Que pensent les travailleur.se.s du sexe de la loi prostitution ?

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QUE PENSENT LES TRAVAILLEUR.SE.S DU SEXE DE LA LOI PROSTITUTION ?

« Comme il y a la police qui nous arrête sans arrêt, contrôle nos papiers, ça a des conséquences négatives sur nous car on n’a plus le temps de vérifier si c’est un “méchant “ ou pas. D’habitude je fais attention, j’essaye d’évaluer le danger mais avec la police partout on n’a pas le temps de faire attention et il n’y a plus des copines autour pour nous prévenir si c’est un mauvais type. » Témoignage récolté pendant une permanence, Médecins du Monde, Lotus Bus, 2017 Ainsi, la diminution du temps de négociation due à la présence policière entrave la capacité des travailleur.se.s du sexe à imposer leurs conditions d’exercice et les amène à prendre plus de risques.

DÉPLACEMENT DES LIEUX DE RENCONTRE ET DE TRAVAIL : VERS DES ESPACES PLUS ISOLÉS OU EN LIGNE Les points de contact Certaines personnes qui travaillent dans la rue ont modifié le lieu d’attente de leurs clients. Elles se déplacent vers des espaces moins visibles dans le but d’éviter le risque d’arrestation du client. Dans la rue ou la forêt, elles attendent dans des lieux plus isolés et plus sombres. Selon les entretiens avec les associations, ces modifications semblent beaucoup varier d’une ville à l’autre. Le fait d’être repoussées dans des lieux isolés et sombres entraîne de nouveaux obstacles pour la prévention. Les associations ont parfois dû allonger leurs tournées, prospecter les lieux pour rester en contact avec les personnes, elles ont parfois dû innover dans leur travail de prévention comme cela est illustré par l’association Autres Regards de Marseille. L’équipe a découvert que des femmes nigérianes s’étaient mises à travailler dans des canalisations très sombres à la demande des clients et qu’elles utilisaient la lumière de leur téléphone pour mettre le préservatif. Elles n’avaient plus qu’une main libre et l’équipe a diffusé de l’information sur la façon de mettre un préservatif avec la bouche :

« Elle (une travailleuse) me dit mais comment tu mets une capote d’une main en tenant ton portable pour éclairer le client, ce qui fait débander le client, etc. Et

donc ça nous amène à nous dire, il faut adapter nos pratiques, c’est tout con mais, elles, ces filles, quand elles arrivent elles ne sont pas du métier. On leur a dit peut-être que tu peux mettre la capote avec la bouche parce que du coup tu as les deux mains libres, enfin voilà. » Autres Regards, Marseille Parmi les personnes travaillant dans la rue, certaines fixent le rendez-vous par téléphone. Cette pratique était courante avant 2016, mais elle augmente avec le passage de la loi. Les clients passent, demandent leur numéro de téléphone mais ne s’arrêtent pas. La négociation de l’échange se fait ensuite par téléphone ce qui entrave pour certaines travailleur.se.s du sexe leur capacité de sélection du client.

« Maintenant, il y a des clients qui viennent et qui demandent le numéro de téléphone. Il y en a qui viennent, qui ne font rien. Ils demandent juste le numéro de téléphone et ils nous appellent une fois à la maison. » Juan, homme péruvien « Beaucoup m’ont demandé mon numéro de téléphone, mais en fait j’ai peur de le donner à tout le monde. Comment je pourrais savoir, qui, d’un coup, va se faire passer pour un client et ensuite m’agresser à la maison, en plus, qui m’aidera à la maison, si je dois tout faire en toute discrétion pour que les voisins ne me dénoncent pas ? » Aurora, femme trans argentine Certaines personnes pratiquant dans la rue se sont orientées vers Internet. Cela semble encore rare parmi les femmes nigérianes. Toutefois l’association Cabiria de Lyon a observé que certaines passaient des annonces pour travailler dans les villes alentour où il n’y a pas de prostitution de rue. Quelques femmes sud-américaines et chinoises témoignent être passées à une prise de contact via Internet (ce qui oblige de nombreuses Chinoises à passer par un intermédiaire). Cependant, le recours à Internet pour faire face aux difficultés rencontrées dans la rue reste un choix minoritaire. Parmi celles qui ont commencé à pratiquer sur Internet après avoir travaillé dans la rue, la majorité considère qu’Internet est plus dangereux.

« Ça fait deux mois que je l’utilise. Mais ça me fait un peu peur parce que je ne sais pas qui vient chez moi. Quand je vais chez moi avec un client du Bois, je le vois, je peux discuter avec lui sur le chemin. Ça permet

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