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ibilka

le magazine

NUMÉRO 14 – 2017 negu/hiver

Barcus

Aux confins d'Euskal Herri, ce petit village de moins de 700 ùmes occupe une place particuliÚre dans l'imaginaire basque. Il est un peu le Conservatoire de l'identité souletine

L'Arboleda

Les stigmates de la nature, dans cette banlieue de Bilbo, témoignent des tortures auxquelles la terre fut soumise pendant des siÚcles pour l'extraction de minerai. Matéo, ancien mineur, nous raconte.

Guernika

Il y a 80 ans, le 26 avril 1936, la LĂ©gion Condor bombardait Guernika. George L. Steer, reporter de guerre anglais, arriva le premier sur les lieux.

Pont de Biscaye

Il relie Portugalete à Getxo et il fut le premier pont transbordeur construit au monde. Un endroit unique, comme d'autre au Pays basque que nous vous ferons découvrir.


t e x t e Txomin Laxalt / photographie musée Basque

La hache,

l’outil du quotidien

Aizkora, eguneroko tresna Nahiz eta egunero ez den gehiago erabilia, lan txikietarako, herri kiroletan eta gure sinboloen liburuan aizkorak presentzia atxikitzen du.

des nĂŽtres ! », nous prĂ©fĂ©rons les vers plus enlevĂ©s il nous souvient, enfant, dans la maison de la jota navarraise : « Si las hachas ya no suenan/ familiale de Maule (MaulĂ©on), alors Hay silencio en Irati/Los valientes almadieros/Por el que l’orage grondait, de notre aitañi rio ya no bajan », parce qu’avant les stridulations (grand-pĂšre) se prĂ©cipitant dans la agressives de la tronçonneuse, seul l’écho des chocs cour pour y planter en son mitan, sourds de la cognĂ©e, en une association heureuse aizkora (la hache : aizkora, de aiz du fer et du bois, venait troubler la quiĂ©tude de pierre et gora, haut), symbole d’Ortzi nos forĂȘts. À ce titre les aizkolaris (bĂ»cherons) de le dieu du tonnerre. Un immĂ©morial itzaltzu (Nafarroa) Ă©taient passĂ©s maĂźtres dans l’art comportement longtemps demeurĂ© de l’abattage des arbres. mystĂ©rieux mais renvoyant Ă  ce qu’en Aizkora ou, Ă  travers l’histoire, une bien curieuse disait Philippe Oyhamburu dans son destinĂ©e. D’abord arme et outil, les vascons l’utilisĂšrent livre L’IrrĂ©ductible phĂ©nomĂšne basque sans doute au fond du ravin d’ibañeta (Roncevaux), * : « Des mots actuels comme aizkora sus Ă  l’ost franc, ce 15 aoĂ»t 778. RemisĂ©e au magasin (hache), aitzur (pioche), aixturrak des armes rĂ©formĂ©es, jusqu’au crĂ©puscule des annĂ©es (ciseaux) aizto (couteau), azkon (dard), contiennent cinquante, elle fit partie de la panoplie d’ikazkiña tous la racine aitz (pierre), prouvant une contem(charbonnier) comme elle demeure poranĂ©itĂ© Ă©vidente de l’euskara avec l’attribut du Zulatzaile (sapeur) l’ñge de pierre. » Notre aitañi et son Mots-clĂ©s/Hitz gakoak lors de la cĂ©lĂ©bration de gorpuzti paratonnerre de fortune, dĂ©monCouper : moztu eguna (FĂȘte Dieu). L’avĂšnement traient de merveilleuse façon la force Manche : eskuleku de la ville l’abandonna dĂ©finitide la mĂ©moire collective. D’Ortzi, le Fil : aho vement au seul dĂ©fi, rĂ©cupĂ©rĂ©e dieu du tonnerre, il n'en aura jamais par les jeux dits de force basque. rien su comme il aura ignorĂ© qu’au Aiguiser : zorroztu PrĂ©mices d’embellie certaine aprĂšs sommet de nombreuses montagnes des annĂ©es de cieux chargĂ©s, aizkora s’efface des d’euskal herri, des haches y sont plantĂ©es Ă  demeure. murs de la citĂ© quand, associĂ©e au caducĂ©e, elle Ainsi, au sommet de l’Aizkorri (gipuzkoa, 1 531 m), appelait Ă  la lutte armĂ©e. elle n’inspire plus que le le bien nommĂ©, illustration parfaite d’un Ă©tonnant poĂšte, ainsi Fermin Muguruza qui invite Ă  l’aiguiser syncrĂ©tisme, la hache paĂŻenne y cĂŽtoie l’ermitage mĂ©taphoriquement, aizkorak zorroztu, s’agissant chrĂ©tien et, chaque annĂ©e, montĂ© du sanctuaire de dĂ©fendre l’euskara. Raison est enfin donnĂ©e Ă  d’Arantzazu, un moine franciscain vient bĂ©nir aitañi, il n’y a plus que la foudre qui a vraiment Ă  l’ensemble pour protĂ©ger les bergers des pĂąturages craindre d’elle. d’Urbia du vent, de la foudre et des tempĂȘtes. À la terrible phrase de Sorj Chalandon venant en ouverture de son livre tĂ©moignage Retour Ă  Killy(1) L’irrĂ©ductible phĂ©nomĂšne basque : Éditions entente (1980) begs (2) et Ă  laquelle aizkora me fait souvent songer : (2) Retour Ă  Killybegs : Éditions grasset « Savez-vous ce que disent les arbres quand la hache entre dans la forĂȘt ? Regardez ! Le manche est l’un


Éditorial

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Les chemins de la mémoire

Société éditrice : BAMI Communication Rond-point de Maignon, Avenue du 8 mai 1945 BP 41 - 64183 Bayonne bami-communication@bami.fr Directeur de la publication : Jean-Paul Inchauspé Coordination : Jean-Paul Bobin bobinjeanpaul@gmail.com

Textes : Txomin Laxalt, Jean-Paul Bobin Direction artistique : Sandrine Lucas atmosphere2@gmail.com

Fabrication : Patrick Delprat Iru Errege Le Forum 64100 Bayonne N° ISSN 2267-6864 Photos : DR. : p. 18-19-21-22 Couverture : Santiago Yaniz Aramendia

D

ans la banlieue de Bilbo, les blessures de la terre tĂ©moignent des stigmates de la mĂ©moire ouvriĂšre du siĂšcle dernier, celle des mineurs qui, souvent au risque de leur santĂ© et parfois de leur vie, extrayaient le minerai de fer. MatĂ©o, 83 ans, se souvient : « Il fallait quatre heures pour percer un mĂštre ». Aujourd'hui, seules la nature et une poignĂ©e de survivants de cette Ă©popĂ©e industrielle semblent se souvenir de ces grandes heures de l'histoire industrielle de la Biscaye balayĂ©e par l'amnĂ©sie sociale et les voiles de titane du Guggenheim. Par contre, c'est la grande histoire, celle qui s'Ă©crit avec une majuscule qui est convoquĂ©e pour Ă©voquer le 26 avril 1937. Ce lundi, c'Ă©tait jour de marchĂ© Ă  Gernika lorsque les avions de la LĂ©gion Condor bombardent la ville. Le journaliste George Steer, arrivĂ© sur place le lendemain tĂ©moigne : « Gernika, la ville la plus ancienne des Basques et centre de sa tradition culturelle, a Ă©tĂ© totalement dĂ©truite hier aprĂšs-midi suite aux bombardements aĂ©riens des troupes insurgĂ©es. Le bombardement de ce village exposĂ©, Ă©loignĂ© de la ligne de front, dura exactement trois heures et quart. » À l'opposĂ©, l'anecdote historique islandaise prĂȘte Ă  sourire. PrĂšs du cercle polaire, cette petite nation d'Ă  peine 350 000 habitants a dĂ©cidĂ©, elle aussi, de panser ses blessures et, enfin, de proscrire de son code pĂ©nal, 300 ans aprĂšs l'y avoir inscrit, un dĂ©cret du XVIIe siĂšcle qui permettait de tuer en toute impunitĂ© les personnes d'origine basque ! Les conflits entre baleiniers n'ont plus lieu d'ĂȘtre
 En Soule, Ă  Barcus, le petite communautĂ© s'Ă©vertue, quant Ă  elle, Ă  faire vivre les traditions notamment celles de la danse et de la pastorale, Ă  les entretenir pour les transmettre aux jeunes gĂ©nĂ©rations. AmnĂ©sie, commĂ©moration, abolition, transmission
, les chemins de la mĂ©moire se perdent dans d'Ă©tranges et tortueux mĂ©andres du temps, ciment entre hier, aujourd'hui et demain. C'est avec un plaisir renouvelĂ© Ă  chaque numĂ©ro que je vous invite Ă  les dĂ©couvrir et je vous donne rendez-vous au mois de mai pour de nouvelles et belles rencontres avec notre Pays basque. Jean-Paul InchauspĂ©, Directeur de la publication


PORTRAIT

t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e Cédric Pasquini

Lucien

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Etxezaharreta euskara dena errateko


PORTRAIT dates clés

1957

1981

1982

1990

Depuis 1997

Entrée en 6e au Lycée de Bayonne, premier Spoutnik.

24 décembre, lancement de Gure Irratia.

Février, premier numéro de la revue Maiatz.

Naissance de Euskaldunon egunkaria.

Émission hebdomadaire Gure bazterrak.

l’euskara pour tout dire Lucien Etxezaharreta-k euskara bihotzean dauka. Bere bizitza eskainia du frogatzen edozein hizkuntzak mundua konta dezakela.

L'

alchimiste aurait-il pu dĂ©gauchir meilleur endroit que le cƓur de Bayonne pour y poser son athanor ? Au dĂ©bouchĂ© d’une de ces rues dont on pressent le silence, oĂč les rares commerces ne sauraient porter d’autres noms que ceux d’échoppes, le magazine Maiatz opĂšre ses transmutations. Lucien Etxezaharreta (Urkodoi/Urcuray, 1946) officie au creuset. Dans un monde oĂč l’étiquette fait foi, dans la rubrique profession, il serait bien difficile de dĂ©finir sa qualitĂ©. Éditeur ? Si nous osions la comparaison, Lucien ferait immanquablement songer Ă  Maurice Nadeau, quĂȘteur obstinĂ© de talents et dont chaque publication de La Quinzaine littĂ©raire relevait du prodige. Journaliste ? Nous renvoyons Ă  Maratila, sa chronique quotidienne du quotidien en langue basque Berria. En posant en quelque 1 500 signes, exercice journalistique aussi universel que difficile, un regard dĂ©calĂ© sur le monde, il a rejoint le cercle enviĂ© de ceux dont on ne manque pas le billet. Et d’expliquer ce qui lui apparaĂźt comme une Ă©vidence : « L’euskara est apte Ă  exister, il est une langue sociale permettant des Ă©changes ». L’euskara, Lucien Etchezaharreta s’en est nourri dĂšs la mamelle, ancre neuronale d’un vaisseau amiral que sept ans d’un rude internat au lycĂ©e de Bayonne n’auront pas rĂ©ussi Ă  faire dĂ©raper. « Par bonheur, d’extraordinaires professeurs m’ont permis d’avoir accĂšs Ă  la culture française dont je me suis nourri. » Son passage Ă  l’UniversitĂ© de Sciences de Pau (1965) oĂč il dĂ©crochera une licence de physique, le met en contact avec Jean-Louis Maitia, figure de la culture, mort tragiquement en 1996, « une rencontre dĂ©terminante », souligne-t-il. L’heure est aux Ă©mancipations des peuples du monde, aux mĂ©tamorphoses dans l’Hexagone, avec comme effet induit en Euskal herri, une autre perception du pays. « Nous vivions une crise morale aprĂšs le constat d’état d’abandon de la langue, l’exil des jeunes, un tourisme non maĂźtrisĂ© ; une prise de conscience par le biais de la culture s’imposait. »

Rencontres sur le terreau fertile de l'euskara Fort d’une premiĂšre expĂ©rience acquise dans la rĂ©daction de Ikasle (1967), un journal destinĂ© aux Ă©tudiants, Lucien participe Ă  l’aventure d’Amaia (1968). Participant de l’embellie, le mouvement se rĂ©vĂ©lera un vĂ©ritable atelier de formation culturelle. Une parenthĂšse de six ans dans l’enseignement prĂ©cĂšde un fĂ©cond intervalle parisien (1972-1981) durant lequel il travaille comme documentaliste au Conservatoire National des Arts et MĂ©tiers, « un lieu passionnant marquĂ© par l’empreinte du monde du travail et la tradition syndicale », point d’orgue d’un voyage initiatique. S’impose alors la dĂ©cision d’une irrĂ©versible immersion dans le

maelstrom culturel, favorisĂ©e par son embauche dans l’équipe de Gure irratia (1981), la premiĂšre radio en langue basque. Un grand Ɠuvre collectif ou le fruit de rencontres et d’amitiĂ©s nouĂ©es sur le terreau fertile de l’euskara et nourries par la volontĂ© plazara jalgitzea (qu’il gagne la place publique), pour Ă©voquer le vers fameux de Bernard Detxepare. Aux cĂŽtĂ©s de l’infatigable chanoine Lafitte, bien sĂ»r, mais aussi de tous ceux qui se sentaient l’ñme novatrice « et pressentis aptes Ă  pouvoir Ă©crire », rappelle Lucien. Sa prĂ©face du premier volume des Ă©crits de l’indomptable Eñaut Etxamendi sonne comme un manifeste : « Herri >> leun ordenatu bat aipatua eta goraipatua zuten ordu arte idazle kasik guziek. (Jusqu’ici presque tous les auteurs s’attachaient Ă  cĂ©lĂ©brer un pays bien lissĂ©) ». Un cĂ©nacle Ă©clot en 1982 ; ce sera la revue Maiatz. Elle rĂ©unit non point quelque Ă©lite d’une littĂ©rature basque mais des auteurs Ă©crivant en basque : Aurelia Arkotxa, poĂšte topographe d’un improbable planisphĂšre, l’imprĂ©visible Itxaro Borda mais aussi Auxtin Zamora, Mayi Pelot, Henriette Aire, Manex Pagola, Txomin Peillen, Jean-Louis Davant, enfin tous ceux que rongeait l’envie de dĂ©serter une commode Euskal Arcadie. « En faisant exister des mondes par la crĂ©ation littĂ©raire nous donnions une nouvelle vie Ă  l’euskara. » Lucien Etxezaharreta c’est aussi une voix, celle de Gure bazterrak une rando ethnographique proposĂ©e une fois la semaine sur les ondes de Gure Irratia. Un modĂšle de reportage radio oĂč, s’immisçant dans les propos de bergers ou de voisins, les bruits parasites aussi variĂ©s que le fredon d’une source, les bĂȘlements de brebis mercurielles ou dans les lointains, le bronze fĂȘlĂ© d’une cloche, loin de troubler ses descriptions avisĂ©es, concourent Ă  brosser un saisissant paysage sonore. Habitant le XVIIeᔉsiĂšcle, le qualificatif d’HonnĂȘte homme lui aurait sis ; hĂŽte du XXIe, arguant des mots de son pays, Lucien ne se prĂ©tend que tĂ©moin du monde.

Un cénacle éclot en 1982, ce sera la revue Maiatz.

Mots-clĂ©s/Hitz gakoak Langue : hizkuntza Éditeur : argitaratzaile Écrivain : idazle Talent : dohain


village/Barkoxe

Barcus

sur cet air dĂƠlicieuxñ€ƚ Bere bizkortasuna, Barkoxek bere kultura eta bere nortasunik ateratzen du. Herri atipiko horren bisite proposatzen dizuegu.

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village/Barcus

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Polo Garat

Barkoxe, ahaide delizius hontan


Quand au mois de mars l’étĂ© bat son plein hĂ©misphĂšre sud, Ă  Buenos Aires, on s’abandonne volontiers aux terrasses. L’historique Avenida de Mayo dĂ©roule ses 1 500 m depuis le CongrĂšs pour s’achever au niveau de la Casa Rosada, le palais prĂ©sidentiel. Au n° 825, le cĂ©lĂ©brissime CafĂ© Tortoni y dĂ©ploie ses ors. Le vin de Mendoza que nous dĂ©gustions comme on conclut un pĂšlerinage, en une dĂ©routante odyssĂ©e spatio-temporelle, nous renvoya vers Barkoxe (Barcus). C’est en 1858 que Jean Touan (Barkoxe, 1818 -Buenos Aires, 1872) ouvrit l’établissement qui verra dĂ©filer les plus grands noms de la culture internationale, politiques et conspirateurs de

Conservatoire Davantage qu'un simple village souletin, Barcus est le conservatoire de l'Ăąme du Pays basque. Notre photographe, Polo Garat, enfant du village, a su en saisir, avec talent, les moindres frissons.

tous poils, dont l’AmĂ©rique latine ne fut pas chiche. À partir de 1872, ce sera un autre Barkoxtar, CĂ©lestin Curutchet, qui rĂ©gnera sur les marbres et les colonnades du plus porteño des bistros souletins. Quant Ă  l’histoire de LĂ©on Uthurburu (18031860), un autre enfant de Barkoxe, elle est encore plus Ă©difiante. Comme nombre de jeunes Basques, il s’embarque vers l’AmĂ©rique du Sud, y fait fortune et devient vice-consul de France Ă  Guayaquil (Équateur) Ă  l’heure oĂč le continent tente de forger son unitĂ©. Le Souletin aide de ses deniers le dictateur Flores et son bras armĂ©, le gĂ©nĂ©ral Villamil lesquels, ne pouvant s’acquitter de leurs dettes, lui cĂšdent l’üle Floreana situĂ©e dans


vILLAGE/BArkoxE

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La txula, pelote trÚs basse sur mur du fond, est un must réclamé par le public

Qui le savait ? Barcus est bel et bien le plus occidental de tous les villages d'euskal herri, avec sa façade sur le pacifique !


village/Barcus

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Du pain social Mathieu Garat, jeune boulanger de Barkoxe, est convaincu de son rÎle social. Chaque jour il effectue une tournée de 100 km autour du village pour distibuer un peu de
 pain social.

Produits locaux Pierre Chilo et sa trÚs réputée table à la cuisine inventive, n'accueillent pas que des gastronomes de passage avides de produits locaux, elle est aussi le lieux de rendez-vous des jeunes de Barcus.

l’archipel des Galapagos. Cousu de pesos, LĂ©on Uthurburu s’en revient Ă  Barkoxe et, Ă  sa mort, lĂšgue les deux tiers de l’üle au village. Barkoxe, vĂ©tilleuse quant aux destinĂ©es des terres communales, essaya bien de rĂ©cupĂ©rer son bien. Peine perdue, ou le godalet de terre contre la diplomatie internationale de fer ! Il n’empĂȘche, Zuberoa a bien une façade sur le Pacifique. Cette longue introduction pour souligner combien Barkoxe, 699 habitants, est un village atypique possĂ©dant une identitĂ© affirmĂ©e sans doute due Ă  sa situation en limite de Euskal herri. Pas moins de quatorze quartiers – une ode Ă  l’architecture souletine et Ă  une vocation agricole – essaiment le territoire de la commune, se faufilant entre des coteaux boisĂ©s, flirtant avec les limites floues d’un BĂ©arn que bornent les placides eaux du Joos et un complexe maillage de ruisseaux et rus. Son voisinage avec Eskiula (Esquiule), la commune souletine sise administrativement en BĂ©arn, lui assigne la lourde charge de dernier poste avant nouveaux horizons.

La Coutume de Soule La quiĂ©tude des jours ouvrables ne doit pas occulter une activitĂ© tournĂ©e essentiellement vers l’élevage ovin – la commune compte soixante-quatre exploitations agricoles – mais aussi, pour nombre de Barkoxtar, vers le bassin Ă©conomique d’Oloron Sainte-Marie, le premier voisin. NĂ©anmoins, les fondamentaux services de proximitĂ© sont bien prĂ©sents dans le village. PassĂ© la place, endroit nĂ©vralgique – ici se donne pheredikĂŒa de la mascarade – oĂč se font face le fronton, l’église, la mairie et l’auberge, nous faisons halte Ă  la boulangerie-pĂątisserie. Mathieu Garat n’avait que 19 ans et demi quand il dĂ©cida d’en rallumer les feux sur les conseils avisĂ©s de

Agora Le fronton souletin, c'est un peu l'agora des Grecs, le lieu de rassemblement social, culturel du village, celui oĂč se rencontrent les gĂ©nĂ©rations, oĂč se transmettent les traditions.

PoÚte Patrick Kanpo Queheille (cicontre), poÚte et unique employé municipal de Barkoxe, veille autant sur l'apparence physique de la commune que sur sa vitalité culturelle.

son parrain, meilleur apprenti de France en cuisine, chez Chilo, l’emblĂ©matique restaurant : « Tu cherches un joli mĂ©tier ? Boulanger Ă  Barcus ! ». À l’heure du jaune partagĂ© dans l’atelier, dans les fragrances de la derniĂšre fournĂ©e et du russe, une de ses spĂ©cialitĂ©s – Ă  Barkoxe, il clĂŽt joliment tout repas dominical – Mathieu Ă©voque quelquesunes de ses initiatives qui participent d’une forme de solidaritĂ© villageoise. Un mĂ©tier passion qui le contraint Ă  ne pas compter les heures : « Un choix assumĂ© pour jouer l’irremplaçable rĂŽle socio-Ă©conomique du boulanger dans un village, d’ailleurs tous les jours nous assurons 100 km de tournĂ©e. ». Barkoxe c’est aussi un attachement sans faille au pastoralisme. On est tout aussi attentif Ă  tzintzarrada (l’assortiment de sonnailles) et au fardage des brebis montant Ă  l’estive qu’à la pĂ©rennitĂ© du plus vieil office de Zuberoa. Faut-il rappeler que la Coutume de Soule, Ă©tablie en 1520, n’est pas un texte vain, cinq cents ans aprĂšs sa rĂ©daction elle gĂšre encore les rapports sociaux et Ă©tablit, pour tous les Souletins, la libertĂ© personnelle comme le libre usage des terres. C’est dans cette lignĂ©e que s’inscrivent Beñat Biscay et sa compagne VĂ©ronique Carriorbe. Titulaires d’un BTS agricole, ils n’ont jamais envisagĂ© un autre mĂ©tier que celui de berger. Quand, de mai Ă  octobre, l’estive ne les retient pas du cĂŽtĂ© d’Arrazolatze (Irati), ils veillent, quartier Chapelle, Ă  fleur de coteau, sur leurs 260 brebis et 35 vaches. « Barcus n’a rien perdu de sa dynamique agricole, d’ailleurs, quatorze exploitants ont moins de 35 ans et, depuis un an et demi, cinq se sont installĂ©s », souligne Beñat avec enthousiasme. Nous assistons en famille Ă  un double agnelage, l’occasion d’aborder avec VĂ©ronique les questions d’organisation surtout avec trois enfants. « Dans la pure tradition du


vILLAGE/BArkoxE

Ce dynamisme qui caractĂƠrise le village, c'est en grande partie dans son patrimoine culturel qu'il le puise.

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village/Barcus

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Berger, bergÚre Véronique Carriorbe et Beñat Biscaye, son compagnon, n'ont jamais envisagé un autre métier que celui de berger, dans la plus pure tradition pastorale souletine.

Chez Sylvain Pas de village sans son bistrot, cet endroit rare, ce quai du départ vers d'uniques et impossibles voyages. Chez Sylvain (ci-dessous) en est l'illustration.

Tradition La tradition n'est pas cette pensée nostalgique dans laquelle certains tentent de l'enfermer, c'est une racine qui permet à toutes les générations d'éclore.

Ensemble Culture et sport - surtout rugby - , deux mondes qui se sont longtemps cÎtoyés et que le spectacle estival, écrit par Parick Kanpo, devrait réconcilier

kayolar souletin, les tours de rĂŽle permettent d’avoir du temps libre et de s’autoriser quelques jours de vacances », explique-t-elle. Une solidaritĂ© pastorale que tient Ă  Ă©voquer Beñat : « Il y a aussi ces deux mercredis par mois oĂč nous nous retrouvons entre bergers pour un casse-croĂ»te chez Sylvain Lechardoy ou chez Chilo, afin de parler de nos problĂšmes comme de nos projets. » Chez Sylvain comme Chilo, les deux auberges incontournables, participent de l’indispensable lien social. Chez le premier on y prend l’apĂ©ro de fin de semaine, comme on y abaisse tardivement le rideau aprĂšs la mascarade traditionnelle quand le second relĂšve de l’institution sur la route gastronomique du Pays basque. L’ancienne auberge familiale est devenue l’excellente table que l’on ne prĂ©sente plus : « Un pari que l’on a su gagner, Ă  partir de l’hĂ©ritage culinaire familial », confie Pierre Chilo, lequel a su ĂȘtre prophĂšte en son pays ; Ă  Barkoxe, un Ă©vĂ©nement familial ne saurait ĂȘtre cĂ©lĂ©brĂ© ailleurs que chez lui et une fois par mois, c’est encore lĂ  que les Barkochtarrak viennent affermir un rĂ©pertoire, pourtant dĂ©jĂ  riche, de chants.

Patrimoine culturel Ce dynamisme qui caractĂ©rise le village, c’est en grande partie, dans son exceptionnel patrimoine culturel qu’il le puise. Nous avions tenu Ă  aller sur ce coteau isolĂ© oĂč, dans un embrouillamini de ronces – Ă  l’image de sa vie – achĂšve de se dĂ©liter la maison de Pierre Topet Etxahun, meurtrier par passion, taulard, tricard, routard – il fit Saint-Jacques et Rome avant l’euro balisage – mais koblakari (poĂšte) avant tout. Les magnifiques bertset (vers) de ce Villon local mĂątinĂ© de Rimbaud, trahissent un Ă©corchĂ© vif, un mal aimĂ© : edertasĂŒnez pobre sortĂŒ nintzelako (Parce que je suis nĂ© pauvre en beautĂ©), ainsi qu’il l’affirmait. Quoiqu’il s’en dĂ©fende, « je prĂ©fĂšre le devoir de transmission », Patrick Kanpo Queheille vient dans la filiation du poĂšte maudit, de Bernard Mardo, rejetĂ© pour avoir Ă©pousĂ© une bohĂ©mienne, ou d'Alexis Etxekopar Attuli. Tous, en cĂ©lĂ©brant la vieille langue,

ont dĂ©signĂ© Barkoxe – depuis la guerre, elle a montĂ© six pastorales et s’honore d’une remarquable Ă©cole de danse – comme un « Conservatoire » de la tradition dans le sens le plus noble du terme. Danseur exceptionnel, auteur de pastorales avec son complice Fabien Lechardoy errejent (metteur en scĂšne) de lĂ©gende, Patrick Kanpo (nom de la maison familiale) Queheille, unique employĂ© municipal, veille autant sur l’apparence physique de la commune que sur sa vitalitĂ© culturelle. « Une force que l’on tire aussi de l’euskara que l’on pratique au quotidien, ce n’est pas un village qui est en train de mourir » assĂšne-t-il. Une vie associative forte tant au niveau de la culture que du sport, essentiellement le rugby : « Deux mondes qui se sont longtemps juste cĂŽtoyĂ©s et qu’il fallait impĂ©rativement rĂ©unir. » Patrick s’y attache qui prĂ©pare pour l’étĂ© un de ces spectacles dont il a le secret. S’y mĂȘleront quelques endosses du quinze de l’Avenir de Barcus et les orfĂšvres du frisat (entrechat) de l’association Etxhahun, autour de trois Ă©vĂ©nements forts de l’histoire du Pays basque : Orreaga (Roncevaux, 778), la douloureuse jacquerie souletine de Matalas (1661) et Gernika (1937) : « Il ne suffira pas d’ĂȘtre prĂ©sent sur scĂšne au jour du spectacle mais Ă  diffĂ©rents niveaux, de s’impliquer autour de ces Ă©pisodes durant toute l’annĂ©e », prĂ©vient-il. Un dĂ©calage dont le vieux Topet aurait fait son moĂ»t : Ahaide delizius hontan, bi berset gei tit khantatĂŒ (Sur cet air plaisant j’ai bien l’intention de vous chanter deux vers)


Mots-clés/Hitz gakoak PoÚte : koblakari Exploitation agricole : etxalde Pastoralisme : artzaingo Spectacle : ikuskizun


mémoire industrielle

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s Santiago Yaniz Aramendia

Trapagaran, burdineko gizonezkoen harana

Trapagaran

La vallée des hommes du fer Bilboko ezkerreko ertzean, Galdames eta Trianoko mendiak altxatzen dira. Burdinaren ustiapenari esker, nonbait Bizkaiko herriburuaren zain elikagarria izan zen.

Cicatrices Seuls, les guerres et les gisements miniers marquent la terre de cicatrices indélébiles, comme ici, dans le massif sis sur la rive gauche du Nerbioi, proche de Bilbo.


mémoire industrielle

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P

our embrasser Bilbo du regard, il ne saurait exister de meilleur endroit que les Monts de Triano et Galdames. Un panoramique exceptionnel qui, en se dĂ©ployant depuis la Punta Galea jusqu’au moutonnement des toits du quartier historique, imposerait au passage de Barakaldo et Portugalete, l’indispensable lecture d’une complexe articulation industrielle. Une perspective qui ne saurait mieux dĂ©finir l’essence mĂȘme de la capitale biscayenne.

Aussi vrai que seuls, avec les guerres, les gisements miniers marquent la terre de cicatrices indĂ©lĂ©biles, pas un des quelque vint-deux sommets entre 887 m (Eretza) et 514 m (Argalario) qui, rive gauche du Nerbioi, ourlent le massif, n’a Ă©chappĂ© au pic et Ă  la dynamite. Une longue, douloureuse et passionnante histoire qui raconte comment, pour son seul profit, l’homme rendit possible la rencontre improbable de la ville avec la campagne. Trapagaran, une vallĂ©e fertile, aujourd’hui assĂ©chĂ©e qui, tel un fleuve torrentueux, de La Arboleda Ă  Gallarta et d’Ortuella Ă  Trapagaran, par


mĂƠmoire industrielle

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MÉMoIrE INdUStrIELLE

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Les agriculteurs de la zone s'arrondissaient les ïŹns de mois avec l'extraction facile d'un minerai aïŹ„eurant, propritĂ© de tous, selon la coutume.

Zone de loisirs Sur 135 hectares, les anciennes mines sont devenues des lacs artificiels et l'ensemble de la zone un espace dédié au sport et aux loisirs. Barrenador Le foreur avec sa barre à mine était l'ouvrier le mieux payé, le seigneur de la mine. C'est devenu une spécialité vizcayenne des épreuves de force basque.

formidables ponts roulants, ingénieux et acrobatiques téléphériques, irrigua Bilbo de minerai de fer, son oxygÚne, son plasma vital, son principe existentiel.

Une montagne Ă©tĂȘtĂ©e Sinueuse, l’étroite nationale abandonne Portugalete l’industrieuse pour s’élever en suivant une pente de 7,5 %, taillant dans une vĂ©gĂ©tation gĂ©nĂ©reuse. Les pimpantes maisons destinĂ©es davantage Ă  la villĂ©giature de fins de semaine, ont beau alterner avec quelques baserris, on subodore vite qu’ici, ces derniers n’ont eu qu’un rĂŽle secondaire. Les terrasses qui apparaissent sur les pentes n’ont aucun lien avec ces Ă©tagements caractĂ©ristiques relevant de l’amĂ©nagement fonctionnel de l’agriculture d’altitude. La terre laisse apparaĂźtre ses os couleur rouille, non point du caillou rond, du rocher familier Ă  la texture granitique, karstique ou schisteuse, tels qu’on peut habituellement les rencontrer en Pays basque mais cette hostile roche hybride aux arĂȘtes vives, ni tout Ă  fait minĂ©rale, pas encore mĂ©tal. À l’infini, la montagne s’encave dans des cirques artificiels taillĂ©s de gradins gĂ©ants comme autant de stades dĂ©mesurĂ©s qui n’auraient Ă©pargnĂ© aucune colline, mĂ©nagĂ© le moindre pĂąturage, le plus modeste coteau. Le relief l’a cĂ©dĂ© Ă  la bĂ©ance. Une montagne Ă©tĂȘtĂ©e par les hommes Aux saisons intermĂ©diaires, les pelouses,

en regagnant sur l’homme, tempĂšrent la rudesse d’une montagne Ă©tĂȘtĂ©e et les remontĂ©es lacustres d’anciens puits de dĂ©cantation confĂšrent au paysage des allures d’irlande. L’étĂ©, sous un soleil sans pardon, les scarifications se font plus vives. CĂąbles dĂ©toronnĂ©s ou achevant de funambuler vers la rĂ­a, wagonnets stationnĂ©s Ă  perpĂ©tuitĂ© sur des rails, fours dĂ©litĂ©s, gueules de puits plongeant vers des entrailles dĂ©sormais stĂ©riles, composent les Ă©lĂ©ments d’un attachant dĂ©cor.

Privatisation au XIXe siĂšcle Un siĂšcle aprĂšs J.-C., Pline l’Ancien Ă©voque dĂ©jĂ  la grande montagne de fer prĂšs de la mer Cantabrique et les chroniques mĂ©diĂ©vales l’exploitation du fer dans les monts Triano. Tout se passa plutĂŽt bien durant des siĂšcles au nom de l’usage et de la coutume faisant du filon la propriĂ©tĂ© de tous. Les agriculteurs de la zone s’arrondissaient les fins de mois avec l’extraction facile d’un minerai affleurant et que les attelages acheminaient ensuite vers les nombreuses forges de la rĂ­a. Tout se gĂąte Ă  l’aube du XiX e siĂšcle. La Junte de gernika s’efforce de maintenir un Ă©quilibre entre l’usage et les nouveaux intĂ©rĂȘts Ă©conomiques qui se profilent en europe. en 1849, une nouvelle rĂ©glementation d’état autorisant la privatisation va dĂ©possĂ©der les communes intĂ©ressĂ©es et limiter, avant de l’interrompre, la libre exploitation. L’autorisation d’exploitation donnĂ©e aux entreprises Ă©trangĂšres va sonner le glas d’un mode de vie. Avec l’avĂšnement de la rĂ©volution industrielle, quelques grosses compagnies basques dont Ybarra (40 % des mines de Biscaye) et Ă©trangĂšres, vont se partager le gĂąteau au prix d’une douloureuse fracture sociale. en 1876, on extrait 100 000 tonnes de minerai par an, en 1899, 6 496 000 tonnes, 25 000 ouvriers y sont Ă  la peine. en 1885, en France, Émile Zola publie Germinal. À cinq kilomĂštres de Trapagaran, La Arboleda est aujourd’hui une paisible commune perchĂ©e sur les flancs de la montagne arasĂ©e. Son environnement, son architecture et surtout ses gens, rĂ©sumeraient l’histoire de la vallĂ©e ; du reste, le gouvernement d’euskadi l’a dĂ©clarĂ©e Patrimoine culturel (Kultura ondasun). Le style des maisons ne rappelle en rien celui de la province mais rĂ©unirait plutĂŽt un Ă©chantillon de ce que l’on peut rencontrer dans le reste de la pĂ©ninsule, comme si chacun avait reconstituĂ© ici des allures du sol abandonnĂ©, rappel de la plus importante Ă©migration espagnole qui multiplia par sept la population de la vallĂ©e Ă  la fin du XiXe siĂšcle. La mĂ©moire est encore vive d’une saga qui


MĂƠmoire industrielle

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MÉMoIrE INdUStrIELLE

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« Le pire, pour la femme du mineur c'était, en se levant, de constater qu'il pleuvait ; c'était un jour sans salaire, parfois 160 jours par an. »

Mateo À 83 ans, Mateo, l'ancien mineur, se souvient des conditions de travail dans les mines ! Les « trĂ©sors » de la terre hĂ©matite rouge, sidĂ©rite pailletĂ©e, limonite citronnĂ©e, tels sont les trĂ©sors qu'il s'est agi d'extraire et de descendre vers Bilbo, un siĂšcle durant.

s’est achevĂ©e Ă  la fin des annĂ©es soixante. Nous y avions croisĂ© Tasio venu Ă  seize ans de son extremadura natale, comme tant d’autres de galice ou de Castille, poussĂ© par la faim et l’espoir d’une vie meilleure. « Le boulot ne manquait pas, aussi vu les conditions de travail dans les mines, j’ai prĂ©fĂ©rĂ© embaucher aux Altos Hornos de Vizcaya », nous explique-t-il en dĂ©signant la ria ; « je ne l’ai pas regrettĂ©. » et de nous expliquer qu’il ne voulait surtout pas loger dans les terribles barracones oĂč s’entassaient dans des conditions d’hygiĂšne dĂ©plorables, plus de cent mineurs. Le tĂ©moignage de Mateo, 83 ans, avec qui nous avions partagĂ© un verre au bar Carmen, nous transporta vers les mines oĂč, dĂšs l’ñge de 15 ans, il charge le minerai — trois wagons de deux tonnes par jour, jusqu’à cet Ă©tĂ© de 1961, quand, Ă  28 ans, il est victime d’une mauvaise blessure Ă  la jambe : « de mauvais soins, la chaleur, la gangrĂšne s’y est mise et on m’a amputĂ© », nous explique-t-il, en tapant de la main sur la prothĂšse. Au vu de notre Ă©motion, il croit la tempĂ©rer en nous rappelant que son pĂšre a eu moins de chance, Ă©crasĂ© par un wagonnet. S’ensuit un incroyable dialogue avec le jeune serveur du bar, ancien harri zulatzaile, barrenador ou foreur en français, une spĂ©cialitĂ© vizcayenne des Ă©preuves de force basque qui naquit dans les annĂ©es 30 dans le village minier voisin d’Ortuella, rĂ©miniscence d’un dur labeur. Le foreur Ă©quipĂ© de sa barre Ă  mine Ă©tait un peu l’ouvrier-seigneur, le mieux payĂ©, celui qui prenait, avec l’étayeur, le plus de risques. Jusqu’à la gĂ©nĂ©ralisation de la foreuse pneumatique, les foreurs Ă©quipĂ©s de leurs barres de 12 kg, se devaient, par Ă©quipes de deux et huit heures durant,

de pratiquer un trou rĂ©gulier de 4 Ă  5 m de profondeur pour y placer les bĂątons de dynamite. « Il fallait jusqu’à 4 heures pour percer un mĂštre ! », prĂ©cise Mateo, « souvent vers la voĂ»te ou latĂ©ralement, quand aujourd’hui dans sa version sportive, c’est une simple frappe verticale et pourtant Ă©puisante d’une durĂ©e de 20 minutes ! », complĂšte le serveur, admiratif. hĂ©matite rouge, sidĂ©rite pailletĂ©e, limonite citronnĂ©e, goethite anthracite, voilĂ  les trĂ©sors qu’un siĂšcle durant il s’est agi d’extraire et de descendre vers Bilbo, par tous les temps malgrĂ© la vermine, la chiourme du tout-puissant capataz (contremaĂźtre), les accidents frĂ©quents et les Ă©pidĂ©mies rĂ©currentes. Dolores ibarruri, plus connue comme La Pasionaria, originaire de la vallĂ©e, fille et femme de mineur, Ă©crira dans le journal El minero vizcaino (1918) : « Le pire pour la femme du mineur c’était, en se levant, de constater qu’il pleuvait ; c’était un jour sans salaire, parfois 160 jours par an. »

PremiĂšre grĂšve gĂ©nĂ©rale Sur la coquette place de La Arboleda, au-dessus du bar La Lonja, se trouve le siĂšge de la section du Parti Socialiste qui vit le jour en 1888, l’une des premiĂšres de la pĂ©ninsule car, on s’en doute, les luttes sociales furent titanesques. C’est dans la vallĂ©e, en mai 1890, qu’eut lieu la premiĂšre grĂšve gĂ©nĂ©rale. Les cinq autres qui se succĂ©dĂšrent jusqu’en 1911 furent violemment rĂ©primĂ©es, le prix Ă  payer pour obtenir dix heures de travail par jour, des amĂ©liorations des conditions de logement et de travail, de menues augmentations du salaire journalier. AprĂšs le premier conflit mondial la production chuta par Ă©puisement du gisement pour n’atteindre que 1 487 308 tonnes en 1969. Les emblĂ©matiques Altos Hornos de Vizcaya, s’éteignirent dĂ©finitivement en 1990. Bilbo s’est dĂ©barbouillĂ© du noir, la fleur de titane du Gugghenheim a joliment Ă©clos sur le pavĂ© des docks. Au-delĂ  de sa seule musĂ©ification, en Ɠuvrant Ă  la rĂ©habilitation d’une noble activitĂ© dĂ©funte, le patrimoine industriel a aussi valeur de reconquĂȘte.

Mots-clés/Hitz gakoak : Mine : meategi Fer : burdin exploitation : ustiapen Foreur : harri zulatzaile


HIStoIrE

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t e x t e Txomin Laxalt

george Lowther Steer kazetariak, hasieratik bukaeraren arte, euskadin gerla segitu du. Bere liburua, El Ă rbol de Gernika, lekukotasunik hoberenetako bat geratzen da.

Le JOUR OÙ geRNiKA BRÛLA geORge L. STeeR, geRNiKA eRRe ZeN egUNeAN

i

l est deux heures de l’aprĂšs-midi, ce mardi 27 avril 1937, quand george Lowther Steer (Cambridge, Afrique du sud, 1909 – Rangoon, Birmanie, 1944), pĂ©nĂštre dans gernika (Bizkaia) en flammes. Laconique, le fil d’agence Ă©tait tombĂ© la veille, alors qu’il dĂźnait au restaurant Torrontegi de Bilbo en compagnie de quelques autres correspondants de presse : gernika est en flammes. L’article qu’il envoie ce jour affirme : « Gernika, la ville la plus ancienne des Basques et centre de sa tradition culturelle, a Ă©tĂ© totalement dĂ©truite hier aprĂšs-midi suite aux bombardements aĂ©riens des troupes insurgĂ©es. Le bombardement de ce village exposĂ©, Ă©loignĂ© de la ligne de front, dura exactement trois heures et quart, durant lesquelles, une puissante escadrille de trois types d’avions allemands accompagnĂ©s de bombardiers Junkers et Heinkel, ne cessĂšrent de lancer des bombes de quelque 500 kg, auxquelles il faut ajouter plus de 3 000 projectiles incendiaires
 Les chasseurs, pendant ce temps, piquĂšrent vers le centre de la ville pour cribler les civils rĂ©fugiĂ©s jusque dans les champs. » Curieux personnage que george L. Steer dont on dit que sa fonction de reporter se doublait de celle d’agent de l’Intelligence Service britannique. Journaliste pour The Times, il est prĂ©sent sur le conflit en Pays basque depuis aoĂ»t 1936, soit quelques jours aprĂšs le coup d’État fomentĂ© par les militaires contre la RĂ©publique. g.L Steer est le premier journaliste sur les lieux de ce que l’on considĂšre comme le premier bombardement d’une population civile dans l’histoire. Son tĂ©moignage, infirmant

Correspondant Reporter de guerre pour le compte du Times, george Steer a couvert les conflits partout dans le monde.

Bilbo 1937 Défilé des soldats basques, gudaris, devant le gouvernement basdque, à Bilbo en 1937.


HIStoIrE

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Ville de la paix L'Ɠuvre d'henry Moore, dans le parc des Peuples d'europe, symbolise gernika comme ville de la paix.

celui des franquistes prĂ©tendant que les Basques eux-mĂȘmes ont incendiĂ© la ville, est bouleversant, d’autant plus qu’il a dĂ©couvert le peuple basque auquel il voue une grande admiration tout comme Ă  JosĂ© Antonio de Aguirre, le premier lehendakari du jeune gouvernement basque (7 avril 1936). « Dans le monde moderne, le Basque dĂ©fend simplement la libertĂ© de classes, la camaraderie et la loyautĂ© ; il dĂ©fend l’humanisme jusque dans les hasards de la guerre et il lui dĂ©plaĂźt de combattre au nom de quelque doctrine extrĂ©miste ou violente qui soit
 C’est pour sa libertĂ© que le Basque lutta et perdit. », Ă©crit-il dans une somme consacrĂ©e au conflit en euskadi, The tree of Gernika, (El Ă rbol de Gernika, Txalaparta Ă©ditions. L’ouvrage, Ă  notre connaissance, n’existe qu’en anglais et en espagnol, N.D.L.R). est-ce un hasard si le sous-titre du livre est : Essai sur une guerre moderne ? george L. Steer couvrira l’ensemble du conflit en Pays basque, jusqu’à la chute de Bilbo en aoĂ»t 1937, et de quelle magistrale façon car pour ne pas faire partie de la caste des correspondants de presse cramponnĂ©s aux bars des grands hĂŽtels no man’s land, ses rĂ©cits relĂšvent du vĂ©cu. Steer est dans les tranchĂ©es aux cĂŽtĂ©s des gudaris de l’eusko gudarostea (armĂ©e basque) comme sur les barricades auprĂšs des miliciens rĂ©publicains en bleus de chauffe. C’est vrai que le journaliste – il fut expulsĂ© d’Abyssinie alors occupĂ©e par les troupes de l’italie mussolinienne – s’est dĂ©clarĂ© farouchement antifasciste et n’aura de cesse de dĂ©noncer le danger qui plane sur l’europe et dont l’espagne fera les premiers frais. On le suit lors de la terrible bataille d’irun, sur les hauts de San Marcial, un fort Alamo gipuzkoan, et pendant l’hĂ©roĂŻque fuite vers hendaye : « les miliciens commencĂšrent Ă  se retirer par le pont international
 certains couraient d’autres se traĂźnaient, les balles des factieux arrivaient de toutes parts
 Ceux qui dĂ©siraient continuer le combat furent regroupĂ©s Ă  la gare d’Hendaye

dans l’attente d’un train spĂ©cial qui les mĂšnerait Ă  Barcelone. » On l’accompagne sur le front de Bizkaia, jusqu’à la chute de Bilbo, le 19 juin 1937. Sans relĂąche Steer accompagne les troupes et c’est toujours l’occasion de tracer de piquants portraits, de l’anonyme homme de troupe au prestigieux officier, de l’ecclĂ©siastique disant la messe pour les gudaris avant l’assaut sur le front des intxorta ou de l’infirmiĂšre volontaire en premiĂšre ligne. Des rĂ©cits d’autant plus poignants qu’ils nous renvoient vers des lieux, des montagnes, des ports, des villes qui nous sont familiers et dont on a oubliĂ© qu’ils furent le thĂ©Ăątre d’une sanglante tragĂ©die. The tree of Gernika s’achĂšve sur cette phrase : « Des siĂšcles de lutte, d’aventures sur les cinq fougueux ocĂ©ans, ont fait du Basque un homme d’une infinie rĂ©serve de rĂ©sistance et de silence. Ses Ă©paules restent libres du fardeau de tout rĂ©gime. Sa condition morale ne dĂ©pend d’aucunes constitutions Ă©crites mais seulement de son Histoire et sa prĂ©histoire. » Ce tĂ©moin parmi les hommes que fut george L. Steer, mourra en 1944, sur le front de Birmanie, victime de sa profession, un modĂšle du genre.

george L. Steer couvrira l'ensemble du conflit en Pays basque, jusqu'Ă  la chute de Bilbo en juin 1937.

Mots-clés/Hitz gakoak : guerre : gerla Massacre : sarraski Témoignage : lekukotasun Tranchée : lubaki


INtErvIEW

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photo emmanuel Grimault

inTerVieW

JEAN-PAUL dUBoIS iL n'Y A qu'Au PAYs BAsque que Je suis Bien

L'auteur deL'Éloge du gaucher, Tous les matins je me lùve, Maria est morte, Le cas Sneijder, nous entraüne avec La Succession, son dernier roman, dans un va-et-vient entre Miami, la cesta punta et sa drîle

BioGrAPhie Jean-paul dubois est né à Toulouse, en 1950. Tour à tour, journaliste à Sud ouest, au Matin de paris, grand reporter au nouvel observateur et romancier depuis1984. il a publié quinze romans et a été lauréat du prix Fémina, en 2004, pour une Vie française et prix alexandre-Vialatte 2012 pour Le cas Sneijder. Quatre de ses romans, kennedy et moi, Si ce livre pouvait me rapprocher de toi, Le cas Sneijder et Vous plaisantez, Monsieur Tanner ont été adaptés au cinéma.

ibilka : Vous avez dit qu'une fois un livre terminĂ©, vous vous interrogez sur sa genĂšse. d'oĂč vient celui-ci ? Jean-Paul Dubois : Ce sont des Ă©lĂ©ments disparates. Le suicide du type qui saute avec les mĂąchoires scotchĂ©es et les lunettes, c'est une histoire vraie qui Ă©tait arrivĂ©e Ă  New York ; l'image ne m'a jamais lĂąchĂ©. La deuxiĂšme chose, c'est peut-ĂȘtre une rencontre, il y a 25 ans, avec un mĂ©decin aux États-Unis, qui aidait ses patients Ă  mourir et militait pour cette cause. et puis ce sont les petits trucs de la vie de chacun, le petit chien que je trouve
 C'est plus simple de parler des choses qu'on connaĂźt bien, qu'on aime bien. il y a une corrĂ©lation entre l'histoire et celui qui Ă©crit. Pourquoi la pelote ? Parce gamin au Pays basque, j'y ai jouĂ©. Ma mĂšre m'avait achetĂ© un petit chistera et je jouais sur les frontons, Ă  hendaye ou Saint-Jean-de-Luz. et puis, le hasard a fait qu'Ă  42 ans, je suis allĂ© Ă  Miami. À l'aĂ©roport, on vous distribuait des dĂ©pliants sur le Jai alai de la ville. Je n'en croyais pas mes yeux de voir que le petit sport basque avait, ici, une telle importance, qu'il y avait des joueurs professionnels.

livre, la descente de Bidart quand vous tournez la tĂȘte Ă  droite que vous avez le vent de la mer qui s'engouffre, l'odeur, c'est magique. Socoa, la maison dont je parle existe, c'est la derniĂšre avant le fort et elle a toute une histoire. Partout, je collectionne de petits endroits comme ça. et il y avait la piscine d'eau de mer du centre de vacances SNCF, elle me faisait rĂȘver quand j'Ă©tais gosse. elle existe encore, je l'ai vue, il y a trois jours. J'y suis tout le temps, j'y passe six mois de ma vie. Je traĂźne Ă  Saint-SĂ©bastien, je vais acheter des petits gĂąteaux chez Oiartzun ; je vais au marchĂ© Ă  irun, ce n'est pas original, mais c'est trĂšs agrĂ©able de le faire. C'est devenu Ă  la mode aujourd'hui, mais lorsque j'Ă©tais petit, ma mĂšre allait faire son marchĂ© Ă  irun. J'ai achetĂ© mes premiĂšres cigarettes Ă  irun, des Bisonte, il y avait un bison dessinĂ© sur le paquet. donc, Paul Katrakilis, hĂ©ros de votre roman que sa mĂšre amenait au Pays basque
 C'est tout Ă  fait vrai, le Jaizkibel, Pasajes, le parador du Jaizkibel j'y allais avec mon pĂšre, c'Ă©tait magique, non pas >> pour y manger, mais la terrasse gigantesque avec un point de vue sur tout le Pays basque, la montagne, la mer, la Bidasoa. De toute façon, concernant le Pays basque, je ne suis pas objectif, je ne lui trouve aucun dĂ©faut. Je le connais comme ma poche, je le sillonne en scooter.

il y a une corrélation entre l'histoire et celui qui écrit

Vous dĂ©crivez si bien ce milieu, qu'on a l'impression que vous avez baignĂ© dedans ? Non, je ne connais pas le milieu professionnel, mais la cesta punta c'est trĂšs lisible, mĂȘme pour un ignorant comme moi qui ne suis pas un technicien du jeu. et puis il y a beaucoup de documentation sur le jeu et sur le jeu en AmĂ©rique du Nord. SĂ»rement ai-je dit des conneries, mais j'ai tout fait pour ne pas le faire. il faut avoir Ă  l'esprit son seuil d'incompĂ©tence. Lors d'une sĂ©ance de signatures, Ă  Bayonne, Serge Cami, champion de cesta punta (lire Ibilka n°13) m'a dĂ©dicacĂ© l'un de ses gants et j'Ă©tais trĂšs Ă©mu.

dans La succession, au-delà de la pelote, le Pays basque aussi est trÚs présent. on le retrouve dans plusieurs de vos romans. C'est un endroit important pour vous ? il n'y a que là que je suis bien. Ce que je raconte dans le

Vos romans et celui-ci n'y Ă©chappe pas, sont baignĂ©s par la mĂ©lancolie ? Les histoires que je raconte, sont des histoires lourdes, des parts sombres d'une vie, donc le ton est adaptĂ©, mĂȘme si on me dit que c'est souvent drĂŽle. Moi, je ne m'en rend pas compte, je suis toujours surpris quand on me dit qu'il y a des trucs drĂŽles. C'est aussi plus facile de raconter la part sombre d'une vie que quelque chose d'heureux. un endroit que vous aimez au Pays basque ? hendaye, Socoa et Bayonne. J'adore ĂȘtre Ă  Bayonne, c'est une ville tordue, mais je l'aime et j'aime l'Aviron.


culture

Les diffĂ©rents chemins du destin « Cela faisait trois ans et demi que j'appartenais Ă  la troupe de professionnels de cesta punta de Miami et, en aussi peu de temps, j'avais vu le monde changer, le nĂŽtre en particulier. » Paul Katrakilis, son diplĂŽme de mĂ©decin en poche – comme son pĂšre – est recrutĂ© au Pays basque pour rejoindre le milieu des pelotaris professionnels OutreAtlantique. « Ce furent des annĂ©es merveilleuses. Quatre annĂ©es prodigieuses durant lesquelles je fus soumis Ă  un apprentissage fulgurant et une pratique intense du bonheur. » Pour autant, Paul n'est pas dupe : « Nous Ă©tions les petites mains, les petits gants de l’entreprise, la classe ouvriĂšre d’un drĂŽle de monde, qui partait chaque jour au labeur avec son casque de mineur colorĂ© et son Ă©trange outil de travail dont l’ñme Ă©tait gainĂ©e de chĂątaigner

coupĂ© Ă  la lune descendante et le corps, d’une armure blonde tressĂ©e d’osier ». La vie et le destin familial de Paul l'entraĂźneront dans un va et vient entre Miami et Toulouse, entre le poids de l'hĂ©ritage familial, le devoir et le rĂȘve d'une vie et d'un amour impossible. MalgrĂ© les apparences, ce n'est pas un livre sur la pelote mais un roman sur le destin, celui qui nous choisit et auquel on se rĂ©signe davantage par complicitĂ© et abnĂ©gation que par lĂąchetĂ© et qui montre que le bonheur peut parfois prendre des Tao bien curieux.

ÉditĂ© en 1955, cet ouvrage rare Ă©tait Ă©puisĂ© depuis longtemps. Saluons l'excellente initiative de la maison d'Ă©dition Iru Errege qui nous permet de le redĂ©couvrir et, avec lui, de mieux apprĂ©hender l'histoire de l'immigration basque avec, pour guide, le pĂšre Adrien Gachiteguy qui tente de rĂ©pondre Ă  une question : s'agissait-il d'un vĂ©ritable Eldorado ? En parcourant ces vastes territoires, il est allĂ© Ă  la rencontre de nombre de ces dĂ©racinĂ©s et a racontĂ© leurs histoires. Aussi passionnant qu'Ă©mouvant. Les Basques dans l'Ouest amĂ©ricain, Adrien Gachiteguy. Éditions Iru Errege. 15 €. Contact : patrick.delprat@cegetel.net

L

e musĂ©e de Bilbo rend hommage Ă  la collection d'Hermann et Magrit Rupf, deux collectionneurs suisses qui, parmi les premiers, se sont intĂ©ressĂ©s Ă  l'art du dĂ©but du XXe siĂšcle. L'exposition prĂ©sente 70 Ɠuvres phares de l'art de la premiĂšre moitiĂ© du siĂšcle, notamment de Picasso, Derain, Braque, Kandinsky, Paul Klee, Fernand LĂ©ger ou Juan Gris
 MusĂ©e Guggenheim, jusqu'au 21 avril.

Il a longtemps Ă©tĂ© l'un des acteurs du littoral, faisant partie du paysage, ancrĂ© presque, le long de la CĂŽte des Basque et devant la Grande Plage Ă  Biarritz, acagnardĂ© dans quelque recoin de falaise entre GuĂ©thary et Saint-Jeande-Luz. Il appartient Ă  l'histoire du surf, autant que l'histoire du surf fait partie intĂ©grante du Pays basque. C'est bien sĂ»r le mythique Combi Wolkswagen, symbole de la libertĂ© et bien plus qu'un simple vĂ©hicule, un rĂ©el art de vivre, auquel ce livre dresse un Ă©mouvant hommage qui parlera aux plus anciens d'entre nous. Combi Love, un art de vivre. GlĂ©nat. 35 €.

La Succession, Jean-Paul Dubois, Ă©ditions de l'Olivier. 19 €

Les Basques dans l'Ouest américain

Collection Rupf au Guggenheim

Éloge du Combi roman >>>

lectures/expos

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Donostia 2016, bilan mitigé

Le 31 dĂ©cembre, Donostia a transmis le flambeau de capitale europĂ©enne de la culture Ă  Paphos la ville chypriote et Ă  la danoise Aarhus. MalgrĂ© les quelque 3 000 Ă©vĂ©nements organisĂ©s, le bilan reste en demi-teinte, dĂ» pour grande partie Ă  l'absence d'Ă©vĂ©nements majeurs et Ă  une mauvaise lisibilitĂ© de la programmation. La capitale du Gipuzkoa n'aura pas su profiter de l'Ă©vĂ©nement au mĂȘme titre que Lisbonne (1994), Liverpool (2008), Lille (2004) ou Marseille (2013) pour affirmer son rĂŽle Ă  l'Ă©chelle europĂ©enne. Un rendez-vous en partie manquĂ©.

Frontons du monde

Parmi l'ensemble des symboles de l'identitĂ© basque, le fronton occupe une place Ă  part, un peu comme un rĂ©fĂ©rent mĂ©tonymique. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si les Basques de la diaspora n'eurent de cesse d'en Ă©riger partout oĂč ils s'installaient. C'est justement l'objet de ce site collaboratif de recenser et de gĂ©olocaliser les frontons du monde entier, constituant ainsi une base de donnĂ©es la plus exhaustive possible. Chacun peut la consulter et surtout l'enrichir soit de commentaires, soit de nouveaux frontons dĂ©couverts au fil de ses voyages. Une belle façon de partager ses coups de cƓur et ses connaissances. frontons.net

Pantxoa CarrĂšre, Anaitasunean

Hona hemen Pantxoa Carrere kantariaren bakarkako lehen diska, Anaitasunean izenekoa. Nahiz eta Peio eta Pantxoa, bikote enblematikoa desagertu, Pantxoak, bere ibilbidea bakarrik segitzen du. Diska horretan autore famatuek sinatutako testuak atxemanen dira : Daniel Landart, Manex Pagola, Etxahun Iruri, LĂ©on Saint Esteben, Xalbador. Pantxoak idatzi ditu musikak. Diskaren bi kantutan, seme alabek, Naia eta Ugo lagunduta dago. Anaitasunean – Elkar.


mémoire

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t e x t e Txomin Laxalt

ien, si les Basques ne partent pas, vous recevrez 30 ducats, si l’attaque se passe bien, par contre 110 ducats
 Si quelqu’un Ă©tait tuĂ© dans l’affaire, la famille recevra 200 ducats. », annonce Ă  ses nervis le sheriff islandais Ari Magnusson, personnage historique que ressuscite Iñaki Petxarroman (Lasarte-Oria, 1973) dans Kearen fiordoa (Elkar, 2015), un livre document. Le 22 avril 2015 le gouvernement islandais, Ă  l’ébahissement du monde, abrogeait une effarante loi en vigueur depuis 1615, laquelle autorisait l’assassinat des Basques dans le district des fjords occidentaux. L’invraisemblable Ă©dit renvoyant au temps de la saga des baleiniers, on peut s’étonner qu’un Ă©crivain ne se fĂ»t pas emparĂ© plus tĂŽt de l’avatar. Iñaki Petxarroman, journaliste au quotidien Berria, s’est chargĂ© de rallumer avec maestria les feux de l’un des plus cruels Ă©pisodes de leur histoire que les Basques eurent Ă  connaĂźtre Ă  des semaines de navigation de la terre natale. À l’essai historique, l’auteur a prĂ©fĂ©rĂ© le roman, rĂ©digĂ© en euskara, une façon d’entretenir une atmosphĂšre, de camper le dĂ©cor islandais ĂŽ combien hostile, aussi dĂ©routant que l’émission fulgurante des geysers, oĂč des brumes enveloppent, comme des linceuls, une contrĂ©e cernĂ©e par une mer couturĂ©e d’icebergs guillotines oĂč les froids sont plus tranchants que les harpons des baleazale (baleiniers) et dont les noms Ă©voquent tous les dieux du Walhala : Drangajokull, Trekyllisvik, Reyjarfjordur, et Eyjar ou Aedey de sinistre mĂ©moire. En fait, si ce n’est l’histoire d’amour agrĂ©mentant le rĂ©cit, Iñaki Petxarroman n’a rien eu Ă  inventer ; les archives, basques comme islandaises, ne dissimulent rien de l’effroyable Ă©vĂ©nement, ni les noms des protagonistes, ni les dates, ni le prix de la forfaiture. Le livre est d’abord l’occasion d’accompagner, depuis Donostia, les trois navires : Trinitea, Esperantza, Gauerdiko argia, fleurons de la flotte baleiniĂšre pour la campagne baleiniĂšre islandaise de 1615. De faire connaissance avec quelquesuns des quatre-vingt marins dont les noms sont conservĂ©s dans les rĂŽles d’équipage, tous originaires des ports du Gipuzkoa et mĂȘme du Labourd. Se dĂ©tache surtout le nom

B

Le fjord de la

fumée

Les marins basques furent, selon certaines sources, les premiers Européens à s'organiser pour la chasse à la baleine dans l'Atlantique Nord. (Carte ci-dessous)

du capitaine Martin Villafranca, 27 ans Ă  l’heure des faits. Rien ne laissait prĂ©sager le drame, si ce n’est un changement d’attitude vis-Ă -vis des pĂȘcheurs basques de la part de Christian IV, souverain de NorvĂšge et Danemark qui, depuis peu, rĂšgne aussi sur l’Islande. Pourtant tout se passait plutĂŽt bien : « Nous avions l’autorisation de pĂȘcher en Ă©change de 1 000 ducats et d’une baleine », signale le capitaine Martin Villafranca aprĂšs les premiers incidents. Des hivers rudes, un dĂ©but de famine frappant la population islandaise, suffisent Ă  empoisonner les relations, mĂȘme si ces derniĂšres, signe d’authentiques Ă©changes, se font dans ce pidgin basco-islandais, dont aujourd’hui on conserve un dictionnaire. « Zer ju presenta for mi ? Presenta for mi ollara, presenta for ju dirua. » (Qu’avez-vous Ă  me proposer ? Contre une volaille je vous paierai) propose Martin au vieillard, prĂ©cisant qu’ils ont faim et qu’ils voudraient passer la nuit dans sa maison, Ă©crit Iñaki Petxarroman. Aux premiers flocons de septembre annonciateurs du retour vers Donostia, une Ă©pouvantable tempĂȘte dĂ©truit les trois navires, disloquant les barils d’huile de baleine accumulĂ©e en huit mois de pĂȘche ainsi que le prĂ©cieux stock de fanons. Sans armes ni rĂ©serves de bouche, les Ă©quipages se dispersent par groupes et, vivant de rapines, tentent Ă  marche forcĂ©e de gagner un port afin d’embarquer, et c’est la curĂ©e. Une irrationnelle haine va s’attacher aux baleiniers basques traquĂ©s par le shĂ©riff Ari Magnusson, le gouverneur Andres Adal Mundursonn et une population hystĂ©risĂ©e par les prĂȘches de pasteurs luthĂ©riens, « suivant ainsi l’ordre donnĂ© par Christian IV d’emprisonner les pĂȘcheurs basques selon la loi danoise et s’il le fallait, d’utiliser la violence sans l’ombre d’une hĂ©sitation. » Le capitaine Martin Villafranca et trente et un de ses compagnons surpris dans une cabane de pĂȘcheurs, seront sauvagement assassinĂ©s aprĂšs Ă©nuclĂ©ation, Ă©viscĂ©ration, Ă©masculation et jetĂ©s Ă  la mer. Le 22 avril 2015, jour de l’abrogation de la loi funeste, le dĂ©putĂ© gĂ©nĂ©ral du Gipuzkoa, Martin Garitano et Illugi Gunnarson, ministre de la Culture islandais ont inaugurĂ© Ă  Holmavik une plaque commĂ©morative. À leurs cĂŽtĂ©s, Xabier Irujo, descendant direct de l’un des trente-deux marins assassinĂ©s et aussi Magnus Raffson, descendant de l’un des auteurs du massacre. En pidgin basco-islandais Bienvenue se dit : Ungetorre ; un mot qui, en Islande, a enfin repris tout son sens pour les Basques du monde.

KEAREN Fiordoa

1615-ean, Christian IV erregearen aginduz, lege batek islandiarrei baimena ematen zien Euskaldunak hiltzeko. Iñaki Petxarroman-ek, gai horri buruzko liburu hunkigarri bat proposatzen digu.

Mots-clés/Hitz gakoak : Fanon : bale bizar Baleinier : baleazale Iceberg : izotzmendi Massacre : sarraski


tABLE

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t e x t e Txomin Laxalt / p h o t o g r a p h i e s CĂ©deric Pasquini

L’Épicerie, une table d’hîtes L’ÉpiCerie, goMiTen Mahai baT

L’Épicerie, Luz del sur jatetxe atipiko bat da. Badira hiru urte Philippe- eta Sonia-k bezeroen ahosabaia loriatzen dituztela gomiten mahaiaren inguruan eserita. a rue Saint-Jacques. L’une des rues qui respire le plus Ă  l’ñme de Saint-Jeande-Luz, Ă©voquant le grand chemin de Compostelle et bien Ă©videmment le bienheureux abandon de l’étape. Mais point n’est besoin de se sentir l’ñme pĂšlerine pour faire halte au n° 58, l’envie d’une parenthĂšse gourmande suffit. Atypique, surprenante L’Épicerie, parce qu’elle ne rĂ©pond pas aux canons du restaurant traditionnel. imaginez un restaurant qui n’aurait qu’une table ! Mais ici, ce meuble, le plus convivial entre tous, ne saurait rĂ©pondre mieux Ă  la dĂ©finition de table d’hĂŽtes et jongler merveilleusement avec ce curieux mot de la langue française qui dĂ©finit Ă  la fois celui qui reçoit et celui qui est reçu. Philippe et Sonia, en vous accueillant, vous dirigent donc vers l’épicentre de l’établissement, cette table unique laquelle, que vous veniez seul ou en couple, deviendra tablĂ©e. Un concept que Philippe explique avec humour mais luciditĂ© : « Le synonyme mĂȘme de la convivialitĂ©, du partage ; nous nous sommes rendu compte que souvent l’usure inhĂ©rente aux vieux couples engendre parfois des tĂȘte-Ă -tĂȘte silencieux, quand la table d’hĂŽtes favorise le contact et crĂ©e fatalement une ambiance. » Nous l’avions donc testĂ©e Ă  l’heure apĂ©ritive propice Ă  la dĂ©gustation de quelques boquerones, piquillos farcis et au coup d’Ɠil quelque peu inquisiteur sur un environnement explicite quant au nom complet de l’établissement : L’Épicerie, Luz del sur (lumiĂšre du sud). Philippe qui, bien qu’opĂ©rant aux fourneaux, en bon hĂŽte, ne dĂ©daigne pas s’enquĂ©rir de son
 hĂŽte, Ă©voque volontiers une prĂ©cĂ©dente vie ibĂ©rique : « Nous y avons nouĂ© de solides amitiĂ©s entre autres dans le milieu des producteurs. Certains et pas des moindres, Ă  l’annonce de notre projet, y ont adhĂ©rĂ© avec enthousiasme ainsi Joselito. » vous ne trouverez pas ailleurs le jambon Joselito, un pata negra bellota

L

que l’on peut qualifier de joyau gastronomique issu des cochons noirs de Salamanque. Nous avions partagĂ© une tortilla Ă  la morue, goĂ»teuse et onctueuse Ă  souhait et quelques chipirons, il fallait bien une mise en bouche hautement luzienne. Pas le moindre doute quand Ă  la traçabilitĂ© du contenu de votre assiette, les murs de L’Épicerie parlent pour elle, dĂ©clinant en conserves maison, tout ce que Philippe accommode avec, un must, la possibilitĂ© pour le client d’en acquĂ©rir : confits des Landes, bien sĂ»r mais aussi piquillos de Lodosa, artichauts de Tudela, asperges de Navarre, des huiles d’olive de Catalogne et d’Andalousie, un bain de soleil pĂ©ninsulaire. Pas question de quitter le port luzien et un thon façon tataki (19,50 ᔉ) s’imposait, un tourbillon d’épices en bouche sans jamais dĂ©naturer le goĂ»t du scombridĂ© familier : « GrillĂ© vite fait, passĂ© aux trois poivres, vert, rose et noir et Ă  peine soumis au sĂ©same », explique Philippe qui n’hĂ©site pas Ă  vous >> confier la recette : « Parce qu’il n’y a pas de secret de cuisine, seulement des produits frais et une façon de personnaliser les plats. » vous auriez pu tout aussi bien vous abandonner Ă  un cochon de lait (23,50 ᔉ) ibĂ©rique. Philippe nous a confiĂ© qu’il envisageait de lui octroyer un petit frĂšre venu de Bigorre qu’il verrait bien, dĂ©jĂ , accommodĂ©, il n’en saurait ĂȘtre autrement, avec du Tarbais. Question vin, pas d'hĂ©sitation, comme la table, il est unique : un rouge Trasluz (20 ᔉ) de derriĂšre les fĂ»ts, dans lequel on retrouve toute la puissance gustative du Rioja. Quant Ă  la formule entrĂ©e, plat, dessert (14 ᔉ), elle dĂ©cline ce que la maison offre de meilleur. Un mot sur le dessert que l'on vous recommande, ceux qui ont une amatxi d’origine outre-Bidasoa apprĂ©cieront : la lechefrita, un sommet sucrĂ© Ă  base de farine cuite, de lait et de sucre qui charme les papilles et ravive les souvenirs d’enfance. il rĂ©sumerait en fait la philosophie de L’Épicerie : un peu comme Ă  la maison.

entrĂ©e, plat, dessert Ă  14 €

Mots-clés/ Hitz gakoak : Table : mahai hÎte : gomit (qui est reçu) hÎte : gomitatzaile (qui reçoit) Thon : hegaluze

L’épicerie, Luz del sur – 58, rue SaintJacques, SaintJean-de-Luz Tel. : 05 59 24 78 58


LIEU

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t e x t e Txomin Laxalt / photos santiago Yaniz Aramendia

Bakarrik zortzi badira munduan zehar. Portugaletekoa, ez da bakarrik dotoreena baina egunero erabilia da errexki pasatzeko Nerbioko alde batetik bestera.

i

l n’en existe que huit au monde, les ponts transbordeurs sont rares. en Angleterre, ceux de Newport et Middlesbrough sont toujours en service tout comme ceux de Osten et Rendsburg en Allemagne. Le pont transbordeur de Portugalete ou pont de Biscaye fut le premier au monde et, depuis son inauguration, le 28 juillet 1893, mis Ă  part la parenthĂšse 1937-1941, sa nacelle n’a jamais cessĂ©, entre les rives de Portugalete et getxo, d’acheminer un flux ininterrompu de passagers et de vĂ©hicules. 200 personnes et six voitures peuvent embarquer Ă  chacune des 320 navettes quotidiennes d’une durĂ©e de six minutes. en 2015, ce sont quelque 3 179 305 personnes et 484 375 vĂ©hicules qui

nouvelle conception de la rigiditĂ© des poutres latĂ©rales et surtout son invention des cĂąbles toronnĂ©s Ă  torsions alternatives redonneront un second souffle Ă  cette technologie. Au-delĂ  du seul dĂ©fi architectural, Palacio anticipa sur son temps, ayant prĂ©vu aprĂšs un voyage en hollande, que les progrĂšs de la vapeur permettraient d’assĂ©cher les marais, lesquels laisseront place Ă  la trĂšs chic commune de getxo. L’assentiment immĂ©diat de la bourgeoisie de la capitale biscayenne, le financement assurĂ© en grande partie par un tisserand bilbotar, Don Santos LĂłpez de Letona permirent l’ouverture du chantier en 1888. Trois ans, 730 000 mille tonnes de fer laminĂ©, 88 200 kg de cĂąbles d’acier, 10 629 rivets, 31 041 vis, seront nĂ©cessaires Ă  la construction de cet arc de triomphe Ă  la civilisation industrielle avec tout ce que cela impliqua Ă  Bilbo : naissance des grandes compagnies miniĂšres, des hauts fourneaux, des chantiers navals, l’apogĂ©e des familles d’armateurs et des compagnies sidĂ©rurgiques basques. Ses tours hautes de 65 m soutiennent la passerelle traversante longue de 160 m dominant le fleuve Ă  45 m, permettant ainsi aux troismĂąts barques d’aller s’amarrer aux quais de Bilbo ville. Les structures des deux tours sont assurĂ©es par 2 x 4 cĂąbles tendus comme des nerfs, ancrĂ©s aux quais. Ni soudĂ©e, ni rivetĂ©e, la passerelle supĂ©rieure Ă  laquelle est suspendue la nacelle, gravite littĂ©ralement entre les deux tours, grĂące aux 70 cĂąbles dĂ©nommĂ©s pendules qui la (re) tiennent, d’oĂč le nom de pont suspendu. Depuis son inauguration, en 1893, le pont a connu quelques innovations, sa nacelle a Ă©tĂ© modernisĂ©e ; en 2010, il a Ă©tĂ© repeint en rouge Somorrostro (le noir absorbant plus de radiations thermiques). Lors de la terrible inondation de 1983, seul le pont suspendu de Portugalete permit d’assurer une liaison entre les deux rives du Nerbioi. Un monument sans doute aussi cher au cƓur des Bilbotarrak que le thĂ©Ăątre Arriaga ou la vierge de Begoña.

Le PONT SUSPeNDU De

PORTUgALeTe PORTUgALeTeKO ZUBi eSeKiA l’ont empruntĂ©. Ce prodige de fer classĂ© en 2006, par l’UNeSCO, au Patrimoine mondial de l’humanitĂ©, offre la caractĂ©ristique de n’ĂȘtre pas seulement un monument pour touristes mais un vĂ©ritable outil du quotidien permettant aux usagers de passer d’une rive l’autre du Nerbioi (NerviĂłn) en Ă©conomisant les 20 km de trajet routier. On doit cette Ɠuvre maĂźtresse Ă  un concepteur de gĂ©nie, l’architecte Alberto Palacio y elissague. Ce Saratar, par sa mĂšre, fut passionnĂ© par toutes les sciences, de l’architecture Ă  l’astronomie en passant par la mĂ©decine. La fin du XiXᔉ et l’avĂšnement de la rĂ©volution industrielle sonnent l’heure des grands chantiers. Bilbo, corps et Ăąme impliquĂ© dans ce nouvel Ăąge du fer, adhĂšre au projet de Palacio souhaitant relier les deux rives du Nerbioi Ă  l’endroit oĂč elles sont les plus resserrĂ©es, grĂące Ă  un pont transbordeur. Pour sa rĂ©alisation, on s’adresse Ă  l’ingĂ©nieur français Ferdinand Arnodin, le spĂ©cialiste des ponts Ă  cĂąbles du moment, une technique pourtant abandonnĂ©e, suite Ă  l’effondrement des ponts de chaĂźnes d’Angers (1850) et de La Roche-Bernard (1852). Sa

Mots-clés/Hitz gakoak : Pont : zubi Suspendu : esekia Cùble : kable Navette : hara honako ibilgailu


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