VEGAN POP !

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numéro 0

Vegan Pop !

Les news de la planète Vega

by Smmmile

rentrée 2017


Les box boutique vegan arrivent...

Chaque mois, découvre de nouveaux produits vegans éthiques et tendances : alimentation, cosmétiques, soins, que tu aies envie de te laisser surprendre, d’offrir ou de découvrir le véganisme, cette box réserve son lot de belles surprises. Des éditions limitées sont aussi au rendez-vous, mises à l’honneur par un influenceur, une personnalité ou une association de protection animale !

Compassion. Qualité. Diversité. boutique vegan, votre alliée éthique connectée.

Notre Vision : un service de qualité, des produits d’excellence et innovants, une relation de confiance.

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Vegan Pop !

édito Mais pourquoi Vegan Pop ? Parce que, pour nous, être végane c’est pop : flashy comme un tableau de pop art et enivrant comme une pop song. Parce que nombre des idoles qui ont façonné notre culture populaire se sont questionnées sur notre rapport aux animaux : Einstein et sa langue bien pendue, Stevie Wonder et son groove implacable, Rosa Parks et sa détermination, Pythagore et son théorème.

POP, c’est la manière dont on a envie de raconter le mouvement végane : en

musique, en s’inspirant de ce qui se passe ailleurs, avec gourmandise et curiosité, avec style et éthique, humour et sérieux. Un militantisme coloré et ouvert. Créer un espace de rencontre et l’accompagner d’une bande-son : c’est de cette envie que sortait de terre, il y a un an, la première édition du SMMMILE - Vegan Pop

Festival.

Aujourd’hui, alors que nous sommes en pleins préparatifs de la deuxième édition du festival, voilà que vous tenez, dans vos deux mains éblouies, le magazine VEGAN POP ! , avec toujours cette même envie : créer un lieu d’expression ouvert, fruit du travail de nombreuses personnes de talent, véganes ou non, toutes bienveillantes envers notre démarche. Ce numéro 0 a la sincérité de l’urgence et les défauts qui vont avec ! On s’y questionne sur la manière de rendre le mouvement végane plus inclusif, pour qu’il grandisse en ne laissant personne de côté. On y regarde ce qui se passe outreAtlantique : ce mouvement Black Vegan en pleine ébullition qui fait le pont entre antiracisme et véganisme ou encore comment Los Angeles devient le temple de la gastronomie végane. On y rencontre des entrepreneurs français qui font le véganisme de demain et puis on y parle mode, bonnes adresses, littérature et musique ! Bref, il est là le numéro 0, Vegan ET Pop.

Rien ne vaut la vie !

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Sommaire p.6 p.7 p.8 p.9 p.10 p.11

p.12 p.16

p.20 p.23

p.25 p.26 p.30

p.33 p.38 p.39 p.41

Vegan Pop !

LES NEWS DE LA PLANÈTE VEGA

Les good news Les comptes véganes à suivre OKJA : Vegan E.T. Les chiffres pour briller en société TI AMO : Zoom sur Règne animal de Jean-Baptiste DEL AMO Les indispensables

ILS ONT TOUT COMPRIS :

Aujourd’hui Demain : Le concept store du futur Les investisseurs défendent leur bifteck végane

ON AIMERAIT BIEN COMPRENDRE :

Théo nous explique : Une affaire de dictionnaire La fracture végane

EN MODE PAS TRASH :

Vegan Twins Rock Carte Blanche à Manifeste011 Tu aimes le cuir ?

INTERSECTION :

Plaidoyer pour un véganisme inclusif Black Vegan ou comment lutter contre l’invisibilité Breeze Harper – Docteur ès Black Vegan Chef Babette - a change is gonna come

CUISINE p.46

p.50 p.53 p.56 p.59

p.62 p.66

Le potager de Charlotte - Un air de famille

BÊTE DE SON

Un festival végane, c’est quoi ? Le SMMMILE Vanessa Wagner - Piano combat Sexe drogue et quinoa Bachar Mar-Khalifé – Smoke On The Water Wheel

EN ROUTE

L.A. Confidential

LA MAUVAISE HUMEUR

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Vegan Pop !

Les contributeur·rice·s Carole GALAND

artiste, journaliste et rédactrice en chef de plusieurs magazines dont le magique « la plume de swane » - s’instruire et rêver pour changer de regard sur la maladie.

Amélie ESCOURROU

épicurienne chic ! Connue sous le pseudo de Citizen V, elle est une véritable encyclopédie de recettes à tomber, bonnes adresses et conseils mode. http://citizenv.paris

Cheyma BOURGUIBA

entrepreneuse végane (co-fondatrice de Aujourd’hui Demain) et militante multicasquette. Elle plie le game dans les discussions sur la convergence des luttes !

Théo RIBETON

V comme Végane, I comme Inrocks, S comme Stylist, Théo décrypte le mouvement végane de A à Z.

Geoffrey SEBILLE

fan de Queen ET des cochons d’inde, il est rédacteur, chroniqueur, conférencier chez www.nayonspaspeurdesmots.com

Julien GEFFRIAUD

cinéphile incorruptible, il entasse l’intégrale des « cahiers du cinéma » dans ses toilettes. On peut aussi le voir derrière un micro, comme chanteur lead de Yalta Club.

Jihem DOE

journaliste engagée et globe-trotteuse, Détroit et ses multiples luttes est sa deuxième maison.

youtuber végane, on ne le présente plus ! Note de la rédaction : il ne faut pas le chercher, il est ceinture noire de yoga et maître shaolin de rhétorique antispéciste.

Charlène ROMAO

Valentin RIGLET-BRUCY

Florence AL TALABANI

consultante en « mode végane » et spécialiste du cuir sans animaux.

Aurore DUPONT-SAGORIN

journaliste, photographe et réalisatrice, elle est aussi pourvoyeuse de LOVE avec sa marque Tigger & Pepper.

Alice GALAND

rédactrice et bloggeuse, entre culture et slow life, retrouvez-là sur lapromenadeinopinée.com

Mariana DE AZEVEDO

philosophe, entre Bruxelles et São Paulo.

Marine CHAPON

photographe de Vegan Pop !, elle habille ce premier numéro de son regard doux et élégant. www.talesofher.fr

Patrick WILLIAMS

journaliste pour le magazine Elle, il est aussi la voix et la plume du cultissime groupe de rock les Daltons

journaliste à Europe 1 pour Les carnets du monde et tennisman de talent : le mot juste et le coup droit !

Rédacteur en chef

Nicolas Dhers

Direction artistique / maquettage

Michael Sallit (www.michaelsallit.com) Photographe du magazine

Marine Chapon Illustrateur·rice·s

Abigail GOH, Valérian Marguery Secrétaires de rédaction

Camille Serny, Sara Afonso Pereira, Carole Galand, Julien Geffriaud et Geoffrey Sebille Traducteur·rice·s

Marie Huet, Jean-Baptiste Flamin Directeur commercial

Jean-Benoît S Robert Contact

smmmileveganpop@gmail.com Le magazine Vegan Pop ! est imprimé par Iro à la Rochelle. Un grand merci à tous les contributeur·rice·s, à Carole Galand et Julien Claudé-Pénégry pour nous avoir assistés dans la tâche de rédaction en chef, à nos partenaires et aux équipes du Trabendo. p.5


Vegan Pop !

Les news de la planète Vega

Les good news

par Geoffrey Sebille

Royal Dauphin

En marche vers le véganisme ?

Alors que l’on n’attendait plus grand chose de Ségolène Royal, prise en flagrant délit de jets de harengs du haut de la mairie de Dunkerque et de chasse aux loups dans les Pyrénées, l’exministre de l’Environnement a conclu son mandat avec un retournement de situation digne d’un but en or de Laurent Blanc. Un arrêt interministériel a effectivement été signé le 3 mai 2017 visant, entre autres, à interdire la reproduction des orques et des dauphins détenus en France. En attendant la décision du Conseil d’état prévue pour septembre, c’est avec un plaisir coquin que nous accueillons cette nouvelle, fantasmant à l’idée que les cétacés puissent à nouveau faire des folies de leurs corps sans pour autant remplir les poches des parcs Marineland, Astérix et Planète Sauvage.

Début juillet, Fernando de Andreis a annoncé sur son compte Facebook que désormais, “le lundi, on mange végane”. Jusque-là, la nouvelle nous fait une belle jambe sauf que Fernando de Andreis n’est autre que le secrétaire général de la Casa Rosada, le palais présidentiel argentin et que le menu préparé “sans viande, poisson, œufs, beurre, mayonnaise ou lait” concerne les 554 employés de la maison, le président Mauricio Marci inclus. Tout un symbole lorsque l’on connaît la ferveur argentine pour les joies de la grillade. à quand le mardi sans hachis à l’Elysée ?

Copains comme cochons

« Et si ce n’était qu’ une histoire de cuisine ? Le week-end dernier, alors que mon estomac criait junk food et lendemain de fête, j’ouvris mon frigidaire. Tomates du balcon, salade, pain à hamburger et steak de soja. Et voilà ! Miam. L’impression joyeuse de se faire du bien. Tout au fond de mon garde-manger mourait doucement une tranche de bavette. La mort violette tirait au vert. Je l’ai mise à la poubelle dans un sac, ce bout de vache tuée pour rien. J’ai refermé la porte du réfrigérateur. Et j’ai pris un doliprane. »

Mélanie Bauer, journaliste à France Inter « Vegan, quand j’entends ce mot, j’ai surtout envie de penser à un dessin animé. La planète Véga, dans Goldorak. C’était pas franchement des gentils, les gars de Véga, dans mon souvenir, et ils étaient tout moches. Ma question, c’est : mangeaient-ils du blanc de poulet ? »

Franck Annese, créateur de So Foot et Society, des mags qu’on aime bien !

p.6


# # Vegan Pop !

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Les comptes véganes à suivre sur les réseaux

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@lespetitespatisseriesrawvegan Les pâtisseries, c’est bon même quand c’est cru.

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@inthesoulshine Une vibe végane et positive, rien d’autre.

@veganmemesofficial Parce qu’on s’y retrouve tou·te·s.

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Les news de la planète Vega

@avantgardevegan De la vegan food porn comme on aimerait en manger tous. les. jours.

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Retrouvez une petite sélection des comptes insta’ vegan friendly !

@veganpowerco Un compte sur ce qu’on préfère : vegan & pop !

@jennymustard Minimalisme + féminisme + véganisme.

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Okja Vegan E.T.

Vegan Pop !

Cinéma par Julien Geffriaud

Les news de la planète Vega

Dans la droite lignée de Snowpiercer, Bong Joon-ho se pose en successeur de Spielberg avec une ambition claire : définir les bases d’un cinéma populaire du 21ème siècle. Construit comme un conte initiatique et cathartique, Okja nous conte l’histoire d’une super-truie et du combat de sa jeune amie Mija pour la sauver des griffes de Mirando/ Monsanto, géant agroalimentaire sur le point d’inonder la planète de sa nouvelle viande de porc OGM pseudo-écolo. Bien entendu - superproduction oblige Mija finira par sauver son amie Okja. Mais le happy end a un coût, et pas des moindres : la découverte de la violence extrême derrière la façade colorée et grand-guignolesque du greenwashing, la toute-puissance de l’argent, le cynisme du monde des adultes. Okja est sauvée, mais l’innocence de Mija est perdue à jamais. à trop vouloir appuyer sa thèse en empilant personnages et situations caricaturales, le film gagne en didactique ce qu’il perd en cinéma. Mais ne faisons pas les fines bouches.

Les grands films sont ceux qui continuent de mûrir en nous longtemps après la séance, qui nous permettent d’éclairer notre monde sous un jour nouveau. Et en ce sens, le pari est réussi. Okja fait entrer les sujets brûlants de l’alimentation, de la surconsommation et de la condition animale dans les foyers connectés du monde entier. De manière parfaitement consciente, Bong Joon-ho utilise les mêmes ressorts que Mirando pour parvenir à ses fins. Mais la cause est noble, et le jeu en vaut la chandelle. Comme Mija, l’enfant qui regarde le film sera confronté à son tour à la grande supercherie du Monde. Cerise sur le gâteau végane, Okja est une œuvre féministe qui réserve tous les plus grands rôles – jusqu’à celui du cochon en images de synthèse - à des femmes. Dans le marasme hollywoodien actuel, c’est déjà un exploit. Il fallait bien un Bong Joon-ho pour réussir ça.

On se fait un autre film ? Le cinéma d’anticipation s’est souvent intéressé au futur de nos assiettes, et ça fait pas rêver. Morceaux choisis.

Brazil

de Terry Gilliam (1985) Chez Terry Gilliam, le futur n’est que bureaucratie, chirurgie esthétique, torture et… nourriture à base de petits tas de bouillie de couleur. Hélas, le film n’en dévoile pas la recette. Merci qui ?

Soleil Vert

de Richard Fleischer (1973) - Attention spoiler ! « Mange tes morts tu ne diras point ». En 2022, New York se nourrit principalement de Soylent Green, des tablettes vertes de nourriture de synthèse. Faites de quoi ? De cadavres humains pardi ! L’anthropophagie estelle végane ? En tentant de répondre à cette question, Charlton Heston aurait définitivement perdu son smmmile.

Blade Runner

de Ridley Scott (1982) Ouf, enfin un futur « normal » où les noodle bars sont légion. Problème : il n’y a plus d’eau. Alors comment faire cuire des nouilles ? Encore un paradoxe temporel passionnant.

p.8


Chiffres : L'infographie pour briller en société

1500

Vegan Pop !

8000 8000

c’est, en pourcentage, la croissance du marché des produits véganes en un an au UK. Brexit but Veg’in.

c’est le nombre de personnes qui ont adhéré à l’association L214 entre janvier et août 2016. Si ça continue, il va falloir installer des caméras de surveillance dans leurs bureaux pour voir s’ils ne truquent pas leurs inscriptions.

92 92 c’est, en pourcentage, l’augmentation du nombre de produits véganes présents sur le marché australien depuis 2014. Autrement dit, presque le double. Un petit pas pour l’humanité, un bond de kangourou pour le véganisme.

Les news de la planète Vega

70 70 0 0

zéro zéro zérooooooo zéro zéro zérooooooo

c’est, en km/h, la vitesse d’une autruche au sprint. À titre de comparaison, Usain Bolt a pointé à environ 45km/h lors de son record du monde du 100 m. Alors, on arrête un peu de se foutre de la gueule des autruches et on va s’acheter un short.

c’est le nombre de véganes en Europe qui ont mangé des œufs assaisonnés au Fipronil, le nouveau pesticide en vogue. Miam.

83

c’est, en pourcentage, la quantité de poulets de chair (sur 800 millions en 2014) qui n’ont jamais mis une plume dehors. On félicite les 17% qui ont réussi à trouver la sortie. p.9


Vegan Pop !

Illustration : Abigail Goh

TI AMO :

Zoom sur

« Règne Animal »

Les news de la planète Vega

de

JeanBaptiste DEL AMO par Valentin Riglet-Brucy

Votre sensibilité à la condition animale est-elle récente ? Où trouve-t-elle son origine ? Avec son dernier roman « Règne Animal », Jean-Baptiste Del Amo propose au lecteur de suivre l’évolution sur près d’un siècle (1898-1981) d’une ferme traditionnelle devenue un élevage porcin industriel. On y découvre les conditions de vie des hommes... ET des bêtes qui occupent une place à part entière dans le récit, avec des passages consacrés à leurs conditions d’existence et, de fait, aux traitements souvent cruels dont ils sont l’objet. « Règne Animal » confirme avec maestria l’avènement d’un style littéraire où des destinées tragiques, humaines et animales se font écho.

J’ai toujours été sensible à la condition des animaux, mais je suis longtemps resté dans une forme de déni, d’ignorance et de fatalisme en considérant que l’exploitation des animaux était un mal plus ou moins nécessaire à la survie de l’humanité. La visite d’un élevage porcin il y a cinq ans a totalement chamboulé ce point de vue. La position dans laquelle j’étais m’est alors apparue insoutenable. J’ai eu le sentiment d’être dessillé, et j’ai décidé d’arrêter de consommer de la viande, puis des produits d’origine animale, mais aussi de m’engager auprès de l’association L214.

p.10


Vegan Pop !

Les animaux ont déjà leur place dans la littérature (Les Fables de La Fontaine, le livre de la jungle, etc.) mais bien souvent leur animalité n’y est qu’un prétexte pour traiter de problématiques exclusivement humaines. Aviez-vous à cœur de conserver une certaine objectivité dans la description des animaux du roman ?

Les animaux survivent et meurent à la merci des humains dans la première époque du livre comme dans la seconde. La tuerie du cochon dans la cour de la ferme est aussi violente qu’une mise à mort sans étourdissement dans un quelconque abattoir moderne. Peut-être y avait-il néanmoins, dans ces petites fermes, la possibilité pour les hommes et les femmes, de tisser un lien avec les animaux; ce qui me semble très peu probable aujourd’hui dans des élevages industriels. Il est évident que les conditions de vie de ces animaux pouvaient en ce sens être préférables, mais la finalité n’en restait pas moins la mise à mort arbitraire de l’animal. Un système voué à faire naître, exploiter et mettre à mort des êtres doués de sensibilité m’apparaît être une aberration morale et n’a aucune raison d’être. Renoncer à l’exploitation des animaux est un défi majeur de notre civilisation.

L’orientation sexuelle ou encore la famille sont des thèmes récurrents de vos précédents romans... Envisagez-vous d’aborder de nouveau le sujet de la condition animale dans vos prochains livres ? Je n’envisage jamais un roman par son thème. Je pense avant tout à une histoire, à des personnages, à des images ou des sensations. Je ne me sens pas non plus porteur d’un quelconque discours. Mon engagement pour la cause animale est avant tout un engagement personnel, que je dissocie de mon travail d’auteur de fictions. Cela étant, il me paraît inévitable que les animaux et la question de l’animalité continuent de traverser mes romans d’une façon ou d’une autre. Enfin, en septembre, je publierai aux éditions Arthaud un livre consacré à l’association L214 : L214, une voix pour les animaux. C’est un exercice différent pour moi, car il s’agit d’une approche plus documentaire. Le livre présente l’histoire de l’association à travers le témoignage de plusieurs de ses militants, mais aussi par le biais de récits d’enquêtes menées dans les abattoirs.

Les indispensables À voir !

Chicken Run

Des poules qui prennent leur destin en main, c’est bien ! Pour les grands et les petits.

Cowspiracy

L’élevage ça pollue, un peu, beaucoup, à la folie... Léonardo Di Caprio et la rédaction de VEGAN POP ! aiment beaucoup ce film !

Food, Inc.

Pour changer de regard sur son assiette.

À li(v)re Les animaux ne sont pas comestibles

de Martin Page OK tout est dit dans le titre mais ça vaut le coup de le lire !

Plaidoyer pour les animaux

de Matthieu Ricard Bouddhisme et véganisme font bon ménage c’est un fait ! Mention spéciale style pour le kesa, la robe orange et rouge que porte M. Ricard, totalement swag.

Insolente Veggie

de Rosa B La BD d’une végétalienne très très méchante qui fait rire tout le monde même les omnivores !

p.11

Les news de la planète Vega

J’ai cherché à traiter les animaux et les humains d’une même façon. S’il nous est facile d’imaginer l’intériorité de l’être humain, cela reste bien plus difficile pour l’animal. Je voulais éviter l’écueil de l’anthropomorphisme, et j’ai donc adopté un point de vue extérieur, ne décrivant que les gestes, les regards, en essayant de suggérer par-là quelque chose de cette intériorité, de cette façon d’être au monde. Lorsque je me suis aventuré plus avant dans l’approche de l’animal, c’est en m’autorisant de le décrire par le prisme des sensations.

Estimez-vous la condition animale plus enviable dans les premiers temps de votre saga (ère paysanne - fin XIXème) qu’à la fin (ère moderne années 80) ?


Ils ont tout compris

Vegan Pop !

Aujourd’hui demain, le concept store du futur

© Marine Chapon

par Aurore Dupont-Sagorin

Raphaël et Cheyma ont 25 ans et ils s’apprêtent à ouvrir les portes d’Aujourd’hui Demain, un concept store vegan de 150 m2 dans le 11e arrondissement de Paris. Rencontre avec un duo atypique, ambitieux et bienveillant. Tout a commencé en janvier 2016 quand Cheyma a décidé, suivie de près par Raphaël, de quitter son job dans le marketing, pour se lancer à temps plein dans le projet Aujourd’hui Demain. « On avait fait le tour de nos jobs respectifs, la conjoncture le permettait et la demande était grandissante donc ça nous est apparu comme une évidence ». L’idée titillait Cheyma depuis un bout de temps déjà. Devenue végane en 2012, à l’époque où l’offre était encore très mince, pour ne pas dire inexistante, elle avait été frustrée de l’absence de choix dans le milieu de la mode. « En grande amoureuse de sneakers originales, je me suis un peu retrouvée dépourvue ». Le couple décide alors de rassembler des marques véganes encore méconnues mais déjà très recherchées et fraîchement disponibles sur le marché. « On a voulu apporter à la communauté des produits cools tout en redorant un peu l’image passée du véganisme parce qu’être végane, ce n’est pas une privation, ni une somme de restrictions difficiles à vivre, c’est avant tout un kif! ».

Une sélection qui fait rêver Leur concept store se veut donc hype mais aussi gourmand, tout à leur image. Côté cantine, ils proposent tout simplement ce qu’ils aiment manger. « Grilled cheese, pâtes fraîches, freakshakes... On est très comfort food mais on proposera aussi des alternatives pour ceux qui sont plus branchés healthy food ». Le tout sans huile de palme, et essentiellement bio et de saison. Le côté boutique propose une épicerie et un large rayon lifestyle avec des produits mode, cosmétique, déco, et une myriade de livres sur le véganisme mais pas seulement. « De nombreuses causes nous tiennent à cœur et elles font partie intégrante de ce monde meilleur qu’on essaye de construire ». Un monde meilleur et accessible à tou·te·s. Par le prix des produits, volontairement abordables et par l’ouverture aux autres, primordiale. « On ne voulait pas une boutique musée qu’on regarde sans oser toucher, on voulait surtout un lieu inspirant avec de beaux produits qui donnent envie d’essayer ». Regarder, toucher, essayer et peut-être réaliser que demain se dessine dès aujourd’hui. p.12


Vegan Pop !

AJD les produits ! Retrouvez une sélection des produits disponibles dans la boutique.

T-shirt « Petit Panda »

Sac à dos « Love & Soul »

par Kaliber Fashion | 98€ | Le minimalisme du streetwear berlinois dans un sac à dos équitable et intemporel.

Tote Bag « Tofu »

par Aujourd’hui Demain | 10€ | Même pas un an, mais déjà un classique. C’est notre chouchou.

Montre « All Black » par Votch | 133€ | « All black everything », à toute heure et sans souffrance. Ils ont tout compris

par Tigger&Pepper | 23€ | Plus doux et plus mignons que ce t-shirt : les bébés qui le portent. 1€ reversé à L214 pour chaque achat.

Scarabeus

par Insecta | 145€ | L’art de transformer des vêtements vintages et des bouteilles de plastique recyclées en chaussures magnifiques.

Osla

par Flamingo’s Live| 50€ | Des sneakers espagnoles colorées, confortables et accessibles. « Sweet life, sweet life »

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Vegan Pop !

Eau de parfum « Cuba » par Fiilit | 25€ |

À en croire la petite Luna sur le flacon, ses coussinets vont mieux que nos pieds.

Flacons-recettes d’entretien par Galipoli | 12€ | Des flacons-recettes gradués pour un entretien de la maison sain et DIY. Le ménage n’a jamais été aussi cool.

Ils ont tout compris

Il paraît que les véganes sentent naturellement bon, mais certain·e·s vous diront que c’est grâce à cette petite merveille.

Baume pour chien « Soin des coussinets » par Bkind | 19€ |

Laine bicolore « Damya »

par Kaneh Bossem | 12,50€ | Une pelote écologique en fibres recyclées, mi-chanvre mi-coton bio. Les moutons peuvent se rhabiller.

Le Doudou

par La Petite Frawmagerie | 6€ | Toutes les qualités du terroir auvergnat dans un fromage végétal. À consommer de préférence après quelques semaines.

Gel intime lubrifiant par Erinea | 16€ | Vous savez ce qu’on dit : « vegans do it better »... Déso pas déso.

Coco-Chia

par Vitaquell | 3,70€ | Médaille d’or aux Jeux Olympiques de la margarine, catégorie sans huile de palme et sans gluten.

Chantilly au riz

par Soyatoo | 2,50€ | La chantilly végane et sans huile de palme existe, on tenait à ce que vous le sachiez.

Chocolat au sésame blanc par Linnolat | 6€ | Ce chocolat blanc gastronomique vous fera oublier ce que vous pensiez savoir sur le cacao. p.14


Ils ont tout compris

Vegan Pop !

Dates-clés Janvier 2016

Joie par Joie Factory | 2,80€ |

Soy Jerky « Hot & Spicy » par Vantastic Foods | 3,60€ |

Un jus à la fleur d’hibiscus bien frais nous met toujours en joie. Bissap is the new black.

Meilleur que le Beef Jerky, sans viande et bien relevé. Vantastic !

L’idée d’Aujourd’hui Demain naît dans les esprits libres de Raphaël et Cheyma _

Avril 2016

Rencontre avec Idir Hamizi, un entrepreneur chevronné qui les convainc que leur rêve a de l’avenir _

Décembre 2016

Objectif de collecte atteint sur la plateforme de financement participatif KissKissBankBank soit 21543€ recoltés en 50 jours _

Mars 2017

Raphaël et Cheyma sont lauréats du Réseau Entreprendre 93 _

Septembre 2017

Ouverture du concept store dans le 11e arrondissement de Paris

3 questions à Cheyma et Raphaël Qui vous inspire ?

Vegan Good Life : c’est un magazine allemand hyper cool qu’on adore. Il a été créé par un couple issu du milieu de la mode et de la photo, et leur identité visuelle est toujours magnifique et leurs sujets hyper intéressants. C’est le genre de personnes qu’on ne connaît pas mais dont on ressent l’authenticité. Ils nous rappellent pourquoi on fait les choses et comment on a envie de les faire.

Un message pour les omnivores ?

Essayez de tester les alternatives véganes et vous découvrirez des merveilles dont vous ne soupçonnez pas l’existence ! Ne vous laissez pas submerger par le côté insurmontable car c’est loin de l’être. Et de toute façon, nul besoin d’être parfait pour avoir un impact !

Un message pour les véganes ?

Vous êtes tous des gens cool, restez bienveillants, on vous aime. N’attendez pas un changement radical de la part des gens, on n’est pas nés véganes non plus, il ne faut pas l’oublier.

p.15


Ils ont tout compris

Vegan Pop !

€€€ Reportage

Les investisseurs défendent leur bifteck vegan par Carole Galand

Aujourd’hui, ignorer le véganisme pourrait bien représenter un risque important pour les grands groupes alimentaires. Et ce sont les gros portefeuilles de ce monde qui le disent, avec un pouvoir de conviction autrement plus important que les ONG, les citoyen·ne·s, et les chiffres alarmants réunis… Le début d’une nouvelle ère ?

p.16


Ils ont tout compris

Vegan Pop !

Un beau matin de septembre, le patron de Tesco recevait une lettre lui intimant de développer des alternatives aux protéines carnées. Le même jour, le patron de McDonald’s se voyait conseillé de limiter l’utilisation des antibiotiques qu’il donne aux animaux entrant dans la composition de ses produits1 . Wallmart, Kraft ,Heinz, Unilever, Nestlé... En tout, ils sont 16 mastodontes de l’alimentaire à avoir reçu, au même moment, des lettres militantes de ce genre, rappelant le caractère irresponsable de leurs pratiques. Une campagne de PETA? D’Oxfam ? Loin de là : les cosignataires du texte ne sont autres que 54 fonds de pension et grands actionnaires. Aviva Investors, Boston Asset Management… En tout, ils pèsent quelque 1.200 milliards d’euros d’actifs. Quant à l’expéditeur des missives, il s’agit de FAIRR (Farm Animal Investment Risk & Return), groupement d’intérêts économiques hostile à l’élevage animal, fondé par Jeremy Coller. Végétarien convaincu depuis l’âge de 12 ans, ce dernier a parallèlement investi dans plusieurs start-ups spécialisées dans les substituts de viande. Ces start-ups, ce sont Impossible Foods, Hampton Creek ou encore Beyond Meat. Et elles peuvent compter sur le soutien de nombreux·euses autres investisseur·euse·s visionnaires : Beyond Meat est ainsi soutenue par la société Obvious Corporation, créée par Biz Stone et Evan Williams, les fondateurs de Twitter. Et le 3 août dernier, Impossible Foods clôturait une levée de fonds de 75 millions de dollars, pour laquelle Bill Gates, entre autres, a mis la main au portefeuille2.

‘ le marché des protéines végétales devrait augmenter de 8,4% dans les 5 prochaines années ’ Jérémy Coller

Des citoyen·ne·s précurseurs Le véganisme deviendrait-il tendance ? Du côté des citoyen·ne·s, nous n’avons pas attendu que les gros portefeuilles de la planète s’intéressent au sujet pour faire changer nos comportements, et c’est tant mieux : en 2050, nous serons 9 milliards de personnes à chercher quotidiennement de quoi nous nourrir, et les terres arables disponibles pour cultiver les céréales destinées à notre précieux bétail ne suffiront pas pour satisfaire nos besoins si nous ne changeons pas radicalement nos habitudes alimentaires3. La prise de conscience écologique, mais aussi les scandales liés à la façon dont sont élevés, puis tués les animaux, ont fait sensiblement bouger les lignes ces dernières années : aux États-Unis, le nombre de véganes a doublé depuis 2009, et 33% des Américains omnivores déclarent manger des produits végétariens4. Une tendance plus que confirmée en Grande-Bretagne, où le nombre de véganes a augmenté de 360% ces dix dernières années5 ! Des chiffres qui nous confirment que non, le véganisme n’est pas un effet de mode…

1 80% des antibiotiques produits aux états-Unis sont donnés au bétail.

2 En 5 ans, Impossible Foods a levé 257 millions de

dollars. 3 D’après les estimations de la FAO, il faudrait que la production de viande augmente de 70% pour satisfaire aux besoins de tous sans changement majeur d’habitudes alimentaires. Mais 70% des terres agricoles dans le monde sont déjà destinées à nourrir les animaux. 4 Étude Harris Interactive commandée par le Vegetarian Resource Group. 5 Étude Ipsos Mori pour la Vegan Society et le Vegan Life Magazine.

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Vegan Pop !

Des multinationales sous tension Ce qui est nouveau, en revanche, et ce que laisse entendre l’intérêt croissant des milliardaires pour le véganisme, c’est que l’évolution des comportements représente une opportunité immense pour les investisseur·euse·s. Plus encore : en ignorant ce mouvement de fond, ceux et celles qui continuent leur « business as usual » pourraient bien prendre un vrai risque financier. Jeremy Coller est le premier à le préciser aux multinationales destinataires de son courrier : « les investisseurs veulent savoir si les grandes sociétés agroalimentaires ont une stratégie pour éviter la bulle des protéines et profiter d’un marché des protéines végétales qui devrait augmenter de 8,4% dans les 5 prochaines années ». Et de fait, les grandes sociétés agroalimentaires ont très rapidement trouvé une stratégie : «Nos principales orientations demeurent l’innovation autour de nouveaux produits qui utilisent des protéines alternatives », a ainsi répondu Nestlé, trois jours après avoir reçu la lettre de FAIRR. Peu surprenant.

Ils ont tout compris

Des start-ups au taquet La nouvelle, évidemment, ne manque pas de ravir nos milliardaires qui misent tout sur les start-ups engagées dans la transition. Pour ouvrir encore un peu plus la brèche – jusqu’à l’infini et au-delà –, ces dernières entendent convertir une tranche de population bien plus massive que les véganes : ces millions d’Européens et d’Américains soucieux de l’environnement, sensibilisés aux enjeux, et à deux doigts de devenir végétariens malgré leur goût pour la viande, mais systématiquement pris de convulsions dépressives à la vue d’un steak de soja. Pour les aider à passer le pas, tous les moyens sont bons. Les spécialistes de l’ère post-viande de Beyond Meat bûchent d’arrache-pied sur plusieurs solutions 100% végétales, dont un substitut de poulet dont la saveur et la consistance seraient impossibles à différencier de son homologue sur pattes. « Ceux qui n’apprécient pas la viande n’aimeront pas », résume Biz Stone (pour en savoir plus rdv page 65), dont les burgers seront distribués dès cet automne dans plus de 280 supermarchés Safeway en Californie, à Hawaii et dans le Nevada. De son côté, Impossible Foods a obtenu il y a deux mois un brevet pour l’utilisation de la léghémoglobine de soja, un gène contenant du fer et susceptible de faire un steak « qui saigne ». Le hic ? La Food and Drug Administration6 n’a pas établi la non-dangerosité de cet ingrédient magique, et certaines associations telles qu’ETC Group, sont d’ores et déjà montées au créneau…

CES BOSS DE LA SILICON VALLEY QUI SE METTENT AU VERT Bill Gates, co-fondateur de Microsoft, a investi des millions de dollars à la fois dans Impossible Foods et dans Beyond Meat : « The future of meat is vegan »

Biz Stone,

co-fondateur de Twitter : « En bouche, le burger Beyond Meat ressemble tellement à de la viande qu’il donne la sensation que ce n’est pas bon pour ta santé : pour un végétalien de longue date, c’est presque bizarre ! »

6 Agence fédérale américaine contrôlant notamment la santé alimentaire.

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Vegan Pop !

‘ En Grande-Bretagne le nombre de véganes a augmenté de

360% ces dix dernières années.’

Des questions en pagaille À ce stade, des émotions contradictoires nous assaillent : sommesnous heureux ? Révulsés ? Scandalisés ? Sceptiques ? Tout en même temps ? Finalement, en quoi le fait que des businessmen·women déjà milliardaires se fassent encore quelques milliards sur le marché des produits véganes est-il un problème, si cela nous aide à passer des protéines animales aux protéines végétales, et par là-même à résoudre les problématiques de souffrance animale, de surfaces arables, et d’alimentation des générations futures ?

MAIS C’EST QUI JÉRÉMY COLLER ?

En donnant un coup d’accélérateur au mouvement, les investisseurs vont-ils s’encombrer de règles éthiques ? écologiques ? Et en tant que consommateur·rice, peut-on s’accommoder d’un véganisme non militant ? Doit-on tolérer des allié·e·s de circonstance, qui ont le pouvoir de faire avancer nos combats même s’il·elle·s n’ont pas les mêmes buts ? Ou doit-on chercher à changer profondément la société dans son ensemble, y compris nos rapports aux autres, et combattre tout ce qui n’irait pas dans le sens d’un mouvement puriste et cohérent ? Le débat est ouvert…

Végétarien depuis qu’il a 12 ans, Jérémy Coller est président exécutif de Coller Capital, leader mondial du marché secondaire du capital investissement. Il a fondé FAIRR en 2015. « La dépendance mondiale à l’élevage agricole pour alimenter la demande croissante en protéines est la recette toute trouvée pour une crise financière, sociale et environnementale. »

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Théo nous

explique Une affaire de dictionnaire

Vegan Pop !

Théo Ribeton est journaliste et critique de cinéma à Stylist et aux Inrockuptibles. Il a publié en 2017 l’essai V comme Vegan aux éditions Nova.

C On aimerait bien comprendre

’est une scène que les aficionado·a·s de l’antispécisme connaissent bien. Devant un parterre d’activistes et de curieux·ses, une table ronde consacrée à la cause animale s’apprête à démarrer. Trois ou quatre intervenants (une journaliste essayiste, un représentant d’ONG, une militante de terrain…) se partageront le micro. Un modérateur les présente successivement mais prend soin, avant de donner le top départ du débat, de faire un rappel incontournable : la nomenclature. Un végane c’est ceci, un végétarien c’est cela, tandis qu’un flexitarien, un pesco-végétarien, un « reducetarian », un gluten-free… Les plus renseigné·e·s opinent du chef (il a bien récité la leçon !), les autres laissent entrevoir un sourire en coin (ah, les militant·e·s et leurs querelles de clochers…).

Flexi-pescoreduce-végétaquoi ? À quoi sert cet exposé scrupuleux, qui prend parfois des airs de rituel, voire de récitation de mantra ? « À faire de la pédagogie, et se protéger contre le dévoiement du sens de certains termes », pour Élodie Vieille Blanchard, présidente de l’Association Végétarienne de France, mais aussi à répondre à un souci de « vie pratique : c’est important qu’il y ait un mot pour chaque régime, afin d’être bien aiguillé·e et éviter de consommer par inadvertance un produit non souhaité, par exemple dans un avion ou à l’hôpital ». Pourtant, cette classification n’a-t-elle pas pris un peu trop de place ? Quel rôle faut-il lui allouer ? Et surtout n’y a-t-il vraiment rien qui cloche dans la manière dont on a pris l’habitude de la présenter, façon catalogue ? Car il semblerait, à entendre pour une énième fois la liste des sous-catégories de l’univers veggie, présentées comme équivalentes, qu’on puisse être « paléo » ou « flexi » comme on serait verseau ou capricorne.

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Vegan Pop ! C’est ce qui dérange Élise Desaulniers, auteure notamment de Vache à lait : dix mythes de l’industrie laitière et directrice de la SPCA, équivalent québécois de notre SPA. Le 4 juillet dernier, interviewée sur la chaîne iamvegan.tv, elle expliquait pourquoi il faudrait se débarrasser des termes comme flexitarien ou végétarien, et parler à la place de degrés de véganisme, « ce qui ne masque pas l’objectif ultime, qui est un monde sans exploitation animale ». Effectivement, le problème de ces termes intermédiaires, c’est leur finitude : le fait qu’ils semblent désigner un choix de vie entier et cohérent, et non un choix tronqué, transitionnel, renégocié à l’aune des circonstances de vie de chacun·e, ses goûts, son entourage, l’offre alimentaire à laquelle il·elle a accès, etc.

Alerte à l’étiquetage !

Le plus petit dénominateur commun

L’émergence du terme végane comme bannière à la fois d’un mode de vie refusant strictement toute exploitation animale (le véritable sens du mot) et d’autres pratiques concédant quelques compromis a peut-être déjà lieu. Plus court, moins rébarbatif, plus universel (sa graphie ne change pas ou peu d’une langue à l’autre) que les voisins « flexitarien », « végétarien » ou autres, « végane » est devenu le porte-étendard de facto de l’évolution des consciences sous toutes ses formes : il emporte haut la main la bataille des requêtes Google ou des mentions Twitter, sans parler des unes de presse ( « La folie végane », etc.), bien qu’il représente stricto sensu moins de personnes que ses concurrents.

‘Il semblerait, à entendre pour une énième fois la liste des sous-catégories de l’univers veggie, présentées comme équivalentes, qu’on puisse être « paléo » ou « flexi » comme on serait verseau ou capricorne.’

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On aimerait bien comprendre

Pour Desaulniers, seule la notion de véganisme correspond à une finalité morale. Le mot pourrait, ainsi amendé par des « degrés », devenir une sorte de terme englobant. « C’est le cas, par exemple, en écologie. On y trouve des courants variés en interne, et même beaucoup de dissensions, mais tous ceux qui s’en réclament utilisent le même mot sans se le disputer. On ne se dit pas “avionoécologiste” parce qu’on trie ses déchets mais qu’on prend à l’occasion un vol moyen-courrier… »

L’idée d’un terme générique, d’un dénominateur commun, semble donc atteignable. Mais elle n’est pas parfaitement satisfaisante, déjà parce qu’elle implique de galvauder la définition stricte du mot, et surtout parce qu’il n’est pas certain qu’elle soit souhaitée par tout le monde. En effet la profusion d’appellations désignant des régimes tous plus variés est bel et bien en phase avec un certain goût de l’époque pour les regroupements d’identités et les instincts grégaires. Brigitte Gothière, co-fondatrice de L214, s’en rend bien compte. « Au delà d’un certain sentiment de noyade effectivement ressenti par certaines personnes face à l’abondance de termes, c’est bien l’étiquetage qui est à craindre, l’idée que les régimes définissent des identités », explique-t-elle. « Même si je peux parfois le faire par commodité, j’évite au maximum de dire “un végane” ou “une végétarienne” : ces mots désignent des pratiques et non des personnes. »


Vegan Pop !

Des valeurs communes avant tout Le paysage veggie subdivisé en souscatégories n’est ainsi pas tant une échelle de l’engagement, qu’on pourrait translater verticalement sur un axe allant d’une alimentation totalement omnivore à un véganisme strict ; mais plutôt en réalité un spectre horizontal présentant une variété de groupes et d’orientations, à l’instar de celui qui décrit les différents sousensembles de la transidentité. Comme on dit déjà LGBT, ajoutant parfois un Q, un I, un A, dira-t-on un jour VVF et pourquoi pas P (pesco), O (ovo), R, (reduce) ? Peut-être. Ce serait là un aveu quelque peu décevant : celui de régimes que l’on adopterait pour se définir avant tout soi-même. Or si l’orientation sexuelle et le genre relèvent indubitablement de l’identité de chacun, le régime alimentaire et plus largement le mode de consommation n’ont pas prioritairement pour finalité la conscience de soi, c’est même plutôt le contraire avec le véganisme quel que soit son degré, s’agissant en l’occurrence de la conscience d’autrui. Laissons donc l’hystérie taxinomique à la presse amatrice de buzzwords à trois sous (sitôt apparus, sitôt oubliés – on parie que plus personne ne parlera de reducetarians dans deux ans ?) ou aux marques avides de hashtags hasardeux (un célèbre service de livraison de repas tentait récemment de faire ses choux gras sur le barbarisme « fraigétarien »). Car à force de se barder de néologismes plus ou moins éphémères, attirant à chaque coup l’œil des rubriques consos et l’intérêt de quelques curieux en quête d’une nouvelle phase identitaire, le véganisme risque d’apparaître bien plus compliqué qu’il ne l’est vraiment, s’inventer en interne des divisions virtuelles et contre-productives, et devenir un peu trop une affaire de dictionnaire.

‘On ne se dit pas “aviono-écologiste” parce qu’on trie ses déchets mais qu’on prend à l’occasion un vol moyen-courrier…’

Reducetarian C’est quelque part entre l’eau tiède et le fil à couper le beurre que le jeune new yorkais Brian Kateman réinventa en 2014 le flexitarisme, en lançant le reducetarianisme. Ayant acquis en 2016 une audience considérable, le mouvement recommande une consommation réduite de produits animaux portée par un refus du « tout ou rien ». La différence avec le flexitarisme ? Selon la FAQ du site, là où les flexi «consomment en priorité des végétaux avec une inclusion occasionnelle de produits animaux», les reducetarians « diminuent de façon raisonnée et graduelle leur consommation de ces produits dans le respect de leur propre régime » – bref, c’est la même chose. Mais en mieux ! Enfin, surtout en plus fédéré : le mouvement dispose d’une fondation, d’une plateforme de recherche, d’un Ted Talk, d’antennes nationales et, évidemment d’un bouquin, The Reducetarian Solution, d’une valeur de 16 dollars. Tandis que « flexitarien » commence à entrer, 13 ans après son titre de « word of the year », dans le vocabulaire courant, lui voilà donc un challenger de taille. En attendant le prochain ?

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Vegan Pop !

On aimerait bien comprendre

La Fracture Vegan par Patrick Williams

Mais les véganes eux aussi en ont gros sur la patate. Comme l’explique l’écrivain Martin Page, auteur de Véganisme (Robert Laffont) : « Souvent, quand tu annonces que tu es végane, les gens se montrent agressifs. Ils cherchent tout de suite à se justifier, disent que jamais ils ne pourraient faire comme toi... Alors, que tu ne leur demandes rien... »

On aimerait bien comprendre

C’est le bras de fer du moment, l’antagonisme de l’époque. À chaque fois qu’un·e végane se retrouve à table avec des non-véganes, les discussions deviennent tendues, complexes. On s’assied au restaurant, et l’un des convives annonce tout de go son véganisme. « Hein ? Quoi ?... Euh, ben tu n’as qu’à prendre la salade sur le menu... » « Impossible, il y a des oeufs et de la feta... » S’ensuit une intense négociation avec le serveur pour obtenir un plat sur-mesure. Et le sentiment chez le non-végane que le trouble-fête est un chichiteux. Mais le vrai malaise survient quand notre végane, pour se justifier, évoque le récit des abominables souffrances vécues par les animaux dans les abattoirs. Inévitablement, le non-végane se sent comme un assassin sanguinaire, un criminel irresponsable confronté à un nouveau croyant, quelqu’un qui aurait vu la lumière. Enfin, quand son voisin de table explique les risques que la viande fait courir à notre santé, notre amateur de saucisson a l’impression d’être en train de s’empoisonner et de se préparer à une mort imminente. Évidemment, quand on arrive à la glace, les rapports sont un peu refroidis...

En touchant ce point sensible qu’est l’alimentation, on provoque un mini-tremblement de terre. « Il y a eu beaucoup de moquerie de la part de ma famille, avoue Vanessa, 23 ans. Le pire, ce sont ces repas de fête où ils n’ont rien prévu pour moi, à part quelques crudités. Mais je ne suis pas un lapin !... » Un autre adepte du végétalisme se souvient de ce Noël où son père, un viandard revendiqué, lui a offert, sans ciller, une boîte de foie gras... Dur destin que celui de ce Moine moderne qui s’isole de la Communauté des Mastiqueurs. « Ma compagne, qui n’est pas végane, a eu vraiment peur que mes habitudes alimentaires nous coupent de nos amis... », constate Tristan, 35 ans. Souvent, les gens qui mangent de la viande asticotent les autres avec suspicion : « Mais pourquoi tu t’intéresses tant à la souffrance animale ? Et les souffrances des êtres humains ? »... « Mais on ne dit pas que la souffrance humaine n’est pas importante !, rétorque Vanessa. On peut être sensible aux deux... » La guerre entre Adeptes du saucisson et Adorateurs du tofu aura-t-elle lieu ? Non, car « la cause végane gagne de plus en plus de terrain et est de mieux en mieux acceptée », rappelle Martin Page. Un jour, nous ferons sûrement la paix alimentaire. Et nous organiserons un apéro géant pour fêter ça (avec des mini saucisses au soja).

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Carte blanche à

En mode pas trash

011

MANIFESTE

par Alice Galand

Vegan Pop !

Interview et série mode

Anti-fashion victimes

Leur boutique de mode Manifeste011 se construit à leur image : engagée, moderne et libre. Son credo : bousculer les codes et clichés de la mode végane en proposant du style, du style et encore du style. Si l’accent est mis sur le côté cruelty-free, elles ont aussi eu à cœur de sélectionner des vêtements respectant les droits humains et l’environnement. Rencontre avant l’ouverture en janvier 2018.

© Marine Chapon

Le duo Maud et Judith Pouzin, c’est une envie commune de révolutionner le paysage de la mode en France, de raconter l’histoire d’une mode végane de l’engagement et du désir. S’acheter une fringue parmi leur collection de marques pointues pour se faire plaisir tout en réalisant un acte militant ? C’est l’idée !

Quelle est votre vision de la mode végane ? Pour nous, la mode végane est nécessairement une mode responsable, transparente. C’est une mode qui s’inscrit dans la démarche de mouvements comme Fashion Révolution et Anti-fashion. Enfin et surtout ! Si la mode végane responsable participe à ré-inventer l’industrie textile et à combattre ses dérives, elle met un point d’honneur à garder l’essence même de la mode : le beau, le style, le plaisir, la frivolité, la séduction.

En quoi la mode est un vecteur privilégié, selon vous, pour donner accès au véganisme et à ses engagements ?

Le morceau qui... Judith - te rend gaie comme un pinson ? War de Julien Jabre - te donne la chair de poule ? Grief, dance to death de Madben & Manu Le Malin & Rebeka Warrior - te file le cafard ? My Sweet Prince - Placebo - te fait danser comme une bête ? Rave Jam - Trunkline

Maud - te rend gaie comme un pinson ? Just Can’t Get Enough de Depeche Mode - te donne la chair de poule ? Hologram (SALEM Remix) de These New Puritans - te file le cafard ? Pour oublier je dors - Mansfield - Tya - te fait danser comme une bête ? Stabat Mater - Sexy Sushi (Salut C’est Cool Mix)

Aujourd’hui, le véganisme est souvent confondu avec le végétalisme or le véganisme est non seulement une pratique de consommation plus globale, qui concerne par exemple d’autres biens de consommation courante comme la cosmétique ou les vêtements, mais aussi une pensée philosophique et politique. La mode végane s’adresse à tout le monde : quelqu’un qui aime la mode ou qui doit simplement se vêtir va acheter un vêtement parce qu’il lui plaît, sans considération éthique ou écologique. Avec Manifeste011 nous souhaitons rendre visibles les designers et marques engagés, et montrer que la mode, si elle fait référence au beau et au plaisir, peut aussi être un acte militant.

Quel a été le déclic pour vous lancer ? Nous sommes concernées par les problématiques environnementales depuis plusieurs années, tout en étant sensibles à la mode. La vision du documentaire The True cost il y a deux ans nous a fait prendre conscience des conséquences de l’industrie de la mode sur l’environnement, le respect des droits de l’homme et la société elle-même. Cela nous a donné envie d’agir pour changer les choses. Manifeste011 sera donc la première boutique de mode végane responsable, et ouvrira en janvier 2018, à Paris et en ligne ! C’est un projet mode, le style en étant une des valeurs. L’objectif : rendre la mode végane responsable désirable… pour tout le monde.

> manifeste011.com p.25


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droite droite

top SIDE PROJECT jean APRIL77 sneakers VEJA

gauche gauche

t-shirt APRIL77 chaussures ROMBAUT chemise WYLDE pantalon SUPER MARCHÉ

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pantalon SIDE PROJECT top capuche WANDA NYLON chemise SUPER MARCHÉ

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Photo : Léonard Méchineau Direction artistique : groupe CCC

Manifeste011

Vegan Pop !


maillot de bain LUZ Jean APRIL77 sweat WANDA NYLON chaussures ROMBAUT & BARRAGAN

Coiffure : Victor Bulle / Salon Les Belles Plantes Stylisme : Lucie Jeannot et Camille Bodinier Maquillage : Mélissa Biard, Produits Kat Von D Modèles : Jeremy, Ana, Alba et Naelle

Vegan Pop !

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Vegan Pop !

tu aimes le cuir ? Le cuir c’est beau, le cuir c’est naturel, c’est rock et c’est sexy. Ok, dans l’idée, on est d’accord. Sauf que le cuir, c’est aussi l’industrie la plus sale du milieu textile. Que ce soit vis-à-vis des animaux dont on vole la peau, des personnes qui le travaillent, ou de la pollution engendrée par sa production, la réalité n’est pas belle à voir. Si tu as malgré tout l’esprit cuir moustache, voilà qui devrait t’aider à laisser tomber ta veste, à la retourner, ou tout du moins à la voir autrement !

Le marché du cuir, ce n’est rien à côté du marché de la viande.

En mode pas trash

FAUX ! Il est urgent de détruire ce mythe selon lequel la peau est simplement un reste des abattoirs qui serait de toute manière jeté si elle n’était pas utilisée pour en faire du cuir : sachez-le, la peau est le sous-produit le plus rentable pour l’industrie de la viande. C’est d’ailleurs loin d’être un secret ! Yves Berger, alors big boss d’Interbev, lobby français de la viande, l’annonce ouvertement : « Maintenant, on gagne de l’argent : le kilo de cuir se vend même plus cher que le kilo de viande »1 . Le cuir représente en moyenne 20%2 à 40%3 des profits tirés de l’exploitation de la carcasse d’un animal. On joue aux écolos et on dédramatise en parlant « sous-produit » et « upcycling » pour définir le cuir, alors que dans les faits, la peau n’est pas un « sous-produit » de la viande, elle en est un « co-produit ».

Le cuir est fait à partir d’animaux tués pour leur chair. FAUX ! Spoiler alerte, le cuir de chien n’est pas une légende. Une enquête de PETA a dévoilé que du cuir de chien était fabriqué par des industriels en Chine, où aucune mesure n’est prise à l’encontre des personnes qui maltraitent les animaux tués pour leur peau. Les chiens errants sont alors ramassés dans les rues et frappés puis dépecés vivants. Les articles fabriqués en cuir de chien sont ensuite revendus à travers le monde à des consommateur·rice·s qui n’ont pas la moindre conscience de ce qu’il·elle·s achètent réellement. De façon plus décomplexée, les « peaux exotiques » sont très prisées dans le haut de gamme et proviennent souvent d’animaux qui sont alors presque exclusivement tués pour leur peau. Le cuir d’autruche par exemple représente environ 80% de la valeur monétaire de l’animal4.

par Charlène Romao

Le cuir a une empreinte carbone colossale. VRAI ! Sans surprise, le cuir, c’est un morceau d’animal mort. Pour rendre la peau imputrescible, on la traite avec des produits pas toujours très propres. Le tannage au chrome est la méthode la plus répandue – à hauteur de 80% pour la France, par exemple5. C’est la méthode la plus simple et rapide, mais également la plus nocive. Elle nécessite d’énormes quantités de produits chimiques dangereux dont des sels minéraux, du formaldéhyde, diverses huiles et teintures dont certaines sont à base de cyanure. Bien entendu, tous les déchets contenus dans le chrome sont considérés dangereux par l’Agence Européenne de Protection de l’Environnement. Les agents toxiques utilisés pour préserver les peaux demandent une immense quantité d’eau qui est souvent mal traitée – voire non traitée – avant d’être expulsée et d’atterrir dans les sols et les réserves d’eau voisines.

1 AFP « ils se disputent la collecte d’animaux morts dans les fermes » 13 janvier 2014 2 Association Envol Vert 3 Association One Voice 4 Kate Carter « Don’t Hide from the Truth » Guardian.co.uk, 27 août 2008 5 Fédération Française de la Tannerie Mégisserie p.30


L’industrie du cuir a un vrai coût humain. VRAI ! En Suède et en Italie par exemple, des études faites par PETA en 2011 sur les travailleur·euse·s des tanneries de cuir ont dépisté des risques de cancer entre 20% et 50% plus élevés que la normale. Du côté du Bangladesh, le quartier d’Hazaribagh à Dacca concentre près de 90% des tanneries du pays6. Le site a été classé comme étant le cinquième plus pollué du monde par le Blacksmith Institute7, on n’est pas loin de l’effet Tchernobyl. Les produits toxiques s’écoulent à même le sol et se retrouvent dans le grand fleuve de la ville, le Buriganga, qui est aujourd’hui le troisième fleuve le plus pollué au monde8. Les produits chimiques qui sont rejetés dans la nature sans traitement sont hautement nocifs voire cancérigènes pour l’humain. Inévitablement, aux abords des tanneries, le taux de mortalité est trois fois plus élevé que dans le reste du Bangladesh9. Le drame du Rana Plaza a choqué le monde entier face aux conditions de travail des ouvrier·ère·s du textile. Il s’avère malheureusement que les conditions endurées dans le secteur du cuir sont encore bien plus impitoyables10. Les salaires sont dérisoires, des enfants travaillent dans ces usines, aucune protection n’est donnée aux ouvrier·ère·s, et il·elle·s peuvent travailler jusqu’à 14h par jour, sept jours par semaine11. D’immenses sacrifices sont faits au nom de la mode chaque année : l’environnement est détruit, des millions d’animaux meurent, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants s’intoxiquent. Face à ce constat, il est difficile de ne pas s’engager pour réduire au maximum sa consommation de produits issus de l’exploitation animale et humaine.

Vegan Pop !

Faire du cuire propre, c’est possible. VRAI et FAUX ! Face à la prise de conscience grandissante des consommateur·rice·s, l’industrie du cuir n’est pas sans ressources. Beaucoup de marques se positionnent aujourd’hui sur le créneau des cuirs écologiques. On entend donc de plus en plus parler de tannage végétal (où le traitement de la peau est réalisé non plus avec du chrome mais avec des végétaux) ou de peaux biologiques. Mais on se détourne alors du réel problème : l’exploitation animale. Il n’y a bien entendu pas de gentille façon de mettre à mort un être qui a la plus pure et simple envie de vivre. De même qu’utiliser un processus de tannage plus respectueux de l’environnement ne changera pas l’impact nocif de l’élevage.

Les similicuirs en plastique ça pollue encore plus que le cuir de vache ! FAUX ! Les matières de remplacement, même issues du pétrole, sont un bien moindre mal. Quelle que soit la matière de substitution, elle pourra difficilement atteindre le même niveau de toxicité pour l’humain et l’environnement, et de gaspillage des ressources en eau que le cuir ; aussi synthétique soit-elle. Pour la comparaison, il est estimé que l’élaboration d’un produit en cuir ou en fourrure consomme en moyenne 20 fois plus de ressources que s’il était fabriqué en matière organique ou synthétique !12

Et maintenant, on fait quoi ? Des tonnes d’alternatives existent déjà ! Alors que certaines entreprises se penchent sur le développement de cuir de champignon, d’algue, de thé ou encore de raisin – oui, il y en aura pour tous les goûts – de nombreux produits en « cuirs véganes » écoresponsables sont déjà sur le marché. Il y en a beaucoup trop pour citer toutes les marques qui proposent ces produits, mais pour faire chauvin, on se contentera de quelques françaises comme Good Guys, Magnethik, By Blanch, Wonder Women Of The World ou encore Minuit Sur Terre. En plus de marques 100% véganes qui développent des chaussures et de la maroquinerie répondant aux enjeux éthiques et environnementaux actuels, tu peux aussi retrouver tes éternelles Dr Martens ou tes Veja d’amour en version végane. De plus en plus de marques s’attaquent à ce marché qui, petit à petit, sort de son statut de niche.

6 Benjamin Masse-Stamberger « Bangladesh : les forçats du cuir de

Hazaribagh » L’Express, 3 août 2014 7 Le Blacksmith Institute est une ONG américaine spécialisée dans les problèmes environnementaux 8 Benjamin Masse-Stamberger « Bangladesh : les forçats du cuir de Hazaribagh » L’Express, 3 août 2014

9 Annabelle « Ces substances que nous cache le cuir » ConsoGlobe, 23 décembre 2013

10 Constat de Richard Pearshouse, responsable de l’Asie chez Human

Rights Watch et auteur d’un rapport sur les conditions de travail à Hazaribagh 11 Pauline Petit « Les tanneries toxiques d’Hazaribagh : reportage photo de Pascal Mannaerts » ConsoGlobe, 13 février 2016 12 Ecotextile News

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Intersection

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intersection Intersectionnalité : notion employée en sociologie et en réflexion politique. L’intersectionnalité étudie les formes de domination et de discrimination non pas séparément, mais dans les liens qui se nouent entre elles, en partant du principe que le racisme, le sexisme, l’homophobie ou encore les rapports de domination entre catégories sociales ne peuvent pas être entièrement expliqués s’ils sont étudiés séparément les uns des autres. p.32


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Dossier

Plaidoyer pour un véganisme inclusif

par Cheyma Bourguiba

La question de l’exploitation animale est enfin entrée dans le débat public, attirant l’attention sur les associations de défense des animaux, et les citoyen·ne·s qui choisissent de lutter activement pour eux. Je m’en réjouis. Mais en tant que femme, végane, racisée, issue d’un milieu social pauvre, je constate que l’inclusivité au sein d’un mouvement supposé être progressiste est encore un objectif lointain. Cette tribune n’a certainement pas vocation à faire autorité ni même à être une feuille de route. Mais simplement à proposer, de façon bienveillante, des pistes d’amélioration en faveur de plus de reconnaissance des communautés qui subissent de multiples oppressions systémiques hors et dans le mouvement. Elle est le témoignage de la réalité d’une de ces personnes, qui a envie de voir le mouvement grandir en laissant une place à chacun·e.

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Pourquoi plus d’inclusivité ?

Vegan Pop !

adhérer à l’id ée qu’ i l n’est pas moral A qui bénéficie l’inclusivité ?

Intersection

L’inclusivité est le fait de prendre en considération les individu·e·s (que j’appelle ici les concerné·e·s) dans leurs singularités et les violences systémiques subies en raison de leur : genre, race (en tant que construction sociale), sexualité, classe sociale, capacité, croyance religieuse, âge. Inclure, c’est déjà ne pas exclure. C’est mieux visibiliser, représenter. Pourquoi le mouvement végane devrait-il être inclusif ? Pour une société plus juste, très simplement. C’est finalement cohérent avec la philosophie antispéciste. Antispécisme et véganisme : ces deux mots sont bien plus qu’une étiquette posée sur un mode de vie. Ce sont des outils politiques qui permettent de questionner le statu quo, de rendre visible et de critiquer un système reposant sur une idéologie illégitime pour exploiter injustement les animaux. Il est indéniablement question de justice sociale. Donc en principe, adhérer à l’antispécisme, et/ou au véganisme, c’est aussi adhérer à l’idée qu’il n’est pas moral d’opprimer quelque groupe que ce soit, sur la base de critères arbitraires.

d’oppri mer quelque groupe que ce soit, humai n ou non humai n.

L’inclusivité bénéficie en premier lieu aux personnes concerné·e·s, et c’est justement le but. En créant des espaces (médias, réseaux sociaux, associations, collectifs) d’expression et de discussion, elles en sont d’ailleurs les premières actrices. Déterminées à trouver les moyens de continuer à lutter pour les animaux sereinement, elles s’organisent. Certains espaces, par exemple dans le cas de groupes de véganes racisé·e·s et/ou féministes, fonctionnent en nonmixité, c’est à dire qu’ils sont réservés aux concerné·e·s. La non-mixité est un outil d’émancipation des groupes opprimés et marginalisés qui peut étonner : il lui est souvent reproché de diviser, de faire de la discrimination inversée, et de contraindre la liberté d’expression. Pourtant c’est tout l’inverse, il la permet. Parce qu’il reconnaît et tient compte de la singularité des vécus de personnes à l’intersection de systèmes de domination. Il permet d’échanger sur ses vécus sans les voir jugés, relativisés, ou niés. Ce n’est malheureusement pas la réalité des groupes véganes plus “mainstream” qui ne sont pas modérés, et même ceux se revendiquant de la convergence des luttes. J’aime beaucoup cette forme de militantisme. Je crois en l’autodétermination, et je la trouve efficace, pour nous améliorer en tant que militant·e·s, et améliorer nos outils. C’est pourquoi je souhaite lui donner une visibilité à travers cette tribune. Je ne cite ici volontairement aucun exemple de groupe. Je laisse aux allié·e·s le soin de faire leurs propres recherches s’iels* sont motivé·e·s et se sentent prêt·e·s à intégrer des groupes traitant de véganisme, de convergence des luttes, et/ou d’intersectionnalité. * iel(s) : pronom de la troisième personne, permettant de désigner n’importe qui sans distinction de genre.

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Vegan Pop ! Que faire si l’on ne subit pas d’oppression systémique - mais que l’on a tout de même envie de faire reculer toutes les formes d’injustice ? Très simplement, je propose ici un “contrat minimum du bien-vivre ensemble inclusif” :

privilèges

découverte

Cela commence par la découverte des publications d’associations, collectifs, auteur·e·s concerné·e·s pour comprendre les différentes formes d’oppression et leurs manifestations ordinaires.

Reconnaître ses privilèges et accepter que les revendications des autres à leurs droits ne nous délestent en rien des nôtres. Laisser la parole aux concerné·e·s. Une personne vivant une oppression est la mieux placée pour analyser son vécu et poser les limites de ce qui est acceptable.

argumenter

Construire un argumentaire en faveur des animaux sans blesser personne est possible.

Si l’on se sent en sécurité et en capacité de le faire, interpeller les auteur·e·s de propos déplacés, surtout s’ils sont bien intentionné·e·s.

débat

Intersection

Apprendre à reconnaître les arguments problématiques les plus couramment utilisés (voir encadré pour des exemples, et faire des recherches sur ce sujet bien documenté). Et de manière générale, se méfier des raccourcis dressant des équivalences entre les exploitations des animaux humains et non-humains, comme entre l’exploitation animale et l’esclavagisme, la traite des noir.e.s. Insupportables, ces comparaisons rendent le message antispéciste inaudible auprès de communautés qui peinent déjà à obtenir réparation pour des crimes qui ne sont ni résolus, ni lointains

soutien

Visibiliser cette thématique en apportant un soutien aux initiatives portées par les concerné·e·s. Ce peut être les financer, signer leurs pétitions, diffuser leurs contenus, etc.

Chacun·e est libre d’adhérer ou non aux concepts sous-jacents à ce contrat. Mais ces propositions garantissent au moins de limiter les attitudes toxiques dont les effets délétères ne peuvent être niés. Et qui ont pour conséquence d’isoler, voire d’exclure les militant·e·s concerné·e·s. p.35


Vegan Pop !

TOUT LE MONDE LIT (avant de sauver la planète) p.36


Et les associations dans tout ça ? En tant que concerné·e·s, on ne s’étonne pas des violences - conscientes ou non - entre militant·e·s. On choisit parfois de les confronter, parfois de s’en éloigner. Mais il y a des affronts qui sont plus difficiles à accepter et à pardonner : ceux des associations d’envergure nationales ou internationales. Nous sommes fatigué·e·s de voir des récupérations racistes ou homophobes d’autres luttes à des fins de visibilité, des porte-paroles douteux·ses aux actes sexistes graves notoires, etc. Parfois, ce sont des campagnes isolées et ratées. D’autres fois, une vraie obstination à les reproduire malgré les critiques argumentées et légitimes. Aux associations de poursuivre leurs propres priorités stratégiques sans utiliser les autres luttes comme marche-pied. Je n’ai pas de proposition à leur faire si ce n’est de transmettre ce que j’attends d’elles, en tant que concernée :

Une position officielle et spécifique sur la question, diffusée via les supports institutionnels disponibles au public. Une vigilance inter-associative, et des prises de parole publiques et courageuses, si une action qui aurait pour cause de décrédibiliser le véganisme venait à être organisée.

militer

Des mesures actives, spécifiques, pour rendre les conditions de militantisme de ses bénévoles sereines : formation à l’inclusivité, charte de bien vivre ensemble, modération des propos tenus sur leurs plateformes sociales, etc.

vigilance

Cesser définitivement toute forme de récupération des autres luttes, en étant à l’écoute des réactions des personnes qui les portent.

Vegan Pop !

Tout le monde peut devenir végane Le problème de la bannière du “tout le monde peut devenir végane” est qu’elle est une attitude paresseuse qui ne tient pas compte des réalités sociales, culturelles, géographiques, économiques, ou ayant trait à la santé des individus et leurs conditions. Ne pas avoir conscience de cela entraîne des comportements oppressifs, même inconscients. Par exemple, minimiser les risques du végétalisme chez les personnes neuro-atypiques et/ou souffrant de troubles du comportement alimentaire est capacitiste. Parfois, les arguments sont teintés de violence de classe. L’anodin “mais non, ce n’est pas cher, il suffit de bien s’organiser” sonne comme une double peine, culpabilisante pour les personnes précaires déjà bien occupées à chercher à manger tout court. Beaucoup de micro-agressions répandues sont utilisées comme “argumentaires”. Le problème, c’est que cela contribue à rendre le milieu militant suffoquant, et à exclure des personnes pourtant motivées et sensibles à la cause. Il faut accepter que parfois, le véganisme ne soit pas un mode de vie atteignable, soutenable. Continuer à l’ignorer et choisir la voie de la culpabilisation plutôt que de la tolérance et du renforcement positif est contre-productif et va à l’encontre de nos connaissances sur la psychologie du changement. Les militant·e·s antispécistes ne peuvent ignorer ces questions sans échouer dans leur entreprise de faire progresser le véganisme.

En pratique, je sais qu’il n’est pas facile de naviguer entre les différentes formes d’oppression. Mais je revendique le droit à exiger du milieu militant végane des actions concrètes et urgentes pour faire de l’inclusivité une réalité. La convergence des luttes, il ne suffit pas de la déclarer. Elle n’est pas unilatérale mais nécessite une implication conjointe. Autrement ce n’est qu’une posture qui reproduit les injustices qu’elle prétend rejeter. Je crois fermement à l’idée que chaque initiative entreprise en faveur de plus de solidarité contribue à faire une promotion plus large, plus efficace du véganisme. Faisons ensemble grandir le mouvement en nombre, en talents et en porte-paroles efficaces. Cela ne peut que bénéficier aux animaux non humains. p.37


Black vegan ou comment lutter contre l’invisibilité par Florence Al Talabani Les véganes sont-iels* tou·te·s blanc·he·s ? La réponse à cette question peut paraître risiblement évidente, mais à regarder l’image qui en est généralement donnée, il est difficile de nier une identité qui domine la face publique du véganisme : blanc·he, classe moyenne voire plus. C’est en réaction à cette image biaisée et unidimensionnelle qu’un mouvement “black vegan” s’est développé aux États-Unis. Dans ce pays, né de la colonisation et de l’esclavage, issu d’une longue histoire de violence physique, sociale et économique envers les non-blanc·he·s, et où les tensions raciales sont particulièrement fortes en ce moment, la question de la visibilité et de la représentativité des minorités de tout mouvement activiste se pose. Le mouvement black vegan vient justement souligner la diversité des pratiques véganes aux États-Unis, et affirmer qu’être végane n’est qu’une facette d’une identité complexe. Il rappelle également que le rapport - fondamental - à la nourriture ne peut être dissocié de la société dans laquelle nous vivons. Une société dans laquelle 26 % des Noir·e·s vivent sous le seuil de pauvreté aux états-Unis (pour une moyenne nationale de 15 %). Dans laquelle il est nécessaire de rappeler que “Black Lives Matter”. Dans laquelle 10 multinationales possèdent la majorité des marques alimentaires - dont 2 seulement n’ont pas à leur tête un homme blanc. Le black veganism est porteur de tout cela. En juin 2015, la jeune activiste végane Aph Ko publiait une liste de 100 personnalités véganes et noires. Le but de cette liste ? Affirmer que si l’image du véganisme est avant tout blanche, c’est que la communication autour du mouvement ne reflète pas la réalité. Au top de cette liste, Breeze Harper, docteure en géographie alimentaire critique, auteure et conférencière. Nous l’avons interviewée.

Pour aller plus loin

- Le site du Dr Breeze Harper : sistahvegan.com - Black Vegan Rock, le site d’Aph Ko : blackvegansrock.com - Bientôt sur vos écrans, le film the Invisible Vegan @Invisible Vegan * iel(s) : pronom de la troisième personne, permettant de désigner n’importe qui sans distinction de genre.


Vegan Pop !

Breeze Harper

Interview

Docteure ès Black Vegan Le véganisme comme moyen de remettre en question les normes Vegan Pop – Quel regard portez-vous sur votre pratique du véganisme ?

1 mouvement qui cherche

à faire face, de façon pratique, aux problèmes sociaux, environnementaux, à l’injustice via une approche bouddhiste.

2 notion employée en sociologie et en réflexion politique. L’intersectionnalité étudie les formes de domination et de discrimination non pas séparément, mais dans les liens qui se nouent entre elles, en partant du principe que le racisme, le sexisme, l’homophobie ou encore les rapports de domination entre catégories sociales ne peuvent pas être entièrement expliqués s’ils sont étudiés séparément les uns des autres.

Amie Breeze Harper, docteure en sciences sociales – Ma pratique du véganisme trouve ses racines dans le bouddhisme engagé1, et j’adopte une approche intersectionnelle2 : j’aimerais pouvoir mettre en pratique une manière de vivre qui générerait le moins de souffrance possible, pour les êtres humains comme pour les animaux non-humains. Et puis j’ai le sentiment qu’une alimentation végétalienne holistique est la bonne voie, qu’elle me permet d’être en accord avec ma physiologie.

Comment et pourquoi ce mouvement « black vegan » a-t-il émergé aux États-Unis ? En quoi pensez-vous qu’il était nécessaire? Je ne suis pas certaine qu’il soit réellement apparu aux États-Unis. La communauté noire a toujours pris part aux événements nationaux, mais elle a été marginalisée ou rendue invisible, parce que c’est le vécu des Blanc·he·s qui est au cœur de tous les aspects de la vie américaine. Je pense que des outils comme les réseaux sociaux permettent à une communauté rendue invisible de devenir plus visible et de s’unir. Ces réseaux ont permis à des gens qui se définissent comme noir·e·s et véganes de montrer au reste du monde non-noir, en tout cas aux États-Unis, que les Noir·e·s pratiquent bel et bien le véganisme. Un véganisme qui reflète une histoire collective, celle de leur survie dans un système marqué par un racisme anti-Noir·e·s institutionnalisé, alors même que le mouvement dominant végane blanc ne se pose pas la question de l’influence des privilèges raciaux sur la pratique végane. J’ai le sentiment que ce mouvement est absolument nécessaire, parce que tout mouvement unidimensionnel ou monolithique, ou qui ne tient pas compte de la perspective sociale de ses membres, n’est pas assez inclusif, ni assez englobant.

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Intersection

© Pax Ahimsa Gethen

‘‘ Le mouvement dominant végane blanc ne se pose pas la question de l’influence des privilèges raciaux sur la pratique végane.’’


Vegan Pop ! Certains mouvements véganes ont fait le lien entre le fait de tuer des animaux et le lynchage des Noir·e·s américain·e·s. Quelle réaction vous inspire cette comparaison ? Beaucoup ne comprennent pas que le racisme n’appartient pas au passé, et que des logiques anti-Noir·e·s et suprématistes blanches opèrent au sein du mouvement végane majoritaire (qui est un microcosme aux États-Unis). Je crois que la plupart des principales organisations véganes et animalistes qui font cette comparaison l’emploient sans réfléchir à la façon dont elles-mêmes, si elles sont principalement dirigées par des Blanc·he·s, vont en fait dans le sens d’une certaine idéologie de supériorité blanche, sur le plan systémique. En ce sens, utiliser la comparaison avec le lynchage des Noir·e·s équivaut généralement à de l’appropriation. Parmi les organisations (principalement dirigées par des Blanc·he·s) qui s’approprient ces images, beaucoup ne sont pas solidaires, en parallèle, des efforts pour mettre fin au lynchage des Noir·e·s qui opère de façon plus subversive dans la sphère technologique (je pense au profilage racial et aux injustices du système pénal américain) ; elles ont davantage tendance à mettre en avant le slogan « All lives matter » (« Toutes les vies comptent ») par opposition au « Black Lives Matter » (« Les vies noires comptent ») : cela participe de micro-agressions raciales et d’une non-reconnaissance du lynchage technologique toujours à l’œuvre contre la population noire aux États-Unis. Il existe encore un manque de pensée critique concernant le racisme, surtout de la part des Blanc·he·s, qui ne comprennent pas que le racisme est encore un problème aujourd’hui, et qu’en grande partie, ce sont elles et eux qui le perpétuent et le maintiennent en place, même si c’est parfois de manière inconsciente.

Comment l’origine raciale, la classe sociale et le genre influencent-ils notre rapport à la nourriture ?

sur la pureté de ce que l’on mange. Cette rhétorique se concentre principalement sur le·la consommateur·trice. Mais la question de « qui » a la possibilité de consommer ces produits alimentaires plus « éthiques » ou plus « écolos » est en fait liée à la classe sociale (celles et ceux qui ont les moyens socio-économiques les plus élevés) et à l’origine raciale (les Blanc·he·s, pour la plupart). Mais on peut établir un autre lien avec la chaîne de production alimentaire : qui récolte la nourriture ? Qui a été exploité·e pour que cette nourriture existe ? La plupart du temps, ce sont des personnes noires qui récoltent les fruits et légumes dans des conditions extrêmement dures et injustes, et qui sont invisibilisées. Voilà quel est le rapport de ces personnes avec la chaîne de production alimentaire, dans une société capitaliste néolibérale. Ce qui me semble intéressant, c’est que la plupart des gens avec qui j’en parle se définissent comme blanc·he·s et véganes, et n’ont jamais connu la précarité alimentaire, ils ne comprennent pas ce que signifie être un·e consommateur-rice privilégié·e. Les seules questions qu’ils se posent sont : cet aliment a t-il eu un impact sur un animal non-humain ? Est-ce que ce que je mange est pur et sain pour mon corps ? Cela tient au rapport qu’ils ont avec la chaîne de production, car ils n’ont jamais vécu l’envers du décor, ce ne sont pas eux qui récoltent. Ils n’ont pas une compréhension globale de ce qu’acheter de la nourriture végane signifie. Voilà un exemple de la façon dont l’ethnie, la classe sociale et le genre peuvent avoir une influence sur ce que mangent les gens.

‘‘ J’aimerais pouvoir mettre en pratique une manière de vivre qui générerait le moins de souffrance possible, pour les êtres humains comme pour les animaux nonhumains’’

Je pourrais répondre à cette question de plusieurs manières. D’abord, je suis consciente que mon point de vue sur le véganisme est conditionné par mon approche critique et mes études culturelles. Je m’intéresse donc à la manière dont l’origine raciale, la classe sociale, le genre et le fait d’être blanc·h·e influencent le milieu végane mais aussi les domaines de la nourriture et de l’éthique. Un exemple que j’aime utiliser est celui de la chaîne de production alimentaire et de la façon dont le racisme institutionnel, la pauvreté et les inégalités de genre sont intégrés au système alimentaire. Le capitalisme a besoin d’exploiter les gens en utilisant des récits qui évoquent une certaine infériorité raciale, dans un contexte de suprématisme blanc. Dans la culture gastronomique, par exemple, on insiste beaucoup

Comment la question du véganisme croise-t- elle/est-elle en lien avec la lutte contre la discrimination raciale ou sexuelle ?

C’est une question difficile et très personnelle en ce qui me concerne. J’essaie de réfléchir à des façons de décoloniser le corps, de décoloniser nos esprits, dans ce que je considère être un système capitaliste suprématiste blanc, dans lequel le racisme, le sexisme mais aussi le spécisme sont la norme. De mon point de vue, la lutte contre le racisme et la lutte contre le spécisme sont liées : en effet, pour se maintenir, le capitalisme suprématiste blanc doit faire en sorte que soit considérée comme plus importante la vie des 1% de personnes majoritairement blanches, cisgenres, valides et hétérosexuelles, la vie de celles et ceux qui, depuis la fondation de ce pays, sont au pouvoir depuis cinq cents ans. Et historiquement, l’animalité a été un argument essentiel pour justifier l’exploitation et la maltraitance des non-Blanc·he·s, et dans une certaine mesure des femmes blanches. Donc, pour moi la pratique du véganisme est une manière de remettre en question ces normes.

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Vegan Pop !

Intersection

Interview

Chef Babette

A change is gonna come par Mariana de Azevedo

Pionnière du mouvement végane dans la communauté afro-américaine, « Chef Babette » fait rimer au quotidien gastronomie avec engagement politique. Rencontre avec une infatigable combattante.

© DR

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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération.


Vegan Pop ! Dur dur de donner un âge à la tornade Babette Davis. Née à Los Angeles, la cheffe végane de 66 ans, alliage explosif de fraîcheur, de beauté et de force physique, a fait sa transition vers le véganisme il y a 27 ans, quand elle a rencontré son futur mari, le musicien Rondal Davis. A l’époque, Babette avait une alimentation plutôt « irrégulière » dont découlaient beaucoup de problèmes de santé : asthme, eczéma, problèmes de digestion... Il lui fallait souvent jeûner pour soulager ses souffrances. C’est lors de leur premier rendez-vous que Rondal lui a préparé son premier repas végane : « C’était un repas très simple mais délicieux, et je me suis sentie incroyablement bien après avoir mangé. » Cette rencontre humaine et culinaire - qui deviendra la pierre angulaire de son travail et de son activisme politique - fait voler en éclat les idées reçues de Babette sur le véganisme. Elle entreprend alors un gros travail sur elle-même afin de changer son hygiène de vie. « Je suis aujourd’hui probablement dans la meilleure forme de ma vie. J’ai presque 67 ans et je travaille toujours, je fais du sport, je ne prends aucun médicament et je n’ai plus de problèmes de santé… Ma vie a complètement changé ! » s’enthousiasme-t-elle.

« Il n’est jamais trop tard pour changer ses vieilles habitudes, surtout si ça peut avoir un impact positif sur votre vie et celle d’autres êtres sensibles. »

« Je suis aujourd’hui probablement dans la meilleure forme de ma vie. J’ai presque 67 ans et je travaille toujours, je fais du sport, je ne prends aucun médicament mais je n’ai plus de problèmes de santé… »

Pour Babette, l’éducation est la clé du changement. « Il est impossible d’envisager un changement véritable dans ma vie si je n’essaye pas de changer ce qui cloche autour de moi. Je veux juste que nous puissions nous faire entendre, en rassemblant de plus en plus de monde, sans quoi nous allons tous périr sur cette planète. Aujourd’hui je peux partager mon mode de vie grâce au pouvoir des réseaux sociaux. Et c’est une bonne chose parce que j’inspire les autres, vraiment. Je suis pour la vie, complètement. Il n’est jamais trop tard pour changer ses vieilles habitudes, surtout si ça peut avoir un impact positif sur votre vie et celle d’autres êtres sensibles. »

1 Le site du restaurant : https://www.stuffieat.com 2 Le terme soul food serait apparu dans les années 1960, à une époque où

le terme soul était communément utilisé pour faire référence à la culture afro-américaine notamment pour la musique « soul ».

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Intersection

Une fois entrés dans leur processus de transition vers le véganisme, elle et son mari ont commencé à vendre de la nourriture dans les églises de leur quartier. épatée par les possibilités phénoménales du nouveau régime qui s’offre à elle, Babette s’enferme en cuisine et apprend, rate, perfectionne, invente et se réinvente, encore et encore. Elle en ressort en 2008 pour ouvrir son restaurant Stuff I Eat1 à Inglewood, en banlieue de Los Angeles. C’est là que, tous les jours, sa délicieuse version végétalienne et bio de la « soul food2 » attire inlassablement habitué·e·s du quartier et curieux·euses du monde entier venu·e·s se régaler de savoureux tacos au riz sauvage, guacamole et sauce carottemangue, ou encore de généreuses salades de haricots noirs, légumes colorés et tortillas chips. « C’est une occasion fantastique de permettre aux gens de goûter et de voir que c’est juste de la nourriture, qu’il n’est pas nécessaire d’en avoir peur. »

Selon Babette, la communauté afro-américaine est traditionnellement très attachée à la viande, au gras et au sucre, et par conséquent minée par de graves problèmes de santé, tels que le diabète et les maladies cardiovasculaires. « Je pensais moi-même qu’il était bon de manger cette nourriture vendue dans les supermarchés. Je vis dans une communauté qui y croit dur comme fer, même si certain·e·s d’entre nous ont commencé à prendre conscience du contraire. Nous avons pris l’habitude de manger tout ce qui venait du cochon, parce que nous étions asservi·e·s et que nous n’avions rien d’autre à manger. Donc les restes que les Blancs nous donnaient, nous les utilisions pour préparer notre nourriture. Nous avons été aspiré·e·s par ce système, et c’est devenu une tradition. Nous avons commencé à l’appeler « soul food », mais c’était en réalité un poison. À nous de ne pas rester bloqué·e·s dans ce passé. »


Vegan Pop !

Recettes

Découvrez 3 recettes de “Chef Babette”

Carrot Un tuna

- 4 cups de pulpe de carotte (qu’on obtient par exemple avec un extracteur de jus) - 1/3 cup de vinaigre de cidre - 1/4 cup de sirop d’agave - 2 cuillères à soupe de sauce soja ou 1 cs de sel - 1 cuillère à soupe de graines de céleri - 1 cuillère à soupe de graines de fenouil - 1/2 cup de ciboule finement hachée - 1/2 poivron coupé en dés - 3/4 cup de mayonnaise végane bio

Intersection

Mélangez bien tous les ingrédients : c’est prêt !

‘‘Crudding’’ chocolat avocat Ce succulent pudding cru, simple, rapide à faire et que les enfants peuvent préparer eux-mêmes, est aussi un très bon moyen pour leur faire manger des avocats.

- 2 avocats (même vieux, avec leurs tâches brunes) - 1/4 de cup d’huile de coco liquide - 1/2 cuillère à soupe de sel de mer - 1/2 cup de cacao en poudre (un peu plus ou un peu moins pour un résultat plus clair ou plus sombre) - 1/2 à 3/4 de cup de sirop d’agave (ou de sirop d’érable : tout sauf du sucre raffiné), à votre convenance ; - 1/4 de cup de lait végétal Passez le tout au mixer jusqu’à obtenir une texture onctueuse. Versez : c’est prêt. Vous pouvez éventuellement garnir le pudding avec des morceaux de vos fruits frais favoris.

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Vegan Pop ! ingrédients - 6 cups de haricots rouges cuits - 450 g de tofu bio extra ferme mixé - 1 cup de carotte hachée - 1 cup de courgette coupée en dés - 1 cup de tomate coupée en dés - 1 cup d’oignon rouge coupé en dés - 1 cup + 1/2 cup de ciboule (ou oignon vert) hachée - 1 cup + 1/2 cup de poivron rouge coupé en dés - 1/2 cup de feuilles de coriandre hachées - 1/2 cup de céleri haché - 1/2 cup de sauce soja (plus ou moins, à votre convenance) - 1 cs d’assaisonnement sans sel - 2 cs de piment en poudre - 1 cs de cumin - 4 cups de chips de maïs bio - 1/2 cup de levure alimentaire (levure de bière ou levure maltée) - 1 sachet de cheddar végane râpé - 1 paquet de cheddar végane entier - 8 cups d’eau - 1 cup de lait végétal - 2 cs de miso rouge

Chili Chips Casserole Pour moudre le tofu, versez-le coupé en morceaux dans un mixer et utilisez la puissance maximum (fonction pulse). Ajoutez du piment en poudre pendant le mixage. Préparez une sauce au fromage en versant dans votre mixer le paquet de cheddar végane entier ainsi que la cup de lait végétal, une cup d’eau, la cuillère à soupe de sauce soja et les deux cuillères à soupe de miso rouge. Mixez jusqu’à obtenir une texture uniforme, puis réservez. Place au ragoût : dans une casserole de taille moyenne, versez le reste de l’eau, le tofu mixé, les carottes, la courgette, les tomates, l’oignon rouge, 1 cup de ciboule, 1 cup de poivron rouge, la coriandre, le céleri, le piment en poudre, le cumin, la demi- cup de sauce soja et les haricots rouges, et laissez cuire à feu doux pendant 30 minutes. Dans un saladier, versez les chips de maïs, la levure alimentaire et le piment en poudre, et malaxez bien avec les mains de sorte à émietter les chips. Ajoutez 1/2 cup de ciboule, 1/2 cup de poivrons rouges et 1 cup de cheddar végane râpé. Huilez légèrement une marmite en fonte (large mais peu profonde), et répartissez dedans la moitié du mélange de chips. Versez par-dessus une couche de sauce au fromage, ajoutez le restant de ciboule et de poivron rouge (1/2 cup chacun, optionnel), continuez avec une autre couche de chips, puis enchaînez avec une couche de haricots rouges. Recouvrez du restant du mélange de chips, ajoutez une dernière couche de sauce au fromage, et saupoudrez le tout avec une couche de cheddar râpé ! Enfournez avec un couvercle à 160°C et laissez cuire 25 à 30 minutes, jusqu’à ce que le fromage fonde.

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Cuisine

Vegan Pop !

Interview

Le potager de Charlotte, un air de famille !

Qui a dit que manger des légumes devait être « boring » ? Alliances subtiles, compositions surprenantes… Le Potager de Charlotte s’affranchit des préjugés considérant la cuisine végane comme un sousgenre limité. La preuve ? Tout le monde s’y précipite, veggie ou pas, pour découvrir des recettes aux saveurs variées, toujours renouvelées. photos par Marine Chapon, texte par Alice Galand

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Vegan Pop !

Recette Préparation : 1h Cuisson : 1h15 Ingrédients pour 4 personnes : 2 avocats

La veille

HUMMUS Pour 500 g de pois chiches 1/2 citron pressé 2 c. à soupe de curcuma en poudre 2 c. à soupe d’huile d’olive 10 g d’ail 2 pincées de gros sel 1 pincée de poivre 1 c. à soupe de tahini

Mettez à tremper les pois chiches

Le jour-même

Faites cuire les pois chiches pendant 1h à l’eau sans sel. Mixez-les au blender dans un fond d’eau de cuisson. Ajoutez le curcuma, le jus de citron pressé, deux cuillères à soupe d’huile d’olive, le tahini et l’ail. Salez, poivrez et mixez le tout.

VINAIGRETTE 2 c. à café d’huile de tournesol 2 c. à café d’huile d’olive 1 c. à café de vinaigre de xérès 1 c. à café de vinaigre de framboise 1 c. à café de moutarde à l’ancienne 1 pincée de sel

Mixez les ingrédients de la vinaigrette au blender jusqu’à émulsion. Faites torréfier à feu vif les graines de courge pendant quelques minutes.

DRESSAGE 4 petites poignées de salades (frisée fine, pousses de betterave rouge, mâche) 1 pincée de Sel de Kala Namak 2 pincées de graines de courge 1 pincée de paprika (pour la couleur)

Cuisine

Avocat façon «oeuf dur» Coupez les avocats en deux. Retirez les noyaux délicatement et retirez la peau à l’aide d’une grande cuillère. Mélangez à la main les salades et la vinaigrette dans un grand plat. Dressez la salade en boule, parsemez de graines de courge. Versez à l’aide d’une poche à douille la crème de pois chiches au centre de chaque moitié d’avocat. Pour l’arôme d’oeuf dur, ajoutez une pincée de sel de Kala Namak.

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Vegan Pop !

Végétalien et épicurien Dans la famille Valentin, il y a d’abord David, le chef, formé chez Laurent Cardeilhac. Sa force : accommoder des plats de bistrot à la sauce végane. Vous vous régalerez ici d’une cuisine épicurienne et gourmande : avocat « façon œuf dur » et sa mayonnaise aux amandes, gnocchis de pommes de terre au tofu fumé et girolles, et pour la touche sucrée une mousse de cacao à l’amarante grillée et framboises. Le menu fait diablement envie.

Bio, sans gluten, et de saison : le trio gagnant Le véritable plus de la maison ? Une carte minimaliste avec trois entrées, trois plats et trois desserts, le tout sans gluten et presque 100% bio. Les produits de saison, frais, et issus de circuits courts sont à l’honneur. Car Adrien, le frère de David, veille au grain : végétalien depuis une dizaine d’années, il est naturopathe de formation et ne souhaite rien tant que faire du bien à votre corps. Un petit coup de mou ? Il se fera un plaisir de vous concocter un jus ultra vitaminé, non seulement délicieux, mais aussi excellent pour votre santé. Les deux frères se sont fixé comme objectif d’allier dans leurs recettes le plaisir des papilles aux bienfaits des végétaux et épices. Complémentaires et engagés, ils voient dans la cuisine végane une manière d’agir sur le monde, et sont heureux de porter leurs convictions jusque dans nos assiettes.

Trois générations au Bistrot

Cuisine

Et Charlotte, alors ? Elle n’est autre que la mère d’Adrien et David ! Elle s’est beaucoup investie dans le projet, comme le reste de la famille d’ailleurs : entre l’oncle qui a mis ses terres à contribution pour faire naître le potager du restaurant, le père photographe culinaire, et le grand-père dont les toiles décorent la salle, le restaurant a tout d’une affaire familiale…Et l’atmosphère s’en ressent : un cadre chaleureux et sobre, des tables en bois, quelques éléments de végétation, ici tout ou presque est fait maison. C’est sans chichis que l’on vient joyeusement déjeuner, dîner, ou même bruncher le dimanche !

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Vegan Pop !

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Vegan Pop !

Un

Bête de son !

grand comme ça ! Ça va commencer à devenir une tradition ! Mi-septembre, le parc de la Villette se transforme en parc d’attraction 100% végétal et musical. Pour sa seconde édition, le SMMMILE – Vegan Pop Festival envahit le parc du 19ème arrondissement, où l’on pourra croiser amoureux·ses de musique, véganes et végé-friendly, gourmand·e·s et simples curieux·ses. par Julien Geffriaud

L’équipe du festival est un mariage réussi entre l’association SMMMILE, qui porte haut les valeurs d’un véganisme pop et coloré, et l’équipe du Trabendo, militant·e·s de la découverte musicale et professionnel·le·s engagé·e·s. De ce mariage est né un festival hybride et innovant. Côté musique, on y retrouvera une programmation exigeante et ouverte sur le monde avec notamment la nouvelle création de Bachar Mar-Khalifé, le hip-hop engagé de Mykki Blanco ou l’électro-pop survitaminée des islandais de FM Belfast, et une carte blanche à Acid Arab. Et puis plein de découvertes, Bamao Yendé en DJ set gratuit, la pop garage de Requin Chagrin et beaucoup d’autres bonnes surprises…Côté lifestyle végane, on jonglera entre tables rondes, projections, ateliers culinaires, démonstrations de chef·fe·s, et l’on profitera d’un florilège de ce que la gastronomie végane peut offrir, entre street food, douceurs en pagaille, bistronomie et haute gastronomie.

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Vegan Pop !

Rencontre avec Jean-Benoît S. Robert et Sylvain Tardy, créateurs du SMMMILE - Vegan Pop festival Mais c’est quoi le rapport entre véganisme et musique ? « La musique met l’âme en harmonie avec tout ce qui existe » disait Oscar Wilde. Il en va de même pour le véganisme. Musique et véganisme sont tous deux des langages universels qui s’inscrivent dans une logique d’harmonie, de partage et de respect du vivant.

2ème édition : quelles sont les grandes nouveautés ?

Bête de son !

La grande nouveauté, c’est bien sûr la programmation musicale ! On est super contents de la sélection de Matthieu, le programmateur du festival, on a l’impression de passer un vrai cap. Mais il y a d’autres axes sur lesquels on innove cette année. Les enfants vont être mis à l’honneur avec Little SMMMILE, un vrai festival dédié dans Little Villette. Côté food, l’offre est totalement renouvelée avec un superbe dîner gastronomique par Tamir Nahmias - un chef israélien génial -, le Potager de Charlotte qui prend les commandes du restaurant du festival et une offre street food pléthorique. Et puis cette année on occupe l’auditorium Boris Vian pour y faire une programmation ambitieuse de tables rondes et projections.

Le truc à ne pas manquer ? Joker ! Impossible de répondre à cette question, la programmation du festival, on l’a faite avec tout notre cœur. Ce serait comme te demander quel est ton enfant préféré. Côté musique, les artistes sont géniaux ! Côté tables rondes, c’est sûr que celle autour de la pianiste Vanessa Wagner avec Corine Pelluchon et Martin Page sera un moment magique, celle sur l’alimentation du futur va être top ! Et on organise aussi des projections-débats en partenariat avec Enercoop. On aime beaucoup l’idée de présenter le véganisme au milieu d’autres thématiques : les vertus du modèle coopératif, les stratégies agricoles durables, etc. Il y aura aussi des démonstrations super gourmandes comme les « œufs » au plat de Sébastien Kardinal. Bref, il y a du choix et ça dépend vraiment des envies de chacun·e !

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Vegan Pop !

Matthieu Meyer, programmateur du SMMMILE et directeur du Trabendo Matthieu, quels sont tes coups de cœur cette année ? J’en ai plusieurs et globalement j’ai la chance d’avoir réussi à ne programmer que des artistes que j’aime énormément. J’attends avec impatience la création de Bachar Mar Khalifé le vendredi soir. C’est un spectacle créé au printemps dernier, je n’ai pas encore eu la chance de le voir, donc ça va être une grosse surprise. Mais connaissant l’artiste et l’œuvre de Hamza El Din à qui il rend hommage, je sais déjà que ça va être incroyable, en plus d’être rare !

Bête de son !

La soirée à ne pas manquer ? Aucune bien sûr ;) Chaque soirée du festival a ses spécificités, on les a pensées comme des petites galaxies indépendantes parfois plus rock, hip-hop ou électro, qui toutes ensemble forment un univers cohérent et très ouvert culturellement, qui incite à la découverte et à l’ouverture. C’est un peu le mode de pensée qui porte l’ensemble du festival.

Pour en savoir plus : > smmmilefestival.com

Le morceau qui... - te rend gai comme un pinson ? Atomic Bomb de William Onyeabor - te donne la chair de poule ? Anne cherchait l’Amour de Jacno - te file le cafard à tous les coups ? A ta merci de Fishbach - te fait danser comme une bête ? You Good I’m Good Let’s be great de Gnuççi

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Bête de son !

Vegan Pop !

Vanessa Wagner / Piano combat Une ruelle de Montreuil, une porte floquée d’un autocollant « Vegan On Board » : le décor est planté, vous êtes chez Vanessa Wagner. Pianiste au jeu raffiné et expressif, élégante, sûre d’elle : rencontre avec une musicienne accomplie et une citoyenne militante. Bonjour Vanessa, tu es pianiste, maintes fois primée (dès 17 ans), estce que tu es née avec un piano entre les mains ? Vanessa Wagner – Non, je suis née dans une famille de littéraires, très ouverte, mais qui n’écoutait pas spécialement de musique classique. Mon père écoutait du jazz, de la musique indienne, ma mère beaucoup de chanson française. C’est vers mes sept ans qu’un piano est arrivé chez moi, celui de mon arrière-grand- mère, et c’est comme ça que j’ai commencé, totalement par hasard.

Quels sont tes registres musicaux de prédilection ? Quand j’étais enfant et adolescente, j’ai énormément écouté de classique, beaucoup d’opéra : Schumann, Chopin, les romantiques... Très peu de musique contemporaine. C’est par ma sœur que j’ai gardé une oreille ouverte sur les choses de mon âge. Elle me faisait écouter toutes sortes de musiques à la mode à l’époque. J’étais très fan de chanson : Higelin, Renaud, Thiéfaine qui était une idole pour moi, et puis les Clash, les Smith… plutôt rock’n’roll. J’étais déjà musicalement très curieuse et ouverte.

On te connaît pour tes interprétations de Mozart, Rachmaninov, Debussy… Tu nous dévoiles cette année un autre visage au travers d’une collaboration avec le génial musicien et producteur de musique électronique Murcof. Peux-tu nous en dire quelques mots ?

© Marine Chapon

ça fait très longtemps que j’écoute de la musique électronique, et plusieurs années que j’avais envie de me lancer dans une telle collaboration. J’ai attendu longtemps de trouver la bonne personne. La rencontre avec Murcof m’a paru totalement évidente, j’ai eu une confiance entière en lui, parce que c’est quelqu’un que j’écoute depuis de nombreuses années, et que son univers est extrêmement puissant, pas du tout dans les codes de ce qu’on appelle « techno ». J’ai aussi attendu d’avoir confiance en moi, d’avoir une place bien ancrée dans le paysage classique, le moment où on ne pouvait plus dire « elle fait ça pour avoir du succès ». p.53


Vegan Pop !

Portrait Le nom de votre premier album avec Murcof est Statea, « équilibre » en italien ancien, mais n’y a-t-il pas en même temps une envie forte de bousculer la tradition ? Oui, il y avait cette envie de bousculer les codes, d’éveiller la curiosité, de s’ouvrir les uns aux autres, et de lutter contre certains préjugés qui réduisent la musique électronique à un « boum boum » binaire. Ce qui me fait plaisir, c’est que nous sommes autant invités dans des festivals de musique électronique que dans les grandes salles classiques. Mon public vient découvrir, le public de Murcof souvent plus jeune découvre la musique minimaliste, et ça j’adore !

Bête de son !

Tu as participé à des vidéos de l’association L214 qui lutte contre l’exploitation des animaux, est-ce une autre manière pour toi de remettre en question le statu quo et de chercher l’ouverture ? Pour certains, les artistes ne doivent pas se mêler de politique ni d’affaires sociétales, ce que je trouve assez étonnant voire choquant. Je suis une artiste mais aussi une citoyenne. Nous sommes dans un monde où il est urgent de s’engager et d’avoir des convictions, et l’indifférence est pour moi une forme d’acceptation. Que ce soit au niveau personnel ou public, j’affirme mes idées haut et fort, je me trahirais moi-même si je ne le faisais pas.

Tu es végétarienne depuis longtemps, et végane depuis plus de 6 ans, comment en es-tu arrivée là ? Je n’ai jamais trop aimé la viande, j’ai toujours été assez dérangée par le sang, les tendons, les muscles que je voyais dans mon assiette. Je glissais la viande sous mon assiette et mes parents la découvraient en débarrassant la table (rires). J’ai toujours été hyper sensible aux animaux, je sauvais les petits oiseaux, les mouches… Donc je suis d’abord devenue végétarienne, et puis j’ai commencé à regarder la question de plus près. J’étais une grande amatrice de chaussures et de sacs par exemple, et un jour j’ai pris conscience que ne pas manger de viande mais porter du cuir, ça n’allait pas ! Le fait de découvrir tout une littérature (Derrida, Florence Burgat, Corine Pelluchon, Del Amo…) qui traitait de ce sujet comme d’un vrai sujet de société, philosophique, moral et écologique...

© Marine Chapon

‘L’indifférence est pour moi une forme d’acceptation’ évidemment, ça m’a permis d’asseoir mes convictions et de développer une sorte d’assurance. Alors qu’avant je m’excusais presque face aux attaques répétées du type « t’es trop sensible » ou « t’aimes pas la vie, un bon steak c’est quand même tellement fun », maintenant je peux affirmer un argumentaire bien étayé.

Notre magazine s’interroge beaucoup sur les questions de convergence des luttes. D’autres causes t’ont-elles sensibilisée au véganisme ou inversement ? Ni l’un ni l’autre, l’antiracisme ou le féminisme par exemple ont toujours été une évidence pour moi. Je suis convaincue que les véganes sont des nouveaux révolutionnaires, surtout dans le fait d’appréhender ce sujet comme un sujet moral et politique. p.54


Vegan Pop ! C’est ce que j’explique souvent à mes enfants : cela paraissait tout à fait normal à l’époque que l’esclavage existe ou que les femmes n’aient pas le droit de vote, aujourd’hui il semble très naturel d’asservir les animaux et de manger de la viande tous les jours. Je pense que tous les combats pour les droits des êtres sensibles se rejoignent. En tant que citoyens, nous devons repenser complètement notre rapport à ce qui nous entoure, même si on a tous nos contradictions !

© Marine Chapon

Comme l’année dernière, je vais proposer un petit moment de musique parce que c’est un festival de musique et que je suis musicienne. Je ne sais pas encore la teneur, je vais voir un peu au dernier moment, je pense. J’ai également invité Corine Pelluchon qui, comme Florence Burgat, fait partie des grandes

Et tes projets pour la suite ? Je vais poursuivre autant que possible mon engagement pour les animaux, et contre toute autre forme d’injustice car il en va de notre responsabilité vis-à- vis des générations futures. Pour les projets musicaux, je prépare une deuxième collaboration avec Murcof, des disques solo autour de la musique de Liszt et de sa spiritualité, et je continue mes concerts. J’espère encore plus de collaborations avec des écrivains ou des danseurs. Je me sens de plus en plus libre, et j’ai envie de crier ma liberté (rires).

Le morceau qui... - te rend gaie comme un pinson ? Le dernier en date c’est Everything now de Arcade Fire - te donne la chair de poule ? Tabula rasa - II. Silentium - Arvo Pärt - te file le cafard à tous les coups ? What Kind of Heart de Lhasa de Sela - te fait danser comme une bête ? Moan Remix de Trentemoller

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Bête de son !

Tu vas nous faire l’honneur de participer pour la deuxième fois au SMMMILE - Vegan Pop Festival, que nous proposes-tu cette année ?

philosophes qui m’ont ouvert les yeux sur la cause animale, et aussi l’écrivain Martin Page qui vient de sortir le génial « Les animaux ne sont pas comestibles ».


Vegan Pop !

Sexe drogue et quinoa

Les animaux dans la pop et vice versa

Et ça continue, encore et en corrida

par Geoffrey Sebille

Comme le disait Michel, le véganisme, c’est plus marrant en chantant. Et comme le disait Francis, quelque chose vient de tomber. Sur les lames de ton plancher.

Bête de son !

D’emblée, étouffons la levée de boucliers : « Comment ça, La Corrida dans un magazine pop ? » Si être pop, c’est être populaire, alors oui, La Corrida est pop. Fin du cours de musicologie. Revenons à nos moutons et à nos taureaux surtout pour comprendre comment La Corrida a su se faire une place au panthéon ô combien casse-gueule des chansons, ouvrez les guillemets, engagées. La part de marché musical d’abord. Cabrel fait ce que l’on appelle, ré-ouvrez les guillemets, de la chanson française, esthétique reine au sein de la patrie variété qui est la nôtre. Et lorsqu’un ambassadeur aussi respecté que Saint-Francis décide de se frotter aux piques des matadors, c’est un peu comme si deux patrimoines s’affrontaient dans l’arène. En d’autres termes, rien ne nous assure que si NTM ou Orelsan avaient, à leur manière, provoqué les aficionados, la critique eut été aussi bienveillante. Curieux·se comme vous êtes, vous vous demandez sûrement qui dit « si, si, hombre, hombre » à la fin de la chanson ? D’après notre enquête, il s’agit de Nicolas Reyes, leader des Gipsy Kings. Et c’est là que Cabrel marque un panier à trois points des plus stratégiques. Car tendre le micro à une personne aux origines espagnoles pour s’insurger contre la corrida, c’est un peu comme faire dire à des petits-fils de supporters marseillais qu’ils adorent…le PSG.

‘Rien ne nous assure que si NTM ou Orelsan avaient, à leur manière, provoqué les aficionados, la critique eut été aussi bienveillante’

Enfin, n’oublions pas le principal : le légendaire flow de Francis Cabrel, seul homme sur terre capable d’envoyer un texto à une fille pour lui assurer qu’il est « le gardien du sommeil de ses nuits ». Si la pilule militante de La Corrida est aussi digeste, c’est évidemment grâce à l’idée géniale de glisser l’auditeur·rice dans la peau de l’animal. Nous voilà nostalgiques des « prairies bordées de cactus », furieux à l’idée de se battre contre « ce pantin, ce minus », agonisant après avoir été « frappé fort » dans notre cou et troublés par cette question qui transcende tous les régimes alimentaires : « estce que ce monde est sérieux » ? Une chose semble certaine, si les toreros aiment les taureaux, ils les aiment à mourir.

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Vegan Pop !

Pochette surprise

Musique !

La vache qui riff par Geoffrey Sebille Bête de son !

Il n’y a pas que les lobbies industriels qui exploitent les animaux pour se faire du blé. Il y a les artistes, aussi. Comme l’atteste, en pièce jointe, la pochette du disque Get A Grip d’Aerosmith. Si vous avez la mémoire aussi trouée qu’un pis de vache, sachez qu’Aerosmith sort Get A Grip en 1993, ce qui ne nous rajeunit pas, certes, mais ce qui ne nous vieillit pas pour autant, n’exagérons rien. Comme l’annonce l’illustre attaque de ce papier, vous pourrez admirer, sur la pochette du disque, le logo d’Aerosmith estampillé à même la peau de l’animal puis un piercing transperçant la mamelle du bovidé pour finir sur le nom de l’œuvre que l’on pourrait traduire par « ressaisis-toi ». Ceci étant exposé, plusieurs questions se posent : la vache a-t-elle touché des droits d’auteur sur les ventes (astronomiques) de Get A Grip ? Ce look distingué lui a-t-il valu un traitement de faveur aux abattoirs de Boston, Massachussets ? Et surtout : que devient Alicia Silverstone, muse des clips 90’s d’Aerosmith et fantasme de mes années lycée ? Si j’en crois les Internets, elle mangerait peu d’animaux et parlerait très bien le français. Ce qui nous fait déjà deux points en commun. It’s Amazing, Alicia, isn’t it ?

Sexe drogue et quinoa p.57


Vegan Pop !

118 rue des moines 75017 PAris - tel : 0155323405

yogitea .co m

www.suPervegAn.fr

facebook.com/yogitea

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Vegan Pop !

BĂŞte de son !

Interview

Bachar Mar-KhalifĂŠ Smoke on the water wheel

photos par Marine Chapon

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Vegan Pop !

Bachar Mar-Khalifé est un multi-instrumentiste virtuose et un compositeur aussi singulier qu’inspirant. Nous l’avons rencontré pour un café, lors d’un court passage à Paris, entre deux dates de sa superbe tournée estivale - des Vieilles Charrues au Paléo Festival en passant par les Eurockéennes.

Bête de son !

Il sera sur la scène du SMMMILE - Vegan Pop Festival le 15 septembre pour jouer sa nouvelle création autour de Hamza El Din, artiste culte ayant inspiré Grateful Dead, Joan Baez ou Bob Dylan. Sur scène, Bachar Mar-Khalifé et ses musiciens créent des paysages sonores hypnotiques sur lesquels vient se poser la voix ensorcelante de la chanteuse soudanaise Alsarah. Entretien avec cet artiste hors norme.

Vous avez récemment réalisé une création autour de l’œuvre de Hamza El Din, que vous allez jouer dans le cadre du festival SMMMILE à Paris le 15 septembre. Pourquoi ce choix ? Bachar Mar-Khalifé - Cette création s’appelle « The water wheel », du nom de l’album éponyme de Hamza El Din que j’ai découvert dans mon adolescence, dans la bibliothèque familiale, sur lequel il joue du oud et chante seul. Comme il le disait lui-même, il jouait du oud, instrument arabe par excellence, « avec un accent nubien ». A l’époque j’étais très surpris par ce que j’entendais, ça m’accrochait l’oreille et me mettait en transe. Quand on m’a proposé de réaliser une création, j’ai décidé de travailler autour de cet artiste, je ne pouvais pas me tromper en choisissant quelque chose que j’aime profondément. J’ai repris huit titres de son répertoire et j’en ai fait une création avec batterie, basse, claviers et chant, quelque chose d’assez rock qui me ressemble.

Hamza El Din a réalisé un travail de collecte du patrimoine oral nubien, avant sa destruction. « The water wheel » est-il une manière de montrer qu’aucune culture n’est figée ? Les cultures ne sont pas figées, c’est une croyance presque idéologique chez moi. Bien sûr certaines musiques ou certaines créations ont déjà tout en elles. Quand j’écoute cet album, je n’ai pas l’impression qu’il ait besoin d’être mis à jour, il possède une forme d’intemporalité. Mais cela ne signifie pas que c’est une œuvre intouchable. Tout était déjà dit mais je cherchais juste une autre manière de le dire, avec mes mots.

Vous allez jouer au SMMMILE, festival pop et militant qui fait découvrir le mode de vie végane. Est-ce important pour vous ? Oui, c’est important. Quand on se retrouve dans des lieux où les gens sont impliqués, engagés, ça rajoute quelque chose de spécial pour le concert. Il ne faut pas croire que la réussite d’un concert est uniquement une réussite musicale. Cela vient aussi du niveau d’engagement et de conscience des musiciens et du public, de leur envie que ce moment soit unique. L’engagement végane, je n’en avais pas du tout conscience avant de jouer au Fusion Festival en Allemagne, peut-être mon plus grand souvenir de la tournée de mon dernier album Ya Balad. Je ne savais pas que ça pouvait exister un festival sans viande, et c’est un des festivals où on a le mieux mangé ! p.60


Vegan Pop ! Vous parliez récemment de l’importance de l’éveil des consciences. Est-ce que la musique peut servir à ça ? Je crois qu’il ne faut pas minimiser l’impact de ces moments-là dans la vie, en tournée ou en studio. La question revient souvent : quel est l’impact d’une chanson, d’un album, d’un concert ? Que va-t-il rester de tout ça ? Pendant ou juste après un concert, c’est facile : les gens t’applaudissent, viennent te parler, tu as l’impression d’avoir fait ce que tu avais à faire, d’avoir tout donné. C’est le lendemain le plus difficile, quand il faut rejouer le concert dans un autre lieu, avec d’autre gens. Tu te demandes : que va-t-il rester de ce qu’on a fait la veille ? Mais je sais qu’au fond il y a des choses qui restent, un petit concert, une petite chanson, un petit album, tout ça demeure dans l’inconscient des gens.

Est-ce que l’on va danser, partir en transe le 15 septembre ? Rien n’est obligatoire, la musique n’est pas toujours liée à la danse. Mais plus je fais de concerts, plus j’ai l’impression que le bonheur ultime en musique c’est la danse. Bouger avec la vibration sonore, le rythme. Je crois que beaucoup de gens s’empêchent de bouger, de laisser s’exprimer le corps au travers de la musique et de la danse, alors que c’est finalement une des choses les plus primitives qui nous appartiennent.

Bête de son !

Le morceau qui... - te rend gai comme un pinson ? Le répertoire de Brassens même s’il n’est pas toujours léger. Son intelligence musicale et sa vision de la société me font rire. - te donne la chair de poule ? L’affiche rouge de Léo Ferré, cette histoire, ce texte sonnent tellement justes. - te file le cafard à tous les coups ? Ce qui me fout le cafard, ce sont les très mauvaises chansons. - te fait danser comme une bête ? Islam Chipsy, n’importe quel morceau !

Vendredi 15 Septembre au Trabendo - Paris dans le cadre du

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BACHAR MAR-KHALIFÉ présente The Water Wheel

ATA lAK ISLAM CHIPSY & EEK

SMMMILE - Vegan Pop Festival zéro zéro zérooooooo

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En route

Peace, love et véganisme? Bien sûr, Los Angeles est aussi une ville dure aux dimensions pharaoniques et il serait illusoire de la peindre comme le paradis sur terre que laisse parfois entrevoir les cartes postales. Mais s’il y a une chose que j’ai retenue de mon voyage culinaire dans la cité des anges, c’est à quel point ici le véganisme est répandu, accepté et vécu dans la gourmandise.


Vegan Pop !

P

eut-être est-ce dû à la tradition hippie de la Californie, à l’absence d’héritage culinaire lourd à porter et à la nature conciliante du climat qui offre à l’année un magnifique panel de fruits et légumes ? Mais ici, les chef·fe·s ne se fixent pas de limite avec le végétal. Dans quasiment tous les restaurants de la ville, omnivores inclus, on trouve une proposition végane cohérente. Et quelle liberté, quel plaisir dans l’assiette ! Les États-Unis étant également moins imprégnés d’une doctrine cartésienne, l’engagement pour la protection animale y est plus répandu et accepté. En effet, il n’est pas rare de voir les Angelinos organiser des vide-greniers dans leurs jardins en faveur d’un refuge animalier et l’on voit des photos de chiens à adopter sur les bouteilles de thé glacé ! Alors loin de moi l’idée de vous faire craquer votre PEL ou votre empreinte carbone en sautant dans un vol pour la Californie, mais voici un tour non exhaustif des adresses où il fait bon manger végane à L.A. À voir comme un carnet de tendances et d’inspiration !

Little Pine littlepinerestaurant.com

Mac’n’cheese d’anthologie, brochette de pastèque et de mozzarella d’amande, raviolis aux noix, artichauts et cranberries et pour finir une gargantuesque tarte à la crème de banane, spéculoos croustillants, chantilly coco-vanille et coulis de caramel, voilà un aperçu des délices à la carte de Little Pine. Tous les bénéfices de cette adresse ultrachaleureuse étant reversés à des refuges animaliers, cela donne une bonne excuse pour y manger plutôt deux fois qu’une !

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En route

C’est parce que, comme le dit Moby « il y a deux L.A. : le L.A. des palmiers et celui des pins » et qu’il se reconnaît plus dans celui des pins (moins show off et paillettes) que le chanteur superstar et végane depuis vingt-huit ans a nommé ainsi son repaire design du quartier de Silver Lake.


Vegan Pop !

Gracias Madre graciasmadreweho.com

Restaurant mexicain très tendance de West Hollywood, Gracias Madre a pour vocation de rendre hommage à la Mère au sens vaste « celle qui réside au-dessus de nous, dans nos coeurs, au sein de la terre et dans tous ceux qui nous nourrissent. »

En route

Et quoi de plus logique pour cela qu’une cuisine 100% végane et bio ? Surtout qu’ici elle est faite avec le cœur : guacamole servi avec des tortillas maison encore chaudes, ceviche ultra-tendre de jeune noix de coco, enchiladas à la crème de noix de cajou, burger de haricots noirs au coleslaw d’ananas ou encore tofu grillé accompagné de riz à la noix de coco et sauce chermoula...

Sans compter que le spectacle est aussi dans la salle : de Beyoncé à Taylor Swift, vous y croiserez tout ce qu’Hollywood compte de célébrités.

Plant Food+Wine matthewkenneycuisine.com

« élaborer le futur de la nourriture » est l’objectif de Matthew Kenney. Et effectivement, ce chef multi-primé compte pour beaucoup dans l’invention d’une gastronomie végétale moderne avec ses nombreux restaurants à travers les états-Unis, son académie de cuisine et son centre de retraite végane ! Ici, une fois attablé·e dans le jardin à l’ombre des oliviers, on a du mal à faire un choix sur la démentielle carte : houmous fumé, fromage végétal à la truffe, raclette de noix de cajou et pain braisé à l’huile d’olive. Ou encore des Spicy Udon aux saucisses de tempeh ou du tofu braisé au curry vert. Et enfin, un délicieux gâteau au gianduja ou un sandwich glacé menthe-chocolat.... Et bien sûr, tout ça est bio, local et la plupart du temps sans gluten et cru ! Le futur de la nourriture ? Sans aucun doute !

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Vegan Pop !

Crossroads crossroadskitchen.com

Adresse du chef star Tal Ronnen - qu’Oprah Winfrey qualifie de meilleur chef végane du monde - Crossroads se veut, comme son nom l’indique, un carrefour où « les fléxitarien·ne·s, les omnivores et les véganes peuvent traverser les sentiers pour partager un repas délicieux et un bon moment ». On y déguste une cuisine méditerranéenne des plus gourmandes dans une ambiance rappelant les restaurants italiens des films de Scorsese ! Pâtes fraîches, pizzas et escalopes milanaises sont ainsi à la carte, mais aussi les fameux plateaux de fruits de mer végétaux et un brunch quotidien ultra-régressif. Et Mick Jagger y ayant récemment invité Paul McCartney à dîner, la volonté de rassemblement de Crossroads a l’air de fonctionner !

impossiblefoods.com

La viande de plante existe, je l’ai goûtée. Lancé avec un buzz sans précédent, l’Impossible Burger a enfin vu le jour au printemps dernier dans les assiettes de quelques restaurants américains triés sur le volet. Fondée en 2011 par Patrick O. Brown, ancien professeur de biochimie à l’université de Stanford et végane depuis de nombreuses années, la société Impossible Food s’est donné pour but d’éradiquer la production de viande industrielle, considérée par Patrick O. Brown comme « le plus grand problème environnemental au monde ». Pour cela, il essaye d’abord d’évoquer le sujet de manière pédagogique en organisant des ateliers dénonçant la pollution liée à l’élevage au Conseil National de la Recherche Américain. Mais devant l’absence de réaction que cela suscite et l’urgence de la situation, il décide de battre la viande sur son propre marché en créant un produit « que les

consommateurs de viande et de produits laitiers préfèreront à ce qu’ils consomment actuellement ». Car selon Brown : « il est plus facile de changer le comportement des gens que de leur faire changer d’avis ». Reste alors à trouver la recette miracle... Après avoir reçu des financements de tous les géants de la Silicon Valley à hauteur de 183 millions de dollars, il assemble donc quelques éléments classiques entrant dans la composition des burgers végétariens : protéine de blé, huile de coco, konjac et gomme xanthane. Mais ce sont ses connaissances en biochimie qui lui permettent de trouver le petit plus qui va tout changer ! Il s’agit de l’hème, un des composants de l’hémoglobine (celui qui lui donne sa couleur rouge), et qui, contre toute attente, n’est pas réservé au règne animal, car on le retrouve dans le soja et d’autres légumineuses filtrant l’azote ! Les plantes l’utilisent, elles, dans leurs racines pour y maintenir le niveau d’oxygène nécessaire au travail des bactéries souterraines. Voilà comment le végétal peut, lui aussi, reproduire le goût du sang ! Et il est vrai qu’à la dégustation, l’Impossible Burger a une saveur et une odeur absolument identiques à celles de

la viande, et qu’il saigne... Bien sûr, ce steak plus vrai que nature ne séduira probablement pas les véganes ou les végétarien·ne·s qui ont souvent fini par associer ce goût à quelque chose de négatif. Mais pour tous les autres, cela peut être un produit inestimable qui n’opposera plus l’éthique et le goût. Car en effet, à saveur égale et à prix quasi équivalent*, on imagine mal quelqu’un dire : « personnellement, je préfère la viande ayant souffert. »

* Son prix est aujourd’hui celui de la viande biologique et continuera à baisser dans les prochains mois.

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En route

Impossible n’est pas vegan


Humeur

Vegan Pop !

Billet d’humeur spéciste Mesdames et Messieurs les petites mains de Vegan Pop, C’est avec un étonnement certain que je m’aperçois, aujourd’hui, de la parution de votre nouveau magazine dédié à la « culture végane ». Soyons clairs. Si je vous écris, ce n’est pas pour vous contraindre - comme c’est à votre habitude d’adopter ma vision du monde. Non. Je comprends parfaitement le concept de mode et l’engouement aussi soudain qu’éphémère que le véganisme peut générer. Chacun est libre de faire ce que bon lui semble de ses weekends. Ce que je souhaite en revanche rappeler, et par extension réclamer, c’est un droit à la liberté de choix. Je découvre en lisant votre feuille de chou que vous qualifiez à longueur de temps les gens comme moi de « carnistes », je revendique à travers ces quelques lignes les droits allant de pair. Libre à nous de participer à l’abattage de quelques animaux terrestres et marins, et ce, uniquement parce que c’est appréciable avec un bon verre de vin. Chaîne alimentaire oblige, ne croyez-vous pas que c’est notre droit le plus fondamental ? Quel serait l’intérêt d’avoir parcouru l’évolution depuis le big bang pour se priver de ce qui nous entoure ? Le simple fait d’imaginer tout ce chemin parcouru (ces batailles, ces conquêtes, ces avancées technologiques, cette inégalable survie depuis la nuit des temps), pour finalement déboucher sur du jus de fenouil me donne des vertiges. Le foie gras, le camembert et l’omelette aux lardons me paraissent une réponse beaucoup plus en adéquation avec notre position de prédateurs. Vous aimez par ailleurs rappeler que ce que nous sommes provoquerait l’extinction de plusieurs espèces aux quatre coins du globe. Ce à quoi je réponds : « la raison du plus fort est toujours la meilleure, nous l’allons montrer tout à l’heure ». Serions-nous maintenant coupables d’être les meilleurs ? On croirait rêver. Et puis, dois-je vous rappeler (alors que bon, merci la logique) que le lion chasse la gazelle ? Vous comptez l’informer quand, Mufasa, qu’il n’est pas très Charlie de planter ses canines dans de frais jarrets ? Où donc s’arrêtera votre dictature de la verdure ? C’est somme toute bien dommage de devoir vous expliquer une chose aussi élémentaire : il est parfaitement possible de ne pas partager vos opinions, de manger un bon steak en provenance d’un animal convenablement traité et d’être une personne tout à fait respectable. Sachez que je ne vous impose pas mes choix. La moindre des choses serait donc de ne pas m’imposer les vôtres. Je vous laisse, j’ai ma blanquette de veau sur le feu. P-S : les plantes souffrent. Signé : un honnête citoyen.

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