Jacques benveniste ma verité sur la memoire de l eau

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1990. Ce texte est signé du chimiste Jean Jacques. Il a été — c’est triste à dire — parrainé par le prix Nobel de chimie Jean-Marie Lehn. Dans son article, Jean Jacques suggère que la réaction des basophiles, qui se traduit entre autres par une perte de coloration, serait due uniquement à l’agitation des tubes contenant les dilutions successives du produit actif, l’anti-IgE. Pour simplifier, Jean Jacques estime que le colorant utilisé pour le comptage des basophiles serait sensible à une oxygénation des liquides de dilution, oxygénation produite par l’agitation des tubes. D’après lui, dans le cas des solutions à très hautes dilutions, là où il n’y a plus de molécules d’anti-IgE, ce serait donc l’agitation du colorant qui produirait la dégranulation des basophiles et non une quelconque mémoire que l’eau aurait conservée du passage de l’anti-IgE. Mais il suffit de relire correctement l’article de Nature pour s’apercevoir que les solutions « contrôles » (dont les tubes initiaux, avant dilution, ne contiennent que de l’eau désionisée ou des réactifs auxquels les basophiles ne sont pas sensibles) sont soumises à agitation tout comme les solutions actives. Ce ne peut donc être la seule agitation du mélange basophiles + solution active (ou contrôle) + colorant qui produit la réaction. Je ferai remarquer son erreur à Jean Jacques quelque temps plus tard dans une réunion où le hasard nous réunit. « Ah bon, je ne savais pas que les tubes contrôles étaient agités », me répondra-t-il en prenant un air catastrophé tandis que la sueur perle à son front. Si Jean Jacques m’avait simplement téléphoné, je lui aurais expliqué son erreur. Mais une fois son article publié — et présenté par un lauréat Nobel, quelle tristesse (bis) ! —, le mal est fait. Je décide donc de proposer à l’Académie des sciences un article rédigé conjointement par mon équipe et celle d’Alfred Spira, en vue d’une publication dans les Comptes rendus. Comme un parrainage est nécessaire, je décide de faire appel au parrain de l’article de Jacques, Jean-Marie Lehn. Par une très courte lettre, le prix Nobel de chimie m’informe de son refus, qu’il justifie par le fait que la biologie n’est pas sa spécialité. Je ne peux trouver meilleure analyse de cette attitude que celle de Michel Schiff : « Le refus que lui adressa ce chimiste illustre bien les liens entre censure scientifique et rapports de force. Après avoir déclaré que “l’information finit toujours par être publiée si un travail est réalisé avec une méthodologie correcte”, l’éminent chimiste se retrancha derrière un alibi formel lié à son domaine de compétence. Ainsi, il aurait été compétent pour juger de la pertinence de l’article de Jacques en tant que critique des expériences sur les hautes dilutions. Par contre, il n’aurait pas été compétent pour juger des expériences elles-mêmes 1 ! »

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Op. cit., p. 144. Michel Schiff fait référence à une interview de Jean-Marie Lehn parue dans Le Monde du 30 juin 1986, déjà évoquée au chapitre précédent.

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