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ADRIANO SUR les traces du plus gros tarE du foot mondial

orgies sexuelles, alcoolisme, favelas businnes... l’enquête brésilienne

RAYNALD DENOUEIX POURQUOI LE MEILLEUR ENTRAÎNEUR FRançAIS N’a pas de club / DARREN fletcher l’ecossais qui ne buvait pas... / sébastien frey bouddhisme, tigres et tuning / exClusif du foot dans les camps de gantanamo + ROMARIO, ARCHAVINE, V. VALDES, RANIERI, JUANITO


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SO FOOT> EDITO

Timing «Evidemment que je pars pour l’argent.» Quand on lui a demandé, innocement, pourquoi il quittait l’OM, un club probable champion de France au moment de sa prise de décision, pour Al-Hilal, Arabie Saoudite, Eric Gerets n’a pas tortillé: les temps sont durs, l’argent des émirs n’a pas d’odeur. Et voilà que la sacrosainte trinité marseillaise Diouf-Anigo-Gerets, montrée sur un piedestal, implose. Le président olympien a tardé à reconduire le contrat (et, plus probablement, à le revoir à la hausse) de celui qui fut, mi-mai, oscarisé au titre de «meilleur entraîneur de ligue 1». Ce dernier s’est vexé comme un enfant frondeur; preuve que si le Belge est soucieux d’afficher clairement sa position, Gerets n’a pas attendu que les offres de clubs «sérieux» pour annoncer son départ, saisir la liasse saoudienne et flanquer par terre en une semaine ce qu’il avait mis plus d’un an à construire. Quelques jours après la confirmation de son départ, l’OM se faisait en effet remettre à sa place par un OL dont le retour en forme était d’autant plus insperé qu’hors délai. Définitivement, le championnat de France se sera joué sur une histoire de timing. Et ce n’est pas Paul Le Guen qui dira le contraire. A quatre journées de la fin, le PSG était encore un prétendant sérieux pour une place au tour préliminaire de la ligue des champions. Mais «bazy» Bazin a sorti le hachoir pour tailler un menu costard à l’ami Le Guen. Et le PSG s’est écroulé au pied du podium, se faisant, au passage, humilier par Jelen et les garçons de Jeannot Fernandez. Quelque part, tout cela est réjouissant; si la Ligue 1 a conservé un semblant d’intérêt cette saison, ce n’est pas tant parce que Lyon s’est mordu la queue, mais bel et bien parce que même quand on tente de nous faire croire que tout va pour le mieux chez les annemis marseillais et parisiens, c’est toujours autant le foutoir. En fait, le vrai danger pour le football français, c’est Bordeaux. Pas assez branque. Ah qu’il était bon, l etemps de Claude Bez et Madame Agnès... GS

OURS So foot, mensuel édité par SO PRESS, SARL de Presse au capital de 450€, RCS N°445391196 10 rue du commandeur 75014 Paris Tél. 01 43 22 86 96 (préférez l’e-mail) E-mail: nom.prenom@sofoot.com Administration rédaction conception. Gérant, Directeur de la publication Sylvain Hervé Directeur des rédactions Frank Annese Responsable administratif et financier Javier Preto Santos Directeur d’édition Guillaume Bonamy Rédacteur en chef Stéphane Régy Secrétaires de rédaction François L’Homme-Haret, Oktobre et Florian Sanchez Rédacteurs en chef www.sofoot.com Florian Sanchez et Pierre Maturama. Comité de rédaction Dave Appadoo, Pierre Arnaud, Olivier Aumard (Géraume) Bac, Joachim Barbier, JD Beauvallet, François Bégaudeau, Paul Bemer, Thomas Bohott, Laurent Brun, Olivier Broucard, Romain Canuti, Mickaël Caron, Simon Capelli-Welter, Benjamin Delassus, Renaud Dely, Vikash Dhorasso, Lucas Duvernet-Coppola, Brieux Férot, Gilles François, Julia Fouqet, le ‘Colonel Parker’ Chérif Ghemmour, Alexandre Gonzalez, Thomas Goubin, Marc Hervez, Nicolas Hourcade, Gauthier de Hoym, Damien Jeannes, David Kalfa, Eric Karnabaeur, Maylios de Kansagal, Pierre Koetschet, Jea Damien Lesay, Nicolas Kssis-Martov, Christophe Lalo, Maxime Marchon, Pierre)Etienne Minonzio, «Van Gogh» Riou, Correspondants Duccio Mantellassi, Ramon Usali, Sébastien Prieto, Michel Werthenschlag, Guillaume Perrier, Perrine Mouterde.

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SO FOOT> SOMMAIRE

AVANT MATCH

6 INDEX 8 BOUZARD 10 rapidos: Hermach, DIeuze et coutadeur 12 Photos du mois: ERIC abidal 14 TENNIS BALLO: DOminique A 15 arbre généalogique: kahlenberg d’auxerre 15 charts: le classement des meilleurs joueurs européens 16 les trois vraies bonnes questions du mois: sven-göran ericksson a-t-il été victime de la grippe porcine? Mais pourquoi les bretons sont-ils devenus aussi relous que les ch’tits? Stéphane Dalmat a-t-il un problème d’alcool? 17 Médias: faut-il nécessairement être jolie pour présenter du foot à la tV? 18 TRIBUNE VIP: JOhn paris 18 Mais qu’est-ce qu’ils footent? Jean castaneda 19 INFILtré: thiriez fait du théâtre 20 Une histoire vraie: la vie fantasmée de biri-biri 22 POlitique: juppé, collomb, gaudin, renards des surfaces électorales 24 jour après jour: un mois de foot en france et quelques faute de vie a la culotte 28 MAIS qui es-tu vraiment molo al-fayed? 60 xavi, la classe d’un geek 70 souleymane diawara : que la fête continue! reportages 54 bora milutinovic: tintin chez les irakiens 64 Liban: le football pris en otage Légende 82 DANEMARK 92, des vacanciers héroïques cahier international 74 lu, vu, détendu 76 espagne: pIqué, la main dans le sac 78 italie: superga, et la face du foot italien en fut changée 29 angleterre: newcastle, la fin d’un château de cartes 81 angleterre: cristiano ronaldo, un beau melon culture foot 86 cantona/loach. pourquoi leur film est raté 90 raoul ruiz raconte n’importe quoi 92 30 l’homme de rio. Reportages sur gilles peterson, dj gunner les traces du footballeur le plus décrassage 95 test: que père de joueur êtes-vous 96 so foot du moment. Qui délivrera au loto foot: cheryl cole 98 passage une phrase qui résume l’ensemPierre la police 98 preble de son oeuvre: «que les riches me parmier lecteur

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adriano, parce qu’il est encore vivant

donnent, je préfères rester avec les miens» 34 adriano et ses frères. ronaldo, robinho, vagner love, fred, cicinho... l’europe les dérpimait, le brésil les a réchauffés. la preuve qu’un bon barbecue vaut toujours mieux qu’une ligne de palmarès. BONUS WEB

SOFOOT.COM fait sa mue en juin. Tout au long du mois, le site va évoluer vers une nouvelle formule qui fera de sofoot.com tout simplement le meilleur site du monde.


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SO FOOT> REPORTAGE

So Foot, janvier 2007, entretien sans gants avec Grégory Coupet, alors à l’Olympique Lyonnais: «Il ne suffit pas d’être riche pour être classe. Moi je vois certains mecs, ils sont déguisés... Ils portent tous les mêmes jeans et le croient classe. La classe, tu l’as ou tu l’as pas. Ce qui me dérange, c’est ça, un mec se ramène avec un caleçon et dans la semaine qui suit, tout le monde l’a. C’est un manque de personnalité flagrant!»

Par Damien Jeannes / Photos: Panoramic

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En 1985, 70% des hommes de plus de 18 ans se faisaient acheter leurs slips par leur femme

ou leur mère. Pourcentage tombé à 42% en 2008. Le boxer représente aujourd’hui 50% des ventes, avec des concepts marketing tel que le rembourage effet «gros paquet». Mais stop! Petite coupe, petit slip. Mathieu Valbuena est devenu actionnaire et ambassadeur de Kahmo Sutra, marque marseillaise de sous-vêtements créée en 2006 par d’anciens rugbymen. La marque, dont le logo plagie celui de Kappa mais dans une position différente (sic), se définit «fashion et sport», mais tend davantage vers le vulgaire, entre un lâcher de vachettes et un présentoir de station balnéaire. Bien loi de Gattuso et de ses copains huilés en Dolce & Gabbana. Mais demandons l’avis d’une spécialiste, qui en voit chaque jour de toutes les couleurs: Luna, fleur de macadam, rue Saint-Denis à Paris: «Vous savez, moi, du moment qu’il est propre...»

Cinq cents petits malins par an à tenter de frauder l’examen du permis de conduire anglais. Et parmi eux, Charles N’Zogbia. Lorsqu’il s’est pointé au centre de Sale le 21 avril pour passer la conduite, le milieu de terrain de Wigan, 23 ans, n’a même pas eu le temps de mettre son clignotant qu’il avait déjà deux bobbies sur le dos. Direction une bonne petite garde à vue des familles. Motif: sans doute surchargé par son harassant emploi du temps de footballeur, N’Zogbia aurait envoyé, quelques jours plus tôt, un pote valider le code à sa place. «Le joueur a sans doute été mal conseillé. Nous allons colaborer avec la police et avec Charles pour sortir de cette situation de

manière positive», a tenté d’aplanir son entraîneur Roberto Martinez. Qui devra sans doute faire mieux, et plus: la gruga façon Doués n’a en effet pas fait rigoler l’Angleterre, où la sanction peut aller jusqu’à dix ans de prison. Ballot, d’autant que le joueur formé au Havre était jusqu’ici sur la pente ascendante. Comparé à Messi dans son club, N’Zogbia, qui a porté le maillot de la France en équipe de jeunes, attend depuis eux mois un signe de Fabio Capello. Le sélectionneur de l’Angleterre avait en effet annoncé en février qu’il envisageait de lui faire une petite place dans son vanity case pour l’Afrique du Sud. Là, ça semble râpé. Mais que N’Zogbia se rassure: la République démocratique du Congo (dont il est originaire) est toujours prête à l’accueillir à bras ouverts, de même que le Gabon, où certains sites locaux le réclament chez les Panthères de Daniel Cousin. Là-bas au moins, il sera pas emmerdé par la paperasse. Par Thomas Pitrel / Photo: Actionimages


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SO FOOT> COUVERTURE

Il devait devenir le plus grand attaquant de la décennie 2000. Finalement, Adriano a préféré envoyer au diable les trophées, les grands clubs européens et les récompenses individuelles qui lui étaient promises pour retourner vivre sa passion chez lui, à Rio. Auprès de ses amis trafiquants, de ses bières et de ses femmes. Reportage sur les traces du plus s u i c i d e p r o f e s s i o n n e l d e p u i s G a r r i n c h a . - P A R M A X I M E M A R CH O N E T J A V I E R P R I E T O S A N T O S , À RIO DE JANEIRO, AVEC LOUIS GENOT / PHOTOS: MM, O DIA, GILVAN PHOTOS

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l n’y a pas que les volcans d’Islande qui entrent en éruption. A 100 000 kilomètres de l’Eyjafjöll, et sous 35° C à l’ombre, le chauffeur de taxi cueille à froid le touriste à peine débarqué de l’aéroport international Antonio Carlos Jobim: «Tu veux une chambre? Je peux te ramener une fille qui aime le cul... Ton copain, il la prend par derrière et toi par devant!» Bienvenue à Rio de Janeiro... «Ici il y a trois choses que tu peux trouver vingt-quatre heures sur vingtquatre: des taxis, des putes, et des voleurs.» Joe le taxi est plutôt du genre à prendre des raccourcis. Car il oublie le plus important: le futebol. Dans deux jours se tiendra la finale du championnat carioca, entre deux clubs historiques de la ville, Botafogo et Flamengo. Un choc, mais aussi et surtout le match qui marquera le retour de blessure d’Adriano. Adriano, l’Empereur. Comme le dit Claudio, un habitué de la plage de Copacabana: «C’est maintenant qu’il faut s’intéresser à Adriano. Pendant qu’il est encore vivant.» Ceux qui n’ont pas vu la version 2004 du Brésilien, peuvent s’en mordre les doigt. Agé de 21 ans à peine, le jeune attaquant est alors considéré comme le digne successeur d’un Ronaldo déjà beaucoup trop gros. Alberto Zaccheroni, son ancien coach à l’Inter, en est à l’époque convaincu: il tient là la nouvelle merveille mondiale du football mondial. «Il est moins dynamique que le meilleur Ronaldo, mais il est beaucoup plus fort que le meilleur Ronaldo.» Avec son phy-

sique hors norme, le chaînon manquant entre l’homme et le yéti impressionne. Certains lui prophétisent pourtant déjà une carrière en dents de scie. 3adriano est un grand joueur quand il veut, mais le problème, c’est qu’il joue affreusement mal depuis quelques mois.» L’analyse est signée Arrigo Sacchi, alors directeur sportif de Parme. Dès 2003, le visionnaire chauve avait exprimé ses doutes sur la bête brésilienne. Le temps lui aura finalement donné raison: Adriano n’était pas fait pour durer au plus haut niveau.

«COMME UN ENFANT DE SEPT ANS» 3 août 2004. Almir Ribeiro Leite, le père du joueur, meurt à Rio, dans la favela de Vila Cruzeiro. Débute une lente descente aux enfers pour son fils, qui ne s’entraîne plus, ne joue plus, ne marque plus. A la place, il accumule les voyages au pays. Le Brésilien semble alors atteint d’un syndrome incurable typiquement carioca: la saudade aiguë. Le 2 avril 2009, TV Globo annonce même officiellement sa mort. Adriano se serait fait buter par des trafiquants dans sa favela natale, lors d’une énième escapade improvisée dans le dos des dirigeants Nerazzurri. En fait, il faisait la fête. Quelques jours plus tard, l’attaquant ressuscite et convoque une conférence de presse dans laquelle il annonce son intention de mettre sa carrière en pointillé: «Je ne suis pas content en Italie. C’est à Rio que je me sens bien. Ici je suis à côté de ma famille et je peux me promener en claquettes tranquillement dans la rue.» Dans la foulée, l’Inter le délivre de ses souffrances. Flamengo décide alors de réaliser un énorme coup marketing et sportif en montant une opération financière express per-


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LA RAGE DE VAINCRE DES FAVELAS

mettant de rapatrier l’une des grandes stars de la Seleçao. Retour à la case départ. «Je suis content comme une enfant de sept ans, se réjouit Adriano. De toute façon, si j’avais choisi un autre club que celui-ci, ma grand)mère m’aurait tué.» Jacarzinha, la comunidade coupe-gorge de Romario, Barra de Tijuca, le quartier ultrachic équipé de malls, concessionnaires de luxe et maisons témoins, puis Mangueira, la favela aux écoles de samba les plus réputées du pays. Pour se rendre à Ninho do Urubu, le camp d’entraînement du Flamengo, prévoir une heure et demie de trajet en voiture depuis Rio. Merci Adriano. Avant son arrivée, les rubro negros s’entraînaient dans les quartier huppé de Lagoa, situé en plein centre-ville de la mégalopole. Seulement voilà: O Emperador habite en banlieue, dans les quartiers résidentiels de Tijuca. Et il n’a pas envie de s’emmerder dans les embouteillages. Alors le club a déménagé...

Programmé pour l’après-midi afin d’offrir à la star la possibilité de s’accorder une grasse matinée, l’entraînement rameute sa pelletée de journalistes locaux. Qui ne se font guère d’illusions. «Avec Adriano, on n’est sûr de rien. Il se murmure qu’il est présent. Mais la vérité c’est qu’il choisit les jours où il vient», souffle un type de Sport TV. Veille de match, la séance du coach se fait partiellement à huis clos. Roberto, 70 piges et des airs d’Uncle Ben’s, accompagné de Ricardo, son pendant jeune en surpoids, bloquent l’accès au terrain avec deux plots de chantier. Les deux gardiens du temple, talkies à la main, expliquent qu’ils veillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Ordem et progresso. Les grattes-papiers prennent leur mal en patience dans la bicoque d’accueil aux couleurs du club, qui sert accessoirement de buvette. Ventilateur de mauvais western, petite télé avec Inter-Juve en bruit de fond, néon pourri, canapé d’un autre âge, réfrigirateur qui bourdonne: visiblement, le Clube de Regatas Flamengo fait dans la récup’


SO FOOT> COUVERTURE jusque dans l’équipement. En retrait, trois jeunes espoirs du club en claquettes-casquettes se sifflent un coca sur les marches d’une petite bicoque. Fernando, le plus âgé, défenseur des moins de 17 ans, prend le temps de raconter son pain Adriano quotidien: «C’est l’un des seuls pros avec Vagner Love qui vient nous voir jouer. Bizarrement, j’ai l’impression qu’il conseille plus les défenseurs que les attaquants. Par exemple, il m’a pas mal aidé sur des questions d’appuis et d’anticipation.» Bon.

103 kilos sur la balance Cet après-midi, Adriano est bien là. Une centaine de mètres plus loin, sur le terrain d’entraînement, l’attaquant peine à mettre la théorie en pratique. Mains sur les hanches, l’ancien intériste suffoque entre deux appels de balle. Heureusement pour lui que la pelouse de balle. Heureusement pour lui que la pelouse fait dix centimètres de haut et ralentit en conséquence la course du ballon. Quand Adriano arrive à en toucher un, il croque. Sans qu’aucun coéquipier ne monte sur lui au duel: la star vient tellement peu souvent aux entraînements que ces derniers semblent ne pas vouloir l’en dégoûter. Quand le coach Andrade sprinte enfin, vers les Gatorades disposées sur une table en plastique blanche. Son regard vide s’arrête sur un tas de fumier qui brûle. Au loin, la jungle, et quelques habitations de fortune.

L’attaquant a l’air de bouder, à moins que ce ne soit son double menton qui donne cette impression... Il est 19 heures, il fait toujours 30° C, et des moustiques gros comme des M&M’s font leur apparition. Le soleil se couche sur la mangrove. Place à la conf ’ de presse. Installé dans l’Algeco décapotable, le coach rubro negro raconte une bonne blague avant le match contre Botafogo: il est ravi du travail effectué par Adriano... Il ne le sait pas encore, mais dans quatre jours, il sera au chômage. Voilà où ça mène de raconter des conneries.

Poule aux oeufs d’or L’impression se confirme le lendemain au Maracana lors de la finale du championnat carioca: Adriano est gros comme un tonneau. 103 kilos sur la balance et des fesses qui lui bouffent son short-parachute à chaque ‘accélération’. Il se permet même le luxe de rater en fin de match un penalty décisif. Au coup de sifflet final, Botafogo est sacré champion de l’Etat de Rio. Malgré une prestation navrante, à la sortie du stade, la

RONNIE, RONALDO et adriano, les trois stars de la seleçao


torcida flamenguista n’en veut pas au joueur. Adriano jouit ici d’une énorme cote de sympathie auprès des supporters, qui l’idolâtrent encore pour son titre de meilleur buteur acquis lors du Brasileiro 2009. Un titre honorifique sur lequel il capitalise pas mal: «En ce moment, Flamengo ne gagne pas beaucoup. Il manque un poil de courage à mes coéquipiers... Je leur manque. Quand ils me voient à leurs côtés, ils sont plus en confiance et ils sont meilleurs. Mes compagnons savent que je peux résoudre n’importe quel problème à n’importe quel moment.» Ce genre de discours mégalo, ses coéquipiers l’avalent tous les jours sans broncher. A l’image de l’international chilien Maldonado, trop heureux de réciter le bonheur de jouer avec un ‘craque’: «Adriano est fondamental dans le groupe. C’est un leader silencieux, une personne qu’on respecte. Il est capable d’insuffler de la sérénité aux autres joueurs. Quand il prend la parole tout le monde l’écoute sagement. Mais c’est aussi un blagueur. Par exemple, il n’arrête pas de me vanner sur le Chili. Il ne se prend pas pour une diva. Il ne dit pas ‘oui, moi je suis Adriano et je fais ce que j’ai envie’. « En gros, c’est le chouchou. A la boutique du club, 70 % des maillots vendus portent son flocage - numéro 10 dans le dos, naturellement. De quoi expliquer pourquoi les dirigeants passent tous les caprices de leur poule aux oeufs d’or. «Pour l’attirer, le club a été obligé de lui concéder quelques facilités afin de compenser son manque à gagner financier, sinon il ne serait pas revenu, éclair Carlos Mansur, auteur d’un ouvrage sur le club. Par exemple, quand il ne vient pas aux entraînements, il doit juste prévenir le staff technique, sans pour autant donner d’explications valables sur les raisons de son absence.» Voilà l’un des nombreux privilèges du roi. Il en a d’autres. L’avant-centre est également exempt de décrassage et de tours de terrain, ne fait pas de mises au vert, ne monte pas dans le bus avec le reste de ses coéquipiers, et bénéficie de deux

jours de repos quand le reste de l’équipe doit se contenter d’un seul. Le tout figure noir sur blanc dans son contrat. A ces avantages accordés officiellement par le Flamengo, il faut ajouter les quelques extras que le joueur gratte quotidiennement. «Il y a des fois où il a des problèmes personnels et logiquement il ne vient pas à l’entraînement», excusent naturellement Maldonado et sa coupe à la brosse.

Baile funk à Rocinha Il est vrai qu’au pays de la Tele Novela, les «problèmes personnels» d’Adriano prennent une dimension inimaginable. Le Presidente est aussi présent dans les pages sport qu’à la rubrique faits-divers. Parfois, cela le fatigue. «Quand je suis bien, personne ne s’intéresse à moi. Mais quand je ne marque pas, c’est parce que je suis gros, parce que j’ai des problèmes extrasportifs...», lâche-t-il dans un soupir. Dernièrement, Adriano aurait offert un million de dollars à l’édition brésilienne de Playboy, simplement pour racheter des photos caliente de son ex, Joana Machado. Cette dernière est devenue célèbre il y a quelques années pour avoir arboré le plus petit string du Carnaval de Rio. Neuf centimètres de tissu suffisamment minimalistes pour faire scandale, même dans le pays qui a déposé la licence du tanga. Le dernier épisode de l’histoire d’amour tumultueuse entre Joana et Adriano a eu lieu le mois dernier, lors d’un baile funk du côté de la favela de Rocinha. Ce soir-là, Machado a explosé à coups de pierre quatre bagnoles de luxe appartenant

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ADRIANO de retour au brésil


SO FOOT> REPORTAGE adriano Ă la poursuite de son but...


LEITO RIBEIRO

ADRIANO

Né le 17 février 1982 à Rio De Janeiro (Brésil) 1,89 m, 103 kg Attaquant Clubs: Flamengo (2000-01), Inter (2001-02), Fiorentina (2002), Parme (2002-04), Inter Milan (2004-07), Sao Paulo (2008), Inter-Milan (2008-09), Flamengo (depuis 2009). PALMARES: champion d’Italie 2007, 2008 et 2009, coupe d’Italie 2005 et 2006, supercoupe d’Italie 2006, coupe des confédérations 2005, Copa America 2004, champion du Brésil 2009. International brésilien, 52 sélections, 29 buts.

«Si tu vas à Rio n’oublie pas de monter làhaut…» Là-haut comme il dit, Dario Moreno se serait sans doute fait crever. Sur les collines qui encerclent Rio et ses plages paradisiaques se trouvent les plus grands ensembles de favelas d’Amérique du Sud. Parmi ces townships made in Brazil: Vila Cruzeiro, le QG d’Adriano. «Le spa», comme il l’appelle, est le seul endroit sur terre où personne n’ose venir l’emmerder. Et pour cause: la dernière fois qu’un journaliste s’est est rendu pour les besoins d’un sujet sur les narcos, son corps a été retrouvé calciné, et découpé en plusieurs morceaux. «Depuis que Tim Lopes s’est fait assassiner par les trafiquants de drogue, la direction de Globo a interdit à

tous les journalistes d’aller à Vila Cruzeiro. Ca n’en vaut pas la peine et surtout c’est beaucoup trop dangereux». Pour s’en rendre compte, il suffit de gravir les 365 marches -une pénitence par jour- qui mènent ç l’église Nossa Senhora da Penha. Le temple évanglque domine toute la vallée du complexo do Alemao, dont Vila Cruzeiro fait parti. D’en haut, le panorama est saisissant. Des milliers de baraques en briques rouges et en tôle rouillée s’entassent dans une cuvette naturelle, coincée entre un bout de jungle peuplée de vautours Urubu -la mascotte de Flamengo-, de résidences «légales» type HLM et de pans de collines menaçant de s’effondrer au moindre orage. Les chiens qui aboient à la mort, les chants gospels qui sortent de la petite église du coin et les pots d’échappement des motos-taxis viennent à peine briser le silence d’un jour férié. Malgré l’apparente tranquillité, entrer dans la favela se révèle extrêmement difficile. Pour pénétrer dans le quartier, il est indispensable de demander au préalable la permission aux patrons des lieux: les narcos. La guérilla quotidienne que se livrent les parrains des favelas et les tropa de elite corrompues a en effet rendu les moradores(2) complètement paranos. Pas moyen de rentrer avec un taxi normal: l’accès est contrôlé par les chauffeurs de combis Volkswagen et des motos-taxis, conduits à toute berzingue par des jeunes torse poil. Une fois à l’intérieur, c’est la cour des miracles et son lot de voitures défoncées, de murets salement tagués et de regards suspicieux. Seule une échoppe avec une vitrine toute neuve remplie de tongs Havaianas aux couleurs de la France, de l’Argentine et de l’Allemagne tranche avec le délabrement général.

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aux joueurs du Flamengo venus groover sur invitation de son fiancé. Mais cela, c’est du pipi de chat. Parce que les vraies fêtes d’Adriano, ce sont celles que le joueur organise dans sa prison dorée de Barra de Tijuca. De véritables orgies auxquelles tout Rio se presse. D’une durée qui peut atteindre plusieurs jours, ces bacchanales accueillent avec œcuménisme travestis, top-models, joueurs de foot, personnages interlopes, gangsters. Parfois, on peut aussi y croiser des animaux. Les échos qui en sortent laissent songeur: de source «sûre», on y aurait vu dernièrement un nain pratiquer du sexe anal avec un âne. Pour mettre sur pied pareilles débauches, Adriano a mis en place une organisation parfaitement rodée. Son ami Ed tient le rôle de rabatteur, un job qui consiste à sélectionner les plus belles meninhas gostoas du carré VIP du people, la boîe de nuit banchée du coin. Ses cousins Rafael, Macarrao et Wagner, eux, lui servent de petites mains, et accessoirement de videurs. Ainsi peinard, Adriano peut profiter à plain temps de son dernier achat hi-tech: un frigo à 3000 euros consacré exclusivement à la bière, qui permet d’atteindre une température optimale pour la consommation de houblon en un temps record de quinze minutes.


SO FOOT> REPORTAGE

Des pochons de crack à son effigie Mais qu’est-ce qu’Adriano peut bien venir foutre ici? Début de réponse de l’intéressé: «Quand les gens deviennent célèbres, ils ne peuvent plus faire ce qu’ils veulent. Moi au contraire, j’aime être à côté de mes copains d’enfance. Les gens disent que je vis en marge de la société, c’est peut-être vrai. Mais sans manquer de respect aux riches, je préfère rester avec les miens.» Le siens, c’est notamment Maria, qui habite la comunidade depuis trente ans. La quadra permanentée parle du joueur de la Seleçao comme d’un voisin: «Ici Adriano n’est pas une star. Personne ne s’étonne en le voyant, il passe inaperçu.» Installé au-dessus de son deux pièces-cuisine jaune, son neveu Rafael, 29 ans, a même tapé la balle avec le héros du coin: «J’ai connu Adriano quand j’étais gardien de but de l’équipe qu’avait fondée son père, à Vila

Cruzeiro. A l’époque, il jouait déjà à Parme. Ca ne l’empêchait pas de passer nous voir. Parfois, il restait seul avec moi pour faire des séances de tirs au but. J’étais fier, mais pas plus impressionné que ça parce qu’en fait, Adriano, c’est juste un gars du quartier. Quand il se balade dans les favelas, il est comme les gens d’ici. Il marche en tongs et en bermuda…» Maria, Rafael et les autres évoquent Pipoca -le surnom du joueur dans la favela- mais préférent ne pas trop s’attarder sur le sujet. «Michael Jackson a tourné un clip (Black or White, Ndlr) dans une favela toute proche. C’est beaucoup plus intéressant que Vila Cruzeiro.» Tout le monde a peur des représailles des potes d’enfance d’Adriano, les caïds des lieux. Ici, les narcos sont simplement désignés par le terme «eux». Dans un petit bar au coin de la rue, le patron des lieux prend tout de même le risque de murmurer: «Adriano arrête souvent sa moto ici pour boire un coca et il en profite aussi pour acheter son pain.» C’est généralement le dernier ravitaillement du flamenguista avant qu’il ne


monte rendre visite à son pote trafiquant, Rala-Rala. Ce dernier habite dans la Chatuba, le point culminant de la favela. C’est à l’abri de ses armes qu’Adriano est le plus heureux. Tel est le colonel Kurtz de Joseph Conrad, le joueur a ainsi préféré fêter son titre de champion ici, dans la sauvagerie, plutôt qu’en bas, avec ses coéquipiers, dans les boîtes pour milliardaires. Les festivités ont duré trois jours. Chose curieuse, les résidents de la Chatuba se trimballent tous en costard Armani importé directement d’Italie: «A Milan, Adriano rinçait les vendeurs d’Armani de billets de matchs

en échange de costumes pour lui et ses amis», explique l’un de ses proches. Dernièrement, O Emperador a fait un autre cadeau à son peuple: deux motos à 35 000 euros permettant de slalomer facilement dans les rues barricadées. Les cylindrées font aujourd’hui office de vélib’ pour narcos. Une générosité peut-être guidée par la prudence; la dernière fois que le joueur a chevauché l’une de ses Yahama, il s’est brûlé le pied. Résultat: deux semaines d’arrêt. C’est le risque quand on conduit


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SO FOOT> REPORTAGE

en claquettes… En retour, les trafiquants savent gré à Adriano de sa générosité. L’an dernier, lorsque la police brésilienne a mis la main sur 1 350 sachets de crack, la surprise a été de taille: chaque pochon était décoré à l’éffigie du joueur. Bel hommage. Même sa grand-mère, Wanda, ne comprend pas l’attrait de son nouveau riche de petit-fils pour les bas-fonds de Rio: «Il s’occupe plus des enfants de là-bas que de sa propre mère. Il pourrait vivre confortablement, mais non. Lui ce qu’il aime avant tout, c’est l’agitation et le bruit de son quartier natal.» En réalité, Vila Cruzeiro est la véritable raison d’être d’Adriano. Le lieu où il est né, et où il mourra sans doute, comme son père. Victime en 1992 d’une fusillade entre policiers et moradores, Adlemir a réussi à survivre douze ans avec une balle dans la tête. Mais ni les chirurgiens ni Adriano n’ont pu faire quoi que ce soit contre sa lente agonie. Pour calmer ses migraines récurrentes, Aldemir avait trouvé la parade: boire, beaucoup. Le joueur semble reproduire le même schéma d’autodestruction aujourd’hui. Peut-être bien par amour. «Adriano marchait tout le temps derrière les pas protecteurs de son père, souligne Neuzi, la tante du joueur. C’est grâce à lui qu’il s’est fait énormément d’amis et qu’il n’a jamais eu de problèmes dans la favela.» C’est dans le club qu’a fondé ce père, le Hang Football Clube, que le fiston a touché son premier ballon sur le terrain de fortune de la Vila. Selon la légende, la mère, Dona Rosilda, continuait à jouer au football alors qu’elle était enceinte du buteur flamenguista. Le virus du football a pourtant mis du temps à contaminer Adriano. Sévère, mais pas forcément faux. Chez les jeunes du Flamengo, Adriano n’était qu’une promesse parmi tant dd’autres. Un espoir que le club n’avait pas hésité à brader lors d’un échange à l’Inter avec Reinaldo plus 5 millions d’euros contre le gayfriendly Vampeta.

Plus fort que la brique De temps à autres, le Brésil se remet à douter d’Adriano, le footballeur. Il faut dire qu’il fait tout pour. Bien qu’il soit le troisième joueur le mieux payé derrière Ronaldo et Robinho avec 450 000 dollards mensuels, ses stats sont cette année en cale sèche. Alors qu’il pensait jouir d’un crédit illimité auprès des fans du club, le joueur se fait parfois copieusement siffler par une torcida qui en ras le bol de le voir planté sur la pelouse comme le Christ de Corcovado sur son rocher. Cela a notamment été le cas après sa prestation lamentable lors de la victoire du Flamengo sur Caracas en Copa Libertadores (3-2 score final). Ici et là, on entend qu’Adriano n’est plus une diva, mais un «mercenaire»’ et un «chiffludo» -traduction: un cocu. Même certains de ses coéquipiers commencent à se désolidariser. L’ancien Madrilène Pektovic l’a mauvaise quand on le lance sur celui qui l’a injustement renvoyé sur le banc de touche. «Je n’ai pas envie de parler d’Adriano, il m’emmerde.» En surpoids, la bête n’a plus que sa frappe de mule pour lui, avec laquelle il tente vainement d’amadouer les photographes à la fin des séances d’entraînements. Problème, la moitié des ballons terminent leur course à côté des buts. Comme autrefois, quand il jouait avec Rafael dans la favela. «Une fois, on faisait un petit match et il y avait un coup franc pour l’équipe d’Adriano, se souvient son ancien voisin. J’étais en face, dans les cages. Sa frappe n’étais pas cadrée, mais elle était tellement puissante qu’elle a explosé une brique. Je ne déconne pas, la brique a explosé en mille morceaux!»


«Avec les chiffres, il est nul» La réalité, c’est qu’Adriano est aujourd’hui en roue libre. Le football, Flamengo, Dunga, le mondial, ses stats personnelles, les rumeurs, son plan de carrière et son salaire, l’ancien nouveau Ronaldo s’en fout. De toute façon, il n’a jamais su calculer: «Je l’aidais pour ses devoirs de mathématiques, mais rien n’y a fait. Avec les chiffres il est nul», s’amuse Neuzi. Ce choix de vie peut décevoir. Il peut aussi forcer l’admiration. Augusto, barman d’une paillote de la plage populaire de Botafogo: «Pour moi, Adriano a tout compris, c’est le roi du monde. A Rio, il a tous ses amis. Il paye la tournée pour tout le monde. Il peut se taper les filles qu’il veut. Et même se droguer s’il en a envie… Que demander de plus?» Même s’il avoue son penchant pour l’alcool, Adriano se défend néanmoins de prendre de la coke: «Les gens associent Adriano à la favela et la favela aux drogues. Pour beaucoup, je suis un camé. Mais c’est complètement faux. Il n’y a qu’à voir le nombre de contrôles antidoping auxquels je me plie.» Dans le quartier de Botafogo qui donne son nom au club Alvinegro, le souvenir de Garrincha est toujours vivace, même cinquante ans après. Bien qu’il joue pour les rivaux, l’indulgence pour Adriano y est donc forcément plus grandes qu’ailleurs. «Adriano et Garrincha sont nés dans les favelas, ils n’ont pas de culture, et surtout ils énervent les riches, expose Walter, supporter du Fogao et habitant de la favela de la Rocinha, chemise bleue ouverte et cheveux

grisonnants. En sortant de la misère, Garrincha a séduit Elsa Soares. Adriano, lui, a couché avec des dizaines de femmes aux yeux bleus. Leur vie n’a été qu’été insouciance.» Le prix à payer? Garrincha est mort seul le 20 janvier 49 ans Adriano en a aujourd’hui 28. La fête devrait pouvoir continuer encore un petit moment. Tous propos recueillis par MM, JPS et Louis Genot, sauf ceux d’Alberto Zaccheroni et Arrigo Sacchi, extraits de la presse de l’époque (el pais, gazzetta dello sport).

(1) Meu maior prazer, éditions Leitura, 2009 (2) Littéralement, «les habitants». Désigne les habitants des favelas.


SO FOOT> A LA CULOTTE

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T h i e r r y Henry dit de lui qu’il est aussi gênant qu’un «bouton dans les fesses». Il y a de ça, en effet. Véritable révélation de la saison au sein de la défense du Barça, Gérard Piqué est aussi l’ambianceur du vestiaire catalan. Présentations.

U es riche, beau, célèbre, bon étudiant, respectueux des autres, et tu t’es imposé dès ta première saison au Barça.Qu’est-ce qui te manque Rien, ce serait un crime d’en demander plus! A l’école, c’est vrai que j’étais bon, mais je n’aimais pas ça. Je faisais le minimum et j’avais des bonnes notes à cause de ma mère: pour ne pas l’avoir toujours derrière le dos, j’étudiais la veille des examens. En ce qui concerne ma beauté, je ne sais pas quoi dire... Tout le monde dit que je ressemble à ma mère. Et c’est vrai qu’elle est belle. En fait, je suis un mec chanceux depuis ma naissance: par exemple, j’ai joué contre le Real un soir où ils ont pris six buts chez eux, et en plus, j’en ai mis un... A ce propos, beaucoup de joueurs comparent le fait de mettre un but à un orgasme.

C’est ce que tu as ressenti aussi? Si je pouvais choisir maintenant, je pense que je préférerais mettre un deuxième but au Real chez lui plutôt que de passer la nuit avec une jolie fille. Certains Madrilènes se sont plaints de ton manque de respect lors de la célébration de ton but… Que vouliez-vous que je fasse? Faire semblant d’être triste? Demander pardon? Cela aurait été hypocrite. J’ai entendu Butragueno dire qu’il fallait avoir joué au Barça ou Real pour comprendre véritablement le bonheur de marque contre l’éternel ennemi. Il a raison. En plus, j’étais persuadé que j’allais marquer, je le sentais bien. Quand Puyol a mis le deuxième but, il m’a vanné sur le fait que je ne serais pas capable d’en planter un. Je me suis dit: «Si un mec comme lui peut en mettre un au Real, alors moi aussi!» (Rires.)


C’est difficile d’être défenseur central au Barça? Oui, mais c’est excitant. Les exigences sont supérieures à celles de n’importe quelle autre équipe. Ici, les défenseurs ne doivent pas se contenter d’être bon de la tête et de dégager des ballons n’importe comment…Vous ne trouverez pas une autre équipe dans le monde où les défenseurs centraux attaquent comme au Barça. Qui te guide sur le terrain? C’est Puyol. Avec lui, impossible de se déconcentrer: il ne te laisse pas respirer. Un jour, il a commencé à me gueuler dessus comme un fou: «Geri, Geri, reste dans ton match!» Sauf que le jeu était arrêté parce qu’il y avait un joueur qui était blessé… Je le lui ai fait remarquer et il m’a répondu «Bon, on s’en fout… ils n’ont qu’à le sortir, mais toi, arrête de te déconcentrer!» On dit aussi que Pep Guardiola est toujours en train de te surveiller... Il refuse que je sorte d’un ligne qui va du football au football, en passant par le football. Il sait que je suis jeune, que je vis dans ma ville natale, et que j’ai beaucoup d’amis pour faire la fête… Alors il ne veut pas que je parte dans tous les sens. Ma mère me dit exactement la même chose: «Arrête de flirter avec des filles et concentre-toi sur ton travail!»

Tu as la réputation d’être une tête brûlée… Qui n’a pas été une tête brûlée dans sa jeunesse? Parlons de ton passage à Manchester? Là-bas, je dépensais tout mon fric dans les antennes paraboliques. Dès que j’en achetais une, on me la volait. Au bout d’un moment, je suis allé voir le club, pour qu’ils déposent plainte. Et finalement, la police a découvert que les installateurs du câble étaient justement ceux qui me volaient ensuite. Manchester, c’est fantastique, mais quand tu n’es pas titulaire et que tu n’as pas le câble, c’est difficile. Je me prenais pas mal la tête. Tu y a appris des choses? Oui, à défendre sans ballon. Je me suis réveillé le jour où un attaquant qui m’arrivait à la centiure m’a pris deux ballons de la tête. J’ai alors compris que ma grande taille ne me servirait à rien si je n’utilisais pas mon corps pour faire le ménage devant toi. Un mot sur ton expérience à Saragosse en 2006? Là-bas, je n’ai rien appris. J’ai plutôt compris que j’avais le niveau pour jouer dans un grand club. Dans ma tête, Saragosse, c’était la dernière marche à gravir pour revenir au Barça.- Traduction: J. Pietro Santos / Photos: Al

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Peu de joueurs s’adaptent aussi rapidement dès leur première année au Barça… Ce n’est pas ma première année au club. J’ai passé huit ans à la Masia (le centre de formation du Barça, ndlr). J’ai été élevé dans cette philosophie. Ca n’a pas été dur, comme pour Hleb ou Keita, qui ont découvert cette année un nouvel environnement. Eux, il faut leur faire une greffe. Moi, j’ai le style du Barça inscrit dans mon ADN. J’ai tété le football Barça depuis très jeune, c’est ma seconde famille.

Tu n’as pas de petite amie attitrée? Je ne suis pas encore tombé amoureux. Le jour où ça sera le cas, je me marierai.


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