Architecture - Mémoire de fin d'étude - MArch - La conscience de l'homme au coeur de l'architecture

Page 1



Mémoire de diplôme d’architecture

La conscience de l’homme Au cœur de l’architecture : Les Galeries de l’éveil

Nicholas Archer S9 - Printemps/automne 2020 école spéciale d’Architecture


Les êtres humains ont tous deux vies. La première vie, passive et déterminée, est celle dans lequel l’être naît, croit et se développe, elle peut durer une enfance ou une vie entière. La seconde commence lorsque cette première ne comble pas les désirs de l’être, et où l’être prend conscience qu’une meilleure vie est possible. C’est à partir de cette prise de conscience de la valeur de sa vie et de ses désirs, que l’être commence à bâtir son véritable chemin, pour progressivement s’accomplir et tendre vers sa réalisation. Notre humanité, nos sociétés, nos quotidiens, ont été construits au fil des temps par ces êtres extraordinaires motivés par leurs désirs, et la foi que leurs actions les porteront vers de meilleurs lendemains. Ces héros bâtisseurs, homme de vices et de vertus, ont eut l’intelligence et trouvés les méthodes pour se surpasser et améliorer leurs conditions de vies. Ils ont ainsi

4

confectionnés des mythes et des croyances pour instruire les hommes et les guider vers leurs désirs, conçus des outils et des méthodes pour pouvoir réaliser ces rêves, et des villes et des routes pour les vivre de façon prospère et pérenne en société. A travers les époques, notre humanité s’est construite et perfectionnée par les expérimentations, les échecs et les succès, de ces grands hommes. C’est grâce à ces réalisations que s’est forgée notre humanité, c’est grâce à cette vitalité que se sont construites nos sociétés, et c’est ainsi grâce à ces succès que les individus peuvent bénéficier d’un quotidien de plus en plus stimulant et épanouissant. Ces individus ont remarqués la richesse de la vie et de leurs capacités, et se sont organisés de manière à réaliser leurs objectifs. L’essence de leur énergie provient de ce vide intérieur qu’ils ont cherchés à combler, où plutôt d’un plein d’énergie inépuisable qui les ont motivés jours après jours et permis de persévérer

malgré les difficultés. Ces individus étaient stimulés par une vision, et on su trouver les moyens et les actions pour la réaliser. Ce désir d’être et de devenir est présent en chacun d’entre nous. Une fois éveillé à ses possibilités et ses capacités, l’être peut commencer à se construire et tendre vers la réalisation de ses buts et à son épanouissement. Dans l’action et le mouvement, l’homme se construit progressivement, et prend alors le cours de son changement. C’est ce sentiment, et ce sont ces hommes que je souhaite voir exister dans notre monde. Ces individus capables, compétents, stimulés et épanouis dans leurs vies et leurs actions, et qui rayonnent et capacitent leur entourage et leur milieu de vie. Ce que je recherche, c’est ainsi quelles sont les environnement propres à de tels individus. Et ainsi, construire des lieux et des espaces dans lesquels ces types de personnalité peuvent être générés.


Objectifs

Pour moi, différentes manières peuvent permettre cette prise de conscience et ce changement. Soit l’Homme prend lui-même conscience de sa situation, de sa responsabilité et de sa capacité à vouloir qu’un changement se produise, et se met donc en acte vers cette réalisation, avec foi et persévérance. Soit l’environnement dans lequel il habite est déjà en partie aménagé de sorte à stimuler cette sensation d’être et de réalisation, et trouve ainsi les conditions propices à sa motivation, sa prise d’autonomie, et à la quête de satisfaction de ses désirs. Soit c’est dans son entourage, par une émulation et une effervescence de l’être qui se sent au bon endroit avec les bonnes personnes et ensemble, ou individuellement dans ces conditions, se sentent capables de réaliser leurs désirs.

Notre humanité et nos sociétés contemporaines, malgré les malheurs dont nous témoignes quotidiennement les informations, vivent surtout l’ère de l’humanité la plus riche et la plus capable que nous n’ayons jamais connue. Ce que l’humanité à depuis toujours le plus manqué et le plus mis en valeur est la conscience et la connaissances des choses menant à la prospérité, au bienêtre, à la réalisation et à l’épanouissement. Nos sociétés d’aujourd’hui connaissent, à l’échelle globale, des phénomènes bouleversants les traditions et les savoirs grâce à l’avènement de la technologie et à la communication et l’information procuré par Internet. L’être humain cherchant à se réaliser commence d’abord par développer sa conscience, à comprendre et à maîtriser la conscience de ses états, de ses actes et de leur valeurs morales, pour se construire, satisfaire ses besoins et devenir celui qu’il désir être.

A défaut d’un apprentissage personnel et votif, cette prise de conscience de l’être à la recherche de son bien-être et de son épanouissement, peut, selon moi, être stimulé par l’architecture, par un environnement incitant à l’apprentissage, à l’action et à la réalisation. L’architecte, institué à l’art et à la création de l’espace, peut se nourrir des différentes institutions humaines produisant des connaissances concrètes des dispositions stimulantes pour l’homme pour son bon développement. Ce, dans le but de parfaire l’environnement et l’habitat de l’Homme afin de favoriser les conditions de sa prospérité.

5


001


Introduction “Control of consciousness determines the quality of life” – Mihály Csíkszentmihályi

C’est par la mise en pratique de ces mots que progresse l’aventure humaine. A travers les connaissances que l’humanité à accumulées, questionnées et perfectionnées, nous avons construit tous ensemble ce monde dans lequel nous vivons. A notre époque, où l’accès à l’information, la possibilité de partage et la prise en compte du développement personnel n’a jamais été aussi aisé, le risque est trop dommageable pour l’humanité de laisser l’individu s’égarer et se satisfaire d’une vie non pleinement vécue. Ainsi, prendre conscience de nos facultés, prendre conscience de nos relations à l’environnement, prendre conscience de notre capacité à donner du sens et un rôle à notre vie dans ce monde, est le premier pas à faire pour que chacun participe au développement d’un monde meilleur.

Couverture : « Triangle de Kanizsa » Illusion cognitive consistant à démontrer que l’espèce humaine à tendance à interpréter spontanément et inconsciemment ce qu’il perçoit. Page de gauche : Bryant Park, New-York City

Ainsi, toutes personnes désirant un monde meilleur, doit comprendre les relations qu’entretient l’homme avec son environnement. Il doit focaliser son attention et ses actions pour offrir aux individus une expérience plus riche et plus vitalisante du monde. L’étude et l’aménagement des formes de l’espace et des lieux habités et leurs effets chez l’individu sont la source d’une progression positive de nos sociétés humaines contemporaines. Ce mémoire consiste en la prospection et la présentation de ces sources d’améliorations de l’individu par l’architecture. Il débouche ensuite sur un projet architectural essayant de réaliser ce dessein.

Dans nos environnement vécus, issus de nos désirs et de notre imagination, et façonnés par nos mains, l’architecture nous offre le contexte et la condition de notre développement. L’allerretour d’instruction et de reconstruction physique, cognitive et spirituelle de l’espèce humaine par sa spatialité est une constante de notre vie. C’est par la prise en conscience de cette réalité du monde que nous sommes amenés à reconsidérer les espaces que nous habitons au quotidien. 7


8


Composition du jury

Roberto D’Arienzo, Directeur de diplôme

Architecte et urbaniste Docteur en architecture aux universités Paris 8 et Federico II Enseignant à l’Ecole Spéciale d’Architecture

Marc Le Coeur, Président de soutenance

Historien de l’Architecture Enseignant à l’école Spéciale d’Architecture

Barbara Bonnefoy, Professeur Extérieur

Psychologue sociale et environnemental Maîtresse de Conférences au laboratoire parisien de psychologie sociale de l’Université Paris Nanterre La Défense

Jean-Marc Lefèvre, Expert

Chargé de mission archives et patrimoine à Paris La Défense Direction de la Transformation Digitale

Rida Saad, Diplômé de l’École Spéciale d’Architecture Chef de projet, SHAARP INGENIERIE Diplômé DESA en 2016

Fanny Tassel, Candide

Architecte-Plasticienne Enseignante à l’école Spéciale d’Architecture

9


10


Remerciements

Merci Roberto, pour ton encadrement, ta disponibilité et ton écoute, ainsi qu’à ta précieuse aide prodiguée par tes questionnements, tes conseils et ta confiance lors de nos nombreuses corrections. Merci Marc, pour ta disponibilité, tes encouragements, tes judicieux conseils et tes merveilleuses références. Et plus spécialement merci pour ta présence rassurante et ton sens de l’humour à la fois vif et sagace. Mes sincères remerciements à Carla et Yacine, mes chères compagnons de diplômes. Pour ces moments délicieux de bonheurs, de doutes, d’incertitudes, de surprises et de joie que nous nous partageons et dont nous nous souviendrons longtemps. Merci à cette période de confinement, pour ces journées et ces nuits cloîtrés chez moi. Merci à internet qui m’a permis de continuer à m’instruire et me faire découvrir tant de beautés architecturales jusqu’alors inconnues. Et avec mes sincères remerciements à l’Ecole Spéciale d’Architecture pour son encadrement et ses enseignements commencés il y a maintenant près de cinq ans. Et plus spécialement en cette dernière année de master, pour me permettre de travailler et de confectionner mon diplôme d’architecture sur le sujet de mon choix, un sujet qui me tient à cœur. 11


«Un esprit sain, dans un corps sain, dans un environnement sain». Par ces mots présents dans notre culture populaire tiré des poèmes de Juvénal et que je remanie, j’exprime la nécessité pour l’homme de prendre conscience dans ses actions de l’entièreté des éléments qui composent son expérience de vie. Ce mémoire est organisé selon cet ordre de la réalisation de soi.

Nous serons ainsi amenés :

12

En premier lieu, L’homme.

En deuxième lieu, L’environnement de l’homme

A comprendre par la présentation des caractéristiques physiques, cognitives, psychosociales de l’espèce humaine à travers ses perceptions et ses réalisations, ce qui fait l’entièreté de l’Homme, sa spatialité et les manières dont il se réalise dans ce monde.

A comprendre par les conditions de vie et l’expérience humaine de ce monde, les caractéristiques d’un espace habitable par l’homme et la manière dont ces espaces influent et conditionnent son expérience et sa compréhension de lui-même.


Présentation

En troisième lieu, Les interactions sociales de l’homme A comprendre par l’étude dans nos sociétés des activités humaines et des interactions sociales, les caractéristiques d’un espace où les actions de l’individu participent à sa construction, sa croissance et son épanouissement. Ainsi, plus spécifiquement du phénomène des tiers-lieux.

En quatrième et dernier lieu, La démonstration dans un environnement spécifique : Le quartier de la Défense

Ainsi, je vous découverte...

souhaite

une

fructueuse

A comprendre comment un lieu spécifique peut, par la connaissance de la composition et de l’entièreté de l’espèce humaine, contribuer à l’épanouissement de l’individu.

13


14

Objectifs

5

Introduction

7

Composition du Jury

9

Remerciements

11

PrĂŠsentation

13

Conclusion

225

Bibliographie

227

Figures

229


Sommaire

17

I/ Un être de perception et de réalisation A/ Le dialogue comme ressource B/ Richesse d’accordances et de dissonances C/ Repères et nécessités physiologiques

19 41 49

67

II/ Le désir d’espace et de lieu

69 77 97

101

III/ D’une multitude à la singularisation

103 111 119 121 143

A/ La poésie de la vie comme source d’expérience spatiale B/ Des constructions de corrélations et de correspondances C/ L’environnement édificateur de caractère

A/ A l’origine de l’endroit idéal B/ La croissance grâce aux autres

IV/ Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense A/ La Défense, de l’émergence à l’effervescence B/ L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

15


16


Un être de perception et de réalisation

Le dialogue comme ressource

Anthropologie Ternaire : l’homme corps-âme-esprit Nos modes de perceptions sensorielles Nos facultés de perception psychique Les vertus, activités de l’esprit

Richesse d’accordances et de dissonances

Les conditions de vies difficiles Expériences de privation des sens

Repères et nécessités physiologiques

Les besoins fondamentaux de l’être humain Le besoin de plaisirs et de vitalité

17


Un être de perception et de réalisation L’homme complet «Homme de Vitruve» 1490 Léonard De Vinci Gallerie dell’Accademia de Venise

18


Le dialogue comme ressource “The beliefs we form on the basis of perception are formed spontaneaously”1 - Robert Audi Anthropologie Ternaire : L’Homme corps-âme-esprit L’être humain est un être complexe. Tant par la complexité de son corps physique, que par ses aptitudes mentales et cognitives, que par les vertus qu’il acquiert et dont il fait preuve au quotidien. On ne connaît véritablement ni les origines de sa constitution, ni son degré d’évolution, ni le pourquoi de sa présence. Et pourtant indéfiniment on recherche, on analyse, on théorise, en surmontant les épreuves les plus difficiles et les énigmes les plus complexes, à comprendre ce monde dans lequel on vit, les êtres qui l’habitent, les relations qui s’y créent et notre propre condition. Au fil des temps et des sociétés connues, nous emmagasinons et archivons cette expérience civilisationnelle à fin de préservation et prospérité de notre espèce humaine.

1

Audi, R., (2011) «Epistemology: A Contemporary Introduction to the Theory of Knowledge, Third Edition», Routledge Taylor and Francis, p.44 2

Fromaget, M., (2017) «Corps-Âme-Esprit, Introduction à l’Anthropologie Ternaire», Almora 3

Idem

L’être humain est aujourd’hui fondamentalement caractérisé par sa tridimensionnalité. Chaque être humain est composé, de manière holistique, d’un corps, d’une âme et d’un esprit. Cette considération de l’homme est un “invariant anthropologique”. Car, comme nous l’explique Michel Fromaget, anthropologue, dans son ouvrage Introduction à l’Anthropologie Ternaire : “Cette répartition corps-âme-esprit n’est la propriété d’aucune tradition, d’aucune religion, d’aucune époque,

d’aucune civilisation, d’aucun auteur”2. C’est ainsi un fait reconnu universellement, “une donnée humaine fondamentale”, qu’il nous est vitale de reconnaître si l’on veut comprendre et saisir l’homme dans sa globalité. L’architecte qui réfléchit, conçoit puis construit des espaces pour l’homme, a besoin de comprendre la nature de cet être et de répondre à son essence s’il veut concevoir des espaces qualitatifs et performants, des espaces qui permettent à l’homme de s’épanouir et de s’accomplir. Un chacun doit ainsi comprendre les distinctions existantes entre le corps, l’âme et l’esprit pour espérer répondre par ses projets et ses œuvres à l’homme dans sa plénitude Il est communément compris que chaque être humain est différent par sa singularité et qu’il s’ouvre sur le monde et la société par son expérience personnelle subjective. Ce même monde dans lequel nous vivons tous ensemble est perçu et vécu par des être ayant d’abord une nature, une compréhension, une profondeur et une signification personnelle et singulière. Selon Michel Fromaget3, cette tridimensionnalité de l’homme se définit entre corps, âme et esprit. Le corps s’ouvre sur le monde physique par la sensation. Le corps est une interface unifiée qui nous permet à chacun d’interagir sensiblement 19


Un être de perception et de réalisation

avec le monde qui nous environne et ses composantes. Ainsi, le corps nous permet de toucher et de transformer les entités physiques, il interagit sur le monde des objets. L’âme, lui, s’ouvre sur le monde psychique par l’intellection. L’âme est le mental qui nous permet de conceptualiser ce monde qui nous environne, de la compréhension et de la réflexion sur celuici. Ainsi, l’âme nous permet de comprendre notre identité propre, par la définition et le travail sur nos instances psychiques (le ça, le moi, le soi, le surmoi et l’inconscient) ainsi que d’intelliger sur le monde physique par nos facultés cognitives, affectives, volitives et instinctives, elle influe sur le monde des sujets. L’esprit, quant à lui, s’ouvre sur le monde spirituel, le monde total tridimensionnel, par la contemplation. L’esprit est ce qui ne peut se mesurer, ce qui en l’homme est infini et indéfinissable. Il est ce qui nous connecte au monde des “essences” et non plus des “apparences”. L’homme “qui le voit, connaît plus clairement la raison ultime des choses, leur origine et leur fin.”4 L’esprit est ce qui nous connecte à la poésie, au sublime et au merveilleux. Cette tridimensionnalité de l’homme, corps-âmeesprit, est sa capacité complète à s’ouvrir sur un 20

seul et même monde. Notre monde tel qu’on le vit et l’expérimente inclue de façon inhérente ces trois réalités physique, psychique et spirituelle. Et c’est par cette prise en conscience de sa tridimensionnalité que l’homme peut s’accomplir et s’épanouir. Il n’est plus soumis à un désir d’avoir, mais à un désir “d’être”. Dans nos sociétés, nous avons longtemps remarqués ces individus profondément concentrés dans leur travaux, de talentueux passionnés, qui produisaient des merveilles du fruit de leur activités sans montrer le moindre effort. Un psychologue Hongrois, spécialiste de la psychologie positive, Mihaly Csikszentmihalyi5, a étudié ce phénomène au long de sa carrière et a caractérisé cet état maximal de concentration, de plein engagement de soi et de satisfaction dans son accomplissement : le “flow” (ou la zone), car les personnes interrogés exprimait leur état d’être et d’action fluide “comme porté par le courant d’une rivière”. Les hommes étant le plus souvent dans cet état de flow sont, dit-il, les plus heureux, les plus satisfaits et épanouis qu’il ai connu. Ces hommes vivant quotidiennement cet état de flow emploie toute leur énergie, leurs facultés et leurs émotions dans leurs actions, à tel point qu’ils peuvent y ressentir un sentiment de joie spontané, et même d’extase. Ces performances sont reliées à cette compréhension, consciente ou inconsciente,

de son caractère tridimensionnel. Quelque soit le lieu, l’activité et son degré de participation, “l’homme est habité par une soif d’être”, il trouvera son bonheur dans l’accomplissement. L’architecture ne peut en aucun cas forcer cet état de conscience chez l’individu. Il peut néanmoins le suggérer, le stimuler, et l’inspirer par des lieux conçus de sorte à offrir les meilleures conditions pour l’homme. Que ces nouveaux lieux habités soit propices à sa croissance et à son épanouissement.

4

Idem, Chapitre 1, p.4

5

Csikszentmihalyi, M., (1990) «Flow. The psychology of optimal experience», Harper Perennial


Le dialogue comme ressource

Nos modes de perceptions sensorielles L’être humain a la faculté de percevoir le monde qui l’environne à travers ses différentes facultés. Selon le CNTRL, la perception est une “Opération psychologique complexe par laquelle l’esprit, en organisant les données sensorielles, se forme une représentation des objets extérieurs et prend connaissance du réel”. La perception est ainsi le moyen que possède l’homme pour avoir une connaissance la plus fidèle possible du monde extérieur. Elle à lieu à travers ses organes sensoriels et physique mais aussi à travers ses réactions psychique et psychologique. L’information perçue varie ainsi selon la nature de la provocation et de la nature de celui qui le reçoit. Chaque individu ayant des affinités et une conscience de ses facultés perceptives propre, le monde qui nous environne est compris conséquemment. L’individu vit son expérience propre du monde. Il faut tout de même savoir que pour vivre en société et se comprendre, nous avons dû définir communément certains éléments rendant leur caractéristique indéniable. Même si la coutume veut que l’on ne discute pas des goûts et des couleurs, nous reconnaissons qu’une pierre et une pierre et que la couleur rouge est rouge. Les êtres humains ne pourraient communiquer et s’entendre sans un langage commun. Toutefois,

l’expérience totale multi-sensorielle vécu personnellement, elle, est bien propre à chacun. Nos facultés, plus ou moins développées et utilisées au quotidien selon les individus, appartiennent principalement à deux ordres, le sensoriel et le psychique.

La vie sensorielle «Le Jardin des délices» 1515 Jérôme Bosch Musée du Prado, Madrid

Ici, je les définies selon un individu ayant une maîtrise commune de ces facultés. Du coté de la perception sensorielle externe : La vue, faculté de voir, permet l’observation et l’analyse à distance de son environnement. Notre œil est l’organe qui reçoit les rayonnements lumineux à différentes intensités émises ou réfléchies par notre environnement proche pour le traduire en un message électrique que le cerveau reçoit et interprète La vue est le sens majoritairement employé par l’homme. Il a conditionné la grande majorité de nos sociétés et de nos activités. L’ensemble de nos villes et espaces sont conçus de sorte à ce que l’homme puisse se repérer et se diriger en utilisant sa vue. L’homme est également affecté et influencé dans ses actes et ses pensées par 21


Un être de perception et de réalisation

La vue, l’ouïe et l’odorat Serpentine Pavilion Londres 2011 PeterZumthor

les conditions lumineuses présentes dans les espaces et les lieux. Nos sociétés corrèlent souvent leurs temps de vie à la présence de lumière du jour. Durant la journée l’homme est actif, il produit des efforts, se déplace, construit, projette… Durant la nuit l’homme calme ses activités, prends le temps de se reposer, se nourrir, dormir… L’homme conditionne sa vie selon les cycles du soleil. L’apport en lumière et son contrôle dans un espace affecte la façon dont l’homme suit ses activités. Un espace éclairé par une lumière tamisée est propice à l’intimité et aux échanges informels. A l’inverse, un espace éclairé par une lumière blanche forte et homogène est plus propice à un travail de précision scientifique. Autrement, une source lumineuse contrastant avec son environnement, tel un halo, est propice à un sentiment spirituel. La clarté de notre vision nous donne des informations de différentes qualités selon les distances qui nous séparent de nos semblables ou des éléments de notre environnement. Notre intimité n’est pas la même selon que notre interlocuteur se situe à 50cm de nous ou à 5 mètres. Egalement, nous pouvons distinguer les spécificités de son visage à 50cm, et voir son corps en entier à 5m.

22

L’ouïe, faculté d’entendre, permet de percevoir des sons. Nos oreilles sont les organes qui permettent de recevoir les ondes vibratoires présents dans notre environnement afin de les traduire en message électrique que le cerveau reçoit et interprète. L’homme est affecté par les sonorités de son environnement. Son appréciation, ses

sentiments émotionnels et sa productivité sont affectés par la qualité acoustique des espaces qu’il fréquente. Selon les activités humaines, une qualité acoustique de l’espace doit se spécifier pour générer le sentiment propice à l’accomplissement de la tâche donnée. Un homme cherchant à se focaliser sur sa lecture peut être aidé par un environnement calme dont le fond sonore s’oublie par sa régularité. A l’inverse, un homme cherchant à se divertir


Le dialogue comme ressource

peut trouver son plaisir dans un environnement de cafés ou de restaurants ou le fond sonore est ponctuellement piqué par le théâtre de la société, de la routine et des surprises. La qualité sonore d’un espace peut déterminer son caractère et le plaisir procuré par sa fréquentation. Le goût, faculté de savourer, permet la gustation et l’identification des saveurs. Notre langue et ses chémorécepteurs est l’organe qui nous permet d’analyser les saveurs des aliments et évaluer leur sapidité. A part pour exprimer son accord envers un espace ou un projet qualitatif “Ce palais est mal distribué … mais il est décoré avec goût”6, “C’est par ces dispositions appropriées à l’objet que l’Hôtel des Invalides est une œuvre de goût”7, ou même pour décrire les qualités et les désirs d’une personne “il a le goût de l’architecture”,… En architecture le sens du goût en tant qu’organe sensoriel est peu utilisé.

6

Viollet-Le-Duc, E., (1863) «Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6», B. Bance, p.34 7

Idem, p.37

L’odorat, faculté de sentir, permet l’analyse des odeurs présentes dans l’air. Notre nez est l’organe qui permet d’analyser les substances chimiques volatiles odorantes. Proche du goût en terme d’expression et souvent délaissé au profit de la vision, l’odorat est une faculté qui était importante pour l’homme au quotidien, principalement pour sa survie. L’odorat permettait de reconnaitre les fruits comestibles des mauvais, et peut déclencher des affinités selon son odeur corporelle. Aujourd’hui les odeurs sont une partie de notre quotidien. Dans les parc, les arômes florales et boisés peuvent contribuer à la relaxation. Une ville peut-être délaissée ou apprécié selon sa politique de recyclage des poubelles, et un quartier selon les usines présentent à proximité et selon la direction majeure du vent. Dans un habitat, l’odorat est utile pour sa survie, être prévenu par la présence de gaz ou du feu, ou pour ses plaisirs, des fleurs dans son salon et les arômes cuisinés surgissantes anticipant l’heure du repas… En architecture, une maîtrise des odeurs peut influencer la qualité des espaces fréquentés par l’homme et leur réponse. Une entrée peut être appréciée par la présence de fleurs odorantes.

Un bâtiment peut-être reconnu à son odeur. Un cinéma est imprégné par l’odeur du popcorn, à la fois pour mettre l’homme en condition de spectateur et pour l’inciter à la consommation. Les ports de pêches sont imprégnés quant à eux par l’odeur du poisson et des crustacés. Le toucher, faculté de ressentir, est vitale au bon développement de l’homme dans son environnement : l’exploration, la reconnaissance, la découverte de son milieu, la marche, la préhension des objets, la saisie et l’exploitation d’un outil ou d’un instrument musical, la recherche d’exposition solaire, les contacts sociaux… Notre enveloppe charnelle est l’organe qui nous permet ce toucher à travers des capteurs réparties dans toute la peau. Certaines zones sont néanmoins plus denses en capteurs, tel que les doigts et les lèvres. La faculté de ressentir physiquement les objets est vitale dans notre quotidien, que ce soit pour sentir les marches d’un escalier lorsqu’on le monte, pour saisir et manier son crayon lors d’un croquis, ou même pour montrer son accord à quelqu’un en lui serrant la main. Le sens du toucher est stimulé constamment dans notre interaction avec le monde et nous 23


Un être de perception et de réalisation

Le toucher, le mouvement «La Cathédrale» 1908 Auguste Rodin Musée Rodin, Paris

permet de comprendre la richesse de ses éléments et leur diversité. Les sentiers et les rues bétonnés n’ont pas la même dureté sous la pression de notre pas. Un canapé en tissu n’a pas la même rugosité et le même confort qu’un canapé en cuir. Le toucher de la brique n’a pas la même finesse et douceur que le marbre poli… L’espace tactile dans lequel nous évoluons influe sur notre sensibilité et notre personnalité. La dureté de la pierre au quotidien ne produit pas le même homme que celui habitué à toucher et à manipuler le bois. Du coté de la perception sensorielle interne : La proprioception, faculté de localiser l’emplacement de ses membres, permet l’interaction et le déplacement du corps dans l’espace. Ce sens interne est la capacité, consciente ou inconsciente, de localiser nos membres dans l’espace à travers la compréhension de nos réactions musculaires et nerveuses Il est utilisé au quotidien de manière inconsciente, par exemple lorsqu’on ouvre une porte en situant exactement sa poignée, lorsqu’un pianiste joue une partition sans regarder le clavier, lorsque

24

des combattants en arts martiaux s’affrontent en duel, ou également lorsque les danseurs arrivent à occuper entièrement la scène d’un théâtre par leurs mouvements… La faculté proprioceptive est une connaissance et une maîtrise des différents membres de son corps par la répétition consciente ou inconsciente d’un geste qui, conséquemment, rend l’homme conscient de sa localisation dans l’espace. Cette faculté permet à l’homme de comprendre l’intégrité et les capacités de son corps pour interagir avec un environnement donné. L’équilibrioception, faculté de sentir ses légers mouvements, permet de maintenir son équilibre. Notre capacité à se maintenir en équilibre est permise grâce au système vestibulaire présent dans l’oreille interne. Et se mêle généralement au sens de la vision et de la proprioception pour confirmer son maintien. Ce sens nous aide principalement à prévenir les chutes et se mouvoir, en différentes vitesse, dans l’espace. Par exemple, se tenir debout dans le métro est facilité par ce sens, ainsi qu’à un marin pour cheminer de façon adroite sur un navire qui tangue ou un randonneur qui gravit un sommet pierreux.


Le dialogue comme ressource

Les espaces ainsi vécu par l’homme, selon la température de l’air, la température des parois et la présence d’une source de chaleur, influence son degré de bien-être et de confort.

La recherche d’équilibre par la maîtrise de son corps La pratique du Tai Chi

La nociception, faculté de ressentir la douleur, permet d’être alerté d’un danger en cours. Notre capacité à sentir la douleur se fait via l’activation des nocicepteurs présent en grande quantité dans le corps humain, dans la peau, dans les muscles et les articulations.

La faculté d’équilibrioception aide l’homme à maintenir une stabilité où qu’il soit, ainsi qu’à améliorer l’efficacité de sa gestuelle et de sa coordination. La thermoception, faculté de ressentir la chaleur, permet la perception de la température de son environnement. Notre capacité à ressentir les caractéristique et variations de chaleur se font par la présence de thermorécepteurs dans la peau du corps humain.

Le corps humain en bonne santé maintien sa température corporelle autour de 37° par homéostasie. Néanmoins, qu’il soit nomade ou sédentaire, l’homme ressent l’importance vitale de devoir maintenir sa température corporelle pour survivre. Faisant demeure dans des villes de différents milieux et climats, l’homme a conçu de nouvelles peaux qui lui permette de préserver ce maintien. Soit par des vêtements qu’il porte directement au corps, soit par des édifices dans lequel il établit ses activités.

L’homme pour préserver sa santé et son intégrité physique, est prévenu par une douleur localisé plus ou moins vive d’une source de maux. Au quotidien, cela permet de comprendre qu’elles sont les capacités de son corps pour connaître ses limites physiques, les repousser si le désir en est la motivation ou les laisser se reposer quand il le demande. Egalement, c’est l’effet produit par une interaction néfaste du corps humain et d’une chose. C’est l’exemple de la sensation de brûlure à l’approche du feu, ou alors de la douleur musculaire ressentie après avoir marché toute une journée. La douleur est un guide déclenché pour notre protection. 25


Un être de perception et de réalisation

Le plaisir des sens «Heavenly Pond» 2009 Li Chen

L’intelligence pratique «Human Nature» 2013 Li Chen

L’ensemble de ces perceptions sensorielles, que ce soit individuellement ou combinées, donne à l’homme des indications et des informations de son environnement et de sa condition physique. A partir des informations collectées, l’homme peut mettre en acte ses facultés psychiques d’intelligence et de raisonnement pour extraire et synthétiser de ces informations des descriptions, des concepts, des analyses et des interprétations… de manière à rendre intelligible notre monde terrestre. Ainsi, pour le bon développement de l’être humain et la bonne connaissance et compréhension de ses facultés psychiques. Il doit éprouver et développer celles-ci dans sa vie pour aller audelà de certains biais cognitifs existants, qui trahissent et conditionne sa propre perception du monde.

26


Le dialogue comme ressource

Nos facultés de perception psychique Nos modes de perception sensorielles sont supplantés par des facultés psychiques. Celles-ci complètent et conditionnent l’homme dans sa compréhension du monde. Une des facultés psychique de l’homme est sa cognition, l’acte de connaître. C’est un processus par lequel l’homme acquiert la conscience des évènements et des objets de son environnement. En psychologie de la cognition, il existe des principes cognitifs clefs qui conditionnent la perception du monde par les individus. Par exemple, l’homme dans ses descriptions visuelles, n’arrive pas à simplement décrire ce qu’il voit mais décrit une interprétation personnelle de ce qu’il voit. Ce principe s’appelle “L’identification à l’objet”, c’est une manière naturelle de l’homme à catégoriser. L’expérience la plus simple pour comprendre ce phénomène est celle produite par Richard Thompson (1993)8, qui explique le biais cognitif suivant : 8

Thompson, R., (1993) «The Brain: A Neuroscience Primer», W.H. Freeman and Company. (sur http://sboisse.free.fr/science/psy/ principes-perception.php)

Sur une feuille blanche sont dessinés d’un coté quelques point et de l’autre coté quelques autres. Tout homme à qui l’on demandera de décrire ce dessin répondra : “il y a deux groupes de points” à cause de la proximité physique de chacune qu’il aura observé, et non juste qu’il voit véritablement, un tas de point dessinés sur une feuille. D’apparence simple, cette expérience démontre un concept multidimensionnel. L’homme identifie, reconnait et catégorise naturellement et spontanément les choses qu’il voit. Ainsi, on comprend que l’homme a une tendance naturelle de percevoir les objets comme un “tout” et non seulement par des éléments individualisés. La qualité des interprétations diffèrent selon l’expérience de la personne en question.

L’élévation vertueuse «Elevation» 2009 Li Chen

Dans une ville, un homme qui recherche l’église se dit qu’il l’a trouvé lorsqu’il aperçoit la tête du clocher. Si un clocher est présent, il indique donc pour lui la présence d’une église à ses pieds. Un code couleur présent par étage dans un hôpital, hiérarchisation de l’espace comprise par un homme, l’aidera à se localiser lorsqu’il se posera la question. De même après un historique de comparaison architecturale, un homme pourrait distinguer avec plus de facilité la nature d’un bâtiment par les éléments architecturaux le comportant : reconnaître un immeuble d’habitation à une 27


Un être de perception et de réalisation

volumétrie habituellement massé, ou reconnaître un musée à une allure habituellement atypique par rapport à son voisinage. Cet homme aura reconnu la nature du bâtiment car il avait, au préalable, appris et catégorisé les formes générales que l’on retrouve habituellement pour chaque programme de bâtiment. Ainsi, une logique d’organisation spatiale hiérarchisée intégrée formellement aux espaces d’un même projet architectural peut aider l’homme à comprendre et se mouvoir de manière plus fluide dans ces espaces. C’est en maniant avec bienveillance ce principe d’identification à l’objet, de la perception d’un tout de ses catégories, que l’architecture peut aider l’homme à faciliter son quotidien. Une autre faculté psychique de l’homme est sa capacité à percevoir l’écoulement du temps malgré l’absence de capteurs sensoriels propre à celui-ci. Le sens du temps est une faculté humaine qui lui permet de comprendre les effets provoqués par la durée sur les choses, de sorte à pouvoir réguler sa vie et sa compréhension du monde selon une répartition de l’avant, du maintenant, et de l’après; autrement dit du passé, du présent et du futur. 28

L’homme possède la faculté d’établir des relations temporelles entre les évènements produit, et peut s’adapter à celles-ci. Ainsi, la perception du temps par l’homme relève de trois types de phénomènes : la perception des durées (le temps d’une action), la perception et la production de rythmes (la répétition d’une structure) et la perception de l’ordre temporel et de la simultanéité (la suite logique d’une structure et sa capacité à se passer en même temps).

Dans la mesure où l’homme peut organiser ses journées selon un équilibre entre travail, récupération et loisir, il s’agit de comprendre quelles sont les activités et les temporalités possibles et bénéfiques pour l’homme pour son épanouissement.

Par exemple, le rythme circadien de l’homme est un rythme calqué sur le cycle de rotation de la terre en une journée. Son horloge interne se synchronise essentiellement grâce à la lumière du jour. Par cette intégration, l’homme suit un rythme cyclique d’habitudes qui lui permet un fonctionnement optimal de ses périodes d’activités et de sommeil. Le bouleversement du rythme circadien d’un individu peut provoquer des somnolences, des maladies et une altération des fonctions cognitives. Autrement dit, le temps perçu régule nos journées et nos activités quotidiennes. Une heure passé dans les transports en commun peut faire ressentir des longueurs et avoir un effet nocif sur sa santé et sa psychologie, alors qu’une heure passé dans un parc peut défiler à toute vitesse et avoir, contrairement, un effet positif.

C’est une disposition élémentaire émotionnelle que l’on peut décrire par l’observation du comportement des individus. L’affect est un changement ayant lieu dans le corps en même temps que dans le mental. Un affect est un phénomène surgissant durant une activité qui influe sur son état d’âme, sa productivité et son plaisir. Par conséquent, la puissance d’agir d’un individu est augmenté ou diminuée par ce changement. Ainsi, la perception affective de l’homme régule et conditionne son vécu dans l’action. Un espace adapté pour le travail, une lumière permettant de lire sans peine, une acoustique confortable sans résonance, une planche de travail à la bonne hauteur, aide l’homme à effectuer des tâches qualitatives car son environnement adapté ne le frustre pas et lui permet de se focaliser sur son travail. Il peut se sentir joyeux et heureux dans un tel environnement.

L’affect, ou la capacité de ressentir des émotions, des humeurs, des sentiments, est une faculté psychique de l’homme.


Le dialogue comme ressource

Horloge biologique de l’homme «Rythme Circadien»

29


Un être de perception et de réalisation

Dans le sens contraire, une maison sale et délabrée, dont les espaces sont peu éclairés par la lumière naturelle et la vue donnant sur des cours aveugles ou du béton, peut faire surgir la peur chez l’habitant qui y réside et de la colère envers ce lieu et ce monde qui ne lui donne pas l’occasion de vivre dans un lieu plaisant. Ainsi, il est important pour la bonne croissance de l’homme et pour son épanouissement, que ses interactions avec son environnement construit puissent le stimuler positivement et générer les émotions adaptés à son activité, et ce, dans son quotidien. La volition, est une faculté psychique par lequel l’homme agit selon sa volonté et se détermine à quelque chose. C’est l’expression et la formulation du choix et son déroulement consistant en un résultat interne ou externe. En effet, comme décrit par Charles Sanders Peirce, sémiologue et philosophe, “Cet acte qu’est la volition est l’aboutissement d’un processus d’origine psychologique et dont le dernier instant est d’ordre musculaire”8. C’est l’action de la volonté en un acte concret et particulier. Pour l’homme dans son quotidien, le respect de sa volition et la capacité d’un lieu à pouvoir suivre cette volition est bénéfique pour tous. 30

Selon Gary Kielhofner, ergothérapiste, dans son Modèle de l’Occupation Humaine, la création chez l’individu d’une vie occupationnelle et la canalisation de sa volonté en routines, habitudes et rôles peuvent favoriser sa santé et son bienêtre9. Ainsi, une ville équipée de bâtiments offrant diverses activités, réparties de manière adaptés dans l’espace, facilement utilisables, fluides et efficaces dans leur fonctionnement, favorise le bien-être et l’épanouissement de l’homme dans ses choix et actions. La proximité des activités, l’accès rapide aux lieux et aux informations, les espaces adaptés à leurs usages sont des caractéristiques architecturales qui stimulent et répondent aux volitions humaines. Les espaces conçus et construits qui répondent aux besoins et aux désirs de l’homme, contribuent à la satisfaction de la volition et ainsi, à une amélioration de la qualité de la vie quotidienne. L’instinct, est également une faculté psychique, c’est une pulsion inconsciente et involontaire de l’homme dans ses activités. Illustré par Marx dans Le Capital : “Ce qui distingue d’abord le plus mauvais architecte et l’abeille la plus habile, c’est que le premier

a construit la cellule dans sa tête avant de la réaliser dans la cire”10. L’instinct est l’opposé de l’intelligence anticipé, réfléchie, rationnelle. Néanmoins, l’action porté par l’instinct est considéré d’emblée comme parfait. Ces deux manières d’agir de l’homme ont des traits distinctifs spécifiques. Pour l’intelligence, c’est sa souplesse, qui dans l’action peut faire varier ses gestes selon leur efficacité. Pour l’instinct, c’est sa rigidité, dans l’action le geste est parfaitement approprié à sa situation. Ainsi, l’instinct est une faculté psychique inhérente à l’homme pour s’adapter à son environnement. Au quotidien, l’instinct est primordial pour l’homme. Dans la rapidité de l’action, c’est par exemple, ne pas rater le dernier métro. Dans la reconnaissance d’un espace bienveillant, c’est savoir rentrer chez soi en faisant un détour par une ruelle éclairée plutôt que par une ruelle sombre. Lorsqu’un évènement inopportun surgit devant soi, c’est savoir se repérer et courir vers des zones de sécurité. Ainsi, des lieux et des organisations spatiales claires et précises, qui peuvent être comprises 8

Peirce, Ch., (1870) «Collected Papers», (1.386)

9

Kielhofner, G. (2008) «Modèle de l’Occupation Humaine: Théorie et Application», Lippincott Williams & Wilkins 10

Marx, K., (1867) «Le Capital», Livre I, Chapitre 7


Le dialogue comme ressource

du premier coup d’œil et qui permettent une fluidité des flux dans l’espace, aide l’homme à réagir avec plus d’aisance et de précision dans ses activités, ainsi qu’à éviter au mieux toute situation désagréable. Un sol anti-dérapant dans les accès des transports en commun et sur les passages piétons peut éviter bien des ennuis. La présence de poubelles dans l’espace public

incite à conserver ses déchets et à réprimer son impulsion de jeter par terre ses déchets. La présence d’assises possibles dans l’espace public, spécialement à proximité des escaliers, permet aux passants de prendre un moment pour se reposer et récupérer ses forces. C’est également l’instinct créatif, présent chez

chaque individu, qui peut être satisfait dans l’espace public par des installations et des aménagements appropriables et par lequel il à la possibilité de s’exprimer. Un kiosque ayant une bonne acoustique permet à l’homme de venir jouer une chansonnade. Une estrade intégré à l’aménagement donnant une bonne visibilité et une proximité à l’ensemble peut être un lieu qui donne envie de jouer une pièce ou de faire un discours. Un parc dont les circulations sont biens éclairées de nuit va être plus occupé qu’un autre ayant un mauvais éclairage. L’homme se dirigeant instinctivement vers la lumière.

La ruche humaine Carrefour de Shibuya Tokyo

L’être humain est un être complexe qui interagit avec son environnement. Il se meut et se projette dans l’espace selon les informations qu’il récupère de ses facultés sensorielles et psychiques. Il est un être multisensoriel, qui se met en activité par une compréhension et une synthèse de l’ensemble de ses facultés en fonctionnement. C’est ainsi, à travers la prise en conscience de ces facultés et leurs stimulations positives par les éléments de son environnement, que l’Homme peut favoriser sa croissance et son épanouissement. 31


Un être de perception et de réalisation “Les labeurs de la sagesse produisent les vertus; elle enseigne la tempérance et la prudence, la justice et la force, ce qu’il y a de plus utile aux hommes pendant la vie” - Pythagore, Livre de la Sagesse, VII, 7

Les vertus, activités de l’esprit La réalité perçue, par les événements sensoriels et leur compréhension psychique, nous amène à une troisième prise de conscience du monde, dont le degré d’abstraction est encore plus poussé que les précédentes. Cette capacité humaine nous incite à comprendre les phénomènes singuliers de la source de son énergie, de ses désirs, de son imagination, de sa poésie; et de sa qualité constante à trouver les moyens de se surpasser. Ainsi, c’est de la conscience de ses interactions avec le monde et leurs effets que des notions plus universelles de caractère et de personnalité se construisent. Cette construction personnelle est le fruit de l’activité de l’esprit : la vertu. Selon Michel Fromaget, chercher à comprendre le rôle et les facultés de l’esprit selon notre vision du monde actuelle, s’énoncerait ainsi : “Après le corps et l’âme, l’esprit est la troisième et ultime dimension ontologique de l’être humain. Son rapport à l’âme est comparable à celui de l’âme au corps, et son mode de manifestation privilégié est l’amour”11. Les activités de l’esprit concernent ce qui est de l’ordre du nonmesurable. Quelle motivation et quelle valeur porte l’architecte à achever malgré les difficultés un projet d’architecture complexe ? Qu’éprouve

32

et que retient un couple vivant dans deux villes différentes qui, malgré leur amour réciproque, ne se voient que si peu ? D’où provient l’énergie d’un homme qui se réveille matinalement à l’aube ? La source de ces vertus vient de l’esprit en action. Du caractère d’un individu à porter ses actions vers une vision qui dépasse sa propre condition. La vertu est définie, selon Seligman et Peterson, comme les “forces du caractère” ou les “valeurs en action”12. La vertu en acte est ainsi une capacité de l’homme à se comporter, à penser et à ressentir qui favorise un fonctionnement et des performances optimales de sa vie dans le but d’une vie heureuse et épanouie. Le caractère d’un individu, ce n’est ni ses compétences, ni ses talents, ni ses intérêts, ni ses ressources, c’est une source d’énergie personnelle qui se construit de l’intérieur selon sa perception et son expérience propre du monde. Ce sont des forces internes qui contribue à son épanouissement.

11

Fromaget, M., (2017) «Corps-Âme-Esprit, Introduction à l’Anthropologie Ternaire», Almora, Chapitre 1, p.3 12

Seligman, M., Peterson, C. (2004) «Character strengths and virtues: A handbook and classification», Oxford University Press and Washington, DC


Le dialogue comme ressource Célébration festive en l’honneur de nos morts «Dia de los muertos» Mexico, San Andres Mixquic

33


Un être de perception et de réalisation

La réflexion dans l’action «Atelier de dessins» 1942 Engine Aircraft Resarch Building

Cette étude sur les caractères de l’homme mené par Seligman et Peterson, n’a pas pour but de montrer des vertus à adopter, mais plutôt d’expliquer quelles sont les conséquences de nos choix pour que l’on soit conscient de la portée et de la potentialité de nos actions. La psychologie positiviste souligne l’importance de la vertu, et à travers elle, la capacité de l’homme à agir et se transformer pour “vivre dans les niveaux supérieurs de notre échelle du bonheur, éprouver davantage d’émotions positives et éprouver une satisfaction abondante et authentique durable”13. Ainsi, les vertus que l’on porte individuellement sont nos forces et les sources de notre énergie. C’est en s’évertuant dans l’accomplissement de ses désirs que l’homme peut atteindre l’épanouissement et la réalisation de soi. Tel qu’étudié par le philosophe écossais A. MacIntyre, dans son ouvrage “Après la vertu”, la vertu est une quête personnelle du bonheur et se bonifie par la pratique. La vertu est pour lui “une qualité humaine acquise dont la possession et l’exercice tendent à permettre l’accomplissement des biens internes aux pratiques et dont le manque rend impossible cet accomplissement”14. Une vertu est donc l’accomplissement dans l’action de cette qualité humaine, de sa force de caractère.

34


Le dialogue comme ressource

C’est ainsi que la vertu, au contraire des vices séparateurs et destructeur, est une énergie stimulant l’accomplissement de l’individu selon les principes d’excellence de l’institution concerné. Sa mise en pratique et sa reconnaissance, est le moyen par lequel on comprend l’intérêt et le fonctionnement de la vertu et de l’institution en question. Au détriment de sa propre personne, la vertu d’un pompier est de porter secours et assistance à toute personne malade dans le feu de l’action; et la vertu d’un médecin, comme en témoigne le serment d’Hippocrate, est “de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé

dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux”15. Dans ses constructions, un architecte vertueux cherchera toujours en premier lieu la solidité de la structure et le bien-être de ses habitants par un design en adéquation et en cohérence avec les intentions et les besoins du lieu en question. L’individu a cherché à vivre en communauté car il s’est rendu compte que la présence de l’autre avait une valeur ajoutée à sa vie. Les individus y étaient vertueux : l’un possédait un talent que l’autre n’avait pas et réciproquement, et acceptaient de les partager. L’Homme vertueux

cherchera toujours à mettre en pratique les vertus qu’il défend quelque soit le contexte dans lequel il se trouve. Les villes sont considérés bonnes par ce principe, lorsque la présence de l’autre est un bénéfice et que la pratique quotidienne de l’homme est bonifiée par la présence de ses institutions. L.Kahn dans son ouvrage Silence et Lumière, explique cette qualité possédée par les “bonnes villes” : “Le siège des institutions de l’homme donne la mesure d’une ville, pas ses systèmes de circulation, pas ses services qui vont de soi. Les institutions existantes, leurs disponibilités, leurs échanges, l’architecture de connexion qui les relie et dans laquelle le jardin devient un lieu privé, la cour le lieu d’entrée, la place le lieu de rencontre, la cour le domaine d’un enfant, le lieu de rencontre celui de l’homme.”16. Une ville est “bonne” lorsque les individus peuvent mettre leurs vertus en pratique, où un lieu physique est présent pour l’expression de ses institutions humaines : s’amuser, s’éduquer, se soigner, ...

Une rue commerçante fréquentée «Rue des Martyrs» Paris

13

Heutte, J. (2006) «Les six vertus fondamentales (Seligman, Peterson, 2003)», (sur http://jean.heutte.free.fr/spip.php?article62) 14

MacIntyre, A., (1997) «Après la vertu», Leviathan, p.186

15 16

Hippocrate (IVe s.av. J.-C.) «Serment d’Hippocrate»

Kahn, L., (1996) «Silence et Lumière», Éditions du Linteau, p.201 35


Un être de perception et de réalisation

Triptyque d’institutions présentes dans un même espace public

La Justice et l’adminisitration «Mairie du Vème» Place du Panthéon Paris, Vème

Cette notion de mise en pratique de la vertu par la présence de ses institutions devrait être le fondement et le moteur de création d’une ville qui se veut être bonne pour l’homme. L.Kahn énonce également qu’une ville stimulante et satisfaisante pour l’homme se doit d’avoir “le sens de la réalisation des institutions de l’homme, la sensibilité aux nouvelles institutions de l’homme”, et établir que ses espaces stimulent “le sentiment que la ville est un lieu pour sentir ce que l’on veut afin de s’exprimer soi-même”17. Les lieux, édifices et monuments, sont là pour honorer et stimuler les vertus humaines. Ainsi, va de l’existence et de l’importance d’églises, où l’individu peut exprimer sa foi; de l’importance de musées, où l’individu peut exprimer sa culture; de l’importance de cafés et de restaurants, où l’individu peut exprimer son besoin de se réunir en communauté… Ces vertus “universelles” à l’espèce humaine, appellation plus commune des institutions humaines, ont aussi été recherchées et synthétisées par deux psychologues, Seligman et Peterson. Leurs recherches se basent sur l’analyse et la synthèse d’ouvrages sur la sagesse de toutes époques et de toutes provenances, afin d’éviter toute connotation culturelle spécifique et en démontrer l’universalité.

36

De leur étude, L’Inventaire de Forces de caractères - Valeur en Action (VIA-IS)18, ils ont réunis et présentés vingt-quatre “force de caractère”qu’ils ont répartis en six domaines ou vertus : la sagesse et la connaissance, le courage, l’humanité, la justice, la tempérance et la transcendance. Ces vertus mises en pratique favorisent l’émergence d’un monde et d’une expérience plus en accord et en harmonie avec sa quête du bonheur et de l’accomplissement. Néanmoins, ces valeurs indéniables ne sont pas toutes à l’état consciente chez l’individu. Nos sociétés humaines cherchant la prospérité pourraient mettre en avant ces forces de caractère par la présence de ces vertus formellement instituées dans les constructions humaines. De cette manière, les individus cherchant à s’évertuer auront déjà pris conscience de l’existence de ces valeurs et pourront, à un moment de leur existence, s’y “éveiller” et intégrer dans leur quotidien cet état de conscience supérieur, plus englobante et plus consciente de ses capacités et du monde. 17

Kahn, L., (1996) «Silence et Lumière», Éditions du Linteau, p.211

18

Seligman, M., Peterson, C. (2004) «Character strengths and virtues: A handbook and classification», Oxford University Press and Washington, DC


Le dialogue comme ressource

Universelles, et pourtant propre à chacun dans sa pratique, les vertus ont la qualité d’offrir les ressources et la stimulation nécessaires pour que l’individu puisse tendre vers la réalisation de soi et l’accomplissement. Ainsi, quelque soit sa personne et quelque soit sa provenance, l’individu puise son énergie de ses vertus et de ses forces de caractère pour se mettre en action de bâtir et de transformer son milieu à ses désirs et son imagination. Par ses projets et ses idéaux de perfection, en adéquation avec sa vertu, l’individu adapte, transforme, et ordonne son monde.

L’Humanité et l’instruction «Bibliothèque Sainte-Genevieve» Place du Panthéon Paris, Vème

La Transcendance et la spiritualité «Le Panthéon» Place du Panthéon Paris, Vème

L’individu vertueux est porté par quelque chose de plus important que sa propre condition. L’individu vertueux incarne par sa pratique, chaque jour, sa conception et l’image du changement qu’il veut voir apparaître dans ce monde.

37


Un être de perception et de réalisation

L’individu maître de sa vie «Le voyageur contemplant une mer de nuages» 1818 Casper David Friedrich Kunsthall de Hambourg

Le quotidien de l’homme est rythmé par sa perception et sa conception du monde. La réalité perçue par l’individu est une synthèse de l’ensemble des informations, premièrement perçus par ses organes sensoriels interne et externe, puis analysés et traités par ses facultés psychiques, pour enfin être transformés et compris selon ses valeurs propres. La réalité vécue est ainsi, de façon inhérente, proprement personnelle. Après cela, vient la conscience de ses perceptions. Malgré le fait qu’à chaque instant l’ensemble de ces données est traité par l’individu, seulement une partie de celle-ci est traitée au niveau conscient. On appelle cette perception consciente de l’individu, son “champs de conscience”. Selon les individus, ce champ de conscience est plus ou moins large et englobant de sa situation, de ses potentialités et du monde environnant. Quel qu’il soit, ce champs de conscience est pour l’individu assujetti à sa compréhension et à sa représentation du monde. Par l’habitude et l’expérience, l’individu altère et conditionne ce “champs de conscience” qui, en retour, le guide et l’influence dans sa pratique du monde. C’est ainsi qu’un architecte ou géographe aura plus de facilité qu’un mathématicien à retrouver

38

son chemin parcouru sur un plan. C’est aussi ainsi qu’un anthropologue ou archéologue arrivera plus facilement qu’un musicien à repérer un artefact rare d’un ensemble d’objet croisés lors d’une exploration. Ces choses étant pourtant devant nous, c’est seulement grâce à notre expérience et nos facultés que nous arrivons à les reconnaître et à les identifier. Par conséquent, les informations et l’expérience que nous disposons par nos facultés et sensorialités influent fortement sur notre perception du monde.


Le dialogue comme ressource La richesse de la vie en société «Place Jemaa El-Fna» Marrakech, Maroc

39


Un être de perception et de réalisation L’Être en mouvement «Formes uniques dans la continuité de l’espace» 1913 Umberto Boccioni Met Museum, New-York

40


Richesse d’accordances et de dissonances “Le talent se développe dans la retraite; le caractère se forme dans le tumulte du monde” - J.W.Von Goethe L’espèce humaine, que ce soit l’individu seul ou en société, ne peut prospérer que si elle parvient à modifier son environnement de sorte à ce qu’il soit plus adapté à ses besoins et à ses activités. Aussi légères et respectueuses, que lourdes et pesantes, sont les transformations humaines pour la terre et ses ressources, l’individu curieux a toujours réussi à dépasser sa condition pour explorer de nouveaux horizons. On comprend que l’homme, physiologiquement, à des besoins vitaux qui doivent être satisfait quelque soit son milieu si il compte survivre et prospérer. Ainsi, plus l’homme s’éloignait de son milieu d’origine, d’un environnement parfaitement adapté à ses besoins vitaux, plus il devait trouver les moyens de sa survie. L’homme, en tous temps, a persévéré dans ses efforts et redoublé d’inventivité pour satisfaire ses besoins et ses désirs en vue d’accomplir cette quête d’assouvissement et cette exploration de l’ailleurs, de l’inconnu. Ce succès est essentiellement dû à des manières créatives de fructifier et transformer les ressources naturelles terrestre disponibles et à sa portée; minérales, végétales et animales; sans se soucier d’un quelconque épuisement. Auquel cas, il suffisait d’aller encore plus loin, ou de consommer différemment les ressources encore disponibles.

De la facilité de se procurer des fruits dans une jungle luxuriante à la difficulté de trouver des denrées dans un désert aride; de la facilité à se sentir en sécurité en zone urbanisée à la difficulté de préserver sa vie dans les contrés inexplorés; de la facilité à maintenir sa température dans un climat méditerranéen à la difficulté de se réchauffer dans un climat polaire… L’homme a su transformer ses habitudes, confectionner des équipements adaptés et construire des habitacles typiques répondant aux conditions de vie singulières de ces nouveaux milieux et permettant la satisfaction de ses besoins vitaux. A l’usure de ces nouveaux lieux de fréquentation, l’homme ayant réussi à satisfaire ses besoins vitaux en puisant dans son environnement, a vu à son tour ses modes de perceptions et ses facultés se transformer pour s’ajuster à son nouveau quotidien. Selon les lieux et les conditions de vies, certaines facultés et sensibilités étaient revigorées et d’autres délaissées. Le champ de conscience de l’individu est ainsi en actualisation constante dans le but d’avoir une perception et une expérience optimale de ce nouveau milieu. Ce phénomène est appelé la “plasticité physiologique” du corps humain. Malgré certaines limites, cette capacité à s’adapter à son nouvel environnement lui a 41


Un être de perception et de réalisation

permis de prospérer dans la découverte. C’est ainsi que nous enregistrons qu’à force de journées passées dans l’obscurité souterraine l’acuité visuelle des mineurs avaient baissée et en contrepartie leur sensibilité à la lumière s’était améliorée. Que dans un autre milieu, l’acuité visuelle des inuits s’était développée de sorte à ce qu’ils parviennent à reconnaitre et à nommer la diversité d’état de neige de leur environnement, et ce jusqu’à quarante manières différentes. Egalement, le corps des habitants de l’Himalaya étaient capable de compenser la rareté de l’air en altitude et la différence de pression. Ces changements sont par la suite conservés dans le patrimoine génétique de l’individu. Cependant, cette plasticité physiologique à des limites, le bon fonctionnement de notre organisme doit trouver les éléments nécessaires à son bon fonctionnement si il veut continuer à fonctionner sans se dégrader. C’est une question de survie si il manque d’oxygène et de nourriture, et une question d’intégrité physique et psychique si il lui manque la présence de l’autre, de la lumière du soleil, du sommeil, de l’hygiène, de l’exercice,… Par l’étude de conditions de vie extrêmes, nos sociétés ont poussés ce raisonnement afin de 42

comprendre jusqu’où l’homme pourrait s’éloigner de son milieu originel tout en conservant une bonne santé physique et mental. (Ici, nous allons voir ce qui a porté, stimulé et enrichit l’homme dans ces conditions de vie extrême, physiquement et mentalement, tout comme spirituellement. Pour ensuite, comprendre les éléments essentiels dont l’homme a besoin au quotidien pour rester en bonne santé. Et enfin, dessiner nos villes selon ces essences nécessaires, sans caractéristiques superflues innécessaires ne faisant qu’handicapant sa santé, sa croissance et son expérience.)


Richesse d’accordances et de dissonances “Habiter la mer correspond à un désir profond chez l’homme, désir qui se place au niveau des grandes pulsions qui l’ont toujours guidé au cours de son évolution” - Jacques Rougerie

Les conditions de vies difficiles Le désir de la mer

Jacques Rougerie et Armando Ferrat dans la station Hippocampe en 1981

Le désir de parcourir les océans est un fait historiquement partagés par les sociétés. Au temps des grands explorateurs de nombreux navires ont parcouru les mers en quête de richesses et de nouvelles terres. L’esprit de conquête existe toujours chez les militaires, mais un nouveau désir est né chez certains aventuriers singuliers : habiter la mer. La recherche de vivre en symbiose avec le milieu aquatique nous est transmis par nos précurseurs océanautes R.Sténuit et le commandant J.-Y. Cousteau. Ayant tous deux écrits et publiés sur leurs expériences de vie d’une ou plusieurs journées passés dans un habitat construit sous la mer dans les années 1970, nous sommes quelques peu mieux informés des effets de cette habitation19, 20, 21. Pour chacun, leurs habitats sous-marins sont de petite dimension, des refuges “cylindriques”, et disposent de tout le confort nécessaire a un séjour de courte durée. 19

Sténuit, R., (1965) «Les jours les plus profonds», Plon

20

Cousteau, J.-Y. (1983) «Planète Océan», Alpha

21

Machu, F. (2011) «Cousteau, 20000 rêves sous les mers», Rocher 43


Un être de perception et de réalisation

Robert Sténuit dans son cylindre à une dizaine de mètres de profondeur

Ainsi, des océanautes ont pu expérimenter la vie sous-marine et leurs effets. Une expérience filmé dans Le Monde sans soleil de J.-Y. Cousteau nous montre une habitude de l’homme similaire à celle éprouvé sur terre22. Les océanautes regardent la vue sur les poissons à travers le hublot, suivent des activités de loisirs et d’hygiène, et partent nager à la première heure. Parmi les observations constatées à la fin de l’expérience, des changements physiologique et psychique se ressentent et sont exprimés par Cousteau en voix off : “le rapport au temps, l’attirance pour la grande musique, l’alimentation plus légère, l’épaisseur de l’air, la modification des voix, la cicatrisation accélérée des blessures”23. L’habitation dans un environnement vaste en découvertes sous-marines mais réduites en isolement, nous montre un changement dans notre rapport au temps et nos affections cherchant à faire résonance avec ce nouveau milieu. Se basant sur l’expérience de ces pionniers, Jacques Rougerie, architecte visionnaire, contribue à l’évolution de ces habitations sousmarines par des techniques d’amélioration de l’expérience selon la psychologie humaine. Ainsi, il prévoit un design multisensoriel mettant en avant le sens de la vue par de grandes ouvertures pour réellement se sentir

44

“immerger” dans le milieu aquatique. Le record du monde de vie sous la mer a été réalisé en 1992 par Rick Presley, Mark E. Ward, Ian Koblick et Jacques Rougerie. C’est à bord de la Chalupa Research Lab, un habitat sousmarin pressurisé en Floride, que ces individus ont passés 69 jours sous la mer.24 A la fin de l’expérience, Jacques Rougerie, à même retenue l’enseignement suivant: “Nous devions faire chaque jour notre gymnastique du cerveau, nous laisser porter par le rythme du temps, savoir vivre réellement l’instant présent et ne jamais compter les jours de confinement qui restaient à venir.”25 La plénitude, le calme des réflexions et les plaisirs de la musique classique ont été également des sources accentués de leurs attention. Ainsi, même si ces habitats Meriens sont une nouvelle manière d’habiter le monde, les habitudes elles sont similaires à notre vie terrestre. L’homme cherchera, où qu’il soit, la satisfaction de ses plaisirs de sensations, d’intellections et ses valeurs. 22

Cousteau, J.-Y. (1964) «Le Monde sans soleil», Documentaire

23

Idem, (19m:37s)

24

Rougerie, J., (2020) «De l’appréhension d’un confinement subi ou choisi», Linkdn, publié le 24 Avril 2020 25

Idem


Richesse d’accordances et de dissonances

Jeux d’échecs à onze mètres sous l’horizon

Base sous-marine «Précontinent»

Océanautes se coupant les cheveux et lisant des lettres

Base sous-marine «Le Précontinent II» du Monde sans soleil

Océanaute nourrissant les poissons

Base sous-marine «Aquarius»

45


Un être de perception et de réalisation

Intérieur éclairé par des lumières rouges d’un Sousmarin Nucléaire Lanceur d’Engins(SNLE)

Présent dans ce même milieu, dans un contexte différent nous retrouvons les militaires sousmariniers vivant des temps longs dans des sous-marins exigus. Ces espaces sont peu habitables par souci de fonctionnalité (les SNLE font 138m de long sur 12,5m de large pour accueillir 110 marins) font l’objet d’analyses des besoins physiques et psychiques de l’individu. Un rapport montre qu’il est nécessaire de jouer sur la lumière pour veiller à la bonne activité et santé de ses hôtes26, 27. Tout d’abord la lumière est le plus fort synchroniseur du cycle nycthéméral (une alternance de nuit et de jour) et induit donc une source de trouble des rythmes biologiques circadiens. Pour conserver un rythme entre activité et récupération et du temps qui défile, cette alternance est mise en évidence par l’utilisation d’une lumière bleu en journée et une lumière chaude colorée de nuit. Egalement, l’éclairage doit être adapté pour les tâches nécessitant une bonne vigilance, optimale à trois milles lux, et éteinte durant la période de sommeil pour éviter toute désynchronisation, privation de sommeil et fatigue durant l’éveil. Egalement, l’activité sportive quotidienne influe positivement sur la vigilance. Le monde sous-marin, entre privation de la lumière du jour et nouvelles habitudes, souligne

46

à nouveau l’importance d’une activité physique et mentale de l’individu dans le respect d’une certaine routine pour son bon développement et sa bonne santé.

26

Agnan, P., (2018) «Le Saviez-vous ? La lumière rouge dans les sous-marins», article paru le 18/09/2018 sur defense.gouv.fr 27

Nicolas, J.-D., Bruge-Ansel, T., (2009) «Contraintes subies par les équipages de sous-marins et troubles psychiatriques», Journée psychiatrie du 09/12/2009


Richesse d’accordances et de dissonances «Le besoin de voir, d’entendre, d’entrer en contact normal avec le milieu, d’être actif finit par devenir irrésistible. Le besoin de la stimulation normale qui provient d’un environnement varié est fondamental. Sans elle, les fonctions mentales et la personnalité se détériorent.»28 Donald Hebb

Experiences de privation des sens

Expérience de privation sensorielle complète

La CIA, dans le contexte de la guerre froide, s’est intéressé à de nouvelles expériences de tortures afin de faire parler ses détenues : des expériences de privations des sens. En 1955, le docteur Hebb, financé par la CIA par une fondation écran, fut demandé d’étudier les conséquences de l’isolement radical. Ainsi, les individus-sujets-cobayes devaient porter un casque isolant anti-bruit, des lunettes noires obstruant toute vision, et se tenir dans un caisson fermé, le corps entièrement recouvert de mousse. Les individus étaient coupés de toute sensibilité du monde. Après seulement quelques heures, les individus commençaient progressivement à avoir des difficultés à se concentrer, des troubles des facultés cognitives, des hallucinations visuelles et auditives, l’impression de se détacher de leurs corps, et la perte de leur propre identité.

28

Hebb, D., (1972) «Psychologie. Science moderne», H.R.W.

29

Kubrick, S., (1971) «Orange Mécanique», Film

Dans le film de Stanley Kubrick, Orange Mécanique29, une de ces expériences est testé afin de dégoûter et d’incapacité un homme à la vue de la violence par un “trop-plein». Notre protagoniste est forcé de visionner des films de violences. Ainsi, une surdose forcée d’une chose est vécue comme négative et a des conséquences critiques sur le comportement de l’individu mentionné. 47


Un être de perception et de réalisation Quels sont nos véritables besoins ? «Mélancholia» 1514 Albrecht Dürher Musée d’Israël

“Besoins et satisfacteurs. On croit traditionnellement que les besoins humains tendent à être infinis, qu’ils changent tout le temps, qu’ils sont différents dans chaque culture ou environnement et qu’ils sont différents à chaque période historique. Il est suggéré ici que ces hypothèses sont inexactes, car elles sont le produit d’une lacune conceptuelle.”30 - Manfred Max-Neef

48


Repères et nécessités physiologiques “L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant”31 - René Char Les besoins fondamentaux de l’être humain L’homme à, par essence, des besoins à satisfaire qui sont nécessaires au développement de son “être”, consciemment ou non. Au sein de notre civilisation occidentale, depuis l’Ethique des désirs expliqués par Epicure au temps de l’Antiquité, l’envie de connaître et de répertorier les besoins humains ne s’est pas manifesté avant le milieu du XXème siècle. C’est seulement en 1943 qu’un psychologue humaniste, Abraham Maslow, s’est de nouveau porté sur l’étude des besoins fondamentaux de l’être humain.32

30

Max-Neef, M., (1991) «Human Scale Development. Conception, Application and Further Reflections», The Apex Press, p.16, trad. wikipedia 31

Char, R., (1955) «Recherche de la base et du sommet, Gallimard

32

Maslow, A., (1943) «A Theory of Human Motivation»,

Psychological Review 33

Henderson, V., (1994) «La nature des soins infirmiers»,

InterEditions 34

Max-Neef, M., (1991) «Human Scale Development. Conception, Application and Further Reflections», The Apex Press 35

Rosenberg,M.B., (1999) «Les mots sont des fenêtres (ou bien sont des murs). Introduction à la Communication Non-Violente», Editions La Découverte. 36

Laërce, D., (1594) «Vies, doctrines, et sentences des philosophes illustres. Livre X, Epicure»,

A sa suite, quelques autres études ont été menées par des gens intéressés à comprendre quels sont les éléments essentiels et universels à la vie humaine. Principalement axés sur les besoins vitaux ou physiologique de l’homme, certaines études s’intéressent également aux besoins psychique et spirituel de l’homme. C’est le cas de Virginia Henderson, infirmière, qui a répertorié selon son expérience quatorze besoins fondamentaux en 194733. Mais aussi de Manfred Max-Neef, économiste, qui a répertorié neuf besoins humains fondamentaux dans les années 199034. Egalement, c’est le cas de Marshall Rosenberg qui intègre dans les principes de la Communication Non-Violente la nécessité pour l’individu de l’expression et de la satisfaction de ses besoins.35

Pour aménager des espaces améliorant le quotidien de l’individu, il faut tout d’abord chercher à reconnaitre et à satisfaire ses besoins. Epicure, philosophe de l’Antiquité, a écrit le plus ancien récit connu à ce jour sur la notion de besoins de l’espèce humaine. Sa conception de la philosophie, présenté dans La lettre à Ménécée36, pose et définit comme fondement le plaisir comme ‘‘bien’’ et ‘‘origine’’ de la vertu, au contraire de la douleur qui est l’absence de plaisir. Epicure prône toutefois un nécessaire équilibre que l’individu doit trouver pour lui-même car toute action entraine une part positive plaisante et une part négative de souffrance. L’individu est amené ainsi à rechercher son bonheur dans l’action, en cherchant et en éprouvant ses propres limites sans avoir à subir les souffrances de l’excès. Le but de l’individu est donc de chercher et d’atteindre ce qu’il nomme ‘‘l’ataraxie’’, la tranquillité de l’âme et l’harmonie de l’existence. En effet, le trouble de l’âme, comme définit par Epicure, prend sa source dans la douleur corporelle lorsqu’elle est ressentie par l’âme. C’est pourquoi, mener une vie équilibrée va de pair avec le soin porté à la santé du corps et de l’âme, tout comme le fait de posséder le contrôle sur ses désirs. C’est en cela que Epicure nous éclaire, pour que nous ayons conscience des conséquences de la satisfaction de nos désirs. 49


Un être de perception et de réalisation

Epicure hiérarchise les désirs en trois catégories : les désirs naturels et nécessaires, tel que manger et boire lorsque la faim et la soif se fait sentir; les désirs naturels et non nécessaires, tel que prendre un dessert par gourmandise ou continuer une conversation plaisante avec ses amis; et les désirs non-naturels et nonnécessaire, tel que chercher la gloire pour la gloire ou assouvir son désir d’immortalité. Les désirs naturels et nécessaires créant une véritable souffrance lorsqu’il ne sont pas assouvis, sont le contraire des désirs nonnaturels et non-nécessaires qui font persister l’homme dans la vacuité de son existence. Ainsi, on suggère à l’homme recherchant le bonheur de se focaliser sur la satisfaction de ses plaisirs naturels, nécessaires et non-nécessaires. Les plaisirs naturels et nécessaires vitalisent l’homme et donnent de la valeur à son existence. Manger et boire satisfait le corps physique, mais également tout plaisirs supprimant la douleur : retrouver ses amis, accomplir un but, découvrir un nouveau lieu ou une nouvelle façon d’agir et de considérer. Moins essentiels, les plaisirs naturels et nonnécessaires font partie des plaisirs conseillés afin de cheminer avec tempérance. Ce sont des manières de faire varier les plaisirs nécessaires et de rechercher l’agréable par une autre voie 50

La question d’établir des fondamentaux des besoins de l’individu pour son bon développement s’est fait oublié durant plus de deux siècles, jusqu’à la publication en 1943 de l’ouvrage de A. Maslow, A Theory of Human Motivation.37 De ses études sur la croissance et le bon développement de l’individu, il a compris et souligné l’importance de la satisfaction de certains besoins pour que l’individu puissent se développer sainement. Sous forme d’un schéma pyramidale, les cinq besoins fondamentaux repérés ont été classés de bas en haut du plus vital et physique au plus vivifiant rare et abstrait. Nous avons ainsi comme base les besoins vitaux ou physiologiques, puis montant progressivement vers la pointe, le besoin de sécurité et de protection, le besoin d’amour et d’appartenance, le besoin d’estime de soi, et le plus rare et difficile, le besoin de se réaliser. Selon Maslow les besoins de bases devaient être déjà grandement satisfaits pour que l’individu puisse assouvir les besoins supérieurs de réalisation de soi. Cette progressivité dans la satisfaction du besoin et l’apparition de l’échelon supérieur n’est pas absolue. Un individu peut très certainement ne pas être tout à fait nourri et se sentir en totale sécurité, ou alors il peut avoir une grande estime de lui-même sans toutefois satisfaire entièrement son sentiment

d’appartenance. Néanmoins, lorsqu’un besoin basique n’est plus satisfait, il redevient prioritaire selon la hiérarchie donnée. A la fin de sa vie, A.Maslow, a rajouté un nouveau sommet à sa pyramide : le besoin de dépassement de soi, ou la transcendance de soi. Cette addition est le fruit de l’observation que l’être humain peut dans sa vie chercher à faire avancer une cause l’impliquant entièrement et le dépassant. La satisfaction gagné allant même à faire oublier la satisfaction de besoins hierarchisés inférieurs. Cette expérience chez l’individu d’une transcendance est ressentie comme un pic de “prise de conscience”, situé au-delà du sentiment d’accomplissement de soi. Ce besoin d’actualisation à été exprimé par Maslow en affirmant que “l’être humain complètement développé tendra à être motivé par des valeurs qui transcendent sa personne.”38 Pour Maslow, ainsi, le plus grand bonheur et la plus grande satisfaction que l’individu puisse viser est le dépassement de soi.

37

Maslow, A., (1943) «A Theory of Human Motivation»,

Psychological Review 38

Maslow, A. (1969) «The farther reaches of human nature» Journal of Transpersonal Psychology, n°1, p.1-9


Repères et nécessités physiologiques

En 1947, Virginia Henderson, infirmière expérimentée, présente à son tour son modèle des quatorze besoins fondamentaux. Basés et éprouvés durant son service, et aujourd’hui employés abondamment dans les diagnostics infirmiers, ces points ne sont pas hiérarchisés et sont à considérer avec la même importance car les besoins mentionnés peuvent apparaître individuellement ou à plusieurs à un moment de la vie de l’individu. Ces besoins fondamentaux ont été analysés par Henderson comme étant les notions pratiques qui définissent l’autonomie des individus physiquement, psychologiquement et socialement.39

Schémas de l’importance des besoins humains selon leur développement personnel

Au nombre de quatorze, ces besoins sont : le besoin de respirer; le besoin de boire et manger; le besoin d’éliminer; le besoin de se mouvoir et maintenir une bonne posture; le besoin de dormir et se reposer; le besoin de se vêtir et se dévêtir; le besoin de maintenir sa température; le besoin d’être propre et protéger ses téguments (couche externe de l’organisme : peau, cheveux, ongles…); le besoin d’éviter les dangers; le besoin de communiquer; le besoin de pratiquer sa religion et agir selon ses croyances et valeurs; le besoin de s’occuper en vue de se réaliser; le besoin de se recréer, se divertir; et le besoin d’apprendre. 39

Henderson, V., (1994) «La nature des soins infirmiers», InterEditions 51


Un être de perception et de réalisation

Le besoin de liberté, et de découverte «Matin au Cap Code» 1950 Smithsonian American Art Museum Washington

Ainsi dans le monde médical du soin porté au patient pour son bon rétablissement, nous retrouvons bien évidemment les besoins habituels liés aux nécessités physiques, mais retrouvons également des nécessités de l’ordre du psychisme et du spirituel ! Les besoins de l’âme sont mentionnés par le besoin de communication, de se divertir et d’apprendre. Les besoins de l’esprit sont mentionnés par le besoin de mettre en pratique sa religion, ses croyances et ses valeurs, de se chercher une manière de se réaliser. La présence de ces éléments n’est pas anodin car ils font partis des facteurs essentiels à l’individu pour sa croissance et son épanouissement. C’est considérer l’homme selon l’entièreté de sa constitution corporelle, psychique et spirituelle. C’est considérer que l’homme à un désir d’être. Dans les années 90, Manfred Max-Neef, économiste Chilien, s’est lui aussi intéressé aux besoins humains fondamentaux. Se basant sur une étude ontologique de l’individu, cherchant à savoir ce qu’est la condition de l’être humain, Max-Neef, avec l’aide de A.Elizalde et M.Hopenhayn, ont caractérisés les notions des besoins humains fondamentaux par “le développement à l’échelle humaine” dans une publication éponyme.40 Ces besoins sont compris et étudiés selon un

52

système d’interdépendances et d’interactions pour leur qualité d’universalité, de simultanéité et de complémentarité et présenté sous la forme d’une taxinomie. Cette classification se divise en neuf chapitres répondant pour chaque besoin à ses caractéristiques existentiels d’être (qualités), d’avoir (choses), de faire (actions) et d’interagir (paramètres). Et ils sont développés selon trois piliers essentiels à l’individu: les besoins humains fondamentaux, l’autonomie croissante et l’interdépendance équilibrée des personnes avec leur environnement. Ces besoins sont tous nécessaires pour la satisfaction et la réalisation de l’individu. Sont catégorisés : le besoin de subsistance; le besoin de protection; le besoin d’affection; le besoin de compréhension; le besoin de participation; le besoin de loisir; le besoin de création; le besoin d’identité et le besoin de liberté. Par la suite, basé sur cette taxinomie, un arbitrage sur la plus ou moins grande satisfaction de ces besoins par un individu ou par une communauté nous permet une identification objective de la “richesse” ou de la “pauvreté” de satisfaction de leurs besoins fondamentaux. 40

Max-Neef, M., Elizalde, A., Hopenhayn, M., (1991) «Human Scale Development; conception, application and further reflections», The Apex Press


Repères et nécessités physiologiques

En effet, Max-Neef a pensé, en définissant cette classification du ‘‘développement à échelle humaine’’, que sa classification pourrait servir à un état des lieux pour un individu ou une communauté cherchant à améliorer sa condition. Ainsi, cinq types de satisfactions de ces besoins ont été définis de la plus néfaste à la plus bénéfique. Les satisfactions “destructrices”, prétendant être un moyen de satisfaction du besoin mais qui en réalité complique cette satisfaction. C’est par exemple le fait de vivre cloîtrés dans une forteresse pour satisfaire son besoin de protection par peur d’être en société. Cela se fait au détriment de ses besoins de libertés, de participation, de compréhension, qui pourraient être source de demande d’une autre type de protection, plus ouverte et englobante.

Le besoin d’affection et de considération «La nuit au bureau» 1940 Edward Hopper Walker Art Center Minneapolis Le besoin de participation et de compréhension, de se retrouver et d’échanger «Les oiseaux de nuit» 1942 Edward Hopper Art Institute of Chicago

Les satisfactions “pseudo-satisfactrices”, prétendant satisfaire un besoin mais ne résolvent peu ou pas ce besoin par ses effets. C’est par exemple le fait d’installer pour une entreprise une machine a café dans un couloir. Cela satisfait le besoin de subsistance par l’étanchement de sa soif, mais ne répond pas au besoin d’affection, de loisir, et de participation qu’une vrai pause café peut permettre et stimuler. 53


Un être de perception et de réalisation

Le besoin de loisir, de détente, de respiration «People In The Sun» 1960 Smithsonian American Art Museum Washington

Les satisfactions “inhibantes”, satisfont le besoin souhaité bien au delà du nécessaire étouffant ainsi la possibilité de satisfaction d’autre besoins. C’est par exemple partir se relaxer dans un centre commerciale, le besoin de loisir est comblé par l’ensemble des commerces présentant la diversité de leurs produits. Mais cela se fait au détriment du besoin de protection, d’identité et de liberté dont l’individu à besoin s’il cherche à vraiment se relaxer. Les satisfactions “singulières”, satisfont le besoin ciblé sans satisfaire en même temps d’autres besoins. C’est par exemple se procurer un tapis de course chez soi pour satisfaire son besoin de subsistance par la course à pied, mais ne permet pas à la fois de répondre au besoin de liberté, de création, d’affection et de participation qu’un jogging dans l’espace urbain peut procurer. Les satisfactions “synergiques”, satisfont le besoin ciblé tout en contribuant à la satisfaction d’autres besoins. C’est par exemple partir faire un pic-nic dans un parc, les besoins de loisir, de liberté, d’affection, de subsistance et d’identité sont toutes comblés par la même action.

54


Repères et nécessités physiologiques

La manière dont l’architecture des espaces de vie est conçue peut grandement influer les stimulations et les satisfactions de ces besoins mentionnés. Un environnement riche et qualitatif serait ici un environnement qui répond à un grand nombre de ces besoins fondamentaux de l’individu. La différence de qualité de vie entre certains quartiers d’une même ville peut être comprise par la manière dont les espaces permettent la satisfaction de nos besoins fondamentaux.

Le besoin de liberté, d’identité et d’exploration «La Houlle Profonde» 1939 Edward Hopper Corcoran Gallery of Art Washington

Comme expliqué par Marshall B. Rosenberg, psychologue inventeur et défenseur de la Communication Non-Violente, “Tout conflit est l’expression tragique d’un besoin insatisfait”.41 Ainsi, les sources de nos maux sont lié au manque de considération et de satisfaction de nos besoins au quotidien. L’idée ici est que l’architecture peut, si bien dessinée et construite, être une manière de répondre aux besoins de l’homme tel que mentionnés par nos contemporains. A travers la prise de conscience, la stimulation et l’assouvissement quotidien de ses besoins, l’individu est mieux disposé à éprouver un bonheur, une croissance et un épanouissement meilleur. 41

Rosenberg, M.B., (2006) «Dénouer les conflits par la Communication Non-Violente», Editions Jouvence, p.41 55


Un être de perception et de réalisation A proximité d’un lieu de vitalité «Central Park» New-York City

56


Repères et nécessités physiologiques «Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passion, sans affaire, sans divertissement, sans application»42 Blaise Pascal

Le besoin de plaisirs et de vitalité Les être humains ont des spécificités cognitives et psychiques qui les poussent à apprécier des formes, des espaces et des connotations qui leurs sont intimement liés. Cela est dû à un phénomène physiologique provoquant chez l’homme des désirs, des émotions, des souvenirs, et des valeurs au contact de certains environnements. Selon les affinités et les nécessités physiologiques, un individu ressentira le besoin, conscient ou inconscient, de se retrouver dans un environnement lui permettant de satisfaire son manque de sensations ou de décompresser d’un trop plein d’un autre.

42

Pascal, B., (1670) «Pensées», Edition de Brunschvicg, 1897

Un individu vivant dans une ville dense et bétonné tel que Mexico City, ou un quartier dense de tours et d’activités tel que New-York, ressentira le besoin de se retrouver dans un environnement plus naturel et plus calme, où il est plus en contact avec l’ensemble de ses sens. A Mexico, le bois de Chapultepec, et à New-York, Central Park et ses rives, sont des espaces à proximité qui contrastent avec leurs lieux d’habitations et qui permettent de satisfaire ce désir de variétés, et ce besoin physiologique de sensations diverses. C’est ce qui rend ces villes tout de même agréables à vivre.

La présence de la vie sous toutes ses formes; le courant d’un ruisseau, les branchages d’un arbre brassé par le vent, deux écureuils se chamaillant une noisette, des jeunes avec une balle s’échangeant quelques lancés,…; sont des sources riches de sensations car ils stimulent en même temps nos diverses sensorialités. Ces scènes permises par cet environnement naturel, active les sens de la vue, de l’odorat, du toucher, mais éveillent aussi l’imagination, le désir, l’instinct… Le fait de trouver ces aménités environnementales agréable n’a rien d’étonnant. Un phénomène physiologique interne de l’Homme, nommé alliesthésie, nous explique que notre physiologie est en constante recherche d’équilibre et de satisfaction de nos différentes sensations. Le phénomène d’Alliesthesie est une dépendance physiologique interne de l’être humain lui demandant pour son équilibre de se procurer des sensations spécifiques. Un individu ayant passé sa journée dans un bureau fermé sentira le besoin de sortir se promener pour prendre l’air. Ce phénomène apparaît lorsque l’individu suit un manque ou une saturation d’une ou de plusieurs de ses sensations afin de retrouver son équilibre. 57


Un être de perception et de réalisation

Ce phénomène d’Alliesthesie a été découvert par le chercheur Michel Cabanac et publié dans un article en 1971, intitulé “Le Rôle Physiologique du Plaisir”. Cabanac explique dans sa recherche que ce phénomène provient d’un comportement adapté de l’individu à suivre une quête de plaisir-déplaisir, de la recherche de tout plaisir hédonistique ou de l’évitement de toute source de déplaisir. Et que par conséquent, la recherche d’un plaisir sensitif est la meilleure façon pour un individu d’avoir un comportement et un développement optimal, et ce au niveau sensible comme mental car comme le démontre Cabanac dans son corollaire : “La conscience a conservé les quatre dimensions de son origine, la sensation. La conscience est homothétique de la sensation”44 . Du plaisir de l’expérience vient la croissance. Il touche chacune de nos différentes perceptions sensoriels et sont spécifiques à chacune. Il existe ainsi les alliesthésies visuelle, auditive, olfactive, gustative et thermique. Elle s’explique en deux sens. Soit l’alliesthesie est positive par un changement de la sensation du déplaisir au plaisir. Soit l’alliesthésie est négative par un changement du plaisir au déplaisir. L’homme ayant une expérience optimale sera toujours à la recherche d’une alliesthesie positive. 58

Au cours d’une journée, l’alliesthésie apparait chez l’individu sous différentes formes lui demandant de satisfaire ses différentes sensations par une variation de celles-ci. C’est un phénomène qui recherche un équilibre interne à l’Homme par ses contacts avec l’environnement. Dans une journée, un même stimulus peut être ressenti comme étant agréable ou désagréable. Se promener le long d’un marché avant son déjeuner sera plus agréable que s’y rendre après s’être nourri. C’est par le choix et la possibilité de varier ses sensations qui permet sa satisfaction. Une fois le plaisir satisfait, le phénomène d’alliesthesie disparaît. Pour satisfaire ce phénomène d’alliesthésie, l’environnement humain ne peut pas être “neutre”, et provoquer la même sensation à l’individu tout au long de la journée. L’individu a besoin de ressentir des variations et de la diversité dans la stimulation de ses sens pour enrichir son expérience de la vie, d’éprouver une différence entre la nuit et le jour, de se rendre compte du passage des saisons. Il a besoin d’être dans un environnement riche en sensations lui permettant de satisfaire cette demande et d’apprendre à connaître son corps et ses facultés par la pratique quotidienne. Ainsi, le meilleur environnement possible pour qu’un individu se développe sainement, c’est dans un

cadre de vie stimulant, un environnement dont les ambiances et les atmosphères fluctuent au cour de la journée et des saisons. La présence de “marqueurs temporels” tel que la végétation; les arbres à feuilles caducs n’ayant pas la même apparence été comme hiver; ou les activités hebdomadaires tel que le jour du marché et les événements culturels, créés au quotidien des sources de stimulations fluctuantes et des surprises. Au gré de la journée, les espaces d’un même lieu ne reçoit pas la même activité, et un individu au cours de sa journée fréquentent différents lieux. Ces différents éléments confectionnant différents espaces permettent la satisfaction de ce phénomène physiologique. La lumière du soleil est également un facteur clef permettant de satisfaire l’alliesthesie visuelle de l’individu. C’est par la qualité de son spectre de lumière complet et de ses caractéristiques fluctuantes au cours de la journée; la distribution des rayons du soleil, son intensité lumineuse et sa couleur de température; que les demandes de l’individu en terme de variété lumineuse 43

Cabanac, M., (1971) «Le rôle physiologique du plaisir», Science

44

Cabanac, M., (2005) «Du plaisir de la sensation à la prise de décision microéconomique», p.14, dans «La Conscience. Tome 1. Approches cliniques et neurologiques» Editions de l’AEIS


Repères et nécessités physiologiques

sont satisfaites. Il a été démontré qu’un espace présentant une variation de lumière, de son intensité et sa distribution, était plus apprécié affectivement et bénéfique cognitivement qu’un espace présentant une lumière fixe et uniforme, source d’ennui et de passivité. La variété et variation lumineuse est donc un critère de qualité et de richesse d’un espace. On retrouve cette nécessité de jouer avec les variations lumineuses au sein de lieux occupés mais hermétiquement clos aux rayons du soleil, tel que le sont les sous-marins. Par ailleurs, cette idée de lumière fluctuante comprenant les différentes longueurs d’ondes émises par le soleil est devenue une notion à part entière pour la réparation physiologique de l’individu, que l’on nomme la luminothérapie.

Espace sensoriellement riche : le ruissellement de l’eau, l’espace au coin du feu, la lumière zénithale, et les flux d’individus SESC Pompeia Sao Paulo, 1977 Lina Bo Bardi

Un environnement riche en sensations et en activités, dont les variétés fluctuent au cours de la journée, où l’individu peut satisfaire ses plaisirs facilement, est un environnement bon pour la santé, le bien-être et la croissance de ses habitants. On le remarque déjà aux lieux les plus fréquentés des villes que sont les rues commerçantes, les lieux d’activités physiques, les marchés et restaurants, les parcs et jardins… Ce sont ces lieux de vie qui composent la richesse d’une ville.

59


Un être de perception et de réalisation

Présence de végétation luxuriante sur son chemin High Line New-York City, 2009 Diller Scofidio + Renfro

Lié à cette nécessite d’équilibrer son alliesthésie, un autre phénomène physiologique est celui de la Biophilie. La notion de Biophilie fut inventé par le philosophe et psychologue E. Fromm en se référent à “une affinité psychologique pour la vie”45. Néanmoins cette notion fut reconnu mondialement par sa présentation en 1984 par Owen Wilson, fondateur de la sociobiologie, dans son ouvrage “Biophilia. The human bond with other species”.46 Ce phénomène induit que l’espèce humaine à une prédisposition génétique de plaisirs et de satisfaction envers les environnements naturels. Ainsi la biophilie se consacre à l’étude des relations et comportements de l’homme aux environnements naturels. L’Homme ayant évolué avec son environnement, les chercheurs ont pensés qu’il puisse exister un fondement génétique aux comportements de l’Homme envers la nature. Ils induisent le fait que, vue que l’homme a évolué dans un environnement biotique (interactions du vivant avec le vivant) et que la pensée humaine est une construction évolutive, les humains pouvaient être amenés à valoriser ou à rechercher certains environnements naturels. Les espaces naturels sont par ailleurs riches en stimulations bénéfique pour la physiologie humaine.

60

Les recherches menés sur la biophilie ont démontrés que les individus qui avaient une vue ou un accès à des environnements naturels développaient de nombreux bénéfices physiques et cognitifs. Ces individus, par rapport à ceux qui n’y avait pas un accès quotidien, étaient plus à même de guérir plus rapidement d’une maladie ou d’une chirurgie, de développer une plus grande résilience psychologique, d’être plus affables et plus sociables, d’être plus responsables dans leurs affaires, d’être capable de se concentrer plus longtemps sur des tâches difficiles, d’être capable de recouvrer plus rapidement du stress, et d’être en bonne santé plus longtemps. Ainsi, cette notion de biophilie a pris un grand interêt chez les concepteurs d’espaces, architectes, urbanistes… pour sa capacité à créer des espaces résiliants et bénéfiques pour l’individu. En effet, ces études suggèrent que le plus et le mieux on intègre la faune et la flore d’un milieu dans un projet, la meilleure santé et facultés on génère chez les habitants de ce milieu. Ainsi, inclure la présence du “naturel” dans notre quotidien enrichit la qualité de nos espaces et nos capacités physiques, cognitives et spirituelles. La qualité d’un espace pour la stimulation et le bon développement de l’individu est grandement amplifié par la présence d’éléments naturels.


Repères et nécessités physiologiques

Une association nommé Terrapin Bright Green fut par ailleurs créer en 2006 dans l’intention de développer et vulgariser cette notion de biophilie. Dans un ouvrage en 2014, ils ont publiés à l’intention des architectes et urbanistes cherchant à développer une expérience humaine vitalisante et épanouissante à leurs projets, une synthèse de leurs études en “14 modèles de conception biophilique. Pour améliorer la santé et le bien-être dans l’environnement bâti”.47 Ces quatorze modèles sont réparties en trois catégories : les principes de nature dans l’espace, les principes d’analogies naturelles et les interactions avec la nature dans l’espace; et aborde les notions universelles de santé et de bien-être pour l’individu, tel que le stress, l’acuité visuelle, l’équilibre hormonal et la créativité.

Omniprésence de la végétation dans un espace fonctionnel d’atelier Torre 41 Taller de Arquitectura X Mexico City, 2014 Alberto Kalach

Ces notions intégrés à l’environnement quotidien d’un individu sont des éléments indispensables pour son bon développement et son épanouissement, car il va dans le sens d’une stimulation positive de la santé, des capacités et de l’activité de chacun.

45

Byrne, J., (2010) «Biophilia. Green Cities», Sage, p.1

46

Wilson, O., (1984) «Biophilia. The human bond with other species», Academic Trade 47

Browning, W.D., Ryan C.O., Clancy, J.O., (2014) «14 Modèles de Conception Biophilique. Améliorer la santé et le bien-être dans l’environnement bâti» Terrapin Bright Green LLC 61


Un être de perception et de réalisation

Liens sensoriels riches avec le naturel Musée Suzhou Suzhou, 2006 Pei Partnership Architects Ieoh Ming Pei

Parmi les principes biochimiques mentionnés, nous retrouvons ceux en principes avec la nature dans l’espace : un lien visuel avec la nature, un lien invisible avec la nature, une stimulation sensorielles non-rythmiques, une variabilité thermique et un renouvellement de l’air, une présence de l’eau, une lumière dynamique et diffuse, et un lien avec les systèmes naturels. Ces principes sont facilement applicable par l’aménagement d’un espace disposant d’arbres et d’arbustes en pots ou en pleines terre, la présence de fontaines ou d’aquariums et des ouvertures à la lumière naturelle et au vent. Les expériences les plus qualitatives de ces principes sont lorsqu’un projet créé des liens directs et sensés avec ces éléments. Un espace riche pour l’individu prend en compte la diversité, le mouvement et l’interaction dans un rapport multi-sensoriel. Les principes en relation avec les analogies naturelles comprennent la référence à des formes et motifs biomorphiques dans les éléments architecturaux, un lien matériel avec la nature par des transformations minimes des matériaux employés, et l’imbrication de complexité et d’ordre dans l’espace architecturale. Ainsi, un espace architecturale n’ayant que peu de rapport avec un environnement naturel ou nécessitant le respect de règles strictes d’hygiène et d’organisation tel

62


Repères et nécessités physiologiques

que le sont les hopitaux, peuvent tout de même disposer de qualité architecturale en lien avec la nature par l’utilisation de colonnes, bracons et poutres rappelant la forme des arbres et de leurs branchages. Un espace riche et singulier pour l’individu est un espace lui offrant une expérience organisée et hiérarchisée de ces analogies naturelles. Les principes en relation avec la nature de l’Espace implique des notions cognitives et affectives de la relation de l’Homme avec son environnement selon le point de vue de la biophilie, celui que l’être humain a été progressivement constitué par son évolution dans un environnement naturel. Nous avons ainsi l’usage de la perspective avec ses vues, l’usage du refuge avec sa capacité de protection et d’intimité, l’usage du mystère qui attise la curiosité et l’exploration, et l’usage du risque qui présage des menaces sans véritable insécurité. L’expérience de la nature de l’espace tient à voir avec l’individu en mouvement et ses relations physiques et cognitives avec l’environnement. Un espace riche pour un individu selon ces lois de la nature consiste en la stimulations de ses différents sens et sa cognition de manière à ce qu’il sorte de l’expérience plus conscient de sa constitution et plus compétent dans le maniement de ses différentes facultés et dans ses interactions sociales.

Le système éducatif allemand, par le biais des “Waldkindergarten” ont compris l’importance d’un environnement naturel pour la bonne croissance de leur enfant. Ainsi, au lieu de faire les pauses récréatives dans une cour stérile et surveillée, les enfants sont laissés libres de s’amuser dans une partie d’un bois. Cet environnement naturel propice à la stimulation de nos différents sens par la richesse de ses éléments améliore les facultés physiques et cognitives ainsi que le bien-être de ces enfants. Les enfants n’étant pas les seules à grandir dans nos sociétés, l’aménagement d’espace naturel dans nos villes peut apporter au quotidien de chaque individu, sans distinction d’âge, les bienfaits de la présence d’éléments naturels.

Contact avec l’eau Water Gardens Fort Worth, 1974 Philip Johnson

Une ville peut voir grandement améliorer la santé et les facultés de ses habitants par l’intégration dans son aménagement de milieux naturels et d’éléments en lien avec le naturel. Ainsi, dans le quotidien de l’individu, dans ses mouvement, dans son expression, dans ses activités, l’individu sera à tout jamais dans un espace qui lui est bénéfique et stimulant. Les analogies à la nature, tel qu’énoncé préalablement, tiennent à voir avec un phénomène cognitif de l’homme : l’effet de paréidolie. 63


Un être de perception et de réalisation

«Forêt d’arbres» Institut de Technologie de Kanagawa Japon, 2011 Junya Ishigami

C’est une illusion cognitive qui consiste en la tendance pour un individu d’interpréter un stimulus perçu, un ensemble de forme, un son; à quelque chose de reconnaissable par l’observateur. Un ensemble de poteaux disposés de façon aléatoire dans un espace peut nous rappeler une forêt d’arbres. Que le phénomène soi attendu ou non, c’est l’interprétation d’une chose que l’on identifie pour une autre qui fait office d’illusion. L’interprétation d’une forme que l’on sait pourtant fausse peut avoir un effet physiologique sur l’homme comme si c’était l’effet attendu par la présence du vrai mais sans la même intensité. Son fonctionnement est similaire à celui de l’effet placebo, une réponse physiologique du corps humain par l’absorption d’un faux médicament. L’effet de paréidolie peut avoir une influence sur tous nos sens, ce qui importe c’est que l’observateur ne s’aperçoive pas de l’illusion. Le travail de l’espace architectural joue beaucoup sur la perception de l’individu et ses émotions. C’est par exemple avec la création des Panoramas du XVIIIème siècle48; que l’homme a commencé à jouer sur les perceptions des individus pour lui faire vivre un ailleurs. Même si les individus n’étaient pas dupes de la pièce montée, les lieux travaillant les cheminements et les perspectives, dissimulant habilement

64

les vrais éléments de ceux juste représentés, provoquaient l’illusion d’un véritable voyage par une promenade dans un environnement lointain et exotique. Les phénomènes cognitifs humains, tel que l’alliesthesie, la biophilie et la paréidolie sont des réponses physiologiques à la perception et au mouvement dans un environnement donné. Un espace architectural répondant et satisfaisant aux besoins fondamentaux de l’homme peut se concevoir par l’aménagement d’éléments spatiaux en accords avec les modes et les phénomènes perceptifs de l’homme.

48

Lamboley, C., (2007) «Petite histoire des Panoramas. Ou la fascination de l’illusion», Académie des Sciences et Lettres de Montpellier


Repères et nécessités physiologiques

Le Panorama Parisien 251 rue Saint-Honoré 1880 Charles Garnier

65


66


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

La poésie de la vie comme source d’expérience spatiale

Les principes de conception Biophilique

Des constructions de corrélations et de correspondances

Une ville à échelle humaine Le besoin spatiale de liberté de choix et de comportement Les bienfaits de la présence de nature dans son quotidien

L’environnement édificateur de caractère

L’experience architecturale transcendentale

67


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU Illustration personnelle des 14 principes de conception biophilique

11

Interactions avec la nature

2

7

1

14

13 8

4

5

Analogies naturelles

68

9

10

8 Formes et motifs biomorphiques 9 Lien matériel avec la nature 10 Complexité et ordre

12

1 Lien visuel avec la nature 2 Lien invisible avec la nature 3 Stimulations sensorielles non-rythmiques 4 Variabilité thermique et renouvellement de l’air 5 Présence de l’eau 6 Lumière dynamique et diffuse 7 Lien avec les systèmes naturels

11 Perspective 12 Refuge 13 Mystère 14 Risque

3

6

Nature dans l’espace


La poésie de la vie comme source d’expérience spatiale “Nature is a part of our humanity, and without some awareness and experience of that divine mystery man ceases to be man. When the Pleiades and the wind in the grass are no longer a part of the human spirit, a part of very flesh and bone, man becomes, as it were, a kind of cosmic outlaw, having neither the completeness and integrity of the animal nor the birthright of a true humanity.”49 - Henry Beston

Les principes de conception biophilique Comme expliqué dans le chapitre précédent, la prise en compte des notions d’alliesthésie, de biophilie et les effets de paréidolies dans la conception et la construction architecturale, permet la création d’espaces en meilleure corrélation avec la nature humaine. Une architecture intégrant ces notions permet une utilisation de l’espace plus riche, complète et bénéfique par et pour les individus s’y rendant quotidiennement, tout en accentuant et stimulants ses capacités et ses différentes activités.

49 50

Beston, H., (1928) «The Outermost House», Doubleday & Doran

Browning, W.D., Ryan C.O., Clancy, J.O., (2014) «14 Modèles de Conception Biophilique» Terrapin Bright Green LLC (p.5).

Au fil des temps, un savoir dans ce domaine a été fructifié par de nombreux acteurs cherchant à comprendre l’origine de ces espaces de bienêtre et de stimulation, afin de comprendre quelles qualités intrinsèques elles détiennent pour prodiguer tant de bénéfices. Est-ce des formes spécifiques, organiques comme les pétales d’une fleur, ou abstraite comme un rectangle ou un cercle, qui rendent la vue de cet objet plus amène? Sont-ce des couleurs chatoyantes de tons orangés qui rappelle les plus beaux couchers de soleil, ou alors un noir des plus noirs que l’on ne voit quasiment jamais même lors d’une nuit sans lune, qui font de cette maison de retraite un havre de paix ? Ou ne serait-ce pas la lumière, comme ce halo de lumière qui perce la pénombre d’un

intérieur pour éclairer cet inconnu, suggérant que la vie est plus spirituelle qu’elle n’y parait à un cartésien confirmé, et qui fait naître en nous une passion pour la science, pour l’espace ou pour la philosophie ? Que ce soit ainsi également par des sons, des odeurs, des matériaux,… d’origine naturels ou humaines, et éveillant chez chacun un questionnement ou une réponse; on peut dire que les caractéristiques spatiales d’un lieu sont qualifiables et quantifiables, et qu’on peut en retirer des synthèses objectives nous aidant à parfaire nos espaces de vie. Selon les chercheurs de la société Terrapin, la biophilie est un concept clef pour comprendre les qualités spatiales d’un environnement prodiguant bien-être, complétude et salubrité aux individus qui l’habite. Après avoir étudiés les environnements humains ayant le plus d’impact sur la satisfaction et la santé de ses habitants, ces chercheurs ont pu dégager quatorze principes clefs nous aidant à concevoir des espaces biophilique qualitatif. Regroupés en trois catégories; les principes de nature dans l’espace, les principes d’analogies naturelles et les principes d’interactions avec la nature; ces principes cherchent à répondre à des “problèmes universels de santé et de bien-être”50. Les caractéristiques intrinsèques de ces principes ont de nombreux effets positifs sur la physiologie, le comportement et la psychologie humaine.

69


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

«Liens avec la nature» Casa Luis Barragan Mexico, 1949 Luis Barragan

1/ Lien visuel avec la nature Une connexion visuelle avec la nature peut stimuler ou bien calmer les individus en leur faisant “prendre conscience du temps, de la météo et de la présence d’organismes vivants”51. La qualité de l’espace naturel est plus bénéfique pour la psychologie de l’individu que sa quantité. C’est à dire que la vue sur un petit espace de culture riche en biodiversité est plus bénéfique que la vue sur une étendue monoculturelle. Egalement, les perspectives avec vue plongeante depuis une colline sur bosquets, arbustes à fleurs, animaux paisibles et non menançant, un plan d’eau propre et des indications d’habitations humaines sont parmi les perspectives les plus bénéfiques et préférées par les individus. Au niveau physiologique, regarder un paysage naturel active une grande partie du cortex visuel stimulant un intérêt prolongé de l’individu et une récupération accrue du stress. Pour cause, la vue sur des environnements naturels permet de détourner ponctuellement son attention pour détendre les muscles de ses yeux et atténuer sa fatigue cognitive. 2/ Lien invisible avec la nature Une connexion invisible avec la nature rend un espace agréable et familiers par la présence de 51

Ibid (p.26).

70


La poésie de la vie comme source d’expérience spatiale

sons, d’odeurs et de textures donnant l’effet d’une immersion en pleine nature. Une exposition inconsciente à des éléments naturels sensoriels améliore la santé mentale et la tranquillité des individus. Une exposition pluri-sensorielle de ces éléments naturels, tel que la vue et l’écoute d’un cours d’eau, permet une réduction accélérée de la fatigue cognitive et une amélioration de la motivation. Egalement, une exposition olfactive aux herbes et aux phytocides, huiles issues des arbres, ont un effet bénéfique sur le processus de guérison et sur l’amélioration du système immunitaire humain. Une exposition pluri-sensorielle quotidienne intensifie et multiplie les effets sur la santé des individus. Un espace peut-être enrichie en bienfaits par la mise en place de liens visuels et non-visuels avec la nature de manière parallèle dans l’espace. 3/ Stimulations sensorielles non-rythmiques Des stimulations sensorielles nonrythmiques invitent à la distraction par le surgissement bref dans son environnement d’un élément spécial, intéressant, stimulant et énergisant. Que ce soit des images, un bruit incongru, un passant énergique,… ces stimulations sont des distractions périodique non-répétitives et inattendues qui captent momentanément l’attention de l’individu pour une courte durée

(supérieure à 20 secondes) et une distance différente (supérieure à 6m) obligeant une courte pause mentale et la détente des muscles de ses yeux. Laisser la place à de l’imprévisible dans notre environnement favorise l’apparition de ces stimulations sensorielles non-rythmiques par la stimulation de sa vision périphérique : les courants d’airs, la vue des nuages, les mouvements de l’eau et ses reflets, le mouvement d’êtres vivants, les mouvements des ombres avec le temps et les saisons… ce qui importe étant la partie éphémère et hasardeuse de ces stimulations.

«Ouvertures personnalisables» Casa Erasto Mexico, 2019 Vertebral

4/ Variabilité thermique et renouvellement d’air Une variabilité thermique et un renouvellement d’air dans un espace procure chez l’individu un sentiment d’adaptabilité, de contrôle et de personnalisation rendant cet espace actif, confortable et vivifiant. En accord avec le concept d’alliesthesie, les individus apprécient une variabilité sensorielle modérée de leur environnement, que ce soit de la luminosité, du bruit ou de la température. Chaque individu ayant sa propre préférence de confort thermique, lumineuse et auditive, la possibilité de faire varier celles-ci au sein d’un espace et de l’adapter personnellement par chacun permet une meilleure satisfaction individuelle. Ces variations peuvent améliorer la concentration et le sentiment de bien-être d’un individu dans l’espace. 71


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

«Présence et jeu de miroir avec l’eau» Fort Worth Museum of Modern Art Texas, 1949 Tadao Ando

5/ Présence de l’eau La présence de l’eau dans un espace captive et fascine, soit en apaisant, soit en stimulant, les individus. L’eau à de nombreux bienfaits sur la physiologie humaine : elle réduit le stress, augmente le sentiment de quiétude par une diminution du rythme cardiaque et de la pression artérielle, tout en permettant une meilleure concentration et une meilleure restauration de la mémoire. Egalement, sa présence améliore l’estime de soi et la bonne humeur des individus y exerçant des activités à proximité. La clarté et les mouvements naturellement fluctuants de l’eau sont préférés par les individus pour ses aspects plus salubres. 6/ Une lumière dynamique et diffuse Un espace ayant une lumière dynamique et diffuse permet aux individus de prendre conscience des expressions du temps et du mouvement en y créant une scénographie singulière et stimulante. L’éclairage d’un espace par de la lumière naturelle induit une meilleure humeur et une productivité plus élevée chez les individus y exerçant leurs activités. La présence de la lumière naturelle et de ses variations au cours de la journée et des saisons ont un effet positif

72

sur le bon fonctionnement du système circadien des individus. Un équilibre entre la production de sérotonine, stimulé par la présence de lumière bleue équivalente à celle du jour, et par la mélatonine, stimulé par l’absence de lumière bleue équivalent à celle de la nuit, favorise le bon fonctionnement du rythme circadien et améliore l’humeur, la vigilance, et la qualité de sommeil des individus tout en diminuant chez eux l’apparition de maladies. Un espace qualitatif en ce sens se situe en un équilibre entre une lumière monotone et uniforme ennuyante et une lumière proposant un contraste d’extrêmes provoquant éblouissement et inconfort. Ainsi une distribution de la lumière fluctuante, variable, de différentes couleur de lumière sans extrêmes stimulent l’œil humain et l’individu sans nuire à ses activités. 7/ Lien avec les systèmes naturels Un lien avec les systèmes naturels permet aux individus de prendre conscience des saisons et des cycles de vies et de se mettre en relation avec un ensemble plus vaste. L’intégration de l’individu avec les cycles et les éléments naturels de son environnement vont améliorer sa compréhension et son interaction avec celui-ci. Cela peut se faire par des zones d’observations de la nature, des zones de cultures et des éléments de récupération d’eau


La poésie de la vie comme source d’expérience spatiale

de pluie à des fins d’approvisionnement, ainsi qu’à des phénomènes naturels de vieillissement de matériaux. 8/ Formes et motifs biomorphiques Les formes et motifs biomorphiques se prêtent à la contemplation par leurs caractères captivants produit par leur similarité avec un motif ou un modèle naturel. Le cerveau ne reconnait pas ces motifs et formes comme des êtres vivants, il provoque tout du moins des effets relaxants en réduisant le stress, en améliorant la concentration à sa vue par le déplacement de l’attention et en stimulant les performances cognitives des individus. Ces motifs et formes sont des représentations symboliques de la vie. Sans abus conduisant à une toxicité visuelle, ils permettent la création de liens avec la nature malgré l’absence du réel vivant, ainsi, en recréant un environnement visuellement plaisant rappelant les environnements naturels. 9/ Lien matériel avec la nature Les liens matériels avec la nature, par la présence d’un matériau brut ou travaillé sans être dénaturé, crée un environnement chaleureux, authentique et stimulant. La présence d’une quantité variable de matériaux

naturelles dans l’espace à des effets bénéfiques sur les performances cognitives des individus. Une étude sur le bois à indiqué qu’une présence moyenne de bois (45%) diminue significativement la pression artérielle et augmente la fréquence du pouls, alors qu’une présence forte de bois (90%) diminue l’activité cérébrale.

«Formes inspirées d’un environnement naturel» Parque Güell Barcelone, 1914 Antoni Gaudi

10/ Complexité et ordre Un espace ayant trouvé un juste équilibre entre complexité et ordre permet une meilleure compréhension de l’espace. Un trop grande désordre dans les informations données par un espace brouilleraient les sens tandis qu’un ordre trop rigide nous figerait de sa monotonie. Un niveau de complexité de l’espace suivant des fractales de trois échelles est plus susceptible de donner une impression d’ordre et de complexité stimulant l’esprit et réduisant le stress que s’il suivait des fractales à deux échelles ternes et insipides, ou même de fractales à x échelles supérieures trop complexes entraînant un plus grand stress psychologique voir même des nausées. Ainsi, des dimensions fractales moyennes (à 3, 4, 5 échelles) permettent une organisation de l’espace plus riche et stimulante tout en permettant une compréhension correcte de l’organisation spatiale.

73


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

«Equilibre séduisant entre perspective-refuge» Musée Gallo-romain Lyon, 1975 Bernard Zehrfuss

11/ Perspectives Un espace disposant de bonnes perspectives favorise le sentiment d’ouverture et de liberté tout en renforçant le sentiment de sécurité et de contrôle. Les perspectives dans un espace permet des bienfaits sociaux et psychologique tel que la surveillance, l’organisation et le confort ainsi que de nombreux bienfaits sur la santé, la physiologie, la réduction du stress, de la fatigue et de la vulnérabilité perçue. Une bonne perspective permet des vues focales lointaines (lorsque supérieure à 6m, optimale à 30m) prodiguant un plus grand sentiment de conscience, de sécurité et de confort. Elles ne doivent pas être obstruées par des barrières spatiales, tel que des cloisons dont la hauteur peut-être limité à 1m, et provenir ou débouché sur une circulation verticale permettant la création de perspectives. Une bonne perspective aide à une meilleure compréhension de l’organisation spatiale; de plus, corrélée à une vue sur des éléments naturels favorisera la qualité de la perspective, son expérience et ses bienfaits. 12/ Refuge Un espace disposant de zone de refuge favorisera le sentiment de sécurité et donnera la possibilité de prise de recul et de retrait.

74


La poésie de la vie comme source d’expérience spatiale

Un espace de refuge doit pouvoir permettre à l’individu de se détacher de l’espace principale afin de travail, de protection, de repos ou de guérison. Un refuge peut permettre la contemplation, l’enveloppement et la protection sans toutefois séparer. La présence d’un espace de refuge dans un espace et son utilisation suscite chez l’individu une meilleure restauration psychologique, une augmentation de la concentration et de l’attention et une réduction du stress, de l’irritabilité, de la fatigue et de la vulnérabilité perçue. Un espace de refuge offre un espace facile d’accès et sécurisant dont l’accès visuel est limité depuis l’extérieur pour récréer de l’intimité a fin de ressourcement. Un espace proposant un équilibre entre perspectives et refuges renforce les bienfaits prodigués pour l’individu. 13/ Mystère Un espace mystérieux est un espace ne se dévoilant jamais entièrement incitant ainsi à la curiosité et à l’exploration. Associé à une réaction de plaisir, le mystère stimule l’imagination et l’émerveillement sans provoquer de réaction de peur. Le mystère incite à l’exploration de l’espace par le caractère flou des limites et seuils des espaces. Cellesci, comprises que partiellement par l’individu,

stimule la découverte et la cognition tout en réduisant le stress. Les espaces se révélant lentement au fil de l’exploration encouragent l’individu captivé et fasciné à en découvrir tous les recoins.

«Un ensemble de chemins et une statue en équilibre» Musée de Castelvecchio Vérone, 1975 Carlo Scarpa

14/ Risque Un espace présentant une caractéristique de risque est intriguant et fascinant par sa qualité d’offrir un faux danger : une vue audessus d’un vide, le passage sur un pont suspendue, une promenade au bord d’un cours d’eau mouvementé… Le risque se joue d’un danger imaginé par l’individu produisant chez lui de la dopamine. Une dose modéré de risque améliore la mémoire, la motivation, la résolution de problème et les envies de luttes par son caractère de confrontation et de maitrise. Un projet architectural intégrant une partie ou la totalité de ces principes de conception biophilique offre à ses utilisateurs une expérience de vie plus riche, plus complète et plus qualitative au quotidien. Ces espaces permettent ainsi à ses habitants une meilleure connexion à la nature environnante et à la nature humaine.

75


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU Des espaces et des mobiliers urbains à l’échelle ACROS Building Fukuoka 2011 Emilio Ambasz

76


Des constructions de corrélations et de correspondances “We shape our buildings, and afterwards, our building shape us”52 - Winston Churchill Une ville à échelle humaine L’espace s’appréhende et s’éprouve selon les dimensions et la vitesse de l’homme (échelle la plus petite de l’aménagement urbain.) Pour ainsi souligner l’idée que l’homme devrait se sentir en adéquation avec son milieu. Que dans son environnement, l’architecture construite mette en valeur ses sentiments, ses activités et ses vertus. Tel qu’être à l’aise avec un bâtiment plutôt que de s’y sentir écrasé.

52

Churchill, W. (1943) Allocution à la Chambre des Lords le 28 Octobre 1943 53

Gehl, J., (2010) «Pour des villes à échelles humaines», écosociété 54

Moore, Ch., Allen, G. (1981) «L’architecture sensible. Espace, échelle et forme» Dunod

Jan Gehl explique qu’il faut suivre certains ordres de grandeurs établis pour qu’un environnement soit à l’échelle de l’homme. Par exemple, à moins de 25m de distance, un individu perçoit suffisamment son environnement pour s’émouvoir d’une scène. A moins de 100m de distance, un individu peut identifier les mouvements d’un autre. Dans une rue, un individu est sensible aux détails architecturaux du rezde-chaussée. D’une fenêtre donnant sur une ruelle, c’est jusqu’au troisième étage qu’un parent peut surveiller ce qu’il s’y passe. Egalement, un individu qui marche à environ 5km/h, se sent stimulé si le décor change toutes les 5 secondes. On peut dire que 7m de large est donc la longueur optimale pour une façade commerciale. Par ailleurs, d’autres exemples d’échelles humaines reportées aux éléments architecturaux présent dans l’environnement de l’homme sont précisées.

Jan Gehl, dans son ouvrage «Pour des villes à échelles humaines», 53 présente quatre principes essentiels à l’aménagement d’une ville à échelle humaine : être animée, sécuritaire, durable et favorable à la santé de ses résidents. Ainsi, il faut se baser sur la constitution et les dimensions perceptives de l’homme; physiques, psychiques et spirituels; pour que l’individu se sentent à l’aise, satisfait et stimulé par l’environnement. De réfléchir ainsi en premier lieu à l’espace selon l’individu et à ses relations avec les composants de nos sociétés et milieux: les voitures, les bâtiments, la végétation… qui répondent en partie ou totalement à ses besoins de sécurité, de confort, de mobilité, d’appartenance. Néanmoins, l’échelle de l’homme ne veut pas forcément dire la seule mesure de l’homme. L’Homme étant multisensoriel et multidimensionnel, l’architecture peut évoquer autre chose que seulement ses dimensions physiques s’il veut toucher l’entièreté de l’homme. Comme exprimé par Ch.Moore et G.Allen dans leur ouvrage L’Architecture Sensible : “En général, un édifice dont les formes ont un sens pour l’homme nous sera plus sensible qu’un édifice qui tenterait de rester en rapport avec les dimensions du corps. Le premier représente ce que nous entendons par “échelle humaine”54. 77


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Des formes et des espaces évocateurs Palais de Justice du Comté de Santa Barbara Californie 1926 William Moser

Les dimensions poétiques et spirituelle de l’homme peuvent aussi être évoquer dans les formes architecturales afin de rendre une architecture plus “humaine”. Paul Valéry, dans Eupalinos, enseigne une leçon à Phèdre à travers la voix de Socrate, il parle de l’effet sensible de l’architecture rencontrés : “Dis-moi (puisque tu es si sensible aux effets de l’architecture), n’as-tu pas observé, en te promenant dans cette ville, que d’entre les édifices dont elle est peuplée, les uns sont muets; les autres parlent; et d’autres enfin, qui sont les plus rares, chantent ?”55

55

Valéry, P., (1921) romande, p.22 78

«Eupalinos»,

bibliothèque

numérique


Des constructions de corrélations et de correspondances “We must learn how to plan and build our cities in such a way as to give all of us the maximum choices. (...) To achieve this we must conceive the best type of life and then build the structure that allows the best function in the sense of a maximum of choices”56 - Apostolos Doxiadis

Le besoin spatiale de liberté de choix et de comportement L’architecture au service de l’individu selon sa constitution sensible, psychologique et sociale a eu un regain d’interêt dans les années 1970. En effet, les architectes et urbanistes, ayant cherchés à répondre aux nécessités spatiales et sociales de l’être humain par la conception d’espaces les plus adaptés, n’avaient pas de retour précis et fondés de leurs effets produits sur les habitants et leur quotidien. C’est, basé sur leurs questionnements portés sur la nature de la relation entre l’homme et son espace, que les psychologues sociaux Proshansky, Ittelson et Rivlin ont posés les fondements de la psychologie environnementale avec la publication de leur ouvrage “Environmental Psychology : Man and his physical setting”.57

56

Doxiadis, A., (1968) «Man and the space around him», Saturday

Review, p.22 57

Proshansky, H., Ittelson, W., Rivlin, L., (1970) «Environmental Psychology : Man and his physical setting», Holt, Rinehart and Winston, Inc. 58

Moser, G., Weiss, K., (2003) «Espaces de vie : Aspects de la relation homme-environnement», Armand Collin

La psychologie environnementale est “L’étude des interrelations entre l’individu et son environnement physique et social, dans ses dimensions spatiales et temporelles”58. C’est ainsi l’étude de l’ensemble des relations qu’entretient l’individu avec son environnement et ses effets sur les comportement, la cognition et les émotions humaines, mais aussi l’étude sur la manière dont l’individu, de façon consciente ou inconsciente, perçoit et agit sur l’environnement.

Ainsi, dans leur publication, Proshansky, Ittelson et Rivlin posent les hypothèses fondamentales psychologique de la relation entre l’homme et l’environnement pour aider les concepteurs d’espaces à concevoir des espaces et des lieux stimulants adaptés aux conditions et aux perceptions de l’individu. Ce sont des notions fondamentales à l’architecture qualitative qui sont ainsi retrouvés par la compréhension des facteurs d’un lieu. Celui dans lequel l’homme est au centre et lui-même acteur, par sa perception et son interaction, de ce lieu. Ils nous apprennent ainsi que les espaces ont un effet objectivement identifiable sur le comportement et la psychologie humaine. Et qu’ainsi selon la présence et le bon aménagement de certains éléments dans l’environnement habité, on peut concevoir des lieux stimulants et plaisant pour le développement de l’individu. Un des éléments essentiels a un lieu adapté au bon développement de l’être humain, est la conception d’espaces qui respectent la liberté de choix et de comportement de l’individu. Cette idée est soutenue selon trois concepts constituants l’individu : - L’Homme, est à tous moments et en tous lieux, un organisme conscient et orienté vers un but. - L’Homme satisfaisant ses besoins, l’est par de continus échanges et interrelations avec son environnement physique. 79


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Une niche privative, bien éclairée et à grande hauteur sous-plafond Fondation Michalski Maison de l’écriture Suisse 2014 Mangeat Wahlen & Associés

- En toutes circonstances, l’Homme cherche à organiser son environnement physique de sorte à maximiser sa liberté de choix. Ces trois axiomes impliquent qu’un lieu, dans lequel un individu se rend pour accomplir son but, ne recherche pas seulement l’accomplissement de ce but mais la satisfaction de ses besoins individuels et l’ensemble des conditions nécessaires à son accomplissement. Par exemple, un étudiant allant dans une bibliothèque pour lire un livre, doit trouver dans cette bibliothèque le livre qu’il recherche et les conditions satisfaisantes pour qu’il puisse le lire; un bureau confortable, une bonne lumière, de l’espace. Egalement, il doit y trouver ce qui satisfait ses besoins fondamentaux; un accès à l’eau, des toilettes, un coin snack, le respect du temps et la tranquillité nécessaire à sa lecture. Un lieu présentant suffisamment d’activités diverses pour satisfaire l’objectif de l’individu et ses besoins fondamentaux en liens direct ou indirect avec ses objectifs, et ce dans les conditions nécessaires et idéales de cet accomplissement, est un lieu reconnu comme respectant la liberté de choix et de comportement de l’individu. Pour un architecte ou un urbaniste, donner la liberté de choix et de comportement à un individu se fait en concevant un environnement

80

physique où l’homme peut accomplir ses buts dans les conditions nécessaires à cet accomplissement. Le propre d’un lieu ou d’un espace réussie dans ce sens, c’est par exemple faciliter la compréhension, l’utilisation et la mouvance de l’individu dans les espaces et les transitions d’un lieu, ainsi que répondre à ses besoins fondamentaux. Une architecture de qualité, est une architecture où l’ensemble des activités humaines ont lieu de manière optimale sans que l’on ne s’en rendent compte, comme si c’était “naturel”. Pour atteindre ce but, c’est un travail sur la question des conditions physiques et spatiales adaptés aux activités de l’individu qui est nécessaire; la bonne lumière, la bonne température, la bonne acoustique, les bons matériaux; mais aussi la nécessité d’un travail sur la constitution et les besoins physiologique et psychique des individus et leurs adaptations aux espaces conçus; comme le sont les notions imbriqués de privacité, territorialité et surpeuplement. La notion de privacité ressenti dans un lieu par un individu est complexe. Selon sa culture, sa personnalité et ses activités, un individu à une conception et un ressenti différents de ses besoins et de ce qu’il estime nécessaire au respect de sa vie privée


Des constructions de corrélations et de correspondances

dans les différents lieux qu’il habite. Ce besoin de privacité de l’Homme est nécessaire à son bon développement et son épanouissement car c’est un élément constituant de son expérience et de sa qualité d’être humain. Dans l’agitation de nos sociétés, l’Homme ressent le besoin pour son intégrité physique, son individualité et son autonomie, d’avoir un moment de privacité pour reprendre la conscience et le contrôle de sa vie. Ce sont des moments de respiration, de réflexion, de mise au point, de planification propre à chacun que l’individu devrait pouvoir prendre lorsqu’il en ressent le besoin, et qui devraient pouvoir être assouvis par un espace adapté.

Sentiment d’en-commun par la grandeur de l’espace, et redécoupé en espaces plus petits, plus appropriables et personnels Bibliothèque d’Alexandrie Egypte 2002 Snøhetta

Le psychologue Westin, dans son ouvrage “Vie Privée et Liberté”59, a recherché les éléments objectifs constituant les nécessités de privacité de l’Homme. Cette étude a résulté en la catégorisation de quatre états et fonctionnement spécifiques qui sont nécessaires à l’intégrité d’un individu : la solitude, l’intimité, l’anonymat et la réserve. La solitude est un état où l’homme est seul et libre de l’observation d’autrui. Ce sentiment de solitude est principalement le sentiment d’être libéré du regard d’autrui plutôt que celui 59

Westin, A., (1967) «Vie Privée et Liberté», Athenaeum 81


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Ecole sans murs Coins et recoins plus privatifs et intimes Orestad College Copenhague 2007 3XN

de se sentir seul. C’est une solitude choisie et non subie. C’est un détachement physique de l’agitation et des activités de la société dont l’individu à besoin pour construire sa propre identité. Selon les conditions de vie de l’individu, le besoin de solitude peut ne pas être assouvi dans son foyer. Un adolescent partageant sa chambre avec son frère chez ses parents, trouvera difficilement l’occasion d’éprouver sa solitude. C’est également le cas pour un époux responsable et aimant envers sa famille, qui n’arrive pas dans l’agitation et les obligations familiales, de trouver un moment de solitude personnel. L’intimité est un état où plusieurs individus souhaitent avoir des relations personnels sans perturbations extérieures. C’est un besoin éprouvé par plusieurs individus de fructifier leurs relations interpersonnels, de pouvoir discuter et échanger dans un cadre fermé à l’observation et l’indiscrétion d’un tiers indésirable. Le besoin d’intimité peut être demandé aussi bien avec des amis proches qu’avec des connaissances ou des inconnus. Pour faire d’une société un lieu plaisant, il faut que l’apprentissage et la connaissance de l’autre se fasse dans un lieu où l’individu peut considérer l’autre en tant qu’individu ayant une histoire singulière. Nos espaces publics nous perdent

82

dans la crainte de l’autre car il n’existe que peu d’espace où l’on puisse échanger et apprendre avec une personne qui se sente concernée et comprise en tant qu’individu. L’anonymat est un état où l’individu recherche une liberté d’identification et de surveillance dans l’espace public. C’est la conscience pour un individu d’avoir la possibilité d’aller explorer avec tranquillité des lieux qui ne sont pas privés, sans le souci d’être reconnu et observé par autrui. Le besoin d’anonymat demande à ce que les espaces et les circulations publics, tout en étant fluide et agréable, permettent à l’individu de se “fondre dans la masse”, de jouir de l’espace public sans discrimination identitaire, sans avoir le besoin de changer son aspect physique ou de se camoufler. Un cadre supérieur à tout autant le droit qu’un éboueur de profiter d’un moment de loisir dans un parc, sans qu’aucun des deux ne soit soumis à la critique et à l’observation d’autrui, l’espace public étant un espace pour tous. La réserve est un état où l’individu, quelque soit le lieu et l’entourage, souhaite préserver sa vie privée et certains aspects de sa personnalité. C’est le besoin individuel que l’on respecte son existence propre, sa liberté de choix et de comportement en toutes circonstances.


Des constructions de corrélations et de correspondances

Si l’on souhaite que les individus soient conscient de leur vie, responsables et épanouis, l’individu doit pouvoir assouvir selon ses désirs ces quatre états de privacité au quotidien. Dans nos sociétés, si l’espace privé ne permet pas à l’individu d’assouvir ses besoins de privacité, c’est au rôle de l’espace public de pouvoir offrir la possibilité à ces individus de les satisfaire.

Territoire intime momentané par l’installation de trois chaises Jardin du Luxembourg Paris

La notion de territorialité tient à voir avec le désir d’un individu à satisfaire ses besoins de privacité. Chaque individu se défini son propre territoire dans l’espace selon son comportement et ses valeurs. L’individu défini son territoire et ses limites selon son corps et ses mouvements, tel un périmètre dans lequel il est libre d’effectuer les gestes et les comportements qui lui plaisent en tenant compte des objets qui l’entoure et des individus sans les toucher ni être touché. L’individu défini son territoire aussi par ses besoins d’affiliations, d’accomplissements, et toute autre motivations sociales. Dans l’espace public, les territoires se mêlent et se juxtaposent selon la personnalité et les caractères de chacun. Un individu extraverti et affable aura tendance à prendre plus de place, à se sentir plus confortable assis au milieu d’un banc public et à inviter les autres à partager son territoire pour commencer une conversation. 83


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Espaces intimes et communicants où l’individu ne se sent pas submergé Central Beheer Apeldoorn, Pays-Bas, 1972 Herman Hertzberger

Un introverti, au contraire, aura tendance à choisir des lieux où il ne sera pas dérangé, comme s’asseoir sur l’extrémité du banc où il aura l’occasion de partir à tout moment si le besoin s’en fait sentir. Le besoin d’intimité et d’anonymat n’est pas défini de la même façon pour ces deux personnes même s’ils usent du même banc public. La qualité de ce banc est d’accepter cette variété d’appropriation et de prise de territoire momentanée. La prise de territoire est une constante de l’espèce humaine. A tous instants, l’individu a besoin d’établir un territoire spatial dans lequel il se sent à son aise. Dans l’espace public, il y a bien sur des limites de tolérances et d’acceptations d’autrui sur son territoire qui sont régis par des normes et des lois. Au cas où l’individu ne peut assouvir son besoin de territoire et ses besoins de privacité physique et psychosociale, un sentiment d’inconfort et de gêne ainsi que des troubles psychiques peuvent se manifester. Pour certains individus, cette promiscuité peut générer une certaine hostilité envers l’autre. L’être humain, par son corps et ses perceptions doit pouvoir ressentir sa liberté de choix et de comportement dans un espace donné. L’individu doit être libre de tout inconfort ou douleurs liés à un manque d’espace personnel.

84


Des constructions de corrélations et de correspondances

Dans une étude mené pour l’Institut fédéral de la justice des Etats-Unis, les auteurs ont cherchés à comprendre le phénomène de changement de comportement des prisonniers provoqués par la densification des cellules.60 Il a été noté que lorsque des prisonniers logent dans une cellule de moins de 15m2, la trop grande proximité incitait des réactions physiques et psychique négatives. Les prisonniers étaient plus nombreux à mourir, se suicider, tomber malade ou créer des problèmes disciplinaires que les prisonniers habitant dans des cellules plus grandes. Cette étude à démontré l’importance du respect du besoin de territoire de l’individu et le fait qu’il existait bel et bien un minimum d’espace vital nécessaire à chacun. Et que le non-respect de cette axiome affecte drastiquement les individus par de multiples maux physiques et psychiques. Différents espaces et lieux publics doivent proposer des dimensions et des caractéristiques singulières pour respecter la liberté de choix et de comportement de l’individu. Un quartier ou un lieu peut-être considéré comme agréable par ses habitants lorsqu’il offre une diversité d’éléments et d’espaces qui peuvent répondre à ce besoin d’appropriation territorial. Cette diversité respecte conséquemment le besoin de liberté de choix et de comportement de l’individu par la capacité de ces lieux à disposer d’éléments

et d’espaces momentanément appropriables. La notion de surpeuplement implique la notion de territoire et de vie privée.

Réflexions sur les espaces et les prises de territoires pour la sociabilité Central Beheer Apeldoorn, Pays-Bas, 1972 Herman Hertzberger

Ce phénomène émerge lorsque les dimensions et l’aménagement d’un espace n’est pas adapté au nombre d’individu présents. Ainsi, il est possible de ressentir un sentiment de frustration au surpeuplement même lorsqu’il y a peu de monde dans un espace et, au contraire, de ne ressentir aucune gêne ou inconvénient dans un espace peuplé. Selon les circonstances, cela peut soit provoquer négativement un sentiment d’inconsidération et d’inconfort de son individualité; ou alors provoquer positivement un sentiment d’excitation et de participation à un phénomène sociale. Une bibliothèque laissant entrer plus d’individus que de places assises est un exemple de surpeuplement qui provoque une gêne pour l’ensemble de ses usagers. Tandis qu’un stade durant un match ayant ses places assises complètes et une partie du public debout créé, nonobstant des difficultés de circulations et des insécurités, surtout un sentiment d’unité et d’appartenance physique envers une cause commune. 60

Morval, J., (2007) «La psychologie environnementale», Presses de l’Université de Montréal, p.69 85


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Espaces sensoriels riches mêlés à une liberté d’usages Jardin du Trocadero Paris

Un lieu, un espace, doit ainsi prendre en compte ce phénomène de peuplement et adapter sa capacité d’accueil à l’activité et l’atmosphère voulue. Dans les espaces qu’il habite, l’individu doit pouvoir avoir la liberté de ses choix et de comportement ainsi que la possibilité de satisfaire ses besoins de privacité, de se constituer un territoire et de ne pas ressentir le phénomène de surpeuplement inhibitif.

Rivlin, ces villes procurent et génèrent une considération et un développement chez l’individu sur ses capacités, ses qualités et ses valeurs humaines. “L’élargissement des possibilités qui s’offrent à l’individu ne peut que renforcer sa dignité et ses qualités humaines, faisant de lui moins un automate et plus un individu épanoui”.61

Cette liberté de choix et de comportement est la clef de la qualité d’une ville. Car dans le sens contraire, le phénomène de surpeuplement restreint les territoires possibles pour chaque individu, et amenuit les possibilités de satisfaire les besoins de privacité de ses habitants. Ce manque génère une augmentation des mécontentements et des dysfonctionnements physiques et psychiques de ses habitants qui amènent à l’appauvrissement des expériences vécues des espaces d’une ville. Une ville “riche” est une ville disposant d’une grande liberté et variété de choix et de comportements à ses habitants. Les individus d’une telle ville sont ainsi stimulés par un environnement qui les aides à développer une conscience propre, une responsabilité sur leurs actions et à porter un regard sur les conséquences de leurs choix. Selon les propos de Proshansky, Ittelson et 86

61

Proshansky, H., Ittelson, W., Rivlin, L., (1970) «Environmental Psychology : Man and his physical setting», Holt, Rinehart and Winston, Inc., In chapter 16, «Freedom of Choice and Behavior in a Physical Setting», p.183


Des constructions de corrĂŠlations et de correspondances Espace urbain riche en activitĂŠs Superkilen Copenhague, 2012 Bjarke Ingels Group

87


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Végétation luxuriante au plein cœur de la ville Calle Amsterdam Condensa Mexico City

88


Des constructions de corrélations et de correspondances

Les bienfaits de la présence de la nature au quotidien

62

Bonnefoy, B., (2017) «Nature et Restauration psychologique», Chapitre 2, dans Fleury, C., Prevot, A.-C., «Le souci de la nature. Apprendre, inventer, gouverner», CNRS Editions 63

Idem, p.155

64

Kuo, F., Sullivan, W., (2001) «Environment and Crime in the Inner City. Does Vegetation Reduce Crime ?», Environment and behavior, vol.33 n°3, May 2001, p.343-367

La présence de la nature au quotidien à des effets bénéfiques sur notre santé physique et psychologie contribuant ainsi à notre bienêtre et à notre épanouissement. En effet, les caractéristiques d’un environnement naturel répond à nos besoins physiologiques de sensations apaisantes et stimulantes. Dans une étude menée par Barbara Bonnefoy, psychologue social et environnemental, dans un chapitre intitulé “Nature et restauration psychologique”62, nous apprenons que les bénéfices physique cognitifs lié à la proximité d’espaces verts implique un moindre “risque de dépression, d’anxiété, de stress et de maladies respiratoires, ceci grâce à l’amélioration de la qualité de l’air ambiant induite par les parcs et les opportunités d’y pratiquer des espaces physiques”. 63 Un individu en meilleur santé et ayant les conditions nécessaires à la prise de recul sur sa vie aura une plus grande facilité à la réflexion, à l’expression et à l’autonomie. Un habitant de quartier ayant a proximité l’accès à un espace vert aménagé sensiblement aura un meilleur comportement interpersonnel et intrapersonnel ainsi qu’une plus grande attention et responsabilité sur sa vie et ses actions.

Une étude faite en 2001 par des étudiants de l’Illinois sur la corrélation possible entre la présence d’espaces verts et la violence, à démontré que la présence de végétation avait effectivement une incidence sur le comportement humain, et plus spécifiquement sur la réduction de la violence.64 Cette étude à été basé sur le comportement des résidents de la cité Ida B.Wells à Chicago. Construite en 1941 comme un grand ensemble avec de grandes pelouses et quelques espaces verts boisées, ce lieu est tombé en désuétude par un entretien insuffisant de ces espaces. C’est en 1960, à cause de problèmes d’hygiènes et d’économie, que les pelouses transformés en champs de boues et la saleté régnante, ont donnés raison aux instances urbaines de bitumer un grand nombre de ces espaces. Vingt ans après, cette cité est devenue une source de délinquances, de trafics et de violences. Pour la réalisation de l’étude, les étudiants ont recoupés la localisation des rapports de police avec des photos aériennes de ces lieux. Afin d’apporter des critères objectifs et fiables à leur étude, ils ont demandés à des étudiants en paysagisme de catégoriser la qualité végétale de chaque espace. Les notes allaient de 0, pas d’herbes ni d’arbres, à 4, un espace entièrement recouvert d’une canopée végétale. Les résultats, après deux années d’analyses, 89


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Espaces publics «pauvre» en sensations : manque de végétation, d’accroches visuelles et physiques, et d’usages variés Cité Ida B. Wells Chicago 1980

Vue aérienne de la cité avec son contraste d’espaces végétalisés ou bitumés.

Espaces publics homogènes, neutres et insipides

Vue au sol d’une rue délabrée et non-végétalisée de la cité

Vue au sol d’une rue délabrée mais arborée de la cité

90

ont été stupéfiants : rien que pour la différence entre les zones à faible présence d’espaces végétalisés et ceux ayant une présence moyenne de végétation, ces derniers présentaient une réduction de 42% de crimes, de 40% de vols à la propriété, et de 44% de violences de moins que les premiers. La différence entre les zones à faible présence de végétation et ceux à haute présence étaient encore plus grandes : ils présentaient une réduction de 52% de crimes, de 48% de vols à la propriété, et de 56% de violences physiques. Cette étude suggère ainsi qu’il existe une relation négative entre présence de végétation et crime, dans le fait que dans un espace le plus de végétation, le moins de criminalité. Des questions corollaires à cette étude suggèrent que c’est la présence d’une végétation qui n’obstruent pas la vision à l’horizon (espaces aérés, grandes pelouses, arbres à canopées hautes, visibilité du feuillages…), permettant ainsi la surveillance sociale indirecte, qui a le mérite de diminuer le plus la criminalité et les déviances sociales. Egalement, la question à été de savoir s’il y avait corrélation entre espaces verts, hauteurs de bâtiments et densité de population : l’étude indique que les relations entre crime, hauteur d’un bâtiment et nombre d’unités d’habitations sont indépendantes et non corrélées.


Des constructions de corrélations et de correspondances

Ainsi, le facteur le plus important était véritablement la présence de végétation dans l’environnement proche des individus. La présence de la nature réduit ainsi chez l’individu sa violence et son irritation, tout en possédant d’autres vertus curatives. Sa présence dans notre environnement quotidien apporte de nombreux bénéfices physiques et cognitifs, et influe donc grandement sur notre comportement. Elle apporte aux individus de l’apaisement par sa présence, une plus profonde connaissance de ses sensibilités par son interaction, un plus grand contrôle de soi et une tendance à un meilleur épanouissement par la vitalité qu’elle libère. L’environnement naturel apporte ainsi une plus grande connexion à notre nature et à des valeurs positives. Dans son ouvrage65, Bonnefoy nous cite De Vries (2010) pour nous expliquer que quatre facteurs majeurs apportent une relation positive à l’environnement naturel : l’amélioration de la qualité de l’air et ainsi de la santé physiologique de ses habitants, la stimulation de l’activité physique par les facilités d’y effectuer une activité sportive, la facilitation de la cohésion sociale par un sentiment d’isolation et de solitude diminuée, et la restauration du stress ou de la

fatigue mentale par la qualité ressourçante de sa présence. Dans nos sociétés, ce dernier point fait sujet d’actualité. La demande croissante chez l’individu d’une productivité maximum, affecte et accroît son stress et sa fatigue mentale le rendant progressivement irritable et déconnecté de son quotidien et de sa propre individualité, donc de son humanité.

Espace urbain «riche» en sensations : végétalisation et promenade Fort d’Issy-les-Moulineaux Paris, 2016

A cette perte de sens et de bon fonctionnement, Bonnefoy nous renseigne en abordant deux théories clefs réduisant le stress et la fatigue mentale : la Théorie de Réduction du Stress d’Ulrich66 (1984) et la Théorie de la Restauration de l’Attention de Kaplan67 (1989); qui “s’appuient toutes les deux sur l’idée bien développée en psychologie que nos ressources cognitives et attentionnelles sont limitées, qu’elles s’épuisent et demandent à être reconstruites régulièrement”. Ainsi, la Théorie de Réduction du Stress, est une théorie démontrant que la présence de la nature durant un moment de stress ou de difficulté 65

Bonnefoy, B., (2017) «Nature et Restauration psychologique», Chapitre 2, p.155 66 67

Ulrich, X., (1984) «Théorie de Réduction du Stress»,

Kaplan, X., (1989) «Théorie de la Restauration de l’Attention», 91


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Atrium Jardin d’Hiver Ford Foundation New-York City, 1968 Kevin Roche, John Dinkeloo and Associates

psychologique permet de réduire l’intensité des désagréments perçus. Par exemple, dans un quartier de bureaux, l’appréciation directe par la vision ou la rencontre d’espaces naturels à proximité permettrait une meilleur efficacité dans le travail de l’individu. Dans la mesure où lors de situations de souffrances, provenant de moments délicats, d’incertitudes et de questionnements, la végétation permettrait l’allègement de ces difficultés par sa présence tranquillisante. La présence de végétation facilitant la prise de recul et la temporisation, capaciterait les individus en les rendant cognitivement plus compétents et mentalement plus résilients pour accomplir leurs tâches. Une pause café, une promenade ou un déjeuner dans un cadre de végétalisation dense prodiguerait un ressourcement et une amélioration du bienêtre et du sentiment de réalisation de l’individu. La Théorie de la Restauration de l’Attention, nous explique également que cet effet relaxant et ressourçant de la nature a des effets bénéfiques sur l’attention, et conséquemment, sur le développement personnel et l’épanouissement de l’individu. En effet dans une étude relevé par Bonnefoy68, les chercheurs de l’université du Michigan, Kaplan et Kaplan, ont développés la notion “d’environnement restaurateur” qui souligne la stimulation physiologique et

92

spirituelle de la nature : “après avoir fréquenté des espaces naturels, les participants se disaient profondément reposés et avaient même un sentiment de “guérison”. Ils ajoutaient avoir été dans un état de réflexion, de prise de recul avec leur vie et leurs priorités du quotidien”69. En effet, l’attention est la ressource clef du développement conscient de l’individu pour accomplir ses activités et mener à bien ses objectifs. Lorsqu’un individu épuise son attention, il commence à saturer l’ensemble de ses facultés et perd ainsi en efficacité. S’il y a excès, cette situation amène l’individu en situation de burnout, de l’épuisement total de ses capacités cognitives et de sa volonté. Cet état de l’être est dommageable physiquement, mentalement et spirituellement et marque l’individu par la crainte et une remise en question profonde. Ainsi toutes ressources apportant à l’individu une expérience optimale de son attention, entre usage et récupération, tout en lui permettant suffisamment de recul pour la réflexion, est une ressource vitale à son bon développement et à son épanouissement. 68

Bonnefoy, B., (2017) «Nature et Restauration psychologique», Chapitre 2, p.158 69

Idem, P.158

70

Isaacson, W., (2011) «Steve Jobs. La vie d’un génie»,Editions Jean-Claude Lattès


Des constructions de corrélations et de correspondances

Nous apprenons donc que la présence de la nature dans le quotidien de l’homme prodigue cet effet de ressourcement et de revitalisation. Pour les individus, la présence d’un environnement naturel dans les espaces urbains et les lieux d’activités leurs feraient gagner en qualité et en fréquentation. Si a cela on ajoute une qualité d’usage et d’activité permettant le développement et la stimulation de l’individu, ces espaces seraient parmi les plus riches que l’Homme disposerait pour son bien-être et son épanouissement.

Promenades végétalisés intérieures Ford Foundation New-York City, 1968 Kevin Roche, John Dinkeloo and Associates

Steve Jobs, quelques décennies en avance sur son temps, avait pris conscience de ces bénéfices prodigués par la nature et la mettait quotidiennement en pratique. Dans sa biographie70, écrite par Walter Isaacson, nous apprenons que Steve Jobs avait comme habitude d’effectuer ses rendez-vous en “walk and talk”, des discussions et des brainstorming à deux en marchant. Jobs pensait que la marche était une manière naturelle de communiquer et qu’elle lui apportait les meilleures idées. Ainsi une étude organisé à l’Université de Stanford a était mise sur pied pour valider ou non cette théorie.71 Elle en a conclu, effectivement, qu’une marche avait des effets positifs sur la pensée créative, que l’activité 93


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Vue aérienne en plan des jardins et sentiers de l’Apple Campus II Apple Park Cupertino, Californie, 2018 Foster and Partners

physique avait une influence positive sur la cognition. Lors d’une marche, la capacité à avoir des pensées divergentes, l’association d’idées aléatoires et non-organisées de manière spontanée et créative propre à la découverte, étaient amplifiés de 60%, tout en conservant une capacité quasi-identique de la pensée convergente. Cette capacité de créativité était d’ailleurs résiduellement conservée un moment après la marche, et pouvait être renouvelé par une nouvelle marche.

de tranquillisateur et de canalisateur de nos facultés intellectuels, permet conséquemment le développement d’une conscience de soi tourné vers la signification et la réalisation. Un individu ayant dans son quotidien un environnement naturel riche aura des conditions de vie favorisant sa stimulation et son épanouissement.

Steve Jobs, avait en tête cette notion lorsqu’il a accompagné Norman Foster dans la construction de son Apple Campus 2 a Cupertino en Californie. Steve Jobs voulait que ses employés puissent profiter au maximum de ces effets bénéfiques de la nature et à ainsi voulu qu’à chaque lieu du bâtiment ils puissent avoir une vue sur la végétation et qu’ils puissent facilement se rendre dans le parc pour un meeting-promenade. La forme circulaire du bâtiment et son parc intérieur a été ainsi conçu dans cet intention. La présence de la nature, d’un environnement naturel, est un facteur clef permettant l’amélioration et le bon développement de nos capacités physiques et cognitives. Sa qualité intrinsèque de stimulateur de nos différent sens, 94

71

Oppezzo, M., Schwartz, L., Stanford University (2014) «Give Your Ideas Some Legs: The Positive Effect of Walking On Creative Thinking», Journal of Experimental Psychology : Learning, Memory and cognition 2014, Vol. 40, N°4, 1142-1152


Des constructions de corrĂŠlations et de correspondances Promenades dans un paysage fantastique Apple Park Cupertino, Californie, 2018 Foster and Partners

95


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Parlement Nationale du Bangladesh Dhaka, 1982 Louis Kahn

“... a building has to start in the unmeasurable aura and go through the measurable to be accomplished. It is the only way you can build, the only way you can get it into being is through the measurable. You must follow the laws but in the end when the building becomes part of living it evokes unmeasurable qualities. The design invloving quantities of brick, method of construction, engineering is over and the spirit of its existence takes over.»”72 - Louis Kahn

96


L’environnement édificateur de caractère

L’experience architecturale transcendentale Pour exprimer le caractère d’une idée spécifique dans son bâtiment, l’architecte peut employer le symbole pour délivrer un message, une impression, une atmosphère… et ainsi suggérer et inciter les individus la comprenant à un sentiment, une idée, une vertu. Présente en tant que forme architecturale, elle s’imprime dans l’inconscient par une fréquentation quotidienne pour, un beau jour, surgir et saisir l’individu réalisant sa présence.

72

Kahn, L., (1961) «Form and Design», p.149, In Birkhauser, «Nexus Network Journal. Architecture and Mathematics», Volume 8, N°1, June 2006, p.37 73

McLuhan, M., (1968) “Pour comprendre les médias : les prolongements technologiques de l’homme” 74

Kahn, N., (2003) «My Architect. A Sons Journey», Film

75

Kahn, N., (2003) «My Architect. A Sons Journey», (1h:43m:14s)

La perception et la compréhension de ce symbole peut ainsi transcender l’individu par un effet de résonance propre à sa constitution. Cette manière prend la forme d’une suggestion visuelle passive. Pour reprendre l’expression de Marshall McLuhan, ‘‘The message is the medium’’73, nous avons l’architecture en tant que message où l’individu est le médium. Les architectures dans lesquelles nous vivons, sont une extension de nos propres désirs, facultés et caractères. Ainsi, des sentiments et des valeurs universellement partagés peuvent être transmis entre les Hommes par l’architecture. Un édifice, par sa présence, sa qualité architecturale et ses fondements, peut avoir un

effet saisissant et transcendant pour l’espèce humaine, individuellement ou collectivement. Dans le film extrêmement émouvant “My Architect. A Sons Journey”.74 Nous sommes guidés par la quête d’un fils illégitime cherchant à comprendre qui était son père qu’il n’a que si peu connu mais que tous le monde connaît pourtant, le renommé Louis Kahn. Nathaniel Kahn découvre, en nous partageant intimement son aventure, cet homme par ses bâtiments. Au fil de sa quête, Nathaniel Kahn rencontre les individus qui ont côtoyés son père et ont participés à l’élaboration de ses chefs d’œuvres. Nous nous rendons comptes, à travers les récits personnels, que la plupart des intervenants ont étés profondément marqués par leur rencontre avec Louis Kahn, et continuellement par la présence et la vie des constructions qu’il a laissé derrière lui. Lorsque Nathaniel Kahn visite le Parlement National du Bangladesh construit par Louis Kahn, les témoignages donnés sont les plus transcendants et les plus révélateurs de la portée émotionnelle de l’architecture sur l’Homme.75 Tout d’abord, les joggeurs matinaux quotidiens interviewés disent que le site du Parlement est le plus beau bâtiment du Bangladesh et qu’ils 97


LE DESIR D’ESPACE ET DE LIEU

Chambre de l’Assemblée Parlement Nationale du Bangladesh Dhaka, 1982 Louis Kahn

sont fières de sa présence car ils sont heureux que ce bâtiment soit l’image nationale de leur pays. De manière plus importante, c’est durant la conversation tenue avec Shamsul Wares, architecte bengali, que l’on comprend que l’expérience architecturale est révélatrice. Il montre en premier un visage dépité lorsqu’il apprend de Nathaniel que ce bâtiment ne sera présenté qu’au maximum une dizaine de minutes dans son film. Il nous tient ensuite, la larme à l’oeil, un discours profondément saisissant76 : “It was almost impossible a building like this for a country like ours. In 30, 50 years back it was nothing, only platy fields. And since we invited him here, he felt that he had got responsibility. He wanted to be Moses here. He gave us democracy. He is not a political men, but in disguise he has given us an institution for democracy, from were we can rise.” “I think, he has given us this building. And… we feel all the time for him… (…) That’s why he has given love for us. He has given the people delightedly love.” Louis Kahn, par la construction de ce Parlement, a donné indirectement aux Bengalis la démocratie. Tel que reconnu par Louis Kahn et vécu par notre interlocuteur, pour véritablement exister, la démocratie doit se formaliser en un lieu

98

concret où les gens de ce pays peuvent se réunir et instituer le quotidien. La démocratie existe au Bangladesh grâce à la présence et au fonctionnement de ce Parlement. L’Homme porte en lui le désir de ses institutions, mais ne peut le reconnaitre et l’éprouver que dans un lieu qui permette l’action de cette institution. Ainsi, l’homme peut éprouver un sentiment de transcendance à sa rencontre avec un bâtiment architectural, ce sentiment surgit lorsqu’il reconnait et se réalise dans un lieu adapté à son désir, à son institution. L’architecture formalisé devient donc l’image d’une institution. Dans nos villes et nos sites historiques, les monuments et les bâtiments nous font connaître par leur formes chacune leur institution. Le triomphe de Napoléon 1er est reconnu encore de nos jours par la présence de l’arc de Triomphe. Le Capitalisme rayonne aujourd’hui par la présence des tours, qui forment et identifient des quartiers et villes tout entiers, tel que La Défense où New-York City. Les progrès de la Science sont reconnus par les différents Centres et Cités de la Science de chaque pays. Plus importante sera l’institution dans le cœur et les désirs des Hommes et plus grande et présente elle sera dans notre quotidien. 76

Kahn, N., (2003) «My Architect. A Sons Journey», (1h:46m:37s)


L’environnement édificateur de caractère

Accès par des passerelles minérales et aquatiques Usage de formes géométriques pures Rue Intérieure éclairée par la lumière naturelle

99


100


D’une multitude à la singularisation

A l’origine de l’endroit idéal

Emergence de la notion de Tiers Lieux

La croissance grâce aux autres Lieu d’apprentissage et de développement individuel en société

101


D’une multitude à la singularisation Le Darwin Bordeaux, 2015

102


A l’origine de l’endroit idéal “Knowing is not enough, we must apply. Willing is not enough, we must do” - Johann Wolfgang Von Goethe Emergence de la notion de Tiers Lieux La notion de Tiers-Lieu, ou troisième lieu, a été inventé par Ray Oldenburg dans les années 1980 aux Etats-Unis pour qualifier ce qu’il nomme être “L’endroit idéal”.78

78

Oldenburg, R., (1989) «The Great Good Place. Cafes, coffee shops, bookstores, bars, hair salons and other hangouts at the Heart of the Community», Da Capo 79

Idem

80

Idem, p.20

Ce sont des lieux publics ou semi-publics dans lequel l’individu se sent bien, car dans ces espaces, les individus pratiquent tacitement des principes d’acceptation, d’inclusivité et de respect envers tous. Ainsi, dans ces lieux, les individus ne se sentent pas gênés, ne subissent pas de jugement ni d’indiscrétion. Les individus qui fréquentent un tiers-lieu sont égaux à euxmêmes et ne font voir que ce qu’ils acceptent de montrer. Ce qui compte c’est la personnalité et l’attitude de l’individu, non ses possessions, ses faits passés ou son identité cristallisée. Les tiers-lieux sont des espaces sociétaux d’expressions, d’échanges, de débats, de constructions, d’évasions et, par conséquent, de développement personnel. C’est ainsi une manière de reconnaître que l’individu est un être en devenir. Et c’est par les échanges, le regard d’autrui, les actions, les fabrications et les décisions personnelles, qu’il se singularise et devient progressivement celui qu’il veut être. L’Homme étant un être sociable, il a dû trouver les moyens et les lieux pour exprimer sa

sociabilité. L’existence de ces espaces et de ces lieux peuvent être considérés comme une émergence naturelle de ce besoin humain de tendre vers l’autre pour se construire soi-même. Ainsi, on peut se demander ce qui constitue et créé un tiers-lieu. C’est dans un livre rédigé en 1989 que Ray Oldenburg nous explique ce phénomène. “The Great Good Place. Cafes, coffee shops, bookstores, bars, hair salons and other hangouts at the Heart of the Community”79 est un regroupement de récits nous connectant à cet univers que sont les tiers-lieux. Un tiers-lieu peut être une bibliothèque, une médiathèque, un café, une librairie, un salon de danse, un gymnase, un espace de co-working, un atelier partagé, un campus connecté,… Ces espaces peuvent être n’importe quel lieu social dans lequel l’individu satisfait des besoins personnels, en individuel ou en groupe, et dans lequel il tire quelque chose d’immesurable et essentiel à son développement. Ray Oldenburg nous explique que cela provient de l’esprit même du tiers-lieu. Quelque soit les nations dans lesquelles elles existent, ce sont des lieux qui sont capables de répondre et de servir le besoin humain de communion; et qu’ainsi, par définition, ils ont la propriété très simple d’être un remède contre le stress, la solitude et l’aliénation.80 103


D’une multitude à la singularisation

La Cité Fertile Paris, 2019

A force de fréquentation, les individus prenant part à ces lieux et participant à leur animation, y développent un sentiment d’appartenance fort. Ces tiers-lieux fréquentés ont ainsi un impact existentiel dans leur identité personnelle en développement. Ils deviennent formateur de leur personnalité et source moteur dans leur épanouissement. Ces tiers-lieux sont des espaces où l’individu peut développer ses propres activités et ses propres passions. Un tiers-lieu n’est cependant pas n’importe quel lieu. Dans son ouvrage, Ray Oldenburg nous rend compte des points essentiels à la caractérisation d’un tiers-lieu. Au nombre de huit, un tiers-lieu n’est identifié comme tel seulement lorsqu’il possède et met en pratique ces différentes notions. L’initiative citoyenne ‘Tiers-lieux.be’ à par ailleurs définit la notion de tiers-lieu selon son trouveur: “Espace physique prévu pour accueillir une communauté afin de permettre à celle-ci de partager librement ressources, compétences et savoirs, en répondant aux critère établis par Ray Oldenburg”.81 Ainsi, un tiers-lieu se doit d’être un terrain neutre. C’est un endroit dans lequel les individus n’ont aucune obligations, ni devoirs, les uns envers les autres. Ils n’ont que la responsabilité d’eux-

104

mêmes et peuvent aller et venir comme bon leur semble dans ces espaces. Ce cadre de neutralité facilite la création et le développement des amitiés de façon naturelle, car c’est selon les personnalités, les affinités et les intérêts que les rencontres se font. Le café du coin, ou le comptoir d’un bar, est une zone neutre dans une ville. Un lieu dans lequel on peut rencontrer ses voisins, ou un promeneur journalier, qui cherchent, comme tous le monde, à assouvir sa soif et à prendre un moment pour se relaxer. Un tiers-lieu se doit d’être ouvert à tous. L’inclusivité est le propre de ces espaces où tout un chacun est accepté quelque soit sont origine, son histoire, son statut social, ses croyances ou son état physique. L’individu y est accepté en tant que tel, et à droit au même respect, plaisirs et tâches que tous autres. Les tiers-lieux sont des espaces où “l’on se nivelle” les uns avec les autres. Dans un tiers-lieu, un patron et un employé n’ont ainsi plus cette même relation l’un avec l’autre. Ils sont considérés tous deux de la même manière, comme étant des individus. A ce café ou à ce comptoir, c’est le même service, les mêmes boissons et le même confort qui sont donnés à ces deux individus. 81

https://tiers-lieux.be/?page_id=35


A l’origine de l’endroit idéal

Un tiers-lieu permet la communication. Cette caractéristique émerge par la mise en place des deux premières notions, la neutralité et l’inclusivité. C’est ainsi l’acceptation, le respect et la considération qu’autrui peut avoir une opinion, un avis, un sentiment, et qu’il puisse l’exprimer et le communiquer ouvertement. Le fait qu’il y est accord ou désaccord n’est pas le sujet tant qu’il y a tolérance, respect et ouverture. L’idée étant qu’une part du bonheur des individus provient de leur possibilité à pouvoir communiquer ouvertement et quand il le désire. Dans un café ou un bar, la considération et l’écoute de l’autre est un phénomène se produisant naturellement et informellement. Ce sont des lieux de socialisation, de discute, d’échange et de débat dans un endroit agréable et convivial.

Cafe Terrasse Montreal, 2019

Un tiers-lieu doit être accommodant et accessible. Selon Oldenburg, un tiers-lieu est toujours ouvert et fréquenté malgré les modes et rythmes de vies de chacun, un individu s’y rendant de jour comme de nuit aura toujours quelqu’un a rencontrer ou un ami à revoir. Le tiers-lieu est un lieu d’évasion qui se veut ouvert pour accueillir qui que ce soit quand il sent l’envie d’y venir. Avec ses horaires très larges et flexible, le café et le bar peuvent accueillir les individus 105


D’une multitude à la singularisation

Le jardin 21 Paris, 2019

pour plusieurs heures comme pour une quinzaine de minutes. C’est à chacun de décider selon ses désirs et ses obligations, le temps qu’il consacrera à son séjour ressourçant et fructifiant au sein du tiers-lieu. Un tiers-lieu doit avoir un noyau dur. Ce n’est pas seulement le cadre qui fait le tiers-lieu, mais les individus et l’atmosphère régnante en ces lieux. C’est ce noyau d’institutionnels qui font l’ambiance de ces tiers-lieux, et qui donne l’envie à d’autres de participer à cette énergie et de venir s’y épanouir. C’est l’assurance de toujours retrouver ces individus avec qui on se sent bien, avec qui on peut échanger et discuter. A ce café ou a ce bar, à toute heure de la journée, on a de grandes chances de retrouver les individus qui nous plaisent, que ce soit le serveur, le barman ou alors un autre ami qui à l’habitude de boire un verre après le travail et qui a toujours une belle histoire à raconter. Un tiers-lieu à un profil bas. C’est un lieu qui ne fait ni dans la luxure, ni dans la rusticité, et qui accepte tous le monde dans un cadre chaleureux et convivial, sans snobisme ni prétention. Cette énergie de tierslieu, où l’individu est considéré pour ce qu’il est, et invité à faire ce qu’il souhaite, est le propre du “nivelage” inclusif où le fond prime sur la forme. Selon les lieux géographiques dans lequel il

106


A l’origine de l’endroit idéal

s’inscrit, l’identité du tiers-lieu s’adaptera aux individus qui le fréquente, le tout étant que ce tiers-lieu deviennent un espace agréable et routinier dans la vie de chacun. Un café est un café, un bar est un bar, ce ne sont pas que les lieux qui font l’animation mais les individus les faisant vivre. Un tiers-lieu a une ambiance “spéciale”. Elle peut être enjouée, ludique, joyeuses,… les discussions y sont toujours animées et amicales dans le respect des uns et des autres, et dans l’ouverture à la participation de toutes personnes nouvelles. Dans cette caractéristique d’être un troisième lieu, après celui de l’habitation et du travail, le tiers-lieu fonde ses valeurs sur la magie des rencontres : la convivialié, l’euphorie, le ressourcement, l’évasion,… principalement sur le sentiment d’être “ensemble” dans un monde familier et extraordinaire.

s’y rend quotidiennement car il y trouve la satisfaction d’un besoin et d’un plaisir personnel.

La Recyclerie Paris, 2018

Le caractère, l’énergie et la créativité d’un tiers lieu stimule l’individu quotidiennement et joue ainsi un rôle essentiel à sa construction identitaire en tant qu’individu singulier et, ainsi, contribue à son épanouissement. Un tiers-lieu vibre du théâtre de nos sociétés, des vibrations de la comédie humaine .

Un tiers-lieu est ainsi “une maison hors de la maison”. C’est ce que recherche l’individu fréquentant un tiers-lieu, ce sentiment de possession et d’appartenance à un univers incroyable et fascinant, chaleureux et stimulant. Ray Oldenburg a ainsi définit les tiers-lieux comme étant des troisièmes lieux où l’individu 107


D’une multitude à la singularisation

Développement, mutations et croissances des tiers lieux Les tiers-lieux sont des lieux de rencontres, de débats, de construction, et donc, de développement personnel. Au fil des temps, ils étaient les espaces publics de nos sociétés, comme l’était la place du village où se réunissaient les citoyens pour les évènements, ou alors le café au centre du village où se réunissaient le temps d’un verre les différents travailleurs, promeneurs, cherchant de la compagnie.

82

Servet, M., (2010) «Les bibliothèques troisième lieu», Bulletin des bibliothèques de France, n°4, p.57 108

Ray Oldenburg à réalisé que les troisièmes lieux ont déclinés en nombre et en fréquentation à l’apparition des “banlieues voitures”82. Cette forme d’urbanisation dédiant le bâti à la simple habitation a manqué cruellement d’espaces publics de socialisation. Chacun était obligé de prendre sa voiture pour se rendre quelque part, aller au café, à la place du village… Les rencontres impromptues ne se faisaient plus aussi soudainement et “magiquement”. Les rites et les coutumes disparaissaient progressivement au profit de la facilité et du plaisir de se mouvoir en voiture. Et ainsi, s’oubliaient les réunions de quartiers, les rencontres et les activités entre voisins. Puisque la voiture nous permettait facilement et rapidement d’atteindre de lointaines distances,

les plaisirs de notre quartier n’avaient plus lieux d’être. Lors d’un jour de congé, une famille préférerait passer son temps et se relaxer à la mer à une cinquantaine de kilomètres de chez eux ou alors partir séjourner au centre commercial faire des achats dans les magasins, plutôt que d’aller faire des activités sportives ou culturelles au centre ou aux alentours de son quartier. Ces changement d’habitudes ont ainsi conséquemment transformés l’organisation et le dessin de nos espaces publics. Celui-ci devant recevoir et répondre aux dimensions spatiales des voitures pour leur fonctionnement, ont réduit l’espace donné au piéton à son simple passage. Ainsi, une plus grande séparation physique et affective a émergé entre l’individu et son environnement. La cause principale étant que le dessin de nos espaces publics s’est ajusté à l’échelle de nos véhicules et non à celle de l’individu. De nos jours, les espaces publics les plus fréquentés sont ceux qui ont su conserver cette âme humaine, cette chaleureuse présence dans les rues et les activités de nos quartiers. Les rues piétonnes, les arcades, les passages couverts sont remplis d’animations puisque dessinés à l’échelle humaine. La possibilité de déambuler, de s’arrêter avec insouciance pour discuter, de s’asseoir pour prendre un verre font


A l’origine de l’endroit idéal

les plaisirs quotidiens des individus s’y rendant un jour de relaxation. L’anonymat consacré aux individus par la foule présente et les activités diverses et variées, sont une partie de ces lieux qui les rendent si plaisants.

Bryant Park New-York City, 2012

Les espaces publics tel que les parcs ou les squares à proximité des habitants, les rues commerçantes piétonnes, ainsi que les quartiers qui ont été rénovés selon l’urbanisme de dalle, tel qu’à La Défense, sont des lieux qui ont eue comme intention de remettre à leur juste place les activités de socialisation et de partage qui font la richesse d’un quartier et d’un lieu de vie. A condition que ces espaces soient connectés à leurs quartiers et mettent à disposition les équipements nécessaires aux différentes activités sociales et partagées, ces lieux seraient propices à retrouver cette atmosphère de vie de quartier et ces activités qui bénéficient de la présence bienveillante et affective de l’autre.

109


D’une multitude à la singularisation Seattle Public Library Seattle, 2004 OMA

110


La croissance grâce aux autres “Freedom and incentives unleash the drive and entrepreneurial genius that are at the core of human progress... There are no limits to growth and human progress when men and women are free to follow their dreams.”83 Ronald Reagan

Lieu d’apprentissage et de développement individuel en société Les tiers-lieux sont des espaces qui se concentre sur l’individu et sa singularité. En effet, la fréquentation d’un véritable tierslieu, l’est car il répond au besoin et au plaisir de travailler sur ses propres travaux et ses propres passions. Un grand lecteur aura plaisir à déambuler à travers les rayons des bibliothèques et librairies, à échanger avec autrui sur ce thème qui lui est cher. Un artisan ou créateur aura aussi ce plaisir d’aller à la rencontre des matériaux, des outils et des méthodes de fabrication qui lui permettra d’exprimer formellement ses désirs ou alors d’élucider ses problèmes quotidiens pour ainsi partager les découvertes et les savoirs-faire qu’il aura pu rencontrer. Egalement, c’est le cas de chacun d’entre-nous qui souhaite se sentir mieux dans son corps, qui est capable et compétent physiquement, qui connait et développe sa physiologie et ses aptitudes physiques et sportives.

83

Busch, A., (2001) «Ronald Reagan and the Politics of Freedom», Rowman & Littlefield publishers, Inc., p.79 84

Black, A., (2008) «Socially controlled space or public sphere ‘third place’ ? Adult reading rooms in early British public libraries». In, Koren, M. (2008) «Working for Five Star Libraries. International Perspectives on a Century of public Library Advocacy and Development», Biblion, p.27

Le principe du tiers-lieu promet que, par l’échange et l’apprentissage dans une atmosphère chaleureuse et conviviale, on considère et apprécie l’individu dans sa croissance et ses réalisations. Les tiers-lieux sont les espaces qui répondent

à cette demande institutionnelle des Hommes, celle d’avoir un endroit dans lequel ils puissent stimuler, cultiver et fructifier leurs propres compétences et facultés. Comme nous avions-vu dans le chapitre sur les vertus, l’identité et la personnalité d’un individu se construit par la mise en pratique de ses valeurs. Les tiers-lieux sont des espaces d’interdépendances qui permettent ces pratiques et ces constructions, singulières et propre à chaque individu. C’est ainsi dans l’action, avec tout le respect d’autonomie et de responsabilisation de l’individu, que ces lieux permettent la réalisation et l’épanouissement de l’être humain. C’est au niveau intellectuel que les tiers-lieux ont émergés. Par la compréhension de ce sentiment et ce besoin de partage des ressources et des savoirs archivés et transmis par l’Humanité au cours de son existence. Ainsi, les bibliothèques sont un des premiers tiers-lieux existants. En effet, les bibliothèques regorgent de savoirs et sont des zones neutres de culture ouvertes à tous. Alistair Black, historien anglais spécialiste des bibliothèques, a témoigné sur le fait qu’il reconnait dans les bibliothèques cette qualité des tiers-lieux84: “Aux côtés d’autres établissements de la vie de tous les jours, où l’on peut traîner et se détendre, 111


D’une multitude à la singularisation

Café Librairie «El Pendulo» de Polanco Mexico City, 2018

à l’instar des cafés, librairies, tavernes, lunch clubs et centre communautaires, elles (les bibliothèques) ont historiquement témoignées des qualités essentielles propres au “troisième lieu” : elles représentent des endroits neutres, gommant les clivages sociaux, plutôt sans prétention, communautaires; elles constituent des territoires familiers, confortables, accessibles, qui favorisent l’interaction, la conversation (dans certaines limites) et une ambiance enjouée; elles sont fréquentées par des “habitués” et font fonction de second chez soi, soulageant les individus du train-train quotidien, procurant réconfort et distraction.”85 Les bibliothèques sont ainsi plus que des lieux d’archives, ce sont des lieux publics de sociabilité, d’échange et de vie. Les bibliothèques fonctionnant en tant que tiers-lieux n’ont pas seulement un grand nombre d’ouvrages à disposition mais intègrent en leur sein également des cafés et snacks, différentes ambiances de lectures, studieuses ou récréatives, et des espaces d’événements et de lectures. Ce sont les éléments d’une vie sociale complète et en développement qui sont intégrés dans ces bibliothèques tiers-lieux de façon à offrir une 85 86

Idem

Koren, M., (2004) «Creating Public Paradise : Building Public Libraries in the 21st Century», Biblion, p.13 112


La croissance grâce aux autres

expérience hospitalière, conviviale, stimulant l’apprentissage et le partage. Aujourd’hui, les bibliothèques sont reconnues comme étant parmi les derniers lieux de nos sociétés offrant des opportunités de rencontres dans un cadre de mixité sociale. Michaël Zeeman, un philosophe et journaliste hollandais, nous précise que les autres espaces publics, tel que les théâtres, les salles de concert, les cafés et restaurants se spécialisent en s’orientant vers un public particulier, et ainsi perdent leurs caractéristiques de neutralité, d’accessibilité et d’inclusivité.86 Les bibliothèques ont par ailleurs cet élan d’universalité car elles évoluent en même temps que nos sociétés pour répondre aux besoins des individus d’apprentissages et de connaissances. Ainsi, les bibliothèques s’actualisent numériquement, intègrent et mettent à disposition dans leurs espaces les productions du 7ème art, tel que les films et documentaires, ainsi que les jeux-vidéos. Ils transforment ces espaces en “lieux d’expériences”, leurs donnant une part sensible et ergonomique afin de les rendre attrayants, agréables et stimulants. L’important n’étant pas les ouvrages ou les outils à disposition mais l’expérience, l’esprit de découverte et l’apprentissage, qu’en retirent les individus. On ne va pas dans une bibliothèque pour lire

un livre, on y va pour être transporté dans un univers dans lequel on ressort avec des leçons et des découvertes.

Médiathèque de Sendai Japon, 2001 Toyo Ito

Ainsi les bibliothèques sont des espaces clefs de l’esprit des tiers-lieux. Dans un cadre d’ouverture, d’inclusivité et de convivialité, ils offrent aux individus une expérience stimulante et vitalisante de l’apprentissage de notre humanité. Dans un souci de développement de l’individu, pour sa croissance et son épanouissement, la présence d’un lieu d’apprentissage de notre humanité à proximité, tel que la bibliothèque, est essentiel. Après l’apprentissage des sciences et des humanités qui font la richesse de nos sociétés, il y a également l’importance du travail manuel de nos artisans. C’est par l’apprentissage et la connaissance des mécanismes, des fabrications et des constructions qui composent notre environnement et influent sur notre quotidien, que nous pouvons vivre dans un monde plus prospère, mieux organisé et mieux adapté à nos diverses activités. Que ce soit nos mobiliers urbains, nos outils, nos véhicules, ou nos habitations, c’est par cette mise en pratique de notre intelligence, de notre science et de notre ingéniosité, que les Hommes ont réussis à inventer des solutions plus pérennes et plus adaptées à nos modes de vies. 113


D’une multitude à la singularisation

Espaces «Open Works» Makerspace Baltimore USA, 2016

Cette science ne surgit pas de nulle part, mais de tentatives, d’expérimentations, selon un processus d’apprentissage par erreurs et itérations, qui ont permis ce perfectionnement de notre environnement et de nos lieux de vies. Dans l’espace urbain de nos sociétés, les améliorations étaient le fruit du travail de nos artisans, les ébénistes, les forgerons, les tisseurs,… Aujourd’hui ça l’est encore mais de manière moins répandues et de manière plus raréfiées. Les systèmes de production en masse affaiblissent et réduisent les possibilités de contextualisation et de particularisation de nos solutions, détruisant ainsi la singularisation et la personnalisation de nos différents lieux de vie. Ainsi, ce concept d’artisanat, d’apprentissage et de production manuelle d’objets et d’outils de fabrication ont pris un nouvel élan dans l’esprit des tiers-lieux. Les makerspaces et fablabs sont les descendants numériques de nos ateliers d’artisans. Ce sont des espaces de production de types “DIY” (Do It Yourself) dans lequel l’individu est l’auteur de ses propres inventions, pour ainsi avoir la possibilité de créer des objets et solutions singulières et personnalisées. Ainsi, les individus apprennent à manier les différents outils de fabrication numérique ou physique d’un objet dans un cadre où ils puissent facilement prodiguer ou demander conseils et références

114


La croissance grâce aux autres

pour améliorer ou parfaire leur création. Les makerspaces mettent en pratique des valeurs humaines d’entraide et d’apprentissage dans l’action et la fabrication: “La culture Maker encourage l’apprentissage informel, social et coopératif en se focalisant sur la création d’objets pouvant aller des robots ou impressions 3D à des vêtements ou autres formes d’artisanat. Elle mettra l’accent sur l’expérimentation, sur l’innovation, sur le passage à la pratique et sur l’autonomie. Elle se caractérisera par un apprentissage ludique où la prise de risque et le fait de commettre des erreurs seront encouragés car rendus possibles par un processus itératif rapide.”87 Ainsi, les makerspaces sont des lieux de production artisanaux associés à l’apprentissage et l’utilisation des technologies contemporaines. Les individus fréquentant les makerspaces ont des affinités avec la création et la fabrication manuelle, ainsi qu’à l’utilisation des outils numériques. Ils sont intéressés à comprendre les rouages et les mécanismes des objets présents dans leur environnement et également par la possibilité de singulariser et personnifier leurs propres créations. 87

Sharples, M., McAndrew, P., Weller, M., Ferguson, R., Fitzgerald, E., Hirst, T., Gavel, M., (2013) «Innovating Pedagogy report», Open University

En réponse aux problèmes d’obsolescences programmés des objets de nos sociétés, les tiers-lieux de type makerspaces et les repairs cafés cherchent et parviennent à pérenniser par les connaissances, l’éducation et l’ingéniosité de ses artisans ces vices de la société de consommation. Les tiers-lieux manuels sont des moteurs de résilience urbaine et sociale. Sa présence au sein d’un quartier stimule et fait prendre conscience aux individus qu’ils ont le choix, soit de poursuivre leur passivité face aux aléas de leurs environnement, soit d’être acteur et créateur de leur propre condition de vie.

ICI Marseille Makerspace France, 2018

A la pratique manuelle se travaille tout d’abord la connaissance et l’exercice de son corps. Un autre type de tiers-lieu, moins reconnu que ses prédécesseurs mais tout aussi important pour sa capacité à créer une cohésion sociale et des échanges au sein d’un lieu, sont les salles de sports. Face à la dispersion, au stress et à l’ennui, l’exercice et la pratique du corps est un excellent moyen de stimuler ses facultés mentales et de préserver sa santé. Que ce soit à travers la respiration, le yoga, le taichi, la boxe, la danse ou bien le théâtre, la bonne pratique de ces activités se base sur un apprentissage et une connaissance de son corps. Ainsi, basé sur l’esprit du tiers-lieu, sur le développement 115


D’une multitude à la singularisation

Danseurs dans la Halle Le «Cent-Quatre» Paris, 2017

personnel, l’échange et la convivialité, ces activités créées une émulation et une cohésion sociale entre les membres de sa communauté. Egalement, c’est à travers la connaissance et la maîtrise de ses facultés physiques que l’individu participe à son bien-être. C’est par une routine de santé, dans une dynamique partagée et une ambiance chaleureuse, que chaque individu peut développer un sentiment de bienêtre et d’appartenance à sa communauté, à son quartier. C’est par la pratique physique en communauté que peut se développer l’esprit de communauté. C’est par la pratique d’un loisir en groupe que se créées des liens et des affinités entre l’ensemble de ses membres. Le Cent-Quatre est un centre culturel à Paris basé sur l’esprit du tiers-lieu. Il est ouvert au public et propose différentes activités basés sur les loisirs. Nombreux sont les danseurs et les artistes qui fréquentent ce lieu et cherchant à y exprimer et développer leur art. Des ateliers thématiques d’expressions corporelles et théâtrales sont organisés dans la journée mais les véritables rencontres et savoirs se forgent de manières informelles et spontanées. C’est dans les couloirs où les salles libres entre deux activités que se rassemblent des individus, amis ou inconnus, pour échanger quelques chorégraphies ou pas de danses. Une relation bienveillante se créée

116


La croissance grâce aux autres

par cet échange, et participe au développement et à la singularisation de tout un chacun. Les entraînements incongrues, les “battles” spontanés, les compositions soudaines, sont partis intégrante du quotidien du Cent-Quatre. Au travers des déambulations et des promenades, c’est une énergie entraînante et une ambiance chaleureuse et stimulante qui parcours ces lieux et qui se transmettent les unes aux autres. L’importance porté sur l’expression corporelle est un atout de ces lieux et permet cet échange et cette cohésion dans une ambiance de partage et de solidarité. A travers cette participation sociale et ce bien-être produit par la dépense physique et l’interaction sociale positive, s’ajoute une assimilation des valeurs de ces lieux et un sentiment encore plus fort d’appartenance.

l’épanouissement de l’individu par la mise en pratique de ses facultés et de ses désirs au sein d’une communauté ayant les même centre d’intérêts et respectant les individualités et les orientations de chacun.

Cours de Qi Gong Le «Cent-Quatre» Paris, 2020

Les tiers-lieux sont des lieux dont les valeurs promeuvent l’apprentissage, le partage et l’interdépendance dans un cadre de convivialité et de développement personnel de l’individu. Ainsi, que ce soit dans un lieu d’échange et de production intellectuelle comme l’est une bibliothèque, que ce soit dans un lieu d’échange et de production matérielle comme le sont les makerspaces, ou que ce soit un lieu d’échange et d’expression corporelle comme le sont les gymnases et les centres culturels, l’esprit du tiers-lieu permet la croissance et 117


118


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense

La Défense, de l’émergence à l’effervescence. Le développement de “l’axe royale”, témoin du peuple Un quartier d’affaire d’envergure internationale Une recherche de qualité de vie urbaine. Les espaces souterrains, de Utudjian à “La ville épaisse” Les “Cathédrales Englouties”

L’individu stimulé et épanoui : Les galeries de l’éveil Les «Cathédrales Englouties» existantes Des aménagements urbains propres au souterrains Le développement de quartiers d’activités

119


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense Axe historique s’étendant à perte de vue «Vue du jardin des Tuileries» Paris, 1679 Israël Silvestre

120


La Défense, de l’émergence à l’effervescence.

Le développement de “l’axe historique”, témoin du peuple Le quartier de La Défense est situé au NordOuest de Paris, à l’extérieur de ses anciens murs, de l’autre coté du périphérique et d’un bras de la Seine. C’est un quartier récent qui s’est construit depuis la moitié du XXème siècle selon un plan urbain en rapport étroit avec l’histoire de Paris. En effet, tout en étant physiquement éloigné du centre ville, il est visuellement présent et intégrés à celui-ci par le vide produit par l’axe historique.

88

Solé, R., (2004) «Le Grand voyage de l’Obélisque», Editions du

Seuil, Chap. 20.

Le quartier de La Défense se situe ainsi sur la voie de l’axe historique, un alignement partant du Palais du Louvres et s’étendant vers l’Ouest sur plusieurs kilomètres. Cet axe a trouvé son origine à la création du palais des Tuileries sous Catherine de Médicis et de ses jardins de style géométrique caractéristique de la Renaissance, et qui ont donnés à André Le Nôtre, jardinier du Roi Soleil Louis XIV, en 1667, les bases d’un aménagement paysager gigantesque. Le Nôtre a eu comme intention d’honorer et de glorifier son souverain en lui offrant une perspective majestueuse et infinie. Ainsi, le tracé du jardin des Tuileries s’est prolongé vers le Nord-Ouest donnant, après différentes appellations, en 1694, l’avenue des ChampsElysées que nous connaissons aujourd’hui. Ce nom a été donnée en référence à la mythologie grecque où, dans les Enfers, les champs Elyséens étaient

les lieux où les héros et les hommes vertueux goûtaient leur repos après la mort. Le point focal partant du Palais des Tuileries a ainsi fait de l’avenue des Champs-Elysées et de ses prolongations, un axe majeur clef de l’agrandissement et de l’extension de Paris par les instances dirigeantes qui ont, consécutivement, cherchés à glorifier et cristalliser leur règne. Ainsi, en 1755, c’est tout d’abord Louis XV qui approuve les plans de Ange-Jacques Gabriel, pour la construction d’une place à la hauteur de sa royauté : la place Louis XV. Situé à l’extrémité du jardin des Tuileries, cette place est conçue comme une esplanade triomphale, de 360m de long sur 210m de large, la plus grande de Paris, et qui sera couronnée en son centre par une statue de son roi. Après la révolution, la sculpture fut détruite et la place fut renommée “Place de la Révolution” par le peuple puis “Place de la Concorde” par le gouvernement. En 1830, à l’emplacement de l’ancienne statue fut érigée l’obélisque de Louxor par Louis-Philippe dans l’intention “qu’il ne rappellera aucun évènement politique”88. Ainsi, la place anciennement royale, porte aujourd’hui une caractéristique du peuple. En 1806, c’est au tour de Napoléon 1er qui, en l’honneur de ses soldats, de ses nombreuses conquêtes et de sa gloire, a voulu motiver et remercier ses soldats en les récompensants 121


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense

Le rond-point de La Défense juste avant la construction du CNIT Paris, années 1950

d’un retour triomphant, en leur déclarant que “Vous ne rentrerez dans vos foyers que sous des arcs de triomphe”89. Ainsi, aux portes de Paris, au bout des Champs-Elysées, et en honneur aux commémorations victorieuses romaines, fut construit l’Arc de Triomphe. En 1836, le roi Louis-Philippe termine la construction de l’Arc en symbole politique d’une entente entre l’Ancien Régime et la Révolution. L’axe historique prend ainsi un nouveau symbole du peuple. Au XXème siècle, Paris croit exponentiellement et, au pendant de l’Arc dans l’axe des ChampsElysées, le tracé est respecté par l’avenue de la Grande-Armée, la porte Maillot et l’avenue de Neuilly, qui deviennent des lieux et des quartiers d’habitations. Au-delà de la Seine, traversant le Pont de Neuilly se situe de part et d’autre de l’axe les quartiers de Puteaux et de Courbevoie qui, à la suite de l’explosion de l’industrialisation, voient sur leurs terrains, préalablement occupés par des fermes et des prairies, la construction massives de nombreuses usines de toutes sortes : aviation, automobile, métallurgies, textiles, blanchisseries… et de ses nombreux bidonvilles constituant les logements d’une main d’œuvre bon marché, majoritairement immigrée. Au niveau de l’axe, l’avenue de La Défense devient le lieu de vie de ces quartiers industriels par la constructions de guinguettes, de brasseries et d’ateliers d’artistes.

122


La Défense, de l’émergence à l’effervescence.

Ce nom provient d’une statue de Louis Ernest Barrias intitulé “La Défense” érigé au centre du rond point de Courbevoie en 1883 pour symboliser la victoire de la défense de Paris durant le siège de 1870. Dans les années 1980, un concours nommé “Tête Défense” est proposé par le président François Mitterrand dans le but de donner une nouvelle identité à ce quartier d’affaire touché par la crise des années 70. Le site, localisé au centre de l’axe historique, avec le CNIT à sa gauche et le centre des Quatre temps à sa droite, propose un programme opaque : 100 000m2 de bureaux dont une moitié réservé à un ministère encore inconnu. En 1981, est retenu un projet pour clore le concours, mais ne satisfaisant le président, il est abandonné. L’année suivante, un nouveau concours est organisé avec une meilleure préparation: la demande en superficie est la même mais l’ouvrage se doit d’être monumentale, donnant une identité au quartier d’affaire et le programme comprendra trois parties : un Centre International de la Communication, le ministère de l’Urbanisme et du Logement et le ministère de l’Environnement. En 1982, sur 424 projets proposés, le projet d’un architecte jusqu’alors inconnu, un Danois appelé Johan Otto von Spreckelsen, est sélectionné pour la force et la simplicité de sa proposition: l’Arche de La Défense. Ainsi, malgré des dénaturations et des complications lors de la construction du

projet, l’Arche fut achevée en 1989 contribuant ainsi à l’axe historique par la continuité de ses monuments.90

Axe de La Défense avec vue sur sa tête : l’’Arche Paris, années 2000

Cet axe historique fut ainsi d’abord commencé par les membres de la famille royale au XVIIème siècle. Cependant, au long des évènements historiques qui ont marqués la croissance de Paris et qui ont fait aboutir cet axe au quartier de La Défense, ont en fait transformé la provenance royale de cet axe en une identité populaire. Les monuments aujourd’hui présentés sur cet axe ont une connotation du peuple et de ses activités: l’obélisque fut offerte à la France pour les découvertes d’un de ses citoyens, Jean-François Champollion; l’Arc de Triomphe est un symbole de la victoire de nos armées, où, depuis 1921, l’on commémore chaque année sur le tombeau du soldat inconnu la mort des soldats tombés pour la France. A la porte Maillot, a été construit en 1974 le palais des Congrès, un lieu d’événements du peuple, où s’affairent des conférences et des expositions professionnelles, culturelles et politiques. Pour à son extrémité, couronner l’axe par le quartier de La Défense, un quartier d’affaire citoyen de rayonnement international. 89

https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/ la-curieuse-histoire-de-larc-de-triomphe/ 90

Maugard, A., (2007) «La Défense : La vitalité d’un lieu chargé d’histoires», magazine La jaune et la rouge, n°625, Mai 2007 123


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense

Un quartier d’affaire d’envergure internationale C’est ainsi dans cette héritage mêlant intentions royales et constructions industrielles que le quartier de La Défense, tel qu’on la connait aujourd’hui, voient son émergence. En 1958, l’Etat créé l’Etablissement Public pour l’Aménagement de la Défense (EPAD) dans le but de préserver cet axe historique et d’en faire un centre économique d’envergure internationale. Ce territoire de La Défense, d’une superficie de 160 hectares, étant situé entre différentes collectivités territoriales; Puteaux, Courbevoie et Nanterre; ne pouvait atteindre ce but qu’en confiant la gestion de son territoire, de ses constructions, de ses activités et de ses animations, qu’à une seule et même organisation : l’EPAD.

91

Chabard, P., Picon-Lefebvre, V., (2012) «La Défense, un dictionnaire architecture / politique», Parenthèse, p.118 92

https://stories.hauts-de-seine.fr/30ansgrandearche/

124

Le point de départ de ce centre économique à visée internationale fut posé par la construction en 1958 du Centre National des Industries Techniques (CNIT). Oeuvre des architectes Robert Camelot, Jean de Mailly et Bernard Zehrfuss, sur une commande du ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme Eugène Claudius-Petit, cet édifice public est une extraordinaire prouesse architecturale qui fut inauguré, lors de sa première grande exposition “Mecanelec” le 12 septembre 1958, par René Coty, président de la République. En effet, cette structure, une

voûte tripode en béton d’une épaisseur de 6cm, d’une hauteur de 46m et d’une portée de 220m, recouvre la quasi équivalence au sol de la place de la Concorde.91 André Malraux, en 1960, pour caractériser la splendeur et la majestuosité du CNIT, à même prononcé ces célèbres mots : “Depuis les grandes cathédrales gothiques, on n’a rien fait de semblable !”92. A la suite de cette construction, les plans directeurs successifs pour bâtir ce quartier ont été basés sur une synthèse des idées rationnelles de Le Corbusier tel qu’expliqué dans la “Charte d’Athènes”; une organisation rationnelle et fonctionnelle des flux de la ville séparant ses quatre fonctions : la vie, le travail, les loisirs et les transports; entremêlée aux idées d’une ville urbaine automobile proposé dans le rapport Buchanan; promouvant l’urbanisme de dalle qui ordonne les différents flux urbains selon une répartition verticale : les flux de circulations automobiles seraient au sol recouverte par une dalle laissant ainsi un grand espace aux flux piétons et aux activités de loisirs, pour ensuite canaliser les troisièmes flux d’habitation et de travail au sein des tours, les immeubles pour les habitations et les tours pour les bureaux. Ainsi, suivant ces intentions de développement verticale, de nombreuses tours furent érigées


La Défense, de l’émergence à l’effervescence.

entre les années 60 et début 70. Suivant le premier plan directeur, la tour Esso fut construite en 1964, et la tour Nobel en 1966. Toutes deux devant suivre rigoureusement le gabarit présenté : une tour ayant comme base un rectangle de 42 par 24 mètres s’élevant à 100 mètres de haut pour offrir une surface à destination de bureaux de 30 000m2. Dans les années 1970, les demandes d’accroissement de la superficie des tours permet une modification du plan directeur et ainsi permettent des constructions différentes de leurs prédécesseurs, plus grande, plus hautes. Ce sont les tours de deuxième génération tel que l’est la tour Fiat, construite en 1974, avec ses 44 étages portant sa hauteur à 184m et ayant pour base un rectangle de 42 par 54 mètres. Egalement, en 1970 est construite la Gare de La Défense en face du CNIT sur l’axe principal. Le quartier est ainsi dédié aux travailleurs, et au profit d’une fonctionnalité maximale, les espaces publics du quartier sont inexistants.

Premier plan directeur du quartier de La Défense Paris, années 1960

Le choc pétrolier de 1973 ainsi que les changements de politiques de la ville de Paris à l’arrivée du président Giscard d’Estaing, contraint l’expansion de ce quartier. Durant les cinq années suivants la crise, aucun mètre carré d’immobilier ne réussit à se vendre, plongeant l’EPAD au bord de la faillite. C’est ainsi en réponse à cette urgence, d’un projet perdant 125


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense

Deuxième plan directeur du quartier de La Défense Paris, années 1980

de sa valeur et de sa notoriété, plongé sous les critiques sociales d’un univers inhumain de tours et de béton, qu’un comité interministérielle présidé par Raymond Barre promet une relance de l’activité à la condition que le renouveau de ce quartier s’accompagne de programmes tertiaires et d’espaces publics. Ainsi, la première demande fut de couvrir ces voies autoroutières et de chemins de fers séparants l’ensemble des activités du quartier. C’est à ce moment que la dalle, caractérisant aujourd’hui le quartier de La Défense se construit. En 1978, l’avenue de La Défense commence à être en partie recouverte par ce que l’on appelle le parvis de La Défense. Une dalle de 300m de long pour 120m de large, qui est construite entre le CNIT, enterrant son impressionnante construction d’un tiers sous la dalle, et le futur Centre Commercial des Quatre Temps. Ce dernier, construit en 1981 dans ce but de tertiarisation du quartier, est le plus grand centre commercial de son époque avec plus de 100 000m2 de commerces, l’équivalent d’une tour de 150 mètres de hauteurs. Le CNIT ayant perdu de sa merveille à cause de l’aménagement de la dalle et de la perte d’une partie de ses activités d’expositions par la construction du parc des expositions de la porte de Versailles, se voient proposé une restructuration. En 1988, toujours dans

126


La Défense, de l’émergence à l’effervescence.

cette tertiarisation du quartier demandé par les instances dirigeantes, le CNIT conserve seulement ses parties extérieures, sa voûte et ses façades, pour accueillir une nouvelle organisation et de nouvelles activités en son sein: 200 000m2 d’espaces dédiés à des bureaux, un hôtel de luxe et des commerces. Les années 1980 marquent ainsi le renouveau de ce quartier d’affaire en déclin. La construction des Quatre-Temps, de la Grande Arche, de la réhabilitation du CNIT et également, en 1992, de la prolongation de la ligne 1 du métro parisien, qui permet de rendre à nouveau attrayant ce quartier d’affaires et de loisirs, la rapprochant des quartiers intérieures de Paris. Le quartier mêle ainsi au sein de ses tours et de sa dalle un grand nombre de logements, de bureaux et des centres commerciaux. La crise immobilière des années 1990 plombent de nouveau le développement économique du quartier de La Défense sans toutefois, cette foisci, lui faire perdre en notoriété et en attractivité. Des projets de réhabilitation de ses tours anciennes, accompagné par une mise à niveau numérique de l’ensemble de son patrimoine par l’intégration de câblage permettant des connexions sécurisées à très haut débit assurent l’actualisation du quartier à l’arrivé des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Cette réhabilitation,

redonnant une qualité contemporaine à son bâti, attire de multiples investisseurs et de nouvelles entreprises tournées vers les activités technologiques. Le quartier de La Défense a suivi l’essor de l’Internet. C’est ainsi qu’en 1997, sans l’aide de l’Etat, que l’EPAD ressurgit majestueusement de la crise et recommence les constructions de bâtiments. Les tours de Coeur Défense disposant de 190 000m2 de bureaux sont emblématiques de ce renouveau. Egalement, des activités événementielles s’organisent au sein de ce quartier par l’organisation de fêtes et de spectacles.

Partie centrale de la dalle de La Défense Paris, années 2010

Dans les années 2000 et jusqu’à aujourd’hui, Le quartier de La Défense est un quartier complet mêlant bureaux, habitations et espaces tertiaires. Il est le quartier des sièges sociaux des grandes entreprises multinationales françaises : Total, EDF, Saint-Gobain, Société Générale, Axa,… et à pour qualité stratégique d’être un prolongement du Quartier Central des Affaires parisiennes situé dans Paris intramuros.

127


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense

Une recherche de qualité de vie urbaine. D’envergure internationale, l’identité économique et sociale de La Défense est profondément ancrée dans le patrimoine et les moeurs de son quartier. L’EPAD, fière de cette réussite, cherche maintenant à embellir La Défense par l’aménagement et l’amélioration d’une vie de quartier agréable et stimulante pour ses résidents. Ce développement va également dans le sens d’une redynamisation de son attrait mondial. Le quartier de La Défense doit assumer son rôle de leader économique, et pour cela poursuivre son développement en se singularisant de ses rivaux: La City à Londres, le Midtown de New-York et le quartier Marunouchi de Tokyo. Dans le sens de cette croissance et de son perfectionnement, associé aux politiques territoriales du Grand Paris, c’est en 2018 que s’unissent les deux instances dirigeantes du quartier, l’EPAD et Defacto, pour devenir l’association Paris La Défense.

93

https://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/cci92/paris-ladefense 94

http://oxygen-ladefense.fr/

95 96

https://parisladefense.com/fr/projet/table-square

https://www.tourisme92.com/les-cathedrales-englouties-deparis-la-defense.html 128

A ce titre, le quartier veut développer son attractivité internationale en augmentant son offre de logements de proximité, en améliorant ses infrastructures de transports et en instaurant une dynamique de quartier stimulante et jouissive. Dans ce cadre, la Chambre de commerce et d’industries de Paris à conseillée le développement

du quartier sur cinq axes impératifs : faciliter la circulation entre La Défense et l’international; mettre en place des actions permanentes pour la promotion économique du Paris des affaires; être à la pointe du développement durable et des nouvelles technologies; renforcer et enrichir les activités de gestion et d’animations du quartier d’affaires; ainsi que valoriser le fort potentiel intellectuel et cognitif de La Défense.93 C’est dans ces trois derniers points, qu’un réaménagement des espaces publics et la construction de programmes culturels selon les principes du tiers-lieu créeraient dans ce quartier une nouvelle effervescence bénéfique pour sa croissance économique et sociale, pour la stimulation et l’épanouissement de ses habitants, et pour la qualité de vie urbaine. Ainsi, Paris La Défense a déjà commencé la conversion de ses espaces publics et de ses lieux délaissés dans le sens d’une vie de quartier. Sur l’axe principale de la dalle, on voit émerger différents programmes tertiaires tel que le projet Oxygen94, le projet Table Square95, un projet de reverdissement des espaces de circulations sur dalle, et même un projet de réaménagement de ses espaces souterrains délaissés et inusitées depuis leurs constructions.96


La Défense, de l’émergence à l’effervescence.

«Oxygen» Esplanade de La Défense 2018 Studio Malka Architecture

«Table Square» Esplanade de La Défense En cours - 2020 Enia Architecture

129


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense «Les Cathédrales Englouties» Axonométrie du projet de concours Esplanade de La Défense Paris La Défense

130


La Défense, de l’émergence à l’effervescence.

Le projet Oxygen, construit en 2018 par le Studio Malka Architecture, est situé à l’extrémité de l’esplanade sur le site du Belvédère. C’est un lieu hybride proposant diverses activités de loisir et de restauration dans un cadre cherchant le bien-être de ses usagers. Ainsi, les volumes inexploités sur et sous dalle de ces espaces sont réaménagés pour offrir des espaces intérieurs lumineux et des terrasses privées pour ses différents services : une boîte de nuit événementielle, une brasserie moderne, des enseignes de restauration rapide, un café et un espace de coworking et de conférence. Le Projet Table Square, en cours de construction par Enia Architectes, est situé sur un bout de l’esplanade de La Défense juste à coté de la fontaine Agam. Ce lieu, composé en partie sur et sous la dalle, offrira une expérience diversifiée de restauration et de gastronomie de qualité aux résidents quotidiens du quartier. Des menus fusionnant les cultures, des kebab de “luxe”, des pizzas italo-américaines, une cuisine japonaise authentique et des ateliers cuisines, le tout dans un esprit de partage, de convivialité et de découvertes, en journée comme en soirée. Le Projet «L’Alternatif», un espace de coworking aménagé par Didier Bigot et les parkings Indigo dans le troisième sous-sol du parking Villon situé sous l’esplanade. Ce lieu de travail conçu selon

les principes de l’open space offre des espaces de réunions, de colloques et de séminaires aux entrepreneurs et aux entreprises.

«L’alternatif» Esplanade de La Défense 2018 Didier Bigot

A ces projets, apparaissent les derniers espaces souterrains encore inoccupés situés dans l’axe historique, sous la dalle de La Défense. Ces espaces, dont Paris La Défense n’a su constituer le programme, a décider d’en faire un concours lancé fin 2019 en présélectionnant cinq agences. Ce sont des volumes résiduels provenant de la construction de la dalle enjambant les voies de circulation routières, autoroutières et ferroviaires présents sous terre. Ces volumes font entre 10 et 12 mètres de hauteur sous-plafond, et donc sous dalle. Ces espaces gigantesques sont appelés “Les Cathédrales Englouties” de La Défense. Ils nous emmènent dans un monde souterrain digne des recherches d’Edouard Utudjian, “l’apôtre de l’urbanisme souterrain”97.

97

Dupuy, G., (1997) «L’urbanisme souterrain de S.Barles et A.Guillerme», Annales de géographie, vol.106, n°595, p.327-328 131


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense

Les espaces souterrains, de Utudjian à “La ville épaisse” Les espaces souterrains sont sources de mythes et de croyances suscitants notre imaginaire. Chez les jeunes enfants grandissant, les profondeurs sont associées à l’univers des monstres et des maléfices. Pour les croyants, c’est le domaine des enfers, qui voient en ces lieux une source de malheurs ou un lieu de satisfaction de désirs profanes. Néanmoins, la réalité est toute autre. Le monde souterrain n’est pas une utopie mais une réalité depuis longtemps cultivée. De nombreuses sociétés ayant eu des besoins précis ou des désirs d’explorations, ont développées une vie souterraine, composée d’abord par des habitations, puis complémenté parfois par des espaces publics et des lieux d’apprentissage. On appelle les habitants de ce style de vie, les troglodytes. Les cités souterraines ne sont pas spécifiques à un pays ou une région, c’est un mode de vie qui a été étudié et approfondi dans des sociétés qui en avaient vu les bénéfices. Néanmoins, certains lieux ayant une géographie et un climat contraignant ont vus surgir ce phénomène. 98

https://gnosticisme.com/derinkuyu

99

https://www.build-green.fr/la-ville-des-taupes-des-chinoisy-vivent-sous-terre-depuis-4000-ans/ 132

C’est dans la région de Cappadoce en Turquie que l’on retrouve une des plus anciennes cités souterraines retrouvées de nos jours. Parmi plus

de deux cents villes enfouies, la plus grande et la plus belle est celle de Derinkuyu, “Puit profond” en turc, pouvant accueillir plus de 10 000 personnes de manière pérenne et jusqu’à 50 000 personnes lors de sièges.98 Découverte en 1963 par un citoyen agrandissant sa cave en détruisant un mur, cette ville est composée d’une centaine de salles reliées par des galeries et descend à plus de 85m de profondeur. Les espaces souterrains, dont les archéologues situent la construction et l’occupation aux alentours du 7ème siècle après J.C., sont pour certains équipés de cuisine, de celliers, de salons et d’ateliers pour travailler. L’air et l’eau proviennent de cheminée d’aération de 55 mètres de longueurs verticales où l’air est aspiré en hauteur et l’eau est puisée en profondeur. D’autres espaces étaient dédiés à la vie en société, on y retrouve des écoles et des lieux de cultes. Cette existence souterraine étant néanmoins la plus profonde connue à ce jour n’est pas la plus ancienne et n’est pas spécifique à la région de Cappadoce. On retrouve également ce style de vie en Chine, dans un village au large de la ville de Sanmenxia.99 Datant de plus de 4000 ans, cette “villes des taupes” a été découverte récemment par un explorateur muni d’un drone. Cette ville fut découverte grâce aux plus de 10 000 “cours de mine” présentes servent d’accès aux habitations.


La Défense, de l’émergence à l’effervescence. Coupe schématique de la ville souterraine de Derinkuyu Cappadoce, Turquie

133


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense

Vue aérienne des cours de mines des yaodongs Sanmenxia, Chine

Encore habités aujourd’hui, les “yaodongs” (ou “grottes de maisons”) sont les noms donnés à ces habitations dont l’accès au niveau du sol se fait par l’étage le plus haut. Les cours de mines ont différentes dimensions, allant de 10 à 12 mètre en plan carré et jusqu’à 6 à 7 mètre de hauteur, ils permettent l’accès aux habitations tout en servant de lieu de rencontre entre voisins. Cette solution fut sans doute trouvée en réponse à un besoin de protection contre les conditions climatiques rudes de la région. La construction en sols procurant une moins grande variation de chaleur dans leurs espaces, allant de 10°c en hiver à 20°c en été, une meilleure insonorisation, et une résistance accrues aux séismes. Dans nos sociétés contemporaines, les architectures souterraines n’ont pas débutées pour obtenir la même utilité. C’est à partir du fervent combat et des recherches d’Edouard Utudjian, architecte et ingénieur français, et de ses nombreuses publications proclamant l’intérêt de l’architecture souterraine au sein du Groupe d’Etudes et de Coordination de l’Urbanisme Souterrain (GECUS) qu’il a fondé en 1933, que l’exploration et la possibilité d’une vie souterraine à pris de l’intérêt. Des études et des travaux sérieux sur les abris anti-atomiques ont intéressés les militaires et gouvernements, tandis que des études et projets d’autoroutes et de garages-parkings souterrains ont intéressés

134

les villes. Ainsi, l’idée d’aménager des espaces souterrains à pris un regain d’intérêt par les possibilités d’infrastructures, de circulation et de sécurité qu’ils peuvent procurer. Outre les nombreuses constructions de stations de métro souterraines que nous présente Utudjian dans son ouvrage “Architecture et Urbanisme Souterrains”100, sont présentés également de nombreuses références de lieux de vies et d’espaces de sociétés construits en souterrains : l’Eglise monolithique de SaintEmilion, une bibliothèque au deuxième soussol d’un immeuble des Champ-Elysées, les amphithéâtres du Conservatoire national des Arts et Métiers construite sous la cour d’honneur,… Ces espaces nécessitant bien évidemment de l’air et la lumière pour être habitable, le sont par les progrès technologiques de nos sociétés contemporaines. C’est le cas pour un projet cité par Utudjian, appliqué dans les espaces d’un grand journal parisien mais non référencé, que l’on parle de l’emploi d’un dispositif de réflexions lumineux ayant pour but d’éclairer ses espaces intérieures. Ce système, nommé Artel, consiste à capter les rayons solaires au moyen de miroirs et d’un mouvement d’horlogerie dans un tube d’une longueur x pour les renvoyer dans l’espace souterrain, illuminant ainsi celui-ci.


La Défense, de l’émergence à l’effervescence.

Les projets architecturaux contemporains de constructions en souterrains se sont basés sur les recherches et les découvertes d’Utudjian. Dominique Perrault, architecte mondialement reconnu depuis la construction de la Bibliothèque Nationale de France, revendique les bienfaits de l’architecture souterraine pour densifier les villes. Parlant de jouer avec “l’épaisseur de la ville” et de “groundscaping”, Perrault énonce le fait “qu’on peut augmenter la densité urbaine sans consommer de l’espace et en protégeant le vide urbain qui, lui, est nécessaire. (Afin) que nos surfaces métropolitaines ne se développent horizontalement dans les campagnes environnantes”. Cette solution étant apportée en exploitant les sous-sols, car Perrault constate “qu’il n’y a aucune perméabilité, aucune porosité, entre les différents réseaux souterrains, or il faut que la verticalité de la ville se prolonge dans le sol”101.

Proposition de développement de l’urbanisme souterraine en zoning de différents contextes urbains 1972 Edouard Utudjian

Ainsi, nous voyons à nouveau l’idée et les bienfaits de construire dans l’épaisseur de nos villes pour apporter à nos citoyens de nouvelles expériences urbaines auparavant considérées impossibles. 100

Utudjian, E., (1966) «Architecture et Urbanisme Souterrains», Robert Laffont 101

Simen, C., (2018) «Dominique Perrault, architecte : «Il faut que la verticalité de la ville se prolonge dans le sol», Le Journal des Arts, le 21 avril 2018 135


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense

Les potagers souterrains Growing Undergrounds 2015 Richard Ballard Steven Dring

Par ailleurs, les enjeux contemporains et la technologie actuelle développent des manières et des astuces pour développer nos activités en souterrains, comme faire pousser de la végétation et de la culture en sous-sols. A Londres, depuis 2015, la ferme urbaine “Growing undergrounds”102, située dans un ancien bunker de la Seconde Guerre Mondiale à 33m de profondeur, a réaménagé dans ces 10 000m2 d’espaces un potager géant produisant des fruits et des légumes frais. La nécessité de lumière naturelle pour la pousse a été contournée par la mise en place d’un système de culture hydroponique, l’utilisation d’un substrat neutre comme du sable ou des billes d’argiles et irrigué par une solution comprenant les nutriments essentiels, mêlés à des LED roses. Avec une production quotidienne possible de près de 60kg de végétaux, les produits cultivés nuit et jours possèdent, nous dise-t-il, une “qualité fantastique” A New-York, le projet d’un parc végétalisé souterrain est également étudié afin de solutionner les difficultés d’agrandir ou d’aménager des espaces végétalisés en zones urbaines denses. Le LowLine102, ou Delancey park, du nom de l’ancienne gare de tramway en réaffectation, a défini pour objectif la pousse de végétation en sous-sols de villes urbaines.

136

Le projet “The LowLine Lab” a été organisé pour vérifier si une technologie à base de miroirs réfractant les rayons du soleil vers les soussols pouvaient ou non contribuer, par l’apport des nutriments nécessaire à la photosynthèse, à la pousse de végétation. L’étude de cette technologie104, créé et porté par James Ramsey, architecte chez Raad Studio, fut l’objet d’une expérience entre 2012 et 2017. Dans un hangar obscur new-yorkais, le prototype fut construit et l’expérience menée sur un environnement déjà végétalisé de plus de 3000 essences différentes et une partie agriculture de plantations de graines pour tester quels essences poussaient le mieux. L’expérience fut un succès et les graines plantées en plein terre avaient bel et bien poussées ! Démontrant ainsi la possibilité, avec cette technologie, de concevoir et créer un parc végétalisé souterrain. L’architecture des souterrains, de la possibilité qu’une vie en profondeur puisse prospérer à ainsi déjà été prouvée depuis des millénaires par l’architecture vernaculaire. Les nombreux bienfaits sociétaux et urbanistique de l’architecture souterraine ont cependant seulement commencés à être étudiés et expérimentés depuis une centaine d’années. Ainsi, dans le processus de densification de nos villes, à l’encontre des idées d’étalements


La Défense, de l’émergence à l’effervescence.

urbains congestionnant et augmentant le traffic, le développement de programmes et d’activités dans l’épaisseur de la ville apporte un intérêt à la qualité de vie d’un quartier pour les gains en temps, en écologie et en richesses d’activités de proximité qu’elle rend disponible à ses habitants.

Un arbre des profondeurs florissant sous la lumière naturelle 2014 Photographe Cameron R. Neilson

102

http://growing-underground.com/

103

http://thelowline.org/

104

http://thelowline.org/lab/ 137


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense

Les “Cathédrales Englouties” Les Cathédrales Englouties de La Défense, sont en vérité des souterrains artificiels composés de différents espaces juxtaposés comme une fourmilière sous la dalle: le plateau, les bassins, le Fond National d’Art Contemporain (FNAC), l’atelier de Raymond Moretti, et la cathédrale. Ce sont des espaces résiduels vides construits pour soutenir la construction de la dalle dans les années 70 au-dessus des tunnels de l’A14, du métro, du RER, des voiries et d’un parking. Jusqu’à aujourd’hui, cette fourmilière, par sa complexité et la difficulté d’un potentiel aménagement, n’a su trouver de véritable utilisation. Néanmoins, deux espaces ont pu trouver une utilisation. Le Fond National d’Art Contemporain (FNAC), dépot privé et discret, s’est installé dans ces galeries pour préserver les œuvres d’art du Centre National des Arts Plastiques. C’est dans un espace de 3800m2 que 30 000 œuvres, peintures, photos et dessins, étaient conservés depuis les années 90. Aujourd’hui, en vue de nouvelles programmation de ces espaces, Paris La Défense souhaite récupérer cet espace à la fin du bail de 25 ans. 138

“l’Atelier“, a été utilisé comme lieu d’activité par l’artiste Raymond Moretti. Ses oeuvres sont conservées dans ces espaces, et spécialement, un gigantesque colosse de 30 tonnes, “Le Monstre” de Moretti, repose dans une salle d’une hauteur sous plafond de 12 mètres. C’est au total 25 000 m2 de surface qui sont disponibles pour être aménagés en lieux de vie. La question étant sa complexité, comment faire vivre des espaces cacophoniques, poussiéreux, à l’air rare et de mauvaise qualité, et sans lumière naturelle, pour qu’ils puissent accueillir des activités humaines et stimuler les individus dans leur bon développement et épanouissement ?


La Défense, de l’émergence à l’effervescence. «Les Bassins»

139


Aux profondeurs de la spatialité : l’esplanade de la défense «L’Atelier» Le Monstre Atelier de Raymond Moretti

«Le F.N.A.C.» Réserves du Centre National des Arts Plastiques

140


La Défense, de l’émergence à l’effervescence. «La Cathédrale»

141


«Les galeries de l’éveil» - L’existant

«Les galeries de l’éveil» - L’existant

+ 10.00 + 8.00 + 6.00 + 4.00 + 1.00 53.00 NGF - 4.00

Niveau Général de France (NGF)

142

- 5.00

«ATELIERS»

- 6.00

«F.N.A.C.»

- 7.00

«Cathédrale»

- 10.00

«Crypte»

- 12.00

«Bassins» Organisation des espaces existants


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

«Les galeries de l’éveil» - L’existant

Les “Cathédrales Englouties” existantes Dessinés par les infrastructures routières et ferroviaires qui occupent les sous-sols, les volumétries et les profondeurs de ces espaces résiduels sont chacune singulières. Le point le plus bas de ces espaces est placé à plus de 12m de profondeur et se découvre par la traversée de plusieurs espaces antérieurs.

Extérieures

Par exemple, l’espace du «Fond National d’Art Contemporain» (FNAC) est composé de deux longs espaces rectangulaires superposés chacun d’environ quatre mètres sous plafond et dispose d’un accès en partie haute depuis la voie des sculpteurs. L’espace des «Cathédrales», quand à lui, est composée de trois plateaux de différentes hauteurs sous plafond, respectivement de cinq, six et dix mètres, et disposés à la suite selon un tracé de virgule, et se découvre en empruntant un escalier situé en sous-dalle. Les «Bassins», eux, composent un espace au plus profond des souterrains par la disposition de cinq bassins accolés dans leur largeur et offrant une plus petite hauteur sous plafond de six mètres, et ne peut être exploré que par la traversée des quatre niveaux de parkings ou la traversée de l’espace des «cathédrales».

SOUTERRAINES Circulations verticales existantes

143


Aux profondeurs de la spatialité

Des aménagements souterrains

urbains

propres

au

Ces espaces, par leur nature, leur volumétrie et leur emplacement géographique, présentent certains avantages et certains inconvénients. En plus d’être de beaux volumes singuliers, il se trouve que chacun de ces espaces est intercommunicant et permet ainsi un circuit complet par la traversée de chacune d’entre elles. Il est ainsi possible, comme dans une ville, de composer ces espaces par quartiers d’activités contigus les uns aux autres. Ces espaces n’ayant jamais été prévus pour recevoir du public, sont victimes d’une coupure verticale. En effet, les différentes voies de circulation verticale n’atteignent que les niveaux sous-dalles et force l’emprunt d’une autre voie de circulation verticale pour atteindre le niveau de l’esplanade. Ainsi, cet étage de transition, le niveau des voiries, située sous la dalle, est un point pivot clef pour fluidifier l’accès et la circulation de ces espaces souterrains. Egalement, par définition, ces espaces souterrains ne trouvent aucune source de lumière naturelle pour les éclairer. Ainsi selon le système constructif de l’urbanisme de dalle, poteaux/poutres/dalles, il est possible de 144

détruire partiellement les dalles existantes à l’aide de trémies afin de faire parvenir la lumière naturelle aux points les plus profonds de certain de ces espaces. Sans les marqueurs géographique habituel, tel que la lumière du soleil ou alors les vues vers l’extérieur, il est difficile de se repérer géographiquement dans un espace souterrain pour retrouver son chemin ou pour faciliter son évacuation. Ainsi, il est important que dans ces espaces, il y est un élément unitaire qui facilite le repérage et les sorties, tel que des cages d’escaliers ayant la même forme et éclairées de manière plus vive de sorte à être vue et reconnues de loin. De nombreux témoignages parlent également d’une difficulté pour les visiteurs et les habitants de La Défense de se repérer facilement au sein de l’esplanade, ainsi, la construction d’un élément repère et d’un point de vue en hauteur, tel qu’un belvédère, pourrait apporter une aide visuelle pour pouvoir mieux s’orienter au sein de ces espaces, tout en suggérant l’existence d’activités dans l’épaisseur du sol. Ainsi, l’aménagement de ces espaces en souterrain se fait par étape et répond à ces inconvénients du souterrain de La Défense : le manque d’espace public en sous-dalle, le manque de lumière naturelle, la difficulté des

accès en sous-sols, la nécessité d’avoir des repères spatiaux lors de la traversée entre ces différents espaces et le manque de vision globale de l’espace. Ainsi ce projet à pour but d’unir et de faciliter les accès de ces espaces souterrains aux espaces en surface tout en proposant en son sein des quartiers d’activités propre au développement de l’individu, à ses projets et ses passions dans le but de son épanouissement. De ces idées découle le nom de ce projet : «Les Galeries de l’éveil»


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

01

02

03

04

05

Pas d’espace public en sous-dalle

Manque de lumière Naturelle

Sous-sols Difficiles d’accès

Repères spatiaux verticaux

Manque de vision globale de l’espace

145


Aux profondeurs de la spatialité

01 - Pas d’espace public en sous-dalle Murs détruits

02 - Manque de lumière naturelle Trémies

03 - sous-sols difficiles d’accès Circulations existantes Réaménagement de l’ancien Nouvelles Constructions

04 - Repères spatiaux verticaux language commun

05 - Manque de vision globale de l’espace BELVÉDÈRE & Éléments suggestifs 146

01


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

02

03 147


Aux profondeurs de la spatialitĂŠ

03

148


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

04

05 149


Aux profondeurs de la spatialité

Le développement de quartiers d’activités Les Galeries de l’éveil sont ainsi composés en sept quartiers offrant chacun des activités spécifiques.

Belvédère Repère Espaces extérieurs Accueil Principal Musee La Defense Exposition Temp. Ateliers Manuels Danse / Théâtre Archives Bibli/Media Lecture / Visio Events 150

Dunes végétales

En premier lieu, le quartier d’accueil et de promenade, proposant au niveau des voiries sous-dalle, un espace public. Cet espace couvert est un lieu de déambulation et de promenade qui réinsère les activités de l’esplanade à la surface de la terre et la reconnecte aux quartiers avoisinants par un contact direct avec les voiries. Les activités public commençant donc directement depuis le niveau du sol pour ensuite conduire les individus soit en surface, sur l’esplanade, soit en souterrain, dans les galeries de l’éveil. En deuxième lieu, le quartier d’accueil et d’expositions, situés au centre névralgique des galeries et juste en dessous de l’espace public, est le point pivot de la découverte des souterrains. Cet espace est la porte d’entrée principale des Galeries de l’éveil, accueillant un musée narrant le développement du quartier de La Défense et une salle d’exposition temporaire exposant les travaux effectués par les individus de ces souterrains. En troisième lieu, le quartier des artisans manuels, est situé sur un pendant du quartier des expositions. Dans cet espace, les individus


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

peuvent prendre à bras le corps leurs projets de conception et de construction d’objets. Autour d’une promenade centrale, différents pavillons mettent à dispositions l’ensemble des activités répondant à ce besoin de création. Certaines sont dédiés à des équipements de construction: des découpeuses lasers et CNC, une matériauthèque, des imprimantes papier et laser et un grand espace découvert de travaux de menuiseries. D’autres espaces sont dédiés à des travaux communs demandant plus d’intimité, des petits pavillons peuvent être utilisés par un groupe restreint d’individus pour un projet, et un grand pavillon centrale peut servir à des cours ou des réunions à plus grand effectifs. En quatrième lieu, le quartier des corps expressifs, est situé à l’autre pendant du quartier des expositions. Dans cet espace, sont disposés ponctuellement sur un circuit, des sousespaces couverts et découverts qui offrent à disposition ce qu’il faut pour exprimer ses idées d’expression corporel, en danse ou en théâtre: des décors, des estrades, des soundboxs, des accessoires... Chaque sous-espace est traité acoustiquement pour ne pas gêner l’espace voisin, traité de manière à recrée une certaine intimité nécessaire à la création, tout en permettant un échange visuel à ce même public pour comprendre et découvrir les talents d’autrui. Le

tout dans une ambiance conviviale d’échange et de découverte. En cinquième lieu, le quartier des littéraires, situé au troisième pendant du quartier des expositions. Dans cet espace se retrouvent le savoir et les créations de l’humanité. Par la mise à disposition d’un ensemble de livres et de vidéos présentes dans les archives, ce quartier est un lieu de consultation, de lectures et de visionnage, cherchant à donner le meilleur confort possible à tous les individus cherchant à se renseigner dans un domaine qui lui plaît et qui serait utile à l’élaboration de son projet. En sixième lieu, le quartier des évènements, situé au pied de l’espace d’accueil. Il est le lieu de rassemblement et de présentation de l’ensemble des activités proposées au sein des Galeries de l’Éveil pour discuter et échanger sur un sujet de manière plus formelle. C’est le lieu où peut être organisé une lecture, un colloque, un séminaire, sur un sujet donné; et auxquels peuvent participer l’ensemble des individus présents dans les souterrains.

naturelle. Ce jardin merveilleux et surprenant aux premiers abords, est un lieu de détente et de ressourcement dans un environnement surprenamment bucolique et illuminée naturellement à douze mètres de profondeur. Les Galeries de l’Eveil est un lieu singulier de développement personnel au sein d’une communauté d’individus passionnés et entreprenants. Situé dans les souterrains du quartier de La Défense, dans des volumes incongrus et fantastiques, les Galeries de l’Eveil permettent aux individus cherchant des activités productives et transformatrices différentes du travail quotidien, la recherche du plaisir de la création, du partage et de l’amélioration de soi.

En septième lieu, le quartier des dunes végétales, situé au point le plus profond des galeries de l’éveil, offre, par un dispositif lumière similaire au future LowLine de Manhattan, un véritable jardin souterrain éclairé par de la lumière 151


Aux profondeurs de la spatialité

152

Zone 01

Zone 02

Zone 03

Zone 04

Quartier d’accueil et de promenade

Quartier d’accueil et d’expositions

Quartier des Artisans

Quartier des corps expressifs


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Zone 05

Zone 06

Zone 07

Belvédère Repère Espaces extérieurs Accueil Principal Musee La Defense Exposition Temp. Ateliers Manuels Danse / Théâtre Archives Bibli/Media Lecture / Visio Events Dunes végétales Quartier des littéraires

Quartier des évènements

Quartier des dunes végétales

153


L’Esplanade

Belvédère Repère 154

Espaces extérieurs


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le belvédère

155


L’Esplanade

L’entrée principale depuis l’Esplanade

156


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le Belvédère repère Le Belvédère signale l’entrée principale des Galeries de l’Eveil située en sous-sol en divulguant son existence par une trémie ouvrant ces espaces souterrains à la vue depuis l’esplanade. C’est une émergence métallique jouant entre opacité et transparence dans un cadre de découverte ludique. La construction se veut composée d’éléments architecturaux fins et épurés afin de permettre à la lumière naturelle de pénétrer dans les espaces souterrains.

vie de ce quartier, chose jusqu’alors réservée aux travailleurs présents dans les tours avoisinantes. Le Belvédère signalant l’accès des Galeries de l’Eveil, dispose en un volume monumentale couvert situé au niveau de l’esplanade, deux entrées dans le sens des deux marches de circulations principales. La descente se fait par un escalier à double révolution formé de deux volées droites parallèles permettant des perspectives sur le belvédère.

L’ascension se fait par un jeu de volées d’escaliers se réduisant en nombre au fil de la montée. A chaque niveau, des balcons traversant la façade oblique offre des vues et des perspectives pittoresques et panoramiques sur l’esplanade. Ce jeu de balcons propose une dynamique contemplative double : voir et être vu. Au sommet, une terrasse avec vue en 360° permet d’avoir une vue globale de l’esplanade pour, d’une part comprendre son organisation spatiale afin de mieux se situer, et d’autre part de jouir du privilège d’observer le fourmillement en surface et partiellement en sous-face de la 157


L’Esplanade

La vue panoramique depuis les balcons

158


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

La vue depuis l’extérieur des Galeries de l’Eveil

159


Quartier d’accueil et de promenade

160

Accueil Principal


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

L’espace d’accueil principal

161


Quartier d’accueil et de promenade N

Corps expressifs

Artisans

6.00

39.00

12.00

6.00

Dunes

-10.00

-5.00

-4.00

-12.00

6.00

3.00

3.00 3.00

Accueil

15.50

162

15.50

9.00

16.00

Musée historique de la défense

12.00 130.00

17.00

16.00

16.00

13.00


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Artisans

Corps expressifs Dunes

+8.00 +6.00 53.00 NGF -4.00 -8.00 -12.00

«LE monstre»

13.00

16.00

16.00

Musee

Exposition Temporaire

Accueil

17.00

12.00

16.00

130.00

9.00

15.50

15.50

163


Quartier d’accueil et de promenade

L’espace d’accueil

164


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le quartier d’accueil et de promenade L’entrée des Galeries de l’Éveil peut se faire par maintes entrées réparties judicieusement dans l’ensemble des quartiers d’activités. Néanmoins, le quartier d’accueil, lui, est un lieu de passage obligatoire : c’est un espace pivot. Dû à l’agencement volumétrique des espaces souterrains et aux barrages physiques que constituent les routes automobiles, chacun doit obligatoirement traverser ce quartier d’accueil dans le but de circuler librement par les souterrains afin de rejoindre le quartier de son choix. Cet espace dispose donc de quatre cages d’escaliers permettant un accès libre et fluide aux différents quartiers. La traversée est agrémentée par la présence de végétation de second jour disposée de manière organique dans l’espace, par l’espace d’exposition de l’histoire de la Défense et proposant des vues sur l’espace d’exposition temporaire en contrebas. Cela à pour but de toujours garder contact avec l’histoire du lieu et se tenir informé des multiples activités qui se développent dans les Galeries de l’Éveil. Ici dans le quartier d’accueil, et généralement au sein des Galeries de l’Éveil, l’aménagement

architectural proposé se veut organique et végétalisé dans le but de contraster avec la monumentalité et l’orthogonalité des lieux. Les éléments architecturaux de mobiliers et les pavillons réparties au sein des différents quartiers tiennent compte de l’échelle humaine et sont composés de matériaux chaleureux réduisant l’effet d’étouffement provoqué par l’omniprésence du béton sans toutefois en dissimuler l’ampleur et la beauté. Ces aménagements ont ainsi pour but d’humaniser ces espaces tout en conservant leur caractère de sublime. Les parois latérales des Galeries de l’éveil sont recouvertes de surfaces permettant le traitement acoustique de l’espace. La première couche est composée de métal déployé afin d’améliorer l’intelligibilité de la parole, tandis que les deuxième et troisième couches sont composées d’une laine acoustique recouverte d’une fine couche de béton afin de réduire les réverbérations au sein de l’espace. Les quartiers sont tous interconnectés grâce à l’aménagement architectural qui offre des perspectives lointaines sans obstacles visuels denses. Cela à pour but de jouer avec le mystère que caractérise l’exploration en lieux inconnus et fabuleux afin d’agrémenter les traversées et d’attiser les curiosités. 165


Quartier d’accueil et de promenade

L’espace d’accueil

166


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

L’espace d’accueil au pied du Belvédère

167


Quartier d’accueil et d’expositions

Musee La Defense 168

Exposition Temporaire


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

L’espace du musée historique de La Défense

169


Quartier d’accueil et d’expositions N

Dunes

Artisans

Events

9.00

-12.00

9.00

24.00

6.00

Corps expressifs

Exposition Temporaire

12.00

170

9.00

«LE monstre»

17.00

16.00 78.00

16.00

18.00


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Events Littéraires

+6.00

53.00 NGF

-5.00

-12.00 Accueil

12.00

Exposition Temporaire

9.00

«LE monstre»

17.00

16.00 78.00

16.00

18.00

171


Quartier d’accueil et d’expositions

La perspective sur l’espace d’exposition temporaire

172


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Les espaces d’expositions L’espace d’accueil offre la traversée au sein des deux espaces d’expositions, l’espace d’exposition permanente comportant l’histoire du développement du quartier de La Défense, et l’espace d’exposition temporaire présentant les différentes productions ayant lieu au sein des Galeries de l’Éveil. Ces espaces d’expositions sont situés sur trois niveaux et offre toutes une vue sur une œuvre immuable conçue en ces lieux : «Le Monstre» de Raymond Moretti, premier résident et artiste ayant développé son art dans ces espaces souterrains. En son honneur, «Le Monstre» est mis au centre des traversées comme témoin des activités et des inspirations que peuvent procurer ces souterrains. Il est tel un artefact symbolisant l’art créateur possible au sein des Galeries de l’Éveil.

L’espace d’exposition temporaire est situé au niveau bas dans un univers blanc ayant pour but de s’effacer derrière les œuvres et travaux des habitants des Galeries de l’Éveil. L’architecture de ce lieu s’inspire des constructions organiques d’Antti Lovag et en reprends ses techniques de voile béton armé sans coffrage. Sur deux niveaux, les ouvertures en forme d’alcôves créés un jeu de niches et de perspectives mettant à l’honneur les œuvres présentées.

L’espace muséographique relatant l’histoire du développement de La Défense, est constitué de maquettes disposés de manière narrative sur des socles circulaires de présentation dans le but d’agrémenter de manière instructive les traversées.

173


Quartier d’accueil et d’expositions

L’espace d’exposition temporaire

174


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Les alcôves intérieures de l’espace d’exposition temporaire

175


Quartier des artisans

176

Ateliers Manuels


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

La perspective plongeante vers le quartier des artisans

177


Quartier des artisans N Découpe laser / CNC

Matériauthèque

-8.00

Accueil

18.00

178

Pavillons de travail

3.00 4.80 3.40 4.80 3.00

19.00

Accueil

Espace de production manuel

Impressions 3D

Pavillon principal

-7.00

Impressions

4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 106.00


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

La perspective depuis l’espace d’accueil du quartier des artisans

179


Quartier des artisans

Accueil Events Corps expressifs Littéraires Dunes

+6.00

53.00 NGF -4.00 -8.00

Accueil

18.00

180

Pavillons de travail

Découpe laser / CNC

Matériauthèque

Pavillon principal

4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 4.00 102.00


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Accueil Events Corps expressifs Littéraires Dunes

+4.00 53.00 NGF -4.00 -7.00

Impressions

8.00

Pavillon principal

8.00

8.00

8.00

Impressions 3D

8.00

Espace d’ateliers ouverts

8.00

8.00

8.00

8.00

Accueil

8.00

8.00

18.00

102.00 181


Quartier des artisans

La perspective depuis le pavillon central

182


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le quartier des artisans Ce quartier est le lieu de production manuel et technologique des habitants des Galeries de l’Éveil. Composé d’un long chemin principal sinueux qui dessert un ensemble de pavillons d’activités et d’espaces d’ateliers ouverts, ces lieux ont pour but d’offrir un cadre agréable et productif à la fabrication de projet individuel ou collectif. Les vues sont partiellement obstruées tout au long de la traversée pour stimuler la demande de mystère et de découverte propre à l’homme. Egalement, une longue baie vitrée situé au niveau de la voirie permet de faire pénétrer la lumière naturelle dans les ateliers, ainsi que d’attiser la curiosité des passants aux activités souterraines. Les pavillons et ateliers ouverts répartis au sein de l’espace mettent à disposition, dans un cadre de partage, d’entraide et d’échange, un ensemble d’outils manuels et technologiques nécessaires à la production : outils et plans de travail pour menuiseries, découpeuse laser et CNC, imprimantes 3D, imprimantes, ateliers de travail,...

remplissage en éléments métalliques et de verreries afin de récréer une intimité dans ces subespaces tout en préservant une connexion visuelle à l’espace monumental du quartier. Les espaces sont ponctués d’éléments végétalisés afin d’agrémenter l’effort des travailleurs par des arbustes et fleurs odorantes, éphémères, aux couleurs naturelles et variées. Ainsi nous avons un ensemble de pavillons différenciés selon les activités demandés : Un espace d’atelier ouvert, pour développer ses propres projets en compagnie d’autrui dans l’esprit des tiers-lieux, celui du partage et de l’entraide de manière informelle et spontanée. Des pavillons d’ateliers, pour mener un projet en petit comité qui demande un certain calme et une certaine intimité. Un grand pavillon central, pour des cours ou des réunions en plus grand nombre.

Ces pavillons sont constitués d’’un assemblage en bois pour la partie structurelle avec un 183


Quartier des artisans

Les ateliers ouverts

184


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Les ateliers ouverts

185


Quartier des artisans

Un pavillon d’atelier

186


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le pavillon central

187


Quartier des corps expressifs

188

Danse / Théâtre


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

La perspective d’entrée du quartier des Corps Expressifs

189


Quartier des corps expressifs N 6.50

Le théâtre

Dunes

9.00 9.00

-10.00

La saynète

-4.00

3.00

9.00

42.50

-6.00

L’arène

6.00

Accueil

Artisans

15.50

190

Exposition temporaire

Les planchers

15.50

15.50 62.00

15.50


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Events Accueil Artisans

+7.00 +6.00

+3.00 53.00 NGF

-4.00 -6.00

-10.00

Les planchers

15.50

Le théâtre

L’arène

15.50

15.50 62.00

La saynète

15.50

191


Quartier des corps expressifs

La perspective depuis l’emmarchement

192


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le quartier des corps expressifs Ce quartier est le lieu d’expression corporel, que ce soit par des activités dansantes ou théâtrales, des habitants des Galeries de l’Éveil. Composé d’un grand espace scénographique ponctués de différentes scènes appropriables, ce quartier est constitués d’éléments scéniques harmonieusement répartis dans l’espace dans le but de laisser libre cours à l’expression individuelle, de stimuler l’imagination et la créativité, et ce à la vue et au partage avec autrui. Ainsi, jonchés de scènes, d’estrades, de gradins et d’emmarchements, les sols boisées de ces espaces sont toutes constituées d’un plancher amortissant répondant aux nécessités de confort et de santé des utilisateurs. Des espaces plus spécifiques sont néanmoins répartis de manière homogène dans l’espace dans le but d’offrir un espace de représentation optimal. Pour cela, ils sont suffisamment espacés les uns des autres, présentent un mobilier plus spécifique et un degré de couverture plus ou moins grand.

de poser ses affaires, de servir d’élément pour une chorégraphie ou de servir comme estrade pour un discours. Plusieurs autres espaces sont spécifiés pour offrir un cadre d’entraînement ou de représentation plus officiel. Le Théâtre, présente une grande scène face un gradin dont le plancher mêle les deux entités pour inciter aux acteurs une plus grande interaction avec les spectateurs. L’Arène, présente un plancher circulaire en un lieu couvert pour, par exemple, des «affrontements» chorégraphiques. La Saynète, présente face à un plus petit gradin, une scène de dimension réduite composé d’une arrière scène accessible par une porte. Cette saynète permet un différent style de pièces et de représentation en offrant un cadre plus intime, moins intimidant, aux acteurs s’entraînant.

Nous avons ainsi les espaces de «planchers» qui sont ouverts à l’exercice et à l’entraînement, et qui dispose sur un plan radial des estrades appropriables. Celles-ci permettent de s’asseoir, 193


Quartier des corps expressifs

La perspective vers l’emmarchement

194


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le Théâtre

195


Quartier des corps expressifs

L’Arène

196


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

La Saynète

197


Quartier des littĂŠraires

Archives Bibli/Media 198

Lecture / Visio


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

La perspective d’entrée du quartier des Littéraires par la Grande Salle

199


Quartier des littéraires N

Artisans

6.00

-10.00

3.00

6.00 6.00

3.00 -6.00

9.00

42.00

9.00

-12.00

-10.00

Traversée Romane

Salle des découvertes

22.00

200

15.50

15.50

15.50

Espace des échanges

15.50

15.50 167.50

15.50

8.50

La grande salle

7.00

15.50

9.00

12.50


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Artisans

+7.00 53.00 NGF -5.00 -10.00 -12.00

Grande salle

12.50

9.00

15.50

Espace des échanges

7.00

8.50

15.50

Traversée romane

15.50

15.50 167.50

15.50

Salle des découvertes

15.50

15.50

22.00

201


Quartier des littĂŠraires

L’espace des Echanges

202


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le quartier des littéraires Ce quartier est le lieu de découverte, d’apprentissage et de consultation du savoir accumulé des humanités pour le bon fondement des projets des habitants des Galeries de l’Éveil.

Cette traversée débouche sur l’espace de découvertes des ouvrages et publications d’auteurs connus ou méconnus selon des thématiques saisonnières.

Composé d’un continuum d’espaces, plus longs et plus étroits que dans le reste des Galeries de l’Éveil, il est accessible depuis plusieurs autres quartiers. Ses espaces proposent selon leurs volumétries et leurs positionnement des activités lié à la littérature manuscrite et vidéo, cela dans un univers englobant par la présence d’ouvrages sur étagères sur l’ensemble de ses parois. Ainsi, pour démarrer cette quête d’exploration et de savoir, la Grande Salle offre une entrée majestueuse d’une hauteur sous plafond de 10m. Cette découverte passe ensuite par l’espace confortable des échanges, tacites et informels, et offre une vue surélevée sur l’auditorium du quartier des évènements. En descendant dans l’espace d’archives et de consultations, les habitants traversent par des ouvertures en forme d’arches romanes, un ensemble de petites niches de lecture, plus intimes et réconfortantes aux chercheurs. 203


Quartier des littĂŠraires

Les niches de la TraversĂŠe Romane

204


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

La salle des Découvertes

205


Quartier des Êvènements

206

Events


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

La perspective sur l’Auditorium

207


N

12.50

-12.00

Accueil Exposition temporaire

Terrain des enfants

-10.00

5.50

39.50

3.00

Artisans

-12.00

Passage Des arches

3.00

9.50

Auditorium

6.00

Loges privĂŠes

Salle de Stockage

15.50

208

15.50 39.50

8.50


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

+7.00

+3.90

53.00 NGF -2.40

-6.00

-10.00

Auditorium

8.50

Passage des arches

15.50

15.50 52.00

12.50

209


Quartier des évènements

La perspective depuis la Scène

210


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le quartiers des évènements Ce quartier est le lieu de présentation officiel des activités ayant lieu au sein des Galeries de l’Éveil. Il est composé d’un grand auditorium central situé face à un gradin majestueux d’envergure. L’espace est lui traité acoustiquement sur ses parois latérales à des fins d’intelligibilité de la parole et de réduction de la réverbération. Il peut ainsi recevoir, présenter et développer lors de lectures et de colloques organisés en lien avec les activités des habitants, des sujets et débats thématiques instructifs et ouverts à tous.

A proximité, un espace ludique dédiés aux enfants est fermé par des parois vitrées afin d’empêcher toutes nuisances. Les accès aux sanitaires et au quartier des Dunes Végétales ont également été aménagés de sorte à ne pas nuire au bon déroulement des représentations. Ainsi, sous les gradins, a été conçu un passage en forme d’arches permettant une traversée sans encombre dans un caractère ludique et jovial.

L’espace scénique est aménageable au gré des activités : la scène est démontable et remontable, le mobilier est mobile, les panneaux coulissants occultant la lumière ainsi que l’écran de projection sont rabattables. L’auditorium est ouvert et visible de toutes parts: depuis les gradins, la circulation périphérique, le balcon du quartier des littéraires... Ainsi, la scène est mise à l’honneur au centre des attentions.

211


Quartier des évènements

L’espace de transition vers les Dunes

212


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le passage des Arches

213


Quartier des dunes végétales

214

Dunes végétales


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

La perspective depuis l’entrée du quartier des Littéraires

215


Quartier des dunes végétales

6.00

N

6.00

L’allée des fougères

Le Snack

6.00

60.00

6.00

6.00

L’étang calme

Passage des senteurs

6.00

-12.00

6.00

Dune des sables -10.00

L’allée des fougères

9.00

Théatre / Danse Littéraires

Littéraires

16.00

216

Réserve du Jardinier

16.00

16.00 80.00

16.00

8.00

8.00


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Le quartier des dunes végétales Ce jardin souterrain est situé au point le plus profond des Galeries de l’Éveil. Il a été pensé pour ménager un effet de surprise, de sublime et d’émerveillement à sa rencontre. En effet, tout explorateur des profondeurs croît trouver dans sa descente une plus grande obscurité. Les dunes végétalisés naturellement éclairés en prennent ici le contre-pied : la lumière peut être trouvée dans la plus grande obscurité. Ainsi, ce jardin souterrain offre deux types de promenades, une première franchissant les dunes végétales au centre, et une seconde de plain-pied parcourant les allées des fougères. La lumière naturelle en souterrain est rendue possible grâce au travail de l’architecte Américain James Ramsay qui a conçu et développé pour son projet de la LowLine à NewYork, un système de fibre optique s’inscrivant dans une double parabole inversée connecté par un conduit qui permet la canalisation et le redéploiement de la lumière en souterrain.

nécessités biophiliques de l’homme, au tréfonds comme en surface, l’homme peut se ressourcer dans un environnement végétal dont l’aspect et l’intensité varies au cours des journées et des saisons. Le jardin souterrain présente différentes essences de fleurs et d’arbustes à feuillage caduc pour rendre conscient auprès de l’individu les cycles du temps. L’espace joue également de perspectives, d’espaces de refuges et de mystères, ainsi qu’un point d’eau et de snack, permettant un meilleur ressourcement physique, physiologique, psychologique et psychique. A la surface, les champignons paraboliques canalisateurs de lumière ainsi que la présence des dunes identiques qu’en souterrain, suggèrent l’existence d’activités en sous-sol par le questionnement qu’elles induisent : «Pourquoi ces dunes et ces champignons au beau milieu de l’esplanade ?»

Ainsi, un espace comprenant une végétation luxuriante est optimal pour le bon développement de l’individu s’y ressourçant durant ses moments de pause. Ainsi, selon les 217


Quartier des dunes végétales

Events Accueil Artisans

+13.00

+7.00 +3.00 53.00 NGF -3.00 -6.00 -7.00 -10.00 -12.00

L’allée des fougères

16.00

L’étang calme

Le Snack

16.00

16.00 57.00

218

16.00

11.00


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

+13.00

+7.00 +3.00 53.00 NGF -3.00 -6.00 -7.00 -10.00 -12.00

L’allée des fougères

5.50

6.00

Les dunes

6.00

6.00

Le Snack

6.00

6.00

7.50

30.00 219


Quartier des dunes vĂŠgĂŠtales

Le Snack

220


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

L’allée des Fougères

221


Quartier des dunes végétales

L’étang calme

222


L’individu stimulé et épanoui : Les Galeries de L’éveil

Les champignons paraboliques

223


224


CONCLUSION Nos sociétés contemporaines possèdent le savoir, les connaissances et l’expérience pour concevoir des lieux et des activités qui cherchent à influencer positivement le bien-être et l’épanouissement des individus. C’est par la compréhension des caractéristiques physiologiques, psychiques et spirituelles de l’être humain qui sont différemment stimulés et dynamisés selon les environnements, influant ainsi sur son comportement; ou par la compréhension des phénomènes de société et des organisations humaines positives qui ont une influence sur sa personnalité, ses pratiques, et le développement de ses valeurs; que nous pouvons concevoir des lieux et des espaces stimulants et bénéfiques aux activités humaines, propice au bon développement et à l’épanouissement de l’être humain de manière pérenne et prospère. L’architecture à ainsi le pouvoir d’influer sur les comportements et les caractères humains. Pour la croissance de nos sociétés et le bienêtre des ses individus, elle tient la responsabilité d’éviter et de restreindre les comportements diaboliques, qui “séparent”, et d’inciter et générer les comportements symboliques, qui “réunissent”. La vulgarisation de ces connaissances, de cette éthique, et la prise en compte de celles-ci dans les créations et aménagements des projets architecturaux de nos sociétés porteront les individus et l’humanité vers plus de conscience et plus de compétences, ainsi, vers un monde meilleur.

225


1

Audi, R., (2011) «Epistemology: A Contemporary Introduction to the Theory of Knowledge, Third Edition», Routledge Taylor and Francis, p.44 2

Fromaget, M., (2017) «Corps-Âme-Esprit, Introduction à l’Anthropologie Ternaire», Almora 3

Idem

4

Idem, Chapitre 1, p.4

5

Csikszentmihalyi, M., (1990) «Flow. The psychology of optimal experience», Harper Perennial 6

Viollet-Le-Duc, E., (1863) «Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6», B. Bance, p.34 7

Idem, p.37

8

Thompson, R., (1993) «The Brain: A Neuroscience Primer», W.H. Freeman and Company. (sur http://sboisse.free.fr/science/psy/ principes-perception.php) 8

Peirce, Ch., (1870) «Collected Papers», (1.386)

9

Kielhofner, G. (2008) «Modèle de l’Occupation Humaine: Théorie et Application», Lippincott Williams & Wilkins 10

Marx, K., (1867) «Le Capital», Livre I, Chapitre 7

11

Fromaget, M., (2017) «Corps-Âme-Esprit, Introduction à l’Anthropologie Ternaire», Almora, Chapitre 1, p.3 12

Seligman, M., Peterson, C. (2004) «Character strengths and virtues: A handbook and classification», Oxford University Press and Washington, DC 13

Heutte, J. (2006) «Les six vertus fondamentales (Seligman, Peterson, 2003)», (sur http://jean.heutte.free.fr/spip.php?article62)

Cousteau, J.-Y. (1983) «Planète Océan», Alpha

21

Machu, F. (2011) «Cousteau, 20000 rêves sous les mers», Rocher 22

Cousteau, J.-Y. (1964) «Le Monde sans soleil», Documentaire

23

Idem, (19m:37s)

24

Rougerie, J., (2020) «De l’appréhension d’un confinement subi ou choisi», Linkdn, publié le 24 Avril 2020 25

Idem

26

Agnan, P., (2018) «Le Saviez-vous ? La lumière rouge dans les sous-marins», article paru le 18/09/2018 sur defense.gouv.fr 27

Nicolas, J.-D., Bruge-Ansel, T., (2009) «Contraintes subies par les équipages de sous-marins et troubles psychiatriques», Journée psychiatrie du 09/12/2009 28

Hebb, D., (1972) «Psychologie. Science moderne», H.R.W.

29

Kubrick, S., (1971) «Orange Mécanique», Film

30

Max-Neef, M., (1991) «Human Scale Development. Conception, Application and Further Reflections», The Apex Press, p.16, trad. wikipedia 31

Char, R., (1955) «Recherche de la base et du sommet, Gallimard

32

Maslow, A., (1943) «A Theory of Human Motivation», Henderson, V., (1994) «La nature des soins infirmiers»,

InterEditions 34

Max-Neef, M., (1991) «Human Scale Development. Conception, Application and Further Reflections», The Apex Press 35

Hippocrate (IVe s.av. J.-C.) «Serment d’Hippocrate»

Editions La Découverte.

Kahn, L., (1996) «Silence et Lumière», Éditions du Linteau, p.201

36

Seligman, M., Peterson, C. (2004) «Character strengths and virtues: A handbook and classification», Oxford University Press and Washington, DC 19

Sténuit, R., (1965) «Les jours les plus profonds», Plon

Max-Neef, M., Elizalde, A., Hopenhayn, M., (1991) «Human Scale Development; conception, application and further reflections», The Apex Press 41

Rosenberg, M.B., (2006) «Dénouer les conflits par la Communication Non-Violente», Editions Jouvence, p.41 42

Pascal, B., (1670) «Pensées», Edition de Brunschvicg, 1897

43

Cabanac, M., (1971) «Le rôle physiologique du plaisir», Science

44

Cabanac, M., (2005) «Du plaisir de la sensation à la prise de décision microéconomique», p.14, dans «La Conscience. Tome 1. Approches cliniques et neurologiques» Editions de l’AEIS 45

Laërce, D., (1594) «Vies, doctrines, et sentences des philosophes illustres. Livre X, Epicure», 37

Maslow, A., (1943) «A Theory of Human Motivation»,

Psychological Review 38

Maslow, A. (1969) «The farther reaches of human nature» Journal of Transpersonal Psychology, n°1, p.1-9

Byrne, J., (2010) «Biophilia. Green Cities», Sage, p.1

46

Wilson, O., (1984) «Biophilia. The human bond with other species», Academic Trade 47

Browning, W.D., Ryan C.O., Clancy, J.O., (2014) «14 Modèles de Conception Biophilique. Améliorer la santé et le bien-être dans l’environnement bâti» Terrapin Bright Green LLC 48

Lamboley, C., (2007) «Petite histoire des Panoramas. Ou la fascination de l’illusion», Académie des Sciences et Lettres de Montpellier 50

15

Kahn, L., (1996) «Silence et Lumière», Éditions du Linteau, p.211

40

33

MacIntyre, A., (1997) «Après la vertu», Leviathan, p.186

18

Henderson, V., (1994) «La nature des soins infirmiers», InterEditions

49

14

17

39

Psychological Review

Rosenberg,M.B., (1999) «Les mots sont des fenêtres (ou bien sont des murs). Introduction à la Communication Non-Violente»,

16

226

20

Beston, H., (1928) «The Outermost House», Doubleday & Doran

Browning, W.D., Ryan C.O., Clancy, J.O., (2014) «14 Modèles de Conception Biophilique» Terrapin Bright Green LLC (p.5). 51

Ibid (p.26).

52

Churchill, W. (1943) Allocution à la Chambre des Lords le 28 Octobre 1943 53

Gehl, J., (2010) «Pour des villes à échelles humaines», écosociété 54

Moore, Ch., Allen, G. (1981) «L’architecture sensible. Espace, échelle et forme» Dunod 55

Valéry, P., (1921) romande, p.22 56

«Eupalinos»,

bibliothèque

numérique

Doxiadis, A., (1968) «Man and the space around him», Saturday

Review, p.22


BIBLIOGRAPHIE

57

Proshansky, H., Ittelson, W., Rivlin, L., (1970) «Environmental Psychology : Man and his physical setting», Holt, Rinehart and Winston, Inc. 58

Moser, G., Weiss, K., (2003) «Espaces de vie : Aspects de la relation homme-environnement», Armand Collin 59

Westin, A., (1967) «Vie Privée et Liberté», Athenaeum

60

Morval, J., (2007) «La psychologie environnementale», Presses de l’Université de Montréal, p.69 61

Proshansky, H., Ittelson, W., Rivlin, L., (1970) «Environmental Psychology : Man and his physical setting», Holt, Rinehart and Winston, Inc., In chapter 16, «Freedom of Choice and Behavior in a Physical Setting», p.183 62

Bonnefoy, B., (2017) «Nature et Restauration psychologique», Chapitre 2, dans Fleury, C., Prevot, A.-C., «Le souci de la nature. Apprendre, inventer, gouverner», CNRS Editions

prolongements technologiques de l’homme”

dictionnaire architecture / politique», Parenthèse, p.118

74

92

Kahn, N., (2003) «My Architect. A Sons Journey», Film

75 76

https://stories.hauts-de-seine.fr/30ansgrandearche/

Kahn, N., (2003) «My Architect. A Sons Journey», (1h:43m:14s)

93

Kahn, N., (2003) «My Architect. A Sons Journey», (1h:46m:37s)

94

77

Norberg-Schulz, Ch., (1974) «La Signification l’Architecture Occidentale», Mardaga, p.428

dans

78

Oldenburg, R., (1989) «The Great Good Place. Cafes, coffee shops, bookstores, bars, hair salons and other hangouts at the Heart of the Community», Da Capo 79

Idem

80

Idem, p.20

https://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/cci92/paris-ladefense http://oxygen-ladefense.fr/

95

https://parisladefense.com/fr/projet/table-square

96

https://www.tourisme92.com/les-cathedrales-englouties-deparis-la-defense.html 97

Dupuy, G., (1997) «L’urbanisme souterrain de S.Barles et A.Guillerme», Annales de géographie, vol.106, n°595, p.327-328 98

https://gnosticisme.com/derinkuyu

99

81

https://www.build-green.fr/la-ville-des-taupes-des-chinoisy-vivent-sous-terre-depuis-4000-ans/

https://tiers-lieux.be/?page_id=35

82

Servet, M., (2010) «Les bibliothèques troisième lieu», Bulletin des bibliothèques de France, n°4, p.57

100

63

64

83

101

Idem, p.155

Kuo, F., Sullivan, W., (2001) «Environment and Crime in the Inner City. Does Vegetation Reduce Crime ?», Environment and behavior, vol.33 n°3, May 2001, p.343-367 65

Bonnefoy, B., (2017) «Nature et Restauration psychologique», Chapitre 2, p.155 66 67

Ulrich, X., (1984) «Théorie de Réduction du Stress»,

Kaplan, X., (1989) «Théorie de la Restauration de l’Attention»,

68

Bonnefoy, B., (2017) «Nature et Restauration psychologique», Chapitre 2, p.158 69

Idem, P.158

70

Isaacson, W., (2011) «Steve Jobs. La vie d’un génie»,Editions Jean-Claude Lattès 71

Oppezzo, M., Schwartz, L., Stanford University (2014) «Give Your Ideas Some Legs: The Positive Effect of Walking On Creative Thinking», Journal of Experimental Psychology : Learning, Memory and cognition 2014, Vol. 40, N°4, 1142-1152 72

Kahn, L., (1961) «Form and Design», p.149, In Birkhauser, «Nexus Network Journal. Architecture and Mathematics», Volume 8, N°1, June 2006, p.37 73

McLuhan, M., (1968) “Pour comprendre les médias : les

Busch, A., (2001) «Ronald Reagan and the Politics of Freedom», Rowman & Littlefield publishers, Inc., p.79 84

Black, A., (2008) «Socially controlled space or public sphere ‘third place’ ? Adult reading rooms in early British public libraries». In, Koren, M. (2008) «Working for Five Star Libraries. International Perspectives on a Century of public Library Advocacy and Development», Biblion, p.27 85

Utudjian, E., (1966) «Architecture et Urbanisme Souterrains», Robert Laffont Simen, C., (2018) «Dominique Perrault, architecte : «Il faut que la verticalité de la ville se prolonge dans le sol», Le Journal des Arts, le 21 avril 2018 102

http://growing-underground.com/

103

http://thelowline.org/

104

http://thelowline.org/lab/

Idem

86

Koren, M., (2004) «Creating Public Paradise : Building Public Libraries in the 21st Century», Biblion, p.13 87

Sharples, M., McAndrew, P., Weller, M., Ferguson, R., Fitzgerald, E., Hirst, T., Gavel, M., (2013) «Innovating Pedagogy report», Open University 88

Solé, R., (2004) «Le Grand voyage de l’Obélisque», Editions du

Seuil, Chap. 20. 89

https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/ la-curieuse-histoire-de-larc-de-triomphe/ 90

Maugard, A., (2007) «La Défense : La vitalité d’un lieu chargé d’histoires», magazine La jaune et la rouge, n°625, Mai 2007 91

Chabard, P., Picon-Lefebvre, V., (2012) «La Défense, un 227


Page

Source

6 18 21 22 24 25 26-27 29

_ https://cohabdev.com/projects _ https://www.gaiamamart.com/geometrie-sacree/ _ http://comprendrelapeinture.com/le-jardin-des-delices-jerome-bosch/ _https://www.pinterest.fr/pin/341640321723251116/ _ http://www.musee-rodin.fr/fr/collections/sculptures/la-cathedrale _ https://www.autourdutao.fr/le-taichi-chuan-taiji-association-autourdutao/ _ https://www.galeriemerenda.com/artiste-contemporain-li-chen _ https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Biological_clock_ humanNycth%C3%A9m%C3%A9ralFrenchVersion.jpg _ http://www.hoshinoresorts-magazine.com/fr/carrefour-shibuya/ _ https://www.nationalgeographic.fr/photography/2019/10/les-photos-envoutantes-du-dia-de-losmuertos?image=day-of-the-dead-4743552 _ https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Interior_View_of_Drafting_Room_in_ERB_-_GPN-2000-001447. jpg _ https://www.courrierinternational.com/article/reportage-dans-la-rue-des-martyrs-paris-la-viecontinue _ https://images.app.goo.gl/2duF8EJeHEgm4nzi8 _ https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:P1010941_Paris_V_Place_du_Panth%C3%A9on_Mairie_du_Ve_ reductwk.JPG _ https://www.franceculture.fr/emissions/le-petit-salon/ouverture-des-bibliotheques-erikorsenna-en-reconnaissance-pour-le _ https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Voyageur_contemplant_une_mer_de_nuages _ https://riadanya.com/situation/ _ https://www.metmuseum.org/fr/art/collection/search/485540 _ https://journals.openedition.org/ambiances/1748 _ https://www.facebook.com/photo?fbid=10157443927398739&set=dyk-submarines-use-red-light-atnightthe-human-eye-is-less-sensitive-to-longer-w _ https://secoursrouge.org/le-manuel-d-interrogatoire-de-la-cia-premiere-partie/ _ https://commons.wikimedia.org/wiki/File:D%C3%BCrer_Melancholia_I.jpg _ https://reinventersonfeminin.com/2017/11/26/la-pyramide-de-maslow/ _ https://www.kazoart.com/blog/edward-hopper-en-10-oeuvres/

31 33 34 35 36 37 37 38 39 43 44 46 47 48 51 52-55 228


FIGURES FIGUREs Page

56 59 60 61 62 63 64 65 70 71 72 73 74 75 76 78 80 81 82 83 84 86 87 88

Source

_ https://www.getyourguide.fr/discovery/central-park-l2614/?utm_force=0 _ https://www.pointligneplan.com/fabrique-film-pluie-dete/ _ https://www.flickr.com/photos/creative-images2/6220189829/ _ https://radioarquitectura.com/new-page/finalistas-de-la-segunda-edicion-del-premiomchap-2014-15/ _ http://french.china.org.cn/foreign/txt/2019-05/17/content_74795749_0.htm _ https://www.pinterest.fr/pin/481392647650165951/ _ https://i.pinimg.com/originals/cc/0b/da/cc0bdad8b888a99157cbe572c631de25.jpg _ https://rosalielebel75.franceserv.com/peinture-militaire.html _ https://www.vagabond-des-etoiles.com/architecture/casa-luis-barragan-luis-barragan/ _ https://www.vertebral.mx/casa-erasto _ https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Ft_Worth_Modern_10.jpg _ https://www.pinterest.fr/pin/357332551662353163/ _ https://voirenvrai.nantes.archi.fr/?p=11402 _ https://www.conceptualfinearts.com/cfa/2020/03/19/museum-displays-is-now-the-time-torethink-them/ _ https://www.stefanoboeriarchitetti.net/en/vertical-forest-en/acros-fukuoka-emilio-ambaszassociates/ _ https://lovefromsantabarbara.com/product/santa-barbara-courthouse-sunken-gardens-postcard/ _ https://www.eco-maison-bois.fr/tag/bois/ _ http://www.jolijolidesign.com/20-plus-belles-bibliotheques-monde/ _ https://3xn.com/project/orstad-college _ http://www.edmond-fils.com/mobilier-en-acier-pour-parcs-et-jardins/ _ https://www.ahh.nl/index.php/en/projects2/12-utiliteitsbouw/85-centraal-beheer-officesapeldoorn _ https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/paris-le-japon-met-en-place-un-projet-dembellissement-des-jardins-du-trocadero-7782275669 _ https://www.archdaily.com/286223/superkilen-topotek-1-big-architects-superflex/5088ce6a28ba0 d752a0000e1-superkilen-topotek-1-big-architects-superflex-photo _ https://seekpeace.com/the-charm-and-architectural-splendor-of-mexico-citys-amsterdamneighborhood/ 229


Page

90 91 92 93 94 95 96 9899 102 104 105 106 107 109 110 112 113 114 115 116 117 120 122 123 230

Source

_ https://www.researchgate.net/figure/Aerial-View-of-a-Portion-of-Ida-B-Wells-ShowingBuildings-With-Varying-Amounts-of-Tree_fig1_249624302 _ http://www.willsull.net/resources/Sullivan-papers/SullivanKuoDePooter.pdf _ http://saintgratiendecouverte.eklablog.com/fort-d-issy-les-moulineaux-gallery193518 _ https://raymondjungles.com/project/ford-foundation/ _ https://www.pinterest.fr/pin/466404105160684094/ _ https://www.fosterandpartners.com/projects/apple-park/ _ https://www.archdaily.com/83071/ad-classics-national-assembly-building-of-bangladesh-louis-kahn _ https://interestingengineering.com/5-interesting-facts-about-louis-kahns-national-assembly-ofbangladesh _ https://www.bordeaux-tourisme.com/Decouvrir-Bordeaux/Incontournables/Darwin-Ecosysteme _ https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/elus-promoteurs-porteurs-deprojets-plebiscitent-toujours-plus-les-lieux-hybrides-1126544 _ https://twitter.com/grescoe/status/1085645053324742657/photo/2 _ https://www.lefigaro.fr/sortir-paris/le-cri-du-canal-grand-tasting-les-sorties-du-week-end-aparis-20190524 _ https://cookmegreen.com/bonnes-adresses-vegan-vegetariens-bio/la-recyclerie-paris-18-lieueco-responsable _ https://bibliomancienne.com/2012/04/27/le-tiers-lieu-dun-point-de-vue-nord-americainexplique-aux-enfants/ _ https://www.fablabs.io/labs/map _ https://www.flickr.com/photos/willemvanbergen/2930294803 _ https://medium.com/@danielle.e.lee/la-ciudad-de-mexico-a64adb3cf5d8 _ https://www.smt.jp/en/architecture/photogallery/index.html _ https://www.yountsdesign.com/work/open-works/ _ https://www.morenoconseil.com/sur-le-modele-dici-montreuil-souvre-ici-marseille-plus-grandmakerspace-de-france-au-coeur-du-futur-ecoquartier-des-fabriques/ _ https://accelimage.fr/la-photographie-europeenne-au-centquatre-a-paris/ _ https://www.parisdimanche.com/card/qi-gong-au-centquatre _ http://lenotre.chateauversailles.fr/parcours/points-de-vues.html _ https://stories.hauts-de-seine.fr/30ansgrandearche/


FIGURES Page

125 126 127 129 129 130 131 133 134

135 136 137 139 140 140 141

Source

_ https://blogpeda.ac-bordeaux.fr/zephyrenligne/?p=318 _ https://stories.hauts-de-seine.fr/30ansgrandearche/ _ https://stories.hauts-de-seine.fr/30ansgrandearche/ _ https://www.panoramica.fr/banque-images-paris-la-defense.html _ https://www.stephanemalka.com/portfolio/big-pernod-ricard-office-i-rethink-the-workspaces-iparis-2018-3-2-4-2-2-3-2/#&gid=1&pid=2 _ https://lagazette-ladefense.fr/2020/02/28/table-square-une-ouverture-au-printemps-attendue/ _ https://innovapresse.com/urbain/projets-urbains/39869-la-defense-un-dialogue-competitif-pourimaginer-une-vie-sous-la-dalle.html _ https://gnosticisme.com/derinkuyu/ _ https://www.google.com/url?sa=i&url=https%3A%2F%2Fwww.dailymail.co.uk%2Fnews%2Fpeoplesd aily%2Farticle-5306289%2FDrone-footage-shows-Chinas-mysterious-underground-village.html&psi g=AOvVaw01qOlINaBwMy9BclgkeQAD&ust=1589550482241000&source=images&cd=vfe&ved=0CAkQjh xqFwoTCJj9tZG_s-kCFQAAAAAdAAAAABBB _ https://vebuka.com/print/180904164015-91578f71e9cefdf5e52047826f32b8b0/Le_souterrain_crainte_ et_fascination__Paris_sous_Paris _ https://lifeandthyme.com/food/in-london-growing-underground-looks-for-long-term-farmingsolutions/ _ http://www.cameronrneilson.com/commercial-work/installations/the-lowline-new-york-city/ _ https://www.lemoniteur.fr/article/la-defense-creve-la-dalle.1073399 _ https://defense-92.fr/arts/culture-arts/le-departement-des-hauts-de-seine-lance-le-printempsdes-sculptures-59996 _ https://defense-92.fr/arts/musee-cache-de-defense-va-devoir-trouver-nouvelle-adresse-49133 _ https://defense-92.fr/defacto/defacto-veut-donner-de-la-vie-sous-la-dalle-40874

231


232


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.