S tory
“Bianca mia... au palais de Nice, tu dois aller. Retrouve mon Waka. Il doit revenir entre Bandama et Comoé. C’est important pour toi.”
Gamelin
“Bianca mia... you have to go to the ‘Palais de Nice’. Find my Waka. It has to be brought back between Bandama and Comoé. It’s important for you.”
10
L E
M A G A Z I N E
D U
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E
Texte: Stéphane Gamelin Photos: S. Gamelin et Michel Johner
LE REVE DU
WAKA SONA THE WAKA SONA’ s DREAM
- Bonjour Sacha. Heureux de vous revoir. - Moi aussi Daniel. Comment allez-vous ? - Bien merci. Le voyage s’est bien passé ? - Une formalité. Mais j’avais hâte d’arriver. Votre message a terriblement excité ma curiosité. Qu’est-ce que c’est que cette histoire incroyable ? Vous l’avez trouvée ici même ?
- Good morning Sacha. It’s good to see you again. - Hi Daniel, glad to see you too. How are you? - Fine, thanks. How was the flight? - Just a formality. But I was eager to be here. Your message has really aroused my curiosity. Tell me more about this incredible story. Did you find “it” here?
D’un mouvement de tête, il observa les hautes colonnes qui marquaient la terrasse du Palais de la Méditerranée. Le soleil jouait en reflets sur les vitres des chambres de la façade derrière eux.
He glanced at the high columns on the Palais de la Méditerranée’s terrace. The sun’s rays were reflected on the façade of bedroom windows behind them.
Racontez moi ça.
Tell me everything.
- Vous connaissez un peu l’histoire de cet hôtel. De l’ancien casino qui dominait la Promenade des Anglais au début du siècle, il ne reste que la grande façade, un chef d’œuvre de l’art déco. Elle a été sauvée, mais pendant des années, elle n’a caché qu’un grand trou. Puis un jour, les travaux ont repris, pour faire naître l’hôtel qui nous entoure. C’est au cours de ces travaux qu’un ouvrier, en intervenant sur une des colonnes, a découvert comme une petite niche creusée dans la pierre. À l’intérieur, il y avait une statue, des petits bouts d’os et de plumes à ses pieds. Il y avait aussi des signes cabalistiques sur les parois de la niche. Je connaissais de vue cet ouvrier dont j’ai promis de taire le nom. Comme ma galerie est située juste à côté de l’hôtel, je le croisais le matin en prenant le café au bar du coin de la rue. Alors, imaginez ma surprise quand je l’ai vu entrer dans la galerie. Il avait un bleu de travail roulé qu’il tenait contre lui. Il s’est approché de mon bureau, et m’a montré ce que cachait le tissu. Une statue africaine, d’une quarantaine de centimètres. “Ça ressemble un peu à ce que vous avez en vitrine” m’a-t-il dit. “J’ai pensé que ça vous intéresserait de la voir”. Il avait raison... - Moi aussi, ça m’intéresserait beaucoup. - Je m’en doute, c’est pourquoi que je vous ai appelé. Je crois que vous n’aurez pas traversé l’Atlantique pour rien. C’est une pièce exceptionnelle. - À découverte originale, objet original. Vous l’avez avec vous ? - Je n’allais pas vous faire patienter plus longtemps.
- Well, you know the hotel history, right? You can still admire the Art deco masterpiece huge façade, the only remains of the former Casino which overlooked the Promenade des Anglia’s at the beginning of the century. Even if it was saved, there was just a big hole behind it for years and years. And then, one day, works were resumed to give birth to this brand new hotel. A workman discovered a kind of very small wall recess inside one of the columns. There was a statue inside it, with some bones and feathers at her feet. There were also kinds of cabalistic signs on the walls. I knew this workman by sight but he shall remain nameless. As my gallery is next to the hotel, I used to meet him in the morning while I was having a cup of coffee, just at the corner bar. So, image how surprised I was when I saw him entering the gallery. He was holding a rolled overall in his hand. He came up to my desk and showed me what was hidden in the cloth. An African statue of about 40 cm. “Something quite similar to what is displayed in the window” he said. “I thought you might be interested to have a look at it”. And he was right... - Indeed, I might be interested to see it too. - I know, that’s why I called you. And I think you were right to cross the Atlantic Ocean. It’s an extraordinary piece. - An original discovery implies an original object. Got it? - I couldn’t make you wait any longer. He leaned over his leather bag, put it on the table and unveiled it. Sacha opened his eyes wide. It was worth a jetlag.
Il se pencha et sortit de sa sacoche un fourreau de cuir. Il le posa sur la table et
L E
M A G A Z I N E
D U
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E
11
- Alors ? - Alors je dirais... Afrique, Côte d’Ivoire. Baoulé. Et ancien, très ancien. Ensuite... il faut que je l’observe plus en détail. Mais c’est bien une pièce unique. Elle a quelque chose de particulier. Comment diable a-telle pu se retrouver cachée dans le pilier d’un palace niçois ? - C’est à ce genre de questions qu’il vous faudra répondre. Vous êtes le meilleur spécialiste d’Art premier qui soit. Votre sérieux, votre connaissance du sujet, et votre intégrité ont fait votre réputation. Avant de savoir ce que va devenir cette statue, nous devons déjà savoir qui elle est. Vous êtes mon hôte au Palais de la Méditerranée. - Il faudra que je consulte mes collaborateurs à New York. À cette heure-ci, là-bas ils dorment encore. Ce soir nous en saurons déjà plus. - Je pense qu’il est superflu de vous recommander la plus grande discrétion. Je vous la confie. Tenez-moi informé. Sacha releva la statue sur son socle. C’était toujours comme un premier face à face. C’est ce qui lui plaisait dans ce métier. Cette rencontre entre deux mondes. L’énergie brute du bois, qui conservait son élan de croissance, et rayonnait d’une magie pure. La représentation était symbolique. La statue ne représentait pas une divinité, elle était censée recevoir cette divinité. L’esprit est DANS la statue. Elle est un réceptacle. Elle permet à l’esprit d’exercer son influence, a priori bénéfique, autour d’elle et donc en permanence. Il n’avait pas tout dit à Daniel. C’était bien une statue Baoulé, plus précisément un Waka Sona. Traduisez un “être de bois”, ou aussi un “être de l’autre monde”. Le peuple Baoulé occupe l’est de la Côte d’Ivoire, à la lisière de la savane et de la forêt. La naissance de cette tribu est inscrite dans les plus célèbres légendes d’Afrique. Sa culture est particulière, tout comme ses créations de masques et de statues, qui marquent un rapport très étroit avec les forces de la nature. Quelques détails à vérifier lui donneraient de plus amples informations sur l’identité de cette nouvelle venue. Il prit quelques photos, et les joignit au mail qu’il envoya à son bureau. La statue trônait maintenant sur la table de la chambre. Derrière elle, à travers la fenêtre ouverte, ciel et mer semblaient lui faire un écrin d’azur. Une légère brise parcourait la pièce, apportant les parfums de l’été. Il décida de descendre profiter du soleil et de cet air si doux sur la grande terrasse du troisième étage. Il s’installa à une table du Pingala Bar et commanda du thé. La décoration était d’inspiration hindoue. Ce n’était pas pour lui déplaire. L’Inde le fascinait, mais on ne peut être spécialiste en tout. L’Afrique était déjà un domaine immense.
Gamelin
l’ouvrit. Les yeux de Sacha s’écarquillèrent. Un instant comme celui-là valait bien un décalage horaire.
Pour la seconde fois de la journée, il eut un incroyable face à face. For the second time today, he lived an incredible face-to-face experience.
- So? - So, I would say... Africa, the Ivory Coast, Baoulé. And antique, really antique. Well... I have to observe the details now. But it’s definitely a unique piece. There’s something special about it. How the hell could it be hidden in the pillar of a Niçois luxury hotel? - Being the best Art specialist, you will have to answer these kinds of questions. Your conscientiousness, your knowledge and your integrity have made your reputation. Before knowing what would become of this statue, we first have to find out who it is. Welcome in the Palais de la Méditerranée, you are my guest. - I’ll have to consult my assistants in New York. But they’re still sleeping right now. Tonight, we’ll know more about it. - No need to ask you to keep the highest discretion. I entrust you with it. Keep me informed.
ravissante jeune femme lui souriait. Son regard était perçant, ses traits fins, ses cheveux retombaient en ondulant sur ses épaules. Les mots refusèrent de sortir de sa bouche pour répondre. Certainement habituée à provoquer ce genre de mutisme chez la gent masculine, elle enchaîna. “C’est un décor très relaxant. Une idée originale, qui contraste avec le style Art Déco général des lieux, ne trouvez-vous pas?” Il fut surpris de s’entendre répondre. - Vous connaissez l’Inde ? - Non, malheureusement. La planète est bien grande, et la vie m’a plus portée vers l’Espagne, l’Amérique du Sud et un peu l’Afrique. - Vous aimez l’Afrique ? - J’aime ses mystères, et le cœur des Africains. - J’y vais souvent. - Et où vivez-vous ? Pas à Nice, puisque
Je dois trouver un “esprit africain”? C’est monnaie courante ici ? Do I have to find an “African spirit”? Is it common in these circles?
Johner
- C’est beau n’est-ce pas, dit une voix derrière lui. Ou apaisant devrions-nous dire. Il se retourna et pour la seconde fois de la journée, il eut un incroyable face à face. Une
12
L E
M A G A Z I N E
D U
Sacha picked up the statue from its plinth. It was like a first one-to-one meeting. That’s what he liked most about his job. This appointment between two worlds. The primary energy of wood which kept its growth burst and was beaming with pure magic. This image couldn’t be more symbolic. The statue was not standing for a deity, it was supposed to welcome this deity. The spirit was INSIDE the statue. It was a depository which allowed the spirit to exert an influence around it, which seemed to be positive and permanent at first sight. But he had not said everything to Daniel. Indeed, it was a Baoulé statue and more precisely a Waka Sona which means a “wooden being” and also a “being from the other world”. Baoulé people live in the East of the Ivory Coast, at the edge of the savanna and the forest. The most famous African legendaries have often referred to this tribe. Its culture, as well as its masks and its statues are unique and show their very close relationships with the forces of nature. Some details still to be checked would give him more information about the identity of this statue. He took a few photos and joined them to the e-mail he sent to his office. The statue was now having pride of place on the bedroom table. Behind it, through the opened window, sea and sky seemed to offer it an azure case. A smooth summer scents breeze was blowing through the room. He made up his mind and went down to the third floor large terrace to take advantage of this sweet air. He sat down at a Pingala Bar’s table and ordered a cup of tea. It was decorated in the Hindu style. India had always fascinated him but he could not know everything and he was just an expert on the huge Africa. - He suddenly heard a voice behind him: “Beautiful isn’t it? ... or rather soothing”. He turned round and for the second time today, he lived an incredible face-to-face experience. A delightful young lady was
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E
Croyez-vous à l’importance des rêves, Sacha ? Celui que j’ai eu est très étrange. Croire en lui peut mener très loin.
Johner
Do you believe in dreams, Sacha ? The one I had is strange and can lead one’s really far.
L E
M A G A Z I N E
D U
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E
13
Johner
Bianca s’était allongée sur le lit, la statue entre ses mains.Il émanait d’elle une part de mystère, une sensualité féline qui le troublait. Bianca was lying on the bed, holding the statue in her hands. A sort of mystery as well as a feline sensuality were emanating from her and troubled him.
vous êtes à l’hôtel... - New York - New York, dit-il avec comme un soupçon de honte ou de regret. Et vous ? - Barcelona !!! - Et bien, nous avons presque fait le tour du monde en quelques phrases. Un peu de thé nous fera une pause bien méritée. Puis-je vous en proposer ? - Avec plaisir..... - Sacha. - Merci Sacha. Je m’appelle Bianca. Bianca Rosamunda. - Et que me vaut le plaisir de vous rencontrer ici Bianca ? Vacances, travail ? - Je suis musicienne et il est vrai que je viens souvent à Nice, pour le Festival de Jazz. Mais cette fois, c’est pour une raison un peu plus particulière. - Qu’entendez-vous par raison particulière ? - Un rêve. Croyez-vous à l’importance des rêves, Sacha ? - À vrai dire, j’ai l’impression d’en vivre un depuis ce matin, Bianca. Bien sûr qu’il faut croire en ses rêves. - Celui que j’ai eu est très étrange. Croire en lui peut mener très loin. - Jusqu’ici ? - Oui. - Beaucoup de gens rêvent de venir ici, et bon nombre finit par y arriver. Mais je sens dans votre regard qu’effectivement ce rêve doit être une histoire passionnante. Comment commence –t-elle ? - Tout commence à Barcelone. J’ai dansé le Flamenco toute la nuit lors d’un grand spectacle. Je m’effondre endormie sur le canapé de ma
loge, encore bercée de toute cette musique andalouse et des applaudissements. Une voie douce m’appelle. “Bianca, Bianca mia...” Je me retourne doucement et m’apparaît alors le visage de ma marraine. Carmen Amaya. Ce nom ne vous dit peut-être pas grandchose, mais sachez qu’elle fut au début du siècle la plus grande danseuse de Flamenco. Elle a révolutionné cet art. Elle était la fille d’un célèbre musicien gitan, El Chino, avec qui elle avait commencé à danser à l’âge de six ans. On voulait la voir danser dans le monde entier. Elle a fait chavirer le cœur du public ici même, au Palais de la Méditerranée. Et surtout, elle était ma marraine. Je ne l’ai pas connue longtemps. Assez pour qu’elle me transmette la passion de la musique, de la danse. Un peu de son caractère aussi. J’ai souvent eu l’impression que son souvenir me suivait, me soufflait ses conseils à l’oreille, mais jamais elle ne m’était apparue ainsi, comme maintenant. Elle me sourit avec tendresse. Ses longs cheveux noirs ondulent doucement autour de son visage. Son regard capte le mien. “Bianca mia... au palais de Nice, tu dois aller. Retrouve mon Waka. Il doit revenir entre Bandama et Comoé. C’est important pour toi.” Elle m’a répété cette phrase plusieurs fois, puis son image s’est dissipée et je me suis réveillée. J’étais dans la douce lumière chaude de ma loge, enveloppée dans ma robe de danseuse. Le palais de Nice.... Le lendemain, je sautais dans le premier avion pour Nice. J’avais tout
smiling at him. She had piercing eyes and her wavy hair was falling down on her shoulders. He couldn’t utter one single word. As she was probably used these kinds of reaction from men, she went on: “This atmosphere is really relaxing. An original idea that contrasts with the Art Deco style here, don’t you think so? » He surprised himself by answering: - “Have you ever been to India? - Unfortunately not. The earth is too big and I’ve just visited Spain, South America and some African countries. - Do you like Africa? - I like its mysteries and the Africans’ heart. - I often go there. - But where do you live? Not in Nice as you’re staying in this hotel... - New York - New York, he said with a bit of shame and regret. What about you? - Barcelona!!! - Well, we’ve just traveled around the world in a few sentences. We deserve a break in this long trip; may I offer you a cup of tea? - Willingly..... - Sacha. - Thanks Sacha. My name is Bianca. Bianca Rosamunda. - Nice to meet you, Bianca, but what are you here for? Holidays, work? - I’m a musician and I must tell you that I often go to Nice, for the Jazz Festival. But this time, the aim of my trip is a bit different. - What do you mean by ‘a bit different’? - A dream. Do you believe in dreams, Sacha? - Well to be perfectly honest with you Bianca, it seems like I’ve been living a
14
L E
M A G A Z I N E
D U
dream since this morning. Of course, I do believe in dreams. - The one I had is strange and can lead one’s really far. - As far as here? - Exactly. - Many people dream to come here and most of them do it. But your eyes tell me that this dream does not look like others and must be fascinating. How did it start? - Everything started in Barcelona. I had danced Flamenco all night long for a show. I fell asleep on the sofa, still rocked by this Andalusian music and the applause. Suddenly, someone called me: “Bianca, Bianca mia...” I slowly turned round and I saw my Godmother’s face. Carmen Amaya. You may not know her name but at the beginning of the century, she used to be the most famous Flamenco dancer and she revolutionized this art. She was the daughter of a famous gipsy musician, El Chino, who taught her to dance when she was six. The whole world wanted to see her dance. The audience fell in love with her, here, at the Palais de la Méditerranée. And above all, she was my Godmother. She died when I was young but she had time to hand down me her passion for music and dance. I also inherit from some her character traits. I’ve often had the feeling that she was beside me, whispering me some advice but I had never saw her. She tenderly smiled at me. Her long hair was waving down her face. Our eyes met. “Bianca mia... you have to go
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E
Selon vous, je n’arrive pas à rencontrer l’amour parce que ma marraine a un jour enfermé une statue magique dans un pilier du Palais de la Méditerranée ?
Johner
So, according to you, I’ve never met true love because of my Godmother who imprisoned a statue in one of the Palais de la Méditerranée’s pillar, right?
L E
M A G A Z I N E
D U
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E
15
Johner
to the ‘Palais de Nice’. Find my Waka. It has to be brought back between Bandama and Comoé. It’s important for you”. She repeated this sentence several times, then her image disappeared and I woke up. A sweet light was floating in the air and I was wrapped in my dance dress. The ‘Palais de Nice’.... The next day, I boarded the first plane to Nice. All the flight long, I was wondering which ‘palais’she had talked about. A few minutes before landing, while looking through the window, the obvious answer appeared to me. The white façade of the Palais de la Méditerranée was majestically standing in front of the long turquoise sea ribbon. Carmen had obviously found in the former Casino a place worthy of her talent. But everything was so different today. From that time, the only remains is the façade and a few photos on the walls. And I still don’t know what a Waka is, and what the words Bandama or Comoé mean. - I do know. - Are you serious? - Definitely. Some people could even tell you that I am a Waka’s specialist. You must admit that this is disconcerting. - Nothing else can surprise me from now. So, can you tell me more about it? - A Waka is a forest spirit. An African spirit. - Do I have to find an “African spirit”? Is it common in these circles? - More that you can think... And what do you intend to do once you’ve found it? - I have to put it back between Bandama and Comoé. This is important for me. - Bandama and Comoé are two big rivers which flow in the Ivory Coast. - My Godmother used to go to this country. She had her famous ivory castanets
Ma marraine était Carmen Amaya. Elle fut au début du siècle la plus grande danseuse de Flamenco. Elle a révolutionné cet art. My godmother was Carmen Amaya. At the beginning of the century, she used to be the most famous Flamenco dancer and she revolutionized this art.
- En fait, l’esprit est invisible, intangible. Mais on peut le faire entrer dans un objet. - Quel genre d’objet ? - Une statuette de préférence. De petite taille. Mais, dites-moi: quelqu’un vous envoie ? Vous avez eu une information, il y a eu des fuites. Travaillez-vous pour un collectionneur ? - Pas du tout. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Ou plutôt je devine. Vous possedez un Waka ? - On vient de m’en confier l’expertise. Mais comment êtes-vous au courant ? - Je n’en savais rien. Sacha, ce que je vous ai raconté est la pure vérité. Je me suis confiée à vous parce que j’ai senti que je pouvais vous faire confiance, que vous sauriez m’écouter sans me prendre pour une folle, qui confond rêves et réalité. Accepteriezvous de me le montrer ? - Je ne voulais pas vous vexer. Excusez-moi. Ces objets attisent bien des convoitises. Venez avec moi, je vais vous présenter un esprit de la fôret.
He took her hand and walked to the lift. - Bianca, this is a Waka. A Waka Sona. While you are getting acquainted, I have to call my partners to ask them some information. The Macintosh screen was casting an unreal light in the room. Bianca had leaned above the statue, looking for some details.
L’esprit est invisible, intangible. Mais on peut le faire entrer dans un objet. Une statuette de préférence. The spirit is invisible, intangible. But you can make it enter an object. Preferably a small statuette.
Il lui prit la main, et se dirigea vers l’ascenseur qui menait vers les étages supérieurs. - Bianca, voici un Waka. Un Waka Sona. Pendant que vous faites connaissance, je contacte mon bureau. Je leur ai demandé quelques informations. L’écran du Macintosh projetait une lumière irréelle dans la pièce. Bianca s’était penchée vers la statue, y cherchant quelques détails. - Bianca, je vous le confirme, vous êtes bien devant une Statue Baoulé. Un Waka bénéfique. C’est spécial. Il va falloir que je vous explique. - Et si vous pouviez aussi me dire le rapport
Johner
le vol pour deviner quel palais. Quelques minutes avant l’atterrissage, par le hublot, la réponse m’est apparue, évidente. La blanche façade du Palais de la Méditerranée s’imposait avec à ses pieds un long ruban bleu turquoise. Bien sûr. Carmen avait dû trouver dans l’ancien casino une demeure à la mesure de son talent. Mais aujourd’hui tout a changé. Il ne reste que la façade, et quelques photos d’époque sur les murs. Et je ne sais toujours pas ce qu’est un Waka, ni le sens des mots Bandama ou Comoé. - Moi je sais. - Vous êtes sérieux ? - Assurément. Certains vous diraient même que je suis un spécialiste du Waka. Avouez que c’est troublant. - J’ai décidé de ne plus m’étonner de rien. Alors, pouvez-vous m’éclairer ? - Un Waka est un esprit de la forêt. Un esprit africain. - Je dois trouver un “esprit africain”? C’est monnaie courante ici ? - Plus qu’on ne pourrait le croire... Et que comptez-vous en faire, quand vous l’aurez trouvé ? - Je dois alors le placer entre Bandama et Comoé. Ceci est important pour moi. - Le Bandama et le Comoé sont deux grands fleuves qui coulent en Côte d’Ivoire. - Ma marraine allait souvent dans ce pays. C’est là-bas qu’on lui ciselait ses célèbres castagnettes en ivoire. Elle suivait en personne leur fabrication. - Voici une piste, une piste africaine si j’ose dire. Revenons au Waka. Vous pensez vraiment en trouver un dans l’hôtel ? - Je ne sais pas. À quoi ça ressemble un esprit… - De la forêt ? - Oui.
engraved there. She personally watched their making. - I dare say that this is a track, an African track. Let’s go back to the Waka. Do you really think you would find one in this hotel? - I don’t know. What does a spirit look like? - From the forest? - Yes. - Well, the spirit is invisible, intangible. But you can make it enter an object. - What sort of object? - Preferably a small statuette. But, tell me: Are you sent by someone? Have you got any information from someone else? Are you working for a collector? - Not at all. I don’t understand what you mean. Or, I should say I guess what you mean. Do you have a Waka? - I’ve just been asked to value one. But how did you get to know about this? - I did not know anything about this. Sacha, I’m telling you the truth. I’ve confided in you because I’ve had that feeling I could trust you, that you would listen to me without taking me for a fool who hopes to make dreams a reality. Would you be willing to show it to me? - I did not want to upset you. I’m sorry. These objects excite envy. Come with me, I’m gonna introduce you to a forest spirit.
16
L E
M A G A Z I N E
D U
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E
Johner
avec Carmen Amaya... - Imaginez un monde parallèle à celui-ci. Un « Outre-monde » dans lequel vous avez votre double, mais du sexe opposé. Il correspond à votre époux, ou épouse. Il exprime l’existence de votre partenaire, il garantit votre vie amoureuse, conjugale, parentale. Il n’apporte pas l’amour, il le concrétise. Parfois, dans la vie, on a besoin de son aide. On demande alors au sorcier de confectionner une statue, un Waka Sona, pour que l’esprit puisse la pénétrer, qu’il soit ainsi plus proche, donc plus actif. On doit la conserver avec soi. C’est une statue facilement transportable, qui va apporter à ceux qui la possèdent des amours heureuses. - J’en aurais bien besoin. - Mais le Waka Sona qui est dans cette statue n’est pas le vôtre. Il ne saurait vous aider. J’ai d’ailleurs du mal à croire que vous ayez peine à trouver l’amour. Vous êtes si ravissante, tous les hommes doivent être à vos pieds. - Cela ne garantit pas l’amour, le grand amour. Celui qui importe. - L’important pour vous, m’avez-vous dit, ou du moins votre marraine a-t-elle dit, se passe entre deux fleuves d’Afrique... - Je ne sais pas, tout est allé très vite. Le rêve, l’avion, notre rencontre, et maintenant cette statue et ces histoires d’esprits... Votre ordinateur vous dit-il autre chose ? - Les quelques décorations du collier, la patine significative du bois, la position des bras, la forme de la tête nous apportent des précisions sur son origine et son rôle. C’est bien le nord-est du pays, donc entre les deux fleuves dont vous m’avez parlé. C’est le double d’une femme. A en juger sa patine, il date des années 30 ou 40. Ce serait un esprit très fort. À part cela, rien qui nous rapproche du flamenco. - Il doit pourtant y avoir un lien. Pourquoi cette statue est-elle ici ? - Elle était cachée dans un des piliers de la façade. On vient de la découvrir. - Cachée par qui ? Et pourquoi ? - Vous êtes la seconde personne à me le demander aujourd’hui. Le téléphone sonna à cet instant. - Allo, Sacha ? C’est Daniel. Des infos sur notre objet ? - J’ai des précisions. J’ai aussi des questions sur la cachette. Vous m’avez parlé de signes, et de petits os. - Oui, l’ouvrier m’a montré la niche. J’ai pu faire une photo, avant qu’il ne referme la colonne. Il y avait quelques plumes, et des signes bizarres sur la paroi. Je peux vous envoyer l’image par mail si vous le désirez. Ça n’avait pas l’air africain, mais c’est vous le spécialiste. Vous pensez que cela peut jouer sur la valeur de la statue ? - Daniel, essayons déjà d’en savoir plus sur cette statuette avant de parler d’argent… - Oui, pardon. J’ai juste très envie de la proposer à certains collectionneurs. C’est tout de même une belle pièce ? - Unique. J’ai sa provenance, mais je voudrais connaître toute son histoire. - Je vous envoie l’image. Dites-moi ce qu’elle vous apprend.
Elle est juste à côté de moi, et je ne rêve que d’une chose, c’est qu’elle y reste. She’s right beside me and I wish she could be there until my death.
Il raccrocha. Bianca s’était allongée sur le lit, la statue entre ses mains. Il avait rarement vu une femme aussi belle. Il émanait d’elle une part de mystère, une sensualité féline qui le troublait.
- Parlez-moi de votre marraine. Et de vous, Bianca. - De ma marraine, je vous ai presque tout dit. Elle était très particulière. Elle pratiquait la magie noire. Elle a connu la gloire et la fortune, sans pour autant oublier ses origines modestes. Elle était la sœur de ma grandmère. Elle est décédée quand j’étais toute petite. Maman m’a raconté qu’elle m’adorait, qu’elle passait des heures à chanter à côté de mon berceau. Une fontaine de Barcelone porte son nom. Elle a dansé à Madrid, Paris, et en Argentine avec Ramon Montoya, au Mexique, et au Brésil, où elle s’est initiée au rituel vaudou. Elle dansa aussi au Carnegie Hall de New York, et le Président Roosevelt l’invita à la Maison Blanche. Elle tourna des films à Hollywood, et son interprétation de « El amor brujo », traduisez l’amour sorcier, accompagnée du Philharmonic Orchestra est restée célèbre. - L’amour sorcier ? Décidemment, il doit y avoir un lien. - En Angleterre, elle dansa devant la Reine.
L E
D E
M A G A Z I N E
D U
P A L A I S
L A
M É D I T E R R A N É E
- Bianca, I confirm you that you are in front of a Baoulé statue. A beneficial Waka. This is quite special. I’ll have to explain you a few things. - I would appreciate if you could tell me the relations with Carmen Amaya... - Just imagine a parallel world, an « Overworld » in which you would have a « double », but of the opposite sex. He or she stands for your husband or your wife. He or she represents you partner’s life, he or she protects your love, married and parental life. He or she doesn’t bring you love, he or she carries it out. Sometimes, you’ll need his or her help in your everyday life. The wizard was asked to make a statue, a Waka Sona so the spirit can fathom him or her and be closer and more active. This statue is not bulky and you have to keep it with you. It brings happy love to its owners. - That’s exactly what I need. - But the Waka Sona which is in this statue is not yours. He won’t be able to help you. And I can’t imagine you’re still looking for love.
17
You are so delightful, all the men must be at your feet. - This does not guarantee love, true love, the one that matters. - You told me, or rather your Godmother told you that the important thing was between two African rivers ... - I don’t know, everything has been so fast. The dream, the plane, our meeting and now this statue and those spirit stories ... Something new on your computer? - The necklace decorations, the wood patina, the arms’ position, the head shape give us precious information about its origin and its role. It comes from the North-East of the country, between the two rivers you talked to me about. It’s a woman’s double. Judging by its patina, it dates back from the thirties or the forties. It seems to be a very strong spirit. But nothing gets us closer to flamenco. - Yet, there must be a relation. Why does this statue do here? - It was hidden in one of the façade’s pillars. It was discovered a few days ago. - Who hid it? And what for? - You are the second one asking me these questions today. Then, the phone rang. - Hello, Sacha? This is Daniel. Any information about our object? - Yes, a few details. I have also some questions to ask you about the hiding place. You’ve talked to me about signs and small bones. - Indeed, the worker showed me the recess and I took a photo of it before he filled the column again. There were a few feathers and some weird signs on the wall. I can send you the photo by e-mail if you want. It does not seem to be African but YOU are the specialist. Do you think it could have an influence on the statue’s value? - Daniel, first of all and before talking about money, let’s try to get more information about this statuette … - Ok, sorry. But I’d really like to show it to some collectors. It’s such a beautiful piece! - A unique piece. Now that I know where it comes from, I want to find out its history. - I’m sending you the pic. Tell me what you think about it. He hung up. Bianca was lying on the bed, holding the statue in her hands. He had seldom seen such a beautiful woman. A sort of mystery as well as a feline sensuality were emanating from her and troubled him. - Tell me more about your Godmother and about you, Bianca. - I’ve almost told you everything about my Godmother. She was really special. She used to practice black magic. She became famous and wealthy yet, she never forgot her modest origins. She was my grandmother’s sister and died when I was really young. Mum told me that she was fond of me, that she used to spend hours singing next to my cradle. A Barcelona’s fountain bears her name. She danced in Madrid, Paris and Argentina with Ramon Montoya, in Mexico and Brazil, where she started learning the voodoo rites. She also performed in the New York Carnegie Hall and she was even invited at the White House by President Roosevelt. She played in some Hollywood films and her role in “El amor brujo” (which means “the
La presse titra « deux reines face à face ». Pourtant elle restait la Petite Gypsie, La Capitana. Son art était pur, inné. Elle envoûtait ceux qui la regardaient danser. Son mari s’appelait Antonio Agüero. Mais sa vie sentimentale fut aussi tumultueuse que sa façon de danser. Pour ma part, ma carrière musicale est bien modeste, même si je continue sur le chemin qu’elle a tracé. Quant à ma vie sentimentale, nous l’avons déjà évoquée, c’est un fiasco.
Ils regardèrent d’un même mouvement de tête la statue, immobile et muette sur la table.
She was lost in her thought when she heard the computer electronic signal which meant that the photo was there. - Look at this Bianca, this is the place where the statue was found. These are voodoo signs. This statue was probably shut up there
Une fois encore, le téléphone sonna. - C’est Daniel. Alors Sacha, cette photo ? Des indices ? - Plus que cela. J’ai même retrouvé le, ou plutôt la, propriétaire de la statue.
larities of this society, there’s one dealing with the heiress who is often the dead’s sister or aunt. For according to them, if you can’t have doubt about your mother, you can have some about your father. - How wise it is… - In a way, it makes me think that you may be the heiress of this African heritage. - This could explain why this statue is so important to me. - Don’t go too fast, even if I must admit that everything is becoming clearer and clearer. But why did she try to get rid of it? - Maybe to escape her fate. She seemed to have a strong character and to know how to foil spells. So… she might have wanted to play another game and meet a new love, a stronger one, and managed to make the statue quiet. As time went by, you’ve inherited from her Waka. It has become your double in the parallel world. But as a prisoner, it can’t help you, neither expresses itself. So you live your life without its help. Hence the difficult sentimental loneliness you’ve been going through. Well, this could be an explanation. - It’s just ... bright. Difficult to believe but admissible. So, according to you, I’ve never met true love because of my Godmother who imprisoned a statue in one of the Palais de la Méditerranée’s pillar, right? - Exactly. You won’t express your love as long as Carmen’s Waka, which is now yours, has not been released. And to make it totally free, I’m afraid you’ll have to bring it back where it was born. - Between the two African rivers. They both looked at the statue which was standing motionless on the table.
Johner
Un petit dong électronique la tira de ses pensées. L’ordinateur signalait l’arrivée de la photographie. - Regardez Bianca, voici l’endroit où était enfermée la statue. Les signes sont vaudous. On a dû enfermer cette statue pour en supprimer les effets. Une prison magique, doublée d’une prison de pierre. Mais pourquoi donc ? Imaginons que ce Waka ait effectivement appartenu à votre aïeule. Dans le rêve, elle vous parle bien de son Waka. Elle aura fait confectionner en Afrique, en plus de ses castagnettes, une statuette. Soit. Elle l’emporte donc avec elle, fidèle compagnon de voyage de ses tournées. L’esprit lui apporte la stabilité, ou disons la satisfaction amoureuse. - Jusque-là je vous suis. - Mais il s’est passé quelque chose ici. Quelque chose de contradictoire avec le rôle du Waka. Il fallait l’empêcher d’agir, l’isoler. Elle aura alors usé de ses connaissances vaudous pour le neutraliser. - Et pourquoi aujourd’hui, depuis l’au-delà, voudraitelle le libérer ? Et pourquoi me confier cette mission ? - Vous semblez être son héritière, spirituelle du moins. Cela me rappelle quelque chose à propos des Baoulés. C’est un peuple dont la culture est originale, différente des autres tribus d’Afrique, dirigé par une reine. Parmi les particularités de sa société, il en est une qui concerne les héritiers. Ces derniers sont souvent une sœur ou une tante de l’épouse du défunt. Car selon eux, on est toujours sûr de la mère, jamais du père. - Quelle sagesse… - D’une certaine façon, cela me fait penser que vous recevez cet héritage africain. - Ce qui expliquerait que retrouver cette statue soit important pour moi. Vous allez vite en besogne, mais je dois avouer que les pièces du puzzle se mettent en place. Mais pourquoi n’en voulait-elle plus ? - Peut-être pour échapper à son destin. Elle semblait avoir du caractère, et savoir se déjouer des sortilèges. Alors… elle aura voulu jouer sur un nouveau tableau. Connaître un autre amour, plus fort, contraire à la volonté de l’esprit, qu’elle a réussi à faire taire. Le temps passant, vous avez hérité de son Waka. Il est devenu votre double dans le monde parallèle. Mais prisonnier, il ne peut vous aider, s’exprimer. Vous vivez ainsi, sans son aide. D’où votre
wizard love”) with Philharmonic Orchestra is still a classic today. - The wizard love? There really must be a relation. - She danced for the Queen in England and the press titled: “A face to face between two Queens”. Yet, she remained the little Gipsy, The Capitana. Her art was pure and inborn. She was bewitching her audience. Her husband was called Antonio Agüero. But her love life was as tumultuous as the way she danced. A far as I’m concerned, my musical career is really modest, even if I do my best to follow her footprints. As for my love life, we’ve already mentioned it, it’s a fiasco.
solitude sentimentale actuelle. Enfin, tout ceci n’est qu’une hypothèse. - Elle est brillante. Difficile à croire, mais recevable. Ainsi, selon vous, je n’arrive pas à rencontrer l’amour parce que ma marraine a un jour enfermé une statue magique dans un pilier du Palais de la Méditerranée ? - Oui. Votre amour ne peut s’exprimer tant que le Waka de Carmen, devenu le vôtre, n’est pas libéré. Et j’ai bien peur que pour redevenir complètement libre, il ne doive retourner sur son lieu de naissance. - Entre les deux fleuves, en Afrique.
Depuis le haut balcon de la chambre, ils contemplaient l’horizon au-delà duquel l’Afrique les attendait. From the high balcony of the bedroom, they were gazing at the horizon that they would soon cross to join Africa.
to take the power out of it. A magic prison coupled with a stone prison. But what for? Let’s imagine that your Godmother was this Waka’s owner. In your dream, she was talking about her Waka, right? As you know, she had her castanets made in Africa but she probably had this statue too. Well, she took it with her throughout the whole world. Its spirit offers her stability or rather, a kind of loving satisfaction. - So far, so good. I understand. - But something happened here. Someone who prevented the Waka from playing its role and then isolated it. She may have used her voodoo knowledge to neutralize it. - And how do you explain the fact that, from the next world, she wants to free it today? And why does she entrust me with this mission? - You seem to be her heiress, at least her spiritual heiress. This reminds me something about the Baoulés. These people’s culture is original and differs from the other African tribes, ruled by a Queen. Among the particu-
- Vous plaisantez, j’espère. Ce bout de bois repose depuis des dizaines d’années dans un pilier. Je veux bien négocier avec la direction de l’hôtel, le musée du Quai Branly, le Ministère de la culture, ou n’importe qui d’autre, mais je ne crois pas qu’on puisse trouver un propriétaire à cette statue. Au cimetière peut-être, et encore. - Disons son héritière, alors, oui. - Et où l’avez-vous rencontrée ? Qui est-ce ? - Je ne la connais pas très bien. Elle s’appelle Bianca Rosamunda. Elle est juste à côté de moi, et je ne rêve que d’une chose, c’est qu’elle y reste jusqu’à la fin de mes jours. Je suis désolé pour vous, Daniel. Mais vous ne pourrez certainement pas négocier cette statue. Elle appartient sans conteste à Bianca, et elle ne compte pas la vendre. Il éloigna l’écouteur de son oreille, adressant un sourire complice à Bianca. Daniel aboyait dans le combiné. - Allons, Sacha, êtes-vous devenu fou ? - Fou d’amour, peut-être, Daniel. Je vous
18
L E
M A G A Z I N E
D U
The phone rang again. - This is Daniel. So what about this photo, Sacha? Any clues? - More than clues. I’ve found back the statue’s owner. - You must be joking. This piece of wood was inside this pillar for decades. I’m willing to negotiate with the hotel manager, the Quai Branly museum, the Ministry of Culture or anybody else but seriously, I don’t think we could find this statue’s owner. Or at the cemetery may be. - Well, her heiress if you prefer. - And where have you met her? Who is she? - I don’t know her very well. Her name is Bianca Rosamunda. She’s right beside me and I wish she could be there until my death. I’m really sorry for you, Daniel. But I’m afraid you won’t be able to negotiate this statue. She does belong to Bianca and she does not intend to sell it. He moved the receiver away from his ear and gave a knowing smile to Bianca while Daniel was still barking. - Come on Sacha, have you become crazy? - Crazy in love, maybe, Daniel. I’ll soon explain you everything, as soon as I’m back from Africa.
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E
Caché dans son Waka, un petit esprit de la forêt savourait sa liberté retrouvée. Il n’avait rien perdu de sa force. Il s’en servait déjà, comme il s’en était servi autrefois pour la belle danseuse andalouse. Ces deux-là s’aimeraient pour toujours.
Johner
Hidden inside its Waka, a small forest spirit would soon enjoy freedom. It had not lost its power, he was using it again, as he used it in the past for the beautiful Andalusian dancer. An endless love was beginning.
L E
M A G A Z I N E
D U
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E
19
Johner
expliquerai. Bientôt. À mon retour d’Afrique. Il raccrocha. - Alors ainsi, vous aussi vous avez un rêve, lui dit elle. - Saurez-vous le rendre réel ?
He hung up. - So, you also have a dream, she told him. - Will you be able to make it true? He came up to her and took her arm. From the high balcony of the bedroom, they were gazing at the horizon that they would soon cross to join Africa. Behind them, hidden inside its Waka, a small forest spirit would soon enjoy freedom. It had not lost its power, he was using it again, as he used it in the past for the beautiful Andalusian dancer. An endless love was beginning and in Africa or anywhere else, the spirit would protect them forever.
Il s’approcha d’elle et la prit dans ses bras. Depuis le haut balcon de la chambre, ils contemplaient l’horizon au-delà duquel l’Afrique les attendait. Dans leur dos, caché dans son Waka, un petit esprit de la forêt savourait sa liberté retrouvée. Il n’avait rien perdu de sa force. Il s’en servait déjà, comme il s’en était servi autrefois pour la belle danseuse andalouse. Ces deux-là s’aimeraient pour toujours. Qu’il soit en Afrique ou ici, il veillait déjà sur eux. L’Afrique cachait encore bien des forces surnaturelles que ne connaissait pas Sacha. Des forces d’un Outre-monde, qui plonge ses racines aux sources de l’amour.
In Africa, there were still many supernatural forces Sacha did not know about. Forces from an Over-world which plunged its roots into the spring of love.
FIN
THE END
20
L E
M A G A Z I N E
D U
P A L A I S
D E
L A
M É D I T E R R A N É E