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Miraglia, Anne Marie Le Temps dans Les Enfants du Nouveau monde dÂŽAssia Djebar FrancofonĂa, NĂșm. 16, sin mes, 2007, pp. 187-199 Universidad de CĂĄdiz España Disponible en: http://redalyc.uaemex.mx/src/inicio/ArtPdfRed.jsp?iCve=29511602010
FrancofonĂa ISSN (VersiĂłn impresa): 1132-3310 francofonia@uca.es Universidad de CĂĄdiz España
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Le Temps dans Les Enfants du Nouveau monde dâAssia Djebar
fr an cofo n Ăa 16 (2007) 187-199
anne marie miraglia Ătudes françaises, UniversitĂ© de Waterloo Waterloo, Ontario â Canada N2L 3G <ammiragl@watarts.uwaterloo.ca> TĂ©l. (+1) 519 8884567 (poste 33362); Fax (+1) 519 7250554
RĂ©sumĂ© Cette Ă©tude porte sur les dimensions thĂ©matiques et formelles de la reprĂ©sentation du temps dans Les Enfants du Nouveau monde dâAssia Djebar. En plus dâexaminer la façon dont les personnages de Djebar considĂšrent le temps et leur place dans la guerre de lâAlgĂ©rie, nous analyserons les nombreuses analepses qui Ă©clairent le prĂ©sent par rapport au passĂ© en plus dâopposer le temps de lâhorloge au temps intĂ©rieur. Mots-clĂ©s Temps. Assia Djebar. Les Enfants du Nouveau monde. Analepses. Guerre. âEl tiempo en Les Enfants du Nouveau monde, de Assia Djebarâ Resumen Este trabajo trata de las dimensiones temĂĄticas y formales de la representaciĂłn del tiempo en Les Enfants du Nouveau monde de Assia Djebar. AdemĂĄs de examinar el concepto que tienen los personajes de Djebar en cuanto al tiempo y su lugar en la guerra de Argelia, analizaremos las numerosas analepsis que iluminan el presente en relaciĂłn con el pasado ademĂĄs de oponer el tiempo del reloj al tiempo interior. Palabras clave Tiempo. Assia Djebar. Les Enfants du Nouveau monde. Analepses. Guerra. âTime in Assia Djebarâs Les Enfants du Nouveau mondeâ Abstract This article studies the thematic and formal dimensions of the representation of time in Assia Djebarâs Les Enfants du Nouveau monde. It explores the manner in which Djebarâs characters consider time and their place within Algeriaâs war of independence, and it examines the various analepses in the novel which illuminate the present in relation to the past while opposing objective and subjective time. Keywords Time. Assia Djebar. Les Enfants du Nouveau monde. Analepses. War.
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Le Temps dans Les Enfants du Nouveau monde dâAssia Djebar
anne marie miraglia
ubliĂ© en 1962, le roman Les Enfants du nouveau monde rompt avec lâĂ©criture intimiste de La Soif (1957) et des Impatients (1958) et plonge de façon dĂ©finitive lâĂ©criture romanesque dâAssia Djebar dans les luttes, les souffrances et les victoires des AlgĂ©riens et des AlgĂ©riennes. Ce premier roman de Djebar Ă marier lâhistoire intime des personnages Ă lâHistoire politique de lâAlgĂ©rie rĂ©sonne dâespoir et annonce un avenir meilleur par son titre et par lâadoption en exergue du poĂšme de Paul Eluard :
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Et pourtant de douleurs en courage en confiance Sâamassent des enfants nouveaux Qui nâont plus peur de rien pas mĂȘme de nos maĂźtres Tant lâavenir leur paraĂźt beau. Aussi ces vers empruntĂ©s au poĂšte de la libertĂ© donnent-ils au roman dâAssia Djebar son titre et ses thĂšmes. Dans cette Ă©tude des Enfants du nouveau monde, nous nous pencherons sur la question du temps âpiste de lecture suggĂ©rĂ©e par le mot avenir et par lâadjectif nouveauâ qualifiant les enfants dans le poĂšme dâEluard, et le monde dans le titre du roman. Nous nous limiterons aux dimensions thĂ©matiques et narratologiques du temps dans le roman tout en sachant que ce terme, ambigu en français, dĂ©signe âtimeâ et âtenseâ et quâil sâemploie avec plusieurs acceptions et cela Ă lâintĂ©rieur de champs dâĂ©tudes complexes et variĂ©es telles que lâhermĂ©neutique et la linguistique comme lâa montrĂ© Paul RicĆur dans Temps et RĂ©cit II et III (1984-1985). Dans Les Enfants du nouveau monde, un narrateur hĂ©tĂ©rodiĂ©gĂ©tique fait le rĂ©cit dâune journĂ©e dans la vie dâune vingtaine de personnages : hommes et femmes, mariĂ©s et cĂ©libataires, adultes et adolescents, bourgeois et paysans, policiers et rĂ©volutionnaires. Les neuf chapitres constitutifs du texte portent chacun comme titre un prĂ©nom dont cinq de personnages fĂ©minins, ChĂ©rifa, Lila, Salima, Toum a, Hassiba, et quatre de personnages masculins, Hakim, Khaled, Bob et Ali.
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Lâintrigue se passe une quinzaine de mois aprĂšs le dĂ©clenchement de la guerre dâIndĂ©pendance, dans une petite ville âcĂ©lĂšbre pour ses rosesâ que la romanciĂšre nâidentifiera comme Blida quâen 1975, lors dâun entretien (Bouzar, 1984 : 155). Le rĂ©cit relate les Ă©vĂ©nements dâun jour de âspectacleâ, câest-Ă -dire, dâun jour de grande opĂ©ration militaire pendant la guerre dâAlgĂ©rie. Les hommes au travail, les chĂŽmeurs dans les cafĂ©s et les femmes de leur maison, en somme, tous les habitants de la ville contemplent ce spectacle qui deux ou trois fois par mois se dĂ©roule Ă la montagne contre les maquisards. Or en plus de relater lâhistoire dâun de ces jours de âspectacleâ, ce texte romanesque de 312 pages intĂšgre de nombreuses analepses emboĂźtĂ©es servant non seulement Ă Ă©clairer le prĂ©sent par rapport au passĂ© mais aussi Ă opposer le temps de lâhorloge (linĂ©aire, objectif et segmentable) au temps intĂ©rieur (subjectif, phĂ©nomĂ©nologique, psychologique). Ainsi Ă partir de ce que Paul RicĆur nomme la bidimensionalitĂ© du parcours du regard (RicĆur, 1985 : 158) sâengendrent des instances de rĂ©trospection et dâanticipation qui, dans le roman de Djebar, sâopposent Ă âlâunidirection du cours des chosesâ (ibid.). Les Ă©vĂ©nements constitutifs de lâhistoire se succĂšdent mais leur narration est constamm ent interrompue, voire suspendue par de nombreuses sĂ©quences remontant dans un passĂ© proche, parfois lointain et par quelques rares sĂ©quences dâanticipation. Des souvenirs interrompent rĂ©guliĂšrement la narration des Ă©vĂ©nements de ce jour de mai 1956, pour rejoindre divers moments dĂ©terminants dans le passĂ© des personnages. A insi la suspension de la narration contribue Ă la crĂ©ation dâun prĂ©sent presque figĂ© et suggestif de lâimmobilisme qui caractĂ©rise la vie en temps de guerre. Les anachronies âanalepses (retours en arriĂšre) et prolepses (anticipations)â sont prĂ©dominantes dans Les Enfants du nouveau monde. Les analepses, en gĂ©nĂ©ral, peuvent ĂȘtre objectives ou subjectives. Elles âse distinguent par leur portĂ©e (elles sont plus ou moins Ă©loignĂ©es du moment de lâhistoire oĂč lâon se trouve) et par leur amplitude (elles couvrent une durĂ©e plus ou moins longue)â (Reuter, 1991 : 80). En plus de combler les lacunes du rĂ©cit, les analepses ont souvent une fonction explicative (ibid.). Leur fonction, dans ce roman de Djebar, est semblable Ă celle que constate Paul RicĆur chez Proust dans Ă la recherche du temps perdu :
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Quâil sâagisse de complĂ©ter le rĂ©cit dâun Ă©vĂ©nement en le portant Ă la lumiĂšre dâun Ă©vĂ©nement antĂ©cĂ©dent, ou de combler aprĂšs coup une lacune antĂ©rieure, ou de susciter la rĂ©miniscence involontaire par le rappel rĂ©pĂ©tĂ© dâĂ©vĂ©nements semblables, ou de rectifier une interprĂ©tation antĂ©rieure par une sĂ©rie de rĂ©interprĂ©tations, lâanalepse proustienne nâest pas un jeu gratuit ; elle est ordonnĂ©e Ă la signification de lâensemble de lâĆuvre. (RicĆur, 1984 : 124) Dans Les Enfants du nouveau monde, lâanalepse illustre la survivance du passĂ© dans le prĂ©sent et facilite largem ent le dĂ©veloppement des personnages car sans ces rĂ©trospections, la comprĂ©hension des mobiles orientant leurs actes pendant ce jour de âspectacleâ serait sĂ©rieusement compromise. GrĂące aux analepses, on apprĂ©cie mieux, par exemple, les rĂ©ticences quâĂ©prouve ChĂ©rifa, femme traditionnelle, Ă traverser seule le quartier pour la toute premiĂšre fois, lâĂ©volution de Lila, femme moderne, qui sâengage finalement dans la lutte collective tout comme la trahison de Touma, femme marginale, qui collabore avec le commissaire adjoint, Martinez. Les analepses jouent donc un rĂŽle important dans lâarchitecture du texte, mais par leur fragmentation du temps et de lâespace et par leur multiplication dâhistoires entrecroisĂ©es, elles rendraient la lecture difficile si ce nâĂ©tait des nombreuses indications temporelles de tout genre (dates, dĂ©ictiques temporels, position du soleil, lâappel du muezzin etc.) ponctuant le passage du temps dans le rĂ©cit. En plus de signaler lâĂ©coulement du temps, ces rĂ©fĂ©rences facilitent la distinction entre le passĂ© et le prĂ©sent ainsi que la reconstitution de lâordre chronologique des Ă©vĂ©nements. Ainsi lâhistoire dĂ©bute Ă neuf heures du matin (Djebar, 1962 : 22), un jour de mai 1956 (id. : 99) et se termine avec le lever du soleil presque vingt-quatre heures plus tard. Au chapitre III, Ă dix heures du matin (id. : 78), Hakim, lâinspecteur de police, rentre de façon inattendue chez lui pour interroger sa femme Amna sur Youssef, leur voisin, soupçonnĂ© dâactivitĂ©s rĂ©volutionnaires. Au mĂȘme moment, Ă dix heures, Saidi, le deuxiĂšme suspect sur la liste de Touma, est arrĂȘtĂ© (id. : 157) puis torturĂ©. Avertie par Amna du danger quâencourt Youssef, ChĂ©rifa dĂ©cide Ă onze heure moins le quart de surmonter ses craintes et ses sentiments de pudeur afin de prĂ©venir son mari (id. : 133). Ă treize heures, le train nomm Ă© la Micheline arrive Ă la Place des Armes (id. : 179) et Khaled,
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avocat arabe Ă©duquĂ© en France, descend pour aller Ă un premier rendezvous, une demi-heure plus tard, avec Salima, militante emprisonnĂ©e et torturĂ©e (id. : 187). De ce mĂȘme train descend Hassiba, une jeune femme de seize ans, destinĂ©e Ă partir pour le maquis. Bachir, ĂągĂ© de dix-huit ans, admire discrĂštement la jeune femme tout en attendant lâarrivĂ©e de son complice. Toum a, elle, dĂ©cide de ne pas monter dans le train de treize heures malgrĂ© lâultimatum de son jeune frĂšre, Tawfik. Ă treize heures aussi, parvenue avec difficultĂ©s devant la boutique de son mari, ChĂ©rifa attend en plein soleil le retour de Youssef. Dans lâaprĂšs-midi, Saidi succombe Ă la torture infligĂ©e par Hakim sous les ordres du commissaire adjoint. Ces multiples points de repĂšre temporels indiquent la simultanĂ©itĂ© de plusieurs Ă©vĂ©nements pris en charge par le rĂ©cit et cela en dĂ©pit de la nature linĂ©aire et successive inhĂ©rente au langage. De plus, la prĂ©pondĂ©rance du temps verbal du prĂ©sent place le lecteur dans lâimmĂ©diat, face aux Ă©vĂ©nements, et neutralise lâhabituelle distance, temporelle et psychologique, entre lâinstant de lâĂ©nonciation et lâinstant de lâĂ©noncĂ©, caractĂ©ristique du passĂ© composĂ© et, en particulier, du passĂ© simple. Il faut reconnaĂźtre, dâailleurs, que dans ce roman de Djebar, le prĂ©sent est davantage au service du ârĂ©citâ et du âmonde racontĂ©â que du âdiscoursâ et du âmonde commentĂ©â, contrairement aux idĂ©es avancĂ©es par Harald Weinrich (Weinrich, 1973 : 39). Il est Ă©galement intĂ©ressant de remarquer que le rĂ©cit ne signale pas le passage du temps entre treize heures et dix-huit heures. Cette ellipse constitue une technique dâaccĂ©lĂ©ration associĂ©e Ă ce que les narratologues appellent la âvitesseâ du rĂ©cit : La vitesse concerne le rapport entre la durĂ©e fictive des Ă©vĂ©nements (en annĂ©es, mois, jours, heuresâŠ) et la durĂ©e de la narration (ou plus exactement de la mise-en-discours, exprimĂ©e en nombre de pages ou de lignes). (Reuter, 1991 : 77) Or cette ellipse de cinq heures dans Les Enfants du nouveau monde se termine par la rĂ©fĂ©rence aux EuropĂ©ens qui prennent lâapĂ©ritif de six heures (Djebar, 1962 : 238) et au muezzin qui appelle les M usulmans Ă la quatriĂšme priĂšre de la journĂ©e (id. : 242). Le soleil se couche et le texte annonce Ă trois reprises âCâest le dĂ©but de la fin du jourâ (id. : 238-239). Ainsi, Ă dix-neuf heures, Tawfik surveille le train qui repart une demi{ 191 }
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heure plus tard sans Touma qui continue de braver son frĂšre et la ville entiĂšre en sâamusant avec Bob et ses amis europĂ©ens sur la Place des Armes. Tawfik abat Toum a dâune balle afin de venger son honneur et prouver aux rĂ©volutionnaires quâil est, lui, digne de confiance. Pour Yahia, le garçon de cafĂ©, cet assassinat public dâune traĂźtresse, sonne âlâheure de la justiceâ (id. : 241). Au coucher du soleil, Bachir rĂ©alise son premier acte rĂ©volutionnaire en incendiant la ferme du colonel Ferrand (id. : 220). Le soir, lâopĂ©ration se termine sur la montagne (id. : 240). âCâest la fin du jour, pense Hakimâ (id. : 257) qui sâenivre au cafĂ© europĂ©en avant de rentrer Ă la m aison et battre sa femme (id. : 275). La nuit, Youssef part avec Hassiba pour le maquis tandis que Mahmoud, le chef rĂ©volutionnaire, revient clandestinement en ville. Le lendemain, au lever du soleil, Bachir est tuĂ© par la garde en quittant lâappartement de sa cousine. Lila est arrĂȘtĂ©e. Et Salima se rĂ©veille, dans sa cellule et commence un nouveau jour, âle mĂȘme peutĂȘtre quâhierâ (id. : 310). Trois morts civils âSaidi, Touma et Bachirâ voilĂ le bilan pour cette journĂ©e dâopĂ©ration diffĂ©rente mais aussi similaire Ă tant dâautres. Aussi le texte semble-t-il suggĂ©rer que les jours se succĂšdent, se ressemblent, se perdent dans lâinfini et que seuls la mort et les Ă©vĂ©nements extraordinaires permettent de dĂ©marquer certains jours et de situer les autres dans un avant et un aprĂšs. Survenue quinze jours plutĂŽt (id. : 22), lors du prĂ©cĂ©dent jour dâopĂ©ration, la mort de la vieille Aicha, tuĂ©e chez elle par un obus, dĂ©voile en premier cette façon de mesurer le temps. Effectivement, le texte Ă©voque de nombreux Ă©vĂ©nements notables Ă partir desquels les personnages se situent dans le temps et comptent les heures, les jours, les mois et les annĂ©es Ă©coulĂ©es depuis leur avĂšnement. Dans ce contexte, sâĂ©claire la pertinence de ce que Paul RicĆur, Ă lâinstar dâEmile Benveniste, nomme le âmoment axialâ (RicĆur, 1985 : 158). DâaprĂšs Ămile Benveniste, le âmoment axialâ dĂ©signe âun Ă©vĂ©nem ent si important quâil est censĂ© donner aux choses un cours nouveauâ : Ă partir du moment axial, les aspects cosmiques et psychologiques du temps reçoivent respectivement une signification nouvelle. Dâun cĂŽtĂ©, tous les Ă©vĂ©nements acquiĂšrent une position dans le temps, dĂ©finie par leur distance au moment axial âdistance mesurĂ©e en annĂ©es, mois, { 192 }
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joursâ ou par leur distance Ă tout autre moment dont la distance au moment axial est connue (trente ans aprĂšs la prise de la BastilleâŠ) ; dâun autre cĂŽtĂ©, les Ă©vĂ©nements de notre propre vie reçoivent une situation par rapport aux Ă©vĂ©nements datĂ©s : âIls nous disent au sens propre oĂč nous sommes dans la vastitude de lâhistoire, quelle place est la nĂŽtre parmi la succession infinie des hommes qui ont vĂ©cu et des choses qui sont arrivĂ©esâ. (citĂ© par RicĆur, 1985 : 159) Les protagonistes des Enfants du nouveau monde considĂšrent le 8 mai 1945 comme une journĂ©e sanglante marquant un point dĂ©cisif dans leur vie et dans celle de leur pays. Pour ChĂ©rifa, mariĂ©e Ă 17 ans contre son grĂ©, Ă un Ă©tranger, le 8 mai 1945 est le jour de ses premiĂšres noces, mais plus important encore, sur le plan collectif, câest aussi le jour du massacre des AlgĂ©riens descendus dans la rue pour fĂȘter lâarmistice (Djebar, 1962 : 194). Lâemploi de cette mĂȘme date pour situer un instant prĂ©cis dans lâhistoire de ChĂ©rifa et dans lâhistoire politique de lâAlgĂ©rie est significatif. La prise de conscience de ChĂ©rifa et sa rĂ©volte contre la domination de son premier mari sont juxtaposĂ©es Ă la prise de conscience des AlgĂ©riens et Ă leur lutte pour la fin de la colonisation. Le 8 mai 1945, le drapeau vert de lâEm ir, le drapeau du pays, fut dĂ©ployĂ© pour la premiĂšre fois, depuis un siĂšcle (id. : 191). Câest Ă intervalles rĂ©guliers que les personnages du roman mesurent la durĂ©e de leur situation actuelle par rapport Ă un Ă©vĂ©nement passĂ©. Par exemple, le mariage de ChĂ©rifa Ă Youssef, son deuxiĂšme mari, date de cinq ans (id. : 24). Trois ans se sont Ă©coulĂ©s depuis que Touma a fui sa famille (id. : 269). VoilĂ 12 ans que Salima est institutrice et 10 ans que Hakim est policier. Mais lâaliĂ©nation sociale du policier nâest apparente que depuis un an (id. : 91). Mahmoud vit dans la clandestinitĂ© depuis deux ans (id. : 259) et ne voit pas les siens depuis quinze mois (id.: 260), etc. Dâautre part, la hĂąte de ChĂ©rifa pour avertir Youssef avant quâil ne soit trop tard semble confirmer que pour Djebar, comm e pour Marcel Proust, Claude Simon et dâautres romanciers, le temps et la mort sont inextricablement liĂ©s : la course de ChĂ©rifa contre le temps est littĂ©ralement une course contre la m ort. De plus, Lila, la belle-sĆur de ChĂ©rifa, est hantĂ©e par la mort et la rupture âla mort de sa mĂšre Ă dix ans, lâĂ©migration de son pĂšre Rachid, la mort de son bĂ©bĂ© â[m]alade et mort dans la mĂȘme journĂ©e, et dans la mĂȘme journĂ©e emmenĂ© Ă la terreâ (id.:
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71) et le brusque dĂ©part de son mari Ali qui a rejoint les combattants. En gĂ©nĂ©ral, tous les personnages des Enfants du nouveau monde sont prĂ©occupĂ©s par le tem ps. Les femmes et les hommes dont la vie depuis la guerre est dĂ©terminĂ©e par lâattente, par le couvre-feu et par la mort des leurs ne cessent de se demander quand arrivera la fin de la guerre (id. : 24). Dans chaque chapitre, au moins un personnage se pose des questions concernant le prĂ©sent, le passĂ© et lâavenir. Et si Jean, le commissaire se demande combien dâannĂ©es il lui reste avant la retraite (id. : 302), un Arabe anonyme se pose des questions sur le passĂ© collectif : âOĂč Ă©tait le tem ps [âŠ] de notre monde avec ses rites, son passĂ©, ses coutumes⊠Mais quâest-ce aprĂšs tout, que le passĂ©, que les habitudes ?â (id. : 56). Deux protagonistes semblent, cependant, plus prĂ©occupĂ©es par le temps que les autres. Il sâagit de Lila et de Salima. LimitĂ©es Ă un espace rĂ©duit, ces deux fem m es ont du mal Ă se situer dans le temps. Elles semblent m ĂȘm e avoir perdu jusquâĂ la notion du temps tant les jours, pour elles, se ressemblent et sâĂ©ternisent, comme elles, dans lâimmobilisme. Ni lâune ni lâautre ne quitte lâespace qui les dĂ©finit. Lila reste des jours entiers seule sans quitter lâappartem ent quâelle a pris aprĂšs âlâabandonâ dâAli. Salima, dans sa cellule, ne sait plus depuis combien de nuits elle reste assise entre les interrogations (id. : 97). SĂ©parĂ©e de son mari, Lila sâempĂȘtre dans son histoire personnelle tandis que Salima, cĂ©libataire, sâanĂ©antit pour la lutte collective. Le temps pose un problĂšm e pour Lila parce quâelle se replie sur elle-mĂȘme et cherche refuge dans les souvenirs de sa vie passĂ©e. Le temps, elle sâen souvenait aussi. Mais Ă quoi bon se souvenir : le temps Ă©tait maintenant toujours pareil, une durĂ©e affaissĂ©e comme une corde Ă jouer de fillette qui traĂźne dans la poussiĂšre. Elle ne disait plus : âDemainâ, âbientĂŽtâ, âtout Ă lâheureâ, ces notations banales qui nous portent, sans nous faire oublier la route â route parcourue Ă pas si menus quâelle livre la sensation dâun prĂ©sent qui sâĂ©tale et que lâon croit possĂ©der, dâun avenir sans danger dont on sâimagine ĂȘtre toujours sur le point de jouir, illusion de lâavenir, illusion de sa jouissance. Lila se voyait dĂ©sormais comme un objet dĂ©fait, livrĂ©e au dĂ©sespoir de vivre ainsi immobile. Pour toujours ? La question nâavait aucun sens. (id. : 47)
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Comme dâautres femmes sĂ©parĂ©es de leur mari combattant, Lila croit que âle temps ne compte plusâ (id. : 24). Et quoique, avant de la quitter, Ali lâait traitĂ©e âdâĂ©goĂŻste, dâindiffĂ©rente, de bourgeoise, de conservatriceâ (id. : 129), il reste que Lila ne sait quoi faire de sa vie sans Ali. Ses journĂ©es sont âlongues et videsâ (id. : 121). Le temps pour elle est âun ocĂ©an noir Ă©talĂ© devant elle, que ne sillonnait rien, aucune voile, oĂč ne sâouvrait rien, aucune routeâ (id. : 37). Lila ne sait plus depuis combien de temps elle vit dans cet appartement et refuse de compter les jours : Depuis quand vivait-elle lĂ , au dernier Ă©tage de cet immeuble vide, au bord de la route ? Lila nâaurait su le dire. Elle ne sâinterrogeait pas, pourquoi compterait-elle les jours ? Ătait-ce aujourdâhui au dĂ©but de lâaurore, ou hier Ă lâaube, ou bien voici trois jours, quatre, quâelle Ă©tait entrĂ©e dans ces lieux ensoleillĂ©s, fraĂźchement repeints, dâun pas rĂŽdeur, comme si le hasard seul lây poussait. (ibid.) ParallĂšlement, Salima dans sa cellule âne sait ni lâheure quâil est, ni le jourâ (id. : 95). AprĂšs âdix jours dâinterrogatoire, ou onze, ou vingt⊠elle ne sait plusâ (id. : 95), Salima, cherche toutefois Ă savoir quel jour il est et si le printemps est maintenant fini (ibid.). Contrairement Ă Lila, qui a choisi pour elle-mĂȘme lâisolement, Salima la militante cherche, quant Ă elle, Ă se situer dans le temps pour rester avec les siens. Ainsi demande-t-elle la date au gardien arabe et cet homme analphabĂšte lui apporte, Ă sa visite suivante, un bout de papier qui indique le 24 mai 1956 (id. : 99). Et quand, assommĂ©e par la fatigue et la douleur, Salima perd Ă nouveau le sentiment du temps, elle finit par remettre en question, elle aussi, comme Lila, lâutilitĂ© de ses efforts : Combien de jours depuis Ă©taient passĂ©s ? Elle ne cherche plus. Elle est lasse. Puisquâelle est sans voix, elle ne veut plus faire dâeffort. Pourquoi se situer dans le temps, ce fleuve noir ? Un jour viendra oĂč elle sera rejetĂ©e sur la berge. Elle se reposera. Ce sera la fin. Elle pourra dormir ; dormir. (ibid.) Il est intĂ©ressant de noter que dans ce contexte, le temps sâexprime pour Salima, comme ailleurs pour Lila, Ă travers des mĂ©taphores semblables suggestives de fluiditĂ© et dâobscuritĂ© : le temps est un ocĂ©an noir pour Lila et un fleuve noir pour Salima. Or, il importe de remarquer que Salima se distingue de Lila par les { 195 }
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efforts quâelle dĂ©ploie pour se situer et cela est indicatif de son engagement dans le monde tout comme de la lutte quâelle a dĂ» endurer seule pour sa propre Ă©mancipation de femme : Salima se tendait encore, ayant choisi une fois pour toutes de persĂ©vĂ©rer, de continuer en dĂ©pit de tout, du mĂ©pris de ces filles Ă©trangĂšres, de lâindiffĂ©rence des siens, de tant dâautres obstacles. [âŠ] Etait-ce vraiment hier, cette Ă©poque ? Voila quinze ans, ou seizeâŠElle Ă©tait alors, de la ville, la seule musulmane Ă poursuivre ses Ă©tudes. Un pĂšre mort Ă lâĂąge oĂč elle aurait dĂ», comme les autres, se cloĂźtrer ; une chance, en somme. [âŠ] Elle se revoyait alors Ă quinze ans, dĂ©cider, le jurer, puisquâelle Ă©tait lâaĂźnĂ©e, de âse conduire en hommeâ. (id. : 106-107) Salima est juxtaposĂ©e Ă Lila dont la libertĂ© fut facilitĂ©e par la modernitĂ© et la prĂ©voyance de son pĂšre Rachid qui annonçait que âles temps [allaient] changer et que mĂȘme les filles [auraient] besoin dâĂȘtre armĂ©esâ (id. : 206). Lila reconnaĂźt avoir eu de la chance : âJe suis sans liens, sans contraintes ! [âŠ] leurs opinions, leurs principes, leurs craintes, leurs lĂąchetĂ©s, bref, tout ce qui subsiste du clan, de la tribu, dâun passĂ© mort, jâai pu y Ă©chapper, grĂące Ă mon pĂšre, grĂące au bonheur !â Cette libĂ©ration sans souffrance lui paraissait, en effet, une chance (id. : 208). Salima, par contre, a dĂ» se battre toute seule. Ainsi, aprĂšs sâĂȘtre reposĂ©e un tant soit peu, elle reprend courage et se remet Ă m esurer le temps : elle se rappelle que le jour mĂȘme de son arrestation (un samedi), elle a achetĂ© pour la toute prem iĂšre fois, un bouquet dâĆillets blancs pour signifier Ă la femme de Mahmoud que son mari Ă©tait maintenant en sĂ©curitĂ©. Salima ne cesse donc dâinterroger le temps, de le compter et de le faire compter Ă travers les objets et des actes opĂ©rateurs de changements politique et social. Si Salima puise parfois dans ses souvenirs, câest uniquement pour y trouver la force de rĂ©sister Ă la torture et de rĂ©aliser lâavenir de son pays : âLâavenir⊠Ce mot essentiel la liait Ă Mahmoudâ (id. : 105). Lila, par contre, nâatteindra cette phase dans sa propre quĂȘte personnelle quâĂ la toute fin de cette journĂ©e de mai. Avant le dĂ©part de son mari, Lila se prĂ©lassait dans le bonheur du moment prĂ©sent et ne sâintĂ©ressait pas Ă lâavenir dont lui parlait Ali qui insistait sur lâimportance de la conscience politique com me fondement pour la
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libertĂ© du peuple algĂ©rien : Le discours commençait puis dĂ©bordait sur lâavenir. Lila ne lâĂ©coutait plus ; elle ne pouvait sâintĂ©resser Ă lâavenir, le sien comme celui des autres, installĂ©e quâelle Ă©tait dans son prĂ©sent comblĂ©. Ali sâirritait de sa distraction, partait vite en guerre contre son Ă©goĂŻsme âanimalâ accusaitil, en lui renvoyant ses mots. (id. : 173) Effectivem ent, tout semble indiquer que Lila, comme le peuple algĂ©rien, doit passer par un temps de remise en question et de prise de conscience avant de pouvoir sâengager dans la lutte pour lâavenir. Cette prise de conscience est qualifiĂ©e de ârĂ©veilâ dont la gĂ©nĂ©ralisation populaire est Ă©vidente aprĂšs quinze mois surtout pour Mahmoud (id. : 261-262). En fait la mĂ©taphore du ârĂ©veilâ est un leitmotiv qui sert de contrepoids Ă celui de somnolence. Cela est Ă©vident, par exemple, dans la description de la rupture de ChĂ©rifa dâavec son premier mari : âCet Ă©lan qui lâavait poussĂ©e, elle le sentit aussi comme un rĂ©veil ; oui, toute sa vie jusquâĂ ce jour nâavait Ă©tĂ© quâune longue somnolenceâ (id. : 34). Mais cette mĂ©taphore nâatteint le comble de sa signification politique que dans le cheminement de la prise de conscience qui entraĂźne Lila Ă lâengagement dans la lutte nationale. Si dans la premiĂšre phase de cette Ă©volution, Lila ressemble Ă âun malade qui se rĂ©veille dâune longue inconscienceâ (id. : 131), elle reconnaĂźt assez vite avoir nĂ©gligĂ© de prendre elle-mĂȘme sa place dans le monde et les activitĂ©s dâAli (id. : 130). Aussi Suzanne, une amie de longue date, apprĂ©cie-t-elle chez Lila : Cette force qui la redresse soudain, aprĂšs quâelle a paru sâĂ©puiser et se perdre dans mille tourbillons de lâĂąme [âŠ] Ah ! paraĂźtre, comme elle, un instant vaincue [âŠ], un instant aveuglĂ©e, paralysĂ©e (mais Suzanne la connaissait si bien : ce nâĂ©tait lĂ quâune halte quâelle se mĂ©nageait inconsciemment pour souffler, et sâapercevoir que son Ă©goĂŻsme seul, sa nonchalance lâavaient retardĂ©e sur la route), puis se rĂ©veiller, se cabrer et tandis quâon la croyait Ă©touffĂ©e [âŠ] elle renaissait. (id. : 124) Or Ali, des annĂ©es plutĂŽt, avait dĂ©jĂ entrevu la place de sa femme dans la lutte nationale : [Ali] sentait que si quelquâun devait, un jour, coĂŻncider avec les temps { 197 }
guilioh m erlain vokeng n gnintedem Folie post-colon iale et polar dâAfriq ue fran coph on e
nouveaux qui sâannonçaient, quâil attendait pour sa part avec impatience, câĂ©tait peut-ĂȘtre Lila ; elle seule pourrait avec la mĂȘme luciditĂ© quâil lui voyait dĂ©ployer pour trouver la vĂ©ritĂ© de leur amour, rĂ©tablir le fil qui allait fatalement se rompre, qui se rompait dĂ©jĂ entre cette Ă©poque de la soumission, du silence et celle qui approchait, qui avait enflammĂ© les montagnes, couru sur les campagnes et dont lâĂ©clat de sang hĂ©las, mais aussi dâespoir transperçait lâopacitĂ© illusoire des villes. (id. : 69) Comme celle du peuple, la prise de conscience conduisant Lila Ă la lutte nationale, nâest donc quâune question de temps. Câest dâailleurs le temps qui marque le discours de ChĂ©rifa lorsquâelle explique Ă Lila quâelle aurait voulu partir avec Youssef au maquis mais nâa pas osĂ© le lui demander : Ă certains moments, certaines choses paraissent si proches, si faciles, puis une minute, une seconde passe⊠AprĂšs, ce nâest plus pareil, et ces choses redeviennent comment direâŠextraordinaires, lointaines ?... [âŠ] Dâailleurs [âŠ] il semblait dĂ©jĂ si pressĂ©, il lui fallait faire tant de choses, avertir les autres⊠Ce nâĂ©tait pas le moment !... (id. : 231) Et Lila de reconnaĂźtre quâAli lâaurait emmenĂ©e si elle lâavait voulu : âSeulement, ce nâĂ©tait pas, pour moi non plus, le m om ent. JâĂ©tais (elle hĂ©site)⊠jâĂ©tais en retardâ (id. : 232). âJâaurais dĂ» me rĂ©veiller viteâ (ibid.). Et quand Lila comprend que lâattente est une forme de sommeil (ibid.), voire de mort lente (id. : 246), Lila dĂ©couvre en elle, vers la fin de cette journĂ©e, au moment de rencontrer Bachir, le sentiment de renaĂźtre : Une journĂ©e si longue pour elle, comme un saut Ă©talĂ© dans un espace nouveau ! Ce temps passĂ© lui paraĂźt Ă prĂ©sent un lac noir, des eaux stagnantes duquel elle se voit en train de jaillir, avec une lenteur surprise devant lâĂ©coulement de ces heures. Cette rencontre avec ce jeune homme quâelle aime comme son frĂšre lui semble terminer le jour en une renaissance. Mais comme le rĂ©veil a Ă©tĂ© dur, hĂ©sitant ! (id. : 223) Cette sensation de rĂ©veil et de renaissance atteint son apogĂ©e lorsque Lila est enfermĂ©e dans la mĂȘme cellule que Salima (id. : 310). Aussi, est-il Ă©vident que si le temps, dans Les Enfants du nouveau monde, est parfois associĂ© Ă la mort, il nâest cependant pas prĂ©sentĂ© comme un
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Ă©lĂ©ment destructeur qui efface les traces du passage de lâhomme. Le temps ne fait pas lâobjet dâune mĂ©ditation sur lâusure des choses. Et contrairement Ă lâexpĂ©rience de Marcel dans Ă la recherche du temps perdu, le rĂ©veil ne constitue pas un moment dâangoisse oĂč le protagoniste se trouve un instant perdu. Il sâagit plutĂŽt dâune mĂ©taphore pour une prise de conscience conduisant Ă la participation Ă la lutte nationale. Dans Les Enfants du nouveau monde, les heures de lâhorloge se suivent et sâenchaĂźnent inĂ©luctablement et le temps passe mais avec son passage se dessine petit Ă petit de plus en plus clairement un nouveau monde, plein dâespoir pour un avenir qui nâen sera que plus beau.
RĂ©fĂ©rences bibliographiques BOUZAR, Wadi (1984) Lectures maghrĂ©bines, Alger/Paris, OPU/Publisud. DJEBAR, Assia (1962) Les Enfants du nouveau monde, Paris, RenĂ© Julliard. POULET, Georges (1964) Ătudes sur le temps humain III, Paris, Librairie Plon. REUTER, Yves (1991) Introduction Ă lâanalyse du roman, Paris, Bordas. RICĆUR, Paul (1984) Temps et rĂ©cit II. La Configuration dans le rĂ©cit de fiction, Paris, Seuil. RICĆUR, Paul (1985) Temps et rĂ©cit III. Le Temps racontĂ©, Paris, Seuil. WEINRICH, Harald (1973) Le Temps. Le rĂ©cit et le commentaire, Traduit de lâallemand par MichĂšle Lacoste, Paris, Seuil. { 199 }