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Babylon: Lettre d’Amour au Cinéma, Lettre de Haine à Hollywood, Mais Quelle Lettre Nous Adresses-Tu Chazelle?

By Layla Hammouda, Staff Writer

De la merde.

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Et puis de l’urine, du vomi, de la transpiration, et du sang. Voilà ce qui ponctue l’empire Babylonien bâtit par Damien Chazelle, également réalisateur des machines à succès que sont La La Land et Whiplash. C’est alors dans la décadence et la vulgarité que Chazelle nous fait passer par les trouées de lumières d’Hollywood, afin de nous présenter l’effervescence du cinéma scatologique qu’est Hollywood, on se fait prendre la main par Manuel, jeune homme à tout faire aspirant à une grande carrière dans le cinéma. Il nous entraîne d’abord dans une fête grandiose, animée par une élite frivole, un pur concentré de chaos que même la caméra n’arrive pas à saisir — enchaînant vainement les travellings et les panoramiques.

Manuel rencontre à cette même fête Nellie La Roy — incarnée par Margot Robbie — qui se dit déjà star, mais qui n’a en réal- et âme à l’industrie Hollywoodienne. Alors Hollywood, à la manière d’un ogre qui dévore tout sur

Ainsi, Damien Chazelle reprend la frénésie de Whiplash pour aborder une fois encore cette idée de lutte muet à la jonction des années 20 et 30.

Dès la première scène, on voit un éléphant déverser ses excréments sur un homme, c’est la souillure originelle qui marquera la proximité du realisateur avec le spectateur, au point que la merde en impregne l’objectif de sa camera. Alors afin de pénétrer dans l’univers ité au début que pour elle son ambition et sa hargne d’artiste torturée. Ils converseront sur leur amour pour le cinéma, nous laissant d’emblée apercevoir la lettre d’amour que réserve Damien au 7e art.

Nous suivrons ainsi l’ascension de Nelly en parallèle de celle de Manny, tous deux s’offrant corps son passage, se nourrira des rêves de nos deux ambitieux, pour le meilleur mais surtout pour le pire. Assurément vers la fin des années 20, l’arrivée du son dans le cinéma mettra en sourdine les aspirations de nos protagonistes, et celles de bien d’autres stars établies- tel que Jack Conrad, joué par Brad Pitt. Hollywood après avoir digéré rêves et ambitions, recrache alors, expurge, que ce soit par l’urine, le vomi, la transpiration ou encore la merde. Le premier épanchement de l’éléphant dévoilait alors le cycle de cette industrie qui propulse puis abat les fantasmes au rythme de son évolution. Assurement, dans Babylon, chaque personnage finit par ressentir le besoin de s’échapper, de se libérer, en dansant frénétiquement vers l’obscurité; que ce soit par le suicide, la dependence, ou la retraite. permanente. A l’image de Sisyphe, Hollywood se violente et lutte, et comme on parvient à s’imaginer Sisyphe heureux, libre à nous de voir de la beauté dans l’impitoyable ephemerité cyclique hollywoodienne. Là, est la lettre que nous adresse Chazelle, une lettre dont la ponctuation finale est un point d’interrogation.

Babylon fait il testament d’un cinéma qui s’embourbe dans la merde, dans la crasse qu’il a lui même etalé faisant sombrer avec lui Nellie et bien d’autres?

Ou ne nous mettrait il pas plutot face à une opération digne d’un alchimiste, battant la merde en neige afin d’en extirper de l’or? Afin d’apporter réponse à ce dilemme, Chazelle invite le spectateur à inspecter la salle de cinéma dans laquelle il se trouve, à s’inspecter lui-même.

Le film se finit sur Manuel devant un grand écran des années plus tard, sans voix face à ce que l’avènement du parlant a signifié pour le cinéma, mais surtout pour ceux qui le regardent. On le voit scruter la salle, examiner chaque spectateur avant qu’on ne puisse plus distinguer l’individualité dans la masse du public. Tel un aveu pour Chazelle, le réalisateur reconnaît être héritier de ces cycles d’Hollywood qui dévore puis recrache les ambitieux qui s’en approchent au profit de son évolution. Chazelle reconnaît s’inscrire dans une industrie où semer l’individualité des spectateurs afin de se tourner vers la compacité des publics était devenu presque une condition pour être profitable. La réception de Babylon au cinéma, l’échec total de ce mastodonte de 3 heures au budget astronomique, prouve que Chazelle est leur et l’espoir de ceux qui y croyaient n’étaient pas nécessaires pour offrir ces croyances et cette beauté aux spectateurs.

“Toute la beauté du cinéma ne se trouverait-elle pas justement dans ces cycles qui célèbrent l’éphémère en faveur des ondes du beau qui nous comblent en tant que spectateurs? “ allé au boude sa démarche; au point de se donner luimême raison.

Mais rappelons nous, la lettre que Damien nous adresse se termine par un point d’interrogation. Alors quand les larmes de Manuel coulent devant Singing in the rain , on ne peut s’empêcher de nous demander si toute la dou-

Toute la beauté du cinéma ne se trouverait-elle pas justement dans ces cycles qui célèbrent l’éphémère en faveur des ondes du beau qui nous comblent en tant que spectateurs?

Babylon, dans toute sa décadence qui peut nous paraître au début si lointaine, s’adonne alors au recul de l’idée du spectateur. Jusqu’où la puissance cicatrisante de la beauté des grands écrans pourrat-elle justifier la cruauté du monstre Hollywoodien? Jusqu’à quand sera-til légitime pour les masses des salles de cinéma de délimiter les frontières du beau? Une infinité d’autres points d’interrogations que Chazelle nous adresse comme un cri du cœur, face auquel on ne peut être insensible. Répondre dans l’immédiat à sa lettre si dense serait alors sot, mais pour le moment, on peut reconnaître que c’était une belle lecture.

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