassés d'Eden, tels que les figura Masaccio. Quel est le paradis perdu ?

Elle gagne un second cercle, d'un rose plus éclairé, plus proche de l'avant-scène et de nous autres. Se tient l'oreille droite où niche, croit-elle, le cliquetis du temps, des invisibles qu'elle ingère et qui la tirent en arrière ou la frappent soudain. Elle-même exhale des souffles qui lui reviennent tendrement ou pareils à des gifles. Elle se couche et se love en

enfançon, toute de sensualité incessée. Tout cela est danse et magie. La parolesouffle dont à terre elle se saisit provoque un nouvel accroissement du cercle-sol de lumière.

C'est à ce moment-là que la musique concrète faite de coups de sonde, cliquets, bourdon fait place à une montée de violoncelle où bientôt l'on reconnaît une audacieuse variation de la Sonate au Clair de Lune . Dans ces stridences majestueuses, sa danse déploie de légers pleins et des déliés désivoltes et nous découvre un bref moment l'ampleur insoupçonnée que chacun de nous – jadis, un jour, jamais – aurait pu atteindre. Sauf que le cœur s'emballe sous les pizzicatis, que le cercle se reforme et se referme, que chaque mouvement se fait plus resserré. Pourtant là encore, le solo de Bo Kyung Lee célèbre l'abandon du corps à ce qui le traverse, fut-ce brutalement.

Alors, l'étendue de la scène et en partie la salle se parent de rayons bleutés. Alors que l'éclairement au sol est total, bientôt l'espace partout se barde d'invisibles murailles, et les fusées qu'en ports de bras elle projette lui sont immanquablement renvoyées. Liberté limitée, trafiquée, annulée, il n'est plus aucun chemin pour revenir au centre. Ce qu'elle reçoit maintenant, sont-ce des mots ou bien des coups, las, elle glisse à terre, fugitivement repasse par des figures du tout début, se confronte aux limites sournoises de ce qu'on avait cru transparence

Quelques secondes de presque noir, avant que la Sonate revenue fasse pleuvoir sur elle un cercle étroit de lumière lunaire, où elle se tient un moment immobile. Elle le quitte, en perd à nouveau le centre, prend de nouveau d'invisibles coups, de plus en plus profonds, vers l'épuisement se dirige. Un instant lui viendra l'impulsion de réagir. Elle courra, nous visera de deux doigts faisant pistolet, comme s'apprêtant à nous flinguer de maux et de mots silencieux avant de se retenir in extremis, à bout de souffle, et d'abaisser son bras.

Comme si abasourdie elle percevait enfin ce qu'elle avait failli faire.

Une seconde encore elle se reprend, elle tient debout, le regard dans le vide. Mais soudain se projette à plat ventre dans un dernier cercle couleur chair. Se saisit d'un dernier invisible qui peut-être est lumière pure. Un instant fœtus & souffle & mer. S'écroule encore.

Et la scène revient à la Nuit.

8 Ônomad 8 Ônomad

Chaplin & Beckett

pire

Seungkwan

“Dire un corps. Où nul. Nul esprit. Ça au moins. Un lieu. Où nul. Pour le corps. Où être. Où bouger. D’où sortir. Où retourner. Non. Nulle sortie. Nul retour. Rien que là. Rester là. Là encore. Sans bouger. Tout jadis. Jamais rien d’autre. D’essayé. De raté. N’importe. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux.

SouvenonS

nouS qu'à la fin deS filmS Charlot s'en allait vers le couchant. Et que dans ses pièces les plus sombres, une aurore aux doigts clairs pare de vide les horizons de Beckett. Bien sûr, par ces happy ends Charlot faisait route vers le meilleur — jouait au moins à le faire croire. Beckett, lui, met Cap au pire Yang Seungkwan explore le même continent. La geste Rater encore développe et accomplit en virtuose du “ Rater sans cesse, rater sans hâte, rater mieux” il la tire d'une pièce de théâtre du vieux maître extrême–zenoccidental. Mais il la mène à un humanisme regardé par Chaplin. Prologue.

Entré côté jardin sous un jour de soleil vert, nous happe sans coup férir car se déplace… avec des béquilles. À cet instant du commencement ce soir-là je ne peux empêcher en moi deux pensées : celle de la toute jeune fille blessée qui s'est assise à ma gauche juste avant le lever de rideau, disposant à portée de main les deux béquilles qui l'accompagnent ; et celle de… Coleridge écrivant ceci de Shakespeare : que l'une des méthodes utilisées par l'extraordinaire dramaturge pour inventer des personnages consistait à « leur concevoir une faculté intellectuelle ou morale en excès morbide, puis à les placer, ainsi mutilés ou malades, au sein des circonstances ». Règle infrangible qui veut que le héros ou l'héroïne porte blessure, invisible ou apparente. Une jambe de bois par exemple. Et voilà que paraissent Achab et Long John Silver. Et nous voici face à un danseur jeté avec une paire de béquilles au centre de la scène nue.

“Un lieu. Où nul. Fut un temps où essayer voir. Essayer dire. Comment exigu. Comment vaste. Comment si non illimité limité. D’où la pénombre. Plus maintenant.

L'excès en lui ? Immédiatement manifesté, et par ce jeu familier aux mimes : la main palpitant sous la chemise pour faire le cœur qui bat. Si fort qui bat. Et soudain notre homme de s'affronter à tout l'espace, déjeté par le sol et jusqu'aux murs au moyen de l'arme double qui le définit : son élan, et ses cannes. Bien vite c'est vers le ciel que celles-ci manivelles tournent et tourbillonnent, et c'est face au ciel ou contre lui que grâce à elles il se lève, c'est-à-dire tente de s'élever, sans cesse échoue et tombe, sans cesse, ardemment se relève, et passionnément (patiemment aussi) recommence.

“Su seulement nulle sortie. Pas su comment su seulement nulle sortie. Entrée seulement. Donc un autre. Un autre lieu où nul. D’où une fois venu donc où nul retour. Non. Nul lieu que l’unique. Nul autre que l’unique où nul. Donc jamais une fois entré. Tant mal que pis là. Sans au-delà. Sans en-deçà là. Sans de-ci de-là là. Sans en-deçà sans de-ci de-là là.

Si l'œuvre mixte Danse contemporaine et Danses de rue, les images que fait naître Yang Seungkwan nous rallient à un imaginaire au confluent de la performance, de la chorégraphie, du théâtre et même du cinéma des origines. Sous une lumière de constant crépuscule : par définition, une lumière occidentale

On devine que le soleil est de plus en plus chaud, que le ciel descend de plus en plus bas sans que cela le rende plus aisé à atteindre, que le Tout écrase à tel point que le danseur finit par tomber la veste, épuisé, mais persiste.

“Tant mal que pis se mettre et tenir debout. Tant mal que pis y tenir. Ça ou crier. Le cri si long à venir. Non. Nul cri. Debout simplement. Fut un temps où essayer comment. Essayer voir. Essayer dire. Comment d’abord il gisait. Puis tant mal que pis s’agenouillait. Peu à peu. Jusqu’à ce que debout enfin. Plus maintenant. Rater mieux plus mal maintenant.

Tenir debout n'est-ce pas déjà et au moins persister ? À se heurter, se confronter, à s'en faire mal et… fail again. Échouer au risque de disparaître. Ce qui inéluctablement arrive : voilà le danseur avalé par la porte même par laquelle il était apparu.

S'ensuit un laps d'au moins trente secondes de scène désertée, nue sous une lumière de noir violet. Lorsque Seungkwan reparaît, alors qu'un silence fracassant a rompu sa frénésie d'échappées, posément il ramasse la veste tombée, méticuleusement il fait tenir ses béquilles en équilibre au centre de la scène, l'une en appui de l'autre, et tendrement les habille du vêtement qui jusque-

ramène à Chaplin. Car ainsi couvertes les béquilles se métamorphosent en enfant. Enfant perdu, enfant trouvé… Juste un enfant, petit qu'on accompagne, petit qui aspire à grandir. Un Autre à qui transmettre.

Dans cette ultime partie de Rater encore tout devient alors transparent, et s'empreint de douceur. Issue de la transmission et de la nostalgie des choses qui ne sont jamais arrivées, qui n'arriveront certainement plus : tenir debout sans béquilles, sans séquelles, atteindre l'étoile jadis visée. Mais on peut au moins conter ces tentatives, on peut au moins transmettre la nécessité d'essayer. Avec Vers le pire et deux cannes en guise de pinceaux, Yang Seungkwan peint le tableau actuel d'une condition humaine tournée à la fois vers l'inéluctable (difficile de ne pas lire le futur de notre planète entre ces déversements de lumière brûlante choisis pour la création) et vers l'intériorité qui n'appartient à aucun temps.

Certes nous sommes d'imparfaites créatures, inaccomplies et comme ci ou ça handicapées. Certes nous allons échouer, et à la fin disparaître (à moins que…). Mais il n'est pas nécessaire de réussir pour entreprendre, édicte la sagesse populaire. L'inéluctable n'est pas l'irrémédiable. J'ai des béquilles mais je tiens debout. Je ne peux marcher bien mais je danse. La quête est en soi une bénédiction. Nous avons osé, nous avons tenté, nous avons vécu, my friend. Nous tenterons encore, et ce n'est pas une lutte mais la seule façon d'être.

Cette geste dansée, à la poésie toute cinématographique, nous dit que la vie si dure (Une vie difficile est le titre d'un merveilleux film italien qui dit la même chose) n'est, malgré tout et peut-être, pas qu'un tour de piste. Car si chacun de nous est en route vers le pire, encore peut-on passer par le meilleur.

Dans le contexte précis du Festival Soum et de la rencontre désirée entre les soirs brûlés d'Occident et l'Orient des matins frais, notons que cette chorégraphie absolument contemporaine et qui fait voyage vers l'art dansé, joué, narré, filmé… occidental, pourrait trouver attache en un genre bien particulier de la danse traditionnelle coréenne : celui du 병신 , byeongsinchum, la “Danse des handicapés” pratiquée initialement pour, dit-on, railler les nobles yangban. Si tant que le colonisateur japonais décréta son interdiction parce que par trop “vulgaire”, et que notre Aujourd'hui si corseté la juge “discriminatoire et blessante pour les personnes souffrant d'un handicap”. Sans méconnaître ces explications, il me semble cependant nécessaire de regarder au-delà, au-delà et par-delà. Je me souviens par exemple que dans le bouddhisme le qualificatif “noble” ne désigne pas une classe sociale mais l'état d'union avec — l'état d'accomplissement par l'unité. On trouvera ainsi aussi bien du Noble silence que des nobles petits-déjeuners et… du noble balayage ! Alors peut-être la mise en lumière par l'Art d'une faille interroge-t-elle en vérité la possibilité même de l'union — si tous nous souffrons de quelque manque, si tous nous sommes blessés, amoindris, handicapés.

Cela rejoindrait la conception grecque du handicap, et notamment de la boiterie, première à leurs yeux entre toutes les tares puisqu'elle atteint « les deux capacités essentielles de l'être humain : la verticalité et le déplacement autonome » Au droit héros de l'Antiquité épique, pour qui force, complétude et beauté sont de norme, la modernité de Vers le pire substitue un Claudiquant. Un infime à notre image qui envers et malgré tout, et contre même le Ciel, métamorphose son chaos intérieur en une étoile dansante.

9 9 4. Vers le
YANG

I NTERVIEWS & e ntredances

J'ai posé les deux mêmes questions aux 4 chorégraphes du Festival Soum :

1. Que signifie ta danse pour toi ?

2. Quel est à tes yeux le cœur de la création que tu as présentée ? Quelle en est l'intention chorégraphique ?

— Voici leurs réponses. A lain a.

Je voulais présenter Salpuri comme une danse qui soulage de tous les chagrins et toutes les tristesses de la vie, et nous rend plus léger le chemin vers l'au-delà.

4. Sangyeo . L'un des rites funéraires traditionnels en Corée consiste à décorer le cercueil de fleurs. Ici, la danseuse se pare elle-même de fleurs comme et elle fait marche sur le chemin de l'au-delà… mais dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Cela représente le temps avant la naissance, c'est donc un retour à l'origine.

pris la place de qui on est. Cette danse est un geste pour se déshabiller du masque, retrouver le vrai moi, et rencontrer la vraie liberté.

AN Jae hyun

1. La danse est ma vie, la danse est moimême. J'ai commencé à danser à l'âge de 6 ans, et depuis la danse a été mon moteur. Chaque fois qu'une crise est survenue dans mon existence, la danse m'a réveillée et m'a fait savoir que j'étais en vie.

2. Au cœur de la création d'Encore une bonne journée ! , il y a eu la tristesse et la peur ressentie du fait de décès dans ma famille ou parmi des amis, suite à un accident, une maladie… C'est une œuvre chorégraphiée avec à l'esprit l'heure vague de la mort. Ses différents mouvements, Ssitgim ,Yeom, Salpuri, Sangyeo , je les ai joués à ma manière, à la façon d'une cérémonie funéraire intime, qui me serait destinée. Tout en étant basée sur la respiration et le mouvement propres à la danse traditionnelle coréenne, c'est une œuvre essentiellement fidèle à mes sentiments personnels et à mes émotions profondes.

1. Ssitgim (laver) Déposer des Jijeon (monnaies de papier) c'est comme se défaire de ses propres traces. La danseuse se lave des lourds fardeaux de sa vie, et cela symbolise sa propre tombe.

2. Yeom est l'un des rites organisés en Corée lorsqu'une personne meurt. À cette étape c'est le corps qu'on nettoie. Dans la création, la danseuse prend un moment pour cette cérémonie et elle se purifie.

3. Salpuri , également appelé Danse de tissu. On raconte que ces mouvements se sont développés dans le chamanisme. Alors dans ma création une musique chamanique spécifique à Salpuri m'accompagne. Car dans mon cœur, Salpuri révèle et reflète le dynamisme en œuvre depuis toujours (et aujourd'hui aussi) dans le processus d'images intérieures menant le danseur à la danse.

1. Pour moi, la danse est imagination, transformation et communication.

L'intention de base est de l'ordre du rêve et de la guérison. Car je crois au pouvoir de guérison de l'art. Pendant que vous dansez, fermez les yeux et imaginez ce que ce serait d'être immergé dans un bain lustral. J'espère que je pourrai voyager quelque part pendant un certain temps et que la douleur et le chagrin enfouis en moi, et comme oubliés, pourront être guéris par la danse.

2. Un Cover s'inspire des fausses identités que l'on s'est créées par et pour les réseaux sociaux. De l'image de nous qui vivons donc derrière ces masques.

Du pouvoir qu'on en retire, pense-ton, dans la vie quotidienne que l'on soit faible ou fort. Comme il est effrayant et difficile de se voir ensuite sans ornement (ni masque, ni pose, ni filtres…), de faire face à l'image masquée de soi que l'on a inventée puis de rejeter cette façade !

L'œuvre met en question les valeurs sociales, de richesse, de “popularité”, etc. : les images du pouvoir entretenu par ces médias sociaux, qui se répandent sans raffinement aucun. Il me semblait nécessaire de revenir sur ces masques exagérément polis ou provocants qui ont

J'ai commencé à chorégraphier Un Cover à Paris, où je vis, un jour où j'ai eu le sentiment que les gestes et les expressions des gens ressemblaient à une sorte de mascarade. Les 10 minutes de la première version sont devenues 15 puis 20 avant l'œuvre achevée présentée lors du Festival Soum en mai 2022 Lorsque je créais, c'était comme une sorte de jeu de rôle dans lequel vont et viennent les postures et les émotions de divers personnages. J'ai tenté d'exprimer différentes facettes, animales autant qu'humaines, telles que la façon instinctive de percevoir l'autre, la relation entre le supérieur et l'inférieur, la façon de relationner d'un politicien, d'un prétentieux… Au début je pensais “un masque c'est prétentieux”, mais lorsque me sont apparues les possibilités, justement parce qu'on porte un masque, de se faire plus libre, et plus courageuse, cela m'a semblé à la fois contradictoire et intéressant*

Par le travail chorégraphique se sont ainsi dissipés les aspects négatifs et frustrants de la ‘persona’ (rôle social ou personnage joué)… Et c'était bien de pouvoir ainsi trouver et formuler ma propre réponse : parce que nous, les humains, sommes faibles, je pensais qu'une distance maintenue et une bonne armure d'apparence(s) feraient une force qui me protégerait. Était-ce bien vrai ? Or, nous pouvons vivre avec un masque ou bien visage nu. C'est au choix et selon le désir de chacun. Mais la conclusion de ce travail chorégraphique est l'espérance que la figure, l'être profond et le geste libre qui sont les plus “moimême” n'ont nul besoin de masque.

* Pourrait-on rapprocher cette remarque empirique de Sun-A de la pratique villageoise des danses Talchum et Sandaenori , danses masquées, si populaires dans la Corée de l'ère Joseon, car autorisant leurs interprètes à librement mettre en scène satires sociales ou de mœurs, critiques de la corruption entretenue par les Yangban (aristocrates) et les moines ?

Il est des monstres qui magnétisent. Avant de passer à la chorégraphie, à Paris, c'est un tableau de Goya, le Sabbat des sorcières, vu au Prado de Madrid, qui a fait naître en Sun-A Lee l'impulsion créatrice d'Un Cover.

De par la toile, autour du bouc triomphant, tout un cénacle grimaçant de sorcières. Elles ont toutes les tenues, tous les âges et communient joyeusement à cela qui reste, selon Goya lui-même, un cénacle des masques. Que l'on arbore, et qui nous transforment (en tout cas on le voudrait) ; que l'on affiche, et qui dans le même mouvement dénoncent aux autres quelque chose de nous — mais quoi ?

Goya, lui, dénonçait. Il appartenait à ces cercles espagnols éclairés par les Lumières, où nul croque-mitaine ne saurait avoir nulle place. Son bouc émissaire est très mignon. Son tableau, une satire de cette époque où l'Europe envoyait au bûcher des femmes accusées de pactiser avec le diable. La question n'est-elle pas, comme toujours, des libertés parcimonieusement accordées aux femmes, des pouvoirs maléfiques que les hommes leur attribuent ? Et qui au XXI e siècle revendiquent l'état de sorcières. Sun-A Lee mène sa création de la découverte un temps réjouissante des identités factices –qui en fait sont doubles, di/ables, et di/ vises – à un sabbat en sabot : violente confrontation en réseau avec celles et ceux qui eux aussi arborent de tels pavillons semblables et dissemblables, leurs propres masques et postiches… Mais à la fin enfin, à l'abandon de toute pose, au retrait du soi vers le ciel. Celles et ceux qui veulent, Happy few, sauront voir, distinguer, élire, le masque étant tombé, une prière pour l'identité, et la révélation d'une féminité lumineuse.

LEE Sun-A Francisco de Goya, Le Sabbat des Sorcières, 1797-1798. Détail
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1. J'ai commencé à danser au temps de mon enfance errante. Constamment je me retrouvais à découvrir quelque chose à travers la danse… et à faire les choses en dansant. Je me souviens de tous ces aprèsmidi de week-end à pratiquer en solitaire dans un studio déserté tandis que le soleil brille, et ce sont pour moi autant de souvenirs de printemps. Je pense que les manières, et ma personnalité, et la façon de traiter les gens naturellement, je les ai acquises grâce à la danse. Cet apprentissage est devenu un grand atout pour moi, une force motrice aujourd'hui dans ma vie.

Après avoir obtenu mon diplôme universitaire, la chorégraphie est devenue mon nouveau domaine d'apprentissage. C'est désormais pour moi un devoir et une joie de créer et faire œuvre d'art par la recherche, en collectionnant et matérialisant et transformant en danse divers éléments… Un nouveau moteur de mon présent et de ma vie. Mon intérêt pour la danse s'est transformé en amour, me pousse à réfléchir, à entretenir une vision du monde différente. Comme un défi, un apprentissage constant et un enregistrement de ce qui m'arrive. Oui, mes danses et mes pensées sont mes moyens d'enregistrer ma vie. Et c'est la plus grande bénédiction de ma vie que d'avoir rencontré la danse, cet art noble. Par là j'exprime ma constante reconnaissance envers mes parents qui tout petit m'ont encouragé à danser. Conserver ma relation forte à la danse est aussi un acte de piété filiale.

2. Je voudrais d'abord dire que ce travail a été ma plus grande bataille avec moimême et que j'y ai retrempé ma volonté brûlante de chorégraphe et de danseur. Je pense que la danse solo est un travail vraiment difficile. M'affronter à ce défi me semblait nécessaire afin de réfléchir sur moi-même et évoluer en tant qu'artiste.

Comme le titre Try again, Fail again l'indique, j'ai voulu créer une œuvre… pleine d'espoir, qui stimule la vie et l'éveil ! Dès le début, m'est venue à l'esprit l'idée des béquilles. Un accessoire qui peut tenir debout sur quelque

chose, qui est facile à transporter, qui augmente ou l'empathie ou les préjugés.

Un problème technique aussi. J'ai chorégraphié diverses façons d'utiliser ces béquilles afin d'augmenter leur pulsation de vie au fil de l'œuvre et cela a créé comme un répertoire de défis et échecs : les prendre à l'endroit, les tenir à l'envers, marcher avec à l'envers, y suspendre mes vêtements, en faire des échasses, transformer mes béquilles habillées en oiseaux, chevaux… et même croix ou pierres tombales afin de symboliser le passage de toute vie à la mort.

Et puis j'ai trié, sélectionné, ordonné… Fail again est une œuvre qui me coûte tant d'énergie, des litres de sueur et de respiration rauque : c'est comme vingt minutes de course folle sans s'arrêter jamais. Un travail tellement dur – et les représentations m'essoufflent tant –que je n'ai pas d'autre choix que de me répéter intérieurement le mantra : « Je peux le faire, je peux le faire je peux le faire ».

Les mois passés à louer une salle de pratique quotidienne, à m'y entraîner seul et tout juger par moi-même, ont été très solitaires et difficiles. Aujourd'hui ils sont mon plus précieux trésor. Au fil des années, les ennuis et les difficultés semblent augmenter de plus en plus. Je rêve que vous voyiez mon travail et en tiriez l'énergie nécessaire à vous relever et avancer encore.

«…Levée la main de l’enfant pour atteindre la main qui étreint. Étreindre la vieille main qui étreint. Étreindre et être étreinte. Tant mal que mal s’en vont et jamais ne s’éloignent. Lentement sans pause tant mal que mal s’en vont et jamais ne s’éloignent. Vus de dos. Tous deux courbés. Unis par les mains étreintes étreignant. Tant mal que mal s’en vont comme un seul. Une seule ombre. Une autre ombre… »

Et une autre lumière :

les citations en orange insérées dans la recension de Try again Fail again pages précédentes sont extraites de la pièce monologue originale de Samuel Beckett, Cap au Pire.

1. Le sens que je poursuis par la danse est l'empathie. Dans nos vies quotidiennes, des drames grands ou petits, et joies petites et grandes, surviennent. Tout cela s'intègre au processus de création. Par la transformation en danse, les impressions minimes, les petits mouvements sont éclairés, agrandis, représentés sous une forme augmentée, plus émouvante d'instinct, et les sensations sont plus fortes. La raison pour laquelle j'apprécie de communiquer avec le public par la danse est que la danse que je poursuis n'est pas une danse que je pratique pour me satisfaire, mais un échange naturel et honnête avec les êtres : je ne fais pas semblant, j'essaie d'identifier et exprimer le vrai sens sans mensonge ni embellissement. Une sympathie surgit spontanément alors, qui vient de ce que les souvenirs et les émotions latentes du public, ces images intimes et qui sont à chacun personnelles, se superposent à mes propres souvenirs et images que j'évoque et invoque en dansant. Ils les revivent à travers moi dansant. Le public se soulage ainsi des mauvaises situations et des souvenirs difficiles par des larmes ou des rires. Comme quand on regarde un film au cinéma et qu'on se sent un peu mieux en sortant, d'avoir ri… ou pleuré. À l'avenir, je continuerai à travailler la danse en « sympathie » afin de toucher le cœur des êtres.

2. Big Mouth II est une histoire sur les “mots” que les gens prononcent. Certaines personnes sont blessées “par des mots”, et d'autres sont rassérénées “par des mots”. Les gens « parlent » si facilement, ignorant les blessures que leurs paroles peuvent infliger. Comment faire réfléchir ceux qui, sans le savoir ou intentionnellement, ont quelquefois par des mots laissé à d'autres des souvenirs douloureux ? Big Mouth II est une œuvre qui chorégraphie l'idée selon laquelle les mots blessants vous blesseront vous-même un jour… Aussi soyez prudent lorsque vous parlez.

AN Jae-Hyun Jae-Hyun est danseuse et chorégraphe.

Sa connaissance profonde des danses originelles coréennes lui permet d'évoluer entre tradition et modernité.

Ces deux inspirations se retrouvent dans son travail. Fondatrice d'une association dédiée en France à la pratique des danses de Corée, organisatrice de festivals et d'échanges internationaux, elle est également professeure de danse, notamment au Centre Culturel Coréen de Paris.

LEE Sun-A C'est un solo, Performing Dream, créé en 2007 qui a révélé Sun A. Distinguée lors de la Yokohama Dance Collection, cette œuvre lui a fait remporter le Prix du jeune chorégraphe de l'ambassadeur de France, et… l'a finalement conduite jusqu'à Paris. Depuis, ses créations ont tourné dans plus de quinze pays européens ou asiatiques. Danseuse, chorégraphe, artiste, Lee Sun-A est également professeure de yoga, ce qui transparaît dans son art.

YANG Seungkwan Seungkwan est passionné par l'idée de convergences. Sur un mode très contemporain, sa démarche de danse convoque & évoque bien d'autres arts : vivants, sauvages, acrobatiques, de la rue, voire le théâtre et le grand écran. Tous éléments agissants qu'il intègre dans son processus de création. Il vit et fait œuvre à Seoul.

LEE Bo Kyung Bo Kyung est chorégraphe, danseuse & directrice artistique du BK Dance Project à New York. Doctoresse au département de la danse vivante et des arts de la scène de l'Université de Hanyang en Corée du Sud, son travail présenté dans plusieurs pays lui a valu de nombreuses récompenses internationales, dont le 1er prix du Concours international de danse contemporaine de Mexico placé sous l'égide de Pina Bausch. Parrainage qui touche son âme et son cœur.

SoUM a un rêve, des esprits, de l'énergie, des bras bénévoles et… un site : https://www. festivalsoum.com/

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Conflit de genre en 2030 les propos recueillis par Ônomad

2030 : la génération MZ de la Corée

2030 — Déterminés à se créer un avenir hyperconnecté, créatif, audacieux et respectueux de l'environnement, entrés sur le marché du travail depuis le commencement des années 2010, les membres de la génération MZ sont aux commandes en Corée. Ils se consacrent désormais à une expansion mondiale de leur pouvoir et influence.

À Séoul, c'est aujourd'hui le terme collectif MZ qui regroupe les Millenials (ou génération Y : personnes nées entre le début des années 1980 et la fin des années 1990) et la génération Z (personnes nées après 1998). Les MZ renforcent la culture sur l’industrie de manufacture historique de la Corée. Non-expérimentées de guerre concrète, elles n’ont pas peur de missiles balistiques du Nord. Plûtot elles conduisent la nouvelle ère de ‘30 Glorieuses Années de Corée’: BTS Army, Squid Game, dramas… Exerçant, et acceptant, une influence fondée sur les réseaux sociaux, les MZ privilégient le bonheur personnel plutôt que collectif, le partage plutôt que la possession, l'expérience plutôt que les biens. Défis sociaux communautaires, nationaux et mondiaux se sont multipliés depuis l'invasion russe en Ukraine. Et pour les Z de cette “génération”, ne comptent plus ni la guerre de Corée ni la dictature d'État des années 60-90 : elles ont grandi avec le Myanmar, la mise au pas de la tourmente de Hong-Kong et la déflagration du Brexit, les crises régionales et celles liées à la mondialisation, l'essor incontrôlé des GAFA, l'inexorabilité éventuelle du changement climatique… Et tout récemment avec le Covid-19, et l'invasion russe en Ukraine.

De fait, les Z sont avant tout des « digital natives », nés après l'irruption massive du numérique – internet et smartphones –dans nos vies.

Qu'ils soient lycéens stars d'Instagram, fondateurs de start-up, virtuoses d'e-games et autres consoles, ces jeunes de 18 à 25 ans apprennent par eux-mêmes devant des écrans omniprésents et tentateurs. Dans des sociétés incertaines, cette génération a dès l'âge tendre plus appris à rouler mouse qu'à rouler leur bosse. Les Z vivent ce qui pour eux est une évidence : grâce aux possibilités infinies du virtuel, leur ambition et leur intelligence vont changer le monde. Au bout de leurs doigts, les réseaux sociaux créent un écosystème générateur de richesses. Acceptant cet état de fait, pour décider de leur propre destin ils sont hyperconnectés. Arme privilégiée d'expansion ? Leur smartphone, qui sert à chacun non seulement à communiquer et s'informer mais à élaborer puis construire son ou ses identités, et à s'engager. Réalistes, hyperconnectés, inventifs : telles sont les lignes directrices par lesquelles se définissent les tenantes et les tenants de la Génération MZ.

Conflit de genre en 2030

Contrairement à ce qui s'est passé en France où 68 a entraîné de profonds changements favorables à l'entrée des femmes sur le marché du travail, aucune évolution du système social coréen n'y a préparé le pays. Or, depuis le début du XXIe siècle, le taux d'augmentation des activités économiques féminines a été extrêmement rapide. Ni l'État ni le peuple ne pouvaient réagir à ce bouleversement inédit.

Lors de l'élection présidentielle du 9 mars, Lee Jae-myung (battu par un infime écart de 0.73%) a reçu dans toutes les régions de Honam (Jeollados) le soutien écrasant de plus de 80 % du vote des femmes entre 20 et 40 ans. Et sur l'ensemble du pays, les résultats électoraux révèlent un vote des électrices entre 20 et 30 ans à 58 % pour Lee Jae-myung contre 33,8 % pour Youn (après 30 ans, aucune différence significative). Ce résultat très nettement en faveur du candidat Lee étant pressenti très avant le scrutin, certaines études expliquent ainsi le recentrage stratégique de son adversaire – finalement vainqueur – sur ce qui a semblé favoriser un engagement suprémaciste masculin : conflictualisant les questions de genre puisqu'il savait ne plus pouvoir gagner le vote des très jeunes femmes. L'élection de Yoon Seok-ryeol a donc souligné l'opposition entre les genres, le président élu recueillant le vote de 58,7 % des « hommes dans la vingtaine ». Pourtant les conservateurs ne sont pas toujours du côté de l'intégrisme masculin.

Les résultats d'une enquête IFOP du 20 avril 2022 révèlent que le nombre d’électrices qui trouvent que Marine Le Pen est « féministe » est nettement supérieur (49 %) à la proportion de femmes qui qualifient Emmanuel Macron de « féministe » (30 %). Par ailleurs, « Au second tour de 2002, le vote en faveur de son père était deux fois plus faible chez les femmes (11 %) que chez les hommes (26 %). Cette différence n'existe plus. » a précisé François Kraus (20 avril 2022 par Jeanne Paturaud et Mayeul Aldebert).

Sous le règne du président Park Chung-hee (années 60 et 70), empruntant le modèle économique japonais luimême inspiré du modèle centralisateur français de De Gaulle, la Corée multiplie les plans de développement et transforme son économie.

Défendant une vision des emplois du futur en Corée, à destination justement de la génération 2030, le gouvernement Yoon Seok-ryeol brosse le tableau à venir d'une « société intégrée » qui « résou(dra) les conflits de genre ». Selon le gouvernement, la génération 2030 aura un niveau d'éducation très élevé. S'y multiplieront des start-up informatiques prospères, de jeunes entreprises à risque et plus généralement des jeunes économiquement riches.

Toutefois, jusqu'ici, génération après génération la plupart des jeunes sont placés dans l'urgence de trouver un emploi, et gouvernement et entreprises ont l'obligation de coopérer afin de redynamiser le marché du travail.

En dépit de sa stratégie électoraliste, on espère que la nouvelle administration du président Yoon, qui a pris ses fonctions le 10 mai, identifiera la racine des problèmes économiques de la génération MZ, trouvera des solutions au marché du travail de l'ensemble des jeunes et réduira les conflits liés aux questions de genre.

-Yoon Seok-ryeol
12 Ônomad 2030

Le dicton populaire à leur intention est glaçant :

« Dormez trois heures par nuit, vous atteindrez le ciel : une SKY University (Seoul National University, Korea University et/ou Yonsei University).

Dormez quatre heures par nuit, vous finirez par être admis dans une autre université. Mais si vous dormez cinq heures ou plus, surtout en dernière année de lycée, vous n'avez aucune chance d'entrer dans quelque université que ce soit. »

Salaire 37 000 euros par an pour commencer :

voilà ce qui est proposé en moyenne aux nouveaux diplômés des secteurs informatiques et numériques. Car l'industrie a besoin d'eux. Après les troubles des entreprises du jeu, et ceux du commerce électronique, après que l'industrie des portails a souffert en 2021 de l'agitation des développeurs, les problèmes de ransomware se sont étendus aux sociétés de semiconducteurs.Et c'est ainsi que le salaire annuel d'un nouvel employé de SK Hynix dépasse 60 000 euros (80 millions de wons – hiffres 2021) si l'on additionne : salaire de base, participation aux bénéfices, incitations à la productivité pour le premier et le second semestre et incitations spéciales.

De son côté, afin de séduire les membres de la génération MZ, Hyundai Motor Company remanie en profondeur son système de rémunération au rendement. Mais la réalité globale est tout autre. Contrairement aux États-Unis et à l'Europe, qui se sont déjà relevés de la pandémie, la Corée n'a pas élaboré de solution préparant son marché du travail à l'effet 2030. Quel type de système social résoudra ses problèmes structurels ? Examinons d'abord la situation actuelle des collegials (l'organisation des études supérieures, ou tertiaires, en Corée du Sud est calquée sur celle des États-Unis ; les college schools y regroupent les établissements postsecondaire proposant des études en deux ans menant à l'université — comme les classes préparatoires et certaines grandes écoles en France — à des diplômes techniques, etc. on nomme collegials les élèves de ces écoles).

L'avenir de la jeunesse en Corée. Combien d'années pour obtenir un diplôme universitaire en 2030 ?

Enquête 2021 sur l'activité économique des jeunes

Taux national de scolarisation au secondaire 80 % 2020 / 78 % 2015 / 76 % 2011

Le taux de scolarisation au secondaire en Corée est bien plus élevé que dans nombre de pays. Et en 2020, le taux d'entrée à l'Université était de 79,4 %, le plus élevé des dix dernières années (75,8 % en 2011) marquant une régularité à la hausse. Or cela entraîne… une difficulté à trouver un bon emploi avec seulement un diplôme de college school/ d'études secondaires/un diplôme de type bac(Suneung)+2.

Le film Suneung démontre combien pression familiale, sociale et angoisse peuvent mener les lycéens au suicide : car en Corée, cela fait longtemps qu'il ne suffit pas "d'avoir son bac"

Toujours dans l'idée de gagner l'université, certains passent donc par une college school, souvent technique (comme en France, ces études dites courtes permettent éventuellement de réintégrer la fac en 3e année). Sauf que le « Si tu réussis à entrer à l'université, tu pourras faire ce que tu veux dans la vie » des professeurs qui logiquement suit le précepte Suneung ne crée plus, chez les lycéens ou les collegials, rien moins qu'une

illusion. Après en moyenne 3 ans d'études exigeantes et acharnées, les étudiants réalisent la dure réalité du marché de l'emploi : nombreux se consacrent alors à s'y préparer, y compris en mettant "temporairement" leurs études en pause, en recherchant à les poursuivre et valoriser à l'étranger et en cherchant à prévoir ce qui arrivera après l'obtention de leur diplôme (sans compter le fait que les garçons seront soumis à deux années de service militaire obligatoire). C'est pourquoi elles et ils sont bien peu, qui parviennent en quatre années au bout de cursus universitaires définis sur quatre ans. Le tableau cidessous montre le temps effectif nécessaire aux étudiants pour être diplômés, la fréquence des demandes de congés sabbatiques plus ou moins obligés et la durée moyenne du congé accordé.

Durées des scolarités secondaires et universitaires Au secondaire, la durée moyenne des études (jusqu'au Suneung) est de 4 ans et 3,4 mois : 5 ans et 0,5 mois pour les garçons, 3 ans et 8,6 mois pour les filles.

À l'université, la maîtrise en 4 ans est en moyenne acquise en 5 ans et 1,6 mois ; 4 ans et 5,8 mois pour les femmes… 6 ans et 1 mois pour les hommes. Ce différentiel est énorme : les hommes y mettent deux ans de plus que les femmes notamment en raison du service militaire obligatoire. Immédiatement après avoir été libérés de l'armée, si la plupart des conscrits retournent à leurs études c'est pour en terminer. Tandis qu'en étant entrées au même âge à l'université, les femmes pourront soit en sortir plus tôt, soit mener leurs études plus haut.

Congés en cours d'études : motifs, durées, expériences

Parmi les jeunes diplômés des college schools, la proportion de ceux qui ont demandé et pris un congé était de 48,1 %, 75,4 % pour les hommes et 27,8 % pour les femmes. À l'université (où la quasi-totalité des cursus est sur 4 ans) le taux de ceux qui ont pris un congé est de 56,7 % et le taux de ceux qui ont obtenu un diplôme de trois ans ou moins est de 34,9 %.

La somme des rapports de composition dépasse 100 avec des réponses multiples.

Côté hommes, la principale raison des congés accordés est le service militaire.

Côté femmes : préparation aux tests d'emploi et de qualification, formation linguistique, expérience sur le terrain…

Il est démontré que quasiment tous les hommes interrompent leurs études en raison du service militaire, tandis que les femmes prennent un congé afin de s'assurer une période où bien préparer leur prochaine entrée sur le marché du travail.

13 EMPLOI - 2030

Statut actuel de la jeunesse dans la société coréenne

L'âge moyen des Coréens est de 43,7 ans. Au vu de l'âge médian mondial – 28 ans – le pays n'est pas très jeune, d'autant que la part des 1529 ans, le groupe des jeunes proprement dits, ne représente que 19,5 % de la population totale, une proportion relativement faible. Dans une telle société, comment nos jeunes commencentils à exercer des activités économiques ? Quelle est leur situation professionnelle, leur premier salaire, leur ancienneté dans l'emploi et le temps qu'il leur faut pour en trouver un premier ?

Statistiques préalables à l'emploi

l'étude de Job Korea publiée sur Alio (système d'information sur la gestion des institutions) quant aux salaires pratiqués par 36 entreprises publiques.

L'écart salarial de départ entre grandes et petites entreprises est de 10 000 euros annuels (en faveur des grandes entreprises naturellement). Pour atteindre quasiment le double en fin de contrat (étude de Lee Sangjae, Joongang economy, 13/06/2021).

Ma petite entreprise changera le monde

Temps requis pour obtenir un premier emploi

En moyenne, un jeune Coréen obtient un premier emploi 10,1 mois après son diplôme d'études secondaires ou universitaires. 49 % des jeunes l'obtiennent en moins de 3 mois. Et environ 25 % entre 3 mois et 1 an.

En outre il est démontré que celles et ceux qui arrêtent leurs études juste après le secondaire mettent plus de temps à trouver un emploi : 1 an et 2,2 mois en moyenne, contre 7,7 mois pour les diplômés universitaires.

Salaire du premier emploi

Au moment de l'obtention d'un premier emploi, le salaire moyen le plus élevé se situait autour de 1120 € (entre 1,5 et 2 millions de won), les hommes percevant un salaire relativement plus élevé : de 2 millions de won ou plus.

Statistiques de démission

Salariés qui quittent leur premier emploi : 68 % Actuellement dans leur premier emploi : 32 % Ancienneté moyenne dans le premier emploi : – les jeunes quittent leur premier emploi environ 1 an et 2 mois (en moyenne) après y être entré.

– ancienneté moyenne d'un.e jeune employé. e dans son premier emploi : 2 ans et 3,2 mois (si on ne considère que les premiers emplois salariés, l'ancienneté moyenne est de 1 an et 6,2 mois). Cette durée moyenne relativement élevée semble indiquer une certaine satisfaction des entrants.

Raisons de quitter le premier emploi

Les motifs d'insatisfaction le plus souvent énoncés concernent les conditions de travail, et notamment : la rémunération et les heures de travail.

D'autres raisons personnelles sont avancées : telles que la santé, la garde des enfants et le mariage. 13 % des répondants à l'étude l'ont fait alors que leur premier contrat s'était achevé.

En mars 2021 , Job Korea a interrogé 267 grandes entreprises sur les salaires annuels pratiqués pour un premier emploi : obtenant une moyenne de 31 700 euros annuels (41,21 millions de wons). Ce résultat confirme

Telle est la foi dans les pouvoirs d'information et de communication dont dispose la génération MZ. La consommation éthique prescrit d'effectuer des achats rationnels : les produits qu'on achète le sont en fonction de l'éthique qui nous guide… ou de la satisfaction qui nous oriente. Ces consommateurs "éthiques" achètent des produits correspondant à leurs croyances et à leur système de valeurs. Celles et ceux qui privilégient une consommation éthique considèrent non seulement la qualité des produits, mais aussi l'impact qu'auront leurs achats sur la société dans son ensemble. Ainsi l'achat de produits végétaliens comme l'achat de produits dont les bénéfices se verront reversés à des institutions s'occupant de chiens abandonnés (par exemple) peuvent être vus, par des cibles identiques ou différentes, comme des actes de consommation éthique.

Cette force orientant les actes de consommation est appelée Meaning Out : soit l'expression de croyances et valeurs individuelles à travers la consommation. La génération MZ privilégie le partage de “valeurs” et démontre une tendance certaine à communiquer sur le fait qu'ils et elles sont des “consommateurs et consommatrices éthiques”

Tandis que l'économie mondiale traversait une dure récession du fait des prolongements de la crise pandémique, les entreprises ont subi des changements spectaculaires. Si la plupart des PME coréennes ont accusé

le coup, elles se sont relevées avec force. Cependant de nombreuses autres sont tombées si bas qu'il y règne encore une atmosphère délétère et que dans la société de nouvelles expressions sont devenues à la mode : « échelle brisée » ou « cette vie est ruinée »… Il en est allé de même pour nombre d'entreprises créées par la jeune génération. A peine lancées, des start-up n'ont eu d'autre choix que de fermer leurs portes car elles n'avaient pas de socle social de base. D'autres, obligées de réduire leurs investissements du fait de la pandémie, ont fait face à de lourdes difficultés.

Pourtant les Coréens dans la vingtaine et la trentaine, qui maîtrisent parfaitement les nouvelles technologies, n'ont pas peur de faire erreur et font leur entrée sur les marchés professionnels avec la plus grande confiance. Leur agilité et leur adaptabilité semblent supérieures à toute autre génération.

La pandémie passée, la consommation éthique a continué son essor, notamment par l'entremise des consommateurs et des entrepreneurs de la génération MZ. Prenant le dessus sur une consommation guidée par le prix, la fonction ou la marque, la consommation éthique est ainsi devenue un acte identitaire et générationnel. En se plaçant au centre de ce terrain-là, de nombreuses sociétés de capital-risque ont capté l'attention (et les achats) de la génération MZ. Il n'est pas étonnant que la plupart des dirigeants et dirigeantes de ces néo-entreprises appartiennent à cette même génération : de fait, non seulement ils et elles sont également des adeptes de consommation éthique mais elles et ils mettent en œuvre une éthique de la production de biens.

La forte influence des consommateurs MZ est fondée sur les réseaux sociaux. Même les mineurs parmi eux expriment leurs convictions par l'achat d'articles “porteurs” de valeurs sociales comme de messages particuliers. Leur très vive attention numérique leur permet de rapidement analyser et traiter les données pour interagir et inventer de nouvelles solutions. En ce senslà, le monde dans lequel ils se réalisent n'est pas un monde virtuel : ils aiment le concret, et surtout, ils n'ont pas peur de l'échec, sont armés d'une parfaite maîtrise des nouvelles technologies, de relations via des réseaux sans limites et d'une confiance inébranlable dans leurs erreurs que les jeunes investissent dans les spécialités. Leur part sur le marché de la consommation augmente en vertu même de leur puissant pouvoir d'information et d'influence. Celui-ci affecte également les décisions d'achat des générations antérieures : les Baby-boomers, la génération X et la génération Y. « Si une valeur n'est pas communiquée avec succès, elle ne sert à rien. Le seul facteur fondamental qui mène au prix que l'on est prêt à payer est la valeur perçue par le client. » (Hidden Champion d'Hermann Simon)

À combien s'élève le « salaire du premier emploi » pour les jeunes de 2030 ?
2030 - VALEUR SOCIALE
14 Ônomad

Yang Yoon-a, CEO

La marque de mode Vegan Tiger a été fondée en 2015 par Yang Yoon-a (40 ans). Yoon-a s'intéressait à la mode depuis son enfance, et comme beaucoup d'enfants, aux animaux exploités. Après trois ans dans un groupe de défense des droits des animaux (elle était chargée de signaler les abus), Madame Yang a ouvert les yeux sur la nécessité pour elle de respecter les animaux en tout acte de consommation que ce soit.

Vegan Tiger est aussi bien l'enseigne de sa compagnie que son propre surnom : mue par le cœur, elle enchaînait les défis avec une telle force ardente que son ami l'avait baptisée « Tigresse Vegan ».

UNLIMEAT Viande végétarienne

En Corée du Sud, la marque Unlimeat propose une viande alternative. Fabriqué à partir de matières premières végétales, ce produit de substitution respecte le goût, l'arôme et la texture de la viande animale. Mais aussi sa présentation : galettes, tranches, barbecue effiloché, boulettes etc. sont disponibles. Si on substitue un kilogramme de cette "viande sans viande" à un kilo de bœuf, on réduit le carbone de 67 kg CO2eq (équivalents dioxyde de carbone). La Jiguin Company, qui a lancé Unlimeat, déploie également e-Clinker une autre de ses entreprises alimentaires. Elle s'occupe de créer des produits riches en nutriments par recyclage de matières premières jusqu'ici rejetées au stade de la transformation, comme le riz brun et le soja. Grâce à ce nouveau procédé, la Jiguin Company prévoit une multiplication par dix de ses ventes. Yang Gwangseok, son directeur, a déclaré : « 70 % de la génération MZ regardent nos produits positivement, et l'intérêt pour la viande alternative ne cesse de croître. Nous ambitionnons de réduire les émissions de carbone grâce à l'efficacité énergétique. et mener une campagne continue de réduction des émissions de carbone. »

UNLIMEAT

Les hypermarchés E-Mart ont commencé à distribuer quatre types de substituts Unlimeat dans les magasins d'élevage de 20 magasins de la région métropolitaine. L'Unlimeat se caractérise par une teneur élevée en protéines associée à un taux zéro de cholestérol et de gras trans du fait de sa composition 100 % végétale.

présentant comme « une créatrice de mode à la pointe de la culture végétalienne », Yang a mis sur pied un festival bisannuel pour promouvoir la mode végétalienne. Cette stratégie a porté ses fruits. Au fur et à mesure que le Vegan Festival s'est fait connaître par le biais des médias sociaux, les demandes de parrainage de célébrités se sont multipliées. Et lorsque les animateurs de MBC TV, les mannequins, les chanteurs se sont mis à porter des vêtements Vegan Tiger, l'intérêt pour la mode végétalienne, et pour Vegan Tiger, a augmenté. Les ventes ont monté en flèche. La majorité des clients de Vegan Tiger appartiennent à cette génération MZ attachée à une consommation éthique : 60 % des acheteurs ont entre 19 et 35 ans et 20 % ont entre 35 et 45 ans. Le PDG Yang partage les mêmes valeurs que sa clientèle, la génération MZ.

8 clients de Vegan Tiger sur 10 appartiennent à la génération MZ. La consommation éthique constitue également un « changement de perception »

Selon le Rapport de recherche sur le style de vie et les valeurs de la génération MZ, la moitié des personnes interrogées ont répondu qu'elles choisiraient de respecter leurs valeurs dans leurs actes de consommation même si celle-ci devait en devenir "moins pratique". La raison pour laquelle la génération MZ est attachée à la consommation éthique est qu'elle est/serait plus préoccupée par l'environnement que les générations précédentes. Selon le MZ Generation EcoFriendly Practice and Consumption Trend Research Report de Oh Jong-tak, 88 % de la génération MZ juge “graves” les problèmes environnementaux. A prix et conditions équivalentes, ils ont répondu choisir les produits d'une entreprise écoresponsable. Leur action en faveur d'une plus grande protection de l'environnement se traduit également par la prise d'informations et l'étude de contenus lié à l'environnement (44,2 %). Autres volontés marquantes : « suivre et s'abonner à des influenceurs liés à l'environnement 22.3 %) » et « participer à des campagnes de défis liés à l'environnement (53,4 %) ». De tout cela émerge une mode dite consciente, en anglais 'Conscious et Fashion', écoresponsable et définie par le lien entre une production et une consommation éthiques prenant en compte toutes les étapes de transformation et de distribution des vêtements. Ainsi évidemment que le choix des matériaux à utiliser pour les fabriquer, leur "naturalité" et/ou autres avantages en termes de recyclage et réduction des émissions de carbone.

En France, dans quelle mesure la consommation éthique augmentera-t-elle ?

Sous le slogan "Cruelty 3 Free", Vegan Tiger fabrique des produits mode et tendance, durables, sans jamais utiliser de matières animales. Une partie des bénéfices est reversée à des organisations de protection des animaux. L'entreprise est clairement identifiée comme créatrice de valeur/éthique.

Lorsque Yang s'est lancée via la plateforme de commerce électronique Cafe24.com, le véganisme n'était pas familier à l'industrie de la mode. Se

Selon une enquête menée en juillet en 2020 auprès de la génération 928 MZ par l'application de gestion de la croissance Grow, 7 % des répondants se sont identifiés comme consommateurs éthiques. L'intérêt pour l'environnement était de 64,7 %. En termes d'activités pratiquées afin de respecter celui-ci, « le recyclage a pris la première place avec 40 %, le sans plastique la deuxième (36,1 %), et le zéro déchet la troisième (29,4 %) ».

Ainsi, la génération MZ s'intéresse particulièrement à l'environnement et montre clairement que cet intérêt oriente sa consommation. (les propos recueillis par l'équipe Ônomad)

De CEO Vegan à la génération MZ Partager les mêmes valeurs que ses consommateurs
Il n'est pas aisé de renoncer à l'envie de manger de la viande.
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Our Nations "Beyond The Borders" CITIZEN DMZ BTS White House
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